M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles que vient d’invoquer M. le rapporteur. Cet amendement tend à inverser un principe fondamental, à savoir le pouvoir de substitution du préfet en matière de police en cas de carence du maire.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par Mme Duranton, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle fait état du niveau de volume sonore envisagé, et de la possibilité pour les participants de le consulter en temps réel par un dispositif d’affichage adéquat.
La parole est à Mme Nicole Duranton.
Mme Nicole Duranton. Le niveau sonore des rave-parties, qui ne peut excéder le niveau envisagé par la loi, est un véritable problème tant pour les participants que pour le voisinage. Il est essentiel de le connaître.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Mme Duranton a parfaitement raison, mais, comme c’est indiqué dans l’objet de son amendement, le niveau sonore du rassemblement doit respecter les prescriptions légales en la matière.
Quant au niveau sonore envisagé et à la mise en place d’un affichage en temps réel, ils me paraissent relever de la charte qui doit être élaborée en concertation avec les pouvoirs publics.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je comprends la position de notre rapporteur, mais je souhaite dire à M. le secrétaire d’État, et surtout à Mme la ministre de la santé, que la question des décibels n’est pas une petite histoire.
Le nombre de décibels autorisé est limité dans les discothèques, à 102 ou 105 décibels, me semble-t-il, ou pour les appareils de type MP3.
Dans le cas des rave-parties, on prend le risque que des jeunes se retrouvent, malgré eux parfois, placés à deux ou trois mètres d’enceintes hors normes – il faut voir les machines, elles sont gigantesques ! Or il suffit qu’ils y soient exposés un quart d’heure pour subir des atteintes irréversibles de l’oreille. De plus en plus de jeunes sont handicapés à vie, simplement parce que, par instinct grégaire, ils ont suivi un groupe.
Je tenais à évoquer ce sujet, qui n’est malheureusement pas souvent abordé. J’aimerais que les pouvoirs publics ne restent pas sourds, si j’ose dire, à ce problème.
M. Fabien Gay. C’est un problème de santé publique !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° À l’article L. 211-6, après les mots : « préfet de police, », sont insérés les mots : « ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, le maire, » ;
2° L’article L. 211-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après les mots : « préfet de police, », sont insérés les mots : « ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, le maire, » ;
b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d’ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l’ordre sont tenues de rembourser à l’État les dépenses supplémentaires qu’il a supportées dans leur intérêt. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà répondu aux deux premières questions que soulève mon amendement. J’évoquerai donc simplement sa dernière partie, qui concerne les rassemblements non déclarés en milieu rural.
Les forces de gendarmerie sont particulièrement mobilisées pour sécuriser les lieux. Il apparaît donc logique dans ce cas de mettre à la charge des organisateurs les frais liés aux services d’ordre effectués au-delà des obligations normales incombant à la puissance publique.
Dans une vie antérieure, monsieur le secrétaire d’État, j’ai été élu dans le Larzac. Je suis aujourd’hui élu du département de l’Hérault. Comme l’a indiqué tout à l’heure notre collègue Henri Cabanel en évoquant le cas de la commune de Saint-Pargoire, chère à notre collègue Agnès Constant, de nombreuses rave-parties sauvages sont organisées dans ce département.
Il me semblerait normal de demander aux organisateurs d’assumer un certain nombre de frais liés à la sécurité lorsqu’une rave-party n’est pas déclarée, ce qui n’est pas acceptable. Il faudrait tout de même leur adresser une petite facture !
Je le rappelle, la consommation de drogues et l’usage immodéré de boissons sont fréquents dans les rave-parties. La responsabilité des pouvoirs publics est donc engagée par les organisateurs. C’est pourquoi je pense que nous pourrions leur demander une participation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Encore une fois, le texte de la commission des lois met en place un régime de déclaration simple qui permet l’information du maire un mois avant la tenue d’un rassemblement, mais il ne lui confère pas de nouveau pouvoir de police, donc pas d’obligation supplémentaire.
Modifier un tel équilibre aurait pour effet d’impliquer plus le maire en droit sans lui conférer plus de moyens en fait. Je ne peux pas y être favorable.
En outre, M. Grand propose d’imputer aux organisateurs des frais de sécurité liés à l’organisation du rassemblement. Une telle mesure peut sembler tout à fait logique – j’y serais même favorable si je n’étais pas rapporteur –, mais elle n’est pas applicable en pratique s’agissant d’une activité qui reste dans la sphère des spectacles amateurs. Cela serait source de tensions avec les organisateurs, et ne permettrait pas pour autant de récupérer les sommes exigées.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.
Le dispositif visé dans la première partie de l’amendement impose aux communes des obligations dont elles n’auraient pas la possibilité de s’acquitter. Elles devraient ainsi discuter avec l’organisateur, valider son dispositif de sécurité, lui imposer des prescriptions, voire prononcer une interdiction… C’est exorbitant par rapport aux capacités de certaines petites communes, qui, dans les faits, se tournent généralement vers les services de l’État.
Par ailleurs, il n’est tout simplement pas possible de faire facturer les services des forces de l’ordre s’agissant de manifestations à but non lucratif. En l’occurrence, celles-ci interviennent pour des nécessités de sécurité publique, dans le cadre de leur mission générale de sécurité. Je précise d’ailleurs que cette mission est bien assurée. La rave-party qui s’est déroulée dans les environs de Nantes à laquelle M. Durain faisait référence tout à l’heure a tout de même mobilisé 120 gendarmes, et de nombreux contrôles et verbalisations ont été réalisés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Grand. Si notre collègue Pascale Bories a déposé une telle proposition de loi, c’est bien qu’il y a un problème !
Certes, il ne s’agit pas de manifestations à but lucratif. Mais il y a tout de même bien un commerce sur place ; songeons à tous ces camions qui y distribuent de la bière ! Et encore, je ne parle que de la bière…
Ne soyons pas naïfs ! À qui fera-t-on croire que les organisateurs, qui font venir des professionnels, parfois sur plusieurs jours, n’auraient pas les moyens de payer 10 000 euros, 15 000 euros ou 20 000 euros pour les gendarmes ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Leroy, rapporteur. Je le précise, le nouveau délit ainsi créé permettrait de procéder à des confiscations ; or la valorisation des confiscations permettra de verser à qui de droit les sommes à récupérer.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Mme Assassi a déjà indiqué ce que nous pensons sur le fond de la présente proposition de loi.
Le risque d’un tel débat est de favoriser les surenchères et les propositions irréalistes. Ainsi, M. Grand souhaite faire payer les organisateurs. Mais, concrètement, s’il n’y a pas d’organisateur déclaré, à qui enverrez-vous la note ? (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SOCR.) À personne !
Les décibels sont une vraie question. J’ai moi-même organisé un festival autorisé : la Fête de l’Humanité. (Exclamations amusées.)
M. Loïc Hervé. Ce n’est pas exactement une rave-party !
M. Fabien Gay. Avec 600 000 participants par an, c’est la plus grande fête populaire française, même si cela vous déplaît !
M. Jean-Pierre Grand. Pas du tout ! La Fête de l’Humanité est tout à fait respectable !
M. Fabien Gay. En plein air, il n’est techniquement pas possible d’afficher les décibels. Il est donc illusoire de penser que l’on pourrait y parvenir dans le cadre d’un rassemblement de quelques centaines, voire quelques milliers de personnes.
Les auteurs de la présente proposition de loi soulèvent de véritables questions, mais nous disposons d’ores et déjà de l’arsenal législatif adapté. Ce qui fait en revanche défaut, ce sont les moyens humains et financiers : il faut plus de gendarmes ! C’est le vrai sujet.
Mes chers collègues, vous aurez beau vous lancer chaque semaine dans toutes les surenchères que vous voudrez, avec des amendements tous plus répressifs les uns que les autres, histoire de signifier votre volonté d’aller au bout de la démarche, vous n’aboutirez à rien sans moyens ! Le Sénat va débattre pendant un mois du budget de la France ; le vrai sujet, c’est celui des moyens financiers et humains dont nous dotons nos services publics, en l’occurrence la gendarmerie.
Oui, il est problématique que des terrains privés soient envahis. Mais la loi apporte déjà des réponses. Simplement, vous ne parvenez pas à les mettre en œuvre, car ce ne sont pas deux ou trois gendarmes qui vont faire respecter la loi face à des centaines, voire à des milliers de personnes.
Continuez donc à alimenter un faux débat, à déposer des amendements tous plus répressifs et farfelus les uns que les autres : nous, nous voterons contre ! De toute manière, sitôt adoptée, cette loi sera inapplicable.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Notre collègue, que j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt, nous dit en substance, à l’instar de Mme Benbassa, qu’on ne peut pas échapper aux débordements,…
Mme Esther Benbassa. En effet ! On ne peut pas !
M. François Bonhomme. … lesquels seraient consubstantiels à ce type de manifestations. En d’autres termes, comme c’est difficile, il faudrait renoncer ; voilà un drôle de raisonnement ! Je ne vois rien aujourd’hui qui permette d’encadrer quelque peu ce phénomène, qui n’est pas du tout organisé aujourd’hui.
L’objet du texte est précisément de faire entrer les pratiques concernées dans la légalité.
Mme Esther Benbassa. Il y a déjà une charte !
M. François Bonhomme. Je suis tout de même un peu surpris. D’ordinaire, sur la partie gauche de cet hémicycle, l’on n’a de cesse d’invoquer la volonté politique. Or, en l’espèce, il n’y a plus aucune volonté politique qui tienne ; il faudrait entériner une situation donnée.
M. Fabien Gay. Personne n’a dit cela !
M. François Bonhomme. Dans quelques instants, nous examinerons un amendement portant sur le ministère de la culture, histoire sans doute de donner un vernis culturel à ces manifestations. Un tel mode de légitimation me semble extrêmement dangereux. Tenir un discours quelque peu démagogique, en disant qu’il s’agit simplement de fêtes comme les autres en refusant d’en mesurer les conséquences, c’est aggraver le phénomène !
Mme Esther Benbassa. Supprimons aussi les carnavals et toutes les fêtes, comme ça tout le monde passera ses journées devant Netflix !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Dans de telles manifestations, il est effectivement impossible de contrôler des décibels !
M. Jean-Pierre Grand. Je retire mon amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
Une charte de l’organisation des rassemblements mentionnés à l’article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure est définie par arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé de la jeunesse, après concertation avec les représentants des organisateurs.
M. le président. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Durain, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après les mots :
du ministre de l’intérieur
insérer les mots :
, du ministre chargé de la culture
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. Cet amendement a pour objet d’associer le ministère de la culture à l’élaboration de la charte. L’ajout que nous proposons pourrait sembler mineur. En réalité, sa portée n’est pas que symbolique. Il s’agit de développer des capacités de médiation et d’éviter les oppositions frontales.
On constate depuis l’origine que le problème des rave-parties a principalement été abordé sous l’angle sécuritaire, celles-ci n’étant pas considérées comme des événements culturels et artistiques.
Depuis 1981, le ministère de la culture a connu des évolutions importantes dans l’exercice de ses missions, et la notion de culture s’est considérablement élargie. Des formes d’expression jugées mineures ou réservées à certaines catégories sociales considérées comme plus ou moins marginales ont été reconnues comme légitimes.
La musique techno est aujourd’hui bien identifiée comme une expression musicale à part entière qui mérite l’attention des pouvoirs publics. La production de la musique électronique se réinvente au gré de l’évolution des nouvelles technologies. En matière économique, elles représentent 17 % des musiques actuelles. On aurait donc pu imaginer une implication importante du ministère de la culture sur la question des raves-parties.
Force est de constater une situation inverse. Depuis le début, nous avons bien assisté à un phénomène de captation de ce problème par le ministère de l’intérieur et la mise à l’écart du ministère de la culture. Ce désengagement quasi total du ministère de la culture est une anomalie. Un tel processus n’est pas sans effet sur la manière d’aborder le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
La remise en jeu du ministère de la culture n’est donc pas neutre. Dans certains cas, ce ministère a joué un rôle de médiation utile entre les groupes de musique électronique animant les raves et les autorités politiques. Nous pouvons citer en exemple ce qui se passe en Bretagne et dans la région limitrophe des Pays de la Loire. Bien avant la charte visée par l’article 1er de la proposition de loi, des livrets à l’usage des démarches de concertation ont été élaborés.
Dans ces territoires, qui sont les plus vivants en matière de rave-parties et qui ont été des terrains d’affrontements violents entre les forces de l’ordre et les « teufeurs », l’engagement du ministère de la culture et d’une multitude d’acteurs culturels publics et associatifs démontre qu’une autre voie est possible pour traiter la question des rave-parties.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Certes, ce sont la délégation interministérielle à la jeunesse et le ministère de l’intérieur qui sont en pointe sur le sujet. Mais le ministère de la culture peut effectivement jouer un rôle. J’émets donc un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. L’avis est forcément défavorable, puisque nous sommes défavorables à la proposition de loi. Au demeurant, une telle précision relève du domaine réglementaire.
Cela étant, l’association du ministère de la culture à l’élaboration de la charte en vue d’avoir une triple signature peut s’étudier, y compris dans le cadre du domaine réglementaire. Notre but est de faire en sorte que les organisateurs respectent le principe de la déclaration et adhèrent à la charte. Certes, c’est compliqué. La mobilisation du ministère de la culture – je rejoins totalement M. le rapporteur – pourrait être un plus.
Par conséquent, si j’émets un avis défavorable sur cet amendement dans la mesure où le dispositif relève du domaine réglementaire, je prends bonne note, au nom du Gouvernement, de l’observation qui a été formulée.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Visiblement, certains font des circonvolutions, se contorsionnent pour ne pas être accusés d’hostilité envers la jeunesse, mais le sujet relève d’abord du ministère de l’intérieur ; c’est à lui qu’il appartient de fixer les conditions de sécurité en vue du bon déroulement de telles manifestations.
Inutile de se tortiller en expliquant qu’il s’agit d’un sujet culturel, lié à de la musique d’avant-garde. Ce qui est en cause, ce n’est pas la nature de la musique diffusée ; c’est le niveau sonore. On pourrait également convoquer le ministère de la santé ou celui de l’environnement, puisque des zones occupées illégalement sont dévastées.
La priorité est d’avoir un régime déclaratif strictement encadré pour que les rave-parties se passent dans de bonnes conditions. Car, voyez-vous, madame Benbassa, le discours de Greta Thunberg n’a visiblement pas encore produit tous ses effets, même s’il s’agit de jeunes, quand on voit ces champs dévastés ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
M. Henri Cabanel. Je voudrais remercier M. le rapporteur, qui a compris tout l’intérêt qu’il y avait à associer le ministère de la culture : plus il y aura de parties prenantes autour de la table et plus on arrivera à trouver des solutions.
La problématique du son est réelle, mais si notre collègue était un peu plus au courant de ce qui se passe dans les rave-parties, il saurait que les participants portent tout de même des protections. Au demeurant, il faudrait aussi évoquer les boîtes de nuit, les casques audio, voire les grands prix de Formule 1. L’argument relatif au son ne me paraît donc pas déterminant.
En revanche, il est essentiel que le ministère de la culture soit également autour de la table. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri Leroy, rapporteur. Je salue le travail de M. Cabanel, qui s’est investi pendant de nombreux mois auprès des élus, des sous-préfets et de l’ensemble des acteurs concernés. Il n’a pas renoncé, mais les décisions à prendre ont été différées. Aujourd’hui, nous sommes dans l’illégalité totale. Le Gouvernement s’en accommode. C’est tout de même préoccupant.
S’il faut trois administrations pour élaborer une charte, celle-ci risque de ne jamais voir le jour…
M. le président. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et des associations de représentants des communes
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. À l’initiative de notre rapporteur, l’article 1er bis a été introduit en commission pour prévoir la rédaction d’une charte pour la bonne organisation des rave-parties.
Comme l’a souligné notre collègue Henri Cabanel, un guide de la médiation avait jadis été rédigé en interministériel, sous le pilotage du ministère de la jeunesse de l’époque, en dialogue avec un panel d’organisateurs. Il serait efficace que cette charte s’inspire de ces travaux antérieurs, ces derniers ayant permis quelques avancées sur le terrain.
L’amendement que nous vous proposons vise à associer les maires, qui sont en première ligne, à la rédaction de la charte, afin que leurs difficultés concrètes soient entendues et prises en compte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Le Sénat est bien la chambre des communes. Je suis donc favorable au fait d’associer les maires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Avis défavorable, puisque nous sommes défavorables à l’article 1er bis. Je précise que la charte existe depuis 2002.
Mme Cécile Cukierman. Comme quoi, il ne suffit pas toujours de faire une charte !
M. Fabien Gay. Il faut des moyens !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis, modifié.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 2
L’article L. 211-15 du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Après les mots : « préfet de police, », sont insérés les mots : « ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, par le maire, » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait d’organiser un rassemblement mentionné à l’article L. 211-5 sans déclaration préalable ou en violation d’une interdiction prononcée par le préfet du département ou, à Paris, par le préfet de police, ou, si la déclaration a été faite auprès de lui, par le maire, est puni de 3 750 euros d’amende et d’une peine de travail d’intérêt général. Le tribunal peut prononcer la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit. »
M. le président. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Durain, Sueur et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche, Leconte, Marie, Sutour, Cabanel et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. La commission a réaménagé le volet répressif de l’article 2 de la proposition de loi. En étendant la possibilité de saisie du matériel de sonorisation et en créant un nouveau délit, elle envoie un message contradictoire.
En effet, il n’est pas très cohérent d’avancer que l’on souhaite coopérer en amont avec les organisateurs et, dans le même temps, les mettre sous répression pénale en transformant la contravention en vigueur en délit. Les organisateurs savent très bien que le régime de la déclaration est un régime d’autorisation déguisée. La pratique a suffisamment démontré cette réalité.
Pareille option, si elle venait à être retenue par le Sénat, risquerait de se retourner contre les élus locaux. Comme ils auront tendance à considérer que les conditions ne sont pas suffisamment réunies, ils pourront s’y opposer. Or notre rapporteur a rappelé à plusieurs reprises que le présent texte ne créait aucun pouvoir de police du maire. Ce texte n’instaure qu’un régime de déclaration simple sans possibilité de refuser le récépissé.
Tel Ulysse attaché au mât de son navire, le maire pourra écouter le chant des sirènes – certes, celui-ci n’est guère harmonieux aux oreilles de M. Bonhomme – sans pouvoir agir. Vous conviendrez qu’il s’agit d’une position très inconfortable pour répondre aux sollicitations de ses administrés.
Tant que les initiateurs de la manifestation éprouveront le sentiment qu’en jouant le jeu du régime déclaratoire ils risquent de se faire piéger davantage, ils ne pourront qu’être incités fortement à choisir la clandestinité.
La question porte essentiellement sur les petites raves. Nous ne disposons pas de statistiques précises pour connaître l’ampleur du phénomène. Notre rapporteur a rappelé que les enquêtes connues sont anciennes et les chiffres peu fiables. Nous légiférerons donc à l’aveugle alors qu’il existe déjà tout un arsenal juridique à disposition des maires et des préfets.
Rehausser au niveau législatif des mesures réglementaires existantes et renforcer les sanctions n’apporteraient aucune plus-value. Au contraire, ainsi que l’exprime le Conseil d’État, qui dénonce régulièrement les effets de l’intempérance normative, ce serait source d’instabilité et de complexité, et, sur le terrain, cela pourrait bien de se retourner contre les maires.
Face à leur sentiment d’isolement et l’incapacité d’agir, les maires demandent au contraire à être mieux entendus et mieux accompagnés dans leurs pouvoirs de police lorsque des rassemblements festifs à caractère musical sont organisés sur le territoire de leur commune.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Henri Leroy, rapporteur. Je n’ai pas dit qu’il n’y avait pas de pouvoir de police du maire ; j’ai dit qu’il n’y avait pas de pouvoir « spécial » de police du maire !
La situation actuelle, qui réprime l’interdiction des manifestations par une contravention de cinquième classe, a fait la démonstration de son incapacité à fonctionner. Le fait de le passer en délit donne des pouvoirs aux services de police et de gendarmerie pour faire respecter la règle. Aujourd’hui, tout est bloqué. Comme cela a été rappelé, 3 200 manifestations ne nécessitent pas de déclaration aux préfets, et il y a eu seulement 2 récépissés et 70 condamnations à 436 euros d’amende pour les 800 cas où la déclaration au préfet s’imposait : c’est d’une inefficacité absolue.
Le fait de passer à un délit donne des prérogatives aux forces de sécurité - gardes à vue, saisies, etc. - et permet de faire respecter la loi.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.