M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les élus locaux de tous bords se plaignent à juste raison des délais de réalisation de leurs investissements.
Le temps trop long passé à l’instruction des dossiers, du fait de l’excès de normes ou des recours qui foisonnent entraînent de mauvaises conséquences financières et économiques pour nos territoires.
Les nouvelles technologies, tout autant que les nouveaux modes de communication, auraient dû au contraire permettre moins de lenteur et plus d’efficacité ; or, c’est tout le contraire qui est constaté.
Lorsque, voici quinze ans, il fallait deux à trois années pour réaliser un investissement communal important, aujourd’hui, il peut se passer au mieux cinq à huit ans entre le moment de la décision et l’inauguration.
Cette problématique concerne également les grands investissements nationaux tels que l’éolien offshore, dont la mise en œuvre prendra deux fois plus de temps en France qu’en Grande-Bretagne ou en Allemagne. En conséquence, ces deux pays font la course en tête dans ce domaine, procurant 70 % des installations européennes. Notre pays, qui a la plus grande façade maritime, reste englué dans les recours à répétition.
Dans les deux cas, locaux et nationaux, c’est l’économie qui « trinque », ce sont nos concitoyens qui en pâtissent, et c’est l’intérêt très particulier qui l’emporte fréquemment sur l’intérêt collectif.
Or l’intérêt général doit primer, c’est pourquoi les recours systématiques et successifs mériteraient d’être pénalisés plus durement et les retards pris dans les réalisations mieux intégrés dans les jugements rendus au détriment des plaignants.
Monsieur le secrétaire d’État, comment le Gouvernement va-t-il se saisir de cette question qui touche autant à l’économie qu’au bon fonctionnement de notre démocratie ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur Vaugrenard, le Gouvernement vous remercie pour votre question sur la mise en œuvre des investissements.
Il s’agit d’un enjeu important, aussi bien pour les industriels que pour les collectivités, et plus largement, pour l’avenir de notre pays.
L’initiative « Territoires d’industrie », engagée le 22 novembre 2018 à l’occasion du Conseil national de l’industrie, a pour ambition d’apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les territoires.
Les travaux engagés dans les 136 territoires labellisés ont mis en évidence l’importance de la simplification administrative dans un contexte où la multiplicité et la complexité des procédures freinent encore trop souvent le développement de certains projets.
Pour aller au-delà des travaux engagés, le Premier ministre a chargé le député d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, le 3 juin dernier, de réaliser une mission sur l’accélération des procédures obligatoires préalables à une implantation industrielle.
Cette mission doit permettre d’analyser les causes de la complexité, de la lenteur et du manque de visibilité vécus par les entreprises et les collectivités et proposer des mesures concrètes pour réduire cette complexité et ces délais.
Les travaux de la mission s’appuient sur l’examen de cas réels, de manière à analyser l’expérience vécue concrètement par les porteurs de projets et à tirer des propositions d’amélioration des procédures administratives et de leur mise en œuvre opérationnelle. À ce titre, je vous invite à faire part à la mission des cas concrets dont vous avez connaissance.
Des comparaisons avec les pratiques de pays étrangers seront mobilisées pour dégager des pistes d’amélioration prioritaires et identifier les meilleures pratiques dont la France pourrait s’inspirer dans l’objectif de définir un délai cible ambitieux et réaliste.
Après avoir procédé à différentes analyses, la mission formulera des recommandations concrètes pour réduire le délai global, donner une meilleure prévisibilité et accroître la transparence sur l’avancement de l’instruction des demandes.
Ces recommandations pourraient notamment consister en la modification des textes en vigueur pour supprimer, raccourcir, paralléliser ou adapter certaines procédures ; renforcer le pouvoir donné aux autorités administratives locales pour adapter les procédures à la réalité des projets et pour assurer une meilleure coordination entre les différentes procédures ; utiliser plus largement des outils numériques et des procédures dématérialisées afin de faciliter les échanges et le suivi ; ou encore organiser des expérimentations visant à lever certains points bloquants.
