Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi, M. Joël Guerriau.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
M. François Calvet : M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports : M. François Calvet.
exactions commises par des groupes radicalisés dans le cadre des mouvements sociaux
M. Loïc Hervé : M. Édouard Philippe, Premier ministre : M. Loïc Hervé.
M. Martin Lévrier : M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique.
remplacement des auxiliaires de vie scolaire
M. Éric Gold : M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
rapport d’oxfam et inégalités croissantes en france
M. Éric Bocquet ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; M. Éric Bocquet.
nuançage des candidats aux prochaines élections municipales (i)
M. Didier Marie ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; M. Didier Marie.
démarchages téléphoniques abusifs
M. Alain Fouché ; M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique ; M. Alain Fouché.
mouvements sociaux dans les ports
Mme Agnès Canayer ; M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports ; Mme Agnès Canayer.
avocats et réforme des retraites
M. Jacques Bigot ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jacques Bigot.
nuançage des candidats aux prochaines élections municipales (ii)
Mme Vivette Lopez ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; Mme Vivette Lopez.
fabrication en chine des lunettes du « reste à charge zéro »
Mme Sonia de la Provôté ; Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé ; Mme Sonia de la Provôté.
coupures d’électricité dans le val-de-marne
Mme Catherine Procaccia ; Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire ; Mme Catherine Procaccia.
M. Guillaume Arnell ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Mme Laurence Rossignol ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé ; Mme Laurence Rossignol.
politique scolaire du gouvernement
M. Yves Bouloux ; M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse ; M. Yves Bouloux.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
3. Mises au point au sujet de votes
4. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 272 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 224 de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Amendement n° 231 de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Amendement n° 102 rectifié bis de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 268 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 116 rectifié bis de Mme Véronique Guillotin. – Retrait.
Amendement n° 279 rectifié de Mme Laurence Rossignol. – Retrait.
Amendement n° 157 de M. Michel Canevet. – Retrait.
Amendement n° 96 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 64 rectifié de Mme Christine Herzog. – Non soutenu.
Amendement n° 98 rectifié quater de M. Bruno Retailleau. – Rejet.
Amendement n° 164 de M. Sébastien Meurant. – Rejet.
Amendement n° 273 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 197 rectifié bis de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 271 rectifié bis de Mme Michelle Meunier. – Rejet.
Amendement n° 172 de M. Sébastien Meurant. – Retrait.
Amendement n° 125 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – Adoption.
Amendement n° 146 rectifié de M. Henri Leroy. – Devenu sans objet.
Amendement n° 302 de la commission. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
Conclusions de la conférence des présidents
6. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 39 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet.
Amendement n° 143 rectifié de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 145 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 123 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 194 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 25 rectifié de M. François Bonhomme. – Retrait.
Amendement n° 303 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 5 de Mme Élisabeth Doineau. – Rejet.
Amendement n° 193 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 237 rectifié bis de Mme Florence Lassarade. – Retrait.
Amendement n° 304 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 259 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 192 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
Amendement n° 260 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 45 rectifié bis de Mme Anne Chain-Larché. – Rejet.
Amendement n° 261 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 26 rectifié de M. François Bonhomme. – Retrait.
Amendement n° 95 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 46 rectifié bis de Mme Anne Chain-Larché. – Rejet.
Adoption, par scrutin public n° 69, de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
7. Adoption des conclusions de la conférence des présidents
COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et au respect du temps.
infrastructures routières
M. le président. La parole est à M. François Calvet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Calvet. Monsieur le président, mes chers collègues, permettez-nous d’avoir, Jean Sol et moi-même, une pensée pour les habitants et les services de secours de notre département, qui est frappé par la tempête Gloria.
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
Monsieur le secrétaire d’État, par ma question, je souhaite vous faire part de mon inquiétude quant aux retards du développement qualitatif et quantitatif de nos infrastructures de transport. Elle porte sur le devenir du réseau routier national.
Le 15 mai 2018, vous confirmiez que 50 % des chaussées étaient à renouveler et qu’un pont sur dix était en mauvais état. Des experts ont chiffré le montant des investissements à 1 milliard d’euros supplémentaires par an.
Dans les deux derniers budgets de l’État, le compte n’y est pas. Plus inquiétant encore, pour la première fois, les mobilités ne figurent pas dans les objