Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy-Dominique Kennel, Mme Patricia Schillinger.
2. Hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015
3. Questions d’actualité au Gouvernement
tremblement de terre dans le sud-est
M. Mathieu Darnaud ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
M. Jean-Marie Bockel ; Mme Florence Parly, ministre des armées ; M. Jean-Marie Bockel.
tremblement de terre dans la drôme
M. Bernard Buis ; Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Françoise Laborde ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur.
M. Pierre Ouzoulias ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Maryvonne Blondin ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; Mme Maryvonne Blondin.
M. Alain Marc ; Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ; M. Alain Marc.
M. Arnaud Bazin ; Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Arnaud Bazin.
engagements de plafonnement des frais bancaires non tenus
Mme Laurence Rossignol ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances ; Mme Laurence Rossignol.
Mme Nicole Duranton ; Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes ; Mme Nicole Duranton.
impact de la pêche industrielle sur l’écosystème
Mme Catherine Fournier ; Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
absence de politique familiale du gouvernement
Mme Corinne Imbert ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Corinne Imbert.
M. André Gattolin ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam ; Mme Florence Parly, ministre des armées.
fiscalité transfrontalière avec le luxembourg
M. Olivier Jacquin ; M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Mme Claudine Kauffmann ; M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
4. Financement de la sécurité sociale pour 2020. – Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme Laurence Cohen ; M. le président.
Amendement n° 170 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 582 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 534 rectifié de M. Maurice Antiste. – Non soutenu.
Amendement n° 548 rectifié quater de M. Philippe Mouiller. – Adoption.
Amendement n° 450 rectifié bis de M. Daniel Chasseing. – Adoption.
Amendement n° 579 de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 33.
Amendement n° 583 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 218 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 8
Amendement n° 533 rectifié de M. Maurice Antiste. – Non soutenu.
Amendement n° 592 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 581 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 587 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 588 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 832 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 589 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 830 rectifié de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 877 rectifié quater de M. Olivier Henno. – Rejet.
Amendement n° 722 rectifié de M. Antoine Karam. – Rejet.
Amendement n° 337 rectifié quater de Mme Catherine Fournier. – Rejet.
Amendement n° 586 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 434 rectifié de Mme Sophie Taillé-Polian. – Non soutenu.
Amendement n° 535 rectifié de M. Maurice Antiste. – Rejet.
Article 8 bis (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 8 bis
Amendement n° 276 rectifié bis de Mme Nathalie Delattre. – Devenu sans objet.
Articles 8 ter et 8 quater (nouveaux) – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
Article additionnel après l’article 8 quater
Amendement n° 561 rectifié de Mme Viviane Malet. – Rejet.
Amendement n° 379 rectifié de M. Antoine Karam. – Devenu sans objet.
Amendement n° 501 de Mme Victoire Jasmin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 753 rectifié bis de Mme Catherine Conconne. – Devenu sans objet.
Amendements nos 559 et 557 de M. Georges Patient. – Devenus sans objet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 8 quinquies
Amendement n° 560 rectifié de Mme Viviane Malet. – Rejet.
Amendement n° 60 rectifié de M. Olivier Cigolotti. – Retrait.
Amendement n° 61 rectifié de M. Olivier Cigolotti. – Retrait.
Amendement n° 62 rectifié de M. Olivier Cigolotti. – Retrait.
Amendement n° 594 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 9
Amendement n° 435 rectifié bis de Mme Évelyne Renaud-Garabedian. – Rejet.
Amendement n° 113 rectifié bis de M. Richard Yung. – Rejet.
Amendement n° 353 rectifié de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 751 rectifié de M. Jean-Yves Leconte. – Rejet.
Amendement n° 15 rectifié bis de M. Christophe-André Frassa. – Rejet.
Amendement n° 352 rectifié de M. Nuihau Laurey. – Rejet.
Amendement n° 595 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 596 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 79 rectifié ter de M. Rachid Temal. – Rejet.
Amendement n° 837 rectifié bis de Mme Monique Lubin. – Rejet.
Amendement n° 354 rectifié de M. Pierre Louault. – Retrait.
Amendement n° 597 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 31 rectifié de Mme Sylvie Vermeillet. – Retrait.
Amendement n° 343 rectifié bis de Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 171 rectifié bis de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Guy-Dominique Kennel,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir vous lever. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, se lèvent.)
Il y a quatre ans, le 13 novembre 2015, en plusieurs points de Paris, à des terrasses de restaurant et dans la salle de concert du Bataclan, ainsi qu’aux abords du Stade de France à Saint-Denis, furent perpétrées les attaques terroristes qui firent 130 morts et 350 blessés.
Nous devons garder en mémoire cette journée si douloureuse pour notre pays. Elle nous a confortés dans notre détermination à rester résolus et unis face à la menace terroriste et à défendre, plus que jamais, les valeurs de la République que nous avons en partage.
Le président David Assouline représentera le Sénat aux cérémonies commémoratives qui se dérouleront aujourd’hui à Paris.
En ce jour anniversaire, et même si le temps a semblé passer, nos pensées vont aux victimes de ces attentats, à leurs familles et à tous leurs proches. En leur souvenir et en leur hommage, je vous invite à observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement, observent un moment de silence.)
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Notre séance est retransmise sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.
tremblement de terre dans le sud-est
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.)
M. Mathieu Darnaud. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre ; j’y associe mon collègue de l’Ardèche, Jacques Genest.
Lundi 11 novembre, à onze heures cinquante-deux, un séisme de magnitude 5,4 a frappé le département de l’Ardèche et, plus généralement, la vallée du Rhône. De nombreuses communes ont été touchées, singulièrement Le Teil. Nous adressons tout notre soutien à l’ensemble des personnes blessées ou qui ont subi des dégâts, parfois assez importants.
Le bilan de ce séisme est aussi lourd qu’inhabituel dans l’Hexagone : environ 300 bâtiments endommagés et une trentaine détruits, des établissements scolaires fermés et certains de nos concitoyens hébergés en urgence dans des gymnases de la commune, où certains sont encore aujourd’hui.
À cette heure, monsieur le Premier ministre, les Ardéchoises et les Ardéchois – mais j’associe à cette question certains collègues drômois – attendent des réponses de l’État.
S’agissant tout d’abord des centrales nucléaires de Cruas et du Tricastin, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire a indiqué ne pas avoir constaté de dégâts visibles sur les installations, mais il poursuit ses investigations. Monsieur le Premier ministre, disposez-vous à ce stade d’informations complémentaires ?
En ce qui concerne les mesures d’urgence et la solidarité nationale que nous appelons de nos vœux, confirmez-vous la parution rapide d’un décret de catastrophe naturelle ? En attendant le processus d’expertise et d’indemnisation des assurances, quels moyens financiers d’urgence l’État entend-il mettre en œuvre pour venir en aide aux populations touchées ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Darnaud, j’étais hier soir à Montélimar et dans la commune du Teil, en particulier dans le hameau de La Rouvière. Les dégâts que j’ai constatés sur les logements, en particulier dans ce hameau et toute la commune, dépassent de beaucoup les premières indications qui nous étaient parvenues. À cet instant, je puis parler de 800 maisons directement touchées, qui présentent des fissures plus ou moins importantes, pour la seule commune du Teil.
Dès avant-hier, nous avons procédé au relogement dans l’urgence de près de 300 personnes, sur trois sites.
Depuis hier, nous travaillons à réduire le nombre de personnes relogées : les services de pompiers, renforcés depuis ce matin par huit équipes de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l’intérieur, inspectent minutieusement les bâtiments, pour que leurs habitants puissent en reprendre possession après la levée des doutes.
Quant à ceux qui doivent encore être relogés, nous œuvrons pour qu’ils puissent, dès ce soir, dormir dans des conditions plus satisfaisantes que celles qui leur ont été proposées jusqu’ici, malgré l’accueil de qualité de très nombreux bénévoles, que je veux saluer, dans des gymnases du Teil.
Il nous faut maintenant préparer l’avenir et répondre à l’urgence.
Vous avez évoqué les écoles publiques et privées de la commune, ainsi que les équipements publics ; nous pourrions parler aussi des deux églises, aujourd’hui menacées et dont l’une, située en bordure de la RN 112, présente de vrais risques. Nous devons nous mobiliser pour préparer l’avenir.
Pour ce qui est de l’urgence et de la déclaration de catastrophe naturelle, Élisabeth Borne et moi-même avons voulu que la commission compétente se réunisse dès la semaine prochaine. Un ensemble de dispositifs d’urgence va être mobilisé sous l’autorité de la ministre chargée des collectivités territoriales et en liaison avec Olivier Dussopt, pour le ministère de l’économie et des finances.
L’État répondra présent, comme le département l’a fait dans l’urgence et comme, je crois, le conseil régional le fera cet après-midi – le président de la région se rendra au Teil dans les heures qui viennent. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
avenir de l’otan
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Philippe Bas applaudit également.)
M. Jean-Marie Bockel. Madame la ministre des armées, ma question porte sur la déclaration du Président de la République selon laquelle « l’OTAN est en état de mort cérébrale ».
Si nul ne conteste sérieusement que l’OTAN ne va pas bien aujourd’hui, faut-il affirmer d’emblée qu’elle ne s’en remettra pas ?
Qu’il faille une refondation de la défense européenne, donc de l’Alliance atlantique, face à de nouvelles menaces, dans un monde qui a bien changé depuis la guerre froide, cela est certain. Les événements récents au Moyen-Orient, l’attitude agressive de la Turquie, membre de l’OTAN, les menaces de désengagement des États-Unis et les revirements intempestifs du Président Trump sont la marque d’une crise profonde.
Pour autant, le coup de gueule du Président de la République, justifié à bien des égards, suscite inquiétudes et interrogations chez nos partenaires européens de l’OTAN – Allemagne, Royaume-Uni et anciens pays du bloc communiste, tout particulièrement les pays baltes – et jusqu’à la Commission européenne.
Or créer un nouveau rapport de force européen en matière de défense passe aussi par nos partenaires européens ; pour le moment, ce rapport de force n’existe pas, en tout cas trop peu. Même le nécessaire dialogue avec la Russie ne sera fructueux qu’en s’adossant à un ensemble européen fort.
Madame la ministre, quelle signification donner à la phrase du Président de la République ? S’agit-il d’une petite phrase qui alimente les médias mais ne fait en rien évoluer la situation réelle de l’OTAN, ou au contraire d’une offensive diplomatique en profondeur, destinée à réveiller nos alliés européens face à l’urgence d’un renouvellement nécessaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le sénateur, lorsque le Président de la République a évoqué la mort cérébrale de l’OTAN, cela ne signifiait pas la mort de l’OTAN. (Rires et exclamations ironiques sur de nombreuses travées.) Cela signifiait que nul ne peut ignorer la crise que traverse l’organisation.
Sur un plan strictement militaire, les choses fonctionnent : l’OTAN est un outil robuste qui permet de planifier, de standardiser et d’interopérer. Mais cela ne doit pas cacher l’essentiel : il y a un doute sérieux sur la garantie de sécurité américaine et, partant, sur l’article 5 du traité ; il y a aussi un questionnement profond sur la solidarité alliée, quand les Turcs attaquent ceux qui luttent contre Daech ; il y a enfin, vous l’avez dit, une insuffisance criante des efforts de défense des Européens, qui pourtant devraient constituer leur propre pilier au sein de l’Alliance.
On ne peut pas se satisfaire de cette situation. La volonté du Président de la République est d’alerter, à la veille du sommet de Londres : l’OTAN est la pierre angulaire de la sécurité et de la défense européennes, mais elle doit s’adapter, en profondeur. Le chef de l’État s’en est entretenu avec le Président des États-Unis, avec lequel des convergences existent ; ils sont convenus de se revoir avant le sommet de Londres.
Monsieur le sénateur, l’OTAN a déjà connu un certain nombre de crises, et il ne faut pas s’en apitoyer ; au contraire, il est sain pour une organisation de se repenser. Ce que nous proposons, c’est de lancer, avec les alliés, une vraie réflexion stratégique sur l’avenir de l’Alliance et la force de nos engagements en son sein. Nous ferons prochainement des suggestions précises à cet effet. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.
M. Jean-Marie Bockel. Le risque, lorsque l’on tape fort sans plan alternatif et partagé, c’est toujours celui du coup d’épée dans l’eau. Comme l’a dit le sage Pierre Vimont, ambassadeur de France, Emmanuel Macron a sans doute eu tort sur la méthode, car il aiguise la critique habituelle sur l’arrogance française ; mais il a raison sur le fond : tout le système européen – OTAN comme Union européenne – est à bout de souffle et doit se repenser stratégiquement. Nous avons du pain sur la planche ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants.)
tremblement de terre dans la drôme
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche.
M. Bernard Buis. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Avant-hier, un tremblement de terre a secoué le sud de notre pays. Survenu vers midi autour de Montélimar, le séisme a fait quatre blessés et provoqué d’importants dégâts sur la commune du Teil, en Ardèche : maisons, églises et établissements publics sont fissurés, et plus de 500 personnes ont été évacuées dans l’attente d’une éventuelle réplique.
Plus important tremblement de terre enregistré en France depuis seize ans, avec une intensité de 5,4 sur l’échelle de Richter, cette secousse inédite soulève des questions en matière de sécurité civile. Même si l’Autorité de sûreté nucléaire a précisé qu’aucun dommage n’avait été relevé sur les sites de Cruas et du Tricastin, le préfet de la Drôme, Hugues Moutouh, a annoncé l’arrêt des réacteurs de la centrale de Cruas dans la soirée de lundi.
Hier, un autre séisme, d’une magnitude de 3,1 sur l’échelle de Richter, a été enregistré à Strasbourg ; EDF a fait savoir que la secousse n’avait pas été ressentie sur la centrale de Fessenheim.
La France compte cinquante-huit réacteurs nucléaires en activité, répartis sur dix-neuf sites, parmi lesquels cinq situés en zone sismique, dont quatre dans la vallée du Rhône. Madame la ministre, pouvez-vous rassurer nos concitoyens sur le niveau de protection des centrales nucléaires face aux risques sismiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mme Marie-Pierre Monier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Buis, comme Christophe Castaner l’a indiqué, le Gouvernement apporte tout son soutien à nos concitoyens victimes du tremblement de terre qui a touché l’Ardèche et, plus largement, la vallée du Rhône voilà deux jours. À mon tour, je salue l’intervention des forces de secours et des services de l’État pour venir en aide aux sinistrés.
En ce qui concerne les installations nucléaires, la vigilance est bien sûr totale : toutes les procédures de suivi et de contrôle ont été mises en œuvre dès la survenue du séisme.
C’est l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité indépendante, qui supervise les contrôles réalisés par les opérateurs. L’ASN a pu nous confirmer qu’aucun dommage n’avait été constaté sur les centrales de Cruas et du Tricastin. C’est donc en application du principe de précaution qu’EDF a arrêté les trois réacteurs de Cruas, des vibrations ayant été ressenties sur le site. En revanche, rien n’a été mesuré sur la centrale du Tricastin. C’est l’ASN qui déterminera les conditions de remise en service des réacteurs, probablement en fin de semaine.
S’agissant de Fessenheim, aucune secousse n’a, en effet, été ressentie sur le site.
De façon générale, le risque sismique est naturellement pris en compte dans la conception des centrales nucléaires, en fonction de l’historique des séismes observés dans la région. Depuis l’accident de Fukushima, l’ASN a demandé aux exploitants de procéder à des évaluations de sûreté complémentaires. Ces mesures sont mises en œuvre en trois phases : la première a d’ores et déjà eu lieu, la deuxième se déroulera d’ici à la fin de 2021 et la troisième en fonction des visites périodiques réalisées sur les centrales. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
laïcité
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre de l’intérieur, la France peut s’enorgueillir d’avoir fait des Lumières la source de son pacte républicain. Contre tous les obscurantismes et les fanatismes, c’est l’honneur de notre République de rassembler nos concitoyens dans ce qu’ils ont de commun par-delà leurs origines et leurs croyances.
Pour la très grande majorité d’entre nous ici – je ne puis, hélas, pas dire tous –, cette conception civique de la Nation repose sur la laïcité. Une laïcité à laquelle on ne peut accoler aucun adjectif ; une laïcité qui fonde la concorde de la société, en dépassant les identités particulières qui ne résument pas un individu ; une laïcité qui facilite « l’édification d’un monde commun aux hommes sur la base de leur égalité et de leur liberté de conscience, assurée par la mise à distance de tous les groupes de pression », selon les termes d’Henri Peña-Ruiz.
La manifestation du 10 novembre a malheureusement montré que la voie de l’apaisement était encore longue. Nous y avons entendu ceux qui prônent la division, le clivage de la société, le repli sur des identités assignées, comme si le déterminisme social était une fatalité. Nous y avons lu des slogans qualifiant de liberticides les lois de la République. Nous y avons vu les symboles d’une époque tragique de notre histoire détournés d’une façon indigne et provocatrice, mais assumée, faisant écho aux insultes publiques à l’encontre de certains sénateurs, qualifiés de nazis voilà quelques jours.
Or, mes chers collègues, les symboles ont un sens, que nous n’oublions pas. Leur instrumentalisation par certains nourrit les amalgames.
Monsieur le ministre, mon groupe promeut la laïcité avec force et conviction, au nom de l’universalisme et de l’égal respect dû aux croyants et aux non-croyants. La laïcité, ce n’est pas simplement de permettre à des communautés de cohabiter en se tolérant. Non, elle est bien plus que cela : elle est la condition de la fraternité républicaine !
En ce triste jour anniversaire des attentats du 13 novembre 2015, alors que les crispations identitaires progressent, il est urgent d’agir pour rassembler et apaiser. Comment le Gouvernement compte-t-il défendre notre laïcité ? (Applaudissements prolongés sur les travées des groupes RDSE, LaREM, Les Indépendants, SOCR, UC et Les Républicains. – Plusieurs sénateurs du groupe CRCE applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice Laborde, je connais votre combat et votre implication, et je sais qu’ils marquent votre groupe. Je sais aussi combien le Sénat est attaché à cette valeur fondatrice et fondamentale qu’est la laïcité.
Dimanche dernier, une manifestation a été organisée par ceux qui prétendent lutter contre « l’islamophobie » – c’est leur terme. Évidemment, nous respectons le droit fondamental de manifester, mais notre ligne est claire : ce droit doit respecter toutes les valeurs de la République, donc la laïcité.
Nous devons, grâce à la laïcité, protéger le choix religieux de chacune et de chacun, mais ne jamais accepter de mélanger religion et radicalité, de mélanger l’islam comme fait religieux et comme culture et l’islamisme comme une organisation politique qui veut se construire contre les valeurs de la République, contre ce que nous sommes, contre nos identités et des principes fondamentaux comme l’égalité entre les femmes et les hommes. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)
M. Michel Vaspart. Très bien !
M. Christophe Castaner, ministre. Que certains manifestants aient défilé avec des revendications allant contre les valeurs qui doivent fonder notre vivre ensemble est totalement scandaleux.
Ceux qui ont lancé l’appel dénonçant, pêle-mêle, des « lois liberticides », le « silence complice des institutions étatiques chargées de lutter contre le racisme », les « délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’État contre des musulmans dont le seul tort serait l’appartenance réelle ou supposée à une religion » et des « dispositifs de surveillance de masse qui conduisent à une criminalisation pure et simple de la pratique religieuse » se rendent au fond complices des menaces qui pèsent sur la République.
Madame la sénatrice, nous serons pleinement engagés à vos côtés, aux côtés des sénateurs, pour que la laïcité, qui n’est ni provocatrice ni, au fond, rejetée, ne soit pas non plus une naïveté. Chaque fois qu’une de nos valeurs est mise en cause par ceux qui, au nom de la religion, considèrent qu’il y aurait un intérêt supérieur à ce qui nous rassemble, nous devons, tous ensemble, combattre pied à pied pour que la République soit partout chez elle. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
précarité étudiante (i)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Ouzoulias. Plus d’un étudiant sur deux ne mange pas tous les jours à sa faim. Près d’un sur deux a renoncé à se soigner par manque d’argent. Il n’y a que 175 000 places en résidence étudiante pour 700 000 étudiants boursiers, et le loyer représente plus de 70 % du budget moyen des étudiants. Plus d’un étudiant sur deux est obligé de travailler pour étudier et subsister, et les étudiants salariés occupent les emplois les plus précaires, les plus harassants et les moins rémunérés ; ainsi, ils composent près de 60 % de la main-d’œuvre des plateformes de prestations.
À tout cela s’ajoutent des conditions d’enseignement indignes et un sous-encadrement pédagogique chronique.
La grande majorité de la population estudiantine est en souffrance. L’aggravation de ses conditions d’existence conduit à la désespérance, à des drames humains et à des gestes désespérés comme celui d’Anas, qui sont autant de cris de détresse que vous ne pouvez ignorer.
Les conséquences de ce mal-être endémique sont catastrophiques pour notre pays : de moins en moins d’étudiants poursuivent un cursus complet, le nombre de doctorants baisse chaque année et la fuite des cerveaux est maintenant manifeste.
Or, à cette crise majeure, vous répondez par une baisse des moyens alloués à l’enseignement supérieur. La dépense par étudiant atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis 2008, et il n’y a dans votre projet de loi de finances aucune ambition d’arrêter cette chute. À la jeunesse qui souhaite s’investir dans la connaissance, la culture et les œuvres de la pensée, vous envoyez le message détestable qu’elle ne serait qu’une charge, un fardeau improductif qu’il faudrait continûment alléger ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous abordez une réalité, une dure réalité : la précarité étudiante, parfois la misère étudiante.
Cette réalité a été remise en lumière par la tragique immolation d’un jeune, vendredi dernier, à Lyon. C’est évidemment vers lui, ses proches et la communauté étudiante et universitaire de Lyon que nos pensées se tournent aujourd’hui. Frédérique Vidal s’est rendue sur place dès samedi pour échanger avec eux.
Cette réalité, à laquelle nombre des gouvernements qui se sont succédé ces dernières années avaient cherché à répondre, nous avons choisi de la prendre à bras-le-corps. C’est ainsi que nous avons supprimé la cotisation de sécurité sociale de 217 euros qui était payée par les étudiants à chaque rentrée. De même, nous avons annoncé, voilà deux mois, une augmentation des bourses à hauteur de 46 millions d’euros. En outre, les bourses sont désormais versées à date, le 5 du mois – et même, par anticipation, en début d’année pour les étudiants qui ont constitué leur dossier.
Ces progrès sont concrets et tangibles ; on ne peut pas les nier.
Mme Cécile Cukierman. La précarité non plus, on ne peut pas la nier !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. Évidemment, des situations difficiles demeurent ; évidemment, il faut poursuivre l’effort et faire mieux connaître les dispositifs d’aide – quasiment cinquante – qui existent à l’université. Je pense en particulier aux aides pour les situations d’urgence.
De fait, la précarité peut s’ajouter à la précarité en cas de rupture ou lors de tout autre moment difficile. L’enquête en cours à Lyon vise à déterminer si l’université et le Crous étaient informés de la situation très difficile de ce jeune et à comprendre pourquoi les aides disponibles ne lui ont pas été proposées.
Poursuivre l’effort, c’est aussi le sens du revenu universel d’activité : la concertation sur ce sujet doit nous conduire à repenser une partie de l’accompagnement social des jeunes. Nous sommes résolus à continuer dans cette voie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
précarité étudiante (ii)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Maryvonne Blondin. Je poursuivrai dans la même veine que mon collègue Ouzoulias.
Monsieur le secrétaire d’État, la précarité tue ! Elle tue aussi notre projet républicain pour la jeunesse, en particulier celle qui est issue des familles les moins aisées et qui aspire à un progrès social par l’éducation.
L’État ne parvient pas à enrayer les déterminismes sociaux. Il s’agit pourtant de garantir à chaque étudiant les conditions de vie nécessaires à sa réussite : le logement, l’alimentation, la santé, les transports, les livres qui lui sont nécessaires.
Or la précarité étudiante ne cesse d’augmenter. Ainsi, 20 % des étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, et plus d’un tiers d’entre eux travaillent en plus de leurs études. Leur accès à la santé en pâtit. Les enquêtes annuelles de la FAGE et de l’UNEF concluent à une hausse du coût de la vie étudiante de près de 3 % en 2019.
Vous me répondrez que le montant des bourses a été revalorisé et que vos crédits sont en hausse pour 2020 ; mais cela n’est pas suffisant lorsque, dans le même temps, les frais de vie courante ne cessent de croître, à l’instar du prix du ticket de resto U et de la contribution à la vie étudiante, et que vous prenez des mesures incompréhensibles, comme la baisse des APL et de l’allocation de logement social.
Quelles mesures comptez-vous prendre ? Allez-vous proposer une refonte des aides aux étudiants ? Comment allez-vous accélérer la construction des logements étudiants, dont Mme la ministre de l’enseignement supérieur elle-même a reconnu que le nombre était insuffisant ? Nous avons besoin de réponses concrètes pour redonner espoir à notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, la démocratisation de la réussite à l’école et dans l’enseignement supérieur est ce qui guide notre politique ; c’est le sens de notre action à l’école, avec le dédoublement des classes, l’aide aux devoirs et les moyens alloués aux quartiers les plus en difficulté.
La démocratisation de la réussite à l’université passe aussi par les conditions de vie des étudiants. C’est pourquoi nous agissons depuis deux ans dans ce domaine.
Non, madame la sénatrice, le coût de la rentrée universitaire n’a pas augmenté cette année : les estimations ont même montré qu’il était plus faible que les années précédentes. S’agissant de la restauration universitaire, nous avons donné une perspective à quatre ans pour faire baisser le coût du panier de base.
Des chantiers doivent être poursuivis. C’est ce que nous faisons avec les organisations étudiantes dans le cadre de la concertation sur le revenu universel d’activité. Avec elles, nous continuerons à avancer, notamment pour construire les 60 000 logements étudiants sur lesquels le Président de la République s’est engagé.
Tous les sujets doivent être mis sur la table. Dans cet esprit, le Premier ministre m’a demandé de recevoir les organisations étudiantes au plus vite ; ce cycle de rendez-vous démarrera dès demain matin. Nous continuerons à travailler main dans la main pour agir très concrètement, comme ces deux dernières années, au service de l’amélioration des conditions de vie des étudiants. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour la réplique.
Mme Maryvonne Blondin. Je rappelle que la complémentaire santé n’est plus obligatoire depuis la disparition du régime étudiant de sécurité sociale. Un étudiant qui souhaite bénéficier d’une complémentaire santé doit payer 313 euros, alors que le coût de la sécurité sociale étudiante était auparavant de 217 euros. (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
finances des départements
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Alain Marc. J’associe à ma question mon collègue de l’Aveyron Jean-Claude Luche.
Un ancien Premier ministre socialiste avait proposé la suppression des départements ; le projet n’a heureusement pas été mis en œuvre. Les départements démontrent chaque jour qu’ils jouent un rôle essentiel de proximité à l’heure des très grandes régions. Ils accompagnent les communes dans leurs projets, mais ils sont aussi à leurs côtés lorsqu’elles rencontrent des difficultés. La solidarité territoriale unit les départements aux communes – ici pour le maintien d’un dernier commerce ou la création d’une salle d’activité, là pour la construction d’une école.
Qu’il s’agisse des routes, des lycées, du social, du tourisme, du sport ou de la culture, les départements font beaucoup pour nos territoires. Si nous souhaitons qu’ils continuent dans cette voie, il faut sécuriser leurs ressources. Des coûts nouveaux apparaissent, liés par exemple à l’accueil des mineurs non accompagnés : ils atteignent aujourd’hui 5 millions d’euros pour l’Aveyron.
Le projet de loi de finances prévoit de remplacer les ressources départementales tirées de la taxe sur le foncier bâti par l’allocation d’une fraction du produit de la TVA. Les départements vont ainsi perdre un nouveau levier fiscal. Le produit de la TVA est variable, à la hausse comme à la baisse, car il dépend de la consommation. Or, pour pouvoir assumer leurs diverses compétences, par exemple en matière d’aide aux communes, les départements ont besoin que leurs recettes ne risquent pas de diminuer en raison d’une baisse de la consommation.
Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour que les ressources des départements ne soient pas soumises aux aléas de la consommation ? Envisagez-vous un mécanisme qui empêcherait toute diminution de ces ressources d’une année sur l’autre en cas de récession économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Messieurs les sénateurs Alain Marc et Jean-Claude Luche, la suppression de la taxe d’habitation est une réforme très importante, qui entraînera une baisse d’impôts sans précédent de 18 milliards d’euros pour nos concitoyens. Nous nous sommes assurés de sa compensation, pour les collectivités territoriales, par des ressources fiscales à la fois pérennes et dynamiques, tout en améliorant la lisibilité du prélèvement de l’impôt pour nos concitoyens.
Pour les départements, cette compensation prend effectivement la forme de l’attribution d’une fraction de la TVA nationale. Il s’agit bien d’une fraction, et non d’un montant, ce qui permet d’assurer une progression de la ressource et l’autonomie financière des départements. C’est tout l’inverse d’une dotation.
Je veux par ailleurs insister sur le fait que le système sera plus équitable : chaque département, qu’il soit riche ou pauvre, verra progresser cette ressource de la même manière chaque année, quelle que soit sa dynamique foncière. Cela constitue une assurance pour les départements les plus démunis.
Cette réforme n’a donc pas suscité ou aggravé les difficultés financières que connaissent certains départements. Le Gouvernement est néanmoins conscient de la nécessité d’une péréquation, attendue par les collectivités. Deux mesures en ce sens ont été votées par l’Assemblée nationale lors de la discussion du projet de loi de finances : un renforcement de la péréquation horizontale reprenant les termes de l’accord conclu cet été entre les membres de l’Association des départements de France et l’attribution d’une fraction supplémentaire de TVA de 250 millions d’euros, de manière péréquée, par le Gouvernement.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. Par ailleurs, la dynamique de cette ressource issue de la TVA restera entièrement aux mains des départements, grâce notamment à une clause de sauvegarde permettant d’apporter une aide d’urgence aux départements qui pourraient connaître une crise grave, à l’instar de celle que viennent de vivre l’Ardèche ou la Drôme. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour la réplique.
M. Alain Marc. Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais, en cas de récession, le produit national de la TVA va baisser. Il ne faudrait pas que la part allouée aux départements baisse aussi. Il convient donc d’imaginer un mécanisme permettant de prévenir une telle évolution, de façon que les départements puissent notamment continuer à aider nos communes. Tel était le sens de ma question. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Arnaud Bazin. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
L’État vient de retirer son soutien au projet EuropaCity, le condamnant ainsi, après dix ans de coconstruction entre l’établissement public d’État Plaine de France et Immauchan, avec l’appui de l’ensemble des collectivités locales.
Chacun connaît l’importance et la spécificité de ce projet de développement dans un des territoires les plus défavorisés de la République. Il nous avait d’ailleurs semblé comprendre, après le rejet du plan Borloo pour les banlieues par le Président de la République, que les villes socialement en difficulté étaient priées de chercher leur salut dans le développement économique et l’emploi : en l’occurrence, le projet représentait 3 milliards d’euros d’investissements privés, avec plus de 10 000 emplois à la clé.
Mme Borne, après avoir justifié cette décision par le souci de ne pas bétonner davantage, a affirmé la volonté du Gouvernement d’urbaniser tout de même le triangle de Gonesse et d’y construire une gare sur la ligne 17. Comprenne qui pourra !
Considérant qu’une grande partie des ressources nécessaires à l’aménagement de la ZAC était apportée par le projet EuropaCity, considérant l’impécuniosité de l’État, je souhaite que vous nous disiez, monsieur le Premier ministre, à quel niveau de participation vous engagez l’État dans le projet de substitution auquel vous nous demandez de croire et comment vous entendez dégager les fonds nécessaires, quand la dette publique tangente 100 % du PIB et s’est alourdie de 190 milliards d’euros durant les trois années de votre gouvernement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Bazin, le Gouvernement est bien conscient des difficultés de l’est du Val-d’Oise. Je mesure donc la déception des élus de ce territoire à la suite de la décision de mettre fin au projet EuropaCity. Mais ce projet n’était pas la bonne réponse aux défis que doit relever ce territoire, et il n’est pas cohérent avec notre ambition en matière de transition écologique. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Pour réussir cette transition, il nous faut faire des choix parfois difficiles, mais cohérents. Le projet EuropaCity relève d’un modèle aujourd’hui dépassé, ne répondant plus aux aspirations de nos concitoyens, celui de centres commerciaux toujours plus grands implantés à la périphérie de nos villes, ce qui renforce la dépendance à la voiture.
De fait, la mise en œuvre de ce projet aurait conduit à une aggravation de la congestion routière dans un secteur qui connaît déjà des difficultés en la matière – la création de 10 000 places de parking était notamment prévue. Elle aurait également conduit à artificialiser 80 hectares de terres agricoles, dans le cadre d’un étalement urbain dont nous ne voulons plus.
Ce projet avait suscité beaucoup d’attentes, mais je suis convaincue que le territoire mérite mieux et nous ne le laisserons pas tomber. C’est le sens du travail que nous voulons mener avec les élus et le monde économique, étant entendu que la desserte par la ligne 17 ne sera pas remise en cause, et de la mission confiée à M. Rol-Tanguy. Je ne doute pas que vous serez force de proposition pour construire un projet à la hauteur des attentes des Val-d’Oisiens. Je le redis, l’État ne laissera pas tomber ce territoire ! (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour la réplique.
M. Arnaud Bazin. Il y aurait beaucoup à dire sur les aspects écologiques de cette décision. Le projet EuropaCity visait la neutralité carbone en 2027 ; la caricature qui le réduit à la création d’un simple centre commercial est sans rapport avec la réalité.
Je n’ai pas entendu de réponse aux deux questions que j’ai posées. Après cette décision, la parole de l’État est totalement dévalorisée dans ce territoire inflammable. En essayant de faire miroiter un projet de substitution dont l’État n’a pas les moyens, vous portez la très lourde responsabilité d’aggraver cette perte de confiance, et vous devrez en assumer les conséquences ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Rachid Temal applaudit également.)
engagements de plafonnement des frais bancaires non tenus
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Il y a un an, pour apaiser la colère des « gilets jaunes », le Président de la République avait convoqué les banques et avait lui-même annoncé que, désormais, les frais pour incidents bancaires seraient plafonnés à 25 euros par mois pour les personnes en difficulté. Environ 3 millions de personnes étaient potentiellement concernées. Le Président de la République avait même affirmé que de 500 à 600 millions d’euros seraient ainsi redistribués aux Français.
L’Union nationale des associations familiales (UNAF) et l’association 60 millions de consommateurs – il ne s’agit pas là d’officines malveillantes et antigouvernementales – ont publié une enquête révélant que 72 % des personnes potentiellement éligibles à ce nouveau droit se l’étaient vu refuser et que 90 % des 3,5 millions de Français qui pourraient en bénéficier n’en avaient jamais entendu parler – en tout cas pas par leur banque.
Vous vous êtes donc fait rouler dans la farine par les banques, monsieur le ministre ! Ce n’est pas si grave, cela peut arriver à tout le monde, mais, aujourd’hui, il vous faut tenir les engagements pris il y a un an. Êtes-vous prêt à soutenir ou à proposer un amendement au projet de loi de finances visant à garantir le plafonnement des pénalités pour incidents bancaires pour les populations défavorisées ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Rossignol, les engagements pris par les banques auprès du Président de la République et des ministres des finances doivent être tenus. Ces engagements sont clairs.
Les clients les plus fragiles bénéficient d’une offre spécifique leur donnant accès à un ensemble de services bancaires de base pour 3 euros par mois, mais les frais pour incidents bancaires peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros par an, ce qui est insupportable pour cette population.
Le premier engagement pris a été de plafonner, dans le cadre de cette offre spécifique, l’ensemble des frais pour incidents bancaires à 20 euros par mois et à 200 euros par an. Ce premier engagement doit être tenu.
Le deuxième engagement est d’augmenter le nombre de clients bénéficiaires de cette offre spécifique. Ils sont aujourd’hui 350 000. Il est exact que, trop souvent, les personnes concernées ne savent même pas qu’une telle offre existe. Ce deuxième engagement doit également être tenu.
Le troisième engagement vise des publics fragiles mais n’ayant pas nécessairement besoin de l’offre spécifique : il est de ne pas les accabler par des frais pour incidents bancaires trop élevés. Les banques se sont donc engagées à plafonner ces frais à 25 euros par mois pour ces clients aux revenus modestes.
Un premier bilan réalisé par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) montre que les choses se mettent en place – sa vision est un peu différente de celle de l’UNAF –, mais je reconnais bien volontiers que le compte n’y est pas encore.
Je rencontrerai les représentants de la Fédération bancaire française d’ici à quelques semaines pour faire un nouveau point sur la base des chiffres qui nous seront donnés par l’ACPR et l’Observatoire de l’inclusion bancaire, placé auprès de la Banque de France. Je puis vous garantir, madame Rossignol, que nous veillerons à ce que les engagements pris par les banques soient respectés. Si ce n’est pas le cas, nous mettrons toutes les autres solutions sur la table. Cela a été convenu avec les banques, qui, le cas échéant, ne seront pas prises par surprise. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, vous avez gaspillé les trois quarts de votre temps de parole en rappelant les engagements pris l’année dernière alors que je l’avais déjà fait. C’est dommage ! (Rires sur des travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Je vous ai demandé si vous étiez prêt à soutenir ou à déposer un amendement au projet de loi de finances visant à plafonner le montant des frais pour incidents bancaires, de façon que nous ne soyons pas amenés à faire le même constat dans un an. Pour notre part, nous déposerons un tel amendement. J’espère que le Gouvernement, sensible au respect des engagements pris et faisant davantage confiance au Parlement qu’aux banques, le soutiendra ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, RDSE, UC et Les Républicains.)
lutte contre la surpêche
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour le groupe Les Républicains.
Mme Nicole Duranton. Des comités et associations de pêcheurs normands m’ont fait part des vives inquiétudes que leur inspire le carnage de la pêche industrielle. Je me fais ici leur porte-parole.
Depuis le mois d’octobre, deux chalutiers géants battant pavillons lituanien et allemand croisent au large des côtes normandes, suscitant colère et inquiétude chez nos pêcheurs locaux. Du Tréport à Cherbourg, ces usines flottantes pratiquent une pêche de masse à une échelle industrielle.
Ces chalutiers sont dans leur droit au vu des articles 32 à 39 du Traité de Rome, qui prévoient que les navires de tous les États membres peuvent jeter leurs filets dans les eaux de l’ensemble de la Communauté européenne, en vertu de la politique commune de pêche.
Cependant, les systèmes d’aspiration de ces chalutiers monstrueux vident la mer de 250 tonnes de poissons en une seule journée, soit le tiers de la pêche annuelle d’un chalutier normand ! Ils ne laissent que des miettes aux artisans normands qui s’astreignent à une gestion raisonnée de la pêche en petites unités.
C’est sans doute là un avant-goût de la pêche post-Brexit. Ces navires sont en train de détruire tant l’économie locale liée à la pêche que les écosystèmes maritimes. Or l’objectif de l’Europe bleue est aussi de préserver la biodiversité marine et de prévenir les conflits entre États membres.
En tant que parlementaire de la seconde région de pêche européenne, ce paradoxe me conduit à vous demander d’agir. L’Union européenne peut modifier la politique commune de pêche. Que comptez-vous faire pour arrêter ce massacre ? Il faut des règles strictes pour éviter que cette catastrophe ait des conséquences irréversibles pour notre pêche artisanale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous m’interpellez au sujet de la pêche dans un moment extrêmement sensible, celui du Brexit. Les deux sujets se rencontrent et suscitent des inquiétudes sur notre littoral, parce que nous manquons de visibilité.
La politique commune de pêche n’est pas imposée depuis Bruxelles : elle vise, vous l’avez rappelé, à garantir à chacun des États membres un accès aux eaux de l’ensemble de la Communauté européenne. Les pêcheurs français en bénéficient également, puisqu’ils pêchent en particulier dans les eaux britanniques. Didier Guillaume, Michel Barnier, l’ensemble des acteurs et moi-même sommes mobilisés pour que ce droit soit conservé dans le futur.
La politique commune de pêche, c’est aussi des règles du jeu communes et une garantie de concurrence loyale. Nous consultons actuellement les représentants du secteur en amont de la négociation sur les quotas pour 2020 qui interviendra en fin d’année. Nous entendons nous fonder sur des avis scientifiques robustes pour que cette négociation soit réaliste.
Nous voulons aussi faire évoluer à plus long terme la politique commune de pêche. Nous pensons qu’il est utile de mettre en place de véritables quotas pluriannuels pour apporter de la prévisibilité à tous les artisans pêcheurs. Certains stocks –je pense au bar, à l’églefin, à la sole – sont aujourd’hui sur une bonne tendance, tandis que d’autres – le merlan en mer celtique, le cabillaud… – présentent une situation plus difficile. Nous y sommes très vigilants, parce que la préservation des stocks assurera à nos pêcheurs des ressources durables.
Dans la perspective du Brexit, les incertitudes sont grandes. Le Gouvernement et la Commission européenne sont mobilisés pour que l’enjeu de la pêche ne fasse pas l’objet d’un rapport de force et que les droits actuels puissent perdurer. Rappelons que 70 % du poisson pêché dans les eaux britanniques est transformé en France ; nous avons là aussi un moyen de peser dans les négociations.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État. Les négociations sur les quotas, en décembre, pourront se tenir dans de bien meilleures conditions que ce nous pouvions craindre, puisque le Brexit aura lieu au plus tôt en janvier. (M. François Patriat applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Duranton, pour la réplique.
Mme Nicole Duranton. J’entends votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais les mots doivent se traduire en actes. Votre position doit être ferme et combative pour sauver nos pêcheurs. Vous devez mener des actions claires et efficaces auprès des instances européennes.
Au-delà des ressources maritimes, 2 600 emplois dans la pêche normande, et autant de familles, sont directement menacés. Il y va de votre responsabilité.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Nicole Duranton. Madame la secrétaire d’État, c’est un appel au secours que les pêcheurs vous lancent ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
impact de la pêche industrielle sur l’écosystème
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains. – M. Raymond Vall applaudit également.)
Mme Catherine Fournier. Je reviens sur le sujet de la pêche industrielle, déjà abordé par ma collègue Nicole Duranton, dont j’appuie et approuve pleinement les propos. Aux côtes normandes j’ajouterai la côte d’Opale et le premier port de pêche français, Boulogne-sur-Mer.
Nous ne pouvons pas nous contenter de la réponse que vous venez de donner, madame la secrétaire d’État. J’aurais aimé connaître la position de Mme la ministre de la transition écologique et solidaire, s’agissant de la dimension environnementale du sujet.
En effet, la politique des quotas est d’abord dictée par la préservation des espèces, de la biodiversité et la lutte contre le gaspillage. Je me tourne donc vers vous, madame la ministre : un bateau comme le Margiris, qui naviguait en mer du Nord-Manche courant octobre est un ogre des mers, un ogre de la pêche. Son nom est synonyme d’un désastre à la fois économique et écologique. Sa capacité de pêche en un jour équivaut à la production annuelle de cinq fileyeurs classiques boulonnais ! Une opération spot de cinq semaines lui a suffi à tout piller, à détruire une partie des fonds marins, de la flore, de la faune, avant de recommencer ailleurs.
Que laisse-t-on au laborieux artisan pêcheur qui trime tout au long de l’année et qui, lui, régule de fait sa production ? Cette pêche industrielle au large des côtes françaises est une menace pour la ressource halieutique. Elle engendre de graves conséquences sur les écosystèmes marins ainsi que sur la sécurité et la qualité alimentaires.
Devant ce désastre écologique, comptez-vous agir auprès de la Commission européenne, et si oui de quelle manière ? La concurrence libre et non faussée fait partie intégrante de la Constitution européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes Les Républicains, RDSE et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Madame la sénatrice, ce sujet, qui concerne à la fois l’Europe, la pêche et l’écologie, montre l’importance de travailler de manière interministérielle.
Le Margiris a effectivement exercé des activités de pêche en Manche, dans les eaux communautaires de la zone économique exclusive britannique. En l’occurrence, il pêchait du chinchard, espèce pour laquelle il dispose d’un quota de 2 150 tonnes. Le Centre national de surveillance des pêches a été mobilisé par Didier Guillaume. Une veille a été menée, lors notamment de la présence de ce navire au large des côtes françaises. Il apparaît qu’il n’a pas pêché dans les eaux françaises, mais qu’il y a seulement transité.
Il est toutefois vrai que la présence de tels chalutiers est constatée chaque année. Elle est constitutive de l’activité saisonnière de cette flottille et repose sur le droit communautaire de pêcher dans les eaux des autres États membres.
La politique des quotas doit être très ferme. Elle doit reposer sur des estimations scientifiques pour que nous puissions maintenir les stocks de manière durable. Nous Français estimons important que les quotas soient fixés de manière pluriannuelle, afin de pouvoir réguler dans le temps des activités qui posent question.
Nous sommes complètement mobilisés pour que les règles et les quotas soient respectés, et que tous les acteurs qui pêchent dans le même bassin soient soumis aux mêmes contrôles et à la même vigilance.
Ces navires-usines sont légaux ; il nous faut nous assurer qu’ils respectent l’intégralité des règles. Soyez assurée, madame la sénatrice, de la mobilisation de l’ensemble du Gouvernement, des administrations, de Didier Guillaume et de moi-même. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
absence de politique familiale du gouvernement
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Corinne Imbert. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Ce n’est un secret pour personne, les grands perdants du quinquennat d’Emmanuel Macron sont les retraités et les familles. Je veux évoquer aujourd’hui notre politique familiale.
S’il y a bien un domaine dans lequel la France excellait en comparaison de ses voisins européens, c’est celui de la natalité. Pourtant, depuis plusieurs années, la tendance est en train de s’inverser.
Bien sûr, des réalités sociologiques et des évolutions des schémas de vie expliquent en partie ce phénomène, mais elles n’expliquent pas tout. La baisse continue de la natalité est également à mettre en lien avec la dégradation de notre modèle de politique familiale.
J’en donnerai deux exemples.