À ce stade, la mission prévoit de rendre ses conclusions en septembre 2019. Le Gouvernement annoncera dans un second temps les mesures qu’il retiendra afin d’atteindre l’objectif d’accélération des projets que nous partageons pleinement.
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai écouté votre réponse avec beaucoup d’attention. J’attends avec impatience les conclusions de la mission ainsi que ses recommandations.
Vous n’avez pas évoqué l’aspect juridique. Les recours successifs retardent trop souvent des projets pourtant déjà bien engagés et indispensables à nos collectivités, que ce soit à l’échelon local, départemental, régional ou même national. Il faudra adapter notre législation pour que les condamnations soient plus fermes envers les personnes qui déposent des recours de manière systématique et qui retardent les projets en cours.
Ce point est extrêmement important pour les élus locaux dans l’exercice de leurs fonctions au quotidien.
inquiétudes quant aux conséquences de la réforme des finances publiques en seine-maritime
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 814, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Céline Brulin. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement engage une réforme de la carte des trésoreries en faisant valoir la prétendue ouverture de 15 structures supplémentaires en Seine-Maritime.
En réalité, il s’agit d’une désertification inédite. À la place des 41 trésoreries actuelles, regroupant quasiment toutes les fonctions des finances publiques, leurs missions seraient éclatées entre « services de gestion comptable », « conseillers des collectivités locales » et potentiels « points de contact », réduisant finalement les services rendus.
Je dis « potentiels points de contact », car il s’agit en fait de permanences de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, ici dans une éventuelle maison France services, là dans un bureau de poste, alors que ces derniers voient leur présence et leur amplitude d’ouverture réduites dans nos territoires.
Ces permanences pourraient également avoir lieu dans une mairie, mais les maires se méfient légitimement des transferts de charges que cela pourrait engendrer et ne sont pas plus enclins que cela à participer à cette nouvelle vague de déménagement du territoire.
Certains services, comme le dépôt d’apports en numéraire, pourraient enfin être délégués aux buralistes.
Ces points de contact seraient des lieux d’enregistrement et de redirection vers des structures adaptées, telles que le sont précisément les trésoreries, mais qui seraient dorénavant beaucoup plus éloignées.
Les élus locaux, pour qui les trésoreries sont « de performants auxiliaires des communes », comme me l’a écrit un maire, devraient avoir recours aux services de « conseillers aux collectivités » répartis à l’échelle des intercommunalités de taille XXL, perdant eux aussi de la proximité.
Comme si cela ne suffisait pas, cette réorganisation est déconnectée de la réalité, rattachant des communes à des services très éloignés, en méconnaissance totale des bassins de vie.
Cette réorganisation traduit en fait des restrictions budgétaires et des suppressions de postes, comme le disent aujourd’hui les agents mobilisés dans mon département, qui craignent une destruction de l’essence même de leur métier.
Les services des finances publiques assurent des missions essentielles au contact des usagers et des élus locaux. La dématérialisation, pas plus que le tout numérique, ne pourra répondre aux besoins.
Ce plan est censé faire l’objet d’une concertation avec les élus jusqu’au mois d’octobre.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous vous engager à tout remettre sur la table pour que nous puissions travailler réellement à une amélioration des services publics de proximité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Madame la sénatrice Brulin, vous avez appelé l’attention du ministre de l’action et des comptes publics sur les conséquences de la future réforme des finances publiques dans le département de la Seine-Maritime.
La DGFiP a vu ses missions évoluer profondément depuis deux ans. Le réseau se transforme en permanence pour s’adapter aux évolutions démographiques et aux nouveaux modes de relations avec le public, notamment grâce aux nouvelles technologies, tout en cherchant à s’adapter le plus possible aux besoins.
Depuis 2012, près de 700 points de contact ont été fermés, soit environ 18 % et, jusqu’à présent, ces évolutions se décidaient annuellement, sans visibilité territoriale d’ensemble et sans que les élus, la population et les agents soient toujours bien informés en amont. Nous avons engagé une démarche fondamentalement différente.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer une meilleure accessibilité des services publics à la population, notamment dans les territoires où le sentiment d’abandon de l’État se développe. Il souhaite aussi porter une attention toute particulière aux usagers qui sont peu familiers ou éloignés des outils numériques, sans renier la nécessaire modernisation des services publics.
Il s’agit de tirer parti des nouvelles organisations du travail comme des nouveaux usages, notamment les démarches en ligne, la dématérialisation, le travail à distance et le développement d’un traitement plus automatique de certaines tâches répétitives, pour s’organiser différemment : d’un côté, concentrer et dématérialiser les tâches non visibles par le public pour gagner en efficacité et en rapidité de traitement ; de l’autre, apporter une offre de service nouvelle en augmentant très fortement les sites où un accueil physique de proximité sera assuré, notamment dans les maisons France services ou dans les mairies.
L’objectif est d’augmenter le nombre d’accueils de proximité de 30 % d’ici à 2022. C’est un effort sans précédent, qui rompt avec la disparition programmée des accueils de service public.
C’est dans ce cadre, et en concertation avec le préfet du département, que la directrice régionale des finances publiques a élaboré une proposition de nouvelle organisation des services des finances publiques pour le département de la Seine-Maritime. Cela se traduira par une présence de la DGFiP dans 57 des communes de ce département, soit 15 de plus qu’actuellement, dont 9 parmi les communes de moins de 3 500 habitants.
Cette proposition est une première hypothèse de travail ; elle constitue le point de départ d’une concertation très approfondie avec l’ensemble des parties prenantes et des élus et a vocation à évoluer.
La concertation doit se dérouler jusqu’au mois d’octobre avec l’ensemble des élus, de leurs associations représentatives ainsi qu’avec les agents de la DGFiP, leurs représentants et les services de l’État.
M. le président. La parole est à Mme Céline Brulin, pour la réplique.
Mme Céline Brulin. Nous avons déjà entendu ces explications, monsieur le secrétaire d’État.
Les citoyens sont néanmoins très inquiets. Ils déplorent d’ores et déjà des files d’attente importantes et des rendez-vous non honorés dans les points d’accès à ces services.
Les élus locaux sont tout aussi inquiets. Je mets en garde le Gouvernement : de manière tout à fait transpartisane, les élus locaux se mobilisent pour garder des services de proximité.
projet de nouvelle organisation des services des finances publiques
M. le président. La parole est à M. Alain Duran, auteur de la question n° 858, adressée à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Alain Duran. Ma question porte également sur la nouvelle organisation des services des finances publiques à l’horizon de 2022 qui, selon le ministre de l’action et des comptes publics, a pour but de « renforcer fortement la présence des services publics dans les territoires et de moderniser l’action publique ».
La direction générale des finances publiques est une des administrations d’État au maillage le plus fin et le plus dense sur le territoire national. Dans mon département, l’Ariège, il existe aujourd’hui 12 trésoreries et 3 accueils fiscaux de proximité, auxquels sont affectés une quarantaine des 245 agents que comptent les services de la direction départementale des finances publiques, la DDFiP.
Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, nous en sommes au début de la concertation, mais permettez-moi de vous faire part de mes inquiétudes.
Je m’inquiète d’abord pour les usagers. Dans mon département, vous prévoyez de transformer les 12 trésoreries actuelles en accueils dits « de proximité ». Vous prévoyez même d’en déployer 2 autres pour mieux mailler le territoire.
On pourrait applaudir des deux mains, sauf que, pour prendre un exemple, la trésorerie de mon canton, située à Tarascon-sur-Ariège, est ouverte au public tous les matins cinq jours sur sept alors que, à quelques kilomètres de là, dans le canton voisin, les agents des finances publiques de l’accueil de proximité qui a remplacé la perception il y a trois ans ne sont présents que trois demi-journées par semaine. Désolé, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’est pas le même service !
Vous le savez, ce ne sont pas les nouveaux usages – que vous maîtrisez très bien –, tels que la démarche en ligne ou la dématérialisation, qui pourront remplacer cette présence humaine pour bon nombre de nos administrés, souvent âgés et peu familiers des outils numériques.
Plus inquiétant encore pour nos communes, vous créez des « conseillers aux collectivités locales » implantés au plus près des élus. Le comptable public, présent aujourd’hui dans les perceptions, occupera demain un bureau dans les locaux de l’établissement public de coopération intercommunale, ce qui lui fera perdre du même coup son statut.
Alors que cette nouvelle organisation vise, selon le ministre, à « améliorer les prestations offertes en matière de gestion financière et comptable aux collectivités locales et aux élus », je m’interroge sur la qualité du service rendu aux communes. Je pense en particulier à mon département où 8 emplois ont déjà disparu cette année et où la direction départementale des finances publiques prévoit la suppression de 25 postes dans les trois ans à venir.
En fermant 8 perceptions, on concentre sur 3 sites la gestion comptable des 327 communes ariégeoises. Or je peux vous assurer, monsieur le secrétaire d’État, que le volume comptable restera le même, car le nombre de collectivités ne diminuera pas.
Ma question est simple : compte tenu des transformations que vous engagez et de la diminution des personnels, le principe de séparation des ordonnateurs et des comptables, qui apporte aujourd’hui un certain nombre de garanties en termes de sécurité et de probité dans la gestion de l’argent public, et auquel les élus dont je fais partie sont très attachés, sera-t-il maintenu ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le sénateur, comme vous l’avez indiqué, votre question est assez proche de la précédente : j’ai donc un peu peur que ma réponse le soit également. (Sourires.)
Vous avez appelé l’attention du ministre de l’action et des comptes publics sur le projet de nouvelle organisation des services des finances publiques.
Le maillage de la direction générale des finances publiques est l’un des plus denses de l’administration d’État avec, en 2019, près de 3 600 points de contact avec les usagers, particuliers, entreprises et collectivités locales. Cette présence importante traduit la diversité des missions qu’exerce la DGFiP et leur évolution. Cela étant, elle doit être repensée pour mieux répondre aux besoins actuels des usagers, des collectivités locales, notamment rurales, et permettre une amélioration des conditions de travail des agents.
Comme je le disais, la DGFiP a vu ses missions profondément évoluer depuis deux ans et continuera à se transformer avec des chantiers d’ampleur : le prélèvement à la source, la suppression de petites taxes, la fin programmée de la taxe d’habitation, le paiement en liquide externalisé vers d’autres réseaux, la poursuite de la simplification de la déclaration de revenus en sont des exemples emblématiques.
Le réseau se transforme en permanence pour s’adapter aux évolutions démographiques et aux nouveaux modes de relation avec le public, liés notamment aux nouvelles technologies, tout en cherchant à s’adapter le plus possible aux besoins.
Depuis 2012, près de 700 points de contact ont été fermés, soit environ 18 % du réseau. Jusqu’à présent, ces évolutions se décidaient annuellement, sans visibilité territoriale d’ensemble et sans que les élus, la population et les agents soient toujours bien informés en amont. Si des accueils dans d’autres lieux, mutualisés avec d’autres services publics, étaient parfois prévus, ce n’était pas systématiquement le cas. Le ministre de l’action et des comptes publics a souhaité mettre fin à cette mauvaise méthode.
À la suite des annonces du Président de la République et sous l’autorité du Premier ministre, le ministre de l’action et des comptes publics a engagé une démarche fondamentalement différente, privilégiant une réflexion globale, pluriannuelle, concertée et prenant en compte l’attente forte de nos concitoyens de bénéficier d’un service public plus proche d’eux, mais aussi plus efficace.
Le Gouvernement souhaite en effet assurer une meilleure accessibilité des services publics à la population, notamment dans les territoires où le sentiment d’abandon de l’État se développe.
Il s’agit de tirer parti des nouvelles organisations du travail comme des nouveaux usages – démarches en ligne, dématérialisation, travail à distance et développement d’un traitement plus automatique de certaines tâches répétitives – pour s’organiser différemment.
D’un côté, nous voulons concentrer et dématérialiser les tâches non visibles par le public pour gagner en efficacité et en rapidité de traitement, et permettre ainsi à l’État de réaliser des gains de productivité sans dégrader la qualité du service public : je pense en particulier au traitement des factures et des mandats.
De l’autre, notre but est de fournir une offre de service nouvelle en augmentant très fortement les sites où un accueil physique de proximité sera assuré. L’extension de l’accueil sur rendez-vous améliorera la réponse apportée aux questions des contribuables. L’objectif est d’augmenter le nombre d’accueils de proximité de 30 % d’ici à 2022. Il s’agit d’un effort sans précédent, qui rompt avec la disparition programmée des accueils de service public.
M. le président. M. le secrétaire d’État, je vous remercie de votre présence et des réponses apportées à nos collègues.
déploiement de la fibre optique en bretagne et fonds national pour la société numérique
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, auteure de la question n° 838, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Sylvie Robert. Monsieur le ministre, aujourd’hui, nombreuses sont les régions qui se sont lancées et ont investi dans le déploiement de la fibre optique. Pour autant, le taux de couverture demeure particulièrement hétérogène, notamment dans de nombreux territoires ruraux où ce taux est assez faible, voire nul.
En région Bretagne, les collectivités ont décidé d’accélérer le processus de déploiement, afin de couvrir l’ensemble du territoire d’ici 2026 plutôt que 2030. L’objectif est de résorber les fractures numériques au plus tôt et de permettre aux usagers de disposer d’une connexion optimale, tout en maîtrisant les coûts du chantier.
Il convient de rappeler que, si le numérique est un formidable levier permettant de démultiplier les opportunités et les possibilités de nature économique, éducative ou encore administrative, ceux qui ne peuvent y avoir accès se trouvent d’autant plus exclus qu’il tend à être omniprésent. Lutter contre la fracture numérique revient donc à endiguer l’exclusion sociale.
L’investissement des collectivités bretonnes dans le projet de déploiement de la fibre optique a parallèlement un effet positif sur l’économie. En termes d’insertion et d’emploi, il devrait entraîner la création de plus de 600 équivalents temps plein – ETP – en moyenne durant la période de déploiement. Autrement dit, il est particulièrement structurant pour l’ensemble du territoire breton.
Cependant, si les collectivités bretonnes sont extrêmement mobilisées sur le sujet, elles manquent encore de visibilité sur l’engagement financier de l’État au titre du FSN, le Fonds national pour la société numérique, créé dans le cadre du programme d’investissements d’avenir.
Ce fonds doté de 4,25 milliards d’euros doit servir à soutenir l’économie du secteur, à accompagner les nouveaux usages et les services innovants – je pense notamment à la mobilité avec le pacte d’accessibilité pour la Bretagne récemment signé –, à aider le secteur privé et à appuyer la politique publique, ainsi que les collectivités qui participent au développement de la société numérique.
Afin d’anticiper et de préparer au mieux la révision du plan de financement et de concrétiser le projet, les collectivités bretonnes ont besoin de lever toutes les incertitudes sur la participation financière de l’État.
Monsieur le ministre, pourriez-vous préciser quel sera l’engagement de l’État, au travers du FSN, en ce qui concerne le projet de déploiement intégral de la fibre optique en Bretagne ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement. Madame la sénatrice, vous avez raison, le numérique n’est pas un luxe, mais un droit.
Dans le passé, on a trop souvent cru que le numérique permettrait de résoudre tous les problèmes, alors qu’il a aggravé les fractures territoriales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République en a fait l’un des axes majeurs de notre politique d’aménagement du territoire, avec des objectifs très ambitieux : garantir du bon haut débit pour tous en 2020 et du très haut débit pour tous en 2022.
Ces objectifs s’inscrivent pleinement dans les engagements que nous avons pris à l’échelon européen avec l’avènement, d’ici à 2025, de la société du gigabit, qui passe par le déploiement de la fibre optique – en tout cas, c’est la solution technologique que nous privilégions au moment où je vous parle.
Votre question porte sur le déploiement du numérique en région Bretagne, projet que vous soutenez depuis longtemps, madame la sénatrice, et je vous en remercie. Vous savez que je suis à vos côtés sur ce dossier spécifique.
Dans un premier temps, le Gouvernement – et, plus particulièrement, le ministre que je suis – a fait en sorte de sécuriser le financement du FSN, ce fameux fonds doté aujourd’hui de plusieurs milliards d’euros. Nous lui avons ainsi alloué plus de un milliard d’euros de crédits de paiement pour le déploiement et la sécurisation des réseaux numériques partout sur le territoire. En Bretagne, les crédits du FSN ont d’ailleurs déjà été mobilisés pour le déploiement des premières phases du projet.
Alors même que nous avons prévu un dispositif permettant aux acteurs privés d’intervenir au travers du lancement des appels à manifestation d’engagements locaux, les fameuses procédures AMEL, et que nous avons sécurisé les premières phases du plan, la question qui reste devant nous est de savoir comment nous pouvons d’ores et déjà préparer « l’après », c’est-à-dire le déploiement du numérique entre 2022 et 2025. En l’occurrence, la région Bretagne est particulièrement concernée par ce défi.
Après tout ce travail réalisé depuis maintenant un an et conformément à plusieurs des engagements que j’ai pris, et que le sénateur Patrick Chaize connaît bien, nous sommes en train d’identifier, territoire par territoire, le montant des aides qui seront nécessaires. Nous engageons cette démarche à la fois avec les services de l’État et nos partenaires : l’objectif est de pouvoir vous transmettre cette évaluation une fois réalisée, et de décider de la répartition des crédits dans le cadre des prochaines lois de finances.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour la réplique.
Mme Sylvie Robert. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
J’attendrai donc avec impatience le prochain projet de loi de finances. Vous connaissez la mobilisation de longue date de la Bretagne pour accélérer le processus et, surtout, combler les inégalités territoriales. J’espère vraiment que l’État sera au rendez-vous du déploiement de la fibre optique.
difficultés des communes rurales à gérer la compétence « affaires scolaires »
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 832, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Brigitte Micouleau. Monsieur le ministre, de nombreuses communes, particulièrement en zone rurale, rencontrent d’importantes difficultés pour la gestion de la compétence « affaires scolaires ».
En effet, à la suite de la fusion d’intercommunalités, cette compétence a été restituée à certaines communes rurales qui, ayant essuyé un refus de créer un syndicat à vocation scolaire, ont pris la décision de constituer une entente, qui s’est révélée la meilleure solution envisageable eu égard aux exigences de la loi NOTRe et aux schémas départementaux de coopération intercommunale.
Or la forme conventionnelle de ces regroupements, qui n’a aucune valeur juridique, implique qu’une commune soit juridiquement responsable et assume tous les risques en intégrant dans son budget celui de l’entente scolaire, rendant difficiles le suivi et la lisibilité de l’activité liée directement aux questions scolaires. Le budget de fonctionnement est ainsi obéré par la prise en charge des emprunts contractés pour les investissements de l’entente, et ce au détriment de l’activité propre de la commune. Les nombreux obstacles rencontrés nourrissent chaque jour la grande déception des communes.
Pouvez-vous m’indiquer, monsieur le ministre, dans quelle mesure le Gouvernement pourrait autoriser la création d’un syndicat à vocation scolaire, tout particulièrement pour les petites communes situées en milieu rural, qui ont la volonté de se regrouper et de mutualiser leurs moyens pour exercer une compétence commune dans de bonnes conditions et, ainsi, assurer la continuité des services qui y sont rattachés ?
Cela permettrait de régler les problèmes juridiques et de gestion supportés actuellement par une seule commune rapidement mise en difficulté.