Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Mmes Catherine Deroche, Annie Guillemot.
2. Loi de finances pour 2020. – Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
Adoption, par scrutin public n° 59 à la tribune, du projet de loi de finances, modifié.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
Mme Annie Guillemot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion et adoption d’un projet de loi modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.
Au préalable, je tiens à saluer et à remercier le président et le rapporteur général de la commission des finances pour le travail et l’engagement qui ont été les leurs tout au long de ces dernières semaines (Applaudissements.), ainsi que l’ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis.
Je tiens également à vous remercier personnellement, monsieur le secrétaire d’État, parce que vous avez tenu le choc ! (Sourires.) Nous aurions parfois apprécié que le Gouvernement s’exprime avec une plus grande diversité, ce qui aurait permis une meilleure prise en compte des propositions faites par nos rapporteurs, mais nous savons que ce n’est pas vous qui êtes en cause, bien au contraire.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la première lecture du projet de loi de finances pour 2020. Sachant que le Sénat a rejeté les missions « Justice », « Sécurités », « Écologie », « Immigration » et « Agriculture », nous aurons quand même fait quelques économies ! (Sourires.)
Au sujet du budget de l’agriculture, je souhaiterais d’ailleurs vous dire qu’il s’agit probablement d’un budget pour l’agriculture, mais certainement pas du budget des agriculteurs !
Les débats révèlent toujours un peu de schizophrénie, puisque l’on veut à la fois moins de dépenses publiques et plus de services. Néanmoins, aux yeux des sénateurs du groupe Union Centriste, la première partie du projet de loi de finances comporte de nombreux points positifs.
La diminution de la pression fiscale que ce texte entérine est la traduction d’une priorité formulée par une majorité de Français. La justice fiscale est renforcée au travers de la baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu au profit des classes moyennes, qui se traduira par un gain moyen de pouvoir d’achat de près de 300 euros pour 17 millions de foyers fiscaux.
La suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des contribuables permettra, elle aussi, un gain de pouvoir d’achat de plus de 700 euros en moyenne par ménage en 2020, sans que le processus soit définitivement stabilisé.
La démarche de « sincérisation » du budget se poursuit, l’amélioration de la lisibilité du système fiscal progresse, avec le toilettage de nombreuses niches et microtaxes. Nous nous en réjouissons.
Par ailleurs, ce budget pour 2020 a donné le coup d’envoi de la réforme de la fiscalité locale, selon des modalités finalement assez proches de celles qu’avait pu formuler notre commission des finances. Je pense en particulier à la revalorisation des valeurs locatives dans le cadre du droit en vigueur. Je pense aussi au renforcement du mécanisme de garantie du montant des fractions de TVA affectées aux départements. En tout cas, la réforme paraît bien calibrée pour ne pas répéter les erreurs du passé.
Avec des fortunes diverses, le groupe Union Centriste a contribué au débat sur la réforme de la fiscalité. L’occasion nous est donnée ici de saluer la mise en place du simulateur LexImpact, dont nous espérons la pérennisation et l’extension, à l’avenir, à d’autres impôts que l’impôt sur le revenu.
Dans le domaine de la fiscalité des donations et des successions, le Sénat a voté, sur notre initiative, la diminution de quinze à dix ans du délai du rappel fiscal. Nous ne nous faisons bien sûr pas beaucoup d’illusions sur le maintien de cette disposition qui,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mais si, il faut être optimiste !
Mme Nathalie Goulet. … paraît-il, coûterait 450 millions d’euros.
J’en viens à la seconde partie du projet de loi de finances.
Le groupe Union Centriste a soutenu l’adoption de la grande majorité des missions budgétaires. La stabilisation ou la légère baisse des crédits consacrés à la plupart d’entre elles constitue un effort louable dans un contexte délicat pour nos finances publiques.
Nous saluons l’effort consenti en faveur de nos compatriotes ultramarins, notamment celui qui a été entrepris sur l’initiative de notre collègue Gérard Poadja et du Gouvernement pour garantir l’éligibilité de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française au Fonds d’échanges à but éducatif, culturel et sportif. (M. Gérard Poadja applaudit.)
Quant aux articles non rattachés, ils ont fourni l’occasion de débats riches et souvent récurrents sur lesquels nous avons parfois réussi à avancer.
Je pense au maintien de l’avantage fiscal lié au mécénat d’entreprise, soutenu notamment par la présidente de la commission de la culture, Catherine Morin-Desailly, qui a été voté avec une belle unanimité. Je songe au vote tout aussi unanime sur la prolongation du prêt à taux zéro (PTZ) dans les zones B2 et C et sur la prorogation, sur l’initiative de notre collègue Bernard Delcros, des zones de revitalisation rurale.
Après les figures imposées, venons-en aux figures libres.
Monsieur le secrétaire d’État, si l’examen de toutes les missions ayant un lien avec le développement durable et l’écologie le même jour constitue un progrès, il n’est pas possible à mon sens de travailler sur ce sujet lors de l’examen d’un projet de loi de finances ni même lors de celui de la loi sur l’économie circulaire.
Nous devrions programmer un débat spécifique sur la fiscalité verte pour avoir davantage de lisibilité et de compréhension, tant les dispositifs sont variés et multiples et les interventions des uns et des autres diverses et parfois contradictoires. Sur l’initiative conjointe de notre commission des finances et de la commission du développement durable, nous pourrions organiser un tel débat, qui serait certainement extrêmement productif.
Last but not least, il faut évoquer les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale introduits dans le présent projet de loi de finances. À ce propos, monsieur le secrétaire d’État, selon que vous serez puissant ou misérable, vos cavaliers budgétaires seront ou non recevables ! (Sourires.) Je parle évidemment du dispositif de collecte des données publiques issues des réseaux sociaux prévu à l’article 57. Le Sénat l’a voté avec le bornage bienvenu introduit par la commission des finances. Je forme le vœu que l’Assemblée nationale conservera le dispositif adopté par le Sénat.
M. Loïc Hervé. Espérons-le !
Mme Nathalie Goulet. À titre personnel, je déplore vivement le maintien de l’article 61 qui transfère, sans la moindre étude d’impact, les modalités de déclaration et de recouvrement des droits indirects à la DGFiP (direction générale des finances publiques) au détriment des douanes. Le Sénat a supprimé le recours aux ordonnances, qui était initialement prévu. Là encore, j’espère que l’Assemblée nationale aura la sagesse de maintenir cette disposition. En effet, le recours aux ordonnances dans ce domaine n’est pas très convenable.
J’espère aussi que le dispositif antifraude aux dividendes, que nous avions déjà adopté l’année dernière et que l’Assemblée nationale avait complètement vidé de sa substance, sera cette fois-ci maintenu en l’état. Ce serait une victoire de l’optimisme sur l’expérience !
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que vous puissiez tirer les leçons du récent rapport de la Cour des comptes sur la fraude fiscale, notamment sur la fraude à la TVA, qui coûte 15 à 20 milliards d’euros chaque année. À cet égard, nous attendons toujours l’instauration de logiciels de détection précoce, à laquelle le ministre Darmanin s’est engagé lors des débats.
