M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je n’ai pas pris le temps de le faire dans ma question, mais je tiens à saluer le rapport présenté par la délégation sénatoriale à la prospective.
Madame la ministre, depuis trente ans, les choses avancent en ce qui concerne la transition en matière énergétique et agricole, ainsi qu’en matière de mobilités – vous êtes bien placée pour connaître ce sujet –, mais nous sommes encore à la traîne pour le bâti. Ainsi, notre pays importe encore beaucoup de bois, alors que nous sommes un pays forestier.
Pourtant, nous avons à notre disposition des solutions écologiques, sociales et locales qui constituent souvent des opportunités pour nos territoires. Il est donc temps de mettre en œuvre, en lien avec les collectivités locales, un véritable plan national en faveur du secteur du bâtiment.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bignon.
M. Jérôme Bignon. J’aimerais à mon tour remercier Ronan Dantec et Jean-Yves Roux pour la qualité du travail qu’ils ont accompli avec la délégation à la prospective et pour l’ensemble des propositions qui sont présentées dans leur rapport. Leur travail, que nous devrons faire partager à nos concitoyens, va être extrêmement utile ; leurs propositions devront être approfondies et adaptées à nos territoires. La perception de ces sujets est en train d’évoluer et ce type de document est très utile pour cela.
Il ne faut plus tarder ! Les nouveaux modèles de simulation numérique du climat évoquent un réchauffement pouvant aller jusqu’à 7 degrés en 2100 – c’est ce qu’une récente étude a montré – et, même si certains sont sceptiques, nous savons dorénavant que la vie va devenir insoutenable. Nos sociétés doivent donc changer et ce rapport comme les réponses du Gouvernement vont dans le bon sens pour mutualiser les connaissances et traiter les sujets qui nous préoccupent comme la submersion marine ou l’érosion des côtes.
Madame la ministre, ma question concerne les outre-mer : comment mieux prendre en compte les sentinelles avancées que sont ces territoires ?
Hier matin, j’étais sur les îles Glorieuses, après être passé les jours précédents par les îles de Juan de Nova et d’Europa, dans le canal du Mozambique. Ces endroits sont de véritables merveilles du monde et constituent des sentinelles avancées pour la protection de la biodiversité et l’observation du réchauffement climatique. Les savants et militaires qui y travaillent sont des passionnés et des défenseurs de la souveraineté de la France ; en même temps, ils sont au cœur des préoccupations qui sont les nôtres : le réchauffement de l’eau, l’absence d’eau douce, les pertes animales…
La France a une responsabilité particulière en raison de ses territoires ultramarins qui sont répartis sur l’ensemble de la planète, dont les îles Éparses que je viens d’évoquer.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage tout à fait ce que vous avez dit. Effectivement, le dernier rapport du GIEC sur les océans et la cryosphère montre que le besoin d’adaptation est urgent. Ce rapport est dans un sens assez effrayant, puisqu’il nous indique que, même si nous n’émettons plus un gramme de CO2 à partir d’aujourd’hui, l’effet des émissions antérieures sur des systèmes inertes comme les océans nous oblige tout de même à gérer un certain nombre de conséquences inéluctables pour le siècle actuel, et, sans doute, pour les suivants.
Cette action d’adaptation doit être menée avec beaucoup de détermination, notamment dans les outre-mer, qui sont particulièrement concernés. Chacun a en tête la catastrophe Irma, il y a deux ans. Quand ce rapport du GIEC a été présenté par les scientifiques dans mon ministère, le ministre de l’environnement de la Polynésie française était présent. Or, dans ce territoire, un certain nombre d’atolls sont appelés à disparaître.
Nos outre-mer sont donc en première ligne sur ces questions d’adaptation au changement climatique, mais, en même temps, ils doivent être à l’avant-garde des solutions à développer, fondées sur la nature. Je pense aux mangroves, aux récifs de corail, qui sont au cœur des réflexions que mènent les collectivités. Il faut appuyer ce mouvement.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Ronan Dantec et Jean-Yves Roux ont brillamment restitué, le 16 mai dernier, devant la délégation à la prospective, leurs travaux concernant les dérèglements climatiques. Les impacts du réchauffement sont ciblés, cartographiés selon les différentes régions de France, exposant clairement ce à quoi l’on peut s’attendre d’ici à 2050 et après.
