M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. À cette heure avancée de la soirée, je souhaite exprimer ma très grande satisfaction, et même mon plaisir. Pour moi, c’est une source de rajeunissement, peut-être même un bain de jouvence. (Sourires.)
Enfin, comme dans l’ancien monde, un bon vieux débat entre la gauche et la droite sur des questions essentielles, puisqu’elles relèvent à 100 % du symbole ! (Rires et applaudissements.)
Je veux rappeler de quoi nous parlons. Il s’agit d’un document que l’on appelle – c’est très joli ! – « pacte de gouvernance ». Ce document est très solennel, sauf que, nous avons tous oublié, moi le premier, au moment où nous nous enflammions dans ce débat essentiel, que ce pacte de gouvernance, malgré un nom qui annonce une ambition considérable, était un document facultatif ! (Rires.)
Aucune intercommunalité n’est et ne sera jamais obligée de conclure un pacte de gouvernance, Dieu merci d’ailleurs !
Il est heureux que le législateur, dans sa sagesse, ait tout de même défini ce que pourrait contenir un pacte de gouvernance. Sinon, nos collègues élus seraient sans doute bien ennuyés et risqueraient de perdre beaucoup de temps à le concevoir.
Il existe toute une énumération de ce que pourraient prévoir les pactes de gouvernance, et nos collègues du groupe socialiste et républicain ont voulu ajouter une énième question à aborder dans le pacte de gouvernance : celui-ci définirait les conditions dans lesquelles on pourrait associer les citoyens à la prise de décision.
Mme Éliane Assassi. Écoutez bien, à droite !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Pour parler vulgairement, on dirait que cela ne mange pas de pain !
Cela étant, il n’est pas du tout dans mon intention d’abaisser le débat à un niveau que ne préfigurent pas les considérations très élevées que nous avons échangées pendant près d’une demi-heure sur cet aspect primordial du projet de loi présenté par le ministre chargé des collectivités territoriales.
L’article 23 du présent texte – ne pas en connaître le contenu est tout à fait pardonnable – comporte une mesure de simplification que, je l’espère, vous voterez : il tend à supprimer une instance qui était jusqu’ici obligatoire dans toutes les intercommunalités de plus de 20 000 habitants et qui s’appelait le conseil de développement.
M. Laurent Duplomb. C’est cela !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dans la loi NOTRe, cet organe était destiné à associer les forces vives de l’intercommunalité à la prise de décision.
M. Laurent Duplomb. Encore un machin !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Si les élus intercommunaux veulent mettre en place un conseil de développement, on ne peut pas les en empêcher.
Néanmoins, comme nous sommes favorables à davantage de liberté, on va cesser de rendre ce conseil de développement obligatoire. Cela pourrait même contribuer à faire des économies, parce que, dans la pratique, une intercommunalité de 20 000 habitants peut très bien réussir, sans conseil de développement, à associer les forces vives du territoire à son fonctionnement.
M. Loïc Hervé. Tout à fait !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. En commission des lois, un certain nombre de collègues ont toutefois déploré que nous supprimions cette institution obligatoire qu’est le conseil de développement.
Nos rapporteurs se sont alors dit qu’il faudrait peut-être quelque peu édulcorer cette mesure. C’est la raison pour laquelle, moyennant une rectification qui vient d’être acceptée par les auteurs de l’amendement du groupe socialiste et républicain, ceux-ci ont estimé que, après tout, dans un souci d’équilibre, on pourrait tout aussi bien laisser passer cet amendement.
Puisque ce pacte de gouvernance est facultatif, peu importe ce que l’on prévoit d’y faire figurer de manière obligatoire. (Rires.)
En l’absence d’un véritable acte de foi en faveur de l’amendement, notre rapporteur a donc estimé, avec beaucoup de discernement, qu’il n’était pas impossible de le voter et vous a même recommandé de le faire.
Je voudrais joindre ma voix à la sienne par respect pour nos collègues et pour la bonne conduite de notre débat, qui suppose tout de même de prendre en compte les opinions et les convictions, exprimées parfois avec beaucoup de force et même assénées sur l’ensemble de nos travées.
M. Martial Bourquin. Très bien !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas obligés d’adhérer réellement à l’idée que cet amendement constitue un apport extraordinaire, mais il n’y a aucun mal à l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, bienvenue dans le nouveau monde ! (Sourires.)
Le 8 septembre 2019, votre collègue Muriel Pénicaud, interrogée sur BFM TV à propos de la nouvelle étape du quinquennat de M. Macron, reconnaissait que le Gouvernement avait appris des choses, qu’il fallait maintenant aller plus loin dans la démocratie participative, que l’on ne pouvait plus se contenter de donner un mandat à des élus, et que les citoyens voulaient contribuer davantage.
Par la suite, on nous a expliqué que le Gouvernement allait probablement prendre du temps pour mener à bien les réformes et que tout le monde aurait son mot à dire. C’est cette forme de démocratie moderne qu’il faut inventer !
Or, aujourd’hui, avec cet amendement, nous vous proposons d’améliorer la relation, aujourd’hui difficile, entre les citoyens et les intercommunalités. Ce lien de proximité est rarissime, et la plupart de nos concitoyens ont l’impression que ce qui se passe dans cette boîte noire leur échappe. Vous avez d’ailleurs constaté que les maires des petites communes eux-mêmes avaient parfois du mal à savoir ce qu’il s’y passait.
La moindre des choses est donc de s’interroger sur une forme de démocratisation de ces structures, au-delà de la seule démocratie représentative.
Comme vient de le dire M. Bas, le pacte de gouvernance n’est que facultatif. Aussi, menons au moins la bataille culturelle pour faire admettre que ces intercommunalités devraient être plus proches des citoyens ! Il faut essayer de mieux associer ces derniers aux décisions et de faire travailler élus et forces vives d’un territoire, quand il y en a, ensemble pour en améliorer le développement.
Puisque la commune n’est plus le seul échelon de l’action locale, cette démarche me paraît tout à fait logique ! On ne met pas en cause les maires dans cette affaire : c’est l’intercommunalité qui est en cause, parce qu’elle est trop éloignée des citoyens.
Affirmer qu’il est tout à fait normal d’associer les forces vives et les citoyens dans le cadre du pacte de gouvernance a du sens sur le plan culturel et politique, notamment au moment où l’on réfléchit à la gouvernance des intercommunalités.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Tout vient d’être dit par le président Bas.
S’agissant de cet amendement, et même si je ne change pas de point de vue, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. L’amendement n° 486 rectifié, présenté par MM. Lafon, Cadic, Capo-Canellas et Prince, Mme Goy-Chavent, MM. Canevet et L. Hervé, Mme Billon, MM. Moga et Delahaye et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le pacte de gouvernance précise également dans quelle mesure les députés et sénateurs, élus au conseil communautaire, sont associés aux instances de gouvernance.
La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Cet amendement vise à faire en sorte que le pacte de gouvernance précise dans quelle mesure les députés et les sénateurs qui seront élus au conseil communautaire sont associés aux instances de gouvernance.
Il me semble nécessaire d’introduire une telle disposition dans la loi, probablement pour les mêmes raisons que celles qui nous ont obligés à créer une conférence des maires dans le texte.
Il devrait être évident qu’associer aux instances de gouvernance les parlementaires qui font le choix de lier leur mandat à celui de conseiller communautaire permet de mieux relayer, ici même au Parlement, les questions rencontrées dans les territoires. Toutefois, cela ne l’est pas forcément partout et tout le temps.
C’est pourquoi je propose de mettre un peu d’huile dans les rouages de cette loi sur le cumul des mandats et de faire en sorte que l’articulation nécessaire et indispensable entre le travail d’élu local et celui de parlementaire se joue plus simplement à travers les conseils communautaires.
Encore une fois, cette disposition peut paraître curieuse, mais elle est nécessaire au stade où nous en sommes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Mon cher collègue, je comprends bien le sens de votre proposition.
Les parlementaires que nous sommes se sentent sans doute de plus en plus « hors-sol », et il leur est parfois nécessaire de beaucoup s’impliquer localement pour pouvoir bien légiférer.
Toutefois, il me semble délicat d’introduire un tel dispositif dans la loi. En effet, les EPCI sont libres d’organiser les associations comme ils le souhaitent, notamment dans le cadre du pacte de gouvernance ; même si votre interpellation est utile, je préfère qu’ils le fassent dans ce cadre-là.
Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement, mon cher collègue, faute de quoi j’y serais défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Lafon, l’amendement n° 486 rectifié est-il maintenu ?
M. Laurent Lafon. Malgré toute l’estime et l’amitié que je vous porte, madame le rapporteur, je prévois justement de le préciser dans le pacte de gouvernance. Comme le président de la commission des lois l’a indiqué tout à l’heure, ce pacte n’est pas obligatoire. Je ne vois donc pas ce qui nous empêche d’adopter cette disposition, bien au contraire.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 675 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mmes Sollogoub et Vérien, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ, Canevet, Decool et Lefèvre, Mme Ramond, MM. B. Fournier et Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Gremillet et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer l’alinéa ainsi rédigé :
« …° Les règles de composition du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale, notamment les conditions relatives à la représentation des différentes parties du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale et les dispositions permettant de tendre vers la parité entre les hommes et les femmes ;
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 675 rectifié et 676 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 676 rectifié, présenté par MM. Maurey, Longeot, L. Hervé, Cigolotti et Médevielle, Mmes Morin-Desailly, Perrot et Billon, M. Prince, Mme Sollogoub, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolaÿ et Canevet, Mme Létard, MM. Decool et Lefèvre, Mme Ramond, M. Delcros, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Gremillet et H. Leroy, et ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les règles de fonctionnement du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale ;
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Hervé Maurey. Pour lever toute d’ambiguïté, je précise que ces deux amendements visent à modifier le III de l’article 1er, c’est-à-dire une section qui énumère les questions facultatives qui peuvent être abordées dans un pacte de gouvernance qui, lui-même, est facultatif.
Avec ces amendements, nous sommes donc très loin d’imposer de nouvelles obligations. Je le dis dès maintenant au ministre, pour qu’il ne me soupçonne pas d’un tel dessein.
L’amendement n° 675 rectifié vise à introduire dans le pacte de gouvernance des règles relatives à la composition du bureau de l’établissement public de coopération intercommunale, notamment les conditions relatives à la représentation des différentes parties du territoire, ainsi que des dispositions permettant de tendre vers la parité. En effet, on peut observer que le bureau de certaines intercommunalités ne représente pas correctement les différentes parties du territoire, les différents secteurs ou les différentes villes.
En tout cas, les élus peuvent avoir ce sentiment. À cet égard, fixer des règles en la matière dans le pacte de gouvernance me semble un élément de bon fonctionnement et de paix entre les élus.
Il en va de même de la parité : on sait très bien qu’il n’est pas possible de mettre en place une parité absolue dans les bureaux dès lors que les conseils communautaires ne sont pas eux-mêmes composés de manière paritaire. Les règles pour tendre vers cette parité pourraient elles aussi être fixées dans le cadre du pacte de gouvernance.
L’amendement n° 676 rectifié vise à ce que le pacte de gouvernance puisse prévoir des règles sur le fonctionnement du bureau.
Alors que certaines intercommunalités ont adopté des règles prévoyant, sur certains sujets, des votes à la majorité qualifiée, des minorités de blocage, voire des droits de veto, l’adoption de cet amendement pourrait être un moyen de faciliter le fonctionnement de l’EPCI et de mettre un peu d’huile dans les rouages.
Tel est le sens de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Les observations de notre collègue Hervé Maurey me paraissent justifiées.
Toutefois, pour résumer l’intervention brillante du président de la commission, je rappelle que le pacte de gouvernance est un document facultatif. Son adoption n’a rien de certain.
Compte tenu de cette nature facultative, il nous semble nécessaire de laisser la plus grande liberté dans la composition du bureau et l’organisation de la communauté de communes. Les intercommunalités doivent pouvoir décider en toute liberté des éléments qu’elles intègrent dans le pacte.
Par ailleurs, mon cher collègue, vos amendements posent une difficulté technique. En effet, nous avons prévu un délai de neuf mois pour l’adoption du pacte. Le bureau, quant à lui, aura été mis en place aussitôt après les élections. Il prendra donc déjà des décisions lors de l’adoption du pacte !
Pour cette question de calendrier, vos amendements me semblent impossibles à satisfaire.
L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je veux réagir à l’intervention brillante du président Philippe Bas.
Certes, le pacte de gouvernance est facultatif, mais, une fois que les élus ont décidé d’en adopter un, celui-ci peut, par définition, créer du droit, donc être opposable devant un juge administratif. J’ai l’impression que certains ici tendent à considérer que cet outil, étant facultatif, ne créera pas de droit une fois adopté. Non ! Une fois adopté, il devient opposable. Il convient donc de faire attention à ce que l’on y écrit.
Au-delà de ce que l’on peut penser des élus au fond – je ne reviens pas sur ce point, que j’ai évoqué tout à l’heure –, cela veut dire que, si ces dispositions ne sont pas respectées, un élu communautaire pourra saisir le tribunal administratif. Il faudra donc prendre garde aux dispositions trop floues ou, au contraire, trop précises, qui pourraient multiplier les contentieux.
Je trouve l’amendement n° 675 rectifié judicieux dans son esprit. Cela dit, comme Mme le rapporteur, j’estime que son dispositif pose problème sur le plan de la temporalité. En effet, la formation du bureau est le premier acte qui suit le renouvellement d’un conseil communautaire.
Je suis sensible à votre argument sur la pondération entre ruralité et ville-centre : cela m’évoque des situations très concrètes, que vous connaissez aussi bien que moi – Mme la sénatrice Nicole Duranton comprend elle aussi de quoi je parle.
Si le pacte de gouvernance définit des règles relatives à la composition du bureau après l’élection de celui-ci, je ne mesure pas bien quelles pourraient en être les conséquences en droit. L’élection pourrait-elle par exemple être attaquée si le pacte prévoit un poste de vice-président en moins ?
Avez-vous un avis à ce sujet, monsieur Maurey ? Quoi qu’il en soit, il ne faudrait pas créer de nouvelles faiblesses. Il y en a déjà suffisamment dans certains territoires !
Pour ce qui concerne l’amendement n° 676 rectifié, quelles sont les dispositions qui, selon vous, relèvent respectivement du règlement intérieur et du pacte de gouvernance ? En droit, le fait qu’une disposition du règlement intérieur ne soit pas satisfaite pourrait donner lieu à un contentieux sur le pacte de gouvernance.
Typiquement, les règles de fonctionnement du bureau de l’établissement public de coopération internationale relèvent plutôt, aujourd’hui, du champ du règlement intérieur. Les faire entrer dans celui du pacte de gouvernance ne serait pas sans effet sur le droit.
Si j’ai un a priori favorable sur les mesures que vous proposez, leur traduction juridique m’inspire de l’inquiétude. Comment pensez-vous que nous puissions statuer sans nous créer de difficultés ? Il ne faudrait pas fragiliser tout l’édifice.
Nous devons répondre à ces différentes interrogations.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Très juste !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Dans l’attente de vos éclaircissements, monsieur le sénateur, l’avis du Gouvernement est défavorable. J’y insiste, cet avis n’est pas guidé par des raisons d’opportunité politique, car le compte y est sur ce plan. Le problème est juridique.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Premièrement, je suis conscient que fixer des règles relatives à la composition du bureau alors que celui-ci aura déjà été composé peut interpeller.
Dans mon esprit, ces règles s’appliqueraient évidemment pour l’avenir, c’est-à-dire pour le bureau qui serait élu ultérieurement. Il n’est pas question de refaire l’élection du bureau ou de fragiliser le bureau élu !
Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi le pacte de gouvernance ne pourrait pas prévoir des règles de fonctionnement, notamment sur les modalités de vote. J’ai déposé ces amendements sur l’article 1er du projet de loi, relatif au pacte de gouvernance, parce qu’il n’y a pas dans le texte d’articles consacrés spécifiquement au règlement intérieur, mais il est vrai que les dispositions que je propose pourraient s’appliquer à l’un comme à l’autre de ces deux documents.
Cela dit, je veux bien retirer l’amendement n° 675 rectifié, en contrepartie d’un avis favorable sur l’amendement n° 676 rectifié… Faisons du troc, puisque nous sommes entre Normands ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Monsieur Maurey, j’accepte votre troc, moyennant ce que j’ai dit tout à l’heure : ne prévoyons pas un délai de six mois pour l’établissement du règlement intérieur et un délai de neuf mois pour l’adoption du pacte de gouvernance – je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous avons retenu ce délai. Vous voyez que j’essaie, moi aussi, d’être cohérent !
Je vous propose donc que, dans le cadre de la navette parlementaire – sous-amender maintenant cette disposition retarderait nos travaux –, nous fassions coïncider les deux délais, en prévoyant également neuf mois pour l’élaboration règlement intérieur.
La correspondance des deux délais devrait écraser l’essentiel du risque juridique et éviter les contentieux.
J’accepte donc votre proposition, monsieur Maurey : si vous retirez l’amendement n° 675 rectifié, j’émettrai un avis favorable sur l’amendement n° 676 rectifié.
M. Hervé Maurey. Je retire l’amendement n° 675 rectifié, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 675 rectifié est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, je veux tout de même mettre en garde contre un délai trop long pour l’adoption du règlement intérieur. Celui-ci détermine la police de l’assemblée ou encore les conditions du vote.
On en a besoin dès que l’assemblée se met en place ! Par conséquent, il ne faut pas différer son adoption. Le pacte de gouvernance, cela n’a rien à voir !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je tiens à rassurer tout de suite M. le président Bas : il y a toujours un règlement intérieur pour régir le fonctionnement d’un conseil municipal, départemental ou régional ou encore d’un conseil communautaire. En effet, le document opposable est celui qui prévalait avant le renouvellement de l’assemblée.
Cela dit, j’y insiste, je ne suis pas opposé par principe à un délai de neuf mois. Je dis juste que le système ne peut fonctionner que si les deux délais sont les mêmes. Sinon, il est inévitable que le pacte de gouvernance contiendra des dispositions un peu différentes de celles du règlement intérieur !
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Bien sûr, je voterai l’amendement de mon collègue Hervé Maurey, dont je pense qu’il met le doigt sur quelque chose d’extrêmement important.
Jusqu’alors, les pactes de gouvernance, tels qu’ils étaient débattus et adoptés dans les conseils communautaires, lorsque l’exécutif l’avait décidé, constituaient du droit mou. Ces documents, ces référentiels n’avaient pas de valeur opposable.
Toutefois il me semble utile d’obtenir une précision. Le projet de loi fait du pacte de gouvernance un acte administratif, un acte créateur de droit. Dès lors, monsieur le ministre, que fait-on des dispositions des pactes qui ne sont pas juridiques ? Que fait-on des postulats de principe et des bons sentiments ?
Par ailleurs, qui dit acte administratif, dit contrôle de légalité. Quelles seront les directives données aux préfets de département sur le contrôle de ces actes, qui, par nature, seront élaborés sur mesure, cousus main, différenciés ? De fait, on ne trouvera pas de modèle de pacte de gouvernance, comme on peut trouver un modèle de règlement intérieur en examinant ce qu’a fait la commune d’à côté !
Alors que le mot « liberté » revient constamment ce soir, je m’interroge : comment les pactes de gouvernance, qui seront élaborés très librement, seront-ils soumis au contrôle de légalité des préfets ? Cela nous promet des débats juridiques intéressants avec les préfectures !
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Je veux remercier M. le ministre de son alerte.
Nous avons déjà largement débattu de ce qui est librement consenti, facultatif ou obligatoire, de ce qui tient du symbole et de ce qui nécessite un accord.
Comme nous le redoutions avant de commencer l’examen de ce texte, on voit bien que les tentatives d’assouplissement risquent parfois de conduire à de mauvaises interprétations sur le terrain et d’ouvrir des zones floues, qui, finalement, mettront les élus en difficulté. Je pense qu’il nous importe à tous d’éviter de telles situations.
À l’instar de ce que vient de faire Loïc Hervé, certaines questions méritent d’être posées très concrètement.
Aussi, je ne suis pas certain que nous ayons tous les idées très claires sur ce qui, localement, produit du droit ou non. C’est la raison pour laquelle nous étions favorables à des dispositifs obligatoires : c’est peut-être un peu rigide, mais cela permet de savoir sur quelles bases nous pouvons nous appuyer.
Pour ce qui me concerne, je suis assez favorable à ce qui nous est proposé, à condition que nous allions jusqu’au bout de la logique et que nous soyons certains que les assouplissements dont nous serons amenés à débattre ne créent pas de difficultés supplémentaires pour les élus, qui pourraient finir par ne pas s’engager dans l’élaboration d’un pacte de gouvernance de peur que celui-ci ne produise des effets juridiques contraires à ceux qu’ils avaient souhaités.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je répondrai en droit, et uniquement en droit.
C’est très simple, un pacte de gouvernance – comme une association, dont la définition des statuts bénéficie, d’ailleurs – d’une très grande liberté, doit respecter la loi. Autrement dit, un pacte de gouvernance peut aller plus loin que la loi. Il peut être mieux-disant par rapport au droit positif.
Je veux vous donner un exemple très concret : un pacte de gouvernance qui exclurait une opposition légitime serait déféré lors du contrôle de légalité pour méconnaissance évidente des dispositions légales.
À l’inverse, une disposition d’un pacte de gouvernance qui prévoirait, par exemple, de donner plus de place à l’opposition serait légale, en ce qu’elle ne méconnaît pas les droits de l’opposition.
Je le répète, on ne peut pas parler tout le temps de liberté et refuser les adaptations.
Par définition, un pacte illégal au regard des lois ou de la jurisprudence sera déféré, mais un pacte plus favorable que la loi est possible. Cette disposition me semble de bon sens et protéger tout le monde.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, vos propos m’inspirent trois remarques.
Premièrement, pour revenir sur ce qu’a dit Philippe Bas, s’il est vrai que le règlement intérieur précédent prévaut, ses dispositions peuvent être considérées comme non satisfaisantes, par exemple pour ce qui concerne la place donnée à l’opposition. Retarder à neuf mois l’adoption du nouveau règlement peut poser des problèmes pour la nouvelle majorité.
Deuxièmement, par leur niveau de détail, les dispositions de l’amendement n° 676 rectifié me semblent concerner davantage le règlement intérieur que le pacte de gouvernance, s’agissant notamment des modalités de vote.
Enfin, monsieur le ministre, vous avez évoqué le caractère opposable du pacte de gouvernance. Je reviens sur notre proposition initiale : peut-être aurait-il été préférable de rendre ce document obligatoire. En effet, certains EPCI pourraient ne pas vouloir adopter de pacte de gouvernance par simple peur d’être attaqués sur la base des nouveaux droits créés, si des maires ne jouent pas le jeu du pacte.
Il me semble que nous sommes nous-mêmes en train de créer les conditions de situations très difficiles.