M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le secrétaire d’État, la situation dans laquelle est plongé notre pays depuis le mois de décembre est anxiogène, car la question des retraites est non pas une question technique, mais une question sociale importante, qui correspond à l’effort de toute une vie de travail et qui touche à l’avenir de nos aînés. Sur ce sujet majeur, les Français ont le droit à un débat clair et honnête ; vous leur devez.

Le Premier ministre a mis en avant un certain nombre de mesures qui étaient attendues, notamment par ceux qui travaillent dur et gagnent peu. Je pense au minimum contributif des salariés du privé et des régimes alignés, qui serait porté à 1 000 euros en 2022.

Ce complément de pension serait attribué aux assurés qui ont travaillé durant leur vie active, afin qu’ils gagnent un peu mieux que le minimum vieillesse accordé aux personnes qui n’ont pas cotisé.

Cette retraite à 1 000 euros est indispensable eu égard à la justice, l’équité et la solidarité envers nos aînés, dont certains se retrouvent sous le seuil de pauvreté. Qui aujourd’hui peut trouver normal de percevoir une faible pension après une vie de travail ?

La question du travail est d’ailleurs essentielle dans ce débat sur les retraites : pour pérenniser notre système de retraite par répartition, il faut promouvoir le travail tout au long de la vie pour garantir un équilibre entre actifs et cotisants. Nous devons revaloriser la valeur du travail dans la société. Cela passe aussi par la revalorisation des pensions de retraite.

Alors que les droits sont nettement plus faibles dans certains régimes, comme ceux des artisans, des commerçants et des professionnels du monde agricole – la majorité d’entre eux touchent de faibles pensions, notamment en raison de carrières incomplètes –, il ne faudrait pas que la retraite à 1 000 euros devienne un leurre, d’autant qu’elle a été très longtemps repoussée.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous confirmer que cette mesure s’appliquera réellement ? Quelles en seront les modalités ? Quelles seront les interférences avec les retraites complémentaires ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Je vous le confirme, le minimum contributif sera bien de 1 000 euros dès 2022, selon le souhait du Président de la République. Et dans la perspective du système de retraite universel, nous visons 85 % du SMIC en 2025, soit plus de 1 000 euros. De plus, la dynamique de ce minimum contributif est positive, puisque, étant liée au SMIC, elle va continuer à évoluer avec lui. L’enjeu, c’est d’assurer, en 2025, une dynamique réelle au minimum contributif.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour la réplique.

M. Guillaume Chevrollier. Sur le sujet des petites retraites, notamment agricoles, vous êtes attendu, monsieur le secrétaire d’État. Nous serons particulièrement vigilants. Pensez également aux retraités d’aujourd’hui !

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. Monsieur le secrétaire d’État, Frédérique Puissat et moi-même avions préparé une question sur la pension de réversion réservée aux couples mariés. Cette question a été posée par Laurence Rossignol, et elle est d’ailleurs restée sans réponse. Heureusement, j’avais anticipé la situation et prévu une seconde question, que je vais maintenant vous poser.

Elle risque de paraître minime par rapport aux grandes inquiétudes et aux questionnements qui ont été évoqués depuis le début de ce débat.

En effet, en tant que président du groupe d’études sur les pratiques sportives et les grands événements sportifs, je souhaite aborder la question des quelques centaines de jeunes athlètes de haut niveau qui font briller les couleurs de notre pays dans les différentes compétitions internationales. Ces sportifs de haut niveau ne sont pas des professionnels et perçoivent des revenus qui avoisinent les 1 000 euros par mois.

Le PLFSS pour 2012 a introduit dans la loi un dispositif spécifique d’ouverture de droit à la retraite pour les sportifs de haut niveau. Relevant du régime général de la sécurité sociale, sous certaines conditions de ressources et d’âge, ceux-ci bénéficient de la validation de trimestres – jusqu’à seize trimestres, soit une olympiade – correspondant à un revenu fictif d’environ 1 500 euros par mois.

Par ailleurs, ce même PLFSS prévoyait qu’avant le 1er octobre 2013 le Gouvernement remet au Parlement un rapport présentant le coût du dispositif prévu et étudiant la possibilité d’augmenter le nombre de trimestres. Comme souvent, ce rapport n’a pas été rendu…

Monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous traiter le cas de ces sportifs de haut niveau dans le cadre de la réforme des retraites qui sera prochainement examinée ?

Par ailleurs, deux situations doivent être largement améliorées.

D’une part, le système actuel ne profite qu’aux sportifs âgés de plus de 20 ans. Avec la hausse du nombre de disciplines précoces, provoquant un décalage ultérieur des études, c’est une injustice pour ces jeunes. Il serait bon de revoir cette clause d’âge.

D’autre part, seize trimestres, soit une olympiade, ne représentent finalement pas la réalité du parcours d’un sportif qui s’étale souvent sur deux olympiades. Il serait bon également de revoir cette durée.

Quelle est votre position sur ces deux questions, monsieur le secrétaire d’État ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Je travaille ce sujet avec ma collègue Roxana Maracineanu, mais nous n’en sommes qu’au démarrage, puisque j’ai pris mes fonctions voilà trois semaines.

Le principe est de substituer des points aux trimestres. La dynamique que vous évoquez est inchangée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le secrétaire d’État, après une année en jaune avec des ronds-points occupés, le désordre organisé, des saccages perpétrés et 12 milliards d’euros dépensés pour acheter la paix sociale, voilà maintenant la vie en rouge ! (Ah ! sur les mêmes travées.) Le chaudron est de nouveau en ébullition, et j’évoque malheureusement non pas le stade Geoffroy-Guichard, cher à notre collègue Bernard Bonne, mais notre beau pays et sa réforme des retraites !

Que nous disaient le candidat Emmanuel Macron et sa majorité en 2017 ? « Notre projet est de clarifier et de stabiliser les règles du jeu une fois pour toutes en mettant en place un système universel, juste, transparent et fiable, dans lequel chacun bénéficie des mêmes droits. » Qui peut raisonnablement être contre un tel objectif ?

En revanche, s’agissant de la méthode, vous repasserez !

Après avoir satellisé pendant dix mois M. Delevoye, votre prédécesseur, dont on se demande encore avec qui il a dialogué en France pendant tout ce temps pour aboutir à une telle impasse, après les conclusions dithyrambiques du désormais fameux Conseil d’orientation des retraites selon lequel « les perspectives financières permettent d’envisager l’avenir avec une sérénité raisonnable » – à la bonne heure ! –, après qu’une minorité d’énergumènes a pris un pays en otage et même empêché scandaleusement des étudiants de passer leurs diplômes, après ce qui ressemble de près ou de loin à une authentique chienlit, monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple.

Les partenaires sociaux des deux régimes de retraite complémentaires du secteur privé Agirc-Arrco, fusionnés en 2019, ont été capables, eux, de signer, le 30 octobre 2015, un accord national permettant d’envisager un retour à l’équilibre des comptes pour 2020.

Quand allez-vous vous résoudre à adopter une méthode semblable et crédible, afin que ce triste épisode cesse dans notre pays et que nous retrouvions enfin la vie en rose à laquelle nous aspirons tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire dÉtat auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Monsieur le sénateur, les partenaires sociaux ont bien géré et gèrent bien l’Agirc-Arrco, la caisse de retraite complémentaire de 70 % des actifs français. Sur le fond, vous le précisez, ils sont eux-mêmes attentifs à la notion d’équilibre. Ils ne peuvent dès lors pas y être complètement hostiles quand on parle d’un régime universel. Ils l’ont démontré en créant aussi un âge d’équilibre avec un dispositif de bonus et de malus temporaires.

Richard Ferrand notamment s’est exprimé sur ce point, lequel pourra être évoqué lors de la conférence de financement. Nous aurons l’occasion de reparler de tout cela très prochainement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

M. Jean-Raymond Hugonet. Je visais la méthode, monsieur le secrétaire d’État. Un texte est devant le Conseil d’État, les négociations en cours patinent depuis un bon moment, le conseil des ministres va examiner ce texte le 24 janvier.

Heureusement que le présent débat a été demandé, parce que les parlementaires sont tenus à l’écart. Il serait temps de trouver une méthode logique et cohérente. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Conclusion du débat

M. le président. En conclusion de ce débat, la parole est à M. René-Paul Savary, au nom de la commission des affaires sociales.

M. René-Paul Savary, au nom de la commission des affaires sociales. Merci, monsieur le secrétaire d’État, de vous être livré à cet exercice difficile, redoutable même. Vous l’avez vu, les sénateurs connaissent bien le sujet, car ils y travaillent depuis un certain nombre d’années. Du fait de votre prise de fonctions récente, nous avons constaté un certain flou dans vos réponses. Nous sommes tout à fait aptes à le comprendre ! C’est un bon départ, mais nous verrons à l’arrivée…

Le système part sur des bases contestables. La France est le seul pays à maintenir un âge légal fixé à 62 ans. Quelles que soient les solutions proposées, âge pivot ou autre, il faudra faire comprendre à nos concitoyens que, progressivement, ils devront travailler plus longtemps.

Quand on regarde les simulations effectuées par le COR – c’est la question prospective posée par Philippe Dallier –, on voit se profiler un déficit de 7 à 18 milliards d’euros pour 2025. La tendance s’accentue jusqu’en 2030 – ne raisonnons pas de manière figée ! – et, ensuite, la courbe ne remonte que très progressivement, le pouvoir d’achat augmentant dans des proportions plus importantes que le niveau des retraites.

Or les nouvelles propositions de mode de calcul sont fondées sur la même courbe budgétaire. En conséquence, le montant moyen des pensions, qui est de 105 %, passera à 85 % ou 90 %. Disons la vérité aux gens ! Si l’on ne prend pas des mesures correctives face à cette réalité, le système élaboré deviendra une fabrique à retraités pauvres.

Quant à la phase de transition, elle constitue la période la plus difficile. Le temps passé au travail est d’environ quarante-deux ans et, en moyenne, les pensionnés restent à la retraite pendant vingt-six ans ; voilà pourquoi la transition pose problème.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait un choix – en tout cas, votre prédécesseur, Jean-Paul Delevoye, a fait un choix, que vous ne suivrez peut-être pas : la coexistence de deux systèmes parallèles.

En vertu de ce dispositif, seules les personnes nées à partir de 2004 cotiseront intégralement au système universel de retraites. Ces cotisations manqueront aux systèmes complémentaires, qui, de ce fait, seront automatiquement mis en difficulté et qui, dès lors, se révéleront déficitaires. En outre, le nouveau système ne servira ses premières prestations, qui représenteront ses premières dépenses, qu’en 2037 au plus tôt, et encore de manière partielle : toutes les personnes nées avant 1975 dépendront uniquement du régime actuel.

On le voit bien : les personnes nées entre 1975 et 2004 bénéficieront, au plus tôt à partir de 2037, d’un système mixte dont on ne sait pas encore s’il sera viable. À cet égard, la fixation du point aujourd’hui n’apportera aucune garantie : ce point ne sera appliqué qu’en 2037, soit dans un certain nombre de quinquennats…

Bref, soyons attentifs à cette phase de transition ; il s’agit d’une étape importante. Il ne faut surtout pas partir sur une mauvaise base financière, ne garantissant pas l’équilibre. Si l’on veut donner confiance, on ne peut pas se dispenser de prendre les mesures nécessaires à ce titre. Or vous avez conçu un système calé, non sur le modèle du privé, à savoir l’Agirc-Arrco, qui concerne tout de même 70 % de nos cotisants, mais sur le modèle public.

Votre préoccupation était de ne pas dissoudre le régime intégré dont disposent les fonctionnaires, regroupant la retraite de base et la complémentaire. On le voit bien : ce calcul pose quelques difficultés. Nous sommes un certain nombre à penser qu’il eût été plus logique de partir, plus humblement, avec un seul plafond de sécurité sociale.

En fixant ce plafond à 3 000 euros, l’on englobait déjà 85 % de la population. Progressivement, l’on menait à bien l’uniformisation des systèmes de retraite complémentaire en maintenant un certain nombre de différences, puisque le régime des salariés du privé n’est ni celui du public ni celui des indépendants et des professions libérales. Dès lors, la réforme aurait peut-être été plus facile à accepter.

Monsieur le secrétaire d’État, soyez attentif aux préconisations que le Sénat formule à votre intention. Nous arrivons au terme d’une séance de questions tout à fait intéressante, même si nous n’avons pas toujours obtenu de réponses, ce que nous pouvons tout à fait comprendre.

Sachez que nous continuons à travailler et que, quelles que soient nos différences, nous arrivons à faire des propositions communes.

Je me tourne vers ma collègue Monique Lubin, avec qui j’ai consacré un rapport aux seniors ; le Gouvernement, ne faisant pas confiance au Sénat, en a commandé un autre… C’est dommage, car notre rapport contenait des préconisations acceptables sur toutes les travées de cette assemblée…

Mme Monique Lubin. Tout à fait !

M. René-Paul Savary. Ces recommandations représentaient donc, automatiquement, l’ensemble des territoires de la France.

C’est en partant de positions divergentes pour construire, ensemble, quelque chose que l’on pourra avancer vers la réforme du système des retraites ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur la réforme des retraites.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à vous remercier de cette séance de débats, d’échanges et de questions. De toute évidence, nous n’en avons pas terminé avec ce sujet, qui appartient, me semble-t-il, à la représentation nationale : en définitive, c’est elle qui devra l’arbitrer.

Je remercie également la commission des affaires sociales, en particulier son président, d’avoir eu l’initiative de proposer ce débat à la conférence des présidents ; et je remercie les membres de la conférence des présidents d’avoir approuvé cette demande à l’unanimité.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.)

PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Troendlé

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

6

Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au cœur de la décision

Débat sur les conclusions du rapport de la mission d’information sur le sauvetage en mer

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la mission d’information sur le sauvetage en mer, sur les conclusions du rapport Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au cœur de la décision.

Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.

Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.

À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.

Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur de la mission d’information auteur de la demande.

M. Didier Mandelli, rapporteur de la mission commune dinformation sur le sauvetage en mer. « Aussi suis-je venu vous dire ce matin que nous nous battrons pour faire vivre ce beau modèle, solidaire et fraternel, du sauvetage en mer. Le Gouvernement et le Parlement le feront et j’y veillerai. » Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces mots ont été prononcés par le Président de la République le 13 juin 2019, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du drame des Sables-d’Olonne, survenu le 7 juin précédent, au cours duquel Yann, Alain et Dimitri, trois sauveteurs en mer, ont perdu la vie lors d’une opération de sauvetage d’un bateau de pêche.

Ce drame a été à l’origine de la création de la mission commune d’information sur le sauvetage en mer et la sécurité maritime.

C’est une décision de la conférence des présidents, prise sur l’initiative de notre collègue Bruno Retailleau, qui a permis la constitution de cette mission très rapidement, dès le 9 juillet 2019.

L’événement tragique du mois de juin avait provoqué une émotion immédiate de l’opinion publique et des hommages sincères de la part de tous les responsables locaux et nationaux. Notre mission avait pour objet d’aller plus loin, de dépasser la réaction compassionnelle pour comprendre comment cet accident, où l’état du matériel a tenu une part déterminante, avait pu se produire et écouter la réaction, parfois marquée de colère, des acteurs du sauvetage en mer.

En nous focalisant sur la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, il nous appartenait donc d’examiner le modèle économique du sauvetage en mer, financé en quasi-totalité par des dons, son modèle social, reposant sur le bénévolat, et ses besoins en termes de logistique et d’investissement.

En parfait accord avec Corinne Féret, présidente de la mission – je la remercie du soutien qu’elle m’a apporté et de la très bonne ambiance qui a régné tout au long de nos travaux –, la mission d’information a décidé de travailler selon une méthode assez particulière.

Tout d’abord, nous avons privilégié l’écoute des intervenants du terrain au format plus convenu des auditions au Sénat. Ainsi, le programme de nos déplacements – douze au total – a conduit des délégations de sénateurs à se rendre en Vendée – aux Sables-d’Olonne, où un hommage a été rendu aux sauveteurs disparus –, puis dans les départements des Alpes-Maritimes, du Calvados, de la Manche, du Finistère, de Loire-Atlantique, du Pas-de-Calais, des Côtes-d’Armor, d’Ille-et-Vilaine, du Morbihan, ainsi qu’en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. À ce titre, je remercie Jean-François Rapin et Michel Vaspart qui, à la faveur d’un déplacement, ont représenté notre mission en ces contrées lointaines.

À chaque fois, nous avons recueilli les témoignages et les remarques de l’ensemble des intervenants : bénévoles de la SNSM, canotiers, patrons, présidents et trésoriers des stations, responsables des centres de formation et du pôle de soutien technique de la flotte, délégués départementaux, inspecteurs, élus locaux, responsables des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage, les Cross, préfets maritimes, etc.

Ce n’est qu’à l’issue de ces rencontres, qui nous ont beaucoup appris, que nous avons réalisé les auditions des responsables institutionnels en clôturant par le témoignage de deux des rescapés du drame du 7 juin 2019.

La seconde particularité a été la célérité. Les missions d’information disposent traditionnellement de six mois pour présenter leurs conclusions. Nous avons mené nos travaux en trois mois et demi, en utilisant au maximum la période estivale pour nos visites dans les stations et les centres de formation.

Il s’agissait non pas de battre un record, mais de tenir deux objectifs : éviter absolument de répondre à un drame humain par une énième thèse savante et bien balancée, par un rapport de plus, et s’inscrire dans un calendrier comprenant, d’une part, l’examen du projet de loi de finances et, d’autre part, la tenue à l’automne 2019 du comité interministériel de la mer, le CIMer. Pour l’ensemble de ce travail, mené avec célérité, je remercie d’ailleurs les administrateurs qui nous ont accompagnés tout au long de notre mission.

Au terme de ses travaux, la mission d’information a établi une liste de trente propositions réparties en trois grands axes : mieux reconnaître le bénévolat et son engagement humaniste, garantir sur le long terme le financement des investissements et, enfin, démocratiser le fonctionnement de la SNSM et clarifier la répartition des rôles.

Ces propositions résultent bien sûr de notre réflexion. Mais elles reprennent aussi des demandes, parfois très modestes, qui nous ont été faites lors de nos déplacements et qui ont une forte valeur, une forte portée symboliques.

Sur chacun des trois thèmes, je reprendrai les propositions qui me paraissent les plus importantes.

La mission d’information n’a jamais remis en question le principe du bénévolat, qui est en réalité l’ADN du sauvetage en mer. Mais les sauveteurs bénévoles ressentent un manque de reconnaissance de la Nation, auquel il convient de répondre par des mesures concrètes.

Avant tout, la mission appelle donc à un travail avec les employeurs des sauveteurs. Ce travail devrait viser, d’une part, à améliorer le cadre de la disponibilité des sauveteurs pour leurs interventions et, d’autre part, à renforcer l’accès des sauveteurs à la formation, via le droit individuel à la formation (DIF).

Aujourd’hui les bénévoles sont trop souvent laissés seuls pour négocier directement avec leurs employeurs. À nos yeux, c’est au délégué départemental de la SNSM de recenser leurs demandes et de faire la démarche auprès des employeurs des sauveteurs pour formaliser des conventions leur permettant d’être plus facilement détachés de leurs obligations professionnelles dès lors qu’ils sont appelés à intervenir en mer.

Ce sont bien toutes les institutions qui doivent mieux reconnaître le bénévolat, l’État comme les organismes de formation et, bien sûr, la SNSM. La mission préconise ainsi l’accès aux congés de formation, l’octroi de jours de délégation pour certains cadres de la SNSM, la reconnaissance d’équivalence et l’uniformisation des diplômes de formation entre le ministère de l’intérieur, le ministère de la santé et la marine marchande.

En outre, la mission considère que tous les bénévoles devraient être adhérents de la SNSM, alors qu’aujourd’hui ils n’ont aucun rôle reconnu dans la gestion de cette association.

Au titre du financement, deux points me paraissent essentiels.

En premier lieu, il est urgent de faire diminuer la pression qui pèse lourdement sur les stations locales, en les exonérant du financement systématique de l’investissement – aujourd’hui, elles assument cette charge à hauteur de 25 % grâce à un effort considérable de collecte des dons – tout en réduisant autant que possible leurs frais de fonctionnement. Ainsi, le gros entretien des navires absorbe souvent plusieurs dizaines de milliers d’euros, alors même que les stations peinent à s’alimenter en carburant pour assurer les sorties en mer.

En second lieu, il n’est pas nécessaire de créer une nouvelle taxe, particulièrement sur la plaisance, qui contribue déjà par divers prélèvements au financement du sauvetage. En revanche, deux autres voies doivent être explorées. D’une part, l’affectation à la SNSM de taxes existantes, comme la fiscalité des permis de plaisance ou le produit des redevances de l’État sur l’occupation du domaine public maritime. D’autre part, le déploiement d’incitations fortes pour que l’ensemble des usagers de la mer, de plus en plus nombreux et divers, participent au financement du sauvetage en mer.

Nous avons envisagé, en ce sens, la création d’une contribution volontaire à l’achat de navires neufs et d’engins et matériels nautiques – paddles, kitesurfs, kayaks de mer, planches à voile, etc. –, dont le montant serait progressif en fonction du coût de l’équipement.

Enfin, pour ce qui concerne la gouvernance, les recommandations de la mission sont parties d’un constat : les bénévoles des stations et le siège de la SNSM sont aujourd’hui deux mondes qui ne se comprennent et ne se parlent plus. Cette situation est due en grande partie au caractère pyramidal, centralisé et peu démocratique de la SNSM, institution, et même « vache sacrée », selon les termes mêmes de son ancien président, qui peine à se réformer.

Nous en sommes convaincus : la SNSM aurait tout intérêt à s’inspirer de l’organisation de la protection civile. Ce serait là un moyen de rendre plus attractif le recrutement des bénévoles, enfin considérés comme de véritables acteurs de leur association.

Cette évolution implique de reconnaître dans les statuts de la SNSM la notion d’adhérent dans la plénitude de ses attributions. Elle devrait conduire, dans l’idéal, à adopter une structure fédérale – la SNSM deviendrait ainsi une fédération regroupant des associations départementales affiliées.

La déconcentration de la prise de décision, aujourd’hui monopolisée par le siège, est le second axe d’une réforme de la gouvernance. Elle concerne tout d’abord les collectivités territoriales, financeurs principaux, dont la contribution ne fait encore l’objet d’aucune reconnaissance officielle dans les processus de décision. De surcroît, il est temps de donner des marges d’action aux structures locales de sauvetage en mer, pour ce qui concerne le choix des équipements et leur fonctionnement quotidien, ce qui suppose de transférer à l’échelon local un certain nombre d’attributions.

En définitive, nous avons à la fois des espoirs et des craintes.

Le bilan a été fait de notre système de sauvetage. Le rapport de la mission d’information n’est d’ailleurs pas le premier à l’avoir établi. En effet, deux rapports précédents le relevaient déjà : notre système obtient d’excellents résultats pour un coût minime pour l’État. Un certain nombre de chiffres illustrent ce constat.

Pour autant, deux bémols sont régulièrement apportés : le vieillissement de la flotte, dont le coût de renouvellement est estimé à 140 millions d’euros, et l’évolution préoccupante de la démographie des bénévoles.

Monsieur le secrétaire d’État – ce message s’adresse également à Élisabeth Borne, qui a suivi l’ensemble de nos travaux –, vous avez ajouté 4,5 millions d’euros au financement de la SNSM dans le cadre du projet de loi de finances, répondant ainsi à l’une de nos recommandations. Vous avez organisé une table ronde au ministère ; nous y avons participé. Vous avez présenté les résultats d’une enquête menée par les préfets auprès des stations locales SNSM : ceux-ci rejoignent nos conclusions.

Enfin, à l’occasion du CIMer, le Premier ministre a évoqué les effets attendus des mesures à engager – voici, après celle du Président de la République, ma seconde citation (M. le secrétaire dÉtat sourit.) : « La condition de bénévole est clarifiée et améliorée, la stabilité financière de l’association est garantie et la gouvernance est accompagnée vers un fonctionnement plus participatif. » C’est précisément ce que nous attendons.

Je me félicite des engagements pris et des changements à venir. C’est un devoir pour nous tous. Nous le devons collectivement à Yann, Alain et Dimitri, qui ont disparu. Nous le devons également à Christophe, David, Jérôme et Emmanuel, qui ont survécu au drame des Sables-d’Olonne. Nous le devons, enfin, aux 8 000 bénévoles ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la mission commune dinformation applaudit également.)