Considérant l’urgence et la nécessité du concours de chacun pour lutter contre les conséquences dramatiques du changement climatique, madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il faille créer une compétence « réchauffement climatique » dévolue à l’État, aux régions, aux départements, aux EPCI et aux communes, afin que chacun saisisse dès maintenant l’occasion d’anticiper et d’intégrer ces changements dans tout projet ? Par exemple, il faudrait permettre aux communes, à l’occasion de travaux ou de constructions, de prévoir des ouvrages de drainage ou de stockage d’eau, qui atténueront les inondations ou alimenteront les sites arides.
Votre ministère peut, dès à présent, donner ses directives sans perdre des années dans l’élaboration d’un énième schéma régional. Certaines actions sont aussi simples qu’urgentes, et je crois qu’il serait judicieux de compter sur le bon sens local, celui des communes et des intercommunalités, notamment, pour mettre en place, au fur et à mesure de leurs réalisations, les moyens de lutter contre des fléaux parfois déjà installés. Encore faut-il leur en donner la compétence, les inciter et les accompagner financièrement dès à présent.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Comme l’indique le rapport, les sujets de l’adaptation et de l’atténuation sont éminemment transversaux, et touchent l’ensemble des compétences et des secteurs. La priorité est bien de coordonner les différentes actions en la matière.
Les compétences sont aujourd’hui déclinées aux différents niveaux de collectivités. J’en suis convaincue, la réussite de l’adaptation au changement climatique passe par une mobilisation non seulement de l’État, mais aussi des régions et des intercommunalités. Précisément, la loi NOTRe a confié aux régions l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, un Sraddet, dans lequel doivent figurer les orientations sur l’adaptation au changement climatique.
De leur côté, les intercommunalités de plus de 20 000 habitants doivent élaborer un plan climat-air-énergie territorial, un PCAET, avec une série d’actions pour se préparer aux impacts du changement climatique.
En tant que chefs de file climat-air-énergie, les régions ont naturellement vocation à animer, sur leur territoire, la thématique de l’adaptation au changement climatique.
Par ailleurs, s’agissant des projets, ceux qui ont des impacts sur l’environnement doivent être accompagnés d’une évaluation environnementale et stratégique, puis faire l’objet d’une consultation du public avant d’être autorisés. Depuis 2016, cette évaluation doit, en particulier, analyser les incidences du projet sur le climat et sa vulnérabilité au changement climatique. Ce diagnostic est nécessaire pour identifier et anticiper les fragilités des aménagements et de leurs usages. Cela permet ensuite de prévenir les dommages consécutifs au changement climatique sur les infrastructures en les adaptant.
Vous le voyez, nous avons aujourd’hui les outils ; maintenant, il faut passer aux actes !
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour la réplique.
Mme Sylvie Vermeillet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse encourageante. Comme on l’a fait pour la mise en œuvre de l’accessibilité des locaux aux personnes handicapées, il faudrait rendre systématique la prise en compte des effets du changement climatique pour tous les marchés publics, puis, en conséquence, pour les travaux dans toutes les collectivités.
Au-delà du soin apporté à la qualité des bâtiments, il faut se prémunir aujourd’hui des inondations, de l’assèchement, de la disparition de nos forêts, car les scolytes et autres parasites y font actuellement des ravages incommensurables. Il nous faut donc agir conjointement et immédiatement en libérant les actions locales.
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Que cela nous plaise ou non, il faut faire la révolution, en commençant par nos grandes villes, nos métropoles. Pendant des années, pour éviter le mitage des territoires, on nous a recommandé de construire en hauteur, de manière très dense. Bref, il fallait faire en sorte que les villes ne prennent pas d’espace. Résultat des courses : aujourd’hui, le réchauffement climatique est un drame dans ces villes. Très logiquement, on nous dit désormais qu’il faut des poumons verts et la présence d’eau pour que les villes respirent.
C’est donc une inversion des demandes par rapport à celles qui étaient adressées aux métropoles et aux grandes villes voilà vingt ou trente ans. Or, si tous les textes votés ces dernières années sur le logement et l’urbanisme traitent de la soutenabilité financière de la construction ou de l’équilibre urbain entre les quartiers, en réalité, très peu de textes sont extrêmement clairs et précis sur la capacité de nos métropoles à respirer mieux, à subir, à supporter le réchauffement climatique.
Madame la ministre, est-ce que le Gouvernement envisage des modifications des textes sur le logement et l’urbanisme, ce qui impliquera, évidemment, pour les collectivités, des modifications de leurs règlements d’urbanisme et de construction ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous soulevez un vaste sujet : finalement, au regard des enjeux de climat et de biodiversité, vaut-il mieux poursuivre une politique pour une ville dense ou faut-il y renoncer, donc accélérer une politique d’étalement urbain, ce qui ne me semble favorable ni au climat ni à la biodiversité ?
Pour ma part, je suis convaincue qu’il faut, avec détermination, et en articulation avec les régions dans le cadre de leur Sraddet, avec les intercommunalités dans le cadre de leur réflexion sur la planification urbaine, lutter contre l’artificialisation des sols. Ces modèles sont néfastes pour la biodiversité et entraînent des modes de vie qui sont extrêmement émetteurs de gaz à effet de serre. On a pu voir aussi qu’ils peuvent être très coûteux pour nos concitoyens.
Cependant, il faut très certainement mener cette réflexion sur la conception de nos villes denses en intégrant mieux ces enjeux de « renaturation » et de circulation de l’air dans les espaces urbains. C’est ce que fait le Gouvernement avec la thématique « La nature en ville ». Cela recouvre différents dispositifs techniques liés au végétal, à l’animal, à l’eau et aux sols, qui offrent des atouts pour les habitants en matière de bien-être, de qualité de l’air, de fraîcheur et de paysages. Cela concourt aussi à atteindre nos objectifs en faveur de la biodiversité.
J’y insiste, ces modèles de ville doivent être repensés pour s’adapter au changement climatique et favoriser une plus grande biodiversité en ville.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.
M. Roger Karoutchi. Madame la ministre, je suis d’accord avec vous, mais alors, il faut prendre les mesures nécessaires. Aujourd’hui, les communes qui veulent végétaliser, notamment les toits des immeubles – j’en connais beaucoup dans les Hauts-de-Seine –, n’ont pas le sentiment d’être très accompagnées ni au niveau réglementaire ni au niveau financier. Il faut probablement que la réflexion sur le maintien des villes telles qu’elles sont – on ne va pas les démolir pour les étendre – débouche sur une vraie politique dynamique et une vraie sensibilisation de nos élus, qui, jusqu’ici, construisaient dense, étant moins tournés vers la respiration.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Le dernier rapport du GIEC du 26 septembre nous alarme sur l’augmentation du niveau de la mer et des océans. La France figure parmi les zones géographiques les plus menacées par la submersion et l’érosion des côtes.
Notre pays compte en effet de nombreux kilomètres de littoral. Aujourd’hui la densité de population est 2,4 fois plus élevée sur le littoral que la moyenne nationale et, d’ici à 2040, d’après l’Observatoire national de la mer et du littoral, 40 % de la population vivra sur les bords de mer.
Je salue le rapport de la délégation, qui permet de donner une vision globale de l’ensemble des défis auxquels la France et le reste du monde devront faire face d’ici à quelques années, et qui nous donne également l’occasion d’interpeller le Gouvernement sur les risques climatiques et la gestion des catastrophes naturelles.
En effet, avec les dérèglements climatiques, les catastrophes naturelles, qui sont souvent définies comme des épiphénomènes, vont devenir de plus en plus courantes dans les années à venir. Les Français et les élus locaux sont déjà, et seront de plus en plus confrontés aux dérèglements climatiques, et donc aux aléas climatiques comme les tempêtes, les sécheresses, les inondations, etc.
Au vu de ces enjeux et de ces défis, il semble crucial de réorienter les politiques publiques dès maintenant et d’investir dans le service public pour protéger et accompagner les populations et les élus des territoires.
C’est pourquoi les dispositifs de prévention et d’accompagnement des élus locaux et des sinistrés doivent être placés à la hauteur des enjeux.
Les changements climatiques entraînent des bouleversements profonds de nos écosystèmes au-delà des nécessaires évolutions de nos modes de vie ; ils bouleversent toute l’organisation de notre société.
Madame la ministre, à quand des politiques ambitieuses, qui permettront d’accompagner ces changements en faisant les efforts nécessaires pour prévenir les conséquences du dérèglement ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. C’est tout l’objet du plan national d’adaptation au changement climatique de prévenir l’ensemble des conséquences, que l’on sait désormais inéluctables, de ce réchauffement climatique, que l’on peut d’ores et déjà constater.
Je le répète, il faut mener avec détermination nos politiques d’atténuation. C’est tout le sens des objectifs de neutralité carbone, qui sont désormais inscrits dans la loi énergie-climat, et qui se déclinent non seulement dans cette dernière, en ce qui concerne la rénovation thermique et la lutte contre les passoires thermiques, mais aussi dans la loi sur les hydrocarbures, la loi d’orientation sur les mobilités ou la loi Égalim, qui propose des mesures importantes pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
Dans le même temps, les mesures proposées par le plan national d’adaptation au changement climatique sont tout aussi indispensables. Vous le savez, l’État agit pour accompagner nos concitoyens face à ces risques naturels qui peuvent s’aggraver. C’est le cas, par exemple, avec la surveillance des cours d’eau, des prévisions étant publiées sur le site Vigicrues. Près de 12 000 communes sont également couvertes par un plan de prévention des risques. Enfin, l’État accompagne aussi les communes avec le fonds Barnier, qui est un outil majeur de financement de la politique de prévention des risques naturels. Il apporte en effet un soutien aux actions des collectivités locales. À ce titre, il sera un levier très important, alors que nous devons nous préparer à des risques croissants, tels que les crues ou les subversions marines, en raison du dérèglement climatique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, pour la réplique.
Mme Nicole Bonnefoy. Je remercie Mme la ministre de sa réponse. Je suis d’accord, le fonds Barnier est un outil majeur de prévention. Nous aurons l’occasion de vérifier s’il n’est plus ponctionné à l’avenir comme il l’a été jusqu’à présent dans le cadre des lois de finances. Il doit vraiment servir à mettre en œuvre les plans de prévention nécessaires au regard des problématiques climatique.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Le rapport de nos collègues Jean-Yves Roux et Ronan Dantec apporte un éclairage précis sur les conséquences des dérèglements climatiques auxquels notre pays devra faire face dans les prochaines décennies.
Parmi ces dérèglements figure la survenue de vagues de chaleur plus fréquentes, plus longues et plus sévères.
Nous en avons vécu deux successives cet été, qui ont aggravé une situation de sécheresse déjà bien présente depuis l’an dernier. Nos agriculteurs peuvent malheureusement en témoigner. Le rapport confirme ce que nous craignons tous : une augmentation de l’intensité, mais aussi de la durée, de la sécheresse des sols, qui passerait de deux mois actuellement, soit de mi-juillet à mi-septembre, à quatre mois d’ici à 2050, c’est-à-dire de mi-juin à mi-octobre. Et je parle ici de moyennes, puisque des restrictions d’eau sont encore imposées aujourd’hui dans bon nombre de départements.
Le 21 août, le ministère de l’agriculture a autorisé l’exploitation des terres en jachère pour nourrir les bêtes, en raison de niveaux de stocks de fourrage particulièrement bas. Aujourd’hui, au-delà de ces mesures d’urgence, il est indispensable de penser et de mettre en œuvre des solutions à long terme pour garantir la survie de l’agriculture française, qui est un modèle pour de nombreux pays.
Parmi les idées qui émergent figurent les retenues d’eau, ou retenues collinaires. Ces structures sont destinées à recueillir l’eau de pluie et de ruissellement, notamment en automne et en hiver, pour la restituer à l’agriculture lorsque la pluie se fait plus rare. Une soixantaine de retenues devraient être autorisées par le ministère d’ici à 2022.
Ma question est donc double : pensez-vous que le stockage de l’eau soit la solution appropriée à encourager ? Plus largement, pensez-vous qu’en raison du changement climatique profond que nous vivons, il faudra, dans certaines régions, envisager une évolution globale des pratiques agricoles ?
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Vous avez raison de souligner que l’agriculture est un des secteurs particulièrement exposés au dérèglement climatique et aux modifications hydrologiques qui l’accompagnent. Je pense qu’il est important, et même essentiel, de réduire la vulnérabilité de l’agriculture à un risque accru de manque d’eau dans ce contexte. Vous le savez, le Gouvernement porte une attention particulière à la gestion durable de la ressource en eau. C’est tout le sens des travaux menés dans le cadre des Assises de l’eau, qui ont permis de donner les grandes orientations sur les politiques publiques relatives à la gestion de la ressource.
Le Gouvernement veillera à ce que l’instruction de mai 2019, publiée conjointement par mon ministère et le ministère de l’agriculture, soit suivie d’effets sur l’ensemble de ces points, plus particulièrement sur le volet relatif à la recherche d’économies d’eau et d’adaptation des cultures. Les services de l’État sont mobilisés pour accompagner les territoires dans l’élaboration de projets de territoire pour la gestion de l’eau, les PTGE.
Il est indispensable que toutes les solutions soient considérées. La recherche de sobriété et d’optimisation de l’utilisation de l’eau passe notamment par des réflexions sur des variétés mieux adaptées aux territoires, les solutions de stockage ou de transfert, et donc sur la transition agroécologique, qui est porteuse de solutions pour une meilleure résilience de l’agriculture face aux changements climatiques.
Sur votre question très précise des retenues collinaires, je dirai que, d’une manière générale, le stockage artificiel de l’eau est une solution possible, parmi d’autres, pour répondre au problème du décalage dans le temps entre la disponibilité de l’eau et les besoins des cultures. Parmi les stockages artificiels, les retenues collinaires sont souvent préférables à des barrages en cours d’eau, un tel dispositif ayant, dans la plupart des cas, moins d’impact. Cependant, il ne faut pas oublier que cela a aussi un effet non négligeable sur le cycle de l’eau. Aussi, avant d’examiner ces solutions de stockage, il faut donc, au préalable, examiner toutes les solutions de sobriété.
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour la réplique.
M. Éric Gold. J’étais hier au Sommet de l’élevage, à Clermont-Ferrand, avec le ministre de l’agriculture, et je voudrais insister sur la détresse actuelle des agriculteurs, qui ont besoin d’une politique claire, notamment en matière de stockage de l’eau et d’irrigation potentielle. Hier, j’ai ressenti une grande frustration de leur part, et je voulais ici m’en faire le porte-parole.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, les images de l’Amazonie en feu ont fait le tour du monde, suscitant l’indignation internationale. Pour faire miennes des paroles si souvent prononcées ces derniers jours, je dirai que notre maison brûlait, mais que, cette fois-ci, nous la regardions brûler en direct. Dans cette même maison, en Guyane, nous sommes en guerre contre l’orpaillage illégal, véritable fléau environnemental, économique et social.
L’émotion passée, chacun s’interroge sur les conséquences terribles de ces incendies sur le climat.
La première est évidemment la libération dans l’air d’une très grande quantité de dioxyde de carbone, principal gaz à effet de serre. C’est aussi la destruction de puits de carbone essentiels et de réserves de biodiversité exceptionnelles.
La forêt amazonienne régule en partie, par son rôle fondamental dans le cycle hydrologique du bassin amazonien, le climat non seulement de l’Amérique du Sud, mais aussi du monde entier. L’assèchement provoqué par la déforestation et les feux dégrade enfin les cycles de l’eau et du climat.
Selon certains scientifiques, la multiplication des grandes sécheresses exposerait l’Amazonie à un risque de « savanisation » qui, si elle advenait, tomberait comme un couperet sur la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour être clair, on estime aujourd’hui qu’une déforestation de 20 % à 25 % de l’Amazonie pourrait faire basculer fatalement son climat. À ce jour, la forêt aurait déjà été détruite à plus de 19 % depuis 1970.
Dans l’esprit du rapport présenté par notre délégation à la prospective, dont je veux saluer la qualité, j’estime que cette politique d’adaptation constituerait une possibilité de développement pour la Guyane.
Aussi, madame la ministre, comment la France peut-elle déployer en Guyane des politiques d’adaptation afin de préserver ce bien commune qu’est l’Amazonie ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Effectivement, les images d’incendies en Amazonie ont ému toute la communauté internationale. C’était, si j’ose dire, une bonne chose, car cela a contribué à faire de la protection de l’Amazonie, et plus généralement des forêts équatoriales, un thème important du G7 de Biarritz. Ce sujet était également à l’ordre du jour du sommet sur le climat en amont de la dernière Assemblée générale des Nations unies, le 23 septembre.
Cette crise que connaît la forêt amazonienne, ainsi que, de façon générale, toutes les forêts tropicales, nous alerte, une fois de plus, sur le lien très fort entre les questions de lutte contre le dérèglement climatique et les problèmes de biodiversité.
La lutte contre la déforestation est un enjeu majeur. Vous le savez, la France est un des premiers pays à s’être doté d’une stratégie nationale contre la déforestation importée. Le Président de la République a eu l’occasion d’aborder ce sujet dans l’enceinte des Nations unies, en souhaitant que le « zéro carbone » et le « zéro déforestation » soient l’horizon des futurs accords commerciaux.
Il faut agir dès maintenant. À cet effet, le service « valorisation économique de la biodiversité », qui a récemment ouvert en Guyane, a vocation à apporter son appui pour, à la fois, permettre un développement de nos territoires et lutter contre la déforestation qui affecte encore trop souvent nos forêts équatoriales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Moga.
M. Jean-Pierre Moga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne la raréfaction de la ressource en eau.
Le rapport Explore 2070 montre que la baisse de la recharge des nappes phréatiques est déjà amorcée. Deux territoires sont particulièrement affectés : le sud-ouest, dont mon département, le Lot-et-Garonne, fait partie, avec une perte de 30 % à 50 %, et le bassin de la Loire, avec une baisse de 25 % à 30 %.
L’étude Garonne 2050, menée par l’agence de l’eau Adour-Garonne de 2010 à 2013, nous apprend que ce bassin connaît un déficit annuel de 200 millions de mètres cubes. Cette étude révèle aussi que, si des mesures immédiates ne sont pas prises, cela entraînera des conflits entre les différents usagers. Ainsi, tous les usages de l’eau, c’est-à-dire la consommation humaine, l’agriculture, le tourisme, la préservation des milieux aquatiques, seront affectés.
La France est pourtant un pays d’abondance hydrique, grâce à son climat tempéré et à la multitude de ses fleuves et de ses montagnes.
Pour améliorer le rapport entre les besoins et les ressources, on pourrait engager plusieurs actions simultanées : inciter financièrement à la réduction de consommation d’eau ; partager la ressource entre les territoires où elle est plus ou moins abondante ; encourager le recyclage ; développer le stockage de l’eau en hiver avec la construction de nouvelles retenues collinaires et de haute montagne et le développement de nouvelles techniques de recharge des nappes phréatiques.
Les sécheresses survenues pendant les étés de 2018 et de 2019 sont la démonstration que l’idéologie anti-irrigation, anti-stockage de l’eau ne peut être une réponse adaptée face aux aléas climatiques que nous connaissons.
Madame la ministre, ne pensez-vous pas que faire obstacle de manière vertueuse à l’écoulement de l’eau est une nécessité absolue pour conserver une agriculture permettant de nourrir les populations et maintenir des étiages suffisants pour préserver la faune et la flore de nos fleuves, de nos rivières et de nos ruisseaux ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Très clairement, le Gouvernement n’est pas dans une posture anti-irrigation ou anti-stockage d’eau.
M. Bruno Sido. Ah bon ?
M. François Bonhomme. Qu’il le démontre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Je voudrais rappeler que l’instruction conjointe du ministère de l’agriculture et de mon ministère, qui date du mois de mai, et qui est le résultat des concertations et des travaux menés dans le cadre des Assises de l’eau, prévoit bien l’élaboration de projets de territoire pour la gestion de l’eau dans une approche globale.
Vous avez bien mentionné la variété des usages et des besoins de l’eau, que ce soit pour l’alimentation en eau potable, pour le maintien de la biodiversité, ce qui suppose un certain niveau d’étiage dans les cours d’eau, pour la lutte contre les incendies, autre enjeu important découlant lui aussi du réchauffement climatique, ou pour l’agriculture.
Nous devons bien évidemment apporter des réponses à nos agriculteurs pour leur permettre de mener durablement leur activité dans de bonnes conditions.
Je le redis, tout le sens des projets de territoire pour la gestion de l’eau, c’est d’analyser l’ensemble des besoins en eau et de conduire une réflexion, qui passera, nécessairement, par l’examen de pistes pour atteindre une plus grande sobriété. Nous pouvons y parvenir en investissant, par exemple, dans des matériels agricoles ou en choisissant des variétés de plantes plus adaptées aux terroirs. Ces préalables réalisés, nous pourrons ensuite, et ensuite seulement, travailler à des projets de stockage d’eau, notamment sous forme de retenue collinaire. Nous devons aussi nous assurer de la sécurisation juridique de ces projets. En effet, j’ai bien conscience qu’ils ont fait l’objet de contestations dans de nombreux territoires.