M. Roland Courteau. C’est essentiel !
M. Claude Malhuret. De nombreux témoignages font part des difficultés d’accès à l’éducation, pour ces femmes, dès le plus jeune âge. Cela se poursuit durant les études et, plus tard, lors d’une prise de poste ou de responsabilités supérieures. L’accès à l’éducation est un pilier de notre République ; la possibilité de créer son parcours professionnel et d’accéder à l’emploi forme la base de notre système et de notre conception de l’égalité des chances.
Il est important de mettre ici en lumière la situation, dans le milieu du travail, des femmes atteintes d’autisme, dont les témoignages appellent à l’urgence d’un meilleur dépistage. Chacun de nos concitoyens doit pouvoir prendre sa place dans notre société et ne pas s’en sentir exclu, mis de côté. Notre système doit s’adapter.
Chacun doit se sentir concerné par le sujet qui nous rassemble aujourd’hui. Les acteurs associatifs manquent de moyens et parfois de personnes suffisamment formées pour mener à bien leur combat. L’État, bien conscient de l’enjeu dont nous traitons, doit être encouragé à prendre, dans ses politiques publiques, des mesures de lutte, mais aussi de prévention, contre les violences faites aux femmes en situation de handicap. Les professionnels du secteur sont invités à avoir un haut niveau de formation et de sensibilisation sur ces violences. Enfin, nous, citoyens, devons modifier nos comportements et nos préjugés, car nous mènerons cette lutte ensemble pour bâtir une société plus tolérante et plus protectrice, où chacun trouvera sa place.
Le groupe Les Indépendants, dont tous les membres ont cosigné cette proposition de résolution, votera pour ce texte. Celui-ci nous propose de réfléchir et d’avancer ensemble, afin de répondre de manière adéquate à ce problème ; ce n’est que l’une des étapes de tout le travail qu’il reste à accomplir, mais elle est essentielle. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et SOCR. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Madame la présidente, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer votre initiative, transpartisane et consensuelle, sur un sujet longtemps tabou mais qui devient prégnant dans notre société, et c’est tant mieux.
Vous l’avez très justement rappelé, être femme et en situation de handicap expose plus que tout à des situations de violences conjugales et sexuelles. Être femme et être en situation de handicap représentent souvent des motifs de discrimination, dont le cumul est plus qu’inacceptable.
Vous l’aurez noté, c’est la première fois qu’un gouvernement compte deux secrétariats d’État, l’un au handicap, l’autre à l’égalité femmes-hommes, directement rattachés au Premier ministre. Ainsi, ce sujet, loin d’être un angle mort, bénéficie au contraire pleinement de la volonté du Président de la République et du Premier ministre de mettre ces sujets au cœur de l’action gouvernementale et de nos politiques publiques.
Vous l’avez souligné, d’après un rapport de l’ONU, sur cinq femmes en situation de handicap, quatre seraient victimes de violences. De même, une étude, en date de mars 2016, de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales montre que les femmes qui courent le plus de risques d’être victimes de violences conjugales sont les jeunes femmes en situation de handicap de moins de 25 ans, qui se trouvent, souvent, chez elles.
L’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir, dont je veux saluer l’engagement de l’ancienne présidente, Maudy Piot, qui nous a quittés, m’a fait part, au cours de mes visites, du nombre croissant d’appels qu’elle reçoit depuis l’ouverture, en 2015, de son numéro d’appel. Parmi les appelants, 86 % sont des victimes ; les autres font généralement partie de l’entourage d’une victime. Par ailleurs, 38 % des appelantes ont entre 45 et 65 ans ; 16 % de ces femmes ont entre 26 et 45 ans. En revanche, les moins de 25 ans, pourtant largement victimes – ce sont les plus exposées –, n’appellent pas ou le font très peu.
Les femmes touchées par des handicaps psychiques représentent plus d’un tiers des appelantes ; elles sont, pour la moitié d’entre elles, sans emploi. Les femmes ayant une difficulté liée à une déficience intellectuelle n’appellent pas.
Une autre enquête corroborant l’urgence à agir est celle qui a été menée par l’Association francophone des femmes autistes. Alors que, en France, 14,5 % des femmes ayant entre 20 et 69 ans ont subi des violences sexuelles au cours de leur vie, ce chiffre passe à 90 % pour celles qui sont atteintes de troubles du spectre de l’autisme. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes…
Les paroles des femmes sont également éloquentes. Ainsi de ce témoignage d’une femme de 47 ans, atteinte d’une déficience physique à l’âge de 22 ans : quand j’ai réussi à tomber enceinte – c’était un projet du couple depuis plusieurs années –, mon conjoint m’a intimé d’avorter, de peur que je « ponde un handicapé » – sic –, puis m’a infligé, entre autres histoires sordides, des maltraitances physiques et psychologiques qui ont entraîné ma fuite quand mon fils a eu cinq ans.
Autre témoignage : violence de mon mari, qui me traitait de « fainéante » et de « handicapée égocentrique » devant les enfants, quand j’étais fatiguée. Il n’a jamais accepté la maladie ; il a supprimé mon accès aux comptes, à mon compte mail et a repris les clés de la maison quand j’étais en rééducation.
D’autres témoignages, aussi édifiants que ceux-là, parlent d’eux-mêmes, et vous les avez tous entendus lors de vos auditions.
Pourtant, longtemps, la société ne s’est pas sentie concernée et est souvent restée indifférente.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Lancé, le 3 septembre 2019, par le Premier ministre, le Grenelle contre les violences faites aux femmes a été une occasion sans précédent de dresser ce bilan accablant. J’y ai justement conduit un atelier sur les violences faites aux femmes handicapées.
La société ne doit plus détourner le regard de ces violences. Croyez-moi, ce n’est qu’ensemble que nous pourrons relever ce défi, en prenant en compte les besoins spécifiques des femmes en situation de handicap, dans tous les domaines de l’action publique. La mobilisation a permis d’accélérer et de renforcer la prise en considération du handicap dans la lutte contre les violences.
Conformément aux engagements pris par le comité interministériel du handicap, le 25 octobre 2018, et confirmés le 3 décembre 2019, nous avons lancé différentes actions.
La mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la traite des êtres humains, le Conseil national consultatif des personnes handicapées et les associations mobilisées se sont engagés dans la rédaction de fiches réflexes, qui visent à apprendre à tous les professionnels intervenant auprès des femmes en situation de handicap à repérer des violences qu’elles subissent ou ont subies, à mieux accompagner les intéressées et à mieux les orienter. Ces fiches sont finalisées ; il s’agit maintenant de travailler sur leur déclinaison opérationnelle, ce qui sera fait prochainement.
Pour ce qui concerne les urgences, le numéro 114 a été mis en accessibilité totale, afin que les femmes malentendantes ou sourdes puissent obtenir une réponse rapide.
Le Grenelle nous permet de poursuivre notre action et de l’amplifier. Ainsi, au titre de cette mobilisation interministérielle, nous allons agir plus fortement en matière de prévention. Lutter contre les violences faites aux femmes nécessite en effet de s’attaquer au problème à la racine ; l’éducation à la non-violence des enfants constitue donc un maillon indispensable de l’arsenal de mesures visant à combattre ces drames, afin d’éviter d’autres témoignages tels que celui-ci : « Au collège : harcèlement scolaire lié à mon handicap et au fait d’être une jeune fille. Le “légume” – c’est moi qui suis désignée comme tel par mes camarades – n’a pas la possibilité d’avoir un petit copain. On essaie de me rouler des pelles sans mon autorisation. » Ce témoignage, d’une femme de 32 ans atteinte d’un handicap physique de naissance, est très fréquent dans les collèges et les lycées.
Parmi les actions que nous allons engager à ce titre, une attention toute particulière sera accordée aux enfants et aux jeunes en situation de handicap. Nous devons être attentifs à ce que toutes nos actions puissent être adaptées, en tant que de besoin, aux femmes en situation de handicap.
À cet égard, je tiens à souligner une avancée importante : la mise en accessibilité prochaine du numéro 3919 pour les femmes sourdes ou malentendantes. Sur le fondement de la même exigence sera aussi créé un document accessible aux femmes en situation de handicap ; cela leur permettra d’être informées de la procédure, des recours et des possibilités d’accompagnement en cas de violence. Ce document sera adapté aux dispositifs locaux, en métropole comme en outre-mer, dans les lieux d’accueil, en coordonnant, par exemple, des actions locales.
Par ailleurs, nous nous sommes également engagés à mettre en œuvre des actions très spécifiques, afin de répondre aux attentes des victimes en situation de handicap. Un centre de ressources sera déployé dans chaque région pour accompagner les femmes en situation de handicap, dans leur vie intime et sexuelle et dans leur parentalité. Ce centre mettra sur pied un réseau d’acteurs de proximité, afin que chaque femme en situation de handicap puisse trouver des réponses, qu’il s’agisse de sa vie intime ou de violences subies.
De surcroît, ces centres constitueront un point d’entrée unique, avec un réel rôle de coordination des différents acteurs concernés et, surtout, une identification beaucoup plus simple des interlocuteurs nécessaires lorsque l’on est confronté au pire. Avec cette organisation, les femmes seront soutenues dans leur pouvoir d’agir, notamment au travers d’échanges avec leurs pairs.
Ces centres seront aussi au service des aidants familiaux et des professionnels ; ils permettront d’avoir plus rapidement des retours d’expérience, afin d’affiner toujours mieux l’action des services de l’État.
Ce dispositif existe déjà ; il s’inspire fortement du centre ressources de Nouvelle-Aquitaine, qui fonctionne bien, car il est adossé à l’ensemble de cet écosystème et qui, en parallèle, sensibilise les aidants familiaux et les professionnels médico-sociaux. Nous travaillons actuellement avec les acteurs concernés à la rédaction du cahier des charges de ces centres de ressources, afin que ceux-ci essaiment le plus vite possible.
Il sera rappelé à l’ensemble des établissements et services médico-sociaux la nécessité absolue du respect de l’intimité et des droits sexuels et reproductifs des femmes accompagnées. Aucune tolérance ne doit être acceptée à l’égard d’éventuels manquements en la matière ; c’est fondamental. La plus grande vigilance sera exigée des autorités de contrôle sur l’identification et le traitement sans délai des violences.
Nous nous appuierons notamment sur la Note d’orientation pour une action globale d’appui à la bientraitance dans l’aide à l’autonomie, remise par Denis Piveteau, président de la Commission pour la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance, commission conjointe du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge et du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Ce rapport a été remis, en janvier dernier, à Agnès Buzyn et à moi-même.
Il s’agit également de capitaliser sur les initiatives qui fonctionnent, comme le projet HandiGynéco, institué en Île-de-France en mai 2018, sur l’initiative de l’agence régionale de santé. Ce projet permet de faire intervenir des sages-femmes au sein des établissements médico-sociaux franciliens, pour leur proposer un suivi gynécologique qui représente parfois, pour certaines femmes, la première consultation gynécologique.
Nous voulons aussi travailler sur la notion de violences, d’atteintes corporelles, tant avec les personnes handicapées qu’avec le personnel. J’ai pu le vérifier par moi-même en me rendant dans un établissement : c’est assez remarquable comme la parole peut enfin se libérer, comme les femmes peuvent parler de leur propre corps, de leurs ressentis. C’est indispensable.
Les items de la mesure de satisfaction prévus par la Haute Autorité de santé pour les personnes accompagnées dans les établissements médico-sociaux devront également prendre en compte la dimension de la vie affective et sexuelle. Nous allons également améliorer l’accès aux soins des femmes en situation de handicap. Vous l’avez dit, monsieur le sénateur Malhuret, il faut absolument que l’on puisse tous travailler sur l’accès aux soins, notamment gynécologiques, en mettant en œuvre les préconisations de la mission de Philippe Denormandie, figurant dans le rapport rendu à la ministre de la santé et à moi-même le 2 décembre 2019.
Il s’agit ainsi d’assurer une fluidité et une accessibilité du parcours de santé, de renforcer la prévention – une tumeur détectée chez une femme vivant dans un établissement médico-social est en moyenne dix fois plus grosse que celle d’une femme suivie en ville, c’est quand même une inégalité anormale – et la coordination des soins et, bien sûr, de favoriser au maximum le droit commun et le libre choix.
Il nous faut également travailler sur les urgences, avec la mise en place et l’essaimage de la charte Jacob, un excellent outil de formation aux problèmes des personnes en situation de handicap.
Nous soutiendrons les professionnels. Une formation certifiante en ligne sera mise en place afin de faire monter massivement en compétence tous ceux qui interviennent dans l’accompagnement. Cette formation est complémentaire de celles qui existent déjà dans les établissements médico-sociaux, elle ne s’y substitue pas, monsieur le sénateur Courteau.
Cela complétera les travaux déjà engagés par la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la traite des êtres humains, avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Je tiens par ailleurs à rappeler la signature, en mai 2018, d’une convention avec l’Unapei et la gendarmerie, destinée à promouvoir cette accessibilité au contenu et les formations des agents à la réception des plaintes.
Enfin, il nous reviendra de mesurer l’efficacité de notre action, afin de nous assurer de la réduction effective des violences subies par les femmes en situation de handicap. Les enquêtes devront comprendre des indicateurs permettant d’établir la réalité des violences subies, qu’elles soient physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques, pour en suivre l’évolution.
Nous n’oublions pas non plus – plusieurs d’entre vous l’ont souligné – les questions relatives à l’emprise, notamment économique. Nous savons que ce phénomène peut constituer, pour les femmes en situation de handicap qui subissent des violences conjugales, un frein à la décision de quitter le domicile.
Pour résoudre cette situation, nous travaillons actuellement aux moyens, pour les femmes, de recouvrer leurs droits, de bénéficier du montant global de l’allocation aux adultes handicapés beaucoup plus rapidement après une séparation ou un divorce. Il en va de même pour ce qui concerne les solutions de logement d’urgence ; celles-ci doivent être adaptées au handicap de la victime.
Cela a été dit sur l’ensemble de vos travées, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne pouvons rester insensibles aux violences faites aux femmes handicapées ; votre proposition de résolution tout comme le rapport d’information d’octobre dernier de la délégation aux droits des femmes le démontrent.
Sachez-le, le Gouvernement y consacre la même énergie. Chaque action en faveur du handicap fait l’objet d’une étude portant sur l’égalité femmes-hommes, et la réciproque est également vraie, monsieur le sénateur Courteau.
Vous pouvez donc compter sur le Gouvernement pour se tenir aux côtés de la chambre haute chaque fois que se présentera l’occasion de faire avancer la cause qui nous réunit aujourd’hui, celle des femmes en situation de handicap, qui sont des citoyennes à part entière. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
proposition de résolution pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989,
Vu la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées, adoptée le 13 décembre 2006,
Vu la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe, dite Convention d’Istanbul, adoptée le 7 avril 2011,
Vu la loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés,
Vu la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées,
Vu la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes,
Vu la loi n° 2015-993 du 17 août 2015 portant adaptation de la procédure pénale au droit de l’Union européenne,
Vu la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes,
Vu la résolution 2006/2277 (INI) du Parlement européen du 26 avril 2007 sur la situation des femmes handicapées dans l’Union européenne,
Vu la résolution 2018/2685 (RSP) du Parlement européen du 29 novembre 2018 sur la situation des femmes handicapées,
Vu la recommandation CM/Rec(2012)6 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux États membres du 13 juin 2012 sur la protection et la promotion des droits des femmes et des filles handicapées,
Vu les recommandations du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme du 30 mars 2012 sur la question de la violence à l’égard des femmes et des filles et du handicap,
Vu la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 19 décembre 2017 sur la situation des femmes et des filles handicapées,
Vu la décision du Défenseur des droits n° 2017-257 portant recommandations générales destinées à améliorer la connaissance statistique de la situation et des besoins des personnes handicapées,
Considérant que, selon un rapport de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement européen sur la situation des femmes handicapées dans l’Union européenne, publié en 2007, près de 80 % des femmes en situation de handicap seraient victimes de violences, ces femmes étant quatre fois plus exposées au risque de violences sexuelles que les femmes dites valides ;
Considérant que l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a confirmé en mars 2016 la surexposition des femmes en situation de handicap au risque de violences au sein du couple ;
Considérant qu’une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2012 fait état d’un risque quatre fois plus élevé, pour les enfants en situation de handicap, d’être victimes de violences ;
Considérant que si le handicap accroît, pour les femmes, le risque de violences, notamment sexuelles, les violences elles-mêmes sont également à l’origine de handicaps, comme le relève l’Avis sur les violences contre les femmes et les féminicides de la CNCDH du 26 mai 2016, qui souligne les troubles physiques et psychiques très invalidants imputables aux violences ainsi que les handicaps permanents liés aux violences sexuelles ;
Considérant que, selon les acteurs de terrain, les violences menaçant les femmes en situation de handicap sont généralement commises par l’entourage familial ou institutionnel, aucun lieu, pas même leur domicile, ne leur garantissant une parfaite sécurité ;
Considérant que les appels reçus par « Écoute violences femmes handicapées », permanence d’accueil et d’accompagnement dédiée aux violences faites aux femmes en situation de handicap, mettent en évidence le fait que 35 % des violences signalées ont lieu dans le couple et sont commises par le conjoint ;
Considérant l’importance du signalement, par les professionnels, des faits de violence dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions pour mieux protéger les victimes, sanctionner les auteurs et prévenir le fléau des violences faites aux personnes vulnérables ;
Considérant que le manque de données statistiques coordonnées au niveau national et régulièrement actualisées empêche de prendre la mesure exacte de la surexposition des femmes et des jeunes filles handicapées aux violences, que celles-ci surviennent dans le cadre familial ou en institutions, et affecte la mise en place d’une politique publique de prévention et de lutte contre ces violences et de protection de ces personnes ;
Considérant que l’une des conditions de la protection des femmes en situation de handicap contre les violences réside dans le renforcement de leur autonomie, ce qui concerne tant leur indépendance économique que leur accès à la santé ;
Considérant que, selon le rapport du Défenseur des droits intitulé « L’emploi des femmes en situation de handicap », publié le 14 novembre 2016 dans le cadre de sa mission de suivi de l’application de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, les femmes en situation de handicap sont davantage touchées par le chômage que la population générale ;
Considérant que, selon le même rapport, les femmes handicapées se heurtent non seulement à des difficultés d’accès à l’emploi liées à leur handicap, mais aussi aux obstacles auxquels sont trop souvent confrontées toutes les femmes dans leur parcours professionnel, s’agissant plus précisément de l’accès aux responsabilités : 1 % seulement des femmes en situation de handicap en emploi sont cadres contre 10 % pour leurs homologues masculins ;
Considérant que, selon le 11e baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé en 2018 par le Défenseur des droits avec l’Organisation internationale du travail (OIT), 54 % des femmes handicapées déclarent avoir été confrontées à des discriminations durant les cinq années précédant cette enquête, soit plus d’une femme sur deux et une proportion nettement plus élevée que pour la population active âgée de 18 à 65 ans (34 %) ;
Considérant que ces discriminations, conjuguées à un accès imparfait aux études et à la formation ainsi qu’au poids des préjugés, affectent défavorablement le parcours professionnel des femmes en situation de handicap et sont à l’origine d’une dépendance économique qui accroît leur vulnérabilité aux violences, plus particulièrement dans le cadre familial ;
Considérant qu’une étude de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France publiée en mars 2018 montrait que, sur 1 000 femmes handicapées, 58 % seulement affirmaient bénéficier d’un suivi gynécologique régulier et 85,7 % déclaraient ne jamais avoir effectué de mammographie, cette insuffisance étant confirmée en novembre 2018 par un constat du Parlement européen sur une exposition accrue des femmes handicapées au cancer du sein, faute d’équipements de dépistage et de diagnostic adaptés ;
Considérant que l’autonomie des femmes en situation de handicap passe par un accès renforcé aux soins, notamment gynécologiques, et par un accompagnement personnalisé à la maternité ;
Considérant que l’accueil des femmes handicapées victimes de violences est largement inapproprié, qu’il s’agisse de l’accessibilité des locaux de la police et de la gendarmerie ainsi que des hébergements d’urgence ou de la sensibilisation des professionnels et bénévoles à leurs besoins, et qu’entre autres améliorations un effort pourrait être entrepris en matière d’interprétariat en langue des signes dans l’ensemble de la chaîne judiciaire ;
N’accepte pas le risque accru de violences, notamment sexuelles, lié au handicap, et exprime sa vive émotion que des enfants, des adolescentes et des femmes en situation de handicap puissent être menacés tant dans le cadre institutionnel que dans le contexte familial ;
S’alarme du danger auquel semblent plus particulièrement exposées les jeunes filles et les femmes atteintes d’un trouble du spectre autistique et suggère l’intégration d’un dispositif dédié à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles dans la Stratégie nationale pour l’autisme ;
Estime qu’une meilleure protection des adolescentes et des femmes en situation de handicap contre les violences, plus particulièrement sexuelles, passe par un véritable effort en matière d’éducation à la sexualité, susceptible de leur permettre d’identifier d’éventuels prédateurs ;
Souhaite la mise à l’étude de la désignation de référents « Intégrité physique » au sein des personnels des établissements et services sociaux et médico-sociaux, dont la mission serait de recueillir le témoignage et d’orienter toute personne accueillie dans un tel établissement qui déclarerait avoir été victime de violence ;
Souligne l’intérêt d’une réflexion sur les responsabilités des professionnels, incluant les soignants, en matière de signalement des violences, notamment sexuelles, dont ils peuvent avoir connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ;
Appelle à la plus grande vigilance lors du recrutement des professionnels et bénévoles intervenant dans des établissements accueillant des personnes handicapées, a fortiori quand celles-ci sont mineures ;
Exprime sa profonde considération à tous les acteurs de la lutte contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, rend hommage à la regrettée Maudy Piot, disparue en 2017, inlassable avocate des droits et de la citoyenneté des femmes handicapées et fondatrice de « Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir », association de référence en matière de lutte contre les violences faites aux femmes handicapées, et encourage l’équipe qui lui a succédé à poursuivre son combat ;
Souligne l’importance cruciale des moyens dont doivent pouvoir disposer les associations, indispensables à la lutte contre les violences, plus particulièrement celles que subissent les femmes en situation de handicap, pour leur permettre de remplir leurs missions, et insiste sur la nécessaire prévisibilité des subventions susceptibles d’être attribuées aux acteurs du monde associatif ;
Demande l’établissement de statistiques précises afin d’améliorer la connaissance des violences et des discriminations faites aux femmes handicapées, et appelle à intégrer le handicap aux enquêtes nationales sur les violences faites aux femmes telles que l’étude « Violences et rapports de genre » (Virage), y compris dans sa déclinaison ultramarine ;
Souhaite que le questionnement du lien entre une violence dénoncée et un éventuel handicap psychique ou physique soit systématique lors de l’accueil des personnes contactant un numéro d’urgence ou une plateforme d’écoute ;
Considère l’autonomie des femmes en situation de handicap comme un prérequis pour les protéger des violences, notamment conjugales, et à ce titre :
– préconise la mise en place de mesures concrètes pour rendre effectifs les aménagements de poste dans l’emploi et le renforcement des mesures destinées à l’accessibilité des établissements de formation, des entreprises et des administrations, afin de dynamiser l’insertion professionnelle des femmes en situation de handicap ;
– suggère de mieux identifier les freins à l’emploi des femmes en situation de handicap par la réalisation d’études et de statistiques sur l’accès à l’éducation et à l’emploi des personnes handicapées croisant les variables de l’âge, du sexe, du type du handicap et de la catégorie socioprofessionnelle ;
– appelle à une réflexion sur l’allocation aux adultes handicapés (AAH) qui prenne en compte l’importance de celle-ci, dans le contexte de violences au sein du couple, pour l’autonomie de la victime par rapport à un conjoint violent ;
Juge indispensable que les femmes et les adolescentes en situation de handicap, qu’elles résident ou non dans des institutions, aient accès à un suivi gynécologique régulier, a fortiori dans le cadre d’un traitement contraceptif, et à un accompagnement personnalisé à la maternité, ce qui suppose entre autres efforts une meilleure accessibilité des structures médicales concernées ;
Demande que le matériel médical destiné au suivi gynécologique et obstétrical des patientes handicapées ainsi qu’au dépistage du cancer du sein soit adapté à leurs besoins sur tout le territoire, y compris dans les outre-mer ;
Est convaincu que l’amélioration de l’accueil des femmes handicapées victimes de violences par tous les acteurs de la chaîne judiciaire suppose un changement de regard sur ces personnes, afin qu’elles ne soient pas considérées comme des mineures et que leur parole et leur crédibilité ne soient pas mises en doute lorsqu’elles font état des violences qu’elles subissent ;
Affirme l’importance cruciale de l’accessibilité des lieux destinés à l’accueil des victimes de violences, qu’il s’agisse des locaux de la police et de la gendarmerie, des tribunaux ou des hébergements d’urgence, et du développement d’outils et de procédures permettant aux personnes handicapées de porter plainte dans des conditions adaptées à leur situation ;
Appelle à un effort accru de formation et de sensibilisation aux risques spécifiques de violences menaçant les femmes en situation de handicap, à destination de tous les acteurs de la chaîne judiciaire ainsi que des soignants et des personnels de l’aide sociale à l’enfance (ASE) ;
Salue le travail accompli par la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) pour développer des supports de formation sur les violences faites aux femmes dans des formats divers, accessibles aux personnes handicapées et recommande la systématisation de cette démarche inclusive ;
Forme des vœux pour que la dynamique encouragée à l’égard des femmes en situation de handicap par les quatrième et cinquième plans de lutte contre les violences faites aux femmes soit amplifiée dans les plans à venir, y compris dans les territoires ultramarins ;
Appelle à l’intégration systématique de la dimension de l’égalité entre femmes et hommes dans les politiques du handicap et, inversement, à un renforcement de l’intégration du handicap dans toutes les politiques d’égalité entre femmes et hommes.
Vote sur l’ensemble