Depuis plusieurs mois, bon nombre de familles attendent le versement du complément de libre choix du mode de garde. Elles subissent une double peine, puisqu’elles se voient également prélever des cotisations indues.
Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale actuellement en discussion dans cet hémicycle prévoit que, pour la deuxième année consécutive, les prestations familiales seront sous-indexées.
Ces éléments et ces choix pèsent profondément sur l’équilibre financier des familles. Je le dis avec gravité : cette tendance est assez inédite depuis la naissance de notre politique familiale. Ma question est simple et concise : le Gouvernement entend-il délibérément affaiblir la politique familiale française ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Corinne Imbert, les familles sont clairement accompagnées par ce gouvernement. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je rappelle que la convention d’objectifs et de gestion pour 2018-2022 de la branche famille prévoit un effort significatif pour renforcer le développement de l’accueil des jeunes enfants et des services à la famille et qu’un travail important sur la parentalité est engagé avec la commission des 1 000 jours, animée par Adrien Taquet.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit une mesure très attendue par les familles monoparentales : la création d’un service public de versement des pensions alimentaires.
Les prestations familiales continueront d’augmenter. Au 1er avril 2020, elles progresseront de 0,3 %, comme l’ensemble des prestations sociales.
En matière de pouvoir d’achat, nous avons choisi d’aider les familles monoparentales. Nous aidons ces familles, qui comptent aujourd’hui parmi les plus pauvres, à récupérer leurs pensions alimentaires, qui représentent parfois 20 % de leur revenu.
En parallèle, pour assurer une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, nous nous engageons à créer de nouvelles offres d’accueil du jeune enfant et à rendre cet accueil plus accessible. Nous avons ainsi donné la priorité à la création de 30 000 places de crèche et de 1 000 relais assistantes maternelles supplémentaires. Nous avons également augmenté le montant du complément de libre choix du mode de garde pour les familles monoparentales. Le bug informatique affectant le versement de cette aide pour les quelques familles que vous avez évoquées est en train d’être réparé.
Par ailleurs, nous avons amélioré l’accès aux crèches pour les familles avec un enfant en situation de handicap et lancé un plan de formation des 600 000 professionnels de la petite enfance.
Enfin, le dispositif de l’article 49 du PLFSS permettra d’assurer une information exhaustive et en temps réel sur l’offre d’accueil près du domicile pour toutes les familles.
Comme vous pouvez le constater, madame la sénatrice, nous travaillons à mieux accompagner les familles pour répondre à la totalité de leurs besoins ; nous sommes engagés auprès de toutes les familles. (M. François Patriat applaudit.)
Mme Sophie Primas. C’est la fin de l’universalité des prestations !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre, mais vous venez de reconnaître que les prestations familiales ne seront réévaluées que de 0,3 % en 2020, alors que notre famille politique défend une augmentation de 1 %.
Il ne faut pas oublier que les baisses des dotations aux collectivités s’accompagnent d’une hausse des coûts du transport scolaire, des frais de cantine et d’accueil périscolaire, dépenses auxquelles les familles doivent faire face. J’entends également que l’on veut augmenter la redevance audiovisuelle pour les familles avec enfants.
Ce ne sont pas là, me semble-t-il, de bons signaux envoyés aux familles. Certains attendent le tournant social du quinquennat. Nous attendons pour notre part non seulement le tournant de la fermeté, mais surtout celui de la justice et de la considération pour les familles ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
situation au cambodge
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Hier, la Commission européenne, après plus de six mois d’enquête approfondie, a transmis aux autorités du Cambodge un rapport préliminaire aux termes duquel à défaut d’une réponse rapide et appropriée de son gouvernement, le Cambodge pourrait voir le système de préférence commerciale dit « Tout sauf les armes » dont il bénéficie suspendu en février prochain.
Cette procédure de la Commission constitue une première dans le cadre de ce mécanisme d’aide au développement, que nous tenons ici à saluer. Elle intervient en raison de violations réitérées des engagements pris par ce pays en matière de respect des droits humains et des droits des travailleurs par le régime de M. Hun Sen, au pouvoir depuis plus de trente-quatre ans.
Deux ans après la dissolution du principal parti d’opposition et à la suite des élections de juillet de l’an passé, amplement contestées par la communauté internationale, le régime en place connaît une inquiétante dérive autoritaire qui contrevient au processus de démocratisation auquel il avait pourtant souscrit au travers des accords de Paris en 1991, après la chute du régime des Khmers rouges.
Avant-hier, sous la pression, les autorités cambodgiennes ont levé la mesure de résidence surveillée de l’un des leaders de l’opposition, M. Kem Sokha, tandis que M. Sam Rainsy, président en exil du Parti du sauvetage national du Cambodge, a été reçu hier et ce matin même avec beaucoup de bienveillance par les autorités de la Malaisie et de l’Indonésie.
Monsieur le ministre, au-delà de la juste initiative de la Commission européenne, n’est-ce pas pour la France le moment opportun de jouer un rôle actif pour tenter de ramener le Cambodge dans la voie de la démocratisation, en conformité avec les engagements de notre pays qui, je le rappelle, présida avec l’Indonésie à la signature des accords de Paris en 1991 ? (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur André Gattolin, je connais votre attachement à la défense des libertés et de la démocratie au Cambodge et la constance de vos positions sur ce sujet.
Comme vous, nous sommes préoccupés par la situation. Vous l’avez rappelé, les élections législatives de 2018 ne se sont pas déroulées dans de bonnes conditions. Un parti d’opposition, le Parti du salut national du Cambodge, a été dissous et son leader mis en prison.
Il est clair que nous ne pouvons pas rester inertes. Avec les Européens, nous avons donc déclenché une enquête qui nous permettra de prendre un certain nombre de décisions, notamment de lever des préférences commerciales. En effet, l’Europe, ce n’est pas seulement un marché ; ce sont aussi des valeurs ! Qui veut exporter en Europe doit respecter les droits sociaux, les droits des travailleurs et se conformer aux valeurs démocratiques fondamentales.
Je me réjouis que ce langage de fermeté ait produit quelques premiers résultats, puisque M. Kem Sokha a bénéficié d’un assouplissement de ses conditions de détention : il est désormais libre de circuler sur le territoire sous contrôle judiciaire. Ce geste était nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Nous attendons du Gouvernement cambodgien qu’il engage un véritable dialogue pour reprendre de manière crédible le chemin de la démocratisation. Si nous ne constatons pas de progrès, nous serons amenés, en février prochain, à suspendre un certain nombre de préférences commerciales. Nous demeurons vigilants. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
otan
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« En état de mort cérébrale » : ces mots pour le moins provocateurs, voire insultants, du Président de la République qualifiant l’OTAN nous ont fait énormément de mal sur la scène internationale, à l’exception bien sûr de la Russie. Ces mots n’ont fait que conforter l’image d’arrogance et de déconnexion dont nous souffrons, hélas, encore trop souvent à l’étranger.
Certes, le silence retentissant des Occidentaux face à l’intervention turque est une honte, mais celle-ci n’est pas le fait de l’OTAN, ni de l’ONU, du reste, qui ne sont que l’émanation de gouvernements nationaux. Il est facile mais dangereux – le Brexit nous l’a prouvé – de désigner les institutions supranationales comme boucs émissaires de notre manque de courage politique, et ce n’est guère constructif pour l’avenir de la sécurité mondiale !
Je voudrais également rappeler que l’OTAN est, à soixante-dix ans, avec ses vingt-neuf États membres, l’alliance la plus réussie de l’histoire du monde. (On le conteste sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) Beaucoup de pays font d’énormes efforts pour la rejoindre, car elle a su garantir la paix sur le territoire de ses États membres durant ces soixante-dix ans.
Certes, l’évolution de la situation géopolitique, avec la montée en puissance de nouveaux acteurs et le désengagement des États-Unis, doit pousser l’Europe à repenser sa stratégie de sécurité et à enfin aller vers cette défense européenne structurée et autonome que nous appelons de nos vœux depuis des années. Mais, à l’heure où le Brexit affaiblit les dynamiques européennes de coopération en matière de sécurité et de défense, où rares sont les pays européens à accepter de consacrer 2 % de leur PIB à leur défense et où, en revanche, la Russie, la Chine, la Turquie et l’Arabie Saoudite ont augmenté leur budget de défense de 30 % en moyenne ces dernières années,…
M. le président. Votre question !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … il est d’autant plus important de ne pas éroder l’OTAN, dont le Royaume-Uni est encore membre.
M. le président. Votre question !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le Premier ministre, la France ne devrait-elle pas se positionner comme le fer de lance de cette réforme pour pouvoir, avec empathie et bienveillance, construire cette Europe de la défense,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … au lieu de mettre l’OTAN au pilori ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, le Président de la République a récemment évoqué les nombreux défis auxquels l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est confrontée. Il a en effet employé des mots très forts, mais qui sont à la hauteur de la crise de sens à laquelle cette organisation est confrontée.
Entendons-nous bien, alors que nous allons célébrer le soixante-dixième anniversaire de l’OTAN, il ne s’agit ni de nier ses succès ni de contester sa crédibilité militaire. Il s’agit plutôt de pointer les obstacles politiques que nous devons surmonter pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en matière de sécurité.
Vous l’avez rappelé, ces obstacles ont été mis en lumière de façon dramatique par les récents événements survenus dans le nord-est syrien. J’en distingue trois : d’abord, l’incertitude qui entoure la politique américaine ; ensuite, l’attitude de la Turquie, qui met en jeu la cohésion des alliés par des actions qui portent atteinte à nos intérêts en termes de sécurité ; enfin, l’insuffisance de l’effort de défense des Européens, alors que les Américains les exhortent à partager un fardeau qu’ils ne veulent plus assumer seuls.
Si certains de nos alliés ont tendance à minimiser, voire à nier, ces défis et ces difficultés, la France entend promouvoir une voie exigeante et lucide, afin de surmonter cette crise dans l’intérêt de l’Alliance atlantique et de l’Europe.
Lors du sommet de Londres, la France plaidera pour le lancement d’une véritable réflexion sur l’avenir de l’Alliance. L’OTAN doit constituer une alliance solidaire et responsable dans laquelle chaque membre, en particulier les Européens, contribue de manière crédible à l’effort de défense. La France ne souhaite pas fragiliser l’OTAN, car celle-ci est et demeure un élément clé de la sécurité européenne. Il n’y aura pas de défense européenne sans OTAN, et réciproquement ! (MM. François Patriat et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
fiscalité transfrontalière avec le luxembourg
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, le nord lorrain est voisin du Luxembourg : c’est une chance pour les 105 000 frontaliers qui y travaillent chaque jour. Cependant, je souhaite vous interpeller sur une injustice notable ; j’associe à ma démarche mon collègue Jean-Marc Todeschini.
Vous connaissez les conditions fiscales qui prévalent au Grand-Duché, puisqu’une convention fiscale, au demeurant insuffisante, vient d’être actualisée. Le Luxembourg développe une politique économique offensive et les entreprises y sont soumises à des impôts et à des cotisations très faibles. C’est en partie pour ces raisons que des entreprises françaises s’y installent, asséchant de ce fait les ressources de nos collectivités, qui doivent néanmoins répondre aux demandes légitimes des frontaliers en matière de services, sans parler des difficultés de recrutement en France ou des problèmes de transport.
La France dispose d’accords bilatéraux avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse. Cette dernière, par exemple, reverse un pourcentage des salaires bruts à nos collectivités. En revanche, la France n’a pas d’accord de ce type avec le Luxembourg. Le Grand-Duché perçoit l’intégralité de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers, sans reverser de compensation ou presque à leurs territoires de résidence.
Lors de la trente-septième session du Congrès des pouvoirs locaux du Conseil de l’Europe, qui s’est tenue à Strasbourg il y a dix jours, l’affaire a enfin été clairement mise sur la table. Une résolution pour une répartition équitable de l’impôt dans les zones transfrontalières a été adoptée à une très large majorité. Toutefois, le Premier ministre luxembourgeois vient de déclarer qu’il n’envisageait pas de signer un tel chèque.
Monsieur le ministre, le Gouvernement suivra-t-il les recommandations du Conseil de l’Europe ? Allons-nous enfin nous doter d’une véritable politique, financée, d’accompagnement économique et social de tous nos territoires transfrontaliers ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Jacquin, je sais l’engagement qui est le vôtre pour tenter de rétablir une forme d’équité, notamment fiscale, entre le Luxembourg et la France sur les différents points que vous avez mentionnés. Vous l’avez dit, quelque 105 000 Français frontaliers travaillent quotidiennement au Luxembourg.
Vous avez évoqué nos accords fiscaux avec la Belgique, la Suisse ou l’Allemagne. À l’exception de celui qui nous lie au canton de Genève, ces accords présentent la particularité de contrevenir aux standards internationaux, qui prévoient que ce sont les États dans lesquels travaillent les personnes qui perçoivent l’impôt. Ainsi, dans le cadre des accords avec les pays que je viens de citer, c’est la France qui perçoit l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers et elle indemnise, à due concurrence, les États dans lesquels ils travaillent.
Nous n’avons pas d’accord de ce type avec le Luxembourg. Nous avons essayé de trouver d’autres solutions, notamment un financement partagé des infrastructures et des programmes de développement économique. Le 20 mars 2018, un séminaire intergouvernemental a débouché sur l’adoption d’un protocole d’accord qui, il faut le souligner, a été approuvé par une loi promulguée le 29 octobre dernier, ce qui permettra de l’appliquer avec plus de force.
Ce protocole prévoit le financement d’infrastructures de transport dans le nord lorrain à hauteur de 240 millions d’euros, dont 120 millions d’euros par le Luxembourg. Nous veillons en particulier à ce que ce protocole vise à financer non pas une opération parmi d’autres, comme cela a pu être le cas précédemment avec la ligne à grande vitesse, mais bien un ensemble d’aménagements structurants, y compris dans le domaine du transport ferroviaire, pour le nord lorrain.
Outre ce protocole de financement d’un programme d’infrastructures, nous voulons développer une véritable coopération économique. Ainsi, il y a quelques jours, Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des affaires européennes, et Jacqueline Gourault ont entamé des discussions en vue de la conclusion d’un protocole de coopération, avec l’appui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Nous entendons instaurer un partenariat en matière de financement des infrastructures et de développement économique, afin d’établir un équilibre et une coopération au bon niveau entre la France et le Luxembourg. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (M. Jean Louis Masson applaudit.)
Mme Claudine Kauffmann. Ma question s’adresse à Mme le ministre des solidarités et de la santé.
Au-delà des clivages politiques partisans, nous nous accordons tous sur le droit, pour nos compatriotes, de bénéficier d’un régime de retraite juste et équitable, offrant à chacun la perspective d’une vie digne au terme de nombreuses années de labeur.
Si le candidat Macron s’était engagé à réformer les régimes de retraite tout en préservant le futur niveau de vie des personnes concernées, force est de constater que le président qu’il est devenu a promptement oublié cette promesse.
En effet, sous couvert d’une prétendue équité, vous proposez que, désormais, chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits et que toute période travaillée, même d’une durée minime, soit prise en compte.
Si la réforme que vous défendez était adoptée, il serait fait abstraction, pour le calcul des pensions, des vingt-cinq meilleures années pour le privé et des six derniers mois d’activité pour le public. Il ne s’agit là que d’un nivellement par le bas, dans l’unique dessein de réduire drastiquement le niveau de toutes les pensions.
En effet, vous feignez d’ignorer que, tout au long d’une vie professionnelle de plus de quatre décennies, s’enchaînent faibles rémunérations, périodes favorables, emplois précaires et parfois aussi périodes de chômage. Votre réforme n’aboutira qu’à précariser davantage les Français les plus modestes, qui, parvenus au soir de leur vie, subiront encore les affres de la pauvreté.
De surcroît, votre projet de réforme fait totalement abstraction de la pénibilité de certains emplois. En effet, les salariés concernés ne bénéficieront d’aucune compensation. Votre vision de l’équité est pour le moins singulière !
Cette réforme des retraites, qui méprise la justice sociale, porte toujours en elle une inconnue : la valeur du point. Comment et sur quelle base allez-vous déterminer cette dernière, et comment sera-t-elle garantie contre toute baisse ? (M. Jean Louis Masson applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous avez raison de vous adresser à la ministre des solidarités, car c’est sous son autorité que le Président de la République a voulu placer le projet de réforme des retraites.
Je vous remercie d’apporter votre soutien à l’instauration d’un régime équitable, reposant sur les mêmes règles pour tous. L’objectif est de corriger les inégalités du système actuel.
Sous l’autorité du Premier ministre, nous proposons de mettre en place un système de redistribution, validé par le Conseil d’orientation des retraites. La prise en compte de la totalité de la carrière, au lieu des vingt-cinq meilleures années, profitera aux 40 % de retraités les plus modestes, celles et ceux qui touchent moins de 1 200 à 1 300 euros.
Dans notre projet, nous avons aussi pris en compte la volonté des Françaises et des Français de voir se réduire l’écart des pensions entre hommes et femmes, qui est actuellement de 40 %. Les propositions que nous formulons sont de nature à réduire cet écart de moitié.
Nos concitoyens soutiennent aussi notre proposition de faire en sorte que la pension des femmes soit majorée dès le premier enfant, ce qui fera passer de 3 millions à 8 millions le nombre de Françaises bénéficiant de cette majoration.
Nous avons enfin fait en sorte que le système par points qui accompagne les interruptions d’activité et les parcours précaires soit plus favorable. Dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre, il est précisé que l’objectif est de réduire le coefficient de Gini, qui permet de mesurer l’inégalité des revenus.
Vous le voyez, notre préoccupation est de mettre en place un système plus juste, plus équitable et plus transparent, y compris pour la fonction publique, afin de répondre à la nécessité de renforcer la cohésion de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 20 novembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Financement de la sécurité sociale pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2020 (projet n° 98, rapport n° 104, avis n° 103).
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Notre groupe a toujours été très attaché au débat parlementaire. Tout en étant très critiques à l’égard du projet de loi de financement de la sécurité sociale et en ayant déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité constitutionnelle, nous avons eu à cœur d’élaborer de nombreux amendements.
Or 370 amendements déposés sur ce texte, dont 57 de nos 140 amendements, ont été déclarés irrecevables par le Sénat. Plus d’un tiers des amendements de notre groupe ne pourront donc être discutés. Un tel niveau de déclaration d’irrecevabilité est sans précédent ! Si le Conseil constitutionnel est de plus en plus strict, le Sénat prend les devants en censurant les amendements pouvant être considérés comme des cavaliers sociaux avec une rigueur étonnante, au point d’écarter certains amendements qui avaient été examinés en séance les années précédentes.
Ainsi, l’an dernier, nous avions déposé un amendement tendant à supprimer une expérimentation de l’exercice libéral en centres de santé. Cette année, la commission des affaires sociales a estimé qu’un amendement similaire était irrecevable, car il ne comportait aucune mesure relative au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Nous avons l’impression que le durcissement des conditions de recevabilité relève davantage du hasard que de la jurisprudence ! Que dire du rejet d’un autre de nos amendements ayant pour objet d’engager un débat parlementaire sur l’homéopathie, au prétexte fallacieux qu’il reviendrait sur le déremboursement de cette pratique ?
Il me semble que le droit d’amendement, et partant le droit d’expression des groupes parlementaires, particulièrement celui des groupes minoritaires ou d’opposition, est remis en cause. Comment pouvons-nous nous exprimer dès lors que nos amendements comportant des mesures financières sont jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, bien que gagés, et que les autres sont également rejetés, au motif qu’ils ne comprendraient aucune mesure relative au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ?
Dans ces conditions, nous n’avons d’autre choix que de discuter du projet de loi de financement de la sécurité sociale du Gouvernement sans pouvoir formuler de propositions alternatives. J’appelle solennellement les groupes politiques à prendre la mesure de l’ampleur de la restriction du droit d’amendement, pourtant garanti par la Constitution. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Dans la discussion des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, à l’article 8.
troisiemE PARTIE (SUITE)
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre de la sécurité sociale pour l’exercice 2020
titre ier (suite)
Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
Chapitre ier (suite)
Favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs
Article 8
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa du III de l’article L. 241-10 est complété par les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application du 1° de l’article L. 5422-12 du même code » ;
2° L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : « , à hauteur du taux fixé par l’arrêté mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5 » ;
– après la deuxième occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « ou créés par la loi » ;
– après la seconde occurrence du mot : « travail », sont insérés les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application du 1° de l’article L. 5422-12 du même code » ;
b) À la fin de la première phrase du troisième alinéa du III, les mots : « dans la limite de la somme des taux des cotisations et des contributions mentionnées au I du présent article, sous réserve de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-5 » sont remplacés par les mots : « , à hauteur des taux des cotisations et contributions incluses dans le périmètre de la réduction, tels qu’ils sont définis au I » ;
c) Le VII est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après la référence : « article L. 922-4 », sont insérés les mots : « du présent code et à l’article L. 6527-2 du code des transports » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où la minoration, prévue au 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail, des contributions dues au titre de l’assurance chômage à la charge de l’employeur aboutit à un montant de réduction calculé en application du III du présent article supérieur au montant des cotisations et contributions mentionnées au I applicables à la rémunération d’un salarié, la part excédentaire peut être imputée sur les contributions d’assurance chômage à la charge de l’employeur dues au titre de ses autres salariés. Le cas échéant, la part restante après cette imputation peut être imputée, selon des modalités définies par décret, sur les autres cotisations et contributions à la charge de l’employeur. L’imputation sur les cotisations et contributions autres que celles dues au titre de l’assurance chômage donne lieu à une compensation de façon qu’elle n’ait pas d’incidence pour les régimes de sécurité sociale ou les organismes auxquels ces cotisations et contributions sont affectées. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 5553-11 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exonération de la contribution d’assurance contre le risque de privation d’emploi prévue au premier alinéa s’applique sur la base du taux de cette contribution ne tenant pas compte des dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 5422-12 du même code. »
III. – Le présent article est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021, à l’exception des dispositions résultant du troisième alinéa du a et du c du 2° du I, qui sont applicables pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’examen de cet article est l’occasion pour nous de dénoncer les mesures réformant l’assurance chômage, catastrophiques pour les chômeurs comme pour les travailleurs de notre pays.
La cause de cette régression trouve justement ses racines dans les réformes récentes. Madame la ministre, le Gouvernement a fait le choix de détruire notre système de protection solidaire contre la privation d’emploi.
Tout d’abord, il a supprimé les cotisations des salariés, en donnant l’illusion à ceux-ci qu’ils gagneraient en pouvoir d’achat. Or c’est en réalité tout l’inverse qui s’est produit : vous avez baissé le salaire socialisé, c’est-à-dire la part de salaire qui permet de faire valoir ses droits à l’indemnisation chômage en cas de privation d’emploi.
Ensuite, vous avez décidé de réduire les cotisations patronales d’assurance chômage, déresponsabilisant ainsi les employeurs qui licencient leurs salariés, souvent sans cause réelle et sérieuse, ou qui recourent de manière abusive à des contrats précaires.
L’article 8 comporte une mesure scandaleuse qui, selon nous, symbolise la politique menée par ce gouvernement en faveur du patronat. Nous nous insurgeons en effet contre l’attribution d’un bonus aux employeurs qui respecteraient simplement la loi ! Décidément, le moindre prétexte est bon à saisir pour faire toujours plus de cadeaux aux entreprises.
Le dispositif de malus ne suffira pas à remplacer l’ancien système de financement de l’assurance chômage et ne garantira pas un niveau de protection suffisant pour les salariés privés d’emploi. On le constate déjà depuis le 1er novembre, date d’entrée en vigueur de votre réforme de l’assurance chômage : 850 000 chômeurs et chômeuses verront leurs indemnités baisser de 20 %, et 200 000 seront privés de toute indemnité. Ce sont donc plus d’un million de personnes qui seront frappées de plein fouet.
Les personnes les plus fragiles davantage précarisées : voilà le véritable résultat de votre politique !
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, sur l’article.
Mme Victoire Jasmin. Compte tenu de la réforme de la Lodeom, la loi pour le développement économique des outre-mer, Annick Girardin, ministre des outre-mer, avait accepté le principe d’une clause de revoyure lors de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Aujourd’hui, un an après, il est nécessaire que nous puissions revoir les seuils conformément aux demandes des acteurs socioprofessionnels, d’une part, et aux annonces de la ministre des outre-mer, d’autre part.
La commission a rejeté plusieurs de nos amendements, mais je souhaiterais que vous portiez une attention toute particulière à ceux que nous présenterons.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 170, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéas 2, 7 et 11 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le présent amendement vise à supprimer les dispositions de l’article relatives au bonus-malus appliqué aux cotisations patronales d’assurance chômage en fonction de l’utilisation de contrats courts par les employeurs de certains secteurs.
En effet, il nous semble que la rédaction de ces dispositions, dont l’unique objet est d’assurer que le bonus-malus produira son plein effet, ne garantit pas l’atteinte de cet objectif. Il est donc préférable, à notre sens, de les supprimer. Ce dispositif ne devant s’appliquer qu’en 2021, le Gouvernement aura le temps de modifier le champ des lois de financement de la sécurité sociale ou de mettre en œuvre l’une des solutions alternatives qui figurent dans l’étude d’impact.
M. le président. L’amendement n° 582 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 12
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° L’article L. 241-13 est abrogé.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Dans le prolongement de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité constitutionnelle, qui visait à dénoncer les exonérations de cotisations sociales et leur non-compensation par l’État, nous demandons la suppression des allégements de cotisations patronales dits « allégements Fillon ».
Au nom de la baisse du fameux « coût » du travail, les gouvernements successifs ont empilé les exonérations de cotisations sociales, au point que, depuis le 1er octobre 2019, il n’y a plus de cotisations patronales pour les salaires au niveau du SMIC.
Je rappelle que ces exonérations pour les bas salaires, c’est-à-dire les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC, représentent chaque année, à elles seules, environ 26 milliards d’euros de manque à gagner pour les caisses de la sécurité sociale, ce qui en fait la plus importante niche sociale, pour reprendre les termes de la Cour des comptes.
Sachant que ces exonérations n’ont jamais fait preuve de leur efficacité, ni sur le plan économique ni sur celui de l’élévation du niveau de qualification des travailleurs, il est grand temps de tout remettre à plat. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression du dispositif de l’article L.241-13 du code de la sécurité sociale.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 23 rectifié ter est présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Karoutchi, Pellevat et Brisson, Mmes Deromedi et Bruguière, MM. D. Laurent, Houpert, B. Fournier, Cardoux, Mouiller, Chatillon, Mayet et Babary, Mme Gruny, MM. Morisset, Charon et Bouchet, Mmes Bonfanti-Dossat, Lassarade et Lanfranchi Dorgal, MM. Cuypers et Grand, Mme Lherbier, M. Dufaut, Mme Micouleau, MM. Pointereau et Luche, Mme A.M. Bertrand et M. Rapin.
L’amendement n° 101 rectifié ter est présenté par MM. Bonhomme et Cambon, Mme Duranton et MM. Paul, Laménie et Piednoir.
L’amendement n° 402 rectifié ter est présenté par M. Duplomb, Mme Primas, MM. Bas, J.M. Boyer, Poniatowski et Priou, Mmes Férat et Puissat, MM. Reichardt et Daubresse, Mmes Malet et Lopez, MM. Pierre, Gremillet, Bascher, de Nicolaÿ et H. Leroy, Mme Joissains, MM. de Belenet, Moga et Delcros, Mme Deseyne, MM. Savin, Joyandet et Schmitz et Mmes Noël et Chauvin.
L’amendement n° 476 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Menonville et Fouché, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Laufoaulu, Capus, Wattebled et A. Marc, Mme Goy-Chavent, MM. Saury et Longeot et Mme N. Delattre.
L’amendement n° 817 rectifié bis est présenté par MM. Bérit-Débat et Daudigny, Mme G. Jourda, MM. P. Joly, Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Sueur et Antiste, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mme Harribey, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du premier alinéa du II, les mots : « au 3° » sont remplacés par les mots : « aux 3° et 4° ».
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié ter.
M. Arnaud Bazin. Dans le cadre du PLFSS pour 2019, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) ont été transformés en baisse pérenne de charges sociales pour les employeurs, mais certaines structures ont été oubliées, dont les chambres d’agriculture. Or ces dernières, se trouvant sous pression financière, sont incitées à développer des prestations marchandes dans le secteur concurrentiel et une part importante de leur personnel est affectée à cette tâche. Pour autant, elles ne sont pas éligibles à cette baisse de charges alors même que, au titre de cette activité, elles sont en concurrence avec des sociétés privées qui, elles, en bénéficient.
Pour plus d’équité, il est donc proposé d’appliquer ces baisses pérennes de charges pour les emplois des chambres d’agriculture relevant du champ concurrentiel.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 101 rectifié ter.
M. François Bonhomme. Il a été décidé, dans le cadre du PLFSS de l’année dernière, de transformer le CICE et le CITS en baisse pérenne de charges sociales pour les employeurs, à l’exception de certaines structures, comme les chambres d’agriculture.
La plupart de ces établissements publics administratifs emploient, en majorité, du personnel de droit privé. Dès lors, il apparaîtrait cohérent, et surtout juste, qu’ils puissent bénéficier des mêmes conditions que tout employeur du secteur privé pour employer et rémunérer leur personnel exerçant une activité dans le champ concurrentiel.
En raison de leur financement public plafonné, des restrictions qu’elles ont subies ou des réorganisations internes qu’elles ont dû mener au cours des dernières années, ces structures ont été amenées à développer des prestations marchandes dans le secteur concurrentiel, en matière de conseil ou d’appui technique, notamment.
Le champ d’application de l’allégement des charges sociales patronales renvoie aux dispositions relatives au régime d’assurance chômage et à l’obligation d’adhésion à la couverture du risque de privation d’emploi, qui ne s’imposent pas aux établissements publics administratifs. Dès lors, les chambres d’agriculture doivent assumer le coût de l’indemnisation de l’ensemble de leurs agents, de droit public ou de droit privé, ce qui entraîne un alourdissement de leurs charges salariales estimé à environ 2 000 euros par salarié. Cela est susceptible d’avoir des conséquences directes sur les emplois au sein de ces structures, souvent situées dans les zones les plus fragiles, les plus rurales, au contact direct des agriculteurs et des collectivités.
Les interrogations des chambres d’agriculture sont d’autant plus fortes que la signature d’un contrat d’objectifs a été annoncée, en septembre dernier, par le Premier ministre devant leurs cadres et les élus.
Cet amendement a donc pour objectif de faire bénéficier les chambres d’agriculture des allégements de charges sociales pour leur personnel de droit privé.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour présenter l’amendement n° 402 rectifié ter.
M. Laurent Duplomb. Il s’agit simplement de corriger une iniquité ! Comment accepter que des exonérations de charges sociales profitent à certaines structures, mais pas à d’autres qui exercent pourtant les mêmes activités ? Pourquoi les chambres d’agriculture sont-elles aujourd’hui traitées différemment des entreprises qui facturent des prestations aux agriculteurs ?
Mes chers collègues, cet amendement avait été adopté l’an dernier par le Sénat, avant d’être rejeté. Le Sénat doit en rester à ce principe d’équité entre les différents acteurs d’un même champ. Il convient d’apporter aux chambres d’agriculture une petite lueur d’espoir, au moment où elles reçoivent une multitude de signaux plutôt négatifs.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 476 rectifié ter.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à accorder aux chambres d’agriculture des allégements de charges auxquels elles devraient normalement avoir droit pour leur personnel de droit privé. C’est d’autant plus nécessaire que leur financement public plafonné, et même réduit ces dernières années, les contraint à développer des prestations marchandes dans le secteur concurrentiel.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° 817 rectifié bis.
M. Claude Bérit-Débat. Le fait que cet amendement soit défendu sur plusieurs travées de notre hémicycle montre que les sénatrices et les sénateurs ont conscience du rôle primordial des chambres d’agriculture dans nos territoires. Il s’agit de tenir compte de la réalité, à savoir que des emplois des chambres d’agriculture sont affectés au développement d’activités dans le champ concurrentiel pour faire du chiffre d’affaires. Or, pour l’heure, ces emplois ne bénéficient pas des allégements de charges en question.
Nous proposons donc un amendement de justice et de bon sens, reconnaissant le travail important accompli par les chambres d’agriculture en matière d’animation des territoires, au-delà de leur fonction de conseil auprès des agriculteurs.
M. le président. L’amendement n° 534 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 548 rectifié quater, présenté par M. Mouiller, Mme Imbert, MM. Morisset, Genest, Pellevat et D. Laurent, Mme Lavarde, M. Vaspart, Mmes Ramond et Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Pointereau, Mme Micouleau, M. Daubresse, Mmes Puissat, Deseyne et Garriaud-Maylam, M. Grosperrin, Mmes Procaccia et Bonfanti-Dossat, M. Savary, Mme L. Darcos, MM. Gilles et Piednoir, Mme Gruny, M. Bascher, Mme Duranton, MM. Perrin, Raison, Lefèvre et de Legge, Mme Deromedi et M. Darnaud, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 7
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Le III est ainsi modifié :
- à la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « cinquième » ;
- après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont considérés comme employés à temps plein, les salariés qui sont rémunérés sur la base de la durée légale de travail. L’attribution de congés ou repos supplémentaires par accord collectif de branche ne peut, en aucun cas, avoir pour effet de proratiser le salaire minimum de croissance dès lors que les salariés perçoivent une rémunération sur la base de la durée légale de travail. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Certaines conventions collectives prévoient l’attribution de congés ou repos au-delà des congés payés légaux pour les salariés relevant de ces dispositions.
La formule de calcul de la réduction générale des cotisations et contributions des employeurs n’étant pas clairement définie par le code de la sécurité sociale, certaines Urssaf considèrent que le SMIC pris en compte dans cette formule doit être calculé sur la base du temps de travail effectif, et non sur celle du temps de travail rémunéré.
Autrement dit, pour certaines Urssaf, il faut tenir compte, pour le calcul de la réduction générale de cotisations, non pas du temps de travail rémunéré, mais uniquement du temps effectivement travaillé par le salarié à l’année.
Bien que disposant de congés d’une durée supérieure à celle des congés légaux, les salariés concernés sont contractuellement employés à temps complet et rémunérés sur la base d’un temps plein.
Des contrôles des Urssaf ont d’ores et déjà donné lieu à des redressements sur trois ans, en particulier pour des associations du secteur médico-social, principalement financées par des dotations et subventions publiques et intervenant auprès des personnes les plus fragiles. Ces redressements mettent gravement en péril leur survie, leur capacité à embaucher ou encore l’accompagnement du public aidé. Au-delà, c’est l’ensemble des secteurs sociaux et médico-sociaux qui serait menacé s’ils venaient à être généralisés.
En l’absence de positionnement clair de l’administration centrale sur la formule de calcul de la réduction générale, cet amendement vise à clarifier la rédaction de l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
M. le président. L’amendement n° 450 rectifié bis, présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Menonville et Fouché, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Laufoaulu, Capus, Wattebled, A. Marc et Pellevat, Mme Goy-Chavent, MM. Saury, Raison, Nougein et Longeot, Mme Troendlé, MM. Moga, Laménie et Mayet et Mme N. Delattre, est ainsi libellé :
I. Après l’alinéa 8
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux salariés exerçant une activité de sapeur-pompier volontaire. » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. La France compte 195 000 pompiers volontaires et 40 000 pompiers professionnels. Les pompiers volontaires représentent une ressource essentielle pour assurer le bon fonctionnement de la profession et la prise en charge des blessés et des malades, notamment dans les zones rurales, où l’on manque souvent d’ambulances.
Aujourd’hui, on constate que moins de personnes souhaitent devenir sapeurs-pompiers volontaires. Il apparaît donc nécessaire de mieux valoriser cette activité et de favoriser l’engagement des jeunes.
Le présent amendement tend à instaurer un allégement de charges patronales afin d’encourager les employeurs à recruter des sapeurs-pompiers volontaires. Même minime, cet allégement, qui serait fixé par décret, constituerait une incitation importante.
M. le président. L’amendement n° 579, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – L’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – La réduction est supprimée lorsque l’employeur n’a pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle dans le cadre des obligations définies aux articles L. 2242-5 et L. 2242-8 du code du travail dans les conditions prévues aux articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du même code ou qu’il n’a pas établi le plan d’action mentionné à l’article L. 2323-47 dudit code. Cette diminution de 100 % du montant de la réduction est cumulable avec la pénalité prévue à l’article L. 2242-7 du même code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement tend à supprimer les exonérations de cotisations patronales pour les employeurs ne respectant pas l’obligation qui leur est faite de conclure un accord en matière d’égalité professionnelle ou d’établir un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En 2019, la rémunération des femmes est toujours inférieure en moyenne à celle des hommes. Depuis 16 heures 47 le 5 novembre, les femmes travaillent gratuitement !
Selon une enquête de l’Insee publiée ce jour, mercredi 13 novembre, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes ont tendance à s’aggraver avec l’ancienneté sur le marché du travail. Si l’accès des femmes à l’emploi s’est amélioré depuis plusieurs années, cette enquête indique que l’écart de salaire mensuel net médian s’élève à 100 euros pour les débutants et atteint 410 euros à partir de onze ans d’ancienneté, soit par exemple 1 590 euros contre 2 000 euros.
Malgré la succession de lois visant à réduire cet écart, l’évolution salariale des femmes reste trop faible. En effet, chacun le sait, lorsqu’elles ne sont pas suffisamment coercitives, ces lois n’ont que peu d’effets sur le comportement des employeurs. Outre les préjudices directs pour les femmes et l’injustice que cela représente, c’est également un manque à gagner pour les caisses de sécurité sociale.
Le Gouvernement a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes l’une des grandes causes de ce quinquennat. Passons des formules incantatoires aux actes !
M. le président. L’amendement n° 583 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par huit paragraphes ainsi rédigés :
V. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° La première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 241-13 est complétée par les mots : « , sans pouvoir excéder 20 % à compter du 1er janvier 2020 et 10 % à compter du 1er janvier 2021 » ;
2° Au II de l’article L. 243-6-1, les mots : « des dispositions relatives à la réduction dégressive de cotisations sociales prévue à l’article L. 241-13, » sont supprimés ;
3° Au II de l’article L. 243-6-2, au premier alinéa du III de l’article L. 243-6-3 et à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 243-6-7, les mots : « sur la législation relative à la réduction dégressive de cotisations sociales mentionnée à l’article L. 241-13, » sont supprimés ;
4° À l’article L. 711-13, les mots : « des articles L. 241-13 et » sont remplacés par les mots : « de l’article ».
VI. – Après le taux : « 10 % », la fin de la deuxième phrase de l’article L. 2242-7 du code du travail est ainsi rédigée : « du chiffre d’affaires annuel. »
VII. – Aux articles L. 741-4 et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-13, » est supprimée.
VIII. – L’article 8-2 de l’ordonnance n° 77-1102 du 26 septembre 1977 portant extension et adaptation au département de Saint-Pierre-et-Miquelon de diverses dispositions relatives aux affaires sociales est abrogé.
IX. – L’article 4 de la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse est abrogé.
X. – Au cinquième alinéa du VI de l’article 3 de la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d’orientation et d’incitation relative à la réduction du temps de travail, les mots : « à l’article L. 241-13 et » sont supprimés.
XI. – L’article 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi est abrogé.
XII. – Les VI à XI du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2022.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Par cet amendement, nous proposons de supprimer de manière progressive, entre 2020 et 2022, le dispositif dit « Fillon » d’allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires.
À l’origine, ce dernier a été instauré aux fins de créer de l’emploi. Or force est de constater que ces allégements généraux de cotisations sociales n’ont pas eu l’effet escompté ! Le nombre des demandeurs d’emploi continue de grimper – on en compte aujourd’hui 5 579 500 – et les entreprises ont tendance à licencier leurs salariés plutôt qu’à maintenir l’emploi, malgré tous les cadeaux fiscaux qui leur sont accordés.
En outre, ce dispositif produit des effets négatifs tant sur le niveau des salaires pratiqués dans les entreprises que sur le budget de la sécurité sociale.
D’abord, s’agissant des salaires, les allégements Fillon incitent les entreprises à maintenir une rémunération basse de leurs salariés, afin de pouvoir continuer à en bénéficier. Il n’est pas normal, par exemple, qu’une entreprise du CAC 40 continue de profiter de ce dispositif.
Ensuite, ces allégements grèvent le budget de la sécurité sociale à hauteur de 26,8 milliards d’euros en 2019. Avec la transformation du CICE en exonération de cotisations sociales, c’est un double cadeau qui est fait aux entreprises et autant de manque à gagner pour la sécurité sociale.
Par conséquent, mes chers collègues, nous avons l’occasion d’augmenter les recettes de la sécurité sociale en revenant sur un dispositif néfaste tant pour les travailleurs et l’emploi que pour les caisses de cette dernière.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je reviens brièvement sur mon amendement n° 170, car j’ai oublié d’exposer un argument qui me paraît important.
Selon le droit constitutionnel et organique en vigueur, l’assurance chômage n’entre pas dans le périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale. Cela vient renforcer notre demande de suppression de ce dispositif, dont la présence dans le texte m’étonne…
Sur l’amendement n° 582 rectifié, tendant à la suppression des allégements généraux de cotisations, l’avis est défavorable, de même sur l’amendement n° 583 rectifié. L’adoption de ces amendements augmenterait les prélèvements obligatoires, et donc le coût du travail en France, d’environ 50 milliards d’euros.
Sur les cinq amendements identiques concernant les chambres d’agriculture, l’avis est également défavorable. Comme cela a été souligné l’année dernière, la réduction de cotisations patronales d’assurance maladie a compensé la disparition du CICE, dont les organismes consulaires, et les chambres d’agriculture en particulier, ne bénéficiaient pas. En outre, les chambres d’agriculture n’exercent pas leur activité dans le champ concurrentiel. La vraie question est sans doute celle du budget des organismes consulaires. Elle ne saurait être réglée dans le périmètre du PLFSS, au travers d’une diminution de ressources pour la sécurité sociale. Je recommande aux auteurs de ces amendements de s’adresser au rapporteur général du budget, Albéric de Montgolfier.
Au travers de l’amendement n° 548 rectifié quater, Mme Imbert propose que, pour le calcul des allégements généraux, l’attribution de congés ou de repos supplémentaires par accord collectif de branche ne puisse en aucun cas avoir pour effet de proratiser le SMIC dès lors que les salariés perçoivent une rémunération sur la base de la durée légale du travail. J’avoue notre embarras face à cette proposition. La commission demande donc à connaître l’avis du Gouvernement.
Monsieur Chasseing, vous demandez, à travers l’amendement n° 450 rectifié bis, le renforcement des allégements généraux pour les rémunérations des sapeurs-pompiers volontaires.
On comprend bien l’intention louable qui est la vôtre, mais le mécanisme envisagé est curieux en ce que, comme vous l’avez souligné, il favorise avant tout l’employeur, et non le sapeur-pompier volontaire. Vous voulez, en quelque sorte, donner à l’employeur une raison supplémentaire d’embaucher un sapeur-pompier volontaire, au risque de créer un effet d’aubaine.
En outre, faire dépendre le niveau des cotisations sociales de l’exercice d’activités annexes extraprofessionnelles, sur lesquelles l’employeur n’a pas de prise, ne me paraît pas optimal. Cela pourrait entraîner, dans les prochaines années, une multiplication de demandes similaires visant à favoriser des activités dont je ne doute pas de l’utilité.
La formule proposée ne me paraît donc pas être la bonne pour encourager les vocations de sapeurs-pompiers volontaires. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
S’agissant de la proposition de Mme Cohen de supprimer les allégements généraux pour les entreprises n’ayant pas conclu d’accord relatif à l’égalité professionnelle, l’avis est défavorable en raison de la disproportion de la sanction envisagée, d’autant que l’employeur encourt déjà une pénalité financière de 1 % des rémunérations et gains versés à ses salariés en cas d’absence d’accord.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Je serai bref en ce qui concerne les amendements sur lesquels le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur général.
C’est le cas de l’amendement n° 582 rectifié. L’avis est défavorable pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être évoquées.
C’est aussi le cas des amendements identiques nos 23 rectifié ter, 101 rectifié ter, 402 rectifié ter, 476 rectifié ter et 817 rectifié bis concernant les chambres consulaires. Ce débat avait été posé l’année dernière dans les mêmes termes, et la position du Gouvernement n’a pas changé depuis. Elle se fonde toujours sur les arguments rappelés à l’instant par le rapporteur général.
C’est le cas, enfin, de l’amendement n° 450 rectifié bis relatif aux sapeurs-pompiers volontaires. Nous partageons l’appréciation du rapporteur général lorsqu’il qualifie l’intention de louable, ainsi que son analyse des risques encourus en termes d’égalité ou d’effet d’aubaine. L’avis est également défavorable.
Concernant l’amendement n° 579, relatif à l’égalité salariale, j’ajouterai que les différents textes adoptés au cours des derniers mois prévoient déjà un système de sanctions pour les entreprises ne respectant pas les objectifs fixés en matière de réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes. Tout comme le rapporteur général, je crains le caractère disproportionné de la mesure proposée, mais aussi une rupture du principe d’égalité en cas d’adoption de l’amendement.
Enfin, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 583 rectifié : une suppression progressive des allégements ne nous convient pas plus que leur abrogation immédiate !
L’amendement n° 170 de la commission, visant à supprimer les dispositions de l’article permettant l’articulation du bonus-malus sur les contributions patronales d’assurance chômage avec le dispositif des allégements généraux.
Selon vous, monsieur le rapporteur général, ces dispositions ne relèvent pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale car elles concernent la seule assurance chômage.
Il existe effectivement un débat, qui n’est pas nouveau, sur le champ couvert par les lois de financement de la sécurité sociale, comme en témoigne un rapport, remis la semaine dernière, du Haut Conseil du financement de la protection sociale, proposant d’ailleurs d’étendre le périmètre de la LFSS à l’assurance chômage.
Néanmoins, la mesure proposée a un impact sur les recettes de la sécurité sociale, le mécanisme étant le même que celui qui a été mis en œuvre pour l’extension des allégements de cotisations aux contributions d’assurance chômage. Or cette extension a été décidée dans le cadre du PLFSS pour 2018 : nous étions déjà dans le champ d’une loi de financement de la sécurité sociale !
Nous souhaitons donc le maintien du dispositif. Je précise que, depuis le 1er octobre 2019, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) assure la compensation à l’assurance chômage, à l’euro l’euro, du coût des allégements généraux applicables sur les contributions d’assurance chômage. La sécurité sociale supporte la différence résultant de cette compensation.
Selon les dispositions de l’article 8 du PLFSS, les niveaux et montants d’exonération seraient modifiés par le bonus-malus, avec un impact direct sur le coût supporté par l’Acoss, donc par la sécurité sociale. C’est pourquoi nous visons, au travers de cet article, à neutraliser financièrement l’effet du bonus-malus sur les recettes de la sécurité sociale. Cela justifie, à nos yeux, son positionnement dans la loi de financement de la sécurité sociale.
À moins que, convaincu par cette argumentation, vous ne retiriez votre amendement, monsieur le rapporteur général, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 548 rectifié quater vise à modifier le calcul des allégements généraux pour les salariés bénéficiant de congés supplémentaires, en considérant qu’ils travaillent à temps plein. Cela permettrait que leurs employeurs bénéficient d’une exonération totale, même si ces salariés ne travaillent en réalité pas tout au long de l’année.
Le sujet est technique et important. À ce stade, nous n’approuvons pas totalement la rédaction proposée. À nos yeux, d’une certaine manière, ces salariés peuvent être assimilés à des salariés à temps partiel et il doit en être tenu compte dans le calcul de la réduction des cotisations. Une décision de la Cour de cassation va dans ce sens.
Quelques arguments nous permettent donc de considérer que, pour déterminer les allégements généraux, qui se calculent sur la base de la rémunération globale de l’année, ces salariés sont en pratique à temps partiel et doivent être considérés comme tels par équité avec les autres employeurs.
Le sujet, je le répète, est éminemment technique, et le problème ne trouve pas de solution suffisamment efficace ou satisfaisante au travers de l’amendement proposé par Mme Imbert. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur cette question, qui, d’après nous, relève davantage du niveau réglementaire que du niveau législatif. La loi dispose que les modalités de calcul prennent en compte la durée de travail, mais c’est bien via un décret que les conditions de cette prise en compte ainsi que les autres éléments sont précisés.
C’est pourquoi nous vous suggérons, madame Imbert, de retirer cet amendement, au bénéfice de l’engagement de mener un travail dans le champ réglementaire sur le fondement des propositions que vous avez formulées. Il s’agira d’étudier comment faire en sorte que les mesures que nous prenons en matière d’allégements généraux soient efficaces pour les établissements mentionnés sans qu’il y ait de distorsions ni d’effets de bord.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je voudrais m’exprimer sur l’amendement n° 450 rectifié bis.
Nous manquons cruellement de sapeurs-pompiers volontaires, surtout en milieu rural, pour assurer les missions de secours aux personnes ou de lutte contre les incendies, mais aussi pour pallier les carences des ambulanciers, qui, souvent, ne se déplacent même plus.
Pour devenir sapeur-pompier volontaire, il faut d’abord suivre une formation initiale d’une durée de vingt-neuf jours, répartis sur trois périodes, puis une formation continue de 40 heures. S’ajoute à cela la difficulté de trouver, en milieu rural, des entreprises acceptant d’employer des sapeurs-pompiers volontaires… Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que ces derniers soient de moins en moins nombreux : il faut vraiment que les candidats soient très motivés !
Tant mieux si nous créons un effet d’aubaine ! Il faut donner envie aux entreprises d’embaucher des personnes qui devront parfois s’absenter de leur travail pour remplir leurs missions de sapeurs-pompiers volontaires. Il est normal que l’entreprise soit en quelque sorte défrayée, puisqu’elle rend service à la société et, d’une certaine manière, se substitue à l’État, qui ne rémunère que chichement les sapeurs-pompiers volontaires. Parler d’effet d’aubaine est presque choquant au regard du dévouement de nos sapeurs-pompiers !
Pour ma part, je trouve plutôt intelligent d’alléger les charges patronales des entreprises embauchant des sapeurs-pompiers volontaires. J’y insiste, nous en manquons cruellement dans les territoires ruraux, où ils réalisent un travail considérable aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Je voterai l’amendement n° 170 du rapporteur général, visant à supprimer le bonus-malus pour les cotisations patronales d’assurance chômage.
Nous sommes un peu frustrés d’avoir été privés d’un débat sur l’ensemble de la réforme de l’assurance chômage. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, les implications pour les budgets de l’Unédic et de l’État sont tout de même considérables.
Comme indiqué dans l’objet de l’amendement n° 170, « selon le droit constitutionnel et organique en vigueur, l’assurance chômage n’entre pas – encore – dans le périmètre des lois de financement de la sécurité sociale ». Du reste, nous avons auditionné les représentants de l’Unédic, et ils ont signifié à M. le rapporteur général qu’ils ne souhaitaient pas que l’assurance chômage relève du PLFSS, en tout cas pas à court ou à moyen terme. Il ne s’agit pas ici de contrevenir à la loi, ni même d’aller à l’encontre des vœux des représentants de l’Unédic.
Je voudrais rappeler au Gouvernement que nous avions, avec mes collègues Catherine Fournier et Michel Forissier, déposé deux amendements dont l’adoption aurait pu nous permettre d’avoir un débat sur l’assurance chômage.
Le premier, présenté lors de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, tendait à rétablir la remise au Parlement et au Gouvernement du document de l’Unédic supprimé par ce même texte, de sorte que l’on puisse en discuter. Le second prévoyait que le Gouvernement communique au Parlement le projet de document de cadrage de la négociation de la convention d’assurance chômage.
Certes, la ministre a eu l’amabilité de venir devant la commission – elle n’y était pas obligée –, mais le vote de ces amendements nous aurait permis d’avoir un véritable débat. Ce débat sur une réforme d’importance n’aurait pas manqué d’être riche.
M. René-Paul Savary. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Pour ma part, je voudrais revenir sur les amendements concernant le bénéfice des exonérations de charges pour certains personnels des chambres d’agriculture.
Sur un plan purement factuel, une partie du personnel des chambres d’agriculture intervient bien dans le secteur concurrentiel. C’est même de plus en plus le cas, au travers des prestations qu’elles sont amenées à développer, du fait de la convention d’objectifs et de l’extension du champ de leurs missions. Je pense notamment à leurs missions générales d’accompagnement, mais aussi à la mise en œuvre de la transition agroécologique, qui suscite des attentes sociétales de plus en plus fortes. Dès lors, comment expliquer que les chambres d’agriculture ne puissent bénéficier, comme les entreprises, des exonérations de charges pour leur personnel affecté à ces prestations ? Il y a là une différence de traitement qui me paraît injustifiée !
Je ne comprends donc pas que le Gouvernement maintienne sa position de l’an dernier sur ce sujet. Il est factuel et facile à vérifier que les chambres d’agriculture œuvrent dans le secteur concurrentiel, et ce de plus en plus.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. L’amendement n° 170 de M. le rapporteur général a pour objet de supprimer les dispositions relatives au bonus-malus sur les cotisations patronales d’assurance chômage en fonction de l’utilisation de contrats courts par les employeurs de certains secteurs.
Je veux rappeler que le dispositif de bonus-malus a été présenté comme une sorte de contrepartie, certes faible, insuffisante et limitée, à la réforme de l’assurance chômage, dont l’application a débuté au 1er novembre pour une mise en œuvre complète au mois d’avril. Nous le savons, cette réforme touchera très durement, en termes tant d’accès aux droits que de niveau des indemnités, les demandeurs d’emploi, en particulier les plus précaires.
Il ne faudrait pas, en votant cet amendement, envoyer un signal défavorable au maintien a minima du système de bonus-malus tel qu’il existe actuellement. Ne pénalisons pas la sécurité sociale en adoptant des dispositions contradictoires.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Je souhaite revenir sur l’amendement n° 582 rectifié.
Monsieur le rapporteur général, vous dites que la suppression des exonérations de charges sur les bas salaires augmenterait le coût du travail. La politique d’allégement des cotisations sociales est à l’œuvre depuis plus de vingt ans. C’est une politique ruineuse pour les finances publiques, qui contribue à tirer les salaires vers le bas. En effet, s’ils augmentent les salaires, les employeurs perdent le bénéfice de ces exonérations de charges.
Mes chers collègues, a-t-on vraiment évalué l’impact des exonérations de charges sur les bas salaires pour les entreprises ? Leur effet a-t-il été massif en matière de création d’emplois ? A-t-il été massif en termes d’investissements des entreprises en France ? A-t-on comparé ces effets à l’évolution des dividendes perçus par les actionnaires ?
Mes chers collègues, je vous invite à réfléchir aux conséquences des exonérations de charges sur les bas salaires, à une période où tout le monde réclame une augmentation salariale. Pour ma part, je voterai en faveur de la suppression de ces exonérations.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le rapporteur général, vous avez affirmé que l’adoption de l’amendement n° 450 rectifié bis créerait un effet d’aubaine pour les employeurs. Cela est faux.
Pour aller secourir une personne habitant à cinquante kilomètres, un sapeur-pompier volontaire devra s’absenter de son travail durant toute une après-midi. L’allégement de charges, minime, ne compensera pas, pour l’employeur, la perte subie du fait du travail non accompli par le salarié. Il ne fera que réduire cette perte et permettre une participation citoyenne de l’entreprise au secours aux personnes. Je demande non pas une exonération d’un niveau extraordinaire, mais un geste de la Nation.
Dans le monde rural, les corps de sapeurs-pompiers se maintiennent presque uniquement grâce au concours d’employés municipaux. Cet amendement offre une solution, aussi modeste soit-elle, pour inciter les jeunes à devenir sapeurs-pompiers volontaires et élargir le vivier de recrutement.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Mon propos concernera les amendements identiques relatifs aux chambres d’agriculture. J’ai bien entendu les réponses du rapporteur général et du secrétaire d’État. Je souhaite cependant insister, comme mon collègue Bonhomme, sur l’importance du rôle joué par les chambres consulaires, en particulier les chambres d’agriculture, dans nos territoires. Leurs moyens financiers ont été rabotés et on les incite, pour accroître leurs ressources, à investir le champ concurrentiel, en délivrant par exemple des prestations de conseil payantes. Dès lors, pourquoi les exclure du bénéfice de l’exonération de charges ?
Nous nous sommes mobilisés, sur un certain nombre de travées de cet hémicycle, pour obtenir que le ministre de l’agriculture renonce au coup de rabot fiscal qu’il envisageait de donner. J’espère que ces amendements seront adoptés, malgré les avis négatifs de la commission et du Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour explication de vote.
M. Olivier Cigolotti. Nous aurons l’occasion de revenir sur les questions liées à la sécurité civile. J’ai personnellement déposé des amendements sur ce sujet, après l’article 8.
Concernant l’amendement n° 450 rectifié bis, Mme Goy-Chavent et M. Chasseing ont très bien expliqué ce qu’il en était en réalité de l’« effet d’aubaine » évoqué par la commission et le Gouvernement.
Le rapport de la mission sur le volontariat des sapeurs-pompiers, qui avait été demandé par le ministre de l’intérieur il y a déjà fort longtemps, a été remis au Premier ministre le 23 mai 2018. Depuis, aucune de ses préconisations n’a trouvé de traduction concrète dans la loi. Il ne faut donc pas s’étonner du dépôt d’un tel amendement, portant sur une problématique à laquelle nous sommes tous sensibilisés. L’attente de solutions ambitieuses pour favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, leur fidélisation et la reconnaissance de leur engagement citoyen est très forte. Personnellement, je pense que l’amendement proposé par notre collègue Chasseing est de bon sens ; je le voterai.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Monsieur le secrétaire d’État, nos réserves à l’égard des allégements de cotisations sociales ne concernent pas, bien entendu, les petites entreprises. Nous connaissons nous aussi des artisans, des patrons employant quelques salariés qui ont bien du mal à s’en sortir et même à se payer à la fin du mois. Certains d’entre eux se serrent la ceinture tout autant que leurs salariés, tant il est difficile de maintenir l’entreprise à flot.
En revanche, les entreprises du CAC 40, qui ont versé près de 60 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires, doivent-elles vraiment continuer à bénéficier du dispositif d’allégement des cotisations patronales, au détriment du budget de la sécurité sociale, pourtant guère florissant ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mon intervention portera sur l’amendement n° 579.
J’ai souligné l’inégalité salariale qui persiste entre les femmes et les hommes et cité une enquête de l’Insee parue aujourd’hui même. M. le rapporteur général nous dit que les entreprises ne respectant pas les objectifs en la matière subissent déjà des pénalités et qu’il n’y a pas lieu d’en rajouter. Le problème est que ces énormes inégalités salariales perdurent ! Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, elles reviennent à ce que les femmes travaillent gratuitement depuis quelques jours déjà. Il convient donc à mon sens de prendre des mesures plus fermes. Nous demandons non pas l’instauration d’une pénalité supplémentaire, monsieur le rapporteur général, mais simplement la suppression des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises qui contreviennent à la loi en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
J’appelle votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez semblé y être sensible. Pourquoi récompenser des entreprises qui ne respectent pas la loi en les exonérant de cotisations salariales ? Bien sûr, la suppression de ces exonérations représentera in fine une charge pour les entreprises concernées, mais peut-être fera-t-elle entendre raison à des employeurs qui semblent avoir besoin qu’on leur tire de nouveau les oreilles, si je puis ainsi m’exprimer !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Nous serons plusieurs membres du groupe RDSE à soutenir les amendements relatifs aux chambres d’agriculture.
Je soutiens également l’amendement n° 450 rectifié bis de notre collègue Chasseing, que j’ai cosigné. Je ne reviendrai pas moi non plus sur l’évocation d’un prétendu « effet d’aubaine », que je trouve particulièrement malheureuse. Voilà un moment que nous tournons autour du pot, dans cette assemblée, pour trouver une solution au manque de pompiers volontaires. La rédaction de cet amendement est sans doute perfectible, mais nous serons plusieurs, au sein de mon groupe, à le voter.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de vos explications, monsieur le secrétaire d’État, concernant l’amendement n° 548 rectifié quater, que j’ai défendu tout à l’heure. Il s’agit en effet d’un sujet éminemment technique. Néanmoins, nous ne pouvons pas accepter que les interprétations des dispositions du code de la sécurité sociale diffèrent selon les Urssaf. Je maintiens cet amendement, mais je ne doute pas, monsieur le secrétaire d’État, que vous travaillerez à une meilleure rédaction pour clarifier ce code.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Concernant l’amendement n° 170 de la commission, je précise que l’article 8 ne corrige pas les effets du dispositif de bonus-malus sur les allégements généraux : il traite, tout à l’inverse, des effets des allégements généraux sur le système de bonus-malus. Il s’agit donc bien ici d’une question intéressant l’assurance chômage, et non la sécurité sociale. Je ne doute pas qu’il existe un lien avec celle-ci, mais vous tentez de passer par la petite porte pour introduire un dispositif certes important. Je ne m’oppose pas par principe au dispositif de bonus-malus, mais je souhaite que l’on respecte le champ de la loi de financement de la sécurité sociale.
Madame Apourceau-Poly, vous avez dit que les allégements généraux de charges sur les bas salaires n’avaient aucune conséquence sur l’emploi. Ce n’est pas vrai : un grand nombre d’études sérieuses, réalisées par exemple par France Stratégie, démontrent qu’au contraire les allégements généraux de charges sur les salaires proches du SMIC ont un effet bénéfique sur l’emploi.
Par ailleurs, vous avez affirmé que nous connaissons actuellement une hausse du chômage. Or ce n’est pas le cas : les statistiques prouvent le contraire.
Concernant les chambres d’agriculture, j’entends bien qu’une partie de leurs missions relève du champ concurrentiel, notamment le conseil aux agriculteurs. Pour l’essentiel, cependant, le problème n’est pas là : il est que l’exonération en question est venue se substituer au CICE, dont les chambres d’agriculture ne bénéficiaient pas. Je comprends parfaitement l’intérêt qu’une telle exonération présenterait pour les chambres d’agriculture, mais notre rôle est de défendre les finances sociales. Le problème posé par les auteurs de ces amendements concerne le budget général. C’est la raison pour laquelle je renvoie nos collègues à Albéric de Montgolfier, rapporteur général du budget !
Enfin, madame Cohen, vous demandez la suppression des exonérations de charges pour les entreprises qui contreviennent à la loi en matière d’égalité salariale. Si monsieur le secrétaire d’État veut bien aller dans ce sens, cela ne pourra qu’alimenter un peu plus le budget de la sécurité sociale : je ne m’y opposerai donc pas, mais nous entrons là dans un autre débat, à plusieurs milliards d’euros. Je ne saurais me prononcer sans avoir recueilli l’avis de la commission.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame Imbert, je suis obligé de donner un avis défavorable à votre amendement. Cela ne nous empêchera pas, dans la suite de la navette parlementaire, de travailler cette question d’un point de vue technique, dans le champ réglementaire.
Madame Apourceau-Poly, peut-être mon expression a-t-elle été confuse, mais je n’ai pas évoqué de différence entre petites et grandes entreprises. Je m’oppose aux amendements de suppression des allégements de charges sans faire de distinction entre les entreprises selon leur taille.
Madame Cohen, en matière d’égalité salariale, nous partageons l’objectif qui est le vôtre. C’est pourquoi nous avons prévu, dans d’autres textes, des sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas la loi en la matière. Nous estimons ces sanctions plus proportionnées que la suppression pure et simple des allégements de charges que vous proposez.
Concernant les chambres d’agriculture, je partage totalement l’avis de M. le rapporteur général ; je n’y reviens donc pas.
Au sujet des sapeurs-pompiers volontaires, je souligne que l’indemnité qui leur est versée par l’État est totalement défiscalisée. Je maintiens que l’adoption de l’amendement n° 450 rectifié bis présenterait à nos yeux un risque – je suis attentif aux mots que j’emploie, une certaine expression ayant été jugée malheureuse. J’ajoute que son dispositif s’appliquerait qu’il existe ou non une convention de mise à disposition. Enfin, pour faire suite à un certain nombre d’engagements et de travaux qui ont été menés, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a publié un plan d’action 2019-2021 pour favoriser le volontariat. Nous espérons qu’il encouragera les vocations.
Nous avons toujours un désaccord avec M. le rapporteur général au sujet de l’amendement n° 170. Nous considérons que, d’une part, la disposition qui rend nécessaire ce dispositif a été prise en loi de financement de la sécurité sociale, d’où une sorte de parallélisme des formes, et que, d’autre part, le système du bonus-malus a, in fine, une incidence sur ce que l’Acoss devra payer. Or si les finances de l’Acoss sont concernées, celles de la sécurité sociale le sont aussi.
Le débat sur l’inscription éventuelle de l’assurance chômage dans le champ de la LFSS n’est pas tranché, malgré la remise très récente du rapport du Haut Conseil du financement de la protection sociale, dont les préconisations n’ont, à ma connaissance, fait l’objet d’aucun arbitrage, que ce soit par le Gouvernement ou par le Parlement.
En tout état de cause, nous avons la conviction que les dispositions des alinéas visés par l’amendement n° 170 ont leur place dans le PLFSS. Cela m’amène à maintenir l’avis défavorable du Gouvernement.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 582 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 rectifié ter, 101 rectifié ter, 402 rectifié ter, 476 rectifié ter et 817 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 450 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.) – (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et UC.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 579.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 33 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l’adoption | 87 |
Contre | 255 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 583 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 218, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
et du
insérer les mots :
deuxième alinéa du
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit de la correction d’une erreur de référence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 8, modifié.
(L’article 8 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 8
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 272 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux, Vall et Cabanel.
L’amendement n° 780 rectifié bis est présenté par M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Leconte, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Joël Bigot et M. Bourquin, Mme Guillemot, MM. P. Joly, Kerrouche, Marie, Mazuir, Todeschini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 4° du III de l’article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 est abrogé.
II. – Au cinquième alinéa de l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I et du II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 272 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Nous avons découvert, lors de l’examen du PLFSS pour 2019, que le Gouvernement prévoyait de supprimer le dispositif TO-DE d’exonération de charges patronales pour l’emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles. Devant la levée de boucliers, au Sénat puis à l’Assemblée nationale, et grâce à la mobilisation de l’ensemble des filières agricoles et viticoles, il a été décidé de maintenir le dispositif TO-DE jusqu’au 1er janvier 2021, mais son plafond d’application a été limité à 1,2 fois le SMIC, contre 1,25 fois le SMIC antérieurement.
Me voilà donc encore une fois mobilisée pour vous convaincre, mes chers collègues, de l’importance de ce dispositif d’exonération pour tous nos employeurs agricoles.
Ces exonérations sont cruciales pour les filières agricoles arboricoles, viticoles, maraîchères et horticoles. Elles leur permettent de conserver de la compétitivité, face à des pays où les coûts salariaux sont plus faibles, comme l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne. C’est pourquoi je vous propose de pérenniser ce dispositif, qui permet, chaque année, la conclusion de près de 9000 contrats saisonniers. Cet amendement tend à revenir au plafond qui s’appliquait avant l’adoption de la LFSS pour 2019. Il y a urgence à rassurer nos chefs d’entreprise.
Hier, des pépiniéristes m’ont cité l’exemple de l’un d’entre eux, installé dans les Landes, qui embauchait jusqu’à soixante saisonniers sur de longues durées chaque année. Devant la menace d’extinction du dispositif TO-DE, ce pépiniériste a complètement changé de modèle économique. Il a cessé son activité de grossiste et se recentre aujourd’hui sur la seule vente au détail. Il ne comptera plus que quatre employés, en CDI. Il ne faudrait pas que cet exemple fasse tache d’huile.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 780 rectifié bis.
M. Franck Montaugé. Je fais mienne l’argumentation qui vient d’être développée par la collègue.
Je souhaiterais resituer cet amendement dans un cadre plus large, qui va s’imposer à l’agriculture française, celui de la future politique agricole commune (PAC). Il n’est pas exclu de voir émerger un contexte d’exacerbation de la concurrence dans le cadre de la nouvelle PAC, par exemple dans la viticulture avec l’Espagne ou l’Italie, voire d’autres pays de l’Union européenne. N’ajoutons pas de la difficulté à la difficulté : il serait sage de revenir à la version antérieure à 2019 du dispositif d’allégement des cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi. Un très grand nombre d’exploitations agricoles sont concernées par cette question. Dans un contexte déjà très difficile pour l’agriculture, il n’est pas nécessaire d’en rajouter. Il faut au contraire saisir cette occasion d’alléger le fardeau de nos agriculteurs et contribuer, fût-ce modestement, à améliorer leur compétitivité.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 273 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty et Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux, Vall et Cabanel.
L’amendement n° 401 rectifié bis est présenté par M. Duplomb, Mmes Férat et Primas, M. Bas, Mme Troendlé, MM. J.M. Boyer, Priou, Adnot, Gremillet, Poniatowski, Pellevat, Chatillon et Reichardt, Mmes Noël, Puissat et Micouleau, M. D. Laurent, Mmes Ramond et Chain-Larché, MM. Sol, Regnard, Vaspart et Bazin, Mmes Bruguière, Malet et Bonfanti-Dossat, MM. Hugonet, Daubresse, Paccaud et Husson, Mmes Chauvin et Berthet, MM. Janssens et Bonnecarrère, Mmes Guidez, Vullien, Billon et Loisier, MM. Luche et P. Martin, Mme Perrot, MM. Maurey, Longeot et D. Dubois, Mmes Gatel et Goy-Chavent, MM. Schmitz, Joyandet et Savin, Mme Lassarade, MM. Pointereau, Fouché, H. Leroy, Paul et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Lamure, M. Bascher, Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Charon, Karoutchi, Babary, Kennel, Piednoir, Morisset, Genest et Bouchet, Mme Lherbier, M. Pierre, Mmes Imbert et Deseyne, M. Cambon, Mmes Deromedi et Richer, MM. Chaize et B. Fournier, Mme Lopez et M. Grand.
L’amendement n° 871 rectifié est présenté par MM. Tissot, Daudigny et Montaugé, Mme Artigalas, M. Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Leconte, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 4° du III de l’article 8 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 est abrogé.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la pérennisation du profil de l’exonération définie à l’article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime au-delà de 2020 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 273 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 272 rectifié bis
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour présenter l’amendement n° 401 rectifié bis.
M. Jean-Noël Cardoux. La plupart des arguments qui viennent d’être exposés valent aussi pour cet amendement.
L’année dernière, nous avions obtenu le maintien de l’exonération pour 2019 et 2020, à la quasi-unanimité du Sénat. Je ne vois pas quelles circonstances extérieures pourraient nous amener à changer de position aujourd’hui concernant l’année 2021. Bien au contraire, l’agriculture souffre, chacun le sait, et se trouve confrontée à des distorsions de concurrence importantes en matière de taux de charges sociales par rapport à certains autres pays européens, la France détenant le d’Europe en matière de prélèvements sociaux sur les salaires.
Surtout, la France impose des normes biologiques, pour certaines cultures, notamment fruitières, plus strictes que des pays concurrents comme la Pologne. Il en résulte d’importantes différences de prix sur le marché.
L’an dernier, nous avions, les uns et les autres, pris l’exemple de nos départements. M. Saury et moi-même avions cité celui du Loiret, et évoqué les cultures fruitières de la région d’Olivet et maraîchères du Val de Loire.
Un nouvel argument s’est ajouté depuis lors : la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite « loi Égalim », qui avait fait naître de grands espoirs pour la remontée des prix agricoles, est une déception totale. Les effets attendus par le monde agricole ne se sont pas produits. Supprimer au même moment, à partir de 2021, une exonération profitant à la fois aux agriculteurs biologiques et aux travailleurs saisonniers serait complètement à contre-courant ! (M. Jean-Paul Émorine applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Tissot, pour présenter l’amendement n° 871 rectifié.
M. Jean-Claude Tissot. Dans le droit-fil des arguments que Franck Montaugé vient de développer, cet amendement de repli vise à revenir à ce que le Sénat avait voté à l’unanimité lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour le renforcement du barème spécifique, la formule adoptée l’année dernière constitue, nous semble-t-il, un compromis satisfaisant, avec une exonération totale jusqu’à 1,2 fois le SMIC, puis dégressive jusqu’à 1,6 fois le SMIC. Il nous paraît plus sage d’en rester là ; la commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 272 rectifié bis et 780 rectifié bis.
A contrario, nous sommes très favorables aux amendements de repli nos 273 rectifié bis, 401 rectifié bis et 871 rectifié.
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes, ce débat devrait plutôt avoir lieu l’année prochaine, le régime TO-DE étant censé s’appliquer jusqu’au 31 décembre 2020. Mais, afin de donner davantage de visibilité aux filières concernées, il ne nous semble pas anormal de demander, dès à présent, la prorogation de ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme la commission, le Gouvernement est attaché au maintien d’un compromis, mais il se trouve que ce n’est pas le même…
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le compromis retenu par le Gouvernement est celui qui est issu des deux lectures du PLFSS par les deux chambres. Il consiste à maintenir le régime décrit par M. le rapporteur général jusqu’au 31 décembre 2020 – j’émets donc, pour les mêmes raisons que la commission, un avis défavorable sur les amendements nos 272 rectifié bis et 780 rectifié bis – et à construire, au cours de la période 2019-2020, de nouvelles modalités d’intervention auprès du monde agricole. Je pense ainsi à diverses dispositions, figurant dans le projet de loi de finances, en faveur de la constitution d’une épargne de précaution ou au maintien d’un régime spécifique en matière de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ce qui représente, en termes de dépenses fiscales, un engagement de 1,25 milliard d’euros. D’autres dispositifs doivent également être mentionnés, qu’ils relèvent de l’accompagnement de la gestion des crises ou de la mise en œuvre de la loi Égalim.
Monsieur Cardoux, au sujet de ce dernier texte, vous évoquez une forme de déception. Vous savez que le ministre de l’agriculture est mobilisé pour que les dispositions de la loi Égalim soient pleinement appliquées et qu’elles produisent véritablement leurs effets. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Les mesures votées l’an dernier au titre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour la période 2019-2020, constituent selon nous un bon compromis. C’est pourquoi le Gouvernement est également défavorable aux amendements de repli nos 273 rectifié bis, 401 rectifié bis et 871 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Pour ma part, je voterai ces amendements de repli. Personne ne peut le nier : en matière agricole, nous perdons des places sur le plan européen, qu’il s’agisse de la production ou des exportations, parce que nous appliquons des normes plus contraignantes que les standards européens et que le coût de l’heure de travail atteint au moins 12 euros en France, contre 9 euros en Allemagne et 8 euros en Espagne. La loi Égalim n’a, pour l’heure, pas vraiment changé la donne.
Il faut absolument conserver les exonérations existantes pour que le prix de revient de nos produits, qui est déjà plus élevé que chez nos concurrents, soit, au moins, contenu. En 2000, nous occupions la première place en matière agricole sur le plan européen ; nous avons reculé au quatrième ou cinquième rang. Seule une diminution des charges nous permettra de remonter au classement : il en va pour l’agriculture comme pour les entreprises !
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le secrétaire d’État, les filières agricoles et viticoles méritent d’être mieux prises en considération. On demande de plus en plus à nos agriculteurs de se tourner vers l’agriculture raisonnée, et l’on voit bien les complications qui en résultent. Ils peinent à dégager un revenu suffisant, et la loi Égalim n’a pas arrangé les choses : un certain nombre de promotions ont été restreintes, ce qui a fortement affecté les marchés.
J’attire particulièrement votre attention sur la filière viticole. Le groupe d’études « vigne et vin » du Sénat, dont je suis membre, vient de recevoir un certain nombre d’acteurs de cette filière, dont des exportateurs. La situation est dramatique, notamment à cause de la taxe supplémentaire de 25 % instaurée par les États-Unis.
Certes, la Champagne n’est pas spécialement concernée par le TO-DE, puisque, en vertu des conventions signées dans notre région, les saisonniers sont rémunérés au-dessus de 1,2 fois le SMIC, mais les autres vignobles vont être touchés de plein fouet, ainsi que par les mesures de la loi Égalim et la définition des zones non traitées (ZNT). Cette dernière soulève des difficultés extraordinaires, alors même que des mesures agroenvironnementales tout à fait intéressantes sont déployées en faveur d’une agriculture raisonnée.
Dans ce contexte, il importe d’envoyer un signal fort à nos agriculteurs et à nos viticulteurs en matière de cotisations sociales. C’est la raison pour laquelle je soutiens les amendements nos 273 rectifié bis, 401 rectifié bis et 871 rectifié ; je remercie M. le rapporteur général de son avis favorable !
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Monsieur le secrétaire d’État, lors des questions d’actualité au Gouvernement, le ministre de l’agriculture nous dit régulièrement : « Je vous ai entendus, j’ai entendu les agriculteurs, je vais agir. »
Nous en avons assez d’entendre des promesses. Vous nous en faites une de plus à l’appui de votre avis défavorable ; le Gouvernement va prendre des mesures extraordinaires en faveur des agriculteurs, dites-vous, mais on ne vous croit plus !
Selon l’adage, un « tiens » vaut mieux que deux « tu l’auras » : je soutiendrai les amendements nos 273 rectifié bis, 401 rectifié bis et 871 rectifié. Non seulement les agriculteurs subissent, en France, la concurrence des produits des autres pays de l’Union européenne, mais ils ne peuvent pas exporter, puisque leurs prix sont plus élevés que ceux de leurs concurrents : bref, ils perdent à tous les coups !
Dans bien des filières, les agriculteurs ne perçoivent même pas le SMIC. Nous vous demandons simplement d’examiner avec bienveillance les dispositions que nous défendons aujourd’hui.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Dans la région Occitanie, le dispositif TO-DE a concerné 125 671 contrats de travail, soit une masse salariale de 294 millions d’euros : s’il était supprimé, les entreprises agricoles de la région perdraient, au total, 23 millions d’euros. Les ménages seraient également affectés ; faute d’un pouvoir d’achat suffisant, bon nombre d’entre eux cesseraient de consommer des produits locaux pour se tourner vers les produits issus de pays voisins.
Pour l’agriculture française, notamment régionale, qui est déjà bien malmenée, une telle décision condamnerait des entreprises à la faillite, mènerait à la délocalisation de l’agriculture française, détruirait des emplois en milieu rural et pénaliserait l’agriculture biologique, qui recourt à de nombreux salariés saisonniers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je tiens à exprimer mon admiration pour la capacité du Gouvernement à déployer des circonvolutions langagières extraordinaires, d’une subtilité remarquable, pour justifier toutes les mauvaises actions qu’il a l’intention d’entreprendre ou qu’il a déjà entreprises !
À propos de l’exonération de charges sociales, M. le secrétaire d’État évoque un « bon compromis ». Mais un compromis se bâtit à partir de différentes demandes. Or, les agriculteurs et nous, nous ne demandions rien ! Le système antérieur nous satisfaisait parfaitement : il aidait les agriculteurs à employer des travailleurs saisonniers et permettait de limiter le coût de revient. Sincèrement, je ne saisis pas bien quel peut être ce « compromis »…
Par ailleurs, le Gouvernement nous indique réfléchir à un nouveau système. En règle générale, lorsqu’on fait de telles annonces, c’est que l’on a l’intention de réaliser un certain nombre d’économies au détriment des bénéficiaires du système antérieur.
J’aimerais que ce gouvernement daigne nous dire enfin la vérité, qu’il respecte les sénateurs en tant que représentants de la Nation, en leur exposant les faits tels qu’ils sont et ses intentions, plutôt que d’essayer en permanence de les enfumer,…
M. Roger Karoutchi. Pas d’excès !
M. Jean-Louis Tourenne. … comme c’était déjà le cas, hier, avec Mme la ministre des solidarités de la santé. J’ai peur que cela ne devienne une triste habitude !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 272 rectifié bis et 780 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié bis, 401 rectifié bis et 871 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 533 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 355 rectifié bis, présenté par Mme Vullien, M. Longuet, Mme Kauffmann, MM. Lefèvre, Lafon et Prince, Mme Perrot, MM. Delcros, Longeot et Henno, Mme Guidez, MM. Corbisez, Mouiller, Bazin et Magras, Mmes Billon et Vermeillet, M. Guerriau, Mmes Loisier, Thomas et Chain-Larché et MM. Bonnecarrère, Cazabonne, P. Martin, Capo-Canellas, Marchand et Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le d du 4° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …) La carte accordée par nécessité de service aux salariés des opérateurs de transports publics urbains, en application d’une convention collective nationale ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Cet amendement vise à clarifier la caractérisation comme outil professionnel de la carte accordée par nécessité de service aux 55 000 salariés relevant de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs (CCNTU).
Quelle que soit la nature de l’opérateur de transport public employeur – régie directe, société d’économie mixte, société publique locale ou entreprise chargée de la mission de service public par délégation –, ces salariés ont besoin au quotidien de leur carte de service pour l’accomplissement de l’ensemble de leurs tâches sur les lignes du réseau qui les emploie, et uniquement sur celles-ci.
Pendant plusieurs dizaines d’années, et jusque récemment encore, toutes les caisses d’Urssaf avaient systématiquement assimilé la carte de service à un outil de travail, en vertu d’une doctrine fondée sur le droit social et la réalité d’usage de cette carte. Récemment, certains contrôles se sont affranchis de cette doctrine, au motif que les rares utilisations personnelles de cette carte constitueraient un avantage en nature impliquant un assujettissement marginal aux cotisations sociales.
Exonérer, par la loi, la carte de service de cotisations sociales permettrait de sécuriser le contentieux y afférent et de reconnaître ce titre comme une carte nécessaire aux professionnels du transport public urbain de voyageurs dans le cadre de leur activité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il s’agit là d’une vraie question. La carte de service des salariés des opérateurs de transport public est avant tout un outil de travail.
Mme Michèle Vullien. Oui !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. De plus, quand ce titre est utilisé en dehors du contexte professionnel, il serait paradoxal que son détenteur soit moins bien traité que les autres travailleurs, pour lesquels l’avantage lié à la prise en charge obligatoire des frais de transports publics par l’employeur est exonéré de CSG.
Monsieur le secrétaire d’État, selon les éléments dont nous disposons, il semble que les Urssaf suivent des interprétations différentes en fonction des villes. Il en résulte une insécurité juridique. À l’occasion de ce débat, le Gouvernement pourrait sans doute apporter les éclaircissements nécessaires ; une circulaire adressée ensuite aux Urssaf nous éviterait de devoir modifier la loi.
Nous sollicitons l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mme Vullien appelle notre attention sur un sujet très technique et potentiellement compliqué.
Tout d’abord, lorsqu’une telle carte de transport n’est utilisée qu’à des fins professionnelles, elle n’est pas considérée comme un avantage en nature et n’est pas prise en compte dans l’assiette des cotisations sociales.
Ensuite, je précise que, en vertu d’un principe général, les avantages en nature sont assujettis à cotisations quel que soit l’emploi occupé, et ce dans l’ensemble des domaines. Nous tenons au maintien de ce principe général et nous savons que, du fait d’une certaine porosité, il est difficile d’établir, pour les employés des services de transports collectifs, ce qui relève d’un usage professionnel et ce qui ressortit à un usage particulier.
Un tel amendement a déjà été présenté lors de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Depuis lors, un travail a été engagé pour faire évoluer les méthodes d’évaluation appliquées en la matière : la part de ces avantages assujettie à cotisations doit être proportionnée à l’avantage retiré effectivement, par le salarié, pour un usage extraprofessionnel. En outre, cette évaluation doit être simple à mettre en œuvre, ce qui n’est pas le plus aisé…
Tout cela relève du champ réglementaire, et non du champ législatif. Ma collègue ministre de la transition écologique et solidaire a pris l’engagement de travailler sur ce sujet, pour apporter des réponses et faire en sorte d’unifier le traitement de ces dossiers par les Urssaf. Je demande le retrait de cet amendement, au bénéfice du travail réglementaire déjà engagé.
M. le président. Madame Vullien, l’amendement n° 355 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Michèle Vullien. Oui, je le maintiens, monsieur le président, car je ne peux pas accepter cette réponse : les cartes dont il s’agit sont essentiellement utilisées pour le service, et de façon tout à fait marginale à titre extraprofessionnel. Les salariés qui en bénéficient ne vont pas prendre leurs vacances dans les secteurs desservis par le réseau de leur employeur à seule fin de pouvoir utiliser leur carte ! Ils y ont peut-être recours de temps à autre, le week-end, pour aller en ville : ce n’est tout de même pas un drame…
Mes chers collègues, ne faisons pas offense aux 55 000 salariés qui ont besoin de ce titre de transport pour accomplir leur travail. Je vous invite à voter cet amendement !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 592, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux cinquième et neuvième alinéas de l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Alors que l’injustice sociale et fiscale n’a jamais été aussi grande…
M. Roger Karoutchi. Ça commence bien…
Mme Michelle Gréaume. … et que la cohésion de la société est gravement fragilisée, les rémunérations et les retraites disproportionnées des dirigeants salariés des grands groupes du CAC 40 deviennent toujours plus intolérables.
Une ordonnance de juillet 2019 est venue encadrer à la marge les retraites chapeaux, en plafonnant leur montant à 3 % de la rémunération annuelle et leur cumul à 30 points du revenu annuel de référence, mais il n’en demeure pas moins curieux de voir détruire l’État-providence pour tous alors que, dans le même temps, l’entreprise se transforme en État-providence pour une poignée de privilégiés…
Les entreprises ont déjà mis des limites aux retraites chapeaux : en réalité, très peu d’entre elles excèdent 3 % de la rémunération annuelle. De grands dirigeants privilégiés recevront des rentes annuelles comprises entre 300 000 et 700 000 euros en moyenne, quel que soit l’état de santé de l’entreprise qu’ils quittent. Que l’on songe à Tom Enders, ex-patron d’Airbus : en sa faveur, cette entreprise a provisionné 26 millions d’euros, soit 900 000 euros de retraite par an !
Aussi, dans un souci de justice fiscale, alors que les ménages les plus modestes sont le plus affectés par les hausses de TVA récemment instaurées et la réforme des retraites qu’envisage le Gouvernement, nous souhaitons augmenter significativement la taxation des retraites chapeaux les plus considérables.
À l’heure actuelle, le taux de la contribution due par les bénéficiaires de rentes supérieures à 24 000 euros par mois est de 21 %. Cet amendement tend à augmenter ce taux de 13 points, pour le porter à 34 %. Ciblant les bénéficiaires des retraites chapeaux les plus importantes, un tel taux se veut dissuasif : il permettrait de faire contribuer les plus aisés à la mesure des moyens dont ils disposent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En combinant le taux proposé, la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu et les contributions sociales ordinaires, on dépasserait le taux d’imposition directe cumulée défini comme confiscatoire par le Conseil constitutionnel. Nous émettons donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. J’émets le même avis que M. le rapporteur général, en rappelant que l’ordonnance du 3 juillet 2019 a précisément réformé le dispositif des retraites chapeaux.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’un amendement que je vote chaque année. Les retraites chapeaux posent problème notamment du fait de leur caractère exorbitant, même si elles ont été un peu encadrées, mais aussi parce qu’elles ne sont absolument pas liées à la performance du dirigeant. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRCE.)
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer sous quel seuil il faut abaisser le taux d’imposition directe pour qu’il ne soit plus considéré comme confiscatoire ? Je suis prête à déposer un sous-amendement en conséquence !
Sur le principe, je suis tout à fait favorable à ce dispositif. Dans mon département, les dirigeants de Moulinex ont bénéficié de retraites chapeaux, de parachutes dorés, etc., tandis que des salariés victimes de l’amiante attendent encore que les prudhommes fixent leurs indemnités… Ce n’est pas acceptable !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat revient de manière assez régulière. On nous oppose qu’un tel prélèvement serait confiscatoire, mais le Gouvernement et la commission accueillent la proposition de Mme Goulet dans un silence absolu. On parle pourtant ici de millions d’euros ! Donnez-nous une réponse, madame la secrétaire d’État ! Va-t-on laisser perdurer la situation actuelle, qui est totalement amorale et injuste ? Nous sommes tout à fait prêts à voter un sous-amendement tel que celui évoqué par notre collègue ; nous en appelons à la justice, à l’égalité et aussi à la morale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Il faut distinguer retraites chapeaux et parachutes dorés. En outre, l’ordonnance adoptée en juillet dernier permettra d’éviter les abus liés aux retraites chapeaux.
Mme Laurence Cohen. Visiblement non ! Des abus, il y en a encore !
M. le président. L’amendement n° 330 rectifié, présenté par Mme Imbert, M. Pellevat, Mmes Morhet-Richaud, Micouleau, Puissat et Ramond, M. Vaspart, Mmes Bonfanti-Dossat et M. Mercier, M. Savary, Mme Bruguière, MM. D. Laurent et Morisset, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Brisson, de Nicolaÿ, Sol et Lefèvre, Mme Noël, MM. Rapin et Mandelli, Mme Deromedi, MM. Karoutchi, Saury et Genest, Mme Lamure, MM. Bonne et Pointereau, Mme Deseyne, MM. Grosperrin, B. Fournier et Gilles, Mmes Lavarde et Berthet, MM. Danesi et Babary, Mme F. Gerbaud et MM. Husson, Fouché et Poniatowski, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 161-22-1 A du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 161-22-1 … ainsi rédigé :
« Art. L. 161-22-1 …. – L’article L. 161-22 ne fait pas obstacle à l’exercice par un médecin retraité d’une activité de remplacement dans une zone définie sous-dense par l’agence régionale de santé pour une durée cumulée n’excédant pas vingt-quatre mois.
« Les revenus perçus par le médecin retraité au titre de son activité de remplacement sont exonérés de la totalité des cotisations sociales et de retraite dès lors qu’ils n’excèdent pas 90 000 € annuels. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Corinne Imbert.
Mme Corinne Imbert. Avec 20 % de la population française vivant dans un désert médical, le diagnostic des difficultés de la démographie médicale est connu de tous et l’attractivité de la médecine libérale est en berne. Or la santé de nos concitoyens ne saurait être bradée pour des raisons comptables. C’est pourquoi cet amendement tend à octroyer une exonération de cotisations sociales et de retraite aux médecins retraités, en doublant quasiment le plafond actuel. Le bénéfice de cette exonération est limité à une période cumulée de vingt-quatre mois. Il s’agit d’une mesure de bon sens, au coût contenu. Certes, elle ne permettra pas de résorber les déserts médicaux, mais elle apportera une première réponse d’urgence à la détresse de nos territoires.
Ce dispositif instaure une forme de compagnonnage entre un médecin à la retraite et un jeune praticien installé ou à la recherche d’une installation en exercice libéral. Notre objectif est double ; il se fonde à la fois sur la transmission du savoir entre un professionnel expérimenté et un jeune professionnel et sur l’intérêt que présente, pour les patients, une prise en charge continue et suivie entre le médecin et son successeur. D’une part, le jeune médecin aura la certitude d’être remplacé, lors de ses congés ou de ses absences, par ce médecin retraité. D’autre part, l’accompagnement du jeune médecin sera garanti, tant pour l’exercice médical que pour la gestion de son cabinet. Les étudiants en médecine regrettent ne pas bénéficier de cours de management et de gestion pendant leur cursus.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
Mme Laurence Cohen. Mais c’est un miracle ! (Sourires sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Chers collègues, cela arrive : nous avons même émis un nombre non négligeable d’avis favorables depuis le début de l’après-midi.
Le Sénat avait adopté l’année dernière un amendement similaire de M. Cardoux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Plusieurs dispositifs spécifiques favorisent déjà le cumul emploi-retraite des médecins : la cotisation au régime de prestations complémentaires de vieillesse (PCV) est proportionnelle, et non plus forfaitaire, pour les revenus d’activité n’excédant pas 50 000 euros ; en outre, les revenus tirés de la permanence des soins ne sont pas pris en compte pour apprécier le seuil du cumul emploi-retraite plafonné.
Afin de maintenir des médecins en activité dans les zones sous-denses et d’y favoriser l’installation de praticiens, le Gouvernement a déjà agi. Au titre du régime de PCV, le plafond pour les dispenses de cotisations a été relevé de 11 000 à 40 000 euros de revenu annuel en 2017 ; ce plafond sera une nouvelle fois rehaussé au 1er janvier prochain, pour atteindre 80 000 euros. En deux ans, il aura ainsi été multiplié par sept.
Enfin, les médecins ont de plus en plus fréquemment recours au dispositif de cumul : c’est le cas de près de 20 % des assurés de la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf) âgés de 65 à 70 ans.
Pour ces raisons, nous demandons le retrait de cet amendement : il convient de commencer par évaluer le nouveau dispositif que je viens d’évoquer, puis d’envisager comment le faire évoluer.
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.
M. Jean-Noël Cardoux. Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé que j’ai déjà défendu un tel amendement dans le passé et Mme Corinne Imbert d’avoir repris le flambeau. J’ai présenté cet amendement à quatre reprises, et il a été adopté à chaque fois par le Sénat. Présenté par une femme, peut-être aura-t-il plus de chances de prospérer ? (Sourires.)
J’ai déposé cet amendement pour la première fois à la suite des remarques de certains médecins qui ne souhaitaient pas être exonérés de cotisations de retraite après avoir repris une activité à temps partiel, mais qui critiquaient le fait de devoir cotiser sans pour autant bénéficier de points de retraite. Il n’était pas possible, techniquement, de leur accorder des points de retraite dans ces conditions. C’est pourquoi nous avions présenté cet amendement visant à les exonérer de charges sociales.
Par ailleurs, à l’époque où je siégeais au conseil général du Loiret, nous cherchions des médecins à temps partiel pour les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou l’évaluation des demandes de prestation de compensation du handicap (PCH) ou de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Les départements manquent toujours de médecins pour accomplir ces tâches.
Or les médecins retraités conviennent bien pour pourvoir ce genre de postes. L’adoption de cet amendement permettrait très certainement aux départements d’en recruter et, du même coup, de libérer du temps pour les médecins libéraux en activité avec lesquels ils ont contractualisé.
Enfin, j’ai entendu dire en commission que 90 000 euros constituait un plafond très élevé, susceptible de susciter un effet d’aubaine : certains médecins pourraient être incités à prendre leur retraite avant de se réinstaller dans une zone sous-dense pour bénéficier de l’exonération de charges sociales. Il me semble que c’est une vue de l’esprit. J’ajoute que, si un médecin remplaçant intervenant en zone sous-dense parvenait à dégager 90 000 euros de résultat, c’est qu’il répondrait réellement à un besoin !
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souscris à ce que vient de dire mon collègue Cardoux concernant l’impossibilité, pour les médecins retraités, d’acquérir davantage de points de retraite en travaillant.
L’amendement présenté par Corinne Imbert vise à assurer une forme de compensation à cet égard et son dispositif permettra en outre au jeune médecin d’être accompagné pendant un an par le praticien qu’il va remplacer. Ce dernier le présentera à sa patientèle et pourra le remplacer de temps en temps.
Il s’agit à mon sens d’un amendement pragmatique et efficace, que je voterai.
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Cet amendement me semble plein de bon sens. Nous manquons cruellement de médecins un peu partout en France, et l’idée de favoriser la transmission entre un médecin installé et un jeune praticien est pertinente.
Aujourd’hui, nos médecins croulent sous la paperasserie. Il me semble de bon sens de permettre à nos jeunes praticiens d’être épaulés par des médecins expérimentés.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement d’abord par cohérence, puisque je l’ai déjà voté l’année dernière.
Madame la secrétaire d’État, c’est très bien d’évaluer les dispositifs que le Sénat vote de façon itérative, mais, pendant ce temps, les départements ruraux comptent de moins en moins de médecins.
En outre, les dispositifs qui sont censés fonctionner ne reçoivent pas toujours de très bonnes évaluations et ne donnent pas beaucoup de résultats.
Beaucoup de choses ont été faites, c’est vrai, des mesures ont été mises en place, mais, dans les départements, nous demeurons très inquiets.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. On pourrait comprendre que l’avis défavorable émane de Bercy, mais qu’il soit exprimé par le ministère des affaires sociales est plus difficile à admettre ! Madame la secrétaire d’État, vous nous avez affirmé qu’il fallait essayer différentes mesures pour remédier à la désertification médicale. Vous nous en avez proposées, nous vous en proposons une à notre tour : écoutez le Sénat, il exprime le vécu des territoires !
J’ajoute que ma collègue Monique Lubin et moi-même avons fait un certain nombre de propositions sur l’emploi des seniors. Je vous invite à en prendre connaissance : il faut porter un regard nouveau sur cette question, a fortiori dans la perspective de la réforme des retraites. Il est déjà prévu de permettre de cumuler retraite et emploi, les cotisations sur les revenus tirés de celui-ci ouvrant droit à une amélioration du niveau de la pension, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
C’est l’affaire de quelques années. En attendant, il faut faire en sorte que les médecins seniors puissent avoir envie de continuer à exercer dans nos territoires, servir nos concitoyens et accompagner les jeunes praticiens. Dans cet esprit, vous devriez soutenir la proposition du Sénat, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. On l’a vu notamment lors de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé, nous nous creusons continuellement la cervelle pour élaborer de nouvelles dispositions, souvent fort coûteuses, susceptibles d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans nos territoires, mais n’oublions pas le maillage de médecins déjà en place ! Je ne pense pas que le coût de la mesure ici proposée soit très lourd. Pensons à tous les médecins, pas seulement aux jeunes !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Au risque d’être taxé de corporatisme, le vieux médecin que je suis votera cet amendement ! (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Vous êtes tout jeune ! (Sourires.)
M. Michel Amiel. Merci, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
On a beaucoup de mal à inciter les jeunes médecins à s’installer, en dépit des mesures que nous avons votées l’année dernière. Certes, 90 000 euros par an, c’est un plafond qui peut sembler élevé, mais qu’est-ce au regard d’une retraite chapeau de 24 000 euros par mois ? Je voterai cet amendement sans aucune difficulté.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je souhaite témoigner d’une expérience qui a été menée dans la région Pays de la Loire.
À Laval, préfecture de la Mayenne, département d’Élisabeth Doineau, des médecins retraités effectuent régulièrement des vacations et accueillent des internes, ce qui démontre, d’ailleurs, que ce problème ne concerne pas seulement les zones rurales. Ce dispositif, mis en place avec la Mutualité française, fonctionne bien et l’on va le répliquer à Saumur. On voit que la désertification médicale ne touche pas que les zones rurales.
Je ne comprends absolument pas l’entêtement du Gouvernement à refuser ce type de mesures. Mme Touraine nous opposait la même réponse il y a quelques années, quand nous avons commencé à aborder le sujet.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiens pleinement l’amendement de notre collègue Corinne Imbert, tant il est vrai que la démographie médicale constitue un réel problème, qui se pose malheureusement depuis de nombreuses années. Beaucoup de médecins, dans le monde rural, ne trouvent pas de successeur. Permettre à des médecins retraités d’accompagner l’installation de jeunes praticiens me semble une excellente idée.
Les agences régionales de santé (ARS) sont également là pour aider les jeunes médecins à s’installer. Le développement des maisons de santé a aussi permis d’enclencher une dynamique sur ce plan. Cela participe de l’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Mon groupe et moi-même sommes farouchement opposés aux exonérations de cotisations sociales ; nous l’avons exprimé et nous continuerons à le faire.
Néanmoins, en l’espèce, je voterai cet amendement (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.),…
M. André Reichardt. L’exception confirme la règle !
M. Yves Daudigny. … parce que, dans des zones sous-denses telles que celle où je vis, prolonger l’activité de médecins arrivant à l’âge de la retraite n’est pas une mauvaise façon de lutter contre la désertification médicale, sachant que nous connaîtrons encore de grandes difficultés dans les cinq à sept années à venir.
Je voterai cet amendement dans la continuité de mon engagement passé en faveur de propositions analogues, rappelées avec précision tout à l’heure par notre collègue Jean-Noël Cardoux.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour explication de vote.
Mme Corinne Imbert. Je voudrais remercier l’ensemble des collègues qui se sont exprimés pour soutenir l’amendement que j’ai déposé, particulièrement Jean-Noël Cardoux. Je rends à César ce qui lui appartient et salue la pugnacité avec laquelle M. Cardoux prône une telle mesure depuis plusieurs années.
Madame la secrétaire d’État, quand la maladie est grave, elle doit être combattue avec un arsenal thérapeutique. L’urgence est telle que l’on ne peut plus attendre les mesures du plan Ma santé 2022. Chaque jour, des médecins mettent un terme à leur activité, des patients se retrouvent sans médecin traitant. Faites confiance au Sénat, écoutez-le, et ajoutez le dispositif de cet amendement à votre arsenal !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8.
L’amendement n° 581, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 241-2. – I. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont également constituées par des cotisations assises sur :
« 1° Les avantages de retraite, soit qu’ils aient été financés en tout ou partie par une contribution de l’employeur, soit qu’ils aient donné lieu à rachat de cotisations ainsi que les avantages de retraite versés au titre des articles L. 381-1 et L. 742-1, à l’exclusion des bonifications ou majorations pour enfants autres que les annuités supplémentaires ;
« 2° Les allocations et revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 131-2 ;
« 3° Le produit de la contribution additionnelle à la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, prévue par l’article L. 245-13 ;
« 4° Le produit de la contribution mentionnée à l’article L. 137-15.
« Des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés.
« Les cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont à la charge des employeurs et des travailleurs salariés et personnes assimilées ainsi que des titulaires des avantages de retraite et des allocations et revenus de remplacement mentionnés aux 1° et 2° du présent article.
« II. – Les ressources des assurances maladie, maternité, invalidité et décès sont en outre constituées par :
« 1° Une fraction égale à 38,81 % du droit de consommation prévu à l’article 575 du code général des impôts ;
« 2° Le remboursement par la caisse nationale des allocations familiales des indemnités versées en application des articles L. 331-8 et L. 722-8-3 du présent code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements nos 587 et 588.
M. le président. J’appelle en discussion les amendements nos 587 et 588.
L’amendement n° 587, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2020, le taux des cotisations d’assurance maladie mentionné au premier alinéa est réduit de 4 points.
« Pour les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2021, le même taux est réduit de 2 points. »
II. – À compter du 1er janvier 2022, l’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
L’amendement n° 588, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est complété par sept alinéas ainsi rédigés :
« La réduction dont bénéficie chaque employeur peut être minorée en fonction :
« 1° Du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions ;
« 2° De la nature du contrat de travail et de sa durée ;
« 3° De la politique d’investissement de l’entreprise ;
« 4° De l’impact de l’entreprise sur l’environnement ;
« 5° De la taille de l’entreprise ;
« Un décret précise les modalités de calcul de la minoration de la réduction du taux des cotisations d’assurance maladie. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Laurence Cohen. Ces amendements sont issus de notre réflexion concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
L’amendement n° 581 vise à soumettre de nouveau les entreprises à contribution à la branche famille. En effet, la transformation du CICE en suppression pérenne des cotisations des entreprises représente pour celle-ci un manque à gagner de 20 milliards d’euros. Cette somme pourrait être utilisée, par exemple, pour supprimer la modulation des prestations familiales, verser la prime à la naissance avant l’accouchement ou allonger le congé maternité pris en charge intégralement à dix-huit semaines. Ce ne sont là que quelques idées !
L’amendement de repli n° 587 tend à prévoir l’extinction progressive sur deux ans de l’allégement de cotisations patronales d’assurance maladie. Nous pouvons comprendre que des employeurs qui n’acquittent plus depuis six ans de cotisations à la branche famille rencontrent des difficultés de trésorerie : c’est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer une période transitoire.
Enfin, l’amendement de repli n° 588 prévoit le maintien des exonérations de cotisations patronales en contrepartie de réelles embauches et d’une véritable progression des salaires et des investissements des entreprises.
Vous avez donc le choix, mes chers collègues, de voter le rétablissement des cotisations sociales pour les entreprises, avec ou sans période transitoire, ou le maintien des exonérations, mais assorti de réelles contreparties. Je vous invite à voter en priorité l’amendement n° 581, les deux autres n’étant que des amendements de repli.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est très clair, madame Cohen, mais malheureusement,…
Mme Laurence Cohen. La clarté n’emporte pas l’adhésion ? (Sourires.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Non, la clarté ne suffit pas à emporter l’adhésion de la commission !
L’amendement n° 581, dont le dispositif est assez complexe, vise à supprimer l’allégement de cotisations patronales à l’assurance maladie qui a remplacé le CICE.
D’une part, le débat a été tranché par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et ces dispositions sont désormais applicables. D’autre part, la substitution d’une baisse de cotisations au CICE n’a pas entraîné de pertes de recettes pour la sécurité sociale, puisque le manque à gagner pour celle-ci a été intégralement compensé par un apport de ressources issu de la TVA.
Enfin, je ne peux pas laisser dire qu’il n’y a plus de cotisations patronales d’assurance maladie, puisque celles-ci représentent encore 72 milliards d’euros en 2020 et constituent, de loin, la première recette du régime.
Pour ces raisons, l’avis de la commission est défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les trois amendements présentés par Mme Cohen ressemblent fortement à ceux qu’elle a défendus à l’article 8, il y a quelques instants. Cela témoigne de la constance de sa position en la matière. Le Gouvernement demeure défavorable à la suppression des allégements de charges patronales qui se sont substitués au CICE.
M. le président. L’amendement n° 832 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. –Le deuxième alinéa de l’article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, la réduction est applicable à l’ensemble des établissements et services mentionnés au 6° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles quel que soit leur statut. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à harmoniser les allégements de cotisations sociales entre établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) des secteurs privé et public. Il nous paraît injuste que les Ehpad du secteur public ne soient pas soumis aux mêmes règles, en matière de cotisations sociales, que ceux des secteurs privé, commercial et non lucratif. Les Ehpad publics se trouvent actuellement en situation de désavantage concurrentiel injustifié. Je rappelle qu’ils offrent des tarifs plus adaptés aux revenus de la majorité des personnes âgées de ce pays et permettent un accès plus aisé à l’aide sociale à l’hébergement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’avis est défavorable. La réduction de cotisations patronales d’assurance maladie a compensé la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont les Ehpad ne bénéficiaient pas.
Cela dit, cet amendement soulève la question du financement du grand âge et de la dépendance. Je me tourne vers le Gouvernement : si des réductions de cotisations sociales ne peuvent remplacer les besoins de nature budgétaire, le Sénat tout entier attend avec impatience ses propositions pour améliorer la situation des Ehpad, notamment de ceux du secteur public.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis pour les mêmes raisons.
Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement comprend l’impatience du Sénat. Mme Dubos travaille avec Mme Buzyn pour élaborer le plan de soutien aux Ehpad et à la prise en charge de la dépendance. Je n’ouvrirai pas le débat à cet instant ; il serait long, mais passionnant.
Nous devrons également poser la question du financement. Nous avons eu l’occasion, lors de la présentation en commission du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’évoquer différentes pistes, ainsi que certains écueils : il faudrait parfois modifier des lois organiques pour atteindre les objectifs affichés par les uns ou les autres. Nous aurons rapidement l’occasion de revenir sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Tourenne, pour explication de vote.
M. Jean-Louis Tourenne. Je n’ai rien compris… Je ne vois pas très bien ce qui s’oppose à l’alignement des règles s’appliquant aux Ehpad du secteur public sur celles qui valent pour les établissements gérés par des associations ou des acteurs privés. Jusqu’à présent, je n’ai entendu aucune justification des avis défavorables de la commission et du Gouvernement.
Si la situation existante n’est ni juste ni justifiée, il faut la modifier ; c’est tout l’intérêt de l’amendement proposé. Je le voterai, parce qu’il me semble nécessaire de rétablir une certaine équité entre les différents types d’établissements, qui doivent tous disposer des mêmes avantages.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 589, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 1,6 ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Cet amendement de repli tend à limiter le champ d’application de l’allégement de cotisations patronales familiales issu du pacte de responsabilité aux seuls bas salaires, c’est-à-dire aux rémunérations inférieures à 1,6 fois le SMIC.
Comme l’a démontré le Conseil d’analyse économique dans une note de janvier 2019 intitulée « Baisse des charges : stop ou encore ? », ce dispositif, qui s’applique aujourd’hui aux rémunérations s’élevant jusqu’à 3,5 fois le SMIC, est inefficace en termes de créations d’emplois et d’amélioration de la compétitivité. Il est en outre coûteux pour les finances sociales, la perte de recettes pour la branche famille atteignant 8 milliards d’euros.
Nous ne sommes pas les seuls à dénoncer l’inefficacité du CICE, puisque deux députés du groupe La République en Marche ont déposé un amendement visant à supprimer la réduction de 1,8 point des cotisations patronales à la branche famille pour les salaires compris entre 2,5 et 3,5 fois le SMIC.
La Cour des comptes elle-même a demandé une étude en profondeur de l’efficacité des 52 milliards d’euros d’allégements généraux.
Olivier Véran, rapporteur général du projet de budget de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, a également critiqué les allégements de charges pour les salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC, évoquant un effet d’aubaine qui coûte cher sans s’accompagner de créations d’emplois.
Nous vous proposons donc de vous mettre au diapason de votre propre majorité, monsieur le secrétaire d’État,…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas possible ! (Sourires.)
Mme Cathy Apourceau-Poly. … en réduisant le champ des exonérations de cotisations patronales, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles n’apportent aucun bénéfice pour l’économie et pour l’emploi !
M. le président. L’amendement n° 830 rectifié, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale, le nombre : « 3,5 » est remplacé par le nombre : « 2 ».
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement vise à limiter le champ d’application de l’allégement de cotisations patronales familiales issu du pacte de responsabilité aux salaires inférieurs à 2 fois le SMIC.
Dans une note de janvier 2019 du Conseil d’analyse économique, intitulée « Baisse des charges : stop ou encore ? », ce dispositif, qui s’applique actuellement aux rémunérations allant jusqu’à 3,5 fois le SMIC, est décrit comme inefficace en termes de créations d’emplois et de renforcement de la compétitivité. Il est en outre coûteux pour les finances sociales, induisant une perte de recettes de 8 milliards d’euros pour la branche famille.
Le nouveau ciblage proposé permettrait d’apporter 2,7 milliards d’euros de recettes nouvelles à la sécurité sociale en 2020.
Par ailleurs, selon les auteurs du rapport, seules les exonérations ciblées sur les bas salaires emportent des conséquences en matière de créations d’emplois. Il faut donc corriger ce dispositif d’exonérations afin de ne conserver que celles qui sont utiles à l’emploi.
Il est difficilement compréhensible que l’on puisse bénéficier d’exonérations pour des salaires s’élevant à 3,5 fois le SMIC. Cela devient dangereux pour les finances de la sécurité sociale en général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à ces amendements, dont l’adoption aboutirait évidemment à un alourdissement du coût du travail.
Leurs auteurs posent néanmoins une bonne question, monsieur le secrétaire d’État, celle de l’efficacité des allégements de charges en fonction du niveau des revenus auxquels ils s’appliquent. Il serait sans doute intéressant de réfléchir à la question du meilleur format de ces aides à niveau de prélèvements obligatoires égal.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est défavorable sur les deux amendements.
Madame Apourceau-Poly, le Gouvernement est au diapason de sa majorité, puisque celle-ci n’a pas voté ces dispositions…
Monsieur le rapporteur général, évaluer la pertinence de ce que l’on appelle parfois les « niches sociales » paraît effectivement utile. J’ai en tête un certain nombre de débats que nous avons eus, ici ou à l’Assemblée nationale, sur le bornage des niches fiscales ou sociales. Il s’agit non pas de les remettre en cause systématiquement, mais de procéder à des évaluations à intervalles réguliers. Un tel processus semblait effrayer un certain nombre de parlementaires qui craignaient que « bornage » signifie « suppression ». À nos yeux, ce terme signifie « évaluation » et « recherche du meilleur ciblage ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 584 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 811 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 584.
Mme Michelle Gréaume. Mes chers collègues, nous vous proposons une autre solution en vue de dégager des recettes pour le budget de la sécurité sociale (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.) : supprimons le dispositif d’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires !
M. Roger Karoutchi. Oh non ! (Sourires.)
Mme Michelle Gréaume. Présenté comme une mesure en faveur du pouvoir d’achat, ce dispositif contourne la revendication légitime d’une augmentation générale des salaires et entraîne, en outre, une perte de recettes pour la sécurité sociale de 2 milliards d’euros par an, non compensée, là encore, par l’État.
La seule réponse apportée aux travailleurs de ce pays ne saurait être une désocialisation des heures supplémentaires ou l’octroi d’une prime exceptionnelle, lequel, je vous le rappelle, est facultatif.
Eu égard à la forte dégradation des conditions de vie de nos concitoyens, dénoncée notamment par les « gilets jaunes », il est nécessaire d’adopter une autre politique salariale : augmenter le SMIC entraînera mécaniquement une hausse des salaires qui lui sont légèrement supérieurs.
Les salariés, aujourd’hui fortement précarisés, et les caisses de la sécurité sociale ne s’en porteront que mieux. C’est une politique de bon sens, mais encore faut-il que le Gouvernement cesse de faire toujours plus de cadeaux aux entreprises en les exonérant de cotisations sociales, ce que nous dénonçons depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 811 rectifié.
M. Yves Daudigny. Notre position est claire et sans ambiguïté : nous nous opposons frontalement à la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires, pour plusieurs raisons.
La non-compensation par l’État à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires est à nos yeux un dévoiement du principe de séparation entre le budget de l’État et le budget de la sécurité sociale, institué par la loi Veil de 1994. Cette non-compensation prive les organismes sociaux de sommes leur revenant pourtant de plein droit, creuse leur déficit et les pousse d’année en année à s’endetter davantage. La sécurité sociale devient ainsi une variable d’ajustement du budget de l’État, ce que nous ne pouvons accepter.
Le groupe socialiste s’oppose également à la désocialisation des heures supplémentaires et complémentaires, car il s’agit d’un non-sens économique. Le pays connaissant un taux de chômage de 9 %, il conviendrait de ne pas inciter à effectuer des heures supplémentaires, mais plutôt d’encourager l’emploi.
L’Observatoire français des conjonctures économiques indiquait, dans une note de juillet 2017, que cette mesure pourrait détruire 19 000 emplois et empêcher la création de 38 000 à 44 000 emplois à l’horizon 2022. Il estimait que cette mesure coûterait 0,1 point de PIB aux finances publiques.
Enfin, le gain de pouvoir d’achat, pour ceux qui bénéficient de la désocialisation des heures supplémentaires, est à mettre en rapport avec la sous-indexation des prestations familiales et sociales, largement destructrice de pouvoir d’achat.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 125 rectifié quinquies est présenté par M. Karoutchi, Mme Deromedi, MM. Perrin, Raison et Dallier, Mmes Bruguière et Delmont-Koropoulis, M. Houpert, Mme Duranton, MM. Daubresse, D. Laurent et Mayet, Mmes Chauvin et Eustache-Brinio, MM. Cambon et Kennel, Mme Noël, MM. Pellevat, Poniatowski, Danesi, de Legge, B. Fournier, Cuypers, Brisson, Calvet et Bazin, Mmes L. Darcos et Giudicelli, M. Chatillon, Mme Malet, M. Paul, Mmes Sittler et Lopez, MM. Pierre, Laménie, Bascher, Piednoir, Pointereau, Grosperrin et Bonhomme, Mme Garriaud-Maylam, MM. Husson et Mandelli et Mme Lherbier.
L’amendement n° 223 rectifié sexies est présenté par MM. Morisset, Bizet, Grosdidier et Mouiller, Mme Puissat, MM. Gremillet et Sol et Mme A.M. Bertrand.
L’amendement n° 300 rectifié quater est présenté par Mmes Bonfanti-Dossat et Micouleau, M. Charon, Mme Richer, MM. Lefèvre, Courtial et Panunzi, Mme Berthet, MM. Duplomb et Dufaut, Mme Gruny et M. H. Leroy.
L’amendement n° 473 rectifié ter est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Decool, Menonville et Fouché, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Laufoaulu, Capus, Wattebled et A. Marc, Mme Goy-Chavent et M. Saury.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 5° du I de l’article L. 241-17 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les rémunérations versées aux salariés à temps partiel au titre des heures de dépassement de leur durée de travail fixée au contrat définies aux articles L. 3123-25 et L. 3123-28 du même code dans leurs rédactions antérieures à la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° 125 rectifié quinquies.
M. Roger Karoutchi. Il est curieux que cet amendement soit en discussion commune avec les précédents, car il vise à proposer exactement l’inverse… (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, la plupart de mes amendements ont été victimes de l’article 40 et de l’article 41 de la Constitution. Celui-ci est l’un des rares survivants : si vous pouviez faire un petit geste… (Rires.)
L’exonération de charges ne s’applique pas en cas d’accord collectif de modulation du temps de travail, dispositif abrogé par la loi du 20 août 2008, mais qui demeure applicable dès lors que les accords collectifs le mettant en place ont été conclus antérieurement à la loi du 20 août 2008, et ce sans limitation de durée. Cet amendement tend donc à introduire dans le texte une référence à la modulation du temps de travail, pour les salariés tant à temps plein qu’à temps partiel, afin d’éviter leur exclusion du bénéfice d’une mesure pourtant voulue générale et de permettre de prendre une disposition concrète profitant notamment aux salariés des services d’aide et d’accompagnement à domicile.
Il s’agit de corriger un déséquilibre, pour ne pas dire une injustice. Je demande simplement que les salariés concernés par le dispositif de modulation du temps de travail puissent bénéficier du système général d’exonération de charges.
Je ne vois pas pourquoi le gain de pouvoir d’achat lié à l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires devrait être mis en parallèle avec la sous-indexation des prestations familiales. Pour ma part, gain de pouvoir d’achat et meilleure indexation des prestations familiales, je veux les deux !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour présenter l’amendement n° 223 rectifié sexies.
M. Jean-Marie Morisset. Je ne doute pas que le rapporteur général sera attentif à la demande pressante de notre collègue Karoutchi ! (Sourires.)
Chacun connaît la situation des services de soins à domicile dans nos territoires ruraux. Ils emploient des salariés à temps partiel pour des raisons d’organisation du temps de travail et de besoins des territoires : on ne peut pas recruter à temps plein lorsque le travail s’effectue le matin et le soir.
L’adoption de cet amendement permettrait de répondre à un certain nombre de préoccupations de nos services de soins à domicile, qu’ils soient gérés par des associations ou par les collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié quater.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Cet amendement vise à étendre l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires à un grand nombre de salariés des services d’aide à domicile. Nous n’ignorons pas la difficulté de leur métier, exigeant en temps et en énergie, qui souvent demeure mal rémunéré alors qu’il est pourtant absolument essentiel !
Permettre à des salariés qui travaillent sous un régime de mi-temps modulé d’effectuer des heures supplémentaires en étant mieux rémunérés adresserait un signal fort à ces travailleurs courageux. Nous savons tous que ce secteur manque d’attractivité, en raison notamment de la faiblesse des rémunérations.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 473 rectifié ter.
M. Daniel Chasseing. L’instauration du dispositif d’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires a été une initiative très importante. Pour le premier semestre de 2019, il a permis un gain de pouvoir d’achat de 25 millions d’euros, pour 7,2 millions d’heures supplémentaires réalisées. Cela va dans le sens d’un apaisement des problèmes sociaux que nous connaissons depuis un certain nombre d’années.
Ce fut donc une très bonne décision, mais si le dispositif est très satisfaisant pour les personnes employées à temps plein, il l’est moins satisfaisant pour les salariés à temps partiel, nombreux dans le secteur de l’aide à domicile, par exemple.
Mes chers collègues, la mesure proposée ne permettra pas de créer des emplois, mais pourquoi les personnes travaillant à temps partiel ne pourraient-elles pas bénéficier du dispositif d’exonération de cotisations salariales des heures supplémentaires ? Les salariés des services d’aide à domicile ne sont pas très bien rémunérés. Une telle extension leur apporterait un gain de pouvoir d’achat non négligeable. Il s’agit d’un amendement de justice.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable aux amendements identiques nos 584 et 811 rectifié,…
Mme Laurence Cohen. C’est bizarre !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … dont l’adoption nuirait directement au pouvoir d’achat des intéressés. Je rappelle que l’exonération porte sur les cotisations salariales, et non sur les cotisations patronales.
Quant aux amendements identiques nos 125 rectifié quinquies, 223 rectifié sexies, 300 rectifié quater et 473 rectifié ter, le Sénat a déjà eu l’année dernière ce débat sur l’exonération des heures supplémentaires. Il est apparu que la modulation du temps de travail, qui se définit via un accord d’entreprise, est conforme au code du travail. Les périodes durant lesquelles le salarié travaille davantage sont compensées par d’autres où le salarié travaille moins. Les heures supplémentaires sont couvertes par le dispositif d’exonération si elles sont réelles ; son application n’est pas pertinente s’il y a eu de nombreuses périodes pendant lesquelles le salarié a moins travaillé. Il s’agit d’un système de compensation sur la durée définie dans l’accord d’entreprise, souvent l’année. Il me paraît cohérent d’en rester au droit en vigueur.
Je veux bien faire un petit geste, monsieur Karoutchi, en vous demandant de bien vouloir retirer votre amendement ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Ah non !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable aux amendements nos 125 rectifié quinquies, 223 rectifié sexies, 300 rectifié quater et 473 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 584 et 811 rectifié pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général.
En ce qui concerne les amendements identiques nos 125 rectifié quinquies, 223 rectifié sexies, 300 rectifié quater et 473 rectifié ter, lorsque l’on parle de temps partiel, il y a parfois une forme de confusion entre les heures complémentaires et les heures supplémentaires. Dès lors que, dans le cadre d’un temps partiel modulé, des heures complémentaires sont intégrées dans le contrat de travail, elles n’ont pas le statut d’heures supplémentaires et ne font pas l’objet d’une exonération de cotisations ou d’une défiscalisation. En revanche, M. le rapporteur général l’a souligné, si des heures sont effectuées au-delà de ce que prévoit le contrat de travail, que ce soit au titre du principal ou du complémentaire, elles ouvrent le bénéfice des systèmes d’exonération de cotisations sociales ou de défiscalisation. Il paraît logique au Gouvernement d’en rester au système actuel. Par conséquent, l’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je vois… Vous avez raison, restez sur vos fondamentaux ! Cela étant, dans les zones rurales, beaucoup de salariés des services d’aide à domicile travaillent à temps partiel, et les périodes durant lesquelles ils font beaucoup d’heures ne sont pas toujours compensées par d’autres moins chargées. Certains effectuent réellement des heures supplémentaires, sans rattrapage possible en période creuse. Que dire à ces personnes ? Restez chez vous pour compenser les heures faites en excès il y a quinze jours ou la semaine dernière ?
Je ne demande pas la lune ! Je demande simplement que ceux qui effectuent réellement des heures supplémentaires par rapport à leur temps partiel bénéficient de l’exonération. Si c’est là une mesure inéquitable, il faut m’expliquer en quoi ! Ou alors, il faut complètement remettre en cause le système d’exonération des heures supplémentaires !
M. le président. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.
Mme Martine Berthet. Dans le secteur des services d’aide et d’accompagnement à domicile, les salaires sont faibles, mais les frais de déplacement sont importants, particulièrement dans nos zones de montagne. La plupart du temps, ces frais sont à la charge des salariés. Dans certains secteurs, nous n’arrivons même plus à faire fonctionner les services d’aide à domicile, faute d’agents. L’extension de l’exonération à ces salariés serait donc très appréciable. Je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Je suis tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit concernant les services d’aide à domicile, mais je n’approuve pas la solution proposée.
Je connais bien les services d’aide à domicile pour en avoir géré un dans le cadre de mon activité professionnelle. La suppression de l’exonération entraînera une perte de pouvoir d’achat, nous dit-on. J’ai une autre solution : revoyons à la hausse les salaires dans les services d’aide à domicile, rémunérons les temps de déplacement !
Aujourd’hui, dans les services d’aide à domicile gérés par des communes, la situation est beaucoup plus difficile que dans certaines associations. Des personnes diplômées sont payées au ras des pâquerettes ! Augmentons les salaires, et il rentrera davantage de cotisations ! (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Morisset. J’ai entendu les arguments du rapporteur général et du secrétaire d’État. Les salariés des services de soins à domicile travaillent souvent à temps partiel, du fait de l’organisation bien particulière de leur activité : les journées de travail commencent souvent à six heures du matin, puis s’interrompent pour se terminer le soir. En général, les employeurs ne recrutent pas en CDI pour cette raison. Par ailleurs, les temps de déplacement sont importants.
Voter les quatre derniers amendements marquerait une juste reconnaissance de nos organisations associatives locales, qui ont manifesté leur désaccord au sujet de cette modulation.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Quand j’ai vu quels amendements faisaient l’objet de la discussion commune, j’ai craint un instant que M. Karoutchi ne soit à présent contre la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Pas de risque !
M. Olivier Henno. J’ai pour habitude de suivre l’avis de la commission, mais je suis assez sensible aux arguments avancés par M. Morisset. Il s’agit de salariés qui gagnent très peu et qui cumulent quelquefois différents temps partiels. On rencontre des difficultés pour trouver du personnel. Il me semble donc de bonne politique de voter ces quatre amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. Le fonctionnement des services d’aide à domicile est particulièrement difficile. Ils relèvent normalement des départements, mais ces derniers sont contraints par le pacte de Cahors en termes d’évolution de leurs dépenses de fonctionnement. Ils ne peuvent donc revaloriser comme il serait souhaitable la prise en charge.
Dans le même temps, le prix de l’heure déterminé par la CNAF est différent de ce que prévoit la tarification établie par les départements.
Tout cela est particulièrement préjudiciable au fonctionnement de ces services, qui sont absolument nécessaires pour assurer le maintien à domicile d’une partie de la population âgée de nos territoires, en particulier en milieu rural.
Il importe donc que le Gouvernement se saisisse de cette question et que des propositions soient formulées en vue à la fois d’améliorer le pouvoir d’achat et la situation matérielle des personnels et de permettre aux services d’aide à domicile de fonctionner dans les meilleures conditions, ce qui n’est pas le cas actuellement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous partageons tous le constat que les conditions de travail des aides à domicile sont très pénibles. Ces salariés sont soumis à des cadences très soutenues, ils doivent pointer chaque fois qu’ils se rendent chez quelqu’un et leurs déplacements ne sont pas pris en compte. Ils doivent parfois porter des charges extrêmement lourdes.
Mes chers collègues, les aides à domicile ne demandent nullement des exonérations de cotisations sociales : elles demandent de meilleures conditions de travail, la prise en compte de leurs déplacements, une augmentation de leur salaire et la reconnaissance du caractère d’utilité publique de leur métier. En effet, ces salariés, qui sont en majorité des femmes, sont particulièrement méprisés.
Monsieur le rapporteur général, c’est un très mauvais procès que vous nous faites quand vous affirmez qu’en demandant la suppression des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires nous nous en prenons aux salariés ! Les exonérations de cotisations salariales permettent effectivement de libérer un peu de pouvoir d’achat à court terme, mais elles mettent en difficulté les finances sociales et le système de solidarité. À terme, les prestations seront réduites, telle est la réalité !
L’exonération de cotisations, c’est un fusil à un coup. Ce n’est pas ce que demandent les salariés des services d’aide à domicile, qui sont particulièrement précarisés, et ce n’est bon ni pour notre économie ni pour notre système de protection sociale. Vous vous donnez bonne conscience avec une mesure extrêmement mauvaise ! (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame Cohen, j’approuve totalement ce que vous avez brillamment dit à propos du travail difficile et mal rémunéré des aides à domicile. Le vrai problème tient effectivement à la rémunération de ces personnels.
Mme Michelle Gréaume. Bien sûr !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’attends de l’État qu’il contribue beaucoup plus, en premier lieu pour faciliter les recrutements, car de nombreuses associations et entreprises ne trouvent pas de personnel.
Mme Michelle Gréaume. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas ici qu’on fixe les salaires, on n’y peut rien !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si l’on exonère ces personnels de cotisations salariales, cela entraînera une perte pour la sécurité sociale, ce qui n’est pas souhaitable.
Souvent, dans ce secteur, il existe des accords d’entreprise. Est-il juste de travailler beaucoup plus d’heures certains mois, avec pour compensation une forme de rattrapage durant les périodes creuses ? On peut en discuter, peut-être conviendrait-il de revoir ce système, mais cela ne relève pas du champ du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette question relève en fait davantage de la commission des affaires économiques. Je maintiens l’avis défavorable de la commission.
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Les arguments qui ont été développés renvoient à un sujet que nous abordons lors de l’examen de chaque PLFSS : celui de la création d’un cinquième risque pris en charge par la sécurité sociale. Comme beaucoup de mes collègues, siégeant sur toutes les travées, je suis convaincu que tant que l’on ne s’engagera pas dans cette voie, on ne parviendra pas à trouver les moyens de répondre aux besoins en matière de création d’emplois, de qualification, de qualité du service rendu et de la relation entre l’aide à domicile et la personne accompagnée.
On tourne en rond, on élabore comme on peut des dispositifs à caractère quasiment palliatif, mais qui ne sont pas à la hauteur de cet enjeu absolument fondamental pour notre société : prendre en compte de manière digne la dépendance et le grand âge. En réalité, il s’agit de la question politique majeure.
Je sais que la question n’est pas facile à traiter, que les cotisations, a fortiori supplémentaires, ne sont jamais très bien comprises, mais la dépendance est une problématique qui concerne tout le monde : même quand on est encore jeune, en activité, on y est sensibilisé au travers de ses parents ou de ses grands-parents. S’il est un sujet sur lequel nous devons être capables de trouver un consensus, c’est bien celui-là !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Nous sommes confrontés à un dilemme au moment de voter. D’un côté, M. le rapporteur général l’a souligné, il faut préserver les finances publiques, éviter des pertes de recettes pour la sécurité sociale. De l’autre, il apparaît nécessaire d’améliorer la situation des personnels du secteur de l’aide à domicile. Laurence Cohen l’a rappelé, il s’agit d’une main-d’œuvre essentiellement féminine, qui déploie de grandes qualités humaines, qui perçoit de faibles salaires et qui « galère », il faut le dire ! De 2007 à 2014, j’ai eu l’honneur d’être membre de la commission des affaires sociales. On parlait déjà alors de la création d’un cinquième risque…
Quoi qu’il en soit, je me rallie aux arguments du rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Certes, les personnes qui interviennent à domicile ne sont pas suffisamment payées, mais là n’est pas le problème soulevé par les auteurs des quatre derniers amendements en discussion commune. Pourquoi une personne travaillant à temps plein peut-elle effectuer des heures supplémentaires et bénéficier de l’exonération de cotisations salariales associée, et pas une personne employée à temps partiel dans le même champ d’activité ? C’est une question de justice !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est la quinzième fois que je participe à l’examen du PLFSS dans cette assemblée, et tous les ans reviennent les mêmes discussions…
Demain aura lieu une grève importante, et vous nous direz qu’il faut trouver de l’argent pour l’hôpital, pour les professionnels de santé, qu’il faut financer ceci et cela. Or aujourd’hui, vous nous proposez de diminuer les recettes de la sécurité sociale…
M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas grand-chose !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Il faut arrêter de proposer des diminutions de recettes sans prévoir de compensation pour la sécurité sociale. Le groupe CRCE a proposé des augmentations de recettes qui ne correspondent pas à notre philosophie, certes, mais, pour l’instant, ils sont les seuls à l’avoir fait !
Si nous continuons dans cette voie, nous allons voter des recettes en baisse pour la sécurité sociale. Le déficit sera alors de 6 milliards à 8 milliards d’euros, au lieu des 5 milliards d’euros prévus, mais vous nous direz demain qu’il faut dépenser davantage pour l’hôpital public…
Nous examinons ici une loi de financement, pas une loi sociale. Je vous demande donc, mes chers collègues, de réfléchir aux dépenses à engager en matière de santé, de famille, de retraite, plutôt qu’à des mesures entraînant des diminutions de recettes pour la sécurité sociale.
Personnellement, je me range à l’avis de la commission et je ne voterai pas ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 584 et 811 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 125 rectifié quinquies, 223 rectifié sexies, 300 rectifié quater et 473 rectifié ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
M. le président. L’amendement n° 877 rectifié quater, présenté par MM. Henno, Mizzon, Cadic et Janssens, Mme Vullien, MM. Kern et Delahaye, Mme Férat, M. Prince, Mmes Billon et Létard, M. Louault, Mme Joissains, MM. Détraigne, Cazabonne, P. Martin et Bockel, Mme Vérien, MM. Capo-Canellas, Moga, Longeot et D. Dubois et Mme Gatel, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 382-31 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cependant, les élus mentionnés par cet article qui sont déjà assujettis aux cotisations de sécurité sociale, car ils ont décidé de garder une activité professionnelle pendant l’exercice de leur mandat ou, car ils perçoivent une pension de retraite, sont exonérés des cotisations prévues par le premier alinéa du présent article. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Cet amendement concerne le régime social des élus locaux.
Les évolutions législatives récentes ont œuvré pour une convergence du régime des élus locaux avec le régime général. Il en résulte que les indemnités de fonction des élus sont assujetties aux cotisations de sécurité sociale lorsque leur montant total est supérieur à 1 655,50 euros par mois, correspondant à la moitié du plafond.
Ce principe est logique, mais il ne me semble pas normal de l’appliquer quand les élus cotisent déjà au titre de leur activité professionnelle ou de leur pension. Ils se trouvent alors amenés à cotiser doublement à la sécurité sociale, ce qui est inéquitable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Les cotisations des élus sur leurs indemnités leur ouvrent des droits spécifiques, qu’ils cotisent ou non à un autre titre.
En outre, la proportion des indemnités dans le revenu total des élus est très variable. Le simple fait de cotiser par ailleurs ne saurait suffire, à lui seul, à ouvrir le bénéfice d’une telle exonération. La commission demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur.
J’ajoute que le principe veut que l’on cotise sur l’ensemble des revenus, quelle que soit leur nature. Si un salarié du secteur privé dispose de plusieurs sources de revenus, il acquitte des cotisations sur l’ensemble. Je ne peux donc agréer l’expression « double cotisation » : l’assiette de la cotisation couvre l’ensemble des revenus, il n’y a pas de doublement de barème spécifique.
M. le président. Monsieur Henno, l’amendement n° 877 rectifié quater est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Oui, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Je voterai cet amendement de bon sens, qui vient corriger une décision plus que discutable, voire injuste : une cotisation sans contrepartie s’apparente davantage à un impôt qu’à une cotisation sociale.
Cette décision fut prise à la faveur de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Il n’en était pas ainsi auparavant. À cette époque, les « irritants », dont on a beaucoup parlé à propos de la loi NOTRe, commençaient à se multiplier…
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons vu, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, que vous cherchez à reconquérir la faveur des élus. Supprimer cette double cotisation serait leur adresser un message positif, à une semaine du congrès des maires. En effet, les élus qui la subissent ne la comprennent toujours pas et demandent à ce que soit rétabli le système qui prévalait antérieurement.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis bien entendu contre cet amendement, que je trouve complètement surréaliste !
Nous venons d’évoquer la situation des aides à domicile, dont les salaires s’établissent autour de 1 000 ou 1 100 euros… Vous rendez-vous compte du message que l’on enverra à ces personnes si nous exonérons, demain, des élus de cotisations sociales ? Ce débat est surréaliste !
M. Jean-Marie Mizzon. Les élus ne sont tout de même pas des nantis !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je ne voterai pas cet amendement. Je tiens toutefois à rappeler que les indemnités des élus ne sont pas un salaire et que, selon la loi, l’employé d’une collectivité ne peut pas être candidat à une fonction élective dans cette collectivité.
Comme l’a dit notre collègue, la mesure en question a été prise d’une manière un peu curieuse il y a quelques années, vers une heure du matin, à l’occasion d’un débat budgétaire au cours duquel un ministre des finances cherchait à racler les fonds de tiroir… C’est une curiosité juridique, les élus se trouvant assimilés à des salariés. Encore une fois, les indemnités des élus compensent la perte liée à l’exercice de leur mandat.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 877 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 339 rectifié bis est présenté par MM. Longeot, Guerriau, Fouché, Decool, Menonville, Chasseing, Le Nay, Médevielle, Cigolotti, Henno et Louault, Mmes Vullien et Vermeillet, MM. Détraigne et Kern, Mme Joissains, M. Delcros, Mme Perrot et MM. Prince, Capus, Janssens, Canevet, Cazabonne et Capo-Canellas.
L’amendement n° 437 rectifié bis est présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux, Vall et Cabanel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-3-…. – Dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins, sont créées, par l’Agence régionale de santé, des zones franches médicales sur les territoires déficitaires en offre de médecins généralistes et de spécialité.
« Il est institué dans les zones franches médicales une exonération des cotisations sociales, dont les modalités sont définies par décret, auxquels sont assujettis les médecins généralistes et les médecins spécialistes libéraux à compter de leur installation. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour présenter l’amendement n° 339 rectifié bis.
M. Olivier Cigolotti. Le constat du développement des déserts médicaux n’est pas nouveau. C’est un des symptômes d’une fracture territoriale qui conduit les habitants de certaines parties du territoire national à se sentir oubliés.
Cet amendement vise à créer, dans des périmètres qui pourraient être définis par les ARS, des zones franches médicales afin de lutter contre la désertification médicale. Ce dispositif, plus large que les mesures en faveur de l’installation des jeunes médecins, peut être un levier pour redéployer dans les zones les plus dépourvues des médecins déjà installés dans des zones mieux dotées.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 437 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à favoriser l’installation de médecins généralistes ou/et de médecins spécialistes en zones déficitaires par l’instauration de zones franches médicales, sur le modèle des zones franches urbaines.
Ce dispositif permettrait aux praticiens éligibles de bénéficier d’une exonération de cotisations sociales à partir de leur installation. Les conditions seraient fixées par décret et les ARS auraient toute compétence pour définir les territoires concernés. L’avantage de ce système est que l’éligibilité évoluerait en même temps que la démographie médicale.
Je sais que de nombreux dispositifs existent déjà et que les mesures incitatives s’avèrent insuffisamment efficaces, mais je pense que le dispositif que nous proposons le serait davantage, car il est à la fois simple et lisible pour les jeunes professionnels de santé.
En attendant que les réformes engagées au travers de la loi Ma santé 2022 produisent des effets, toutes les pistes doivent être explorées pour répondre au problème prégnant de l’inégalité d’accès aux soins et réduire la fracture territoriale, aujourd’hui très importante.
M. le président. L’amendement n° 722 rectifié, présenté par MM. Karam, Mohamed Soilihi, Dennemont, Hassani et Patient, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 1434-3 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1434-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1434-3-… – Dans le cadre du schéma régional pluriannuel d’organisation des soins, sont créés par l’agence régionale de santé des zones franches médicales sur les territoires déficitaires en offre de soins de médecine générale et spécialisée.
« Il est institué dans les zones franches médicales une exonération des cotisations sociales auxquelles sont assujettis les médecins généralistes et les médecins spécialistes libéraux à compter de leur installation. Un décret fixe les modalités de cette exonération. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Karam.
M. Antoine Karam. Le présent amendement prévoit la création de zones franches médicales dans les territoires déficitaires en offre de médecine générale et spécialisée.
Ce dispositif, plus large que les mesures en faveur de l’installation des jeunes médecins, peut être un levier pour redéployer vers les zones les plus médicalement dépourvues des médecins déjà installés dans des zones plus favorisées.
Sa mise en œuvre permettrait également d’améliorer la situation de certains territoires ultramarins. Je rappelle que nous avons eu dans cet hémicycle, il y a quelques semaines, un débat sur la santé en Guyane. À cette occasion, nous avons dressé un constat sans appel : une densité médicale parmi les plus faibles de France, une disparité, en matière d’accès aux soins, entre les communes du littoral et les communes de l’intérieur, une tendance à la baisse du nombre de médecins, une densité de médecins généralistes deux fois moins importante en Guyane qu’en France hexagonale, un fort déficit de médecins spécialistes libéraux – psychiatres, chirurgiens-dentistes, ophtalmologistes, pédiatres.
Cette offre médicale réduite se conjugue, chacun le sait, à une forte croissance démographique qui renforce l’urgence de la situation.
Au regard de ces enjeux, la création d’une zone franche médicale ouvrant droit, pour les médecins généralistes et spécialistes s’y installant, à une exonération de cotisations sociales me semble être un outil pertinent pour améliorer l’attractivité de la Guyane.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je comprends bien l’intention des auteurs de ces amendements, qui visent à répondre au problème des déserts médicaux. Vous aurez l’occasion, madame la ministre, de rappeler de nouveau les mesures destinées à favoriser l’accueil des médecins dans les zones franches médicales que vous avez prises.
Le dispositif proposé ici me paraît assez imprécis et sa mise en œuvre pourrait avoir des effets financiers importants pour les régimes concernés. Je rappelle que nous examinons un projet de loi de financement de la sécurité sociale et, à ce titre, je suis notamment chargé de défendre les recettes.
La commission demande le retrait de ces amendements, tout en proposant à Mme la ministre d’envisager un dispositif complémentaire de ceux déjà adoptés en faveur des zones franches médicales. À défaut de retrait, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. La qualification d’un territoire en tant que zone sous-dense le rend déjà éligible à de multiples aides. La méthodologie du zonage a été revue en 2017. Il en est résulté une augmentation considérable des territoires couverts par ces zones de désertification médicale. Il existe désormais des zones d’intervention prioritaire et d’action complémentaire.
Les auteurs des amendements souhaitent créer une nouvelle catégorie de zones prioritaires, ce qui ne ferait que complexifier l’ensemble et pourrait provoquer des confusions par rapport aux zones franches urbaines (ZFU) ou aux zones de revitalisation rurale (ZRR).
Nous avons par ailleurs la preuve que les dispositifs d’exonération mal ciblés sont coûteux pour les finances publiques. Leur multiplication entraîne des effets d’aubaine, qui sont susceptibles de l’emporter sur les effets purement incitatifs.
Néanmoins, nous reconnaissons l’utilité de définir des zones bénéficiant d’aides particulières lorsqu’elles sont bien ciblées. Ainsi, l’article 36 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la prise en charge, pendant deux ans, de la totalité des cotisations sociales des médecins s’installant rapidement en zones sous-denses, c’est-à-dire dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme.
En outre, la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, qui a été votée en juillet 2019, prévoit le déploiement de 400 médecins généralistes salariés dans des zones sous-denses ; 200 médecins supplémentaires seront déployés en 2020 dans les territoires ruraux. Par ailleurs, nous mettons en place des communautés professionnelles territoriales de santé et des assistants médicaux.
Ces discussions ayant déjà eu lieu lors de l’examen de la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, je propose que nous revenions sur le sujet lors de l’examen de l’article 36 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui complète les dispositions que nous avions prises avant l’été.
J’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Monsieur Cigolotti, l’amendement n° 339 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Cigolotti. Oui, monsieur le président.
Mme Véronique Guillotin. Je maintiens également l’amendement n° 437 rectifié bis.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 339 rectifié bis et 437 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 337 rectifié quater, présenté par Mme C. Fournier, MM. Cadic, Canevet et Détraigne, Mmes Doineau, de la Provôté, Goy-Chavent et Joissains, MM. Kern, Le Nay, Longeot, Mizzon et Moga, Mmes Vermeillet et Vullien, MM. P. Martin, Capo-Canellas et D. Dubois et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 3261-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur peut librement choisir de prendre en charge, le cas échéant, le reste du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés. Dans de tels cas, il bénéficie des mêmes avantages que ceux entourant la part obligatoire de remboursement fixée par voie réglementaire dans la limite de 75 % du prix des titres d’abonnement. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Nous appelions précédemment de nos vœux une amélioration de la rémunération de certains salariés pauvres. Je propose, au travers de cet amendement, d’inciter les employeurs à financer la mobilité de leurs salariés entre le domicile et le lieu de travail.
Il s’agit de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat de ces salariés et de prévoir une incitation financière à une meilleure prise en charge de ces frais de déplacement par les entreprises. L’amendement vise ainsi à permettre aux employeurs de mieux rembourser les frais de transports publics à leurs salariés et de bénéficier, en retour, d’une exonération de cotisations sociales, dans la limite de 75 % du coût des titres de transport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise lui aussi à instaurer une exonération de cotisations, en l’occurrence pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés.
La question soulevée est incontestablement intéressante, mais l’employeur peut déjà, s’il le souhaite, aller au-delà de la prise en charge légale des titres d’abonnement de transports en commun pour les déplacements entre domicile et travail. Le problème posé est celui du traitement social de l’avantage en nature que cela constitue pour le salarié. Afin de préserver les recettes de la sécurité sociale, il nous semble préférable d’en rester au régime actuel.
Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis. L’adoption de cet amendement risquerait d’entraîner une forme de rupture d’égalité entre différentes catégories de salariés, notamment en fonction de leur lieu d’habitation ou de travail. J’ajoute que l’application d’une telle disposition représenterait un surcoût, pour la sécurité sociale, estimé à plus de 100 millions d’euros.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. Je souligne que nous parlons là du remboursement de frais réels, et non d’avantages en nature. Quoi qu’il en soit, l’employeur sera toujours à même de juger, lors de l’embauche d’un salarié, s’il peut participer à ses dépenses de transport entre le domicile et le travail.
Je ne pense pas que l’adoption de cette disposition entraînerait une perte de recettes pour la sécurité sociale, puisque nous prévoyons une incitation à rembourser davantage. Ce point est important. Dans le cadre de l’activité de l’entreprise, on compense des frais de déplacement sans cotisation spécifique.
Je maintiens mon amendement, afin que nous puissions nous prononcer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je me félicite que Mme Fournier veuille accroître le pouvoir d’achat des salariés.
Cependant, je pense, pour ma part, que l’amélioration du pouvoir d’achat des salariés passe par une augmentation du SMIC,…
Mme Catherine Fournier. Pas seulement !
Mme Cathy Apourceau-Poly. … et non par une nouvelle exonération de cotisations sociales qui pèsera sur le budget de la sécurité sociale.
Mme Catherine Fournier. Non, c’est l’employeur qui paiera !
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. J’approuve votre proposition, ma chère collègue, mais nous traitons ici des recettes de la sécurité sociale. Or une exonération de cotisations constitue, selon moi, un transfert de charges. L’employeur participera certes aux frais de transport du salarié, mais la sécurité sociale subira une diminution de recettes. Je tenais à remettre les points sur les « i »…
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 337 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 586, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la quatrième phrase du premier alinéa du 1 de l’article 231 du code général des impôts, après le mot : « communaux, », sont insérés les mots : « des établissements publics de santé et des établissements publics d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ».
II. – Le I s’applique à la taxe sur les salaires due à raison des rémunérations versées à compter du 1er janvier 2020.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la ministre, lors de votre audition du 15 octobre dernier par la commission, je vous ai interpellée sur l’injustice que constitue, pour les hôpitaux publics, le fait de devoir payer la taxe sur les salaires, quand la majorité des établissements publics bénéficient d’une exonération de cette taxe. Vous m’avez alors répondu que « la taxe sur les salaires repose sur un barème ancien qui favorise les bas salaires et les contrats courts. Les services du ministère y travaillent, mais à recettes constantes. Cette discussion pourrait avoir lieu lors de l’examen prochain du projet de loi sur la dépendance. »
Ce n’est pas la première fois que vous nous apportez une réponse sur ce sujet. Déjà, l’an dernier, nous avions déposé le même amendement, et vous aviez fait la réponse suivante : « Un rapport sur le sujet est en cours de rédaction. Compte tenu de la complexité de la question sur les plans tant juridique que financier, nous proposons d’attendre les préconisations globales issues du rapport avant de prendre la moindre mesure de ce type. Compte tenu des masses salariales en jeu et de la complexité des modes de tarification, il nous faut effectuer un important travail préalable, qui prendra encore plusieurs mois. »
Nous ne savons pas si ce rapport a été rédigé. Mais les personnels de santé, en grève depuis huit mois, ont validé ses recommandations puisqu’ils revendiquent, au titre des trois mesures d’urgence, la suppression de cette taxe injuste.
Nous vous demandons, madame la ministre, de soutenir notre amendement, dont l’adoption remédierait à une injustice. En effet, les cliniques privées bénéficient déjà, actuellement, d’une exonération de taxe via le crédit d’impôt sur la taxe sur les salaires (CITS). Il s’agit de prévenir une concurrence déloyale en renforçant l’hôpital public que, comme nous, vous défendez. (Mme Laurence Cohen applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas en multipliant les dérogations fiscales et sociales en faveur des établissements de santé et des Ehpad que l’on améliorera leur situation.
Mme Laurence Cohen. Il s’agit de 4 milliards d’euros, tout de même !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est vrai, en revanche, que le Sénat attend d’y voir plus clair sur les moyens que le Gouvernement prévoit de consacrer à l’hôpital, ainsi qu’au grand âge et à la dépendance, dans les années à venir.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Madame la sénatrice, vous m’aviez effectivement posé cette question l’année dernière. En réalité, instituer une telle exonération conduirait à favoriser les établissements publics par rapport aux établissements privés, notamment ceux à but non lucratif. Cette exonération aurait un coût considérable pour les recettes de la sécurité sociale. In fine, il n’est donc pas certain qu’elle présente un intérêt, puisque sa mise en œuvre entraînerait une diminution des ressources de l’assurance maladie et, partant, elle aurait un impact sur les tarifs.
Ne voyant pas quelle marge de manœuvre supplémentaire une telle disposition permettrait de dégager, et compte tenu des masses salariales en jeu et de la complexité des modes de tarification dans ce secteur, j’émets un avis défavorable. Un important travail complémentaire est encore nécessaire sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons d’instaurer cette exonération pour l’hôpital public et les établissements privés à but non lucratif.
Lors du tour de France des hôpitaux que nous avons effectué avec nos homologues de l’Assemblée nationale, nous avons soumis cette proposition aux personnels, y compris ceux de direction, de plus de 150 établissements, parmi lesquels il y avait des Ehpad. Au moins 90 % de ces personnels, y compris les directrices et directeurs d’établissement, nous ont dit que ce serait un sacré ballon d’oxygène !
Nous parlons en effet ici d’à peu près 4 milliards d’euros. Vous pouvez imaginer ce que cela représenterait, alors que l’hôpital public et les hôpitaux privés à but non lucratif sont à genoux !
Vous affirmez que l’adoption de cette disposition entraînerait une rupture d’égalité avec les hôpitaux privés. Ce n’est absolument pas exact, car ces établissements bénéficient d’autres mesures.
Vous ajoutez que cela grèverait le budget de la sécurité sociale. M. Milon, le président de la commission des affaires sociales, nous avait fait sur ce point une brillante démonstration, que je n’ai pas oubliée, mais je n’ai malheureusement pas les chiffres sous la main… C’est précisément pourquoi, madame la ministre, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui est non seulement opiniâtre, mais aussi logique avec lui-même, a prévu le financement nécessaire à la mise en œuvre de la mesure.
Hélas, vous n’acceptez pas nos propositions. Vous devriez, en tout cas, réfléchir davantage à cette exonération de taxe en faveur de l’hôpital public et des établissements à but non lucratif, qui suscite un vif engouement parmi les personnels de santé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 434 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 535 rectifié, présenté par MM. Antiste, Todeschini et Lalande, Mme G. Jourda, M. Duran, Mmes Taillé-Polian, Monier et Artigalas et M. Temal, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’impact des dispositifs d’exonération de cotisations sociales sur les créations d’emplois, les salaires et l’investissement des entreprises.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. L’annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui retrace les différentes mesures d’exonérations de cotisations sociales, reste très sommaire s’agissant de l’évaluation de ces dispositifs.
Ce constat est appuyé par la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel sur l’application des lois de financement de sécurité sociale. Je le cite : « Les évaluations de l’efficacité des “niches sociales” n’ont pas d’effet perceptible sur les choix publics. Elles portent sur un champ partiel et leur méthodologie est inégalement robuste. Lorsque des évaluations constatent l’inefficacité de certaines “niches”, celles-ci ne sont que rarement remises en cause. » C’est pourquoi la Cour des comptes préconise de mieux les évaluer et de supprimer les niches sociales peu efficientes.
Avec la transformation du CICE en réduction pérenne de cotisations sociales, le montant total des exonérations atteint 66 milliards d’euros en 2019. Ce montant a doublé entre 2013 et 2019. Au regard des sommes en jeu, il est nécessaire d’avoir une connaissance plus fine de l’usage par les entreprises de ces dispositifs.
C’est pourquoi il est proposé, au travers de cet amendement, d’établir une évaluation précise et détaillée de l’impact des mesures d’exonération en matière d’emploi, de salaires et d’investissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission, sceptique quant à l’intérêt des demandes de rapport, sollicite le retrait de l’amendement. Toutefois, la question posée par les auteurs de l’amendement est intéressante, au vu des montants en jeu. Le Gouvernement pourrait peut-être nous éclairer sur ce qu’il envisage de faire en la matière, notamment en vue de déterminer si le calibrage actuel des différents mécanismes d’allégement est optimal. Cela rejoint une question que j’ai précédemment posée à M. le secrétaire d’État.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous considérons, de manière assez systématique, que les demandes de rapport peuvent permettre d’ouvrir le débat sur un sujet, mais qu’il relève des prérogatives du Parlement de contrôler l’action du Gouvernement, d’évaluer ses politiques, de créer des missions d’information, voire, le cas échéant, des commissions d’enquête, sans qu’il soit nécessaire de solliciter la remise de rapports. On sait par ailleurs que nombre de ces rapports ne sont jamais remis ou, s’ils le sont, jamais exploités.
L’annexe que vous avez évoquée, madame la sénatrice, n’est pas aussi sommaire que vous le dites, puisqu’elle compte 360 pages de données permettant une vision assez exhaustive de la question. Je suis bien entendu à la disposition du Parlement, ainsi que l’ensemble du Gouvernement, pour répondre à l’ensemble des questions soulevées par les parlementaires ou les commissions concernant l’évaluation des dispositifs.
S’agissant de la question que vous m’avez posée, monsieur le rapporteur général, nous sommes ouverts à toute évaluation des niches sociales ou fiscales en vue d’en adapter le calibrage, pour reprendre le terme que vous avez employé, chaque fois que ce sera nécessaire pour améliorer l’efficacité de nos politiques.
L’avis est défavorable.
M. le président. Madame Artigalas, l’amendement n° 535 rectifié est-il maintenu ?
Mme Viviane Artigalas. Oui, monsieur le président.
Je comprends les réserves de M. le rapporteur général à l’égard des demandes de rapport, mais, en l’occurrence, le sujet est important, comme il l’a dit, au vu des sommes en jeu.
Si je vous comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, vous nous demandez de faire le travail, mais j’estime que c’est au Gouvernement de le mener à bien et de supprimer les niches sociales peu efficientes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 535 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 bis (nouveau)
L’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le 6° ter est ainsi modifié :
a) Après la mention : « 6° ter », est insérée la mention : « a) » ;
b) Il est ajouté un b ainsi rédigé :
« b) Salariés des filiales créées après le 31 décembre 2019, par les filiales de coopératives agricoles mentionnées au a du présent 6° ter et par l’ensemble de leurs filiales successives, à la condition que ces filiales se situent dans leur champ d’activité et que lesdits sociétés et groupements détiennent plus de 50 % du capital de ces filiales ; »
2° Après le 15°, il est inséré un 16° ainsi rédigé :
« 16° Par dérogation au 31° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, les salariés définis au présent article au titre des sommes ou avantages mentionnés au premier alinéa de l’article L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale et attribués en contrepartie d’une activité accomplie dans l’intérêt d’une tierce personne n’ayant pas à leur égard la qualité d’employeur et dont les salariés sont affiliés au régime mentionné au premier alinéa du présent article. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 8 bis
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 400 rectifié ter, présenté par M. Duplomb, Mme Férat, M. Tissot, Mme Primas, MM. Bas, J.M. Boyer, Gremillet, Poniatowski, Priou, Pointereau, Savin, Pellevat, Schmitz et Joyandet, Mme Micouleau, MM. Sol, Chatillon et Reichardt, Mmes Noël, Puissat, Thomas, Chain-Larché et Ramond, MM. Vaspart et Regnard, Mme Berthet, MM. Husson et Daubresse, Mmes Lassarade et Deseyne, MM. Fouché et H. Leroy, Mme Chauvin, MM. Paul et de Nicolaÿ, Mmes Duranton et Lamure, M. Bascher, Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Charon, Karoutchi, Babary, Kennel, Piednoir, Morisset et Genest, Mme Troendlé, MM. Bouchet, Lefèvre et Pierre, Mmes Lherbier, Malet et Bruguière, MM. Bazin, Mouiller, Raison, Adnot et Grand, Mme Lopez, MM. B. Fournier et Chaize, Mmes Richer et Deromedi, M. Cambon, Mmes Bonfanti-Dossat, Goy-Chavent et Gatel, MM. D. Dubois, Longeot et Maurey, Mme Perrot, MM. P. Martin et Luche, Mmes Loisier, Billon, Vullien et Guidez et MM. Bonnecarrère et Janssens, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 731-25 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 731-35 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 621-3 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. D’un côté, le code rural permet à tous les chefs d’exploitation agricole dont les revenus professionnels sont inférieurs à un certain seuil de bénéficier d’une modulation de leurs taux de cotisation maladie, maternité et prestations familiales. De l’autre, en vue de favoriser le renouvellement des générations dans l’agriculture et d’inciter les jeunes à s’installer, ce même code prévoit une exonération partielle, dégressive sur cinq ans, de cotisations sociales pour les jeunes agriculteurs qui deviennent chefs d’exploitation.
Le cumul des deux dispositions n’est pas permis. Cela aboutit à ce que, dans certains groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) familiaux, les jeunes agriculteurs bénéficiant de l’exonération partielle soit redevables, pour un revenu égal, de davantage de cotisations que leurs aînés. Cette situation apparaît surtout à compter de la troisième année après l’installation, compte tenu du profil de l’exonération partielle.
Cette anomalie doit être corrigée. Le cumul est d’ores et déjà possible pour les bénéficiaires de l’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (Acre). Je pense qu’il devrait en être de même pour les jeunes agriculteurs, compte tenu de l’importance du renouvellement des générations. On parle souvent de transmission : passons des paroles aux actes !
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 230 rectifié ter est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Grand, Pellevat, Vogel et de Legge, Mme Noël, M. Sol, Mme Bruguière, MM. B. Fournier et Morisset, Mme Berthet, MM. Chaize, de Nicolaÿ, Perrin et Raison, Mme Deromedi, MM. Calvet et Lefèvre, Mme Duranton, M. Brisson, Mmes Puissat, Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Mouiller, Bouchet, Reichardt, Chatillon et Poniatowski, Mmes Troendlé et Ramond, MM. Vaspart, Dufaut, Paul, Savary, Longuet, Charon, Pierre et Regnard, Mme Garriaud-Maylam, MM. Saury, Grosperrin, Bascher, Vial et Husson, Mme Lherbier, MM. Babary, Mandelli, Rapin et Genest, Mme A.M. Bertrand, M. Darnaud et Mme Lamure.
L’amendement n° 341 rectifié ter est présenté par MM. Louault et Longeot, Mmes Vermeillet, Vullien et Billon, MM. Maurey et Bonnecarrère, Mmes Goy-Chavent et Guidez, MM. Janssens, Henno, Le Nay, Canevet, Détraigne et Kern, Mme Joissains, M. Delcros, Mmes Dindar et Doineau et M. Laugier.
L’amendement n° 395 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Decool, Fouché, Guerriau, Wattebled, Laufoaulu, Chasseing, Malhuret et Capus, Mme Mélot et M. Lagourgue.
L’amendement n° 491 rectifié est présenté par M. Bonhomme.
L’amendement n° 778 rectifié est présenté par Mme Artigalas, MM. Montaugé, Tissot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Leconte, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le second alinéa de l’article L. 731-25 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 613-1 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié ter.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Cet amendement est pour moitié identique à l’amendement n° 400 rectifié ter. Je considère qu’il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour présenter l’amendement n° 341 rectifié ter.
M. Pierre Louault. Il n’est pas logique que les jeunes agriculteurs ne bénéficient pas des mêmes exonérations que les créateurs d’entreprise, qui touchent l’Accre, l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprise. En effet, les bénéficiaires de cette aide ont droit à une exonération totale, y compris de cotisations pour les allocations familiales.
Nous demandons donc tout simplement, au travers de cet amendement, que les jeunes agriculteurs soient traités comme les autres créateurs d’entreprise.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 395 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement a pour objet de permettre le cumul de l’exonération partielle accordée aux jeunes agriculteurs avec la modulation du taux de cotisation pour les prestations familiales. En effet, cette exception existe déjà pour les bénéficiaires de l’Accre.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 491 rectifié.
M. François Bonhomme. On nous a signalé le cas de jeunes qui s’installent en bénéficiant d’exonérations de cotisations à la Mutuelle sociale agricole, la MSA, mais qui ne peuvent plus bénéficier de la modulation de taux de cotisation, notamment pour les congés paternité ou maternité. Cela conduit à cette situation bizarre, dans laquelle des jeunes s’associent avec leurs parents, dans le cadre d’un groupement agricole d’exploitation en commun, le GAEC, mais paient plus de cotisations à la MSA que ceux-ci.
Il s’agit donc de corriger cet effet de bord, au travers de cet amendement, pour rétablir l’équité et la cohérence.
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 778 rectifié.
Mme Viviane Artigalas. Mon amendement a déjà été défendu d’un point de vue technique, mais je veux insister sur l’importance de cette mesure. En effet, nous devons nous saisir de tous les dispositifs qui peuvent aider à l’installation des jeunes agriculteurs.
Notre agriculture est en danger. Nous avons des atouts remarquables, mais il faut que nos jeunes puissent s’installer dans les meilleures conditions. Or je pense que la mesure contenue dans cet amendement aidera les jeunes agriculteurs à s’installer et à commencer une activité professionnelle dans de meilleures conditions.
M. le président. L’amendement n° 276 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve et MM. Requier, Roux, Vall et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 731-35 du code rural et de la pêche maritime est supprimé.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a remplacé le taux de cotisation d’assurance maladie et maternité des exploitants agricoles, fixé jusqu’alors à 3,04 %, par un taux progressif s’étalant de 1,5 % à 6,5 %, selon le revenu professionnel.
Or le seuil unique de 3,04 % avait été fixé par l’État, en 2016, pour redonner de la compétitivité aux exploitants agricoles français et pour rapprocher notre taux de prélèvements sociaux de celui de nos voisins européens.
Aujourd’hui, avec la hausse de la CSG, seuls les agriculteurs ayant de très faibles revenus bénéficieront d’une compensation intégrale ; ceux qui ont des revenus un peu plus élevés subiront une perte de revenu de 5 %.
Cet amendement vise donc à rétablir le taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité des exploitants agricoles qui était en vigueur avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 231 rectifié ter est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, Grand, Pellevat, Vogel et de Legge, Mme Noël, M. Sol, Mme Bruguière, MM. B. Fournier et Morisset, Mme Berthet, MM. Chaize, de Nicolaÿ, Perrin et Raison, Mme Deromedi, MM. Calvet et Lefèvre, Mme Duranton, M. Brisson, Mmes Puissat, Bonfanti-Dossat et Gruny, MM. Mouiller, Bouchet, Reichardt, Chatillon et Poniatowski, Mmes Troendlé et Ramond, MM. Vaspart, Dufaut, Paul, Savary, Longuet, Charon, Pierre et Regnard, Mme Garriaud-Maylam, MM. Saury, Grosperrin, Bascher, Vial et Husson, Mme Lherbier, MM. Babary, Mandelli, Rapin et Genest, Mme A.M. Bertrand, M. Darnaud et Mme Lamure.
L’amendement n° 342 rectifié bis est présenté par MM. Louault et Delcros, Mme Joissains, MM. Kern, Détraigne, Canevet et Longeot, Mmes Vermeillet, Vullien et Billon, MM. Maurey et Bonnecarrère, Mmes Goy-Chavent et Guidez, MM. Janssens, Henno et Le Nay, Mmes Dindar et Doineau et M. Laugier.
L’amendement n° 396 rectifié bis est présenté par MM. Menonville, Decool, Fouché, Guerriau, Wattebled, Laufoaulu, Chasseing et Capus, Mme Mélot et M. Lagourgue.
L’amendement n° 492 est présenté par M. Bonhomme.
L’amendement n° 779 rectifié est présenté par Mme Artigalas, MM. Montaugé, Tissot, Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe, MM. Leconte, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le deuxième alinéa de l’article L. 731-35 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Nonobstant l’article L. 621-3 du code de la sécurité sociale, la réduction est également applicable aux personnes bénéficiant de l’exonération partielle mentionnées à l’article L. 731-13 du présent code. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l’amendement n° 231 rectifié ter.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour présenter l’amendement n° 342 rectifié bis.
M. Pierre Louault. Il est également défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour présenter l’amendement n° 396 rectifié bis.
M. Daniel Chasseing. Il est lui aussi défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour présenter l’amendement n° 492.
M. François Bonhomme. Défendu !
M. le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour présenter l’amendement n° 779 rectifié.
Mme Viviane Artigalas. Je veux insister de nouveau, à propos de la santé et de la maladie cette fois, sur l’importance, pour nos jeunes agriculteurs, de ces dispositifs. Il faut en tenir compte. Ce deuxième mécanisme peut les aider.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je tâcherai d’être bref, monsieur le président.
La commission demande le retrait de l’amendement n° 400 rectifié ter. En effet, le cumul d’avantages en matière de cotisations sociales n’est pas une bonne chose, ni d’un point de vue théorique ni pour les finances de régimes de sécurité sociale.
Pour répondre aux cas soulevés par les auteurs de l’amendement, dans lesquels certains jeunes agriculteurs pourraient payer davantage de cotisations que les anciens, un mécanisme d’option entre les deux dispositifs me paraîtrait préférable. On donnerait ainsi la possibilité d’opter pour l’un ou l’autre des régimes ; cela satisferait, selon moi, les jeunes agriculteurs.
Il en va de même pour les amendements identiques nos 230 rectifié ter, 341 rectifié ter, 395 rectifié bis, 491 rectifié et 778 rectifié : la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 276 rectifié bis, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement, afin qu’il puisse dresser le bilan, pour les agriculteurs, de la modulation du taux de cotisation d’assurance maladie en vigueur depuis 2018.
Enfin, sur les amendements identiques nos 231 rectifié ter, 342 rectifié bis, 396 rectifié bis, 492 et 779 rectifié, je ferai la même réponse que pour la série précédente d’amendements identiques : la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces deux séries d’amendements identiques, pour les mêmes raisons que celles que M. le rapporteur général a avancées.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 276 rectifié bis, qui tend à rétablir le taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité des exploitants agricoles au niveau qui était en vigueur avant 2018. En effet, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, le choix avait été fait d’harmoniser, dans un souci d’équité, le régime de cotisation maladie pour l’ensemble des travailleurs indépendants – agricoles ou non –, dans la mesure où les prestations sont identiques pour tout le monde.
En outre, ce dispositif a permis de recentrer les exonérations sur les exploitants agricoles aux revenus les plus modestes ; plus de 60 % des exploitants agricoles ont ainsi bénéficié, à revenu équivalent, d’un gain net de pouvoir d’achat en 2018 par rapport à 2017.
Remettre en cause ce dispositif se traduirait donc par une dégradation de la situation de ces 60 % des exploitants agricoles. Par ailleurs, cela irait à l’encontre de notre volonté de simplification et de lisibilité des dispositifs.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je vous remercie de vos explications, monsieur le secrétaire d’État ; je doutais d’ailleurs que mon amendement recueille un avis favorable de votre part…
Cela dit, à un moment, il faut tout de même faire les choses ! On ne peut pas avoir, d’un côté, un ministre de l’agriculture qui répète à longueur de journée qu’il n’y a pas assez d’installations, que c’est dur pour les jeunes, etc., et s’opposer, d’un autre côté, à un tout petit amendement tendant à établir un système équilibré et socialement juste par rapport à d’autres agriculteurs. (Marques d’assentiment sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Exactement !
Mme Sophie Primas. J’entends bien la proposition de M. le rapporteur général, consistant à choisir entre l’un ou l’autre des systèmes ; je le trouve d’ailleurs plutôt malin dans son explication.
Cela dit, je maintiens mon amendement, et j’espère qu’il sera adopté par une large majorité. Ensuite, vous pourrez, en commission mixte paritaire, rédiger un peu mieux la disposition.
Il faut envoyer des signes encourageants aux jeunes agriculteurs et favoriser leur installation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE.)
M. François Bonhomme. Absolument !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 bis, et les amendements nos 230 rectifié ter, 341 rectifié ter, 395 rectifié bis, 491 rectifié, 778 rectifié, 276 rectifié bis, 231 rectifié ter, 342 rectifié bis, 396 rectifié bis, 492 et 779 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 749 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Lepage, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Montaugé, Sueur et Antiste, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 7112-1 du code du travail est complété par les mots : « , ceci quel que soit son lieu d’exercice ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. »
Cette disposition est tirée de la loi du 4 juillet 1974, dite « loi Cressard ». Grâce à elle et à son inscription dans le code du travail, nous avons, depuis des décennies, une presse qui peut s’assurer la contribution de collaborateurs occasionnels de qualité et assurer à ceux-ci une protection sociale, qu’ils travaillent en France ou à l’étranger.
Ces collaborateurs fournissent des informations de première main, dont ils garantissent la qualité.
Or, depuis quelques années, nous constatons qu’un certain nombre d’entreprises françaises de presse n’appliquent plus, à leurs collaborateurs qui exercent à l’étranger, cette disposition, qui assure pourtant la qualité et la réputation de France Médias Monde ou de RFI dans l’espace francophone.
Même si les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, les Urssaf, condamnent les entreprises de presse qui n’appliquent pas cette disposition du code du travail aux pigistes – des journalistes professionnels – exerçant à l’étranger, de plus en plus d’entreprises de presse interprètent les choses différemment.
Nous proposons donc de préciser cette disposition, afin qu’il n’y ait plus aucun doute sur le fait que le Parlement souhaite assurer une protection à ceux qui garantissent une information de première main à l’ensemble du monde francophone et à la France.
Ces informations permettent de lutter contre les fausses nouvelles, les fake news, et assurent l’indépendance de nos sources d’information. Nous précisons donc que tout journaliste professionnel qui apporte son concours à un média français doit bénéficier d’un contrat de travail en France.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’ai mieux compris de quoi il s’agissait, après les explications de M. Leconte, mais la commission pense que cet amendement est déjà satisfait par le droit actuel. Elle souhaite tout de même entendre l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je comprends votre intention, monsieur le sénateur, mais la disposition que vous proposez n’est pas opportune. En tout cas, elle n’apporte pas la sécurité que vous appelez de vos vœux.
Vous proposez de modifier l’article L. 7112-1 du code du travail, relatif à la présomption de salariat dont bénéficient tous les journalistes professionnels, y compris les pigistes, afin de conforter l’application du droit du travail français et du droit à la sécurité sociale aux journalistes salariés d’entreprises françaises de presse qui exercent leur travail à l’étranger, pour le compte de leur employeur.
Toutefois, l’ajout que vous proposez n’apporte pas de garantie supplémentaire pour le versement de cotisations sociales. En effet, la convention passée avec un journaliste est présumée être un contrat de travail, avec tous les effets prévus par le droit du travail français.
En matière de sécurité sociale, le versement des cotisations en France ou dans l’État du lieu d’exécution de la prestation dépend du statut du journaliste et de l’existence ou non d’une convention de sécurité sociale ; à défaut, la protection sociale du journaliste exerçant à l’étranger peut être assurée par le versement de cotisations volontaires auprès de la caisse des Français de l’étranger.
Ainsi, il ne nous paraît pas souhaitable, ou en tout cas pas utile d’ajouter une telle disposition dans le code du travail.
Il y a certainement matière à améliorer la situation que vous décrivez, mais la disposition proposée ne répondra pas à vos attentes. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai du mal à comprendre votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Un contrat de travail français implique des obligations en matière de cotisations sociales. Nous parlons tout de même de journalistes professionnels qui font leur carrière à l’étranger et qui n’auront pas de retraite, car c’est ce qui commence à arriver. On voit ainsi, à l’étranger, des pigistes ne plus suivre l’actualité, parce que, comme vous l’indiquiez, cela ne sert à rien : il y a un contrat étranger, mais ce dernier ne garantit pas toujours la retraite.
Nous souhaitons ainsi affirmer que, comme cela s’est fait pendant des dizaines d’années, tout journaliste professionnel qui travaille pour un média français doit pouvoir bénéficier d’une protection sociale française. Vous nous expliquez que cela ne sert à rien et qu’il n’y a rien pour eux. Je propose donc de clarifier les choses. En effet, une information de première main est essentielle pour un pays libre.
Cette disposition est cruciale pour ceux qui garantissent cette liberté et qui assurent la qualité de l’information, qualité aujourd’hui menacée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 8 bis.
Article 8 ter (nouveau)
I. – L’article L. 613-11 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « ainsi qu’aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues par les personnes au titre des activités accessoires saisonnières qu’elles exercent ».
II. – La perte de recettes résultant du I pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Article 8 quater (nouveau)
Au 1° du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « , de la presse » sont supprimés. – (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Article additionnel après l’article 8 quater
Mme la présidente. L’amendement n° 561 rectifié, présenté par Mmes Malet et Dindar, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 1° du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, les mots « des secteurs du bâtiment et des travaux publics » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. Cet amendement a pour objet de faire bénéficier le secteur du bâtiment et des travaux publics, le BTP, du barème renforcé du régime d’exonération de charges sociales patronales spécifique applicable aux entreprises ultramarines.
Cette filière a besoin d’une baisse urgente de charges. À La Réunion, par exemple, ce secteur va mal ; quelque 30 % des entreprises liquidées ou placées, chaque mois, en redressement judiciaire sont des entreprises du BTP.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le régime normal issu de la Lodeom, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, est déjà très favorable ; en effet, il assure une exonération complète jusqu’à 1,3 SMIC, puis dégressive jusqu’à 2,2 SMIC. Ce régime permet sans doute de couvrir une proportion importante de la rémunération des personnes employées dans le secteur des BTP.
Le Gouvernement pourra peut-être apporter des précisions chiffrées sur l’évolution des cotisations et contributions sociales de ce secteur, dans les collectivités ultramarines concernées, mais, en l’état actuel de ses informations, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. La ministre des outre-mer a eu l’occasion de l’indiquer, au cours d’un débat similaire, l’année dernière, le barème de compétitivité renforcée a été mis en place avec deux objectifs : favoriser les secteurs fragiles et contribuer au rattrapage en matière d’infrastructures de base et à la modernisation des entreprises.
Ne répondant pas à ces critères, le secteur du BTP ne bénéficie pas du barème renforcé. Le Gouvernement émet donc, comme l’année dernière, un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 561 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 8 quinquies (nouveau)
À la première phrase du dernier alinéa du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 378 rectifié est présenté par MM. Karam, Patient, Mohamed Soilihi, Dennemont et Hassani.
L’amendement n° 496 rectifié bis est présenté par M. Magras, Mme Malet, MM. Rapin et Gremillet, Mme Primas, MM. Bizet, D. Laurent, Mouiller et Cambon, Mme Deromedi, M. Morisset, Mme Gruny, MM. Charon, Panunzi, Chaize, Pellevat, Bonhomme et Genest et Mmes Lassarade, Dumas et Lopez.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le dernier alinéa du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 120 % » ;
2° À la seconde phrase, le taux : « 170 % » est remplacé par le taux : « 200 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Antoine Karam, pour présenter l’amendement n° 378 rectifié.
M. Antoine Karam. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, le Gouvernement a modifié les barèmes et la répartition des secteurs d’activité bénéficiant du dispositif Lodeom, afin de compenser la suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en outre-mer, et de concentrer les aides sur les secteurs exposés à une forte concurrence et peu compétitifs.
Le barème de compétitivité renforcée a été mis en place, avec deux objectifs : favoriser les secteurs fragiles dans un contexte de concurrence internationale et contribuer au rattrapage en matière d’infrastructures de base, à la modernisation des entreprises et à la transition écologique. Ainsi, pour les secteurs éligibles à ce barème, les exonérations sont totales jusqu’à 1,7 SMIC, puis dégressives jusqu’à 2,7 SMIC.
Les premières évaluations menées sur l’impact de la réforme pour les secteurs éligibles au barème de compétitivité renforcée ont montré que certains employeurs de ces secteurs ne bénéficiaient pas d’un niveau d’exonérations supérieur à celui de l’année précédente, et ce, alors que le Gouvernement s’était engagé à mettre en œuvre cette réforme à périmètre constant.
C’est dans ce contexte que vous avez donné votre accord, monsieur le secrétaire d’État, à une revalorisation du barème, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Ainsi, un amendement gouvernemental a été adopté, afin d’étendre de 1,7 SMIC à 2 SMIC le seuil de rémunération donnant droit à une exonération totale de cotisations.
Si ce dispositif représente un coût non négligeable de 36 millions d’euros, il reste insuffisant pour combler les pertes suscitées, estimées à 60 millions d’euros, dont 19 millions d’euros pour les seules entreprises guyanaises.
Il est donc proposé, au travers du présent amendement, de rehausser les seuils de début de dégressivité et de sortie du régime Lodeom des exonérations de charges sociales patronales, applicables aux entreprises intégrées dans le barème dit « de compétitivité renforcée ».
Ainsi, le seuil de début de dégressivité linéaire serait porté de 1,7 SMIC à 2,2 SMIC et le point de sortie passerait de 2,7 SMIC à 3 SMIC.
Dans le prolongement de cet amendement, je propose de défendre, si vous me le permettez, madame la présidente, mon amendement n° 379 rectifié. Celui-ci vise à poursuivre la revalorisation du barème opérée par l’Assemblée nationale en conservant un seuil d’entrée du dispositif à 2 SMIC, mais en rehaussant de 2,7 SMIC à 3 SMIC le seuil de rémunération à partir duquel l’exonération dégressive cesse.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour présenter l’amendement n° 496 rectifié bis.
M. Michel Magras. Cet amendement identique vise à modifier le niveau les seuils de dégressivité des charges sociales patronales pour les entreprises ultramarines relevant des secteurs exposés définis à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale.
De fait, la loi de financement de sécurité sociale pour 2019 a opéré un recentrage des exonérations sur les bas salaires, à un niveau proche du SMIC. Si les bas salaires correspondent bien à une part importante des rémunérations outre-mer, il convient de ne pas encourager une structuration de l’économie autour des métiers peu qualifiés, qui induirait une fuite des cerveaux.
Les économies ultramarines souffrent d’un déficit d’encadrement et d’ingénierie, et il convient au contraire d’y attirer les professions qualifiées, en particulier dans les secteurs les plus exposés à la concurrence.
Par surcroît, des simulations conduites depuis l’entrée en vigueur des règles actuellement applicables montrent que ces dernières ont entraîné une perte de compétitivité pour les entreprises des secteurs exposés, du fait de l’augmentation de leurs cotisations, mesurée par rapport au régime dont elles bénéficiaient antérieurement.
Le dispositif contenu dans le présent amendement consiste donc à relever les seuils de dégressivité et d’extinction de l’exonération des cotisations patronales.
Mme la présidente. L’amendement n° 379 rectifié, présenté par MM. Karam, Patient, Mohamed Soilihi, Dennemont et Hassani, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le dernier alinéa du B du III de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le taux : « 70 % » est remplacé par le taux : « 100 % » ;
2° À la fin de la seconde phrase, le taux : « 170 % » est remplacé par le taux : « 200 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est déjà proposé, au travers de l’article 8 quinquies, que le régime Lodeom renforcé assure une exonération complète pour les rémunérations allant jusqu’à 2 SMIC et une exonération dégressive de ce seuil jusqu’à 2,7 SMIC. Cela couvre probablement une très forte proportion des rémunérations des employés dans les secteurs concernés.
La commission estime raisonnable d’en rester à cet équilibre plutôt que d’aller encore plus loin, jusqu’à 3 SMIC. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme l’ont dit certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est en séance, à l’Assemblée nationale, que j’ai déposé au nom du Gouvernement un amendement tendant à porter le barème de 1,7 SMIC à 2 SMIC en matière de compétitivité renforcée.
Cela faisait suite à un arbitrage du Président de la République, rendu à l’issue de discussions avec les élus d’outre-mer. C’est un effort significatif que le Gouvernement consent pour renforcer les dispositifs de soutien à la compétitivité et à l’attractivité des territoires d’outre-mer.
Il paraît également raisonnable au Gouvernement d’en rester là. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Je veux répondre à la question du rapporteur général.
Lorsque le Gouvernement a décidé, au travers du dernier budget, de supprimer le CICE, les Ultramarins sont passés d’une suppression de 9 points de CICE à une baisse des charges salariales sur les cotisations maladie de 6 points ; il y avait donc déjà une perte de 3 points.
Le Gouvernement a alors estimé utile de raboter les exonérations de la Lodeom et de changer les seuils. Le Sénat s’est bien battu et a obtenu une révision, maintenue par l’Assemblée nationale, qui était loin d’être négligeable. C’est la situation d’aujourd’hui.
On ne peut pas encore mesurer les conséquences de la suppression du CICE, dans la mesure où les versements relatifs à 2018 ont été perçus seulement en 2019, par les entreprises.
En revanche, l’exonération des seuils met déjà en difficulté les entreprises ultramarines. C’est la raison pour laquelle certaines d’entre elles, dans les secteurs très divers que l’on est en train d’évoquer, demandent à revoir ces seuils à la hausse.
Je le rappelle, le différentiel, tel qu’il a été calculé par des organismes hautement qualifiés, s’élevait entre 100 millions et 200 millions d’euros de perte nette – le chiffre exact m’échappe –, pour les entreprises ultramarines. Le Gouvernement a tranché en affirmant que cette perte n’était pas supérieure à 66 millions ou à 70 millions d’euros ; le secrétaire d’État confirmera.
Malgré tout, il faut s’attendre, non seulement à ce que des amendements similaires soient déposés lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, mais encore à ce que, l’année prochaine, avec la disparition effective des versements liés au CICE, les entreprises ultramarines se retrouvent sérieusement en danger.
J’entends les deux avis défavorables sur ces amendements ; j’entends également qu’un effort a été fait à l’Assemblée nationale. Je ne veux pas être plus royaliste que le roi, mais je maintiens mon amendement, parce que j’estime qu’il faut que la Haute Assemblée se prononce sur le sujet.
M. Antoine Karam. Bravo !
M. Michel Magras. Cela dit, j’invite tout de même le Gouvernement à entendre cet appel, parce qu’il s’agit d’un véritable problème, monsieur le secrétaire d’État.
Les conséquences iront bien au-delà de ce qui a été prévu. J’ai rencontré les entreprises réunionnaises : leur malaise a été clairement expliqué, et elles sont en grande difficulté.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’irai dans le sens du plaidoyer très juste et très légitime de mon collègue, le président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, Michel Magras.
J’ai envie de dire, pour plagier le titre d’un film : « Mais qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? » (Sourires.) L’an dernier, sous prétexte de supprimer une niche, un « effet d’aubaine » ou je ne sais quoi d’autre encore, on a laminé les régimes fiscaux et sociaux des outre-mer. En une année, nous avons ainsi eu droit à la suppression de la TVA non perçue récupérable et à un abaissement des seuils de l’impôt sur le revenu. Nous avons eu droit à tout !
En échange, on nous a promis le Graal : un régime reposant sur deux piliers, la compétitivité et la compétitivité renforcée.
Comment pouvez-vous imaginer que des entreprises puissent bénéficier de ce dispositif de compétitivité renforcée en payant les gens avec 2 SMIC ? On pourrait faire rentrer de jeunes ingénieurs martiniquais, des personnes formées jusqu’à « bac plus 5 » ou « bac plus six » en leur donnant 2 000 euros par mois ? On va continuer à souffrir d’une hémorragie démographique, comme c’est le cas aujourd’hui en Martinique et en Guadeloupe, qui perdent 5 000 habitants par an ! Les jeunes partent en disant que cela ne les intéresse pas de rester.
Quand donc comprendra-t-on que nous avons besoin de mesures d’équité ? Oui, je parle d’équité ! Nous avons besoin de mesures qui nous permettent de raboter un certain nombre d’éléments à cause desquels on ne peut pas jouer dans la même cour que les autres. Nous avons de petits marchés. J’habite un pays de 370 000 âmes, et c’est presque la même chose en Guadeloupe ! Va-t-on considérer que l’on va faire de la compétitivité ou de la compétitivité « renforcée » avec des rémunérations de 2 SMIC ?
Comme dirait Aimé Césaire, les mots doivent avoir un sens ; pour renforcer la compétitivité, il nous faut des moyens. On nous enlève tous les moyens fiscaux et, tant qu’à faire, on nous dit : « Pour renforcer votre compétitivité, embauchez des smicards… »
Nous n’irons pas très loin comme ça ! Nous devons changer de paradigme : c’est le prisme même au travers duquel nous regardons ces sujets qui doit changer ! Cessez de croire que les outre-mer ne sont là que pour assurer la puissance maritime de la France – on y vient, on y plante un drapeau et on a la satisfaction de dire que l’on est présent sur les cinq océans de la planète. Ça suffit, cette vision ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de quelques souvenirs. Lorsque Bernard Pons a composé la loi de programme, en 1986, puis lorsque, sous la présidence de Jacques Chirac, la Lopom, la loi de programme pour l’outre-mer, a été votée, en 2003, on a promis quinze années de stabilité fiscale.
D’autres ministres – Jean-Jack Queyranne et Christian Paul parmi d’autres, ainsi que moi-même, pour ma petite part –, ont tenté de consolider ce système. Puis, a eu lieu ce que nos collègues ont évoqué : le CICE à 9 %, sa suppression et ce qu’on a estimé être une « compensation ».
À l’époque, il n’y avait pas de simulation, et il n’y en a toujours pas – c’est vrai pour tous les gouvernements, y compris pour le vôtre, monsieur le secrétaire d’État. On avançait au radar, à l’aveuglette, vraiment ! Devant la défaillance et les déficiences statistiques, des professionnels, eux, ont fait des simulations. Que vous disent-ils ? Que l’agroalimentaire, les nouvelles technologies de l’information et de la communication (les NTIC), l’environnement, la recherche et développement, le tourisme, sont perdants. Tous ces secteurs sont perdants !
Vous reconnaissez, dans le huis clos des cabinets ministériels, que cette réforme a été faite au radar, au « pifomètre ». Et vous n’opposez pas à ceux qui vous interpellent de vraies simulations. Peut-être, disposez-vous de telles simulations, mais vous ne les avez pas communiquées.
Vous nous dites qu’il faut être raisonnable ; même notre excellent rapporteur général vient d’employer ce mot : « raisonnable ».
Pour ma part, je demande que l’on reste collé au réel. Je sais que le fond de l’air a changé et que, depuis quelque temps, malgré les déclarations du Président de la République, tout ce qui s’apparente à de la différenciation ou à des mesures spécifiques est considéré comme de l’assistanat. Mais vous ne pouvez pas traiter de manière identique des situations différentes ! Et, en l’occurrence, les situations sont vraiment différentes.
Nous ne recherchons aucun effet d’aubaine. Le régime dont nous bénéficiions fonctionnait ; aujourd’hui, on sait que la suppression du CICE n’est pas compensée et que les secteurs éligibles aux régimes dits « de compétitivité renforcée » restent perdants. Vous nous opposez une position prétendument « raisonnable » ; permettez-nous de nous inscrire en faux. Opposez-nous des simulations fiables. Vous avez les moyens de le faire !
Mes collègues, sur toutes les travées de notre hémicycle, ont bien raison d’insister. Lorsque vous aurez fait ces simulations, nous pourrons envisager, après quelques années, une révision du dispositif. Pour le moment, je pense qu’il est raisonnable de passer de 2 à 2,2 SMIC et de 2,7 à 3 SMIC. (Mme Catherine Conconne applaudit.)
M. Antoine Karam. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Je souscris pleinement aux arguments de mes collègues ultramarins. J’ai d’ailleurs eu, lors de l’examen du PLFSS pour 2019, à intervenir par amendement sur ce même sujet.
Je veux insister sur deux points, monsieur le secrétaire d’État.
Premièrement – notre collègue Michel Magras l’a souligné –, cantonner les exonérations aux bas salaires va appauvrir nos entreprises, en diminuant leur compétitivité. Nos entreprises ne pourront pas être compétitives si les exonérations portent sur des salaires de l’ordre de 1 500 euros ou 2 000 euros.
Deuxièmement, je veux rappeler ici fortement que, lors de la discussion sur le PLFSS pour 2019, débattant de la modification par le Gouvernement des seuils et taux de l’exonération dite « Lodeom », ou loi pour le développement économique des outre-mer, nous avions pointé du doigt le caractère arbitraire de cette réforme : la ministre à l’époque avait été incapable de nous fournir des études d’impact s’agissant du choix qui avait été effectué.
Dans le PLFSS pour 2020, au moins, la question de l’impact n’est plus totalement ignorée. Si nous intervenons, ce n’est pas pour ennuyer le Gouvernement ! C’est pour traduire la réalité et la souffrance de nos entreprises.
Nous avons parfois l’impression de parler dans le vide ; de grâce, de temps en temps, écoutez-nous. Ce que nous vous demandons ici, c’est peanuts par rapport à ce que vous offrez aux grandes entreprises sur le territoire métropolitain, à celles du CAC 40 notamment ! (Mme Catherine Conconne applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Je me dois à mon tour d’insister sur ces amendements. Il est nécessaire que le message que les outre-mer veulent unanimement faire passer soit entendu.
Il s’agit d’attirer des métiers qualifiés, comme cela a été excellemment dit par mes collègues avant moi.
On a constaté cette année une sous-exécution des crédits du budget de l’outre-mer : de l’argent est revenu dans la caisse, parce que les crédits n’ont pas été intégralement consommés. Tous les outre-mer sont concernés, mais je veux insister sur les territoires qui sont le plus en difficulté, où se pose un problème d’ingénierie.
On aura beau leur octroyer des dizaines de milliards d’euros, ces milliards ne seront pas consommés, parce que nous n’avons pas les femmes et les hommes pour monter les projets. Des femmes et des hommes, il y en a, évidemment, sur nos territoires, mais nos ressources en la matière sont insuffisantes, et pas à la hauteur des enjeux.
C’est pourquoi nous insistons autant. Je comprends les réformes entreprises par le Gouvernement pour sortir de ces situations de difficultés chroniques et trouver d’autres solutions ; mais nous avons la preuve que l’effet atteint n’est pas celui qui était recherché.
J’insiste, vraiment : je demande que le Gouvernement revoie cette question. Depuis des années, et aujourd’hui encore, nous nous battons, dans les outre-mer, pour recevoir davantage de dotations. Mais, à défaut des femmes et des hommes présents sur place pour monter les projets et consommer l’argent, nous aurons beau recevoir des millions ou des milliards d’euros en plus, ce sera parfaitement vain.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 378 rectifié et 496 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE. – M. Guillaume Arnell applaudit également.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 379 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 501, présenté par Mme Jasmin, est ainsi libellé :
I. – Remplacer le taux :
100 %
par le taux :
120 %
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement dont vous êtes membre s’acharne depuis le début de la mandature contre les différents territoires d’outre-mer, par méconnaissance, dirais-je. Et je souhaiterais vraiment que vous travailliez à mieux connaître nos territoires.
Le présent amendement vise à apporter les corrections nécessaires pour répondre à la demande des acteurs économiques des outre-mer. Ceux-ci souhaitent en effet voir rehausser les seuils aujourd’hui applicables aux entreprises bénéficiant du régime d’exonérations de cotisations et de contributions patronales, dit « régime de compétitivité renforcée », propre à certaines collectivités d’outre-mer, seuils issus de la réforme de la Lodeom prévue dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Il s’agit donc, dans le même esprit que pour les amendements dont nous venons de discuter, qui étaient issus d’une initiative commune de plusieurs parlementaires ultramarins de toutes les travées, de tenir compte de la réalité économique et sociale de ces territoires, donc d’actualiser le seuil de début de dégressivité linéaire des exonérations, de 1,7 à 2,2 SMIC, ainsi que le seuil de sortie, de 2,7 à 3 SMIC.
En effet, sur les territoires d’outre-mer, les entreprises des secteurs de l’agroalimentaire, des nouvelles technologies de l’information et de la communication, de la recherche et développement ou de l’environnement ont vu leurs charges globales augmenter du fait de la réforme, entraînant des conséquences irréversibles en termes d’emplois, alors que ces territoires ont vraiment besoin d’embaucher. Ce sont justement les entreprises qui auraient la possibilité d’embaucher qui sont les plus touchées.
Nous sommes confrontés au chômage massif de nos jeunes ; les arguments qui ont été invoqués tout à l’heure par mes collègues reflètent la réalité de ce que nous vivons.
Mme la présidente. Merci beaucoup, ma chère collègue.
Toutefois, nous venons d’adopter tout à l’heure les amendements nos 378 rectifié et 496 rectifié bis, qui tendaient à proposer une nouvelle rédaction globale de l’article 8 quinquies. En conséquence, l’article 8 quinquies est ainsi rédigé, et l’amendement n° 501 n’a plus d’objet.
Mme Victoire Jasmin. C’est dommage, mais je comprends !
Mme la présidente. De même, les amendements nos 753 rectifié bis, 559 et 557 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 8 quinquies
Mme la présidente. L’amendement n° 560 rectifié, présenté par Mmes Malet et Dindar, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2° du II de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : « et aux associations luttant contre les violences faites aux femmes et intrafamiliales ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Viviane Malet.
Mme Viviane Malet. Il est ici aussi question de compétitivité renforcée.
Cet amendement vise à faire bénéficier du barème dit « de compétitivité renforcée » les associations ultramarines œuvrant dans la lutte contre les violences faites aux femmes et intrafamiliales. Cette lutte étant l’une des grandes causes du quinquennat, la marge de manœuvre financière ainsi dégagée permettrait à ces associations de mener plus d’actions de prévention.
La Guyane et La Réunion sont en effet respectivement sur les première et troisième marches du triste podium des départements où les violences conjugales sont les plus nombreuses. À La Réunion, par exemple, sept plaintes pour violences conjugales sont déposées chaque jour ; les forces de l’ordre sont intervenues 6 000 fois à domicile en 2018.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le régime d’exonérations propre à certaines collectivités d’outre-mer concerne surtout le secteur concurrentiel. Je ne vois vraiment pas pourquoi ces associations seraient privilégiées par rapport à d’autres.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60 rectifié, présenté par MM. Cigolotti, Médevielle, Longeot, Le Nay et Mizzon, Mme Sollogoub, M. Moga, Mmes Perrot et de la Provôté, M. P. Martin, Mmes Morin-Desailly et Loisier, MM. Cazabonne, Henno et Canevet, Mmes Vullien, C. Fournier, Doineau et Billon et MM. Kern, Janssens et Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-20 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-…. – I. – Pour les intervenants et formateurs salariés employés par les associations agréées de sécurité civile, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les contributions mentionnées à l’article L. 834-1, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4, la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et les contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail qui sont assises sur les rémunérations ou gains inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 60 % font l’objet d’une exonération.
« II. – Le montant de l’exonération est calculé chaque année civile, pour chaque salarié formateur ou intervenant, et pour chacun de leur contrat de travail.
« La rémunération prise en compte est celle définie à l’article L. 242-1 du présent code. Toutefois, elle ne tient compte des déductions au titre de frais professionnels calculées forfaitairement en pourcentage de cette rémunération que dans des limites et conditions fixées par arrêté.
« III. – Le montant total de l’exonération est calculé chaque année civile, pour chaque entreprise, selon un système déclaratif. L’octroi de l’attribution prévue au second alinéa du II est subordonné à la présentation, par l’employeur, d’une attestation délivrée par les structures d’accueil des formations. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Les associations de sécurité civile forment chaque année plus de 400 000 personnes aux gestes de premiers secours.
Si, demain, ces associations doivent augmenter leurs capacités de formation, afin de remplir les objectifs ambitieux que notre pays s’est fixés, l’action des intervenants bénévoles ne suffira pas et devra être renforcée par l’emploi de formateurs salariés, ce qui représentera inévitablement un surcoût important.
Cet amendement vise ainsi à exonérer de charges sociales les associations agréées qui recruteront des formateurs salariés.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par MM. Cigolotti, Médevielle, Longeot, Le Nay et Mizzon, Mme Sollogoub, M. Moga, Mmes Perrot et de la Provôté, M. P. Martin, Mmes Morin-Desailly et Loisier, MM. Cazabonne, Henno et Canevet, Mmes Vullien, C. Fournier, Doineau et Billon et MM. Kern, Janssens et Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-20 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-…. – I. – Pour les intervenants et formateurs salariés employés par les associations agréées de sécurité civile, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les contributions mentionnées à l’article L. 834-1, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4, la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et les contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail qui sont assises sur les rémunérations ou gains inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 60 % font l’objet d’une réduction de 2000 euros par an pendant cinq ans, dans la limite de 10 000 euros par an.
« II. – Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié formateur ou intervenant, et pour chacun de leur contrat de travail.
« La rémunération prise en compte est celle définie à l’article L. 242-1 du présent code. Toutefois, elle ne tient compte des déductions au titre de frais professionnels calculées forfaitairement en pourcentage de cette rémunération que dans des limites et conditions fixées par arrêté.
« III. – Le montant total de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque entreprise, selon un système déclaratif. L’octroi de l’attribution prévue au second alinéa du II est subordonné à la présentation, par l’employeur, d’une attestation délivrée par les structures d’accueil des formations. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Cet amendement de repli tend non pas à exonérer totalement ces associations de charges sociales, mais à créer une simple réduction de charges.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. On peut comprendre l’intérêt de notre collègue Cigolotti pour les emplois salariés de formateur aux premiers secours, donc pour les associations agréées de sécurité civile. Mais enfin, on pourrait en dire autant pour beaucoup d’autres associations ! Où s’arrêtera-t-on ?
Les associations qui pourraient vouloir bénéficier d’une telle mesure agissent dans des domaines divers et variés et ont toutes leur intérêt ; le dispositif proposé étant très dérogatoire – il s’agit d’une exonération totale de cotisations jusqu’à 1,6 SMIC –, son adoption risquerait d’entraîner une forte demande de la part de beaucoup d’autres associations qui ont aussi une utilité.
Sans nier l’intérêt d’aider à la formation aux premiers secours – mais je ne suis pas sûr que le véhicule proposé soit le bon –, je demande donc, au nom de la commission, le retrait de cet amendement. À défaut d’un tel retrait, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Nous considérons que les dispositions de l’amendement tel qu’il est rédigé ne sont pas applicables en pratique, puisque difficilement compatibles avec les régimes d’allégements généraux.
Il existe déjà d’autres dispositifs de réduction du coût du travail qui sont spécifiquement destinés à l’emploi des formateurs occasionnels ; ainsi, les cotisations de sécurité sociale peuvent être calculées sur une base forfaitaire lorsque la durée de travail n’excède pas trente jours par an au sein de l’organisme de formation pour chacun des formateurs.
Il est, parmi les préconisations du rapport Pelloux-Faure d’avril 2017, des mesures qui nous paraissent plus pertinentes qu’un dispositif supplémentaire d’exonération de cotisations comme celui que vous proposez.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Un point me pose problème, depuis quelques heures maintenant. Telle catégorie professionnelle est en difficulté et ne gagne pas suffisamment, donc on l’exonère de cotisations ! Tel employeur a des difficultés pour s’implanter sur tel ou tel territoire, donc on l’exonère ! On fait face à des déserts médicaux, donc on demande aux médecins retraités de travailler et on les exonère !
En l’espèce, il s’agit d’aider des associations. C’est louable ! Qui serait contre l’idée de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat de catégories professionnelles exerçant des missions d’intérêt général dans le cadre d’associations ? Personne !
Néanmoins, nous sommes réunis, depuis hier, pour discuter du budget de la sécurité sociale. Or, depuis des semaines et des semaines, on nous fait pleurer sur le déficit de la sécurité sociale. Notre groupe est cohérent et logique : nous disons que ce déficit est artificiel, et nous expliquons pourquoi. Nous avons même présenté une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, qui n’a pas été adoptée.
Jusqu’à quand va-t-on exonérer ? Plus vous exonérez de cotisations, plus vous épuisez les ressources de la sécurité sociale, plus vous mettez en péril notre système de solidarité. Comment cela va-t-il finir ? Il faut faire preuve d’un peu de responsabilité ! Nous ne pouvons pas continuer comme ça.
Que faut-il faire pour remettre d’aplomb les caisses de la sécurité sociale ? Il faut en finir avec les exonérations de cotisations patronales et retrouver des recettes. Vous n’êtes pas d’accord avec la philosophie défendue par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, mais faites d’autres propositions de recettes !
Cessez de pomper dans les caisses de la sécurité sociale, et battez-vous pour que les salaires augmentent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Bravo !
M. Michel Canevet. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Cigolotti, pour explication de vote.
M. Olivier Cigolotti. Les associations de sécurité civile ne sont pas des associations comme les autres.
Notre pays s’est fixé des objectifs en matière de formation aux gestes de premiers secours ; pour atteindre ces objectifs, il faudra recruter des personnels salariés, qui ne seront plus des intervenants bénévoles.
Mme Laurence Cohen. Et alors ?
M. Olivier Cigolotti. Cela dit, j’ai bien entendu les réponses de M. le rapporteur général et de M. le secrétaire d’État, et je retire donc ces amendements, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos°60 rectifié et 61 rectifié sont retirés.
L’amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Cigolotti, Médevielle, Longeot, Le Nay et Mizzon, Mmes Guidez et Sollogoub, M. Moga, Mmes Perrot et de la Provôté, M. P. Martin, Mmes Morin-Desailly et Loisier, MM. Cazabonne, Henno et Canevet, Mmes Vullien, C. Fournier, Doineau et Billon, M. Kern, Mme Saint-Pé et MM. Janssens et Delcros, est ainsi libellé :
Après l’article 8 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article L. 241-20 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 241-… ainsi rédigé :
« Art. L. 241-…. – I. – Pour chaque salarié sapeur-pompier volontaire employé, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des assurances sociales et des allocations familiales, les cotisations dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, les contributions mentionnées à l’article L. 834-1, les cotisations à la charge de l’employeur dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires mentionnés à l’article L. 921-4, la contribution mentionnée au 1° de l’article L. 14-10-4 du code de l’action sociale et des familles et les contributions à la charge de l’employeur dues au titre de l’assurance chômage prévues à l’article L. 5422-9 du code du travail qui sont assises sur les rémunérations ou gains inférieurs au salaire minimum de croissance majoré de 60 % font l’objet d’une réduction de 1000 euros par an pendant cinq ans, dans la limite de 5 000 euros par an.
« II. – Le I est seulement applicable aux entreprises de moins de onze salariés.
« III. – Le montant de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque salarié sapeur-pompier volontaire et pour chacun de leur contrat de travail.
« La rémunération prise en compte est celle définie à l’article L. 242-1 du présent code. Toutefois, elle ne tient compte des déductions au titre de frais professionnels calculées forfaitairement en pourcentage de cette rémunération que dans des limites et conditions fixées par arrêté.
« IV. – Le montant total de la réduction est calculé chaque année civile, pour chaque entreprise, selon un système déclaratif. L’octroi de l’attribution prévue au second alinéa du III est subordonné à la présentation, par l’employeur, d’une attestation délivrée par le service d’incendie et de secours dont relève le sapeur-pompier volontaire. »
II. – Le I entre en vigueur le 1er janvier 2020. Il est applicable à tout salarié nouvellement recruté ou ancien salarié devenu sapeur-pompier volontaire après l’entrée en vigueur du même I.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Cigolotti.
M. Olivier Cigolotti. Je m’étonne tout d’abord que cet amendement n’ait pas été regroupé au sein d’une même discussion avec celui de notre collègue Daniel Chasseing, puisqu’ils ont tous deux exactement le même objet ; l’amendement de notre collègue a d’ailleurs été adopté à l’article 8, ce dont je me réjouis.
Cet amendement vise à permettre le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires via, une nouvelle fois, une exonération de charges patronales pour un montant de 1 000 euros par employé sapeur-pompier volontaire, et cela dans la limite de 5 000 euros par an et par structure.
Afin de limiter son impact financier, cette mesure est limitée aux entreprises de moins de onze salariés. De par leur taille, ces entreprises ont moins que les autres la capacité de compenser la mise à disposition d’un de leur salarié par une modification de leur organisation.
Par ailleurs, ce dispositif permettrait de valoriser les entreprises qui s’inscrivent dans une démarche citoyenne, en soutenant l’engagement, et de lever une partie du frein financier à l’embauche d’un sapeur-pompier volontaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, comme M. Olivier Cigolotti, je m’étonne que cet amendement n’ait pas été traité avec celui de M. Chasseing, que nous avons voté.
Puisque nous l’avons en réalité déjà voté, je demande le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Les deux amendements ne visent pas le même article du code, monsieur Cigolotti, monsieur le rapporteur général. C’est pourquoi ils n’ont pas été mis en discussion commune.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Mon avis sera de pure cohérence : je vais solliciter le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons qu’a invoquées M. le rapporteur général. Je rappelle d’ailleurs que nous avions, lui et moi, émis le même avis, défavorable, sur l’amendement précédent…
Je saisis cette occasion pour dire que, si nous avons, avec Mme Cohen, une divergence forte sur les allégements généraux et la transformation du CICE en allégement renforcé, je partage néanmoins l’essentiel de ce qu’elle a dit au début de son propos.
Je connais trop l’exercice des votes et de la navette parlementaire ; nous n’avons pas fait le décompte des exonérations de recettes votées depuis le début de nos travaux, mais je puis vous assurer, mesdames, messieurs les sénateurs, que le déficit de la sécurité sociale s’est largement aggravé depuis hier.
Nous travaillons dans le cadre de la navette ; nous vous épargnerons donc ce décompte, mais, vraiment, je vous invite à avoir ce problème en tête. Et, s’agissant au moins du début de son propos, je redis que je partage l’essentiel de ce que disait Mme Cohen tout à l’heure.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Cigolotti, l’amendement n° 62 rectifié est-il maintenu ?
M. Olivier Cigolotti. Pour éviter toute ambiguïté et tout incident législatif, je vais le retirer, partant du principe qu’il est satisfait par l’adoption de l’amendement de mon collègue Daniel Chasseing.
Je retire donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 62 rectifié est retiré.
Article 9
I. – Après le 5° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Dans la limite de deux fois le montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du présent code, les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées aux fonctionnaires, aux personnels affiliés au régime de retraite institué en application du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État et aux agents contractuels de droit public en application des I et III de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
« Les indemnités d’un montant supérieur à dix fois le plafond annuel mentionné à l’article L. 241-3 sont intégralement assujetties. »
II. – Les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle versées aux fonctionnaires, aux personnels affiliés au régime de retraite institué en application du décret n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 relatif au régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État et aux agents contractuels de droit public en application des I et III de l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique sont exclues, dans la limite de deux fois le montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, de l’assiette des cotisations sociales d’origine légale et réglementaire à la charge de ces agents publics et de leurs employeurs.
Les indemnités d’un montant supérieur à dix fois le plafond annuel mentionné au même article L. 241-3 sont intégralement assujetties.
III. – L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable aux pertes de recettes résultant de l’application des I et II du présent article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. L’examen de cet article est l’occasion pour nous de dénoncer une nouvelle fois la mise en place dans la fonction publique du dispositif d’exonération de cotisations applicable aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle instauré dans le privé en 2008. En effet, l’essence même d’une rupture conventionnelle est de faciliter la gestion des suppressions d’emplois par les employeurs : elle leur permet de rompre les contrats de travail sans avoir à justifier d’un motif économique.
Vous avez introduit dans la fonction publique cette logique désastreuse pour remplacer les agents fonctionnaires par des contractuels au statut précaire. Comment ne pas interpréter cette mesure autrement que comme une volonté d’économies ? Comment ne pas voir que vous torpillez ainsi le service public ?
Fidèles à votre politique, que nous dénonçons depuis le début de l’examen de ce PLFSS, vous étendez au secteur public le dispositif d’exonération sociale des indemnités applicable aux ruptures conventionnelles des contrats de travail des salariés du secteur privé.
Vous poursuivez ainsi sur votre lancée dévastatrice pour notre système de protection sociale, cet article prévoyant que l’État ne compensera pas les pertes de recettes pour la sécurité sociale. L’exception est bel et bien devenue le principe, comme l’ont souligné, avec diplomatie, les sages de la Cour des comptes !
Certes, l’amendement n° 160 de notre collègue Vanlerenberghe, qui vise – c’est heureux ! – à revenir sur cette disposition, va certainement être adopté ici, mais nous ne nous faisons guère d’illusions sur son sort en CMP.
Pourquoi ne pas revenir, à l’inverse, sur l’exonération des cotisations sociales dues sur les indemnités versées à l’occasion des ruptures conventionnelles dans le secteur privé ? Vu le nombre de ruptures conventionnelles signées chaque année – 437 700 selon Pôle emploi en 2018 – majoritairement sur l’initiative des employeurs, les caisses de la sécurité sociale ne s’en porteraient que mieux !
Vous comprendrez, mes chers collègues, que nous ne saurions adhérer à un tel projet. Le fil rouge de ce PLFSS est bien de continuer à vider les caisses de la sécurité sociale tout en cassant les services publics.
Compte tenu des débats que nous avons depuis hier, chacune et chacun prendra ses responsabilités en toute connaissance de cause.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.
M. Michel Canevet. Nous quitterons bientôt le chapitre destiné à favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs. Je veux donc vous dire, mes chers collègues, que j’avais déposé un amendement qui, hélas, a été déclaré irrecevable au titre de l’article 41 de la Constitution.
Il visait, tout simplement, à faire financer la sécurité sociale par un autre mode de financement que celui des cotisations sociales, en l’occurrence l’instauration d’une microtaxe sur les paiements scripturaux.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Ah non !
M. Michel Canevet. Mais si, monsieur le président de la commission !
On le sait bien, on ne peut pas continuer avec le système actuel : chaque fois que nous avons des besoins supplémentaires, nous augmentons les cotisations sociales, altérant ainsi la compétitivité de nos entreprises. Résultat : l’emploi dans notre pays s’en trouve affecté et notre balance commerciale est déficitaire, parce que nous ne sommes pas concurrentiels face aux autres pays.
Il faut donc que nous changions de modèle, d’autant que l’on sait bien aussi que, avec l’arrivée de l’intelligence artificielle, nous devrons bientôt nous poser un certain nombre de questions sur la pérennité de notre mode de fonctionnement.
J’entends ici et là que des demandes s’expriment sur le pouvoir d’achat ; elles sont absolument légitimes. Mais comment les employeurs pourront-ils augmenter les salaires dès lors que ces salaires, à cause des charges sociales, s’assortissent de coûts indirects extrêmement élevés ? Il importe donc de changer de modèle.
J’avais déposé à cet effet, monsieur le secrétaire d’État, un amendement tendant à solliciter de vos services la mise à l’étude de ce dispositif de microtaxe, à 1,5 % par exemple, sur les paiements scripturaux dans notre pays.
Ces paiements représentent, selon la Banque de France, quelque 27 500 milliards d’euros : c’est tout à fait significatif ! Imaginez les marges de manœuvre que l’on donnerait aux employeurs si un autre mode de financement de notre protection sociale que celui de la taxation des salaires était mis en œuvre ! Inutile de dire que, avec un tel modèle, nous pourrions avancer et aborder l’avenir de manière beaucoup plus sereine.
Cette disposition répondrait aussi aux interrogations formulées tout à l’heure par Mme Cohen : oui, il existe d’autres moyens de financer notre protection sociale, et je souhaiterais que le Gouvernement se saisisse de ce sujet et l’étudie, afin qu’il soit abordé ici. C’est mon vœu, et c’est celui de nombreux citoyens de Concarneau qui ont étudié attentivement cette question.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, sur l’article.
M. Jean-Noël Cardoux. L’amendement dont nous parlons a été déclaré irrecevable, certes, mais je ne peux pas ne pas réagir aux propos de notre collègue, malgré toute l’amitié que je lui porte.
La démarche qu’il propose, si elle devait aboutir, reviendrait à supprimer totalement le principe de la sécurité sociale, telle qu’elle a été créée en 1945. Les ressources de la sécurité sociale sont déjà à 50 % – à moitié ! – fiscalisées. Avec un tel raisonnement – on parle de créer une nouvelle taxe sur les paiements, à 1,5 % ou 2 % –, on va totalement fiscaliser les ressources de la sécurité sociale au détriment des cotisations.
On va ainsi créer un régime d’irresponsabilité et développer un assistanat qui ne correspond plus du tout à la philosophie des ordonnances de 1945, même si celle-ci doit évoluer.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
M. Jean-Noël Cardoux. Ce qu’avait souhaité le général de Gaulle, c’est que chacun cotise en fonction de ses moyens et reçoive en fonction de ses besoins.
Avec ce genre d’idées, on est en train de tout faire éclater, tout cela pour afficher un certain nombre de propositions qui, à mon sens, ne sont pas acceptables en l’état. Nous ferions bien mieux de réfléchir à des mesures structurelles pour réduire le déficit de la sécurité sociale – Dieu sait si les pistes sont nombreuses en la matière !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 103 rectifié est présenté par MM. Delahaye et Le Nay, Mmes Guidez et Férat, M. P. Martin, Mmes Vermeillet, Vullien et Sollogoub, MM. Henno et Canevet, Mme de la Provôté, MM. Longeot et Lafon et Mmes Billon et Vérien.
L’amendement n° 593 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour présenter l’amendement n° 103 rectifié.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous vous plaigniez, voilà quelques instants, de notre propension à creuser encore un peu plus le déficit de la sécurité sociale, l’adoption de cet amendement vous permettrait de disposer de moyens financiers supplémentaires.
Nous proposons en effet de supprimer l’article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui prévoit d’exclure l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (ISRC) de l’assiette des contributions et cotisations sociales.
L’ensemble des revenus et des gains, fussent-ils seulement ponctuels, honorifiques ou de remplacement, devrait être fiscalisé au titre de l’imposition des revenus sans dérogations ou niches injustifiées. L’élargissement de l’assiette imposable est le préalable à une simplification et à une baisse des taux de notre système de prélèvements.
Par cohérence, nous proposerons également un amendement de suppression de l’article 2 ter du projet de loi de finances pour 2020, lequel prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu l’ISRC créée par l’article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 593.
Mme Laurence Cohen. L’article 9 prévoit l’exonération de cotisations sociales de l’indemnité spécifique en cas de rupture conventionnelle dans la fonction publique.
Cette disposition fait suite à l’instauration, dans la loi de transformation de la fonction publique dont nous avons débattu avant l’été, d’une procédure de rupture conventionnelle au sein de cette même fonction publique. Cette exonération portera à la fois sur les cotisations de sécurité sociale et sur celles qui sont dues au titre de la CSG et de la CRDS, à l’instar des dispositions applicables au secteur privé.
Nous demandons la suppression de cet article pour deux raisons fondamentales.
Premièrement, nous sommes opposés au principe des ruptures conventionnelles en ce qu’elles peuvent constituer un chantage au licenciement de la part de l’employeur. Ainsi, selon une étude de la Dares, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, près d’un salarié sur trois déclare avoir été contraint par son employeur de quitter l’entreprise. Les trois quarts des ruptures conventionnelles ont lieu dans les petites entreprises, où les syndicats sont moins présents et les salariés plus précaires et vulnérables.
De plus, contrairement à ce que voudrait faire croire – entre autres – le Gouvernement, les ruptures conventionnelles ne constituent pas une aubaine de mobilité ou de reconversion pour le salarié. Au contraire, comme le montre une étude publiée par la Direction de la statistique en février 2019, plus de neuf salariés sur dix ayant quitté « à l’amiable » leur entreprise se retrouvent à la case chômage.
Deuxièmement, ces exonérations de cotisations vont encore réduire les ressources de la sécurité sociale. Mes chers collègues, à force d’aller d’exonération en exonération, que restera-t-il du budget de la sécurité sociale ?
Avec cet article, le Gouvernement prévoit de faire intégralement porter la perte de recettes induite sur les organismes de sécurité sociale. Je tiens à souligner que même le rapporteur général de La République En Marche, à l’Assemblée nationale, s’est ému de cette situation…
Ne pas supprimer cet alinéa serait dramatique. Cela reviendrait une nouvelle fois à grever les finances sociales. Ce sera donc autant de moins pour les urgences, pour les Ehpad, pour les hôpitaux… Nous verrons demain la très forte mobilisation que cette situation suscite.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article 9.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. À entendre leurs propos, il me semble assister à une convergence de Michel Canevet et de Laurence Cohen, non sur la philosophie économique générale qui les guide, mais sur certaines mesures concernant la sécurité sociale…
M. Canevet et un certain nombre de sénateurs centristes proposent de fiscaliser l’ensemble des revenus et des gains, fussent-ils seulement ponctuels, au titre de l’impôt sur le revenu, afin de procéder à une simplification du système de prélèvement et à une baisse des taux applicables.
La position du groupe communiste est peut-être encore plus radicale, en ce qu’il propose de supprimer toutes les exonérations.
Mme Laurence Cohen. Il ne s’agit pas d’une fiscalisation !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Si, madame Cohen : vous proposez de taxer tous les revenus, y compris ceux du capital.
Il me semblait intéressant de souligner cette convergence qui se fait jour…
La commission est défavorable à ces deux amendements de suppression de l’article 9, lequel prévoit d’exonérer de cotisations et de contributions sociales les ruptures conventionnelles du secteur public. Il s’agit d’un effet miroir avec le secteur privé ; en effet, il ne me paraît pas illogique de permettre aux agents publics qui choisiraient une rupture conventionnelle de bénéficier de cette même exonération.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’article 72 de la loi du 6 août 2019 a effectivement instauré un mécanisme de rupture conventionnelle pour les agents du secteur public – titulaires et contractuels en CDI. Lors de ce débat, nous avions annoncé notre volonté d’exonérer de cotisations sociales les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle, afin d’aligner le régime du secteur public sur celui du secteur privé.
C’est ce que nous vous proposons dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et dans le projet de loi de finances que vous examinerez prochainement, ce type de disposition ne pouvant figurer dans un projet de loi ordinaire comme celui qui portait transformation de la fonction publique.
Je précise que cette rupture conventionnelle doit être acceptée de manière exclusivement bilatérale.
Je précise également que nous envisageons de fixer, dans le cadre des décrets d’application, le montant de l’indemnité de rupture au même plancher et avec les mêmes modalités que ceux du secteur privé.
Je précise enfin que, le système d’assurance chômage du secteur public étant particulier, la rupture conventionnelle ouvre droit au bénéfice de l’allocation de retour à l’emploi pour l’agent public concerné, financée via un système d’auto-assurance par les collectivités – ce dispositif sera également précisé dans le décret d’application.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à ces deux amendements de suppression. Il lui semble important d’harmoniser les conditions d’accès des agents publics titulaires ou contractuels à la rupture conventionnelle sur celles du secteur privé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour explication de vote.
Mme Jocelyne Guidez. Je ne retirerai pas mon amendement : on ne peut pas à la fois nous reprocher de creuser le déficit de la sécurité sociale et refuser nos propositions de nouveaux moyens de financement !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, je ne puis vous laisser dire cela sans réagir.
Quelle qu’ait été l’appréciation du Gouvernement sur les amendements qui ont été adoptés, le Sénat a voté depuis hier plus d’un milliard d’euros d’exonérations.
Vous proposez d’assujettir à des cotisations les indemnités spécifiques de rupture conventionnelle des agents publics. Vous allez donc priver entre 1 000 et 1 500 personnes, selon nos évaluations, d’une exonération de cotisations sociales portant sur quelques milliers d’euros d’indemnités.
Comment pouvez-vous parler de mesures de financement de la sécurité sociale, surtout après avoir voté plus d’un milliard d’euros d’exonérations ? Je vous prie de pardonner la brutalité de mon propos, mais je trouve votre remarque disproportionnée.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 103 rectifié et 593.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 594, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
I. – Le a du 5° du III de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale est abrogé.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nous proposons, par cet amendement, de supprimer le dispositif d’exonération de cotisations sociales sur les indemnités versées à l’occasion des ruptures conventionnelles dans la fonction publique.
Une nouvelle fois, vous prétendez lutter contre le déficit de la sécurité sociale, alors même que vous l’augmentez. Pis, vous ne compensez pas la perte de recettes induite par cette nouvelle mesure. Vous justifiez cette exonération en prétendant vouloir aligner le secteur public sur le secteur privé, mais vous omettez de dire que ce sont les caisses de sécurité sociale qui vont en pâtir. Il s’agit d’une perte de recettes très importante.
Notre amendement vise donc à éviter de grever encore davantage le budget de la sécurité sociale. Ne manquez pas cette occasion !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement est cohérent, mais sa mise en œuvre frapperait des salariés dans un moment de fragilité de leur parcours professionnel. La commission préfère donc en rester au texte.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 160 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 349 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, M. Artano, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez et Gold, Mme Jouve et MM. Requier, Roux, Vall et Cabanel.
L’amendement n° 807 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 160.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous proposons de supprimer la non-compensation de l’exonération de cotisations et contributions sociales de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la fonction publique, en cohérence avec la position de la commission sur les mesures de non-compensation dans ce PLFSS.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 349 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Cet amendement de repli par rapport aux amendements présentés par Mmes Guidez et Cohen tend à s’inscrire dans le prolongement de notre discussion sur l’article 3.
Il s’agit de revenir sur l’absence de compensation des exonérations sociales par l’État en cas de rupture conventionnelle dans la fonction publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 807 rectifié.
M. Yves Daudigny. Il s’agit effectivement d’un amendement de repli, qui tend à supprimer le seul alinéa 6, à l’origine de la non-compensation.
Les décisions de non-compensation prises par le Gouvernement dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale créent artificiellement un déficit des comptes sociaux et font de la sécurité sociale une variable d’ajustement du budget de l’État, ce qui en change la nature.
Le groupe socialiste et républicain considère ces non-compensations comme un point dur du texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ai encore en tête nos débats sur l’article 3. Je serai bref, car il ne me semble pas que vous ayez changé d’avis…
De la même manière que nous avons voulu aligner les conditions d’accès à l’indemnité en cas de rupture conventionnelle dans la fonction publique sur celles du secteur privé, nous avons aussi souhaité aligner les conditions de prise en charge.
Les exonérations des indemnités de rupture conventionnelle du secteur privé ne sont pas compensées dans le budget de la sécurité sociale depuis 2008.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas bien !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Certes, monsieur le rapporteur général, mais cela me permet d’illustrer mes propos tenus hier.
Comme je le soulignais, les exceptions au principe de compensation posé par la loi Veil sont déjà nombreuses et anciennes. La rupture conventionnelle dans le secteur privé en est une. Nous nous inscrivons dans cette logique.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces trois amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Ces amendements me semblent de bon sens.
Je suis saisi d’un doute. Nous sommes en train de changer de philosophie, puisqu’il s’agit d’aligner le secteur public sur ce qui se fait de mieux – apparemment – dans le secteur privé.
Avec la loi portant transformation de la fonction publique, vous avez introduit beaucoup de souplesse. Il me semble que les agents publics s’acquittent aujourd’hui d’une cotisation chômage équivalant à 1 % de leur traitement.
Demain, avec cette nouvelle philosophie, vous pourrez aligner le régime des cotisations chômage sur le secteur privé. La spécificité de la fonction publique française n’est-elle pas en train de voler en éclats à la faveur de ces amendements, qui paraissent anodins, voire progressistes ?
Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le secrétaire d’État, si tant est que la chose soit possible ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je vais essayer à la fois de rassurer M. Lurel et de le conforter dans sa démarche.
Sur nombre d’aspects, la convergence entre les deux secteurs se fait en faveur des agents publics. Nous en avons déjà discuté lors de l’examen de la loi du 6 août 2019.
Permettre aux agents publics, titulaires ou contractuels, d’accéder à la rupture conventionnelle est une avancée. Il en va de même de la création d’une prime de précarité pour les contrats courts dans le secteur public, de la portabilité du compte personnel de formation, du mécanisme de conversion en cas d’allers et retours entre les deux secteurs et de la portabilité du CDI entre les versants de la fonction publique… Tous ces alignements sur le secteur privé nous permettent d’améliorer les droits des agents publics.
Le régime des cotisations chômage des employeurs publics est très particulier. J’ai évoqué voilà quelques instants le système d’auto-assurance : lorsqu’un employeur public licencie, il doit auto-assurer. Il s’agit d’un élément fort de la régulation en matière de rupture conventionnelle dans le secteur public : au-delà du paiement de l’indemnité, il faut encore auto-assurer le montant de l’allocation de retour à l’emploi. En l’espèce, il n’est pas question de convergence. Nous respectons les différences entre les deux systèmes.
Quand nous le pouvons, nous travaillons à des convergences. Je pense notamment aux cotisations de retraite des agents publics, qui étaient inférieures aux cotisations des salariés du secteur privé.
Le protocole Fillon-Woerth de 2010 a organisé la convergence, puis le protocole Ayrault-Sapin de 2012 a réajusté à la hausse les cotisations des salariés du secteur privé et donc également le tunnel de convergence des agents publics, dont les cotisations de retraite augmentent légèrement chaque année depuis dix ans pour converger avec celles du privé d’ici à 2020.
La convergence n’est donc pas un phénomène nouveau. Pour autant, elle ne doit pas être systématique, même si, très souvent, elle se fait au bénéfice des agents du secteur public.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 160, 349 rectifié bis et 807 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 9
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 435 rectifié bis, présenté par Mme Renaud-Garabedian, M. Magras, Mme Gruny, MM. Lefèvre, Longuet, Le Gleut et Danesi, Mme Noël, M. Babary et Mmes Lherbier et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4B du code général des impôts » sont remplacés par les mots « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de certains de leurs revenus et simultanément assujettis à quelque titre que ce soit à un régime obligatoire français d’assurance-maladie » ;
b) Les I bis et I ter sont abrogés ;
c) À la première phrase du premier alinéa du III, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et » ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France à raison de certains de leurs revenus et simultanément assujettis, à quelque titre que ce soit, à un régime obligatoire français d’assurance-maladie » ;
b) À la première phrase du 1° du même I, les mots : « fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts » sont remplacés par les mots : « qui sont à la fois redevables de l’impôt sur le revenu en France, à raison de l’origine de certains de leurs revenus et, simultanément assujettis à un régime obligatoire français d’assurance-maladie » ;
c) Les I bis et I ter sont abrogés ;
d) Le deuxième alinéa du VI est supprimé.
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du I de l’article 15, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I » ;
2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacés par la référence : « au I ».
III. – Le 1° du I s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2020.
IV. – Le 1° du même I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2020.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Pour se mettre en conformité avec le droit européen à suite de la décision de la Cour de justice européenne, le Gouvernement a décidé, dans le PLFSS pour 2019, d’exonérer de CSG et de CRDS les Français non-résidents affiliés à un système de sécurité sociale de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse, et ce pour les revenus fonciers encaissés en France.
Toutefois, les Français non-résidents établis dans un pays tiers ne bénéficient pas de cette exonération, ce qui constitue une inégalité de traitement fiscal et une discrimination devant l’impôt et décourage l’investissement immobilier en France de tous ces Français non-résidents établis dans des pays tiers.
Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement vise à exonérer l’ensemble des Français non-résidents, où qu’ils se trouvent, du paiement de la CSG et de la CRDS sur les revenus patrimoniaux encaissés en France.
Je vous rappelle que, dans la majorité des cas, les Français non-résidents s’acquittent d’une cotisation soit à une caisse de sécurité sociale à adhésion volontaire telle que la Caisse des Français de l’étranger (CFE), soit au système de protection sociale de leur pays de résidence, ce qui conduit à une double imposition à caractère social.
Monsieur le secrétaire d’État, au titre des principes d’égalité et d’équité, je vous demande d’appliquer l’exonération de CSG et de CRDS à tous les Français non-résidents.
Mme la présidente. L’amendement n° 113 rectifié bis, présenté par MM. Yung, Dennemont et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
b) Le I bis est complété par les mots : « et qui sont à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
c) Le I ter est abrogé ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
b) À la première phrase du 1° du I, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : « et à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
c) Le I bis est complété par les mots : « qui sont à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
d) Le I ter est abrogé.
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° Le premier alinéa du I de l’article 15 est complété par les mots : « qui sont à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français » ;
2° La première phrase du I de l’article 16 est ainsi modifiée :
a) Après la première occurrence du mot : « sociale », sont insérés les mots : « et payés à des personnes physiques à la charge, à quelque titre que ce soit, d’un régime obligatoire de sécurité sociale français, » ;
b) Les mots : « et de ceux perçus par les personnes mentionnées au I ter du même article L. 136-7 » sont supprimés.
III. – 1° Le 1° du I et le 1° du II s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2020 ;
2° Le 2° du I et le 2° du II s’appliquent aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2020.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Cet excellent amendement de notre collègue Richard Yung vise également à exonérer de CSG et de CRDS les revenus immobiliers de source française de nos résidents affiliés au régime obligatoire de sécurité sociale d’un État tiers à l’Union européenne autre qu’un État membre de l’Espace économique européen ou de la Suisse.
Aucune norme supra-législative ne s’oppose à ce que tous les non-résidents ne relevant pas d’un régime obligatoire de sécurité sociale français soient placés sur un pied d’égalité.
Contrairement aux auteurs de l’amendement n° 435 rectifié bis, notre collègue propose de ne pas rendre cumulatifs les critères de résidence et d’affiliation à un régime obligatoire français. Il ne lui paraît pas opportun d’appliquer aux revenus du patrimoine et de placements perçus par les non-résidents les règles applicables aux revenus d’activité et de remplacement.
Un tel dispositif aurait pour effet d’exonérer de CSG et de CRDS sur les revenus immobiliers tous les non-résidents, y compris ceux qui relèvent d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. Concrètement, cela reviendrait à exonérer les personnes ayant effectué toute leur carrière professionnelle en France et qui s’expatrient en Espagne ou au Maroc, au moment de leur retraite.
La solution envisagée par notre collègue Cadic dans l’amendement n° 353 rectifié n’emporte pas non plus l’adhésion de Richard Yung.
Cet amendement tend non seulement à exonérer de CSG et de CRDS les non-résidents à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français, mais aussi à remettre en cause l’application de la jurisprudence dite « de Ruyter » en assujettissant de nouveau à la CSG et à la CRDS les résidents relevant du régime obligatoire de sécurité sociale d’un pays de l’Espace économique européen ou de la Suisse.
Cette solution n’est pas raisonnable. C’est pourquoi notre collègue vous propose d’adopter le présent amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 353 rectifié, présenté par M. Cadic, Mme Guidez, M. Henno, Mmes Dindar, C. Fournier et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Les I bis et I ter sont abrogés ;
b) À la première phrase du premier alinéa du III, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et » ;
2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :
a) Les I bis et I ter sont abrogés ;
b) Le second alinéa du VI est supprimé.
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa du I de l’article 15, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I » ;
2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».
III. – Le 1° du I s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2020.
IV. – Le 1° du même I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2020.
V. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Cet amendement et l’amendement n° 352 rectifié visent à rectifier une injustice que subissent les Français non-résidents établis notamment en Polynésie française. Ceux-ci sont affiliés à un régime obligatoire de protection sociale, la Caisse de prévoyance sociale, et leur domicile fiscal n’est pas en France. Pour autant, ils ne sont pas exonérés de CRDS et se retrouvent soumis à une double imposition.
Cette inégalité de traitement est d’autant plus importante que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 du 3 décembre 2018 prévoit une exonération de ces prélèvements pour les Français résidant au sein de l’Espace économique européen et en Suisse.
Mes chers collègues, nous vous invitons donc à corriger cette injustice en adoptant ces amendements.
Mme la présidente. L’amendement n° 751 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Lepage, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Montaugé, Sueur et Antiste, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot, Bérit-Débat et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 136-6 est ainsi modifié :
a) Le I ter est ainsi rédigé :
« I ter. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. » ;
b) À la première phase du premier alinéa du III, la première occurrence du mot : « à » est remplacée par le mot : « et ».
II. – L’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale est ainsi modifiée :
1° Le dernier alinéa du I de l’article 15 est supprimé ;
2° À la première phrase du I de l’article 16, les références : « aux I et I bis » sont remplacées par la référence : « au I ».
III. – Le 1° du I du présent article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012.
IV. – Le 1° du II du même article s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012.
V. – Le 2° du même II s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter du 1er janvier 2012.
VI. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I à IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Le droit européen, il s’applique ou il se change !
Selon le règlement du 29 avril 2004, seuls les bénéficiaires d’un système de protection sociale européen peuvent contribuer à son financement. Il n’est donc pas possible de soumettre à la CSG les personnes non affiliées à un régime de protection sociale français.
Malheureusement, il en est allé différemment. Depuis des années, des personnes ont dû régler des cotisations indues. Le système a été revu une première fois en 2015, puis de nouveau l’année dernière, en prévision des nouvelles condamnations de la Cour de justice de l’Union européenne.
Il reste cependant une difficulté : les décisions de la Cour de justice s’appliquant uniquement dans l’Espace économique européen, les personnes résidant en dehors de cet espace continuent de s’acquitter de la CSG, même lorsqu’elles ne bénéficient pas de notre système de protection sociale.
Nous proposons d’annuler cet assujettissement pour tous ceux qui ne bénéficient pas de la sécurité sociale française, afin de nous mettre en conformité avec le droit européen.
Il faudrait que le Conseil constitutionnel – il ne manquera pas de le faire un jour – constate une inégalité devant l’impôt –, puisque, selon lui, la CSG est un impôt, contrairement à l’interprétation de la Cour de justice, entre les citoyens vivant dans l’Espace économique européen et les autres. Il y aura inévitablement des condamnations.
Il est absolument inadéquat de continuer d’assujettir ces non-résidents à la CSG. Cette situation entraîne un fort contentieux auprès de la Direction des impôts des non-résidents (DINR), à un moment où celle-ci devrait porter son attention sur bien d’autres choses.
Mme la présidente. L’amendement n° 15 rectifié bis, présenté par M. Frassa, Mme Deromedi, MM. del Picchia et Le Gleut, Mme Garriaud-Maylam, M. Regnard, Mme Eustache-Brinio, M. Bascher, Mme Procaccia, M. Bizet, Mme Duranton, MM. Karoutchi, Houpert, Danesi et Brisson, Mme Gruny, MM. Charon, Mouiller et Bonne, Mmes L. Darcos et Lherbier et M. Dufaut, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I – Au premier alinéa du I ter de l’article L. 136-6 et au premier alinéa du I ter de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, les mots : « , par application des dispositions du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, relèvent en matière d’assurance maladie d’une législation soumise à ces dispositions et » sont supprimés.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi. Les Français de l’étranger résidant hors de l’Union européenne sont soumis aux prélèvements sociaux – CSG et CRDS – et aux prélèvements de solidarité pour un taux de 17,20 %, alors qu’ils ne bénéficient d’aucune prestation sociale en France.
Ceux qui résident dans l’Union européenne, en raison du refus du Gouvernement de supprimer ces prélèvements, ont saisi la Cour de justice de l’Union européenne. Ils ont ainsi obtenu de ne plus avoir à s’acquitter des cotisations de CSG et de CRDS dont ils sont exemptés.
Les Français résidant hors de l’Union européenne, eux, se sont vu refuser cette exemption. Ils continuent donc d’être soumis à cette cotisation de 17,20 %, qui s’ajoute à la retenue à la source et qui conduit à des prélèvements totalement confiscatoires de 37,20 % à 47,20 % sur leurs revenus français, dès le premier euro, ou sur leur retraite française, sans bénéficier d’aucune couverture sociale, de retraite ou de chômage.
Il s’agit d’une discrimination insupportable et d’une véritable injustice. Il me paraîtrait normal que le Sénat soutienne tous les Français, y compris ceux qui ne résident pas dans l’Hexagone, ceux qui vivent outre-mer et ceux qui résident en dehors de l’Union européenne mais qui n’en demeurent pas moins Français.
Mme la présidente. L’amendement n° 352 rectifié, présenté par M. Laurey, Mme Tetuanui, M. Cadic, Mme Guidez, M. Henno, Mmes Dindar, C. Fournier et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Après le I ter de l’article L. 136-6, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui relèvent, en matière d’assurance maladie, de la caisse de prévoyance sociale de Polynésie française et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. » ;
2° Après le I ter de l’article L. 136-7, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Par dérogation aux I et I bis, ne sont pas redevables de la contribution les personnes qui relèvent, en matière d’assurance maladie, de la caisse de prévoyance sociale de Polynésie française et qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire de sécurité sociale français. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Comme cela a été indiqué l’année dernière lorsque le nouveau régime a été mis en place, le principe reste de considérer la CSG et la CRDS comme des impôts dus par tous, car elles ne créent pas de droit à des prestations de sécurité sociale.
Les États-Unis viennent de valider cette analyse, confortant en quelque sorte celle du gouvernement français sur ce point. Un accord vient d’ailleurs d’être conclu concernant résidents français aux États-Unis.
L’exonération des personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre pays de l’Union européenne ne vise qu’à répondre à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Il n’est pas opportun d’aller au-delà des exigences du droit communautaire.
À quelques nuances près, ces amendements sont identiques, même si celui de M. Young est quelque peu différent de celui de M. Cadic. Ma réponse sera donc la même : il est important de noter que la CSG et la CRDS sont des impôts, qui ne donnent pas lieu à des prestations sociales. Par conséquent, si vous êtes résident étranger, mais que vous avez des biens en France, vous êtes taxé.
S’agissant de la Polynésie, il s’agit d’un territoire français. Je demande donc l’avis du Gouvernement sur ce point. Je le répète, la CSG et la CRDS ne sont pas des cotisations et ne créent donc pas de droits. Il n’y a donc pas de double imposition pour les personnes qui s’en acquittent, tout en relevant du régime de la caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. C’est un débat récurrent, qui réapparaît lors de l’examen des textes financiers, et parfois même à d’autres occasions.
Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, la France est désormais en conformité avec le droit européen issu du règlement n° 883/2004 de Ruyter, auquel il est fait référence dans l’objet des motifs des amendements déposés, puisque la loi de financement de la sécurité sociale a exonéré de CSG et de CRDS sur les revenus du capital les personnes affiliées à un régime obligatoire de sécurité sociale d’un autre pays de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de Suisse.
Je tiens à le souligner comme vous, monsieur le rapporteur général, c’est le critère d’affiliation à un autre régime de sécurité sociale européen qui détermine l’assujettissement ou non à la CSG et à la CRDS, conformément à la jurisprudence.
Le critère de résidence n’est pas pertinent pour motiver une exonération de CSG. Les revenus dont il s’agit sont des revenus de source française, qui doivent également contribuer au financement de notre système de protection sociale, en vertu du principe d’universalité de l’assiette de la CSG.
Si ces amendements étaient adoptés, cela conduirait à exonérer de CSG les revenus du capital de personnes résidant à l’étranger, même lorsqu’elles restent affiliées à la sécurité sociale en France, ainsi que les revenus de personnes qui résident en France et y acquittent leurs impôts, mais qui sont affiliées à une sécurité sociale d’un autre État.
Pour confirmer ce que disait à l’instant M. le rapporteur général, je précise que la CSG et la CRDS sont considérées comme des impositions de toute nature.
Il ne s’agit pas de cotisation, mais d’imposition de toute nature et le paiement de ces deux contributions n’est pas synonyme d’accès à un droit. C’est simplement une participation de chacun de nos concitoyens sur leurs revenus, de manière à financer le système de protection sociale.
Par ailleurs, concernant la question de la Polynésie française, que vous évoquiez, monsieur le rapporteur général, son statut particulier fait que le droit européen ne s’y applique pas, ce qui justifie à nos yeux un avis défavorable sur l’intégralité des amendements qui ont été présentés.
M. Mohamed Soilihi l’a dit, l’amendement de M. Yung possède une portée plus restrictive que les amendements présentés par d’autres auteurs. Quoi qu’il en soit, sa philosophie est identique aux autres.
Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. J’ai l’impression d’halluciner !
On ne se rend pas compte qu’il y a eu des décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et des condamnations du Conseil d’État, la dernière en date remontant au 1er juillet dernier, sur les dispositions prises auparavant, car le droit européen considère que la CSG, qui a vocation à financer la protection sociale, selon les termes des règlements européens, ne peut pas, au titre du droit européen, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, s’appliquer à une personne qui n’en bénéficie pas.
À l’évidence, il y a une contradiction entre le droit européen et l’interprétation du Conseil constitutionnel. Tant que l’on veut rester dans le cadre du droit européen, on doit respecter le règlement de 2004.
Vous avez adopté, monsieur le secrétaire d’État, une évolution l’année dernière pour ne pas continuer à être condamné. Pour les non-résidents, la situation risque de prospérer plus longtemps, jusqu’à ce qu’un dialogue s’instaure avec le Conseil constitutionnel, ce qui arrivera un jour.
Ce jour-là, les finances publiques seront confrontées de plein fouet à la réalité. Cessez donc d’être somnambule et de faire de la trésorerie de cette manière ! (Mme Patricia Schillinger proteste.) En effet, c’est contraire au droit européen. La CSG finance la protection sociale et, au titre du droit européen, on ne peut pas y être assujetti si l’on n’en bénéficie pas. C’est très clair !
Par ailleurs, conformément au principe de l’égalité devant l’impôt, il n’y a aucune raison que vous payiez un impôt suivant que vous habitez en Russie ou en Allemagne ! C’est la raison pour laquelle il y aura des condamnations si vous ne changez pas d’avis.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je veux vous rassurer, monsieur Leconte, je n’ai rien d’un somnambule ! Les arguments que j’avance sont étayés, grâce à la mobilisation des services français. Par ailleurs, ils ont été confirmés par l’avis du Conseil d’État.
M. Jean-Yves Leconte. Mais lisez donc les arrêts récents !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Leconte, et je ne vous ai pas non plus insulté.
Tout d’abord, la juridiction de la Cour de justice de l’Union européenne s’applique sur le sol européen aux ressortissants européens. Elle ne s’applique pas aux ressortissants mondiaux.
Ensuite, je le répète, la CSG est un impôt de toute nature. Il est dû sur l’ensemble des revenus de source française, que l’on soit affilié au non, bénéficiaire ou non d’un droit. La France s’est mise en conformité avec la jurisprudence de Ruyter. Nous avons fait notre travail, et nous en resterons là.
Mme la présidente. La parole est à Mme Évelyne Renaud-Garabedian, pour explication de vote.
Mme Évelyne Renaud-Garabedian. Monsieur le secrétaire d’État, dans la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, il a été considéré que la CSG et la CRDS étaient non pas des impôts, mais des prélèvements.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Selon le droit européen, peu importe le fait que la CSG soit un impôt ou une cotisation. Le droit européen ne veut pas connaître de cette question. Ce qui compte, c’est que l’on ne finance pas deux systèmes de sécurité sociale européens. Il s’agit d’une directive ancienne de 1971.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 435 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 113 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 15 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 595, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 2° du I de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 9,2 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Nous proposons par cet amendement d’augmenter le taux de CSG sur les revenus du capital de 2,8 points.
En effet, alors que la CSG sur les revenus d’activité et de remplacement – les salaires et les pensions de retraite, par exemple – a été augmentée de 1,7 point en 2018, pour compenser la baisse des cotisations sociales chômage et maladie, la CSG sur les revenus du capital a été accrue de 1 point seulement.
En l’état, cette mesure nous semble injuste socialement, d’autant qu’elle tourne le dos au principe originel, rappelé tout à l’heure, de notre système de protection sociale, qui consiste à assurer la solidarité, chacun contribuant selon ses moyens et recevant selon ses besoins. Vous le savez, l’augmentation de la CSG a suscité une très grosse colère, notamment de la part des retraités.
L’adoption de cet amendement créerait un rendement supplémentaire de 3 milliards d’euros au profit des caisses de la sécurité sociale, donc au profit de chacun, ce qui permettrait notamment de financer la revalorisation, à hauteur de l’inflation, de toutes les prestations sociales, comme les pensions de retraite ou les allocations familiales. Je le sais, nombre d’entre vous se sont émus du fait qu’elles ne soient pas revalorisées.
Je vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui créerait des ressources supplémentaires sans affecter la consommation, contrairement à d’autres mesures débattues ici, qui sont souvent malsaines pour l’économie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pour être pleinement efficace, notamment en matière de rendement, la CSG doit posséder un taux modéré, ce qui permet de conserver l’assiette la plus large possible, en limitant la création de nombreuses niches, comme c’est malheureusement le cas pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 596, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au 2° du II de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale, le taux : « 8,3 % » est remplacé par le taux : « 6,6 % ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nous proposons par cet amendement d’exonérer toutes les pensions de retraite et d’invalidité de la hausse de la CSG introduite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. En effet, nous l’avons prouvé, nous avons trouvé d’autres recettes.
À la suite de cette hausse de la CSG, 7,5 millions de retraités ont vu leur pouvoir d’achat réduit, ce qui nous préoccupe, d’autant que leurs pensions ne seront que trop faiblement réévaluées.
Par ailleurs, la mesure d’urgence économique et sociale réduisant la hausse de la CSG pour certains retraités n’est pas suffisante. Il convient en effet de revenir à la situation antérieure au 1er janvier 2018 et de dispenser tous les titulaires de pensions de retraite de cette hausse de la CSG, sauf à maintenir une rupture d’égalité entre les retraités.
Nous avons, mes chers collègues d’autres occasions de trouver des recettes supplémentaires, nous vous l’avons prouvé, pour compenser la baisse des cotisations de chômage et de maladie.
N’aggravons pas plus la situation des personnes retraitées qui ont contribué solidairement durant toute leur vie active au financement de notre système de protection sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable, malgré la sympathie de principe que nous avons pour cet amendement au vu de son coût.
Le passage à 8,3 % du taux de CSG sur les pensions s’est fait dans le cadre d’une réforme plus générale incluant la disparition de nombreuses cotisations des actifs. Dans la mesure où il semble difficile de réassujettir les actifs à ces cotisations, il ne me semble pas possible de revenir au taux de 6,6 % pour l’ensemble des retraités.
Néanmoins, la commission, soucieuse du pouvoir d’achat des retraités, proposera une réindexation sur l’ensemble des pensions sur l’inflation de 2020, soit une augmentation de 1 %.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Monsieur le rapporteur général, cela reste un avis politique !
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 79 rectifié ter, présenté par MM. Temal et Antiste, Mme Blondin, M. M. Bourquin, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Marie, Mazuir, Todeschini, Vaugrenard et Kerrouche et Mmes Perol-Dumont et Monier, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation aux I et II, sont assujettis à la contribution sociale au taux de 6,3 % les revenus mentionnés aux 1° et 4° du II de l’article L. 136-1-2. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Rachid Temal.
M. Rachid Temal. Il s’agit d’un amendement politique et non pas technique, ce que nous assumons. Je réponds ainsi par avance à l’argument qui sera sans doute avancé par M. le rapporteur général.
Cet amendement de justice sociale vise à mettre fin à une situation injuste, à savoir la hausse de la CSG pour les retraités décidée par ce gouvernement. Ma collègue l’a dit, cette mesure a eu un impact considérable sur les revenus et le pouvoir d’achat. Par ailleurs, la mesure que nous proposons aura un effet bénéfique sur notre économie, pour une population qui consomme ou, plus exactement, qui souhaiterait consommer.
J’entends bien les arguments techniques qui me seront opposés. Toutefois, je considère qu’il s’agit d’abord d’une décision politique, d’un choix de principe. L’organisation doit suivre, et non pas l’inverse. C’est sous cet angle qu’il faut aborder cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 837 rectifié bis, présenté par Mme Lubin, MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le III de l’article 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« III. – Par dérogation au I et au II, sont assujettis à la contribution sociale au taux de 6,3 % les revenus mentionnés aux 1° et 4° du II de l’article L. 136-1-2, perçus par les personnes dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts :
« 1° D’une part, excèdent 14 375 € pour la première part de quotient familial, majorée de 3 838 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 15 726 € pour la première part, majorés de 4 221 € pour la première demi-part et 3 838 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 16 474 €, 4 414 € et 3 838 € ;
« 2° D’autre part sont inférieurs à 33 000 € pour la première part de quotient familial, majorée de 8 810 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 36 101 € pour la première part, majorés de 9 6891 € pour la première demi-part et 8 810 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 37 819 €, 10 133 € et 8 810 € ;
« 3° D’autre part sont inférieurs à 14 375 € pour la première part de quotient familial, majorée de 3 838 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 15 726 € pour la première part, majorés de 4 221 € pour la première demi-part et 3 838 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 16 474 €, 4 414 € et 3 838 €. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Cet amendement est complémentaire du précédent.
Le Gouvernement avait fixé un seuil de 2 000 euros mensuels au-dessous duquel les retraités ne sont pas assujettis au taux de CSG revalorisé. Par cet amendement, il s’agit de retenir un seuil représentant le coût moyen d’une maison de retraite médicalisée, ce qui permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux retraités.
Mme la présidente. L’amendement n° 354 rectifié, présenté par M. Louault, Mme Guidez, M. Henno, Mmes Dindar, C. Fournier et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le III est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également assujettis à la contribution sociale au taux de 3,8 %, sous les conditions énoncées aux 1° et 2° , les revenus mentionnés au a du I de l’article 136-6 perçus par les bénéficiaires d’une pension dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles. » ;
2° Le III bis est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sont également assujettis à la contribution sociale au taux de 6,6 %, sous les conditions énoncées aux 1° et 2° , les revenus visés au a du I de l’article 136-6 perçus par les bénéficiaires d’une pension dans le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées des professions agricoles. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Pour un grand nombre de retraités agricoles à la pension très modeste, les terres ont représenté, pendant leur période d’activité, leur outil de travail ; elles constituent, lorsqu’ils partent à la retraite, un complément de revenu indispensable.
Plus du tiers des retraités agricoles perçoivent aujourd’hui la pension minimum, dont le montant est de 902 euros nets par mois. Ce sont donc pour ces retraités qu’il faut adapter les prélèvements sociaux grevant les revenus fonciers issus de la mise en location de leurs terres.
Appliqué à ces revenus fonciers, un taux réduit de CSG permettrait de reconnaître la vraie nature de ces revenus, qui constituent un complément de retraite, et non pas un investissement à caractère patrimonial.
Par ailleurs, le dispositif de cet amendement ne vise que les retraités agricoles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mon intervention sur les deux amendements précédents vaut également pour les amendements nos 79 rectifié ter et 837 rectifié bis.
Je le répète, le passage au taux de 8,3 % de la CSG sur les pensions s’est fait dans le cadre d’une réforme beaucoup plus globale. Il semble donc difficile de réassujettir les actifs aux cotisations qui ont été supprimées. Par conséquent, il ne paraît pas envisageable de revenir à un taux de 6,3 % pour l’ensemble des retraites.
Néanmoins, je le répète, la commission proposera de réindexer l’ensemble des pensions sur l’inflation dès 2020. Monsieur Temal, madame Lubin, ces amendements, dans leur rédaction, tendent à supprimer, sans doute involontairement, le taux de 3,8 % dont bénéficient les retraités les moins aisés.
La commission demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 354 rectifié, qui vise les retraités du monde agricole, la commission vous demande, madame Vermeillet, de bien vouloir le retirer. À défaut, elle se verrait contrainte d’émettre un avis défavorable.
En effet, si elle comprend l’intention des auteurs, à savoir la préservation du pouvoir d’achat des retraités du monde agricole, lequel est un vrai problème qui a déjà été ici longuement débattu, elle considère que cette préservation doit passer par une amélioration des pensions elles-mêmes.
Sur ce sujet, nous attendons des avancées de la part du Gouvernement, et pas par la création d’une niche dans la CSG patrimoniale qui créerait, vous vous en doutez, un dangereux précédent.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Sur ces trois amendements, le Gouvernement a le même avis que la commission.
Si l’amendement n° 79 rectifié ter, présenté par M. Rachid Temal, était adopté, le taux de CSG des retraités les plus modestes, qui est de 3,8 %, passerait à 6,3 %, ce qui ne correspond pas, me semble-t-il, à votre objectif.
Je demande donc le retrait de ces trois amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Monsieur le secrétaire d’État, sans doute y a-t-il un problème de forme, ce que je suis prêt à entendre.
Toutefois, dans ce cas, vous pourriez accepter l’amendement présenté par Mme Lubin, ce qui tendrait à démontrer que, certes, il existe un problème de forme, mais que, sur le fond, vous êtes d’accord.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Lubin, pour explication de vote.
Mme Monique Lubin. Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour évoquer les retraites agricoles, même si ce n’est pas tout à fait le sujet de ce texte.
Avec mon collègue Franck Montaugé, nous avions envisagé de déposer un amendement pour parler de nouveau de ces retraites agricoles. Toutefois, pour des raisons qui parfois m’échappent, il semblerait que cela ne soit pas possible.
Je le rappelle, nous avons essayé de voter un texte, mais nous en avons été empêchés voilà déjà quelques mois. On nous annonce une revalorisation des retraites agricoles dans le cadre de la grande réforme des retraites, qui arrivera peut-être un jour, même si nous ne savons pas dans quelles conditions.
En tout état de cause, certains agriculteurs de notre pays touchent des retraites absolument dérisoires. Or on nous demande d’attendre encore cinq ans de plus ! La plupart d’entre eux, même s’ils ne se bercent plus d’illusions, ne peuvent pas attendre si longtemps.
J’ose espérer que, si cette réforme des retraites continue à patiner comme elle le fait, nous pourrons au moins évoquer de nouveau la retraite des agriculteurs et trouver le moyen de prendre les mesures, réelles et importantes, qu’ils attendent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Je souhaitais également évoquer cette proposition de loi, qui a fait consensus ici, relative à la revalorisation des pensions des retraites agricoles.
Je vous l’avoue, je m’inquiète que ce sujet ne soit absolument pas abordé dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Certes, nous sommes en train d’examiner la possibilité d’une exonération, mais cette dernière n’a rien à voir avec une revalorisation des pensions. Je souhaite donc savoir où l’on en est, et quel impact ce sujet aura sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet, pour explication de vote.
Mme Sylvie Vermeillet. Ayant bien entendu les arguments de M. le rapporteur général, je retire l’amendement n° 354 rectifié, madame la présidente.
Simplement, il convient de ne pas attendre la réforme des retraites pour la revalorisation des retraites agricoles. Ce serait intenable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. L’amendement n° 354 rectifié est retiré.
La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Pour soutenir les propos de ma collègue Monique Lubin, je souhaite revenir sur les conditions du rejet de l’amendement nous avions proposé.
Cet amendement était strictement identique à celui que nous avions déposé voilà deux ans. Pourtant, il a été rejeté au titre de l’article 40 de la Constitution, alors qu’il ne visait à provoquer aucune aggravation de charges dans le budget, puisque le financement prévu était assis sur une augmentation de 0,1 % de la taxe sur les transactions financières.
J’ai donc du mal à comprendre qu’un amendement identique ait pu être examiné en séance, puis rejeté – c’est la démocratie ! – voilà deux ans, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, alors qu’il tombe sous le coup de l’article 40 de la Constitution aujourd’hui. C’est incompréhensible !
Le sujet des retraites agricoles est dramatique, puisque les retraités sont confrontés à des conditions sociales indignes, de notre fait à tous, d’ailleurs. Mais le recours à l’article 40 de la Constitution est également à déplorer sur d’autres textes. Il est parfois difficile de comprendre l’interprétation qui en est faite.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je souhaite revenir sur les hausses de CSG qui ont été appliquées l’an dernier et sur les conséquences négatives qu’elles ont pu entraîner.
Ponctionner davantage les revenus des retraités, c’est méconnaître le rôle charnière que jouent, notamment, les jeunes retraités dans notre société. Ils aident très souvent leurs enfants, qui sont des jeunes adultes et peuvent se trouver en difficulté. Ils donnent beaucoup aux associations ; ils donnent beaucoup d’eux- mêmes dans la société ; ils prennent très souvent en charge leurs parents.
Je m’interroge donc sur les impacts en cascade, pour notre société tout entière, d’une telle décision. Je ne suis pas sûre que le fait d’avoir mis en place cette hausse de CSG apporte un réel bénéfice à notre société.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 79 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 837 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 270 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez, Dantec et Gold, Mme Jouve et MM. Labbé, Requier, Roux, Vall et Cabanel.
L’amendement n° 392 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Decool, Fouché, Guerriau, Wattebled, Laufoaulu, Chasseing, Malhuret et Capus, Mme Mélot et M. Lagourgue.
L’amendement n° 403 rectifié ter est présenté par M. Duplomb, Mmes Férat et Primas, MM. Bas, Gremillet, Priou, Poniatowski, Raison et Schmitz, Mme Troendlé, MM. Joyandet, Savin, Adnot et Sol, Mmes Lassarade et Deseyne, MM. H. Leroy, Mouiller, Bascher, Bazin, Babary, Lefèvre, Karoutchi, Piednoir et Paul, Mmes Lherbier et Deromedi, M. Cambon, Mmes Richer, Malet, Bonfanti-Dossat et Chain-Larché, M. Chatillon, Mmes Micouleau et Goy-Chavent, MM. D. Dubois, Longeot et Maurey, Mme Perrot, MM. P. Martin et Luche, Mmes Loisier, Billon, Vullien et Guidez et MM. Bonnecarrère, Janssens, D. Laurent et Pellevat.
L’amendement n° 870 rectifié est présenté par MM. Tissot, Montaugé et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et Joël Bigot, Mme Blondin, MM. M. Bourquin, Daudigny, Durain, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, MM. P. Joly et Jomier et Mmes Lepage, Lubin, Monier, Perol-Dumont, Préville et Rossignol.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés : Après l’article 9 Insérer un article additionnel ainsi rédigé : I. – L’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié : 1° Au III ter, la référence : « III bis » est remplacée par les références : « , III bis, IV et V » ; 2° Les IV et V sont ainsi rétablis : « IV. – Par dérogation au I et au V, sont également assujettis à la contribution sociale au taux de 3,8 %, les revenus mentionnés à l’article L. 136-6 perçus par les personnes percevant par ailleurs des revenus mentionnés aux 1° et 4° du II de l’article L. 136-1-2 et dont : « 1° D’une part, les revenus définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts perçus l’avant-dernière année excèdent 11 128 € pour la première part de quotient familial, majorés de 2 971 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 13 167 € pour la première part, majorés de 3 268 € pour la première demi-part et 2 971 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 13 768 €, 3 417 € et 2 971 € ; « 2° D’autre part, les revenus définis au IV du même article 1417 perçus l’avant-dernière ou l’antépénultième année sont inférieurs à 14 548 € pour la première part de quotient familial, majorés de 3 884 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 15 915 € pour la première part, majorés de 4 271 € pour la première demi-part et 3 884 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 16 672 €, 4 467 € et 3 884 €.
« V.- Par dérogation au I, sont assujettis à la contribution sociale au taux de 6,6 %, les revenus mentionnés à l’article L. 136-6 du présent code perçus par les personnes dont les revenus de l’avant-dernière année, définis au IV de l’article 1417 du code général des impôts : « 1° D’une part, excèdent 14 548 € pour la première part de quotient familial, majorés de 3 884 € pour chaque demi-part supplémentaire. Pour la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion, les montants des revenus sont fixés à 15 915 € pour la première part, majorés de 4 271 € pour la première demi-part et 3 884 € pour chaque demi-part supplémentaire à compter de la deuxième. Pour la Guyane et Mayotte, ces montants sont fixés, respectivement, à 16 672 €, 4 467 € et 3 884 € ; « 2° D’autre part, sont inférieurs à 22 580 € pour la première part de quotient familial, majorés de 6 028 € pour chaque demi-part supplémentaire. » II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 270 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. Aujourd’hui, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, c’est-à-dire les terres arables, les prairies, les zones humides ou même les forêts, n’est pas particulièrement avantageuse.
Pour les agriculteurs à la retraite qui ont travaillé toute leur vie sur ses terres, ce patrimoine foncier est un complément de revenu indispensable, d’autant que, nous le savons tous, leur retraite n’a toujours pas été revalorisée.
Notre collègue Sylvie Vermeillet évoquait des retraites agricoles d’un montant de 902 euros nets par mois. C’est parfois bien moins, nous l’avions vu lors de l’examen de la proposition de loi du groupe CRCE, que nous soutenions à l’unanimité. Nous avions alors été empêchés par le Gouvernement d’aller plus loin.
Pour ces retraités agricoles, il est nécessaire d’adapter les prélèvements sociaux grevant les revenus fonciers issus de la mise en location de leurs terres. L’alignement des taux des prélèvements sociaux pour ces revenus fonciers sur ceux qui sont appliqués aux retraités permettrait de reconnaître la vraie nature de ces revenus, à savoir celle d’un complément de retraite et non d’un investissement à caractère patrimonial.
Il me semble légitime que ces revenus fonciers bénéficient des mêmes taux réduits de CSG que ceux qui sont appliqués aux retraites les plus faibles, pour que les propriétaires les plus modestes soient soutenus.
N’attendons pas, mes chers collègues, l’hypothétique revalorisation des retraites agricoles par le Gouvernement ! Nous pouvons agir dès ce soir en faveur de nos agriculteurs à la retraite.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 392 rectifié ter.
M. Franck Menonville. Pour les retraités agricoles les plus modestes, les revenus issus de la location de leurs terres représentent un véritable complément de retraite, en ce qui concerne tant le montant perçu que la nature des revenus.
De ce fait, cet amendement vise à faire bénéficier des taux réduits de CSG l’ensemble des revenus des retraités, pourvu bien évidemment que ce cumul de revenus n’excède pas les plafonds actuellement prévus pour l’application de ces taux.
Cet amendement est donc un véritable levier de justice sociale pour les retraités agricoles, aux effets concrets et, surtout, rapides.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour présenter l’amendement n° 403 rectifié ter.
M. Daniel Gremillet. Je tiens à ajouter deux points.
Tout d’abord, comme cela a été évoqué tout à l’heure, il y a presque un an, l’urgence à revaloriser les retraites agricoles faisait l’unanimité au Sénat. Aujourd’hui, plus d’un tiers des retraités agricoles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Il faut que nous puissions reconnaître ces femmes et ces hommes qui ont tant donné à notre pays : il y va de leur dignité.
Ensuite, voilà quelque temps, on a, par un artifice contestable, retiré au Sénat sa capacité de décider. Aujourd’hui, nous avons l’occasion d’agir et de permettre à ces femmes et ces hommes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté de bénéficier d’un accompagnement.
Il ne s’agit pas d’une fuite en avant : cet accompagnement est mesuré, le bénéfice du dispositif étant circonscrit aux familles les plus modestes.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 870 rectifié.
M. Franck Montaugé. Je ne vais pas paraphraser les arguments développés par mes trois collègues.
Je veux simplement renchérir sur les propos de Daniel Gremillet : compte tenu de la situation des retraités agricoles, qui sont souvent en grande difficulté, il faut saisir toutes les occasions de les aider.
Nous tenons là un dispositif simple, transparent, compréhensible par tous, équitable et juste. Certes, il n’est pas à la hauteur du problème, mais il convient de le voter, ensemble. Ce sera un petit signe, même insuffisant, en direction de ces retraités, qui méritent la reconnaissance de la Nation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je me suis déjà exprimé sur la question des retraites agricoles lors de l’examen du précédent amendement.
Nous comprenons parfaitement l’intention des auteurs de ces quatre amendements, qui est de préserver le pouvoir d’achat des retraités du monde agricole. Je crois que nous sommes tous d’accord sur ce point. C’est un vrai problème, qui préoccupe le Sénat, et en particulier la commission.
Toutefois, comme je l’ai dit tout à l’heure, cela ne doit pas passer par une amélioration des pensions elles-mêmes, sujet sur lequel nous attendons des réponses de la part du Gouvernement. On nous les annonce dans le cadre de la réforme des retraites.
Je pense sincèrement, pour l’avoir entendu lors de nombreuses réunions et de plusieurs colloques qui se sont tenus au Sénat, que le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye est tout à fait convaincu de la nécessité de donner un véritable coup de pouce aux pensions et aux retraités agricoles.
Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que l’on résoudra le problème en créant une nouvelle niche dans la CSG patrimoniale. Ce serait établir un dangereux précédent pour les finances sociales, que nous sommes aussi chargés de défendre.
Pour ces raisons, même si nous comprenons parfaitement les arguments avancés, je sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ajoute qu’une telle exonération porterait atteinte au principe d’universalité des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.
Je confirme à M. le rapporteur général que, pour le Gouvernement, la question du niveau des pensions de retraite, notamment dans le secteur de l’agriculture, doit trouver sa réponse dans la réforme systémique des retraites qui sera présentée dans les prochains mois. (Vives exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)
M. René-Paul Savary. Arrêtez !
M. Pierre Cuypers. Vous vous moquez du monde !
M. Rachid Temal. La réforme s’appliquera peut-être quand ils seront grands-pères !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement demande donc le retrait de ces amendements, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
M. Daniel Gremillet. Monsieur le secrétaire d’État, on nous a déjà fait le coup ! Quelques sénatrices et sénateurs ont pu participer au petit-déjeuner organisé par la MSA, voilà quinze jours, pour nous communiquer un certain nombre d’informations sur la situation sociale des agriculteurs.
Nous parlons souvent, ici, des suicides des agriculteurs. Les chiffres sont terribles : aujourd’hui, le nombre des suicides est supérieur à un par jour. (Sensation.) Au reste, plus de 50 % des agriculteurs qui se suicident sont des retraités agricoles – même au Sénat, je crois que nous n’en étions pas conscients.
La retraite moyenne serait de 900 euros, mais, en réalité, un grand nombre de retraités agricoles n’ont aujourd’hui même pas 500 euros de retraite par mois pour vivre.
Mon amendement ne constitue pas une fuite en avant. Il ne vise pas à proposer une solution générale. Son objet est uniquement de traiter la situation des retraités les plus modestes. Toutefois, son adoption nous permettrait de regarder ces femmes et ces hommes dans les yeux et de les aider à retrouver leur dignité. Pour cette raison, je le maintiens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je suis quelque peu surpris par vos propos, monsieur le secrétaire d’État.
Alors que le problème dont nous débattons concerne les retraités d’aujourd’hui, vous nous parlez d’une réforme qui s’appliquera éventuellement à partir de 2025,…
M. Rachid Temal. Si ce n’est 2040 !
M. René-Paul Savary. … autrement dit pour les futurs retraités.
Personnellement, je connais bien les difficultés du régime agricole – il en existe également, hélas, dans d’autres régimes. Il serait temps, monsieur le secrétaire d’État, de prendre les mesures paramétriques à même de redresser la courbe, alors que le déficit s’accumule d’année en année. Or la réforme à venir ne propose aucune mesure permettant de rétablir la situation.
Le rapport du Conseil d’orientation des retraites, qui sera remis le 20 novembre prochain dans le cadre de la réforme, précisera le montant exact de ce déficit prévisionnel.
Si vous ne prenez pas des mesures paramétriques dès maintenant, comment comptez-vous donner confiance à nos concitoyens dans cette réforme sociétale ? Je vous invite à prendre en compte les difficultés du monde agricole, mais également les autres problèmes du système de retraites actuel, de façon à proposer un ensemble cohérent.
Quoi qu’il en soit, si le problème ne peut être réglé aujourd’hui au travers de ces simples amendements, il ne le sera sûrement pas non plus par la prévision d’une réforme encore très hypothétique à ce jour.
M. Jean-François Husson. On se fiche du monde !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je soutiens évidemment ces amendements.
Le Sénat avait voté le principe d’une retraite au moins égale à 1 000 euros, compensée à l’horizon 2020 ou 2021.
Ces amendements visent à apporter, pour les agriculteurs ayant travaillé toute leur vie, un revenu complémentaire à leur retraite, qui s’élève à 900 euros, voire moins. Leur dispositif est simple : il s’agit de tenir compte des seuils existants en matière de CSG en incluant les revenus fonciers dans un revenu global. (M. Franck Menonville applaudit.)
M. Jean-François Husson. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je voterai cet amendement, en ayant conscience que son adoption ne réglera pas le problème essentiel, qui est celui du niveau des petites retraites en France, en particulier celles des agriculteurs, largement indignes, surtout compte tenu des efforts que les intéressés ont fournis dans leur travail et pour la Nation.
Je rappelle que, hier, nous avons défendu un amendement visant à récolter des recettes supplémentaires au moyen d’une cotisation assimilable à la CSG supplémentaire sur les profits, bénéfices et dividendes versés aux grandes multinationales françaises. Je ne reviendrai pas sur le débat que cet amendement a provoqué.
Quoi qu’il en soit, toutes les réformes des retraites menées depuis quelques années n’ont fait qu’affaiblir les petites retraites et n’ont en rien réglé le problème de leur montant.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas dupes. Votre réforme ne permettra pas de garantir un niveau correct de retraite à la plupart de nos concitoyens à l’avenir. Vous ne nous ferez pas croire qu’elle réglera le problème des retraites agricoles : quand il faut diviser la même somme globale entre un nombre croissant de retraités, il ne peut y avoir que des reculades.
Oui, nous exigeons une revalorisation des petites retraites. Oui, nous attendons une revalorisation des retraites agricoles, notamment des petites retraites agricoles, et la prise en compte des conjoints.
En tout état de cause, le Sénat doit envoyer un signal politique. Notre pays ne peut pas laisser tant d’agriculteurs avec un niveau de survie inférieur à ce qu’exige la dignité compte tenu de la situation actuelle.
On nous dit que la méthode n’est pas la bonne, mais c’est ce que l’on nous dit à chaque fois ! Aujourd’hui, nous avons un dispositif. Votons-le ! Attachons-nous au signal politique, et non à la qualité technique de la réponse.
M. Antoine Lefèvre. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Victorin Lurel, pour explication de vote.
M. Victorin Lurel. Je veux simplement apporter une précision.
La pension moyenne serait de 902 euros par mois, nous dit-on. Hélas, ce n’est pas mon expérience ! Je puis vous dire que, dans les outre-mer, les derniers chiffres font état d’une pension moyenne entre 350 et 500 euros.
M. le secrétaire d’État nous invite à attendre la belle réforme qu’il nous prépare, sans que nous sachions, d’ailleurs, à quelle date cette réforme entrerait en vigueur.
M. Rachid Temal. Ni de quelle réforme l’on parle ! Tout le monde n’a pas la même vision au sein du Gouvernement…
M. Victorin Lurel. Effectivement, quelle est l’économie générale de cette réforme ?
Les problèmes du présent sont renvoyés à des réformes hypothétiques – peut-être pour 2025, 2035, voire 2040…
Pour notre part, nous parlons du présent, de l’existant. Les agriculteurs ont parfois consacré toute leur vie à leur exploitation. Or je puis vous dire que, compte tenu des modalités très complexes de calcul des retraites dans les outre-mer, où la MSA n’existe pas – je pense notamment à la forfaitisation –, aucun retraité du secteur agricole n’y touche 900 euros de pension.
Il y a urgence à régler le problème, raison pour laquelle nous voterons ces amendements.
M. Rachid Temal. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je veux compléter les propos de ma collègue Marie-Noëlle Lienemann.
Je suis tout à fait d’accord sur la nécessité d’envoyer un signal politique. Cela dit, je veux tout de même attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que la situation que nous dénonçons existe depuis quelques dizaines d’années. Les réformes des retraites successives n’y ont rien changé.
Des protestations s’élèvent depuis toutes les travées de notre hémicycle. Soit ! J’espère en entendre l’écho lorsque nous examinerons la réforme des retraites… En effet, la majorité du Sénat tend plutôt à penser qu’il faut travailler plus longtemps et donc à proposer de reculer l’âge de la retraite. Ni la réforme de la majorité de droite du Sénat ni celle du Gouvernement ne régleront la question des petites retraites.
Je suis d’accord pour que l’on envoie un signal politique, mais pas pour que l’on se donne bonne conscience.
À cet égard, permettez-moi de rappeler, à la suite de ma collègue Michelle Gréaume, que nous avions déposé une proposition de loi prévoyant que les retraites agricoles ne pouvaient pas être inférieures à 80 % du SMIC – nous avons déposé sur le PLFSS un amendement ayant le même objet, mais celui-ci a été retoqué au titre de l’article 40 de la Constitution. Si tous les sénateurs avaient soutenu notre initiative, à l’époque, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui…
Au-delà des signaux politiques, n’oublions pas les petits salaires et les petites retraites au moment de voter les réformes qui aggravent les conditions de vie des citoyens et des citoyennes de ce pays !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour explication de vote.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le secrétaire d’État, je vous demande un petit moment de lucidité. J’aimerais que vous parveniez à sortir de votre carcan. Nous sommes là pour vous y aider !
Je souscris complètement à tout ce qui a été dit dans cet hémicycle.
Aujourd’hui, vous manquez de mémoire, monsieur le secrétaire d’État. Faites l’effort de vous souvenir de ce que vous nous avez dit l’année dernière, à la même période, lors d’un débat très compliqué : vous vous étiez engagé à prendre en compte l’ensemble des petites retraites.
Vous étiez vous aussi présente, madame la ministre. Vous aviez alors affirmé que cette question serait étudiée dans un cadre plus général. Or, aujourd’hui, vous la renvoyez à la réforme globale des retraites ! D’année en année, de mois en mois, de semaine en semaine, le report semble la règle.
Madame la ministre, accepteriez-vous de travailler cinquante, voire soixante ans dans une exploitation agricole pour toucher une retraite de 350 euros ? Je pense que non. L’année dernière, je vous avais posé la question, mais vous ne m’aviez pas répondu ; le ministre de l’intérieur l’avait fait à votre place.
Il est conforme aux valeurs de la République de respecter ceux qui travaillent dur dans l’intérêt des Français.
Par conséquent, même si ces amendements ne sont pas parfaits, même s’ils sont loin d’être suffisants, ils méritent d’être adoptés. Faisons tous un effort pour les voter ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je maintiendrai mon amendement, monsieur le rapporteur général.
Je suis quelque peu choquée par le fait que vous nous accusiez de créer une niche. Nous ne sommes pas en train d’organiser une évasion fiscale à hauteur de plusieurs milliers d’euros pour chaque agriculteur retraité ! Nous souhaitons simplement leur donner un tout petit pouvoir d’achat supplémentaire. Nous leur devons ce signe positif.
« Mieux vaut tenir que courir » : monsieur le secrétaire d’État, je pense que vous connaissez ce célèbre adage. Malgré vos promesses sur les retraites agricoles, je ne puis qu’encourager mes collègues à voter ces amendements, ce soir, pour nos agriculteurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.
Mme Angèle Préville. Je voterai bien évidemment ces amendements.
C’est un fait que les retraités agricoles sont souvent dans des situations difficiles. Il est de notre rôle de soutenir de tels amendements. Nous avions voté, voilà plus d’un an, la revalorisation des retraites agricoles. Pour l’instant, le Gouvernement ne présente rien de concret pour mettre un terme à ces situations inacceptables.
S’y ajoute le risque, mentionné par certains intervenants, que certaines terres agricoles deviennent des terrains à bâtir. De fait, on peut comprendre que les retraités agricoles en grande difficulté cherchent à bénéficier d’un supplément de revenus. Ce risque est très élevé. Il en résulterait une artificialisation accrue des sols, tout à fait dangereuse.
C’est donc en responsabilité que je voterai ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 270 rectifié bis, 392 rectifié ter, 403 rectifié ter et 870 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.) – (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE, Les Indépendants et SOCR.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 9.
L’amendement n° 597, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du 2° du II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons, avec cet amendement, de relever la contribution patronale sur le dispositif d’actions gratuites, contrairement à ce qui a été adopté dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale. En effet, nous pensons qu’il n’y a aucune raison d’alléger davantage la contribution patronale, sauf à reconnaître la volonté du Gouvernement et de sa majorité de grever toujours plus le budget de la sécurité sociale.
Le dispositif concerné, dont l’objectif affiché est de fidéliser davantage les salariés et mandataires sociaux d’une société, contourne, en réalité, la vraie question, qui est celle de l’amélioration des conditions salariales et des conditions de travail.