J’ajoute la fraude à la TVA dans le e-commerce. Le chiffre d’affaires du secteur est évalué à 92,6 milliards d’euros en France : il m’apparaît plus qu’urgent de mettre un terme au Far West fiscal du commerce en ligne. Nous avons absolument besoin que des mesures soient prises rapidement. C’est ce que le Sénat a commencé à faire en adoptant l’amendement n° II-1196, qui prévoit le paiement scindé ou split payment.
En résumé, monsieur le secrétaire d’État, le Sénat a fait des propositions et a voté des dispositions extrêmement sérieuses. Le groupe Union Centriste votera le budget dans la version adoptée par la Haute Assemblée. J’espère que vous tiendrez compte de nos observations à l’Assemblée nationale et que nous pourrons travailler sur ce texte en nouvelle lecture dans des conditions satisfaisantes. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Sophie Taillé-Polian applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, mes premiers mots seront pour remercier notre rapporteur général et les services de la commission des finances. Chacun mesure la charge de travail qu’a représentée l’exercice avec près de 2 500 amendements examinés cette année.
Le Sénat va donc se prononcer sur le budget tel qu’il a été modifié lors de nos débats.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne saurais trop vous conseiller, comme l’année dernière et la précédente, si ce n’est sur tous les sujets – ne rêvons pas ! –, au moins sur certains, de tenir compte des votes du Sénat.
Je commencerai bien sûr par nos collectivités territoriales en rappelant d’ailleurs qu’elles demeurent le seul bon élève de la classe en matière de contribution au redressement des finances publiques.
Alors que le Gouvernement se montre incapable du moindre effort structurel dans son projet de loi de finances, saluons les élus locaux qui n’ont d’autre choix que d’assumer les décisions qu’on leur impose : 11 milliards d’euros de baisse des dotations entre 2014 et 2017 et maintenant un gel, c’est-à-dire un effort supplémentaire, d’environ 10 % sur le quinquennat, inflation comprise. Ce n’est pas rien ! Alors, au moins, donnons-leur de la visibilité.
Vous supprimez la taxe d’habitation et coupez ainsi le lien démocratique que représente la contribution au financement des services publics locaux pour une bonne moitié des habitants de nos communes. Nous avons fait le choix d’amender votre texte pour nous donner le temps d’en mesurer les conséquences, notamment en ce qui concerne les dotations de péréquation. Rien ne serait pire en effet que de revivre un épisode tel que celui que nous avons connu avec la refonte de la carte intercommunale.
Mais pour restaurer la confiance avec les élus locaux, il faut également que la réforme ne soit pas l’occasion de tours de passe-passe. C’est pourquoi nous avons revalorisé de 1,2 % la base d’imposition de la taxe d’habitation pour 2020 en prenant pour référence l’année 2019 et non l’année 2017.
Nous avons également sécurisé la fraction de TVA que percevront les départements. Nous avons rendu aux communes le produit des exonérations de taxe sur le foncier bâti accordées par la loi aux bailleurs sociaux, mais payées en fait par les communes. Il y a là, monsieur le secrétaire d’État, un enjeu majeur pour le logement social déjà largement affecté par votre politique.
Si la mise en œuvre de la réduction de loyer de solidarité (RLS), même si elle a été amendée par la clause de revoyure déclinée dans ce texte, se double d’une absence complète de recettes fiscales pour les communes qui construisent du logement social, nous allons droit dans le mur !
Afin de soutenir le secteur du logement, pour lequel les chiffres sont en berne, contrairement à vos promesses, nous avons rétabli la TVA à 5,5 % pour la construction et la réhabilitation de logements financés par un prêt locatif à usage social. Nous avons également voté conforme la prolongation du PTZ dans les zones B2 et C et rétabli l’APL accession.
Pour les familles, grandes oubliées de votre politique, nous avons approuvé la baisse de l’impôt sur le revenu, mais nous avons, comme chaque année, souhaité faire un geste significatif en faveur du quotient familial pour 1,4 million de foyers fiscaux.
Nous avons porté à 70 000 euros le plafond de l’abattement fiscal des donations aux petits-enfants, afin d’encourager la solidarité intergénérationnelle.
En faveur de l’environnement, nous avons étendu le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) aux propriétaires bailleurs, accordé des avantages fiscaux pour le verdissement des flottes automobiles des entreprises et prévu des mesures de suramortissement pour certains équipements.
Point important, nous avons affecté une part de la fiscalité énergétique à nos collectivités territoriales pour une gestion au plus près des besoins et rétabli le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », car il faut de la traçabilité dans ce domaine.
Pour les entreprises, si nous déplorons le décalage dans le temps de la mise en œuvre de la promesse de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à 25 % en 2022, il ne nous a pas semblé possible, eu égard à son coût – qui s’élève à 2,2 milliards d’euros –, de revenir sur votre décision.
En revanche, nous avons supprimé le coup de rabot sur la niche Copé comme celui sur le mécénat d’entreprise. Nous avons également supprimé la nouvelle hausse de la taxe sur les bureaux en Île-de-France, ainsi que la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui n’aurait pénalisé que les transporteurs routiers français : nous ne pouvons plus alourdir les impôts de production, fût-ce pour financer des projets importants.
Du côté des dépenses, pour vous aider à trouver des économies, sujet sur lequel vous êtes à la peine, nous avons augmenté le temps de travail dans la fonction publique en l’alignant sur la moyenne du privé (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.),…
M. Pierre-Yves Collombat. Et les salaires, vous allez les augmenter ?
M. Philippe Dallier. … rétabli les trois jours de carence et gelé le glissement vieillesse-technicité (GVT) pour six mois. Nous avons également rationalisé l’aide médicale de l’État (AME) et réintroduit un ticket modérateur de 30 euros. Nous avons enfin réduit les effectifs dans les administrations centrales.
En seconde partie, les débats nous ont conduits à repousser les crédits de missions importantes telles que la justice, la sécurité, l’immigration, l’agriculture et l’écologie.
M. Julien Bargeton. C’est bien le moment !
M. Philippe Dallier. Sur tous ces sujets, nous considérons en effet que votre politique n’est pas au niveau des enjeux. Malheureusement, la loi organique relative aux lois de finances, entre l’article 40 de la Constitution et la règle de la fongibilité asymétrique, ne nous permet pas de proposer un contre-budget.
En conclusion, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi de finances pour 2020 tel que le Sénat l’a modifié, mais sans se faire beaucoup d’illusions sur ce que fera l’Assemblée nationale.
En fait, ce texte marquera bien l’acte II du quinquennat, celui du renoncement au retour à l’équilibre de nos comptes publics. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)
En 2018, comme en 2017, la France était toujours championne des prélèvements obligatoires dans l’OCDE avec un taux inchangé de 46 %. En 2019 et en 2020, une baisse devrait s’amorcer, mais au prix d’un déficit du budget de l’État supérieur à 90 milliards d’euros, alors qu’il s’élevait à 67 milliards d’euros en 2017 et à 76 milliards d’euros en 2018, sans parler des comptes de la sécurité sociale qui vont replonger dans le rouge. (M. Fabien Gay s’exclame.)
M. David Assouline. L’équilibre, c’était sous Hollande !
M. Philippe Dallier. Demain, nous découvrirons peut-être le prodige par lequel le Premier ministre mettra en œuvre une réforme des retraites qui devrait, selon ses mots, ne faire aucun perdant, mais beaucoup de gagnants, sans reculer l’âge de départ et sans creuser davantage le déficit, pourtant déjà annoncé entre 10 et 17 milliards d’euros en 2025, c’est-à-dire demain.
Gageons malheureusement que le train de l’État continuera de rouler vers l’abîme de la dette.
Mes chers collègues, notre cher et vieux pays est certes difficile à réformer mais, pour avoir une chance d’y parvenir, il faudrait de la pédagogie, de la méthode et le courage de dire la vérité aux Français. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il faudrait de la redistribution !
M. Philippe Dallier. Pour ce qui est de la pédagogie et de la méthode, les dernières semaines laissent penser que l’agence du père Ubu a pris le contrôle de la communication du Gouvernement.
Quant au courage, craignant qu’il vous ait manifestement abandonné, je terminerai en citant Clemenceau : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. » (Exclamations approbatrices et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Claude Raynal. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, autant le dire tout de suite : ce projet de loi de finances confirme l’abandon par ce gouvernement de tout objectif de redressement à moyen terme de nos comptes publics.
M. Philippe Dallier. Nous sommes d’accord !
M. Pierre-Yves Collombat. Tant mieux !
M. Claude Raynal. En juillet 2017, le ministre Darmanin fixait ici même un horizon à cinq ans : faire baisser de trois points les dépenses publiques, de cinq puis de huit points la dette, et de deux points le déficit. De ces engagements, plus rien ne reste. Vous n’aviez alors – surtout Gérald Darmanin – pas de mots assez durs pour vos prédécesseurs. À cet égard, vous faites pourtant bien pire, alors que vous avez bénéficié d’une croissance bien meilleure.
Tout en abandonnant l’objectif de redressement des comptes, vous avez voulu faire porter la responsabilité de cet échec au mouvement des « gilets jaunes ».
C’est tout de même extraordinaire, lorsque l’on se souvient que ce mouvement prend sa source dans l’invraisemblable politique inégalitaire que vous menez depuis plus de deux ans maintenant (M. Yvon Collin proteste.) : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, flat tax, suppression de l’exit tax, d’une part, diminution de l’APL de 5 euros, d’autre part, et ce dès les premiers mois du quinquennat, puis augmentation inconsidérée de la taxe carbone sans mesures d’accompagnement, augmentation de la CSG pour ceux qui touchent plus de 1 200 euros de retraite, ou encore non-indexation des retraites sur l’inflation.
Alors, c’est vrai : après avoir essayé de capter 9,5 milliards d’euros de recettes, et pour ne pas avoir écouté le Sénat qui vous avait pourtant clairement mis en garde sur les conséquences possibles de telles mesures, vous avez dû reculer en désordre, soit pour renoncer à ces recettes, soit pour financer en catastrophe une batterie de mesures pour un coût total évalué à ce jour à 17 milliards d’euros. On en voit le magnifique résultat, qui doit tout à votre savoir-faire politique. (Mme Sophie Taillé-Polian rit.)
C’est ainsi notamment que votre gouvernement décide de rendre 5 milliards d’euros d’impôts aux Français cette année – à ceux qui en payent en tout cas. Malgré de meilleures recettes fiscales, malgré de moindres dépenses grâce au taux d’intérêt de la dette, vous gagez ce remboursement en ne prenant pas en charge le coût des mesures « gilets jaunes » dans le budget de la sécurité sociale, pour un coût estimé à 3,5 milliards d’euros.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Scandaleux !
M. Claude Raynal. Pour imager un peu votre politique, vous bouchez les trous en en recréant d’autres à côté. J’ai eu récemment l’occasion de dire que cela me faisait furieusement penser aux Shadoks, ces petits personnages qui créaient des machines complexes pour transférer de l’eau et, en définitive, ne pas avancer d’un mètre : « et plus ils pompaient, plus il ne se passait rien ! » (Rires. – M. le président de la commission des finances et M. Bruno Retailleau applaudissent.)
Rendre des impôts aux Français, non parce que la richesse créée le permet, mais simplement en les faisant financer par la dette ou en recréant artificiellement un déficit de la sécurité sociale, ne saurait ramener la confiance.
Il en est de même de l’ensemble des réformes que vous avez mises en œuvre à marche forcée et qui affaiblissent le pouvoir d’achat des Français, souvent les plus fragiles : 700 millions d’euros d’économies sur la seule année 2020 pour l’assurance chômage, 1 milliard d’euros sur les APL notamment. Ne vous étonnez donc pas, monsieur le secrétaire d’État, si vous ne bénéficiez plus aujourd’hui de la compréhension populaire suffisante pour entreprendre de nouvelles réformes.
Je l’ai dit : sur la taxe carbone, sur la non-indexation des retraites et sur la CSG, le Sénat vous a mis en garde. L’écouterez-vous davantage aujourd’hui qu’en 2019 ? Avec l’appui de la majorité du Sénat, nous vous avons demandé de reporter d’un an le projet de compensation de la taxe d’habitation pour les collectivités, sans que ce report ait d’ailleurs la moindre conséquence pour nos concitoyens, il faut le souligner.
Cette réforme présente encore trop d’angles morts auxquels il est possible de répondre si l’on s’en donne le temps. Des amendements corrigeant les problèmes les plus simples ont été votés ici. D’autres chantiers majeurs, notamment l’abandon du critère lié à la taxe d’habitation dans la répartition de la dotation globale de fonctionnement. (DGF) ou des diverses péréquations, sont encore totalement en jachère. Compte tenu de leur importance, un an de travail supplémentaire ne sera vraiment pas de trop.
Je me réjouis par ailleurs que le Sénat ait réindexé plusieurs prestations sociales sur l’inflation. Nous espérons que ces amendements seront repris définitivement par le Gouvernement. Effectivement, on peut toujours espérer, comme le disait notre collègue Dallier.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce budget pour 2020 se distingue par l’abandon de toute volonté de redressement des comptes publics, par de nombreux rétropédalages traduisant une méconnaissance profonde des aspirations de nos concitoyens et par une incapacité à construire l’avenir conjointement avec le Parlement.
Monsieur le secrétaire d’État, le ministre de l’économie nous avait dit ici, en 2017, qu’il avait une boussole : ce gouvernement a donc une boussole. Il ne lui manque donc plus qu’à définir un cap ! Vous l’aurez compris, notre groupe votera contre ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen du projet de loi de finances marque chaque année un moment intense de la vie parlementaire. Il est même historiquement au cœur de notre légitimité de représentants de la Nation. L’actualité s’y invite aussi, venant parfois perturber le déroulement très strict et contraint de la discussion.
L’histoire a tout de même tendance à se répéter. L’an dernier, alors que notre pays était secoué par la crise des « gilets jaunes », le Président de la République annonçait les mesures d’urgence économiques et sociales destinées à y répondre la veille du vote solennel du Sénat sur le budget. Aujourd’hui, nous nous réunissons à nouveau pour ce vote solennel, alors que le Gouvernement s’apprête demain à faire des annonces importantes concernant le projet de réforme des retraites.
J’observe également que l’examen de la première partie a été complexe, en raison notamment des demandes du Gouvernement de modifier l’ordre de discussion des articles et du nombre important d’amendements – plus de mille ! Sans doute faudra-t-il, monsieur le secrétaire d’État, veiller à redonner de la clarté à nos débats l’année prochaine.
Quoi qu’il en soit, le Sénat a beaucoup travaillé.
Tout d’abord, le report de la réforme du financement des collectivités locales, prévue à l’article 5, semble sage, tant nous manquons encore d’éléments suffisamment précis sur le mécanisme de compensation – le fameux « coco » ou coefficient correcteur – et, surtout, sur les conséquences de la réforme après 2020.
L’éligibilité des propriétaires bailleurs au CITE va dans le sens d’une incitation plus forte à la rénovation énergétique des logements, alors que ce secteur demeure en France celui qui a le plus de progrès à effectuer en matière de modernisation, de transition écologique et de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Je me félicite par ailleurs de l’adoption d’amendements présentés par les membres de mon groupe, comme celui relatif à la taxe sur les surfaces commerciales des pure players, celui concernant la sécurisation des petites lignes aériennes, chère à Josiane Costes, ou encore ceux sur l’énergie et les carburants.
Le Sénat a également entériné l’abaissement à 11 % de la deuxième tranche de l’impôt sur le revenu. Cette baisse devrait en réalité s’accompagner de recettes supplémentaires grâce au prélèvement à la source. L’impôt sur le revenu et la fiscalité du patrimoine suscitent toujours d’importants débats. Le groupe du RDSE est traditionnellement attaché à l’idée d’impôt citoyen qu’incarnait à l’origine l’impôt sur le revenu, cher à Joseph Caillaux.
Aujourd’hui, les formes d’imposition sont multiples : impôt sur le revenu proprement dit, TVA, contribution sociale généralisée (CSG), contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Le lien entre impôt et citoyenneté s’est malheureusement abîmé, ce que nous déplorons. Peut-être faut-il y voir la raison de la crise du consentement à l’impôt sur laquelle je m’étais déjà exprimé l’an passé.
Dans le domaine de la fiscalité des entreprises, si les gros acteurs tirent leur épingle du jeu, les petits rencontrent plus de difficultés, en particulier du fait de la diversité des régimes applicables. On peut ainsi regretter que n’aient pas été adoptés certains amendements tendant à harmoniser les régimes d’imposition des bénéfices pour les micro-entreprises, en particulier les micro-exploitations agricoles.
La seconde partie n’a pas compté moins d’amendements ! L’année dernière constituait déjà un record. C’est le revers de la normalisation du collectif budgétaire de fin d’année : le PLF est désormais le seul texte de l’automne où l’on puisse déposer des amendements fiscaux, ce qui est fidèle à l’esprit, mais conduit à une certaine inflation du nombre d’amendements. Mais nous sommes là dans notre rôle de législateurs de plein exercice !
M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. S’agissant des aspects les plus positifs, je note, pour ma part, le doublement des crédits alloués à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont la création est due à une initiative de notre groupe, ainsi que la revalorisation à 10 millions d’euros de la prime d’aménagement du territoire.
Sur d’autres missions, nous avons également rencontré quelque succès, comme la revalorisation de 2 points de la retraite des anciens combattants, défendue par Nathalie Delattre, ou encore le déplafonnement de la dotation aux bourgs-centres, défendu par Maryse Carrère.
La défense des intérêts des départements est également un axe de notre politique, avec la préservation de leurs ressources propres, comme les produits des droits de mutation, en particulier dans les départements ruraux, mais aussi dans la grande couronne de la région parisienne.
Je salue enfin la prorogation du prêt à taux zéro en zone rurale, dans les conditions fixées par l’article 50 bis, dont la possible suppression avait suscité de nombreuses inquiétudes.
Toutefois, ces éléments ne peuvent faire oublier le rejet d’autres propositions, comme l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, la TVA réduite sur des produits de première nécessité, ou encore une nouvelle répartition du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau.
Plus largement, comment se prononcer sur un budget amputé de cinq missions – et non des moindres, puisque sont concernés la justice, l’intérieur ou encore l’agriculture ? Les raisons du rejet de ces crédits sont parfois légitimes, parfois plus simplement partisanes…
Aussi, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra sur le vote de l’ensemble de ce projet de loi de finances, modifié par le Sénat ; certains d’entre nous voteront contre ; un votera pour. La diversité du vote est le symbole de notre liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, que je tiens à mon tour à remercier, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rappelant l’axe principal de ce projet de loi de finances : la baisse des prélèvements obligatoires.
Ce texte tend effectivement à réduire les impôts et les taxes, dont le niveau est encore trop élevé dans notre pays. L’objectif de réduction d’un point de PIB sera atteint, voire dépassé sur la durée du quinquennat, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Nous obtiendrons en effet un niveau de prélèvements obligatoires de 44,3 % du PIB à l’horizon de 2020.
M. Philippe Dallier. On n’en sait rien !
M. Julien Bargeton. C’est là l’objectif fondamental !
Je vous rappelle que, pour les ménages, les prélèvements obligatoires diminueront de 9,3 milliards d’euros en 2020, avec la baisse de l’impôt sur le revenu des classes moyennes de 5 milliards d’euros – c’est important –, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Ce dernier point figurait dans de nombreux programmes des candidats aux primaires, de la gauche comme de la droite, pour les élections présidentielles. Je pense donc que nous pourrions converger sur ce point.
Les prélèvements obligatoires sur les entreprises baisseront, quant à eux, de 1 milliard d’euros l’an prochain.
Au total, nous nous sommes engagés sur une trajectoire de 40 milliards d’euros de réduction d’impôts sur la durée du quinquennat : 27 milliards d’euros en moins pour les ménages, 13 milliards d’euros en moins pour les entreprises. C’est inédit !
C’est pourquoi, me semble-t-il, nous pourrions aussi nous rassembler autour de cette perspective.
Les autres axes stratégiques du présent projet de loi de finances vont, d’ailleurs, dans le même sens.
Je pense à la nouvelle vague de suppression d’impôts et de taxes à faible rendement, ainsi qu’aux mesures de lutte contre la fraude, notamment sur les plateformes électroniques.
M. Loïc Hervé. Il ne faut pas s’en vanter !
M. Julien Bargeton. À cela s’ajoute l’investissement dans les secteurs prioritaires : 1 milliard d’euros pour le dédoublement des classes de CP et de CE1, 1,7 milliard d’euros pour les armées, 4 milliards d’euros de plus pour la prime d’activité entre 2018 et 2022, ce qui représente une revalorisation de 100 euros au niveau du SMIC.
Il y a les orientations du texte, et il y a ce qui ressort du débat parlementaire.
De ce point de vue, nos débats ont été de grande qualité, souvent techniques : je pense à la discussion sur les transmissions à titre gratuit, sur le réajustement du taux de la taxe sur les excédents de provisions, sur ce que l’on appelle le carried interest, sur le fonds de compensation pour la TVA, sur le split payment, sur le crédit d’impôt recherche, etc.
Oui, nous avons eu une série de débats techniques, intéressants et, souvent, pertinents, mais force est de constater que, à l’issue de ces débats, les grands équilibres du texte n’ont pas été modifiés.
L’article 2 relatif à la baisse d’impôt sur le revenu n’a pas été supprimé. L’article 5 portant réforme de la taxe d’habitation a été maintenu. L’article 11 tendant à réduire l’impôt sur les sociétés n’a pas été rejeté. L’article 16 visant à supprimer le taux réduit de TICPE sur le gazole non routier a été voté. La refonte des taxes sur les véhicules à moteur de l’article 18 ou la réforme du CITE ont été adoptées. L’article 57, enfin, sur l’exploitation des données publiques des réseaux sociaux par le fisc a été conservé, certes avec des modifications.
M. Loïc Hervé. Le Conseil constitutionnel se chargera de le supprimer !
M. Julien Bargeton. Taxe d’habitation, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, fiscalité écologique, lutte contre la fraude fiscale, aucune grande orientation de ce texte n’a été supprimée par la majorité sénatoriale. Malgré vos efforts, monsieur Dallier, pour nous démontrer tous vos apports, vous n’avez pas substantiellement modifié le PLF,… (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Philippe Dallier. Soyons sérieux !
M. Julien Bargeton. … à tel point que même vos amendements structurants ont été rejetés !
L’amendement de MM. Bruno Retailleau et Philippe Dominati tendant à réduire l’impôt sur les sociétés a été rejeté, tout comme l’amendement de M. Vincent Delahaye proposant une refonte de l’impôt sur le revenu. Telle est la réalité !
Nous avons également rejeté certains amendements émanant de la gauche de l’hémicycle, notamment la proposition d’une hausse de l’impôt sur le revenu de 2 milliards d’euros, qui aurait pesé sur les ménages, donc sur les classes moyennes.
Mme Éliane Assassi. Et les yachts ?
M. Éric Bocquet. Et l’impôt de solidarité sur la fortune ?
M. Julien Bargeton. En réalité, mes chers collègues de la droite sénatoriale, vous n’avez nullement modifié l’équilibre du texte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Arrêtez !
M. Julien Bargeton. Pourtant nous allons nous abstenir. Pourquoi ? Parce que vous avez tout de même fait quelque chose, vous avez rejeté le budget de cinq missions ! Certes, il en découle des économies… Mais qui peut imaginer que l’on se passe de politique agricole, de politique de sécurité ou de politique de la justice ?
Et vous appelez cela une réduction du déficit ? (Exclamations sur les mêmes travées.) C’est une réduction factice, un équilibre factice ! On ne peut pas réduire à néant cinq politiques publiques, et vous le savez très bien ! Cela ne correspond à aucun retour réel à l’équilibre budgétaire !
D’ailleurs, vous avez lâché la bride sur la fonction publique : il y a eu le glissement-vieillesse-technicité, les jours de carence et le temps de travail…
Nous sommes d’accord, évidemment, sur la nécessité de réformer et transformer la fonction publique. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Catherine Troendlé. Alors ?
M. Julien Bargeton. Mais, au moment où le Sénat se fait le porte-voix des corps intermédiaires, qu’il appelle à leur respect, vous allez d’un trait de plume, sans même engager une négociation avec les organisations syndicales (Exclamations sur les mêmes travées.), remettre en cause les conditions de travail et la rémunération des agents. C’est avec eux qu’il faut réformer la fonction publique ! (Exclamations.)
On ne peut pas, à la fois, dire qu’il faut respecter les organisations syndicales et procéder de la sorte. Ce n’est pas une méthode réaliste !
Ce que l’on constate, c’est une certaine dichotomie : dans une partie du débat, on prétend, de manière générale, faire des économies et, dans une autre, on peine à en trouver de manière à la fois précise et réaliste. C’est de ce travers que vous avez été victimes, une fois de plus, pendant cette discussion budgétaire.
C’est pour ces raisons que notre groupe s’abstiendra. Nous saluons les décisions structurantes contenues dans ce projet de loi de finances, qui va dans le sens d’un allégement des impôts pour les classes moyennes. Nous soutenons aussi tout ce qui est entrepris en matière de maîtrise de la dépense publique (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais cela ne consiste pas à inventer des économies en supprimant d’un seul coup cinq missions ! Il faut être sérieux, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conséquences dévastatrices de l’entêtement du Gouvernement semblent ne pas vraiment lui sauter aux yeux !
Un avertissement électoral sévère en mai, des grèves et un mouvement des « gilets jaunes » qui persistent, des manifestations de pompiers, d’avocats, de paysans et de policiers, dont le nombre de suicides est toujours plus important.
Une insécurité qui grandit, des Français qui travaillent, mais qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois ou à survivre avec leur maigre allocation de retraite.
Mais rien de toute cette misère, de toute cette France de la souffrance ne vous fait changer d’avis, monsieur le secrétaire d’État. Enfermé dans votre bunker de Bercy, vous imposez l’austérité, à la recherche du moindre sou qui resterait au fond de la dernière poche des travailleurs, des familles et des retraités.
L’Élysée, de son côté, refuse de recevoir notre collègue rapporteur de la mission « Pouvoirs publics » pour le Sénat…
Mme Catherine Troendlé. C’est un scandale !
M. Stéphane Ravier. Un rapport sur les agapes d’un Emmanuel Macron et de ses apôtres ne serait sans doute pas le bienvenu en ces temps d’hyper-austérité, quand on sait, déjà, que les frais de fonctionnement du « château présidentiel » sont en hausse de 4 millions d’euros pour 2020.
En outre, dans quel état sont nos comptes publics ? Leur redressement n’est vraiment plus d’actualité ! D’ici à 2022, la réduction de l’endettement sera de 0,7 point de PIB, alors qu’il était prévu qu’elle atteigne 7,8 points, soit dix fois plus ! Votre trajectoire budgétaire est désastreuse.
Dans le même temps où vous exigez des Français qu’ils se serrent la ceinture – quand elle a encore des trous pour ce faire ! –, vous prévoyez d’accroître les dépenses des ministères de 6,6 milliards d’euros. C’est de l’auto-engraissement étatique, au détriment du muscle économique dont nos compatriotes ont pourtant besoin !
Par ailleurs, les belles promesses printanières
Par ces engagements venus des ministères
Et qui étaient autant de bourgeons exemplaires
Laissent la place à un automne lapidaire
Où les fruits pourris des promesses non tenues
Accablent les Français aujourd’hui dans la rue.
Sur le plan de la justice, une loi printanière promettait des crédits en augmentation. Il manque aujourd’hui 150 millions d’euros à la trajectoire votée.
Sur le plan de la sécurité, nous ne voyons aucune augmentation de crédits qui aurait permis la création de nombreux postes dont nous avons besoin pour reconquérir ces fameux territoires perdus de la France, de la France française ! (Protestations sur les travées des groupes SOCR et LaREM.)
Sur le plan migratoire, c’est toujours le même paradigme : les autres avant les nôtres !
Cumulant ce qui se fait de pire à droite, avec la déréglementation tous azimuts, dans une concurrence mondiale, donc déloyale, avec ce qui se fait de pire à gauche, avec l’hyper-fiscalité qui ruine les ménages et plombe nos entreprises, triste et surtout inquiétante est l’image d’un corps étatique impuissant, impotent et même schizophrène !
Mais, cette année encore, Noël ne vous offrira pas le miracle que vous attendez… Vous souhaitiez une France « en marche », monsieur le secrétaire d’État ; elle l’est ! Elle marche dans les rues de France et de Navarre pour vous faire savoir qu’elle en a assez de votre politique, de votre stratégie, qui consiste à facturer, à fracturer, à mépriser, à diviser.
Je voterai, par conséquent, contre ce projet de loi de finances, qui n’est que la énième traduction de la position d’un gouvernement refusant toute alternative à sa ligne d’austérité généralisée.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quel singulier télescopage entre ce jour de vote du projet de loi de finances au Sénat et les innombrables rassemblements et manifestations qui se déroulent, en ce moment même, dans notre pays pour la défense de notre système de retraites par répartition !
Ces journées de mobilisations font suite à l’année ininterrompue de manifestations au cours desquelles nos concitoyens réclamaient plus de justice sociale, plus de justice fiscale. En un mot : les moyens de mener une vie décente dans cette société.
Ce mouvement, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez souvent méprisé et vous avez beaucoup manœuvré pour tenter de contenir cette colère légitime. Il est temps de changer votre logiciel.
Durant ces dizaines d’heures de débat, la phrase que nous avons entendue le plus est la suivante : « Il faut réduire la dépense publique. » La formule a été répétée à l’envi par les uns et les autres dans cet hémicycle.
Certes, ce gouvernement a su faire assaut de communication pour vendre à l’opinion que ce budget était celui du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens.
L’année 2018 restera l’année durant laquelle 400 000 de nos concitoyens auront basculé dans la pauvreté. L’Insee indiquait dans son rapport annuel que le taux de pauvreté atteignait désormais 14,7 % de la population française. Quel incroyable paradoxe de compter dans ce pays, sixième puissance économique mondiale, 9 millions de gens vivant sous le seuil de pauvreté !
À vrai dire, la stratégie de communication du Gouvernement, axée sur la hausse du pouvoir d’achat et la protection de l’environnement, ne trompe personne. L’écart entre vos discours et la réalité n’a jamais été aussi prononcé !
Même vos alliés centristes du Modem à l’Assemblée nationale s’inquiètent, dans une tribune récente, de l’aggravation de la situation.
Je vais me permettre de les citer : « Il y a consensus sur les origines du mal : dans une mondialisation désordonnée et surtout dérégulée, le capitalisme provoque plus que jamais des inégalités grandissantes. Chaque Français sent bien que la croissance générale profite principalement à quelques-uns. »
Et plus loin : « Force […] est de constater que, durant l’année des gilets jaunes, les distributions de dividendes ont battu leur record historique et que les émoluments des patrons du CAC 40 ont crû de 14 %. Qu’on soit de droite, du centre ou de gauche, cette seule énonciation provoque l’indignation, explique la révolte. »
Franchement, mes chers collègues, nous n’avons rien à modifier à ce propos ; un éditorial du quotidien l’Humanité n’aurait pu mieux dire ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous demandez toujours plus d’efforts à nos administrations, aux collectivités et aux Français, mais, dans le même temps, vous confirmez les cadeaux aux plus fortunés.
Pendant le quinquennat, vous aurez procédé à plus de 197 milliards d’euros d’allégements fiscaux en faveur des plus aisés et des grands groupes.
Le constat tiré de ce projet de loi de finances est, lui, sans appel : pratiquement toutes les missions budgétaires sont victimes de coups de rabot.
L’un des grands perdants n’est autre que Bercy. Les annonces de suppressions de postes n’ont cessé de pleuvoir, à tel point qu’entre 2020 et 2022 pas moins de 5 775 d’entre eux auront disparu. Pendant ce quinquennat, 10 500 postes de fonctionnaires d’État, tous départements confondus, auront été supprimés. C’est sans précédent ! Franchement, au moment où la Cour des comptes rend un rapport cinglant sur l’efficacité de votre lutte contre l’évasion fiscale, vous feriez bien d’y réfléchir à deux fois !
Les débats au Sénat n’auront pas permis de modifier la nature profonde de ce budget. Ce n’est pas le sympathique amendement de notre rapporteur général visant à créer l’impôt sur la fortune improductive, nouvelle mouture de l’IFI,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une bonne idée !
M. Éric Bocquet. … qui instillera, dans notre système fiscal, un peu plus de la justice fiscale tant attendue par nos concitoyens.
Notre groupe avait proposé en première partie le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la suppression de la flat tax à l’heure où les dividendes s’envolent, la mise en place d’un barème de l’impôt à 11 tranches avec un taux maximal de 65 %. Toutes ces mesures concrètes ont été balayées sans sourciller.
Les transferts de crédits décidés ici ou là, à enveloppes fermées, n’apporteront pas non plus de mieux-être à nos concitoyens. Quelques millions en plus pour les maisons de l’emploi ou ceux accordés aux collectivités pour la restauration du patrimoine ne pourront apporter plus d’efficacité aux missions budgétaires.
Une dizaine de millions d’euros seront consacrés à l’entretien des ponts, alors que le rapport du Sénat de juin 2019 demandait de créer un fonds d’aide aux collectivités territoriales d’un montant de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2030. Constatez, mes chers collègues, que nous sommes très loin d’un « plan Marshall pour les ponts » sur dix ans !
D’ailleurs, nous avons noté que la majorité sénatoriale, jamais en reste sur de nombreux sujets fondamentaux, profite de ce projet de loi de finances pour faire voter une série d’amendements très rudes pour les fonctionnaires, en imposant, par exemple, trois jours de carence et en allongeant au passage le temps de travail. Nul doute que les agents de la fonction publique hospitalière sauront apprécier à sa juste mesure le message fort que cette majorité souhaite leur envoyer…
Au fond, les différences entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale sont de l’ordre de la nuance.
Parmi les fondamentaux qui vous ressemblent, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de la majorité, il y a ce fameux « redressement des comptes publics ».
Vous avez aussi voté le report d’un an de la suppression de la taxe d’habitation. Cette proposition aurait dû faire l’objet d’un rejet global, tant elle est un mauvais coup supplémentaire porté à l’autonomie financière des collectivités et au principe de libre administration ! Nous aurions ainsi pleinement joué notre rôle d’assemblée des collectivités territoriales.
L’aspiration à vivre mieux s’exprime avec force dans notre pays depuis plusieurs mois – elle s’exprime encore aujourd’hui… Vous ne voulez pas l’entendre ! Ce budget n’améliorera en rien la situation économique et sociale !
Pour terminer mon propos, mes chers collègues, je souhaitais soumettre à votre réflexion deux citations.
Voici la première : « Le capitalisme du XXe siècle n’est plus viable. La croissance ne peut plus se faire au prix d’une destruction de la planète et de l’explosion des inégalités au sein d’un même pays. » Ces mots sont ceux de M. Bruno Le Maire, dans un entretien au journal La Croix datant du 5 septembre dernier.
M. Jean Bizet. Surprenant !
M. Éric Bocquet. Voici la seconde : « Je n’ai jamais séparé la République des idées de justice sociale sans lesquelles elle n’est qu’un mot. » Il s’agit d’une citation de Jean Jaurès.
Votre budget ne porte pas la justice sociale, monsieur le secrétaire d’État. Notre groupe le rejettera à l’unanimité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. »
M. Bruno Retailleau. Tocqueville !
M. Emmanuel Capus. « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté. »
Ces mots d’Alexis de Tocqueville n’ont rien perdu de leur pertinence. Ils trouvent dans cet hémicycle, au sein de la chambre des territoires, un écho plus puissant qu’ailleurs. En effet, si le Sénat s’attache à défendre les institutions communales, et leur autonomie financière, c’est d’abord par la conviction qu’elles se trouvent au fondement de notre démocratie.
Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2020, cette conviction nous oblige tout particulièrement.
Elle nous oblige parce que ce budget, qui doit lancer l’acte II du quinquennat, redéfinit assez largement les contours de la fiscalité locale. Sous l’allégorie de la prudence, qui veille sur les travées de notre assemblée, nous devons faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande exigence.
Prudence, vigilance, exigence : je crois que ces trois mots ont guidé notre action tout au long de l’examen de ce budget et, singulièrement, lorsqu’il s’est agi de veiller à l’autonomie financière et à l’attractivité économique de nos territoires.
Sur certains sujets, mes chers collègues, nous avons su afficher une opposition constructive, et ce pratiquement à l’unanimité du Sénat. C’est notamment le cas pour la rationalisation du mécénat d’entreprise : l’approche comptable proposée par l’article 50 n’a pas convaincu sur ces travées.
Nous savons ici que le mécénat permet bien souvent de faire émerger, au niveau local, des synergies entre collectivités territoriales, entreprises et associations. Comme cela a été rappelé lors du débat organisé par notre groupe, ici même, en mai dernier, le mécénat de proximité s’avère trop précieux à nombre de nos territoires pour que le Sénat se risque à en rationaliser le dispositif. Cette rationalisation rimerait avec complexification et désaffection. La simplicité constitue, en l’occurrence, un gage d’efficacité !
Il ne faut pas se tromper de combat : on ne réduira pas notre déficit public en rabotant à la marge des dispositifs qui structurent l’économie de nos territoires. Nous avons su en apporter la preuve en défendant certaines politiques qui participent à la cohésion de nos territoires, sans dégrader l’équilibre budgétaire du projet de loi initial.
Ainsi, l’amendement que j’ai défendu avec ma collègue Sophie Taillé-Polian au nom de la commission des finances, amendement visant à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués aux maisons de l’emploi, va dans le sens d’un maillage plus solidaire de nos politiques en faveur de l’emploi.
Sur d’autres sujets, nous nous sommes montrés plus conciliants, en amendant les articles votés à l’Assemblée nationale. C’est notamment le cas pour l’article 51, qui instaure une taxe forfaitaire sur les CDD d’usage.
Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir rappelé qu’on ne lutte pas contre la précarité en taxant davantage l’emploi. La solution que nous soutenions, et qui a été retenue par la commission, visant à repousser d’un an l’entrée en vigueur de cette taxe paraît ainsi raisonnable. Nous espérons qu’elle sera conservée dans la loi de finances et qu’elle permettra une négociation au sein des branches.
Mais ce n’est pas toujours faire preuve de sagesse que de repousser d’un an la mise en œuvre des réformes. Je pense ici à l’article 5… En modifiant en profondeur le financement des collectivités locales, il a fait l’objet de longs débats et cristallisé les oppositions politiques. Nous avons su y apporter des améliorations très importantes, comme la revalorisation des valeurs locatives au niveau de l’inflation. Mais, au final, une majorité d’entre nous cherchent à gagner du temps dans l’application de cette réforme.
Or il ne s’agit plus de nous prononcer sur le principe de la suppression de la taxe d’habitation. Cette décision a été validée par les urnes. Elle est attendue par nos concitoyens. Je crois, pour ma part, qu’il ne faut plus en retarder la mise en œuvre.
Mme Éliane Assassi. Allons donc !
M. Emmanuel Capus. J’entends que ce report se fera sans incidence pour le contribuable et qu’il s’agit simplement de garantir le financement des collectivités territoriales. Bien évidemment, mon groupe partage cet objectif.
Cependant, c’est aussi ignorer les chantiers qui sont devant nous en matière de fiscalité locale, notamment pour ce qui concerne les impôts de production. En effet, même si ce projet de loi de finances allège globalement la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises, le chemin qui reste à parcourir est encore long. Nous accusons encore, notamment vis-à-vis de notre voisin allemand, un manque de compétitivité flagrant, et les impôts de production pèsent lourdement dans la balance. Je pense ici à la contribution économique territoriale, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au versement transport. Tous ces impôts se trouvent aujourd’hui au fondement de l’autonomie financière des collectivités territoriales, mais ils grèvent notre économie.
Pour donner suite à l’engagement pris par le Président de la République de réduire cette pression fiscale qui freine l’investissement dans les territoires, pour répondre aux attentes des entrepreneurs qui s’obstinent à vouloir produire en France, en Anjou, dans les Mauges, et ce sans diminuer les ressources des collectivités territoriales, le Sénat doit proposer plus que temporiser.
Il faut même accélérer sur certains sujets, notamment pour réduire le déficit public et résorber notre dette. En ces temps de relative accalmie, il est clair que nous n’allons pas aussi vite que nous le devrions, compte tenu du retard que nous avons accumulé pendant des décennies.
Certes, l’objectif d’un déficit contenu sous la barre des 3 % semble désormais acquis, et on a tôt fait d’oublier les efforts consentis pour cela. Mais il faut maintenant redoubler d’ambition et viser le déficit zéro !
Cette ambition ne se fonde pas sur une vision morose d’un État rabougri. Bien au contraire ! Il s’agit de trouver les voies et moyens de renforcer l’État dans ses fonctions régaliennes, de le doter d’une armée, de forces de l’ordre et d’une justice à la hauteur des défis de ce siècle. Mais cette ambition, sous la contrainte de la rigueur budgétaire, suppose que nous puissions collectivement redoubler d’efforts dans les prochaines années.
Pour conclure, mes chers collègues, ce budget, tel que l’a amendé le Sénat, poursuit la baisse des prélèvements obligatoires, tout en respectant l’autonomie financière des collectivités locales et la maîtrise du déficit public. Je crois qu’il va donc dans la bonne direction.
Mais nous le privons d’ambition en cherchant à gagner du temps. Nous l’avons aussi privé d’ambition, monsieur le président, en rejetant un certain nombre d’amendements au titre de l’article 40 de la Constitution et des règles relatives aux cavaliers législatifs. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2020, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.
Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.
J’invite Mmes Catherine Deroche et Annie Guillemot, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.
Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.
(Le sort désigne la lettre M.)
M. le président. Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.
Le scrutin est ouvert.
Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.
(L’appel nominal a lieu.)
M. le président. Le premier appel nominal est terminé. Il va être procédé à un nouvel appel nominal.
(Le nouvel appel nominal a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
Mmes les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 59 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 279 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 94 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’issue de nos travaux sur ce projet de loi de finances pour 2020, les termes de « marathon budgétaire » semblent particulièrement appropriés pour qualifier les dernières semaines que nous venons de vivre.
Cette année, 2 465 amendements ont été déposés, répartis à égalité entre la première et la seconde partie de ce projet de loi de finances. Cela représente 20 % de plus que l’année dernière, et même 30 % pour les amendements sur les articles non rattachés aux missions.
Cette montée en charge est encore plus impressionnante si nous comparons les chiffres des deux dernières années. Entre le PLF pour 2018 et celui que nous venons d’examiner, l’augmentation du nombre d’amendements atteint 80 %. Elle n’est qu’en partie liée à la croissance du nombre d’articles à examiner, puisque le texte transmis par nos collègues de l’Assemblée nationale n’a – si je puis m’exprimer ainsi – augmenté que de 50 % en deux ans.
En tout état de cause, nous ne disposons toujours que de vingt jours pour examiner l’ensemble du PLF, avec, de surcroît, l’examen au sein de cette période du projet de loi de finances rectificative (PLFR) dans sa nouvelle formule. Nous avons pu, cette année, respecter les délais, grâce à la mobilisation de vous tous, mes chers collègues, et à l’esprit de concision de chacun. Soyez-en remerciés ! Un seul samedi – comme le veut la tradition – a été consacré à l’examen des amendements de la première partie. Nous avons finalement siégé 127 heures en séance publique pour ce PLF, contre 120 heures l’année dernière.
J’espère que nous parviendrons, l’année prochaine, à respecter nos délais, sachant que nous constatons aussi une augmentation sensible du nombre d’amendements sur les missions budgétaires et les articles qui leur sont rattachés, augmentation supérieure à 50 % en deux ans. À l’avenir, il nous faudra tenir ces délais, tout en veillant à ne pas dégrader les conditions de notre examen parlementaire.
Enfin, en cet instant, je voudrais surtout remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué à ce travail collectif : l’ensemble des membres du Gouvernement et M. le secrétaire d’État, qui se sont succédé en séance et à la tribune, et leurs collaborateurs, avec lesquels nous avons plaisir à travailler ; vous-même, monsieur le président du Sénat, ainsi que les vice-présidents de notre assemblée, qui ont été très sollicités.
Je salue particulièrement M. le rapporteur général, qui a été le plus mobilisé d’entre nous en cette période, ici même dans l’hémicycle, sur la banquette maintes fois évoquée (M. le rapporteur tousse bruyamment.), au sein de notre commission des finances, durant près de cinquante heures de réunion plénière, et au cours d’innombrables heures consacrées à l’analyse détaillée des mesures et des amendements. Il a su respecter des délais toujours excessivement courts entre le dépôt des amendements et l’expression d’un avis élaboré, tant pour les séances plénières de commission que pour la séance. Je remercie aussi les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ainsi que l’ensemble des sénateurs qui ont participé à nos travaux. Enfin, je n’oublie pas les services du Sénat, le service de la séance et celui de la commission des finances, ainsi que nos collaborateurs politiques et les professionnels de nos groupes, qui ont été particulièrement actifs. Merci à chacun d’entre vous. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je serai très bref. Vous m’avez déjà assez – certains diront trop – entendu. Je m’associe aux propos de M. le président de la commission pour remercier chacun d’entre vous : le Gouvernement et l’ensemble des ministres qui se sont succédé dans cet hémicycle, M. le président du Sénat et les présidents de séance, l’ensemble des collaborateurs des ministres, ainsi que les services du Sénat et particulièrement de la commission des finances, qui ont permis, dans un délai extrêmement contraint, d’achever cette première lecture de la loi de finances.
Je voudrais particulièrement remercier mes collègues qui, sur toutes les travées, ont fait preuve de compréhension en acceptant d’être concis. Cela n’a pas empêché les débats d’être approfondis, notamment sur la fiscalité environnementale, sur la fiscalité du patrimoine, sur les ressources des collectivités territoriales et sur la fiscalité du numérique. Ces débats furent approfondis et de qualité, même si nous avons dû rester concis sur d’autres sujets, faute de temps – je le regrette. Merci à tous pour votre esprit de responsabilité qui a permis, dans des conditions contraintes, mais finalement assez honorables, d’achever dans les délais impartis l’examen de ce PLF.
Pour terminer, je souhaite m’adresser au Gouvernement. Comme l’année dernière, monsieur le secrétaire d’État, un grand nombre d’amendements ont fait l’objet d’un consensus ou d’un quasi-consensus, votés à l’unanimité ou à la quasi-unanimité : certaines dispositions de l’article 5, qui assurent une meilleure garantie aux collectivités locales, aux départements comme aux communes, quant à leurs ressources ; les dispositions sur le mécénat ; celles sur la société du Grand Paris, dont nous avons parlé hier ; d’autres dispositions sur le paiement scindé pour la TVA, etc. Les votes ne sont pas simplement ceux d’une majorité, mais bien ceux du Sénat tout entier. Dans ces votes à l’unanimité ou à la quasi-unanimité, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que le Gouvernement verra un signal : comme l’année dernière, il y aurait lieu d’écouter le Sénat et la France ne s’en porterait que mieux. Voilà mon dernier message.
Je vous remercie tous de votre attention pendant ces derniers jours. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, mon propos tiendra en deux mots.
Premièrement, je me joins aux remerciements de M. le président du Sénat, de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général à l’intention de l’ensemble des intervenants dans ces débats budgétaires, ainsi que des services du Sénat. Monsieur le rapporteur général, nous avons le même plaisir à travailler avec ces services que vous-même avec les services du Gouvernement, que je remercie aussi pour leur mobilisation. Je remercie tout particulièrement les intervenants principaux des groupes, ainsi que vous-mêmes, monsieur le président de la commission et monsieur le rapporteur général, pour les relations à la fois constructives et courtoises que nous avons pu entretenir, et que nous entretenons de manière générale tout au long des débats.
Certains désaccords ont pu être exprimés entre la majorité du Sénat et le Gouvernement, parfois entre le Sénat – vous l’avez dit – et le Gouvernement. Je forme le vœu que, malgré ces désaccords, nous puissions, sur un certain nombre de points, continuer à avancer.
Deuxièmement, vous me permettrez de mettre à profit – si j’ose dire – le fait que le Gouvernement ne participe pas à la commission mixte paritaire, pour dire que je ne préjuge pas de son résultat, et que je ne peux ni le prévoir ni le commander. (Exclamations.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. On peut toujours rêver ! (Sourires.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Voilà le mérite des institutions, mesdames et messieurs les sénateurs ! Je ne sais si nous trouverons un accord en commission mixte paritaire, mais je forme le vœu que les discussions préparatoires et celles qui auront lieu pendant la réunion de la commission nous permettent, aux uns et aux autres, dans les chambres du Parlement et au Gouvernement, de trouver des points d’accord. Quand bien même ce ne serait pas le cas, un certain nombre de sujets que vous avez évoqués feront l’objet de travaux complémentaires.
Je ne prendrai qu’un exemple. À propos de l’article 5, j’ai d’ores et déjà indiqué au président du Comité des finances locales (CFL), notre souhait que ce dernier se réunisse en groupe de travail le 14 janvier prochain et en plénière à la fin du même mois, pour commencer la réflexion sur l’évolution du potentiel fiscal. Je connais la crainte, exprimée par le Sénat, de voir la réforme de la fiscalité locale modifier artificiellement les potentiels financiers des collectivités et leur accès aux dotations, même si nous nous sommes engagés à neutraliser les conséquences de cette réforme. Certains désaccords peuvent perdurer ; néanmoins, ils ne nous empêchent pas de continuer à travailler, pour essayer, dans les mois qui viennent, de trouver des convergences.
Indépendamment du résultat de la commission mixte paritaire, je vous donne rendez-vous soit pour les lectures de ses conclusions, soit pour une nouvelle lecture, la semaine prochaine. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous dis à nouveau le plaisir que j’ai eu à travailler avec vous. (Applaudissements.)
3
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 11 décembre 2019 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
De seize heures trente à vingt heures trente :
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
Proposition de loi tendant à protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote, présentée par Mme Valérie Létard et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 170, 2019-2020) ;
Débat intitulé : « Quelle politique énergétique pour la France ? Quelle place pour EDF ? »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à seize heures trente-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication