M. Philippe Dallier. Ça, c’est pour les communes !

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. C’est la stabilité, la lisibilité, la capacité pour les élus de prévoir et d’avoir les moyens de leur action. C’est ainsi que nous construisons le contrat de confiance avec les collectivités locales ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, pour la réplique.

Mme Laure Darcos. Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit de tous les départements franciliens ! Et il est un peu simple de payer ses dettes en prenant l’argent des autres… Ce sont des impôts, mais ce n’est pas à l’État de décider de cela. Heureusement, les collectivités sont plus responsables que lui.

Peut-être faudra-t-il un jour réfléchir à un gel total de tous les cofinancements dans nos territoires respectifs, pour mettre l’État face à ses responsabilités ? À mesure unilatérale, réponse unilatérale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 27 novembre, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants – République et Territoires, demande le retrait de l’ordre du jour de son espace réservé du jeudi 21 novembre au matin de la proposition de loi permettant à tout médaillé militaire ayant fait l’objet d’une citation à l’ordre de l’armée de bénéficier d’une draperie tricolore sur son cercueil.

Acte est donné de cette demande.

Mme Éliane Assassi. C’est raisonnable !

5

Candidatures à une commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

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Dossier législatif : proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants
Discussion générale (suite)

Délégations parlementaires aux droits des enfants

Rejet d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (proposition n° 134 [2018-2019], résultat des travaux n° 113, rapport n° 112).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Christine Prunaud, auteure de la proposition de loi.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants
Article unique

Mme Christine Prunaud, auteure de la proposition de loi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, adoptée à l’ONU le 20 novembre 1989, la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a suscité l’espoir de réelles avancées en faveur des enfants dans le monde, en développant leurs droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels.

Cependant, trente ans après, le constat reste très préoccupant. Dans le monde, la misère et la pauvreté ne cessent de s’étendre, sans oublier les conflits armés, qui aggravent encore plus des situations déjà catastrophiques.

En France, à une autre échelle, les droits des enfants ne sont toujours pas respectés. Quelque 3 millions d’enfants vivent dans notre pays sous le seuil de pauvreté. Les inégalités en matière de santé, de logement, d’accès à l’éducation ou aux loisirs demeurent.

De larges débats doivent être menés sur ces problématiques et aboutir à des solutions concrètes. Pour la santé et le logement, je pense en particulier à l’outre-mer. La pénurie de services de la protection maternelle et infantile (PMI) est criante, tout autant que la lutte contre les logements insalubres, les bidonvilles, qui pourtant devrait permettre d’assurer à chaque enfant des conditions de vie acceptables et dignes.

Enfin, de manière générale, les enfants ne sont pas exempts en France d’agressions physiques ou morales, comme le harcèlement, la maltraitance, la pédophilie, l’exploitation sexuelle, dans un cadre familial bien souvent, mais aussi, et de plus en plus, dans un cadre scolaire ou médico-social.

Je voudrais m’attarder un peu sur cette question des violences faites aux enfants.

Les progrès sont évidents, notamment l’abolition récente des châtiments corporels, votée par le Parlement en 2018. Cependant, le dernier rapport de l’inspection générale des affaires sociales sur le sujet dévoilait en avril des chiffres terrifiants : un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours ; 200 000 enfants sont chaque année victimes de violences sexuelles, et seuls 6 % d’entre eux sont éloignés de leurs agresseurs.

Sur ce sujet des violences au sein de la famille, nous déplorons que le texte discuté il y a quelques semaines dans cet hémicycle n’ait pas permis un vrai débat. Toutes les améliorations encore possibles ont été renvoyées aux conclusions du Grenelle sur les violences faites aux femmes organisé par le Gouvernement. L’amendement déposé par mon groupe visant à retirer le droit de visite et l’autorité parentale aux conjoints violents n’a pas été discuté. C’est accablant, car un conjoint violent est bien souvent un mauvais père, voire un père violent.

Mais les violences faites aux enfants existent aussi dans la sphère publique. En témoigne le rapport annuel du Défenseur des droits, rendu public ce lundi 18 novembre, qui relève les violences ignorées ou banalisées au sein des institutions publiques. Il constate de fait un décalage entre les droits proclamés et les droits réels.

Aussi, pour réduire cet écart, le même rapport formule vingt-deux recommandations, la première étant de conduire un état des lieux de ces violences institutionnelles afin de quantifier le phénomène et d’orienter les politiques publiques, état des lieux qui pourrait être mené par les délégations parlementaires aux droits des enfants que nous vous proposons de créer. Hélas ! le sort réservé à notre proposition de loi semble déjà scellé : la commission des lois a rejeté le texte.

À nos yeux, ses conclusions sans appel sont aberrantes : « Ayant constaté que les travaux du Sénat – en particulier ceux issus des commissions permanentes et de la délégation aux droits des femmes – prenaient déjà en compte les droits des enfants et soucieuse de préserver une organisation efficace du travail parlementaire, la commission des lois a considéré que la création d’une huitième délégation n’était pas justifiée. » Mettre en balance les « droits des enfants » et le fait de « préserver une organisation efficace » du travail parlementaire est inacceptable !

Mme Éliane Assassi. Très bien !

Mme Christine Prunaud. Tout comme est inacceptable l’idée sous-jacente d’assigner la question des enfants à la seule délégation aux droits des femmes !

Mme Éliane Assassi. Exactement !

Mme Christine Prunaud. Je n’ose croire que les questions relatives à l’enfance doivent, selon vous, être réservées aux femmes. Pourtant, c’est bien ce qui ressort de vos propos.

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois. Non !

Mme Christine Prunaud. Que nécessite la mise en place d’une telle délégation ? Le Sénat ne pourrait-il pas mettre à disposition une salle pour permettre à la délégation de travailler et quelques administrateurs pour l’accompagner dans ce travail ? Est-ce vraiment une « mission impossible » ? Pourquoi un tel rejet ?

La commission avance un autre argument : le travail de telles délégations serait sans objet, le Défenseur des droits ayant déjà des prérogatives étendues en tant que relais en France du Comité des droits de l’enfant placé auprès du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Pourtant, le Défenseur des droits nous a lui-même fait part de son soutien quant à la création de ces délégations ! En outre, le travail des délégations pourrait s’appuyer sur les recommandations du Défenseur des droits, qui, rappelons-le, n’a aucun pouvoir législatif.

Le rapport indique, en substance qu’il n’est nul besoin de délégation parlementaire dans la mesure où le cadre de la convention internationale des droits de l’enfant ne nous l’impose pas. Pour nous, c’est peut-être ce qu’il y a de plus terrible !

En revanche, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU préconisait dans ses dernières observations sur les rapports de notre pays en 2016 de « mettre en place une commission spécialisée dans les droits de l’enfant au Parlement ». Les deux positions sont donc bien différentes.

Nous avons besoin au Parlement d’un véritable cadre de travail permettant une veille précise sur les droits des enfants et un contrôle de l’action du Gouvernement – c’est notre rôle de parlementaires –, notamment dans l’application de la convention.

Mes chers collègues, ce trentième anniversaire de la CIDE ne doit pas être qu’une célébration. Il faut lui donner le sens d’un nouvel élan pour les droits des enfants.

Avec l’inscription de ce texte à l’ordre du jour, dont je me félicite, nous avons voulu tenir le message suivant : donnons-nous les moyens de promouvoir les droits des enfants et de travailler davantage à leur défense.

L’adoption, ce 20 novembre 2019, de cette proposition de loi transpartisane permettrait d’avancer en ce sens. Il est tout à fait possible de prendre une telle décision. Cela honorerait notre Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes saisis de la proposition de loi du groupe CRCE tendant à la création d’une délégation parlementaire aux droits des enfants dans chacune des deux assemblées. Ces instances auraient pour mission d’informer chaque assemblée de la politique suivie par le Gouvernement au regard de ses conséquences sur le droit des enfants.

Je voudrais faire deux observations. D’une part, vous l’avez compris, la date est symbolique, puisque c’est le trentième anniversaire de la convention internationale des droits des enfants, que la France a ratifiée en 1990. D’autre part – ce détail a son importance –, la présente proposition de loi reprend une proposition de loi votée à l’Assemblée nationale en 2003. De nombreuses années s’étant écoulées depuis lors, il convient d’évaluer le bien-fondé d’un tel texte.

Bien entendu, comme notre collègue Christine Prunaud l’a rappelé, les problématiques liées à l’enfance en France et dans le monde sont toujours d’une brûlante actualité, même si – j’y reviendrai – nous avons progressé depuis 2003. Mais nous ne sommes pas là pour réaffirmer notre intérêt constant, unanime et transpartisan pour les droits des enfants. Nous devons nous prononcer sur l’organisation parlementaire, puisque nous sommes saisis non d’une résolution relative aux droits des enfants, mais d’un texte tendant à la création de délégations parlementaires.

La situation a beaucoup évolué depuis 2003. En effet, la révision constitutionnelle de 2008 a pris en compte un certain nombre de réalités, pour les formaliser de manière extrêmement claire. Il s’est agi de rappeler que le Parlement détenait, outre le pouvoir législatif, un pouvoir de contrôle et d’évaluation. Celui-ci a été mis en œuvre concrètement par les commissions permanentes, qui sont dotées d’un certain nombre de moyens à cette fin.

Parallèlement, d’un commun accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, un certain nombre de délégations, d’offices et de services divers, que certains pouvaient aussi juger importants, ont été supprimés ; on a considéré que leurs tâches seraient exercées par les commissions.

La loi de 2009, qui a supprimé ces diverses instances, a été confirmée, en quelque sorte, dans un rapport de nos collègues Alain Richard et Roger Karoutchi sur l’organisation sénatoriale remis au bureau du Sénat. Nos collègues ont insisté sur la nécessité de ne pas multiplier les organes et d’éviter – je reprends leur terme particulièrement bien choisi – la « polysynodie ». Ne passons pas notre temps à nous réunir dans des cadres extérieurs aux commissions !

L’évolution de l’organisation du travail parlementaire me semble donc patente. L’heure n’est plus aux créations de nouvelles délégations.

On nous reproche de vouloir brader le droit des enfants au nom de l’organisation du travail parlementaire. Mais c’est oublier que notre organisation est le gage de l’efficacité de notre travail ! Et nous apportons, me semble-t-il, la preuve de notre efficacité.

L’absence de délégation est volontaire. La création d’une délégation n’est pas sollicitée par la convention internationale des droits de l’enfant ; il n’y a aucune obligation à cet égard. Le contrôle de l’application de la convention internationale des droits de l’enfant relève d’un comité qui dépend des Nations unies. Ce comité a un relais institutionnel en France : le Défenseur des droits, dans son volet défenseur des enfants. Il bénéficie également des rapports remis par les gouvernements qui se sont succédé depuis 1990 ; il nous adresse d’ailleurs régulièrement ses observations. Certes, le comité a pu demander que nous changions d’organisation. Mais je ne pense pas que ce soit à un comité des Nations unies de décider de l’organisation du travail parlementaire en France.

Notre organisation est particulièrement efficace. Le droit et l’intérêt des enfants sont pris en compte par la commission des affaires sociales, la commission de la culture et de l’éducation, voire, dans une moindre mesure, la commission des lois, ainsi que la délégation aux droits des femmes : je comprends mal que l’on nous reproche d’avoir évoqué cette dernière. Nous n’avons pas dit que les femmes devaient s’occuper prioritairement et exclusivement des enfants ; ce serait une présentation pour le moins curieuse de nos positions.

Mme Éliane Assassi. C’est pourtant ce qui figure dans le rapport !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons simplement constaté que la délégation aux droits des femmes avait mené des travaux, par exemple sur les filles mineures ou les mariages forcés, ayant aussi des implications sur le droit des enfants. Je conçois que nous puissions avoir des désaccords, mais ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit !

Mme Éliane Assassi. Il suffit de lire le rapport !

Mme Muriel Jourda, rapporteur. En quatre ans, il y a eu pas moins de vingt-cinq rapports législatifs ou rapports d’information.

Au-delà de l’organisation, nous devons viser l’efficacité. En l’occurrence, l’efficacité, c’est de savoir si nous nous conformons au plus haut standard auquel nous avons voulu adhérer : la convention internationale des droits de l’enfant.

L’article 11 de la convention internationale des droits de l’enfant invite les États à prendre des « mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d’enfants à l’étranger » ? Une proposition de résolution a été déposée en ce sens le 8 octobre dernier par M. Yung.

L’article 17 nous demande d’élaborer des principes destinés à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être. Nous avons voté une proposition de loi de Catherine Morin-Desailly contre l’exposition précoce des enfants aux écrans, une proposition de loi, rapportée par Stéphane Piednoir, relative à l’interdiction de l’usage du téléphone dans les écoles et dans les collèges, ainsi qu’une proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse, sur l’initiative de M. Gattolin.

L’article 19.1 appelle à prendre des mesures pour lutter contre toute forme de violence, y compris sexuelle. Nous avons voté une proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires, rapportée par Marie-Pierre de la Gontrie, et nos collègues Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien ont remis un rapport d’information dans le cadre d’une mission commune d’information relative aux infractions sexuelles dans les institutions.

L’article 23.2 demande aux États de reconnaître le droit des enfants handicapés de bénéficier de soins spéciaux. Nous avons voté voilà quelques jours la proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap, déposée par Alain Milon et plusieurs de ses collègues.

L’article 24.2 de la convention nous exhorte à nous préoccuper de la santé des enfants. Nous votons une proposition de loi, rapportée par Jocelyne Guidez, visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques.

Cette énumération n’est sans doute pas exhaustive. Mais vous pouvez toucher du doigt le travail qui a été effectué. En réalité, la question la plus importante n’est pas la forme de notre organisation. Même si nous n’avons pas encore atteint le haut standard de protection du droit des enfants posé dans la convention internationale des droits de l’enfant – je ne prétends pas le contraire –, l’organisation de notre travail nous permet de tendre vers cet objectif. C’est l’essentiel.

La commission a donc effectivement émis un avis défavorable sur la présente proposition de loi, estimant que le travail parlementaire en la matière était déjà efficace. Néanmoins, je remercie le groupe CRCE d’avoir déposé ce texte. Nous avons ainsi eu l’occasion de vérifier que le travail du Sénat était extrêmement important en matière de protection du droit des enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord d’excuser Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, qui ne peut malheureusement pas être présent cet après-midi. Je sais qu’il le regrette. Il m’a chargée de le représenter aujourd’hui.

Nous sommes le 20 novembre 2019. Nous célébrons donc aujourd’hui les trente ans d’une convention dont l’objectif était de reconnaître et de protéger les droits spécifiques des enfants. Célébrer cet anniversaire, c’est dire et répéter notre attachement à ce que ces droits ne soient pas des intentions abstraites.

Pourtant – les faits divers nous le rappellent au quotidien –, l’enfant n’a pas encore la place qui lui revient dans le contrat social. Oui, le contrat social est incomplet ! Certains de ses membres, les plus fragiles, ont été oubliés : ceux pour lesquels on évoque l’existence d’un « intérêt supérieur », mais qui semblent comme exclus de l’intérêt général. Les jeunes enfants ne manifestent pas. Ils ne votent pas. Et leur détresse est le plus souvent vécue à l’écart, dans la solitude.

Le combat pour mettre l’enfant au cœur des actions publiques est engagé depuis des années. Il est mené sur toutes les travées de cet hémicycle, mais il n’est pas encore gagné. Pendant longtemps, la notion de droit des enfants n’existait pas. Ceux-ci étaient considérés non pas comme des sujets de droit, mais comme des individus sans statut spécifique.

Le 20 novembre 1989, les Nations unies ont adopté à l’unanimité pour la première fois la convention internationale des droits de l’enfant, faisant ainsi écho aux mots prononcés à Genève en 1924, quand la Société des Nations adopta le premier texte international reconnaissant aux enfants des droits spécifiques et précisant les responsabilités des adultes : « […] l’humanité doit donner à l’enfant ce qu’elle a de meilleur. » C’est grâce à une sénatrice communiste, Marie-Claude Beaudeau, que le 20 novembre devint la Journée nationale des droits de l’enfant en 1996.

C’est par un travail sans relâche de l’ensemble des parlementaires que les droits de l’enfant avancent. Je voudrais citer, entre autres, la loi de 2007 défendue par Philippe Bas, alors membre du gouvernement, la loi de 2016 sur la protection de l’enfance, la proposition de loi de la députée Maud Petit contre les violences éducatives ordinaires, soutenue au Sénat notamment par Laurence Rossignol, ou la proposition de loi de Florent Boudié sur la rétention administrative des mineurs. Je pense également au projet de loi de la secrétaire d’État Marlène Schiappa renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et à la prise en compte des conséquences des violences conjugales sur les enfants, à la réforme de l’ordonnance de 1945 de la garde des sceaux, à l’école à 3 ans du ministre Jean-Michel Blanquer, à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, etc.

Cependant, nous ne pourrons dire que notre pays progresse tant que nous n’aurons pas réussi à éradiquer les violences faites aux enfants et à faire respecter leurs droits. Cette conviction, je sais que nous la partageons tous. Et c’est parce que nous la partageons que nous sommes en train de donner à l’enfant la place qui lui revient dans le contrat social, au cœur du contrat social.

Depuis quelques jours, voire quelques semaines, associations, citoyens, élus organisent et célèbrent la convention internationale des droits de l’enfant.

Ce matin, à l’Unesco, le Président de la République a pris des engagements forts, qui seront défendus par l’ensemble du Gouvernement. Jamais, dans l’histoire de notre pays, la conscience de l’enjeu et de l’urgence n’a été aussi aiguë.

Ce matin également, un plan d’actions de lutte contre toute forme de violence était dévoilé par le secrétaire d’État Adrien Taquet.

Oui, l’urgence – c’est notre responsabilité – est de protéger toujours plus, de détecter et d’alerter, pour que plus aucun espace ne soit laissé aux violences dont les enfants sont victimes !

Avec Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance, et avec tous les membres du Gouvernement, nous avons la conviction qu’une société qui ne sait pas protéger et faire grandir ses enfants dans un monde apaisé et rassurant est une société qui transige avec ses valeurs les plus fondamentales. Et je sais pouvoir compter sur vous, au sein de vos commissions et de vos groupes de travail ! L’enjeu est que chacune et chacun se saisisse du sujet et agisse au quotidien, quel que soit son rôle dans la société.

Le respect des droits de l’enfant est notre mission ; c’est la société de demain.

La décision de créer une délégation parlementaire étant un sujet éminemment parlementaire,…

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Oui !

Mme Christelle Dubos, secrétaire dÉtat. … le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (Mme Éliane Assassi applaudit.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. C’est normal !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

M. Philippe Bonnecarrère. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en ce trentième anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par notre pays en 1990, les auteurs de la présente proposition de loi veulent attirer notre attention sur les orientations des politiques publiques nationales relatives aux droits de l’enfant, en particulier sous l’angle des inégalités dans l’accès à la santé, au logement, à l’éducation ou aux loisirs.

Selon la Cour de cassation, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt de ceux-ci doit être une considération primordiale. Au regard de ce principe, nos débats à venir seront importants ; je pense notamment à celui que nous aurons au mois de janvier sur la bioéthique.

L’initiative de nos collègues doit être interprétée comme ayant vocation à lancer le débat bien plus qu’à créer une nouvelle délégation parlementaire.

Mme Éliane Assassi. Pas du tout ! L’objectif, c’est la création des délégations !

M. Philippe Bonnecarrère. J’entends ce que vous dites, ma chère collègue. Mais j’ai bien noté aussi que Mme Prunaud avait élargi le sujet à la lutte contre la pauvreté et à d’autres thèmes, comme les abus sexuels et les violences.

Mme Éliane Assassi. Elle a dressé un état des lieux ! La réalité est malheureusement celle qu’elle a décrite !

M. Philippe Bonnecarrère. Nous voyons bien que la discussion va au-delà de la seule création d’une délégation parlementaire.

Notre rapporteur a exposé les motifs de rejet du texte. Il ne faut pas disperser les forces du Parlement. Mieux vaut rationaliser nos structures de contrôle et d’évaluation que de créer une huitième délégation. La commission des affaires sociales et la commission de la culture sont déjà très présentes – je ne voudrais pas paraphraser Mme Jourda – sur toutes les politiques publiques en faveur des enfants et de la jeunesse. Je pense ainsi à de nouveaux sujets mis en avant par la commission de la culture, comme la protection des enfants dans l’univers numérique. La délégation aux droits des femmes, qui a été largement évoquée, est aussi très vigilante face aux discriminations qui peuvent intervenir dès l’enfance.

Vous le savez, la convention internationale des droits de l’enfant a son propre comité de suivi, devant lequel notre pays fait régulièrement le point. La France a institué un défenseur des enfants, qui n’a effectivement pas de vocation législative. D’ailleurs, c’est heureux : à un moment donné, il faut séparer la fonction législative des fonctions propres aux autorités administratives indépendantes. Il ne me semble effectivement pas utile d’ajouter une nouvelle commission ad hoc, fût-elle parlementaire.

Sur le fond, les pays occidentaux ont des standards élevés, notamment en matière de santé, d’éducation ou encore d’accueil de la petite enfance. Dans sa présentation initiale, notre collègue a d’ailleurs commencé par un panorama mondial avant d’en venir à la France, où, même si tout n’est pas parfait, le niveau me paraît tout de même assez convenable. Outre la santé, l’éducation ou l’accueil de la petite enfance, nous avons de nombreux outils spécialisés. Notre système judiciaire dispose de juges aux affaires familiales et de juges des enfants. En outre, dans les grandes juridictions, il y a des parquets spécialisés dans la protection de l’enfance ou les questions relatives à l’enfance en général.

Je souhaite qu’il y ait un suivi globalisé des dépenses et des politiques engagées en matière de protection de l’enfance, soit par l’État, soit par les organismes sociaux ou familiaux, soit par les collectivités locales. Comme très souvent, sur ce sujet comme sur d’autres, notre pays pèche dans sa vision transversale.

Certes, tout est perfectible, et des affaires très désagréables parsèment l’actualité. Mais, globalement, notre pays n’a pas à rougir de son action à l’égard de l’enfance.

Madame Assassi, je ne voulais pas être trop réducteur en indiquant que l’objet de ce débat n’était pas vraiment la création d’une délégation. Mais j’ai bien entendu que l’intervention de votre collègue portait aussi sur la pauvreté dans notre société et sur ses implications liées à l’enfance. C’est un sujet pour le Parlement, pour le Gouvernement et pour toute la société. Là encore, si notre situation est perfectible, elle est loin d’être la plus défavorable à l’échelon européen. Certes, le combat global pour l’amélioration de la situation des uns et des autres, qui renvoie aussi aux actions en faveur de la croissance dans notre pays, est important.

Les abus, les maltraitances et les violences faites aux enfants sont en effet un sujet très important. Mais je ne suis pas sûr que cela relève du niveau législatif. Il s’agit plutôt de sujets d’exécution et de mise en œuvre, liés à l’aptitude de nos systèmes administratifs ou de nos services publics à détecter ces phénomènes. Évitons d’aller trop loin dans le meccano juridique. Vous avez par exemple proposé de retirer l’autorité parentale à des pères violents à l’égard de la mère. Certes, les violences conjugales peuvent entraîner une suspicion quant aux conditions dans lesquelles l’enfant sera éduqué. Mais je ne suis pas convaincu qu’il faille lier les deux éléments de manière automatique. En matière d’autorité parentale, je reste confiant dans la capacité d’individualisation propre au système judiciaire, et je me méfie d’une trop grande globalisation.

À l’instar de Mme la secrétaire d’État, je pense que la véritable question est de savoir si la société française est bien mobilisée sur de telles problématiques. À mon avis, elle l’est. L’école et le système judiciaire sont très attentifs s’agissant des violences à l’égard des enfants ; c’est plus discutable sur la question des violences faites aux femmes et des féminicides où il y avait à redire. Par expérience, je n’ai jamais connu de faiblesses de nos services quant aux violences contre les enfants,…