M. Jean-Pierre Vial. Ce soir, MM. Poutine et Erdogan se rencontreront, pour écrire une nouvelle page de ce conflit. Malgré les choix faits par la France depuis le début, le moment est venu, une nouvelle étape dans le conflit syrien ayant été franchie sous l’impulsion de la Turquie, de tout faire pour que s’ouvre un nouveau chapitre. L’action de la France, vous le savez, est attendue, et même souhaitée, par beaucoup.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Vial. Il y a un temps pour la parole et un temps pour les actes. Monsieur le secrétaire d’État, ce second temps est venu. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Rémi Féraud. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Rémi Féraud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, la semaine dernière, nous sommes nombreux à avoir interpellé le Gouvernement sur la réponse que la France doit apporter à l’agression militaire turque.
Le 9 octobre, en effet, les troupes d’Erdogan ont envahi le nord de la Syrie, en complète violation du droit international et à la suite d’une nouvelle volte-face du président Trump, qui confine à la trahison.
En visant les Kurdes du Rojava, qui ont combattu si courageusement et si efficacement à nos côtés, le président turc a mis à mal une situation déjà très fragile et menace notre propre sécurité, car son action ouvre la voie à la résurgence du terrorisme islamiste jusque sur notre sol. N’oublions pas les crimes de guerre qui sont commis depuis quelques jours dans le nord de la Syrie ; n’oublions pas non plus que les supplétifs de l’armée turque sont des milices islamistes.
Je veux remercier le président Retailleau d’avoir pris l’initiative de cette proposition de résolution, que j’ai cosignée avec Patrick Kanner et Christian Cambon. Elle vise à engager la France dans la recherche d’une sortie de cette situation dramatique, une situation profondément injuste quand on connaît l’engagement des Kurdes aux côtés de la coalition internationale contre Daech et particulièrement dangereuse pour l’avenir, tant elle nous affaiblit face au terrorisme islamiste.
Certes, la situation géopolitique est complexe, et le nord-est syrien est aujourd’hui au carrefour de toutes les influences qui s’exercent au Moyen-Orient.
Certes, les présidents américain et turc ont pris des décisions très néfastes, chacun pour des raisons de politique intérieure.
Certes, l’Iran constitue sans faiblir un axe chiite, porteur, d’ailleurs, de graves conflits à venir.
Certes, la Russie, quant à elle, poursuit avec détermination une politique cynique et brutale de soutien au régime syrien, en cohérence avec ses ambitions régionales, tandis que l’Europe reste faible de ses divisions et de son manque d’ambition.
Leur lâchage contraint aujourd’hui les Kurdes à passer, sous l’égide de la Russie, un marché de dupes avec le régime syrien. Ils n’ont malheureusement pas d’autre choix.
Le message que nous adressons ici, c’est celui du refus du fatalisme, car l’Europe n’est faible que de son manque de volonté. Aujourd’hui, seule la France peut, avec l’Allemagne, l’entraîner à affirmer la défense de ses valeurs, de ses alliés et de ses intérêts.
Sanctions économiques contre un pays, la Turquie, largement dépendant de ses échanges avec l’Europe, sanctions contre les dirigeants turcs détenant des avoirs à l’étranger, demande de suspension de la participation de la Turquie à l’OTAN, arrêt des négociations d’adhésion à l’Union européenne, saisine du Conseil de sécurité : les leviers d’action ne manquent pas, mais nous n’en utilisons aucun ou presque. Si elle était, bien sûr, nécessaire, la demande d’une réunion de la coalition internationale contre l’État islamique formulée par le Gouvernement n’en est pas moins très insuffisante.
Je rappellerai la résolution 688 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en avril 1991, qui permit l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne dans le nord de l’Irak. Âprement négociée par François Mitterrand, elle visait déjà à protéger les populations kurdes du nord de l’Irak, et elle l’a effectivement permis.
Aujourd’hui, en 2019, il manque jusqu’aux symboles. Bruno Retailleau l’a souligné, le Gouvernement n’a même pas rappelé notre ambassadeur en Turquie, alors qu’il avait rappelé, il y a peu, notre ambassadeur à Rome. Or en attaquant les Kurdes, la Turquie nous a attaqués nous-mêmes, d’autant que nous leur sous-traitons la prise en charge des prisonniers djihadistes.
Erdogan comprend très bien le langage de faiblesse. Nous devons sortir de la posture défensive et de l’impasse dans lesquelles nous nous sommes nous-mêmes placés. Cette proposition de résolution vise à encourager la France à reprendre l’initiative et à ne pas renoncer à faire entendre la voix de l’Europe. Nous sommes convaincus qu’il est encore temps d’éviter d’avoir et la guerre, et le déshonneur. Notre groupe votera donc cette proposition de résolution avec conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le secrétaire d’État, la commission des affaires étrangères a de longue date prévu d’examiner les crédits de votre ministère à partir de 17 heures 15. Si un certain nombre de membres de cette commission quittent l’hémicycle dans quelques minutes, n’y voyez donc pas une marque d’indifférence au grave sujet qui nous occupe. M. Le Drian est lui aussi soumis à de fortes contraintes horaires.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi de remercier d’ores et déjà la Haute Assemblée pour la prise de position qui se dessine à quelques instants du vote de la proposition de résolution.
Nous appelons comme vous au respect de la résolution 2254 de l’ONU, à une solution politique au conflit syrien, à une vigilance absolue à l’égard de la menace que constitue la résurgence du groupe État islamique, à un engagement résolu de la France dans toutes les enceintes et à une action humanitaire.
Depuis le 9 octobre, nous sommes confrontés à deux actes unilatéraux et concomitants : l’offensive lancée par la Turquie et le retrait des forces américaines, qui conduisent à une situation très grave. En effet, cette offensive est de nature à remettre en cause cinq années d’efforts contre Daech et à entraîner un relèvement considérablement du niveau de la menace terroriste en Europe et en France.
Aujourd’hui, 22 octobre, la trêve expirera dans quelques heures. Les forces pro-turques contrôlent un quadrilatère de 120 kilomètres de large et de 30 kilomètres de profondeur en territoire syrien. Les milices ont atteint la route M4, qui relie l’est à l’ouest du pays. Située à une trentaine de kilomètres de la frontière, elle est à présent coupée. Un certain nombre d’accrochages ont lieu dans d’autres secteurs.
La trêve est donc très fragile. Surtout, les États-Unis l’ont négociée sans réellement tracer de perspectives de désescalade pour la suite. Une conséquence de cette crise est que le régime syrien a repris pied dans un certain nombre d’endroits, avec l’appui des Russes. Les présidents turc et russe se rencontrent aujourd’hui à Sotchi.
On compte au moins 176 000 personnes déplacées. Des réfugiés risquent d’affluer au Kurdistan irakien et l’on ne peut que s’inquiéter pour la sécurité des camps et des prisons. Les forces démocratiques syriennes ont cherché à rassurer sur leur mobilisation pour garantir celle-ci, mais les plus grandes incertitudes demeurent pour l’avenir, et l’accélération du mouvement de retrait américain n’est pas rassurante de ce point de vue ! Le général Mazloum, s’exprimant au nom des forces démocratiques syriennes, a d’ailleurs annoncé qu’il se tiendrait désormais dans une posture uniquement défensive. Un coup a été porté à l’engagement de ces forces, qui avaient joué un rôle particulièrement important et offensif dans la traque des membres de Daech.
Je voudrais maintenant évoquer les conséquences stratégiques du retrait américain, qui conduit de facto à placer la Syrie sous l’influence complète de trois pays réunis dans le format dit d’Astana : la Russie, la Turquie et l’Iran. Certes, leurs visions de l’avenir de la Syrie sont très différentes, mais ils ont en commun l’ambition d’écarter les « Occidentaux » de la table des négociations. Comme le disait le président Cambon, cela constitue naturellement un tournant majeur dans le conflit syrien, mais pas seulement. Il conviendra d’en apprécier toutes les conséquences, y compris sur le plan politique.
J’évoquerai d’abord les enjeux sécuritaires. Daech a choisi de se reconstruire, après sa défaite territoriale, selon une organisation plus diffuse, plus clandestine, et va maintenant chercher à tirer parti du chaos. La fin du califat, obtenue après un combat très dur où les FDS se sont illustrées par leur bravoure et leur détermination aux côtés de la coalition, n’a pas permis d’éradiquer totalement Daech, dont des éléments sont entrés en clandestinité ou sont prisonniers dans les camps. La résurgence de Daech paraît tout à fait probable : un attentat a d’ailleurs eu lieu à Raqqa le 9 octobre dernier. Souvenez-vous, c’est de cette ville que sont venus les ordres de commettre les attentats qui ont meurtri notre pays en 2015. Voilà deux jours, une autre attaque s’est produite à Qamichli, où le drapeau de Daech a recommencé à flotter, même si ce ne fut que pour quelques heures.
Le président Retailleau a évoqué à juste titre l’impérieuse nécessité d’actualiser la stratégie avec la coalition. C’est la raison pour laquelle, comme vient de le rappeler Rémi Féraud, la France, par la voix de Jean-Yves Le Drian, a appelé à une réunion de la coalition le plus rapidement possible, dans les jours ou les semaines à venir.
On constate par ailleurs une dégradation de la situation humanitaire, avec 176 000 personnes jetées sur les routes de l’exode, dans un pays qui compte déjà 6,6 millions de déplacés internes et 5 millions de réfugiés. En Syrie, plus de 50 % de la population est déjà réfugiée ou déplacée…
Les hôpitaux sont saturés et la situation pourrait également aboutir à la déstabilisation de la région autonome du Kurdistan irakien, qui se relève lui aussi de l’emprise de Daech. Concernant l’emploi du phosphore blanc évoqué par Joël Guerriau, je veux souligner que la lutte contre l’impunité concerne tout le monde : personne ne doit pouvoir en jouir ! Les forces qui ont conduit ce type d’actions doivent en répondre si elles sont avérées.
Les ONG présentes dans l’extrême nord-est de la Syrie sont obligées de suspendre leurs opérations. Nous avons réuni les ONG françaises le 14 octobre, avec notre centre de crise et de soutien. Nous nous retrouverons à nouveau demain, à 17 heures, pour envisager les voies et moyens en vue d’apporter une réponse humanitaire d’urgence, au titre de laquelle nous avons immédiatement débloqué 10 millions d’euros. Nous avions déjà mobilisé des aides pour contribuer à l’achat de tentes, de nourriture et d’eau. Le gouvernement de la région du Kurdistan irakien nous a fait part de ses inquiétudes face à la perspective de l’afflux de réfugiés, dont le nombre pourrait atteindre 250 000 personnes selon les prévisions maximales.
On voit la Turquie tenter d’exercer une sorte de chantage. J’ai évoqué les conséquences migratoires que pourraient avoir les prises de position européennes. Cette manière d’instrumentaliser le malheur des gens est pour nous inacceptable. Je le dis très clairement, nous ne céderons pas à ce chantage.
J’évoquerai enfin l’enjeu de la stabilité régionale. Cette offensive nous éloigne, hélas, d’une solution politique à la crise syrienne, dont dépendent pourtant à la fois notre sécurité, l’avenir du pays et la sécurité de ses voisins.
Le condominium que cherchent à établir les trois pays du format d’Astana ne permettra pas de stabiliser le pays et il continuera d’alimenter le ressentiment des Syriens envers son propre régime, dont un certain nombre de crimes sont tout à fait documentés. Le fameux César a transmis à cet égard des éléments très précis. La lutte contre l’impunité doit être menée. Cela explique l’impossibilité d’un rétablissement ou d’une normalisation des relations avec le régime en l’absence d’un processus politique viable.
Ce régime continue aujourd’hui la mise en œuvre de la solution militaire dans un certain nombre d’endroits, dont le Nord-Ouest, et poursuit la répression contre son propre peuple : ce n’est pas acceptable. C’est pourquoi le Président de la République a dit clairement, en janvier 2018, que « la perspective de normalisation ou de banalisation de la situation ne serait pas responsable ».
Devant cette situation, qu’a-t-on fait, que peut-on faire ? a demandé M. Cazeau. Nous sommes naturellement animés par une complète détermination. La France se montre parmi les pays les plus actifs sur le plan de la diplomatie. La séquence européenne de la semaine passée a permis de mobiliser rapidement et efficacement nos partenaires européens, ce qui n’était pas gagné au départ, car un certain nombre de divergences s’expriment quant à la relation avec la Turquie. Néanmoins, les conclusions du Conseil européen ont endossé et renforcé celles du conseil Affaires étrangères du 14 octobre. Au sujet des nécessaires sanctions évoquées par M. Kanner, il y a encore un gros travail de persuasion à faire auprès de certains États membres pour parvenir à la prise de ce type de mesures, mais la France est résolument à l’initiative.
Monsieur le président Retailleau, vous avez parlé de gestes symboliques. Nous avons convoqué l’ambassadeur turc et annulé toutes les réunions ministérielles bilatérales qui étaient programmées.
S’agissant de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, le Président de la République a clairement exclu, dès 2018, toute avancée en la matière. D’ailleurs, lors du Conseil européen qui vient de se tenir, c’est bien la France qui, sur le sujet de l’élargissement, a mis les pieds dans le plat ! En effet, un certain nombre d’États voulaient que le processus d’élargissement se poursuive comme auparavant, dans une sorte de routine. Or il est impératif que nous réformions l’Union européenne avant de pouvoir engager cette étape.
Je note que de nombreux orateurs ont évoqué la nécessité de mettre en place une autonomie stratégique et de défense européenne. La France s’y est attelée. Le discours de la Sorbonne du Président de la République a montré la voie. Peut-être moquait-on, il y a quelques mois encore, l’absence de résultats, mais je constate que, en matière de défense européenne et de culture stratégique commune, énormément a été fait en dix-huit mois. Le premier pas auquel nous appelait le sénateur Cazabonne pour commencer ce voyage de mille lieues a bien été fait par la France. Espérons que, après la pose des fondations, les murs vont pouvoir se monter et que l’autonomie stratégique de l’Union européenne prendra corps.
Dans ce contexte mondial difficile et incertain, la France et l’Union européenne doivent être des puissances d’équilibre. Nous ne pouvons nous satisfaire d’être les vassaux des États-Unis ou de la Chine. Finalement, nous ne sommes pas des alignés. Il est important de pouvoir continuer à parler à tout le monde. La France, puissance d’équilibre, entend bien le faire. C’est ainsi que, dès le mois d’août, nous avons rehaussé notre dialogue avec la Russie, qui est désormais constant. D’ailleurs, le Président de la République s’est entretenu hier avec le président Poutine de la situation tant en Syrie qu’en Ukraine. Nous allons continuer à nous mobiliser dans toutes les enceintes internationales. Le Conseil de sécurité, évoqué par MM. Féraud et Laurent, continuera d’être saisi. Il l’a été le 10 octobre dernier. Chaque semaine, nous demanderons que la situation en Syrie y soit évoquée.
Voilà, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter à vos contributions. Les événements qui se déroulent actuellement dans le nord-est de la Syrie ne nous laisseront pas indemnes. J’espère qu’ils dessilleront les yeux d’un certain nombre de nos partenaires européens, un peu frileux en matière de défense européenne et d’affirmation de notre autonomie stratégique. Il ne fait nul doute que le témoignage apporté par tous les groupes de la Haute Assemblée sera entendu bien au-delà de cet hémicycle et atteindra le nord-est de la Syrie et ses populations martyrisées. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et Les Indépendants.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution tendant à l’engagement résolu de la france en faveur de toute initiative concertée au niveau européen ou international visant à mettre un terme à l’offensive militaire menée par la turquie au nord-est de la syrie
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Charte des Nations unies du 26 juin 1945,
Vu le Communiqué de Genève du 30 juin 2012, approuvé dans la résolution 2118 (2013) du Conseil de sécurité des Nations unies,
Vu la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies,
Vu la déclaration de la Haute représentante, au nom de l’Union européenne, sur les développements récents intervenus dans le nord-est de la Syrie, du 9 octobre 2019,
Vu la déclaration de la Commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU sur la Syrie,
Vu la déclaration du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés sur la situation des réfugiés et des déplacés dans le nord-est de la Syrie, du 10 octobre 2019,
Vu la décision de la France et de l’Allemagne d’interrompre les exportations d’armes vers la Turquie en date du 12 octobre 2019,
Considérant le rôle essentiel des combattants des Forces Démocratiques Syriennes dans la lutte contre le terrorisme islamiste et leur contribution décisive à la défaite territoriale de Daech en Syrie, avec le soutien de la coalition internationale et en particulier de la France ;
Considérant la reconnaissance exprimée par la France pour le courage des combattants et des combattantes des Forces Démocratiques Syriennes et les sacrifices consentis dans la lutte contre le groupe État islamique ;
Considérant que le combat contre Daech ne s’est pas achevé avec la fin de l’emprise territoriale de ce groupe terroriste en Irak et en Syrie, du fait de la persistance de cellules dormantes ou actives de terroristes ;
Considérant la situation politique et militaire en Syrie et la nécessité de préserver les Forces Démocratiques Syriennes pour éviter la résurgence du groupe État islamique, en particulier dans le nord-est de la Syrie, où sont détenus de nombreux membres de groupes terroristes, qui représentent une menace pour la sécurité régionale, internationale et européenne ;
Considérant qu’il ne saurait y avoir de solution durable au conflit syrien par des moyens militaires et que l’action militaire unilatérale de la Turquie dans le nord-est de la Syrie compromet la recherche d’une solution politique négociée menée sous l’égide des Nations unies ;
Considérant que toute opération militaire doit respecter la Charte des Nations unies et le droit international humanitaire ;
Appelle au respect des termes de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité des Nations unies et du processus de Genève qui tendent à privilégier la recherche d’une solution politique au conflit syrien, plutôt qu’une action militaire ;
Appelle à une vigilance absolue sur la menace que constitue pour la sécurité régionale, internationale et européenne, la surveillance affaiblie des lieux de détention des djihadistes au nord-est de la Syrie et sur la nécessité absolue de mettre tout en œuvre pour prévenir la résurgence du groupe État islamique ;
Invite en conséquence à l’engagement résolu de la France en faveur de toute initiative concertée au niveau européen ou international de nature à faire cesser l’offensive menée par la Turquie au nord-est de la Syrie, à favoriser le respect des engagements de la communauté internationale en Syrie, à maintenir l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’État syrien, à défendre le respect de toutes ses composantes ethniques et religieuses, à protéger les populations civiles et à assurer de manière durable un accès humanitaire sans entrave sur tout le territoire syrien.
Vote sur l’ensemble
M. le président. La conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.) – (Applaudissements.)
M. le président. Je constate que la proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité des présents.
4
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Monsieur le président, tout à l’heure, lors du vote sur l’ensemble du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, Mme Nelly Tocqueville, qui avait donné une délégation à une collègue, a été enregistrée comme ne prenant pas part au vote, alors qu’elle souhaitait voter pour.
M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
5
Renforcement de l’encadrement des rave-parties
Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe Les Républicains, la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer l’encadrement des rave-parties et les sanctions à l’encontre de leurs organisateurs, présentée par Mme Pascale Bories et plusieurs de ses collègues (proposition n° 711 [2017-2018], texte de la commission n° 71, rapport n° 70).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Pascale Bories, auteure de la proposition de loi. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme Pascale Bories, auteure de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai souhaité présenter cette proposition de loi visant à renforcer l’encadrement des rave-parties, car ces dernières se multiplient dans mon département et en France depuis plusieurs années maintenant, suscitant un sentiment impuissance chez les maires des communes concernées, qui m’ont sollicitée.
Je voudrais entamer ce propos introductif en évoquant un exemple emblématique : en mars de cette année, une rave-party illégale a rassemblé près de 700 personnes à Lédenon, dans le Gard. Ce sont les habitants des villages des alentours, dérangés par les nuisances sonores à 2 heures du matin, qui ont alerté les gendarmes. La rave-party s’est tenue sur un terrain privé, sans autorisation préalable du propriétaire. Les gendarmes sont donc intervenus pour y mettre fin. Les participants avaient emprunté des voies de défense des forêts contre l’incendie, exclusivement réservées aux sapeurs-pompiers, ce qui a engendré la détérioration de ces voies : 160 conducteurs participant à cette fête y ont été verbalisés par les gendarmes. Sept infractions liées aux stupéfiants ont été relevées et trois pour des alcoolémies élevées. Surtout, la dégradation des lieux constatée le lendemain était éloquente : un terrain dévasté, des déchets partout et des résidus de drogues jonchant le sol.
Devant la recrudescence de ces rave-parties, l’encadrement de leur pratique avait déjà été remanié en 2001, puis en 2002, par des textes venant modifier la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité. L’objectif était déjà d’optimiser la sécurité de ces rassemblements, dont je rappelle la définition : festifs, à caractère musical, organisés par des personnes privées dans des lieux qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin, et répondant à certaines caractéristiques fixées par décret.
Les modifications prévoyaient notamment une déclaration officielle en préfecture pour les manifestations dont l’effectif prévisible dépasse 500 personnes, devant être faite un mois avant la date prévue et assortie d’engagements pour garantir la sécurité, la salubrité, l’hygiène et la tranquillité publique. Des démarches sont à effectuer auprès des services de sécurité et de santé, des garanties devant être apportées sur le lieu choisi.
Ces déclarations nécessaires et préalables ne sont pas effectuées la plupart du temps. Les maires des communes concernées m’alertent régulièrement sur l’existence d’une réelle problématique liée aux dégâts engendrés, selon la nature du site et l’importance de la manifestation.
À l’heure où nous évoquons systématiquement et à juste titre les sujets environnementaux, dont celui des décharges sauvages, lors de la discussion de tous les projets de loi et de nos travaux spécifiques en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, j’attire votre attention sur le fait que ces rassemblements produisent des déchets, parfois sur des sites remarquables et protégés, menacent la biodiversité et entraînent des risques d’incendie, dans un contexte de sécheresse extrême.
Rappelons que mon département, le Gard, figure parmi les départements les plus concernés à la fois par ces free-parties et par le risque de sécheresse. À l’heure où je vous parle, des mesures de restriction renforcées sont toujours en vigueur pour les usages de l’eau, malgré les premières précipitations importantes de l’automne. Même si les rave-parties ont généralement plutôt lieu au printemps et sont soumises aux interdictions au même titre que toutes les autres manifestations en période estivale, la problématique de la sécheresse s’étend bien en amont et bien au-delà des mois d’été ces dernières années. Je vous renvoie à ce qui est survenu le 2 septembre dernier à Saint-Pargoire, dans l’Hérault.
Au-delà de ces nuisances environnementales, n’oublions pas la problématique des nuisances sonores pour les riverains. La question du bien-vivre ensemble, à laquelle je suis particulièrement attachée, doit également être évoquée, car, on le sait, la liberté des uns s’arrête où commence celle des autres.
Je le rappelle, l’objectif de cette proposition de loi n’est pas d’interdire une quelconque free-party ou de désigner des coupables, mais, au contraire, de susciter un débat apaisé et de mettre toutes les parties prenantes autour d’une table : les préfets, les maires, les organisateurs de rave-parties, les gendarmes, les associations de protection de l’environnement, les syndicats et les riverains concernés.
Je souhaite que nous trouvions des solutions concertées pour mieux encadrer ces manifestations quand elles sont illégales et donner enfin les moyens aux communes, dont les maires apparaissent de plus en plus démunis face aux conséquences, d’exercer un pouvoir légitime sur le territoire dont ils ont la responsabilité et de préserver un environnement et une biodiversité de plus en plus menacés, comme l’actualité et les projets de loi que nous étudions nous le montrent chaque jour.
Même si l’objectif premier de cette proposition de loi n’est pas de sanctionner de façon dogmatique et automatique, il apparaît que certains organisateurs, devant la légèreté des sanctions encourues, font fi des obligations qui s’imposent à eux.
J’ai donc souhaité introduire le débat en proposant un durcissement des sanctions frappant les organisateurs, dans la foulée des préconisations de la proposition de loi n° 864 déposée le 11 avril 2018 à l’Assemblée nationale par M. Thibault Bazin, député de Meurthe-et-Moselle. Comment renforcer ces pénalités ou sanctions pour dissuader l’organisation illégale et non déclarée de ces événements et comment ajuster la peine à la hauteur de l’infraction ?
La question du mode de sanction, terme sans doute non approprié et à préciser lors des futurs débats, reste ouverte. Je me félicite des échanges constructifs que nous avons déjà eus avec le rapporteur à ce sujet à l’issue des différentes auditions.
Les peines actuelles n’étant pas assez dissuasives, les rave-parties illégales continuent à perturber certaines régions avec leurs lots de conséquences néfastes : pour la santé des participants, avec la déconnexion des responsabilités pour l’organisateur, pour les riverains, pour les élus enfin, chargés de la sécurité et de la protection de l’environnement et qui doivent assumer un coût considérable.
Mes chers collègues, il est nécessaire d’amorcer sur ce sujet un dialogue dépassionné et d’engager des mesures strictes pour encadrer l’organisation de ces événements quand ils sont illégaux. Il est également nécessaire de prévenir au mieux les nuisances et les conséquences sur l’environnement que les maires et leurs administrés doivent supporter.
J’ai approuvé les propositions d’amendements adoptées par la commission des lois qui sont venues enrichir le texte initial.