Si une entreprise souhaite vraiment garder ses salariés, elle devrait avant tout songer à augmenter les salaires – c’est d’ailleurs ce que nous n’avons de cesse de demander au Gouvernement au travers des amendements que nous défendons depuis tout à l’heure.
Elle peut également mettre en place des dispositifs réellement incitatifs, comme prévoir une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée ou associer de manière plus effective les salariés à la vie économique de l’entreprise. En fait, l’entreprise peut mieux faire sur de nombreux sujets pour attirer et fidéliser les salariés.
Nous estimons que le dispositif d’actions gratuites n’a pas à peser davantage sur le budget de la sécurité sociale.
Le montant des recettes que l’adoption de notre amendement permettrait de recouvrer s’élèverait, mes chers collègues, à 120 millions d’euros par an.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le taux de la contribution a déjà changé à trois reprises depuis 2015, donnant un bel exemple d’instabilité fiscale.
Par ailleurs, la loi de finances pour 2017 a profondément revu le régime fiscal et social applicable aux bénéficiaires du dispositif. Ainsi, l’assujettissement aux prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux salaires a déjà réduit fortement l’attractivité de ce dernier.
Pour ces raisons, nous émettons un avis défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mme Vermeillet, M. Le Nay, Mmes N. Goulet et Noël, MM. Louault, Guerriau et Panunzi, Mme de la Provôté, MM. Morisset et Pellevat, Mmes C. Fournier et Bonfanti-Dossat, MM. Canevet, Chasseing, Wattebled, Chatillon et Kern, Mme Billon et MM. Bonhomme, Longeot, Janssens, Moga et Laménie, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – La section 13 du chapitre 7 du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est abrogée.
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Cet amendement d’appel vise à supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Je suis tout étonnée que cet amendement ait passé le filtre de l’article 40… (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je le retirerai sans difficulté si on me le demande.
Je voulais simplement attirer l’attention de notre Haute Assemblée sur le caractère nocif et contre-productif de la C3S.
Le Conseil d’analyse économique (CAE) a relevé cet effet nocif en série sur toute la chaîne de production des entreprises françaises : à chaque élément de la chaîne de production, la C3S pénalise la compétitivité de nos entreprises. Le CAE estime que la suppression de la C3S permettrait de réduire le déficit de la balance commerciale de plus de 5 milliards d’euros.
Cette contribution n’existe pas dans les autres pays européens, ce qui entrave de manière importante la compétitivité de nos entreprises.
À mes yeux, supprimer la C3S, c’est permettre aux entreprises françaises d’augmenter les exportations, de diminuer les importations de biens intermédiaires, donc d’augmenter leurs bénéfices, l’impôt sur les sociétés et la TVA.
En contrepartie de la suppression de la C3S et des hausses d’impôt sur les sociétés et de TVA qui en résulteraient, il serait opportun de réduire, voire de supprimer certains allégements de charges patronales, notamment sur les salaires supérieurs à 1,6 fois le SMIC, dont l’efficacité n’est pas démontrée, et, ainsi, de compenser la perte de recettes pour la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ma chère collègue, la suppression de la C3S coûterait 4 milliards d’euros à la branche vieillesse, dont l’équilibre financier est déjà précaire, ainsi que nous l’avons rappelé tout à l’heure. Il me semble difficile d’envisager une compensation de cette nature par le Gouvernement, en tout cas dans l’immédiat.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. M. le rapporteur général parle d’or : comme lui, je sollicite le retrait de l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. Madame Vermeillet, l’amendement n° 31 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Monsieur le rapporteur général, vous vous doutez bien que je ne prévoyais pas de supprimer la C3S sans imaginer de compensation pour le budget de la sécurité sociale.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous sommes d’accord !
Mme Sylvie Vermeillet. C’était un amendement d’appel.
Bien entendu, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 31 rectifié est retiré.
L’amendement n° 343 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier, Roux, Vall et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section XX du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un article 235 ter … ainsi rédigé :
« Art. 235 ter …. – Est instituée une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD. Cette taxe additionnelle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la taxe prévue au même article 235 ter ZD. Son taux est fixé à 0,1 %. Son produit est affecté à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole mentionnée à l’article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime. »
La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Cet amendement, voulu par notre collègue Françoise Laborde et soutenu par une grande majorité de mes collègues du RDSE, tend à s’inscrire dans un contexte de profond désarroi du monde agricole. Beaucoup a été dit tout à l’heure à ce sujet. Une nouvelle prière ne sera pas de trop pour faire éventuellement plier le Gouvernement…
La faiblesse du montant des retraites agricoles est telle que ceux qui n’ont pas de capital à la fin de leur carrière peuvent basculer dans la pauvreté, alors même qu’ils ont travaillé toute leur vie. Le montant moyen de la pension versée à un agriculteur retraité est, en effet, inférieur au seuil de pauvreté et au montant du minimum vieillesse, puisqu’il s’élève à 766 euros par mois.
Aussi, cet amendement vise à reprendre une disposition d’une proposition de loi votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale, mais que le Sénat n’a malheureusement pas pu adopter, le Gouvernement ayant demandé un vote bloqué sur l’ensemble du texte modifié par son amendement, lequel visait à reporter cette réforme à 2020.
Il s’agit d’assurer de nouvelles ressources à destination de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole et de concrétiser l’engagement du Président de la République de porter la retraite agricole minimale à 85 % du SMIC.
Certes, le haut-commissaire aux retraites préconise cette revalorisation, ce dont nous pouvons nous réjouir, mais celle-ci ne bénéficierait qu’aux agriculteurs partant à la retraite à partir de 2025. Or il nous semble qu’elle est une urgence pour l’ensemble des retraités.
Parce qu’il n’est pas pensable d’attendre 2025, nous vous proposons de modifier le système actuel, afin de garantir des pensions décentes aux retraités agricoles. Pour ce faire, monsieur le secrétaire d’État, madame la ministre, nous sollicitons l’extrême bienveillance du Gouvernement et l’appui de l’ensemble de nos collègues.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mon cher collègue, la commission sollicite le retrait de cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel. En effet, l’impact de la taxe additionnelle que vous proposez correspond à une hausse d’un tiers de la TCA. Il mérite d’être soigneusement évalué. Au reste, son lien avec les retraites agricoles ne saute pas véritablement aux yeux.
Pour autant, cette proposition soulève une nouvelle fois la question de la revalorisation des retraites agricoles, qui est un vrai sujet, auquel, une fois de plus, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Gouvernement apporte des réponses immédiates. Vous plaidez pour une requalification des retraites agricoles dans le cadre de la réforme systémique ; il n’en demeure pas moins que le problème doit être réglé dès à présent.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de cet amendement, pour les raisons évoquées par M. le rapporteur général. Celui-ci nous a de nouveau interrogés ; j’y insiste, nous ne pouvons pas régler la question des retraites agricoles ce soir, à l’occasion de ce PLFSS.
Nous sommes conscients des besoins, ainsi que des divergences qui peuvent exister sur les moyens d’atteindre l’objectif. Cependant, le travail continue. Il faudra, indépendamment, d’ailleurs, de la seule réforme systémique, pouvoir trouver ces réponses au cours des prochains mois.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour explication de vote.
M. Guillaume Arnell. Monsieur le rapporteur général, monsieur le secrétaire d’État, je vous ai compris…
L’adoption de cet amendement aurait certes un coût, mais mon objectif était que nous adressions un signal fort aux retraités agricoles. Je comprends que la discussion continue. Il est urgent de trouver les voies et moyens de répondre, sans attendre la grande réforme des retraites, à la terrible souffrance du monde agricole ! Dans cinq ans, monsieur le secrétaire d’État, je suis sûr que vous vous mordrez les doigts…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, lors des réunions que le haut-commissaire et moi-même avons tenues avec les syndicats agricoles pour préparer la réforme des retraites, ce problème a souvent été abordé.
Force est de constater que nombre d’agriculteurs ne recourent pas au minimum vieillesse par peur d’une reprise sur succession qui frapperait leur bien de production. Or l’outil de production agricole est désormais totalement protégé.
Avec les syndicats d’agriculteurs, nous sommes donc convenus qu’il était impératif de mieux informer les agriculteurs, via la MSA, mais aussi les syndicats eux-mêmes, que nombre d’entre eux peuvent accéder au minimum vieillesse sans risque pour leur outil de travail. (M. Guillaume Arnell opine.) Monsieur le sénateur, là est l’urgence dans la période intermédiaire que vous évoquez.
M. Guillaume Arnell. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 343 rectifié bis est retiré.
Article 9 bis (nouveau)
I. – La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles est supprimée.
II. – Le 9° ter de l’article 81 du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 9° ter a. La prestation de compensation servie en application des dispositions de l’article L. 245-1 du code de l’action sociale et des familles ;
« b. Les sommes perçues à titre de dédommagement par les aidants familiaux dans les conditions définies à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles ; ».
III. – La section 1 du chapitre VI du titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi modifiée :
1° Au 9° du I de l’article L. 136-1-3, les mots : « à l’exception du » sont remplacés par les mots : « y compris le » ;
2° Au II bis de l’article L. 136-5, les mots : « ainsi que sur le dédommagement mentionné à l’article L. 245-12 du code de l’action sociale et des familles, » sont supprimés.
IV. – Le III s’applique à l’impôt sur le revenu dû au titre de l’année 2020 et des années suivantes.
Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
IV. – Les dispositions du présent article sont applicables aux revenus perçus ou réalisés à compter du 1er janvier 2019.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’application des dispositions du présent article aux revenus perçus ou réalisés en 2019 est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission propose que l’exonération de CSG, de CRDS et d’impôt sur le revenu du dédommagement perçu par les aidants familiaux au titre de la prestation de compensation du handicap s’applique aux revenus perçus ou réalisés en 2019.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’exonération de cotisations et la défiscalisation de l’indemnité de congé du proche aidant, proposées par le Gouvernement, ont été votées par l’Assemblée nationale à l’unanimité, pour une application à compter de 2020.
Monsieur le rapporteur général, vous proposez de les appliquer aussi aux revenus de 2019. Le Gouvernement en est d’accord : l’application de la mesure sera ainsi plus rapide, et les proches aidants n’auront pas à déclarer les indemnités perçues cette année, ce qui contribuera à simplifier le dispositif.
J’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. Le Gouvernement lève-t-il le gage ?
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 171 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 9 bis, modifié.
(L’article 9 bis est adopté.)
Article 9 ter (nouveau)
L’article 1613 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au b du I, la référence : « , n° 1601/91 du Conseil du 10 juin 1991 » est supprimée ;
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. – Le tarif de la taxe mentionnée au I est fixé à :
« 1° 3 € par décilitre d’alcool pur pour les boissons définies à l’article 435 ;
« 2° 11 € par décilitre d’alcool pur pour les autres boissons. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, sur l’article.
Mme Véronique Guillotin. L’article 9 ter étend la taxe dite « premix » aux mélanges à base de vin.
Or le vin est bien un alcool comme les autres, et l’extension prévue est cohérente avec les taxes précédentes. L’alcool constitue un lourd fardeau sanitaire pour notre pays. Il tue 41 000 personnes par an, ce qui représente 7 % du total des décès. Après un siècle de diminution, la consommation d’alcool stagne dans notre pays, et les Français demeurent parmi les plus gros consommateurs au monde.
Les études sérieuses prouvent que les effets bénéfiques de certains composants du vin, comme les tanins, sont réduits par ses effets délétères, comme l’a récemment rappelé le directeur général de Santé publique France.
Les mélanges de vins et d’alcools sucrés sont des produits attractifs et piégeurs, car ils sont agréables à boire, le goût de l’alcool étant masqué par le goût sucré. Je soutiendrai donc sans réserve l’alignement, proposé par le rapporteur général, de la taxation de ces produits sur celle des premix.
Nous savons que les jeunes, qui ont le pouvoir d’achat le plus faible, sont très sensibles aux hausses de prix. La hausse du prix du tabac a prouvé l’efficacité des taxes comportementales.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Sénateur d’un département qui produit un vin très célèbre et fier de l’être, je parlerai néanmoins dans une perspective de santé publique.
L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de publier son panorama bisannuel de la santé, qui regroupe les données les plus récentes de trente-six pays, dont la France, touchant à l’état sanitaire des populations.
Si la qualité du système de santé français est plutôt mise à l’honneur – nous nous en réjouissons –, il nous reste des efforts à accomplir sur le plan de la prévention. En effet, la France est épinglée pour ses « modes de vie malsains pour la santé », à savoir sa trop grande consommation d’alcool et de tabac – nous en sommes respectivement le troisième et le quatrième pays consommateur.
Interrogé sur les premix et vinpops, Clément Guillet, addictologue au CHU de Dijon, souligne que ces boissons doivent être régulées : « Interdire ne sert à rien, donc la mesure envisagée est plutôt bonne. Cela ne va pas tout résoudre, mais cela peut limiter l’entrée dans l’alcoolisme de certains jeunes. Ils ont de petits budgets, donc augmenter le prix rend l’accès à ce genre de produits plus compliqué. » L’enjeu est bien de repousser la première consommation des plus jeunes.
Devenir alcoolique résulte de nombreux facteurs : tout d’abord, le contexte, le fait de vivre dans une famille ou un milieu où la consommation d’alcool est élevée ; la génétique peut également jouer un rôle ; les facteurs psychologiques ont aussi leur importance dans le parcours menant à l’alcoolisme chronique, le stress, l’insomnie, l’angoisse ou la dépression pouvant favoriser l’addiction sur des terrains déjà fragilisés.
On constate que les premiers produits consommés sont déterminants dans le parcours de l’addiction : un alcool peu cher et facilement accessible rend la consommation plus facile.
Le mode de consommation joue également un rôle important. Or des boissons alcoolisées qui se consomment aussi facilement que des sodas favorisent les consommations excessives, le goût du sucre atténuant un peu celui de l’alcool : on peut en boire de plus grosses quantités sans s’apercevoir que c’est fort.
Enfin, un marketing agressif vise prioritairement les jeunes et les femmes, conditionnant des usages qui peuvent conduire à la dépendance.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.
M. Bernard Jomier. Avant que nous n’entamions la discussion de cet article par l’examen d’une série d’amendements tendant à supprimer la taxe premix, je voudrais faire état de quelques données utiles pour essayer de travailler intelligemment, c’est-à-dire de concilier une filière économique avec les impératifs de santé publique.
Dans notre pays, quelque 10 % de la population consomment 58 % du volume total d’alcool, et environ 20 % en consomment 80 %. Tout le problème, c’est que l’équilibre économique de la filière est assis sur ces 10 % à 20 % de consommateurs excessifs, ceux que les acteurs de la santé publique cherchent à toucher pour qu’ils réduisent leur consommation. Si l’on continue à essayer de supprimer les mesures destinées à protéger, l’affrontement va se poursuivre.
Nous devons nous mettre d’accord pour protéger les personnes vulnérables, celles précisément que les premix visent : les femmes enceintes, les jeunes, les adolescents et les enfants – oui, mes chers collègues, des campagnes sont menées en direction des enfants de 4 à 14 ans ! Je remercie la secrétaire d’État qui, mardi dernier, répondant à ma question orale, a désapprouvé de façon très claire ces campagnes néo-marketing.
Je suis un partisan du dialogue avec nos collègues viticulteurs et avec l’organisation représentant le monde viticole. Avec les présidents des fédérations de santé publique, je me suis déjà assis autour d’une table pour essayer de trouver une solution.
Ce qui est sûr, c’est que la solution n’est pas de commencer par détricoter les mesures tendant à protéger les plus vulnérables. Il faut que nous nous mettions d’accord sur des prérequis de protection en matière de santé publique et sur la conscience partagée qu’il s’agit d’une filière économique qui a évidemment le droit d’exister, d’autant qu’elle s’inscrit dans nos territoires et nos traditions. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
Mme la présidente. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de poursuivre notre séance jusqu’à minuit trente, afin d’aller plus avant dans l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Je suis saisie de six amendements identiques.
L’amendement n° 27 rectifié bis est présenté par MM. D. Laurent, Duplomb, Pellevat et Babary, Mmes Deromedi, Lamure, Berthet et Bruguière, M. Brisson, Mme Lassarade, M. Morisset, Mme Gruny, MM. Houpert, B. Fournier, Bouchet et Savary, Mme Imbert, M. Kennel, Mme Férat, MM. J.M. Boyer, Poniatowski et Détraigne, Mmes Chain-Larché et Bories, MM. Cuypers, de Nicolaÿ, Fouché, Charon, Pointereau et Cardoux, Mmes Thomas et Primas, M. Genest, Mme Raimond-Pavero, MM. Cabanel, Louault et Lefèvre, Mme Dumas, M. Longuet, Mme Troendlé, MM. Grand, Chaize, Pierre, Vaspart, Émorine, Segouin, Huré et Chatillon, Mme Micouleau, MM. Husson, Mandelli et Schmitz, Mmes Renaud-Garabedian et Noël, M. Bouloux, Mme Perrot et MM. Longeot, Bonne et Mouiller.
L’amendement n° 277 rectifié bis est présenté par Mme N. Delattre et M. A. Bertrand.
L’amendement n° 351 est présenté par Mme Lopez.
L’amendement n° 384 rectifié ter est présenté par M. Bérit-Débat, Mmes Artigalas, Bonnefoy et Conway-Mouret, M. Gillé, Mme Harribey, M. P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Mazuir, Mme Monier et M. Montaugé.
L’amendement n° 391 rectifié est présenté par MM. Menonville, Decool, Guerriau et Wattebled.
L’amendement n° 925 rectifié bis est présenté par MM. Patriat et Rambaud, Mme Constant et MM. Dennemont, Gattolin, Buis, Marchand et Cazeau.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Laurent, pour présenter l’amendement n° 27 rectifié bis.
M. Daniel Laurent. L’article 9 ter, introduit par l’Assemblée nationale, fait évoluer la taxation des premix à base de vin. Afin de taxer les alcools de type vinpops à hauteur de 3 000 euros par hectolitre d’alcool pur, les députés ont supprimé la référence au règlement européen du 10 juin 1991 renvoyant aux « vins aromatisés, boissons aromatisées à base de vin et cocktails aromatisés de produits vitivinicoles ».
Les apéritifs aromatisés à base de vin sont issus de savoir-faire régionaux. L’aromatisation des vins est une tradition qui remonte à l’Antiquité. Songeons aux vins d’orange, aux vins de pêche, aux vins de Noël, aux vins aux noix, aux châtaignes de l’Ardèche ou à la cannelle de l’Isère.
M. François Bonhomme. Que de poésie… (Sourires.)
M. Daniel Laurent. Par ailleurs, les vins aromatisés sont strictement encadrés par le règlement européen et la loi du 26 février 2014, qui actualise les règles de définition, de description, de présentation, d’étiquetage et de protection des indications géographiques des produits vitivinicoles aromatisés.
Je ne sais pas si des simulations ont été faites, mais les recettes à attendre d’une telle taxation sont quasi nulles, aucun de ces produits n’étant économiquement en mesure d’absorber ce niveau de taxe.
D’après plusieurs études, et contrairement à ce qui vient d’être dit, ces produits sont consommés non pas par les jeunes, mais à 80 % par les plus de 35 ans et à 61 % par les plus de 50 ans. Par ailleurs, cette catégorie de produits voit ses volumes baisser de 14 % par an, avec une baisse plus marquée chez les moins de 35 ans.
Chaque fois qu’elle est reçue par le groupe d’études Vigne et vin, que je préside, la profession viticole nous rappelle son engagement total dans la mise en œuvre d’un plan de filière et la déclinaison de celui-ci en matière de prévention des consommations nocives d’alcool, en cohérence avec les deux priorités fixées par le Gouvernement : les femmes enceintes et les jeunes. Elle est également engagée auprès de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité dans une démarche de communication responsable.
Il convient de privilégier l’éducation et la prévention, plutôt que de s’orienter vers une nouvelle taxation, qui ne saurait résoudre les problèmes d’addiction et de consommation à risque.
Il en va de même, madame la ministre, de la proposition de campagne « Janvier sans alcool », qui s’inspire d’un modèle anglo-saxon et dont nous ne comprenons pas bien clairement les contours. Réaffirmons un modèle de consommation responsable conciliant art de vivre et préservation de la santé de nos concitoyens !
Tout cela participe d’une stigmatisation, ressentie comme telle par la profession viticole.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Laurent. Le contexte international est particulièrement tendu pour la filière, avec, notamment, la taxation des importations de vin aux États-Unis et le climat politique entre la Chine et Hong Kong, qui affecte les exportations. (Murmures sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. Mon cher collègue, veuillez conclure maintenant.
M. Daniel Laurent. Supprimons cette disposition, qui n’a fait l’objet d’aucune concertation avec la filière ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Gilbert Bouchet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 277 rectifié bis.
Mme Nathalie Delattre. L’article 9 ter, introduit par l’Assemblée nationale un jour au petit matin, instaure une taxe de 3 000 euros par hectolitre d’alcool pur sur les boissons vitivinicoles définies par le règlement européen du 26 février 2014.
Cette taxe s’appliquerait sur les produits présentant un taux de sucre de plus de 35 grammes par litre et un degré d’alcool inférieur à 12 degrés, soit les deux tiers des produits encadrés par le règlement européen. Mes chers collègues, 3 000 euros par hectolitre d’alcool pur, c’est un niveau de taxation supérieur à celui de la vodka !
Si l’objectif est de réduire la consommation d’alcool des jeunes en frappant des boissons qui seraient plus attractives pour eux, les chiffres contredisent cette fake news : 80 % des consommateurs de ces produits ont plus de 35 ans…
Le taux de sucre des boissons vitivinicoles n’est pas beaucoup plus élevé que le taux de sucre résiduel d’un vin moelleux, par exemple. Quant à leur taux d’alcool, il est limité, en général, à 9, voire 7 degrés.
De quoi parlons-nous ? De sangria, de kir et d’autres recettes régionales fabriquées par des sociétés françaises. Il s’agit de vins aromatisés, non de premix.
Je suis sûre, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement ne soutient pas cette initiative. Si c’était le cas, ce serait une très mauvaise nouvelle, annonciatrice d’une volonté de taxer, à terme, tous les produits vinicoles.
Mes chers collègues, n’amorçons pas un tel mouvement : supprimons cet article !
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour présenter l’amendement n° 351.
Mme Vivette Lopez. Aux arguments des deux précédents orateurs, que j’approuve, j’ajoute que l’instauration de cette taxe semble se fonder à la fois sur une méconnaissance de la nature des produits concernés et sur une erreur d’appréciation des bénéfices espérés en termes de prévention de l’alcoolisme chez les jeunes.
L’aromatisation des vins fait vivre une tradition qui remonte à des milliers d’années. Les vins produits, qui nécessitent la mise en œuvre de plus de 20 000 hectares de vignes, font partie d’une catégorie viticole bien précise et définie de longue date par le règlement européen du 26 février 2014.
Les apéritifs aromatisés à base de vin ne procèdent donc pas d’un processus de seconde main ; ils sont issus de recettes parfois ancestrales et d’un savoir-faire régional reconnu. D’ailleurs, le savoir-faire français dans la production de ce type de vins est reconnu également à l’export.
En outre, cet article ne répond pas aux objectifs du Gouvernement en matière de prévention de l’alcoolisme chez les jeunes. Comme mes collègues l’ont déjà souligné, plusieurs études montrent que ces produits sont consommés non pas par les jeunes, mais à 80 % par les plus de 35 ans et à 61 % par les plus de 50 ans.
Par ailleurs, une taxe sur des produits moins alcoolisés risque de favoriser fortement un report de la consommation vers des produits plus alcoolisés, ce que, me semble-t-il, le Gouvernement ne peut que vivement refuser.
Enfin, il s’agit encore d’une taxe supplémentaire, alors que j’avais cru comprendre que l’on ne voulait pas ajouter des taxes aux taxes…
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour présenter l’amendement n° 384 rectifié ter.
M. Franck Montaugé. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 391 rectifié.
M. Franck Menonville. Il est également défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 925 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission est défavorable à la suppression de la taxe sur les premix et mélanges à base de vin.
Le rosé sucette, le rosé pamplemousse, mandarine, fraise, cassis ou cerise sont appréciés des jeunes, car leur teneur importante en sucre masque le goût de l’alcool. Les premix sont les boissons les plus prisées des jeunes après la bière et les spiritueux.
M. René-Paul Savary. Et après la bière !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’entends certains contester ce fait, mais j’aimerais qu’ils démontrent ce qu’ils avancent.
M. Gilbert Bouchet. Vous aussi !
Mme Nathalie Delattre. Nous vous avons donné les chiffres !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, les mélanges à base de vin sont réalisés à plus de 80 % à partir de vins d’importation. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Laurent. Pas du tout !
M. Gilbert Bouchet. C’est faux !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Chers collègues, vous affirmez que c’est faux. Mais il faut le démontrer !
M. Gilbert Bouchet. Venez donc dans les vignobles !
M. Jean-François Husson. Que l’on nous apporte donc des premix… (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il n’y a qu’à voir les réactions des Italiens ou des Espagnols, par exemple, pour comprendre quelle est l’origine de ces vins. Au reste, les grandes marques de premix à base de vins le reconnaissent elles-mêmes.
Enfin, toutes les appellations d’origine protégée et indications géographiques protégées sont hors du champ d’application de la mesure. Voilà, mes chers collègues, qui est de nature à vous rassurer.
Le marché des vins aromatisés reste très limité.
M. Gilbert Bouchet. Et alors ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont surtout des majors qui seront concernées par cette taxe, dont les vins aromatisés ne représentent qu’un quantum marginal du chiffre d’affaires.
L’objectif est d’arrêter le développement de nouveaux produits clairement dirigés vers les jeunes. En effet, les packagings de ces nouvelles boissons sont très colorés et imagés, rappelant les confiseries et les fruits pour s’acheter une innocence.
Or ces produits n’ont rien d’innocent et introduisent chez les jeunes une acclimatation à l’alcool que nous devons combattre,…
M. Gilbert Bouchet. Mais puisque l’on vous dit que ce ne sont pas les jeunes qui consomment ces boissons !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … que l’on soit agriculteur-viticulteur ou autre. C’est un enjeu de santé publique.
Mme Patricia Schillinger. Tout à fait. Assez de clientélisme !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Chers collègues, permettez-moi tout de même de rapporter l’avis de la commission !
La commission est donc défavorable à tous ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Nous avions annoncé cette mesure lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année dernière. La députée Audrey Dufeu Schubert avait entrepris une réflexion sur les premix, avec le soutien du Gouvernement, soutien renouvelé cette année.
En 2010, je le rappelle, sont arrivés sur le marché ces vins dédiés aux adolescents et aux jeunes. Ce sont des boissons titrant en général à 7 ou 8 degrés et dont le sucre masque le goût de l’alcool.
Plusieurs orateurs ont entendu défendre la filière économique. À cet égard, je rejoins M. Jomier : nous devons concilier cette filière, dont nous sommes fiers sur les territoires, et les impératifs de santé publique, puisque nous savons que certains publics sont particulièrement vulnérables. Certains alcooliers ciblent les jeunes, qu’ils cherchent à faire entrer dans la consommation de plus en plus tôt. C’est parce que ces boissons sont une porte d’entrée que nous les ciblons spécifiquement.
Au reste, s’agissant des premix, on ne peut pas parler d’une filière économique. En effet, il s’agit d’un segment excessivement limité, voire marginal, de la production viticole française. Comme il a été dit, quelque 80 % des premix sont réalisés avec des vins étrangers.
En ce qui concerne l’exonération des boissons aromatisées à base de vins, celle-ci ne repose en réalité sur aucune justification en termes de santé publique. L’objectif est de taxer les boissons alcoolisées mélangées avec du sucre ou des boissons sucrées.
Par ailleurs, la taxation prévue est cohérente et adaptée, de manière à répondre à l’objectif de santé publique sans remettre en cause l’équilibre du secteur. Contrairement à ce qui a été avancé, elle ne présente pas de risque eu égard à nos engagements et touche également tous les produits, quel que soit leur lieu de production.
En outre, comme il a déjà été expliqué, la mesure ne remet pas en cause l’exonération dont bénéficient les vins aromatisés porteurs d’une indication géographique protégée (IGP), d’une appellation d’origine protégée (AOP) ou d’une appellation d’origine contrôlée (AOC). Monsieur Laurent, madame Delattre, les vins de liqueur que vous avez cités ne sont donc pas concernés.
Enfin, il est tout à fait exact que la mesure n’a pas d’intérêt en termes de recettes. L’objectif est non pas de dégager des recettes, mais, via une taxe purement comportementale, d’amener les jeunes à moins acheter ces produits, du fait de la hausse de prix. Et contrairement à ce qui a été affirmé, il ne s’agit pas d’une taxe nouvelle, mais de l’élargissement d’une taxe existante à tous les alcools.
Pour ces raisons claires, qui sont uniquement de santé publique, pour protéger notre jeunesse, je suis défavorable à l’ensemble de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Le vin fait partie de la gastronomie et de la culture françaises. Les premix, je n’en suis pas convaincu…
Par ailleurs, en tant que maire ou dans la vie, je n’ai pas rencontré de détresse beaucoup plus grande que celle des familles dont l’un des membres est touché par l’alcoolisme, surtout quand il est jeune.
À Lille, où les étudiants sont nombreux, une rue est surnommée « la rue de la soif »… (« À Rennes aussi ! » sur les travées du groupe Les Républicains.) Eh bien, je puis vous dire que l’on y voit de la tristesse, et même de la détresse.
Oui, les premix contribuent à accroître l’alcoolisation des plus jeunes. Tous les avis sont recevables, mais, à titre personnel, je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. J’ai entendu des arguments magnifiques contre la taxation envisagée. J’espère que le devoir de cohérence obligera nos collègues à voter les amendements que je défendrai à l’article suivant…
Oui, mes chers collègues, j’espère que vous serez cohérents pour refuser la destruction d’une filière économique, pour affirmer que, autant le vin fait partie de la gastronomie et de la culture franco-françaises, autant le rhum fait partie de la culture, mais aussi de l’économie et du patrimoine, de la Martinique et de la Guadeloupe.
M. Gilbert Bouchet. Bien sûr !
Mme Catherine Conconne. Or qu’a-t-on fait l’année dernière ? Un massacre en règle !
Sous prétexte que nous serions les plus grands buveurs d’alcool au monde, alors que 18 % seulement de la production de rhum est consommée en Martinique même – le reste est emporté par des touristes dans leur valise ou exporté dans plus de 120 pays de par le monde –, on a fait souffrir une production présentant néanmoins les plus belles conditions de développement que l’on peut attendre d’une production endogène.
Oui, il s’agit d’un véritable massacre fiscal : 168 euros par hectolitre en 2020, quelque 246 euros en 2021 et jusqu’à 557 euros en 2025 !
Je n’en dirai pas davantage, pour ne pas déflorer mon sujet.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. C’est déjà fait…
Mme Catherine Conconne. Vraiment, je compte sur vous, mes chers collègues, pour soutenir,…
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Sûrement pas !
Mme Catherine Conconne. … par cohérence avec les beaux arguments que vous venez de développer au sujet des premix, faits à partir de vins de je ne sais où – ce n’est pas la question –, les amendements que je défendrai contre la taxation inique qui a causé un tort grave à la filière du rhum martiniquais et brouillé totalement les professionnels avec les élus et le Gouvernement.
À tout à l’heure ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je voudrais dire à mes collègues qui ont exprimé leur attachement au terroir et au vin de ne pas se fourvoyer dans ce mauvais combat.
Si vous voulez que l’on parle de terroir, parlons d’un Côte-Rôtie ou d’un Bergerac rouge ou blanc. (Marques d’intérêt.) Si vous aimez ce qui est sucré, parlons d’un Tokay vendanges tardives, ou, si comme moi vous êtes auvergnat, parlons de ce qu’un Saint-Pourçain dit de l’âpreté de la terre d’Auvergne.
Toutefois, ne me parlez pas de ces quatre produits les plus populaires : le vin rouge aromatisé « saveur sangria » – ce n’est même pas de la sangria ! – à 3,45 euros la bouteille, le vin rosé aromatisé saveur fraise-ananas, le vin rosé aromatisé saveur pamplemousse et – je m’arrêterai au quatrième –, le vin rosé aromatisé « saveur sex on the beach ». (Sourires.)
Mes chers collègues, croyez-vous que ces produits visent des personnes âgées vivant en milieu rural ? Croyez-vous que la cible marketing du vin aromatisé « saveur sex on the beach » soit autre que les jeunes et les adolescents ? (Rires.)
Vous riez, mes chers collègues, mais la réalité, c’est que cette stratégie marketing touche les plus vulnérables que j’évoquais tout à l’heure et déshonore ce noble produit qu’est le bon vin. Ce n’est pas une éducation au bon goût, c’est un avilissement du palais que de faire boire ces produits à des jeunes et de les habituer à l’alcool avec ce type de boissons.
La présente taxe tente de mettre fin à cette dérive, comme celle qui, il y a des années, a mis fin aux premix à base d’alcool fort et a permis d’arrêter leur consommation délétère pour la jeunesse ; nous étions alors dans notre rôle d’adultes responsables.
De grâce, travaillons à régler les problèmes, notamment économiques, que rencontre la filière viticole. Cette filière demande l’organisation d’états généraux ou d’assises pour régler les multiples problèmes qu’elle connaît. Mais ne mélangeons pas les combats.
Ne compromettons pas la santé publique et la jeunesse de notre pays avec ces mauvais produits au nom de l’avenir économique de cette filière. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR, CRCE, LaREM, RDSE et Les Républicains. – M. le rapporteur général applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, au lieu de proposer des taxes, j’aurais souhaité que vous centriez vos propositions sur la prévention et sur son financement.
Madame la ministre, je vous ai adressé il y a à peu près un an un courrier pour attirer votre attention sur une émission sur la prévention diffusée en Guadeloupe. Je vous demandais d’étendre ces actions de prévention à toutes les chaînes premières, sur le modèle de ces émissions, dans lesquelles interviennent des acteurs de santé. À ce jour, je n’ai reçu aucune réponse.
Je souhaite vivement que l’on parle de la prévention, afin de financer à la fois les projets de prévention et les associations qui contribuent à cette dernière.
Vous proposez des taxes, toujours des taxes ! Mais ce ne sont pas les taxes qui vont résoudre le problème. Les produits sont proposés sur les marchés, et partout sur le territoire des panneaux de quatre mètres sur trois en font la publicité ; d’ailleurs, ce ne sont pas forcément des produits de chez nous.
Il serait sans doute plus pertinent de réorienter nos travaux pour intensifier et financer les actions de prévention.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Laurent, pour explication de vote.
M. Daniel Laurent. Des avis différents sont exprimés ce soir, et c’est très bien.
Madame la ministre, j’ai bien entendu vos propos relatifs aux premix à base de vin. Les professionnels que j’ai rencontrés m’ont indiqué qu’au moins 50 % de ces vins sont français – j’en ai encore eu la confirmation cette après-midi.
Ces produits contribuent eux aussi à la viticulture française, notamment dans les petites régions viticoles qui n’ont pas d’écoulement assuré. Il n’y a pas que les grands crus en France ! Contrairement à ce que l’on peut imaginer, de nombreuses régions viticoles rencontrent des difficultés.
Madame la ministre, ces premix représentent environ 500 000 hectolitres de vin par an. Vous n’êtes pas sans savoir que le solde de la balance commerciale française des vins et spiritueux affiche pour 2018 un excédent de 13 milliards d’euros. C’est le deuxième solde excédentaire de la balance commerciale.
Cessons de taper sur les viticulteurs et de taxer la viticulture. À la taxe USA, au mois de janvier sans alcool – vous ne m’avez d’ailleurs pas répondu sur ce point, madame la ministre – et aux zones de non-traitement (ZNT) s’ajoutent toutes ces contraintes que nous sommes en train d’imposer à la viticulture. Nous allons adresser un mauvais signal supplémentaire aux viticulteurs.
Tout à l’heure, M. Gremillet indiquait que, chaque jour, des viticulteurs se suicident. À force d’accumuler toutes ces bêtises, je crois que l’on va trouver la cause de ces suicides !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Il est sans doute regrettable d’opposer des considérations économiques comme celles qui viennent d’être développées à des arguments de santé publique.
Je ne reprendrai pas les arguments lyriques de mon collègue et confrère Bernard Jomier concernant les grands crus, car, cela vient d’être dit, il n’y a pas que les grands crus dans la production viticole.
Le problème est bien de dissuader les jeunes de s’alcooliser. Or les premix et la publicité dont ils font l’objet – ne nous cachons pas derrière notre petit doigt –, visent bien à inciter les jeunes à boire. C’est de l’alcool, c’est du sucre, et outre une incitation à l’alcoolisation, ils constituent une incitation à l’obésité.
Nous avons certes en France une culture du vin, et c’est très bien ainsi, mais, malheureusement, nous avons aussi une sous-culture de l’alcoolisme. Les complications liées à la consommation d’alcool sont nombreuses, qu’elles soient hépatiques, neurologiques, etc. Et je n’évoquerai pas, madame Conconne, le syndrome d’alcoolisation fœtale, que l’on connaît bien aux Antilles.
Soyez assurée que je serai pour ma part cohérent et que je voterai également contre votre amendement.
Mme Catherine Conconne. Vous faites comme vous voulez !
M. Michel Amiel. Mais certainement !
La prévention a été évoquée, mais cette taxe est une mesure de prévention. Il ne faut pas confondre prévention et éducation à la santé.
Taxer des alcools comme les premix est une façon de dissuader les jeunes de les consommer par le biais économique. L’éducation à la santé relève pour sa part de l’éducation tout court : prévention, dépistage et éducation à la santé forment le triptyque de la médecine préventive.
Telle est donc ma position : je ne puis voter en faveur des premix. Nous avons de plus en plus de jeunes qui s’alcoolisent et de plus en plus de jeunes obèses, et ça, c’est un vrai fléau de santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’ai écouté tous les orateurs, et je dois dire que les arguments de santé publique ne me laissent pas indifférent.
Tout le monde a assisté aux ravages du jeudi, du vendredi et du samedi soir dans ces grandes villes. Or ces premix constituent une porte d’entrée vers une alcoolisation massive, rapide et très forte. Nous devons en être conscients, au moment où nous décidons de l’éventuelle suppression de cette taxe sur les premix, et c’est pourquoi je suis favorable à cette taxe.
Ces boissons excessivement sucrées brouillent les frontières habituelles et ont d’importants effets en termes d’obésité. Le corps n’est pas disposé à recevoir aussi rapidement des quantités si massives de sucre. Cela cause des dégâts en dehors de l’alcoolisation, notamment en termes de diabète.
Par ailleurs, comme l’a dit justement notre collègue, ces produits déshonorent le vin. Nous avons certes une culture du vin, et pas seulement des grands crus, mais, si nous laissons prospérer cette niche, qui touche essentiellement les jeunes, elle fera beaucoup de dégâts. La responsabilité doit prévaloir sur la passion.
Vous avez évoqué un massacre de la culture, madame Conconne. La culture n’a rien à voir ici ; ce sont les ravages de l’alcool qui sont en cause ! Or les données sanitaires de la Martinique devraient nous inciter à y réfléchir à deux fois.
Mme Catherine Conconne. N’importe quoi ! C’est n’importe quoi ! Et le champagne ? C’est avec le champagne que nous avons des problèmes, pas avec l’alcool !
Mme la présidente. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour explication de vote.
Mme Vivette Lopez. Je me sens tout à fait à l’aise pour évoquer cette question, car je ne bois absolument pas de vin – je n’ai aucun mérite, je n’aime pas cela.
Connaissez-vous des jeunes autour de vous ? Je suis entourée de jeunes, et je puis vous assurer que c’est un alcool qu’ils ne boivent pas du tout ; ils lui préfèrent le Coca-Cola.
Ce qu’ils boivent aujourd’hui, ce sont de petits verres, pas plus grands que cela, contenant des alcools excessivement forts. C’est à celui qui en boit le plus, le plus rapidement possible, jusqu’à être « raides ». Mais ils n’aiment pas du tout le vin aromatisé, auquel, à la limite, ils préfèrent le Coca-Cola.
Par ailleurs, je voudrais dire à ma collègue Catherine Conconne que je soutiens pleinement son amendement, car j’estime que la taxation du rhum n’a pas été une bonne chose non plus – c’est peut-être le seul alcool que je bois. (Sourires.)
Quoi qu’il en soit, les jeunes n’ont que faire des vins aromatisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’essaierai de répondre à quelques-unes des interventions. Je n’ai pas cosigné l’amendement de Daniel Laurent, mais j’en approuve l’objet.
La lutte contre l’alcoolisme est un sujet sensible, depuis un certain nombre d’années, dans la loi de financement de la sécurité sociale. Il en est de même de la lutte contre le tabagisme.
Sait-on ce que la taxe prévue dans le présent article, inséré par l’Assemblée nationale, pourrait « rapporter » financièrement ?
Quoi qu’il en soit, je m’associerai aux cosignataires de l’amendement de Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Merci !
M. Marc Laménie. De nombreux orateurs ont rappelé le savoir-faire des viticulteurs et les difficultés qu’ils rencontrent.
Dans le département que je représente, on produit plutôt de la bière, du cidre ou du jus de pomme, mais le champagne n’est pas très loin, puisque nos voisins de la Marne et de l’Aube en produisent. Il faut suivre la voie du bon sens et ne pas tout verrouiller.
C’est pourquoi je voterai les amendements de mes collègues.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le rapporteur général, vous demandiez des chiffres, vous les avez : les vins aromatisés ou les vins d’apéritifs sont consommés à 80 % par les plus de 35 ans, et 61 % des consommateurs ont plus de 50 ans. Ces chiffres sont tirés d’études réalisées en 2019 par les cabinets Nielsen et Kantar.
De plus, la part des moins de 35 ans parmi les consommateurs, qui représentent donc 20 % de ces derniers, est constamment en baisse. Vous cherchez un prétexte, car ce ne sont pas les jeunes qui sont visés par ces boissons !
Monsieur Bonhomme, nous ne devons pas participer aux mêmes soirées – en tout cas, nous ne nous rencontrons pas ! (Sourires.)
J’ai été adjointe au maire de Bordeaux pendant dix ans. La ville a été endeuillée parce que des jeunes alcoolisés étaient tombés dans la Garonne, et je me suis rendue plusieurs fois aux urgences de l’hôpital Saint-André. Je puis vous assurer que ces jeunes s’alcoolisent avec du gin ou de la vodka mélangés à du Coca, le sucre masquant le goût de l’alcool, et qu’ils consomment également des boissons énergisantes et des pilules d’ecstasy. On est donc loin du vin ! (Mme Vivette Lopez applaudit.)
Il faut arrêter avec les fake news, et cesser de taxer sous de mauvais prétextes !
Je le répète, cette taxe ouvre la porte à la taxation de l’alcool demain. Il faut simplement s’en rendre compte. Certes, les sommes attendues ne sont pas énormes, et cette taxation ne va pas révolutionner le monde viticole, mais la taxe qu’on nous prépare le révolutionnera sûrement. En effet, l’année prochaine, nous n’aurons pas cette discussion sur les premix, mais sur le vin.
Je souhaite vous alerter, pour que nous avancions dans cette discussion.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Je commençais à m’inquiéter qu’il ne me reste plus d’arguments à développer. (Sourires.)
J’ai écouté les uns et les autres, et si Michel Amiel n’était pas intervenu, j’aurais formulé quelques observations à certains orateurs.
Madame Conconne, vous vous êtes trompée d’amendement : votre amendement relatif au rhum sera examiné plus tard. Vous avez indiqué que 7 % de la production de rhum était consommée sur place.
Or, chaque année, 85 300 hectolitres d’alcool pur sont produits dans votre île – j’ai demandé que l’on vérifie –, ce qui représente 6 300 hectolitres d’alcool pur consommés par an par votre population. C’est beaucoup trop,…
Mme Catherine Conconne. C’est moins que le champagne !
M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. … et Michel Amiel a eu raison de vous rappeler le syndrome d’alcoolisation fœtale.
Je rejoins pleinement les propos de M. Jomier sur certains sujets.
Permettez-moi de revenir sur mon expérience personnelle. Ceux qui me connaissent savent que j’apprécie, après une réunion de la commission, boire un verre de vin avec vous, mes chers collègues. C’est un moment de fête, un moment délicieux en termes gustatifs. Pour autant, je ne suis pas d’accord avec ce qui a pu être dit par certains orateurs.
Je défends le vin et, étant moi-même originaire d’une région viticole – Châteauneuf-du-Pape –, j’en suis amateur, mais je ne puis comprendre que l’on défende à la fois le vin de qualité et les premix.
Comme l’a dit M. Jomier, les premix ne sont pas des vins de qualité. Ce sont des vins produits dans l’objectif d’attirer les jeunes en cachant l’alcool dans une boisson sucrée, pour les conduire progressivement vers l’addiction à l’alcool. Il n’est pas honorable de vouloir cacher quelque chose ; cela n’honore pas les régions viticoles, qui cultivent l’excellence.
Certains ont évoqué des difficultés, en particulier sur le marché international. La situation avec les États-Unis est effectivement difficile. Est-ce une raison pour alcooliser nos jeunes ? Sûrement pas.
Notre mission est non pas d’alcooliser nos jeunes, mais de leur apprendre à apprécier l’excellence et la qualité. Quant aux difficultés rencontrées par les viticulteurs et les négociants, notre travail doit consister à les aider à trouver d’autres marchés sur le territoire international et en Europe.
Je me joins donc à Mme la ministre et à M. le rapporteur général : je ne voterai pas ces amendements. Pour notre jeunesse et pour la qualité de notre production française, je vous demande également de ne pas les voter. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM, ainsi qu’au banc des commissions.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 27 rectifié bis, 277 rectifié bis, 351, 384 rectifié ter et 391 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour l’adoption | 127 |
Contre | 184 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 98 amendements au cours de la journée ; il en reste 442.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 14 novembre 2019 :
À dix heures trente :
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020).
À quatorze heures trente et le soir :
Désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre ;
Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2020 (texte n° 98, 2019-2020)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 14 novembre 2019, à zéro heure quarante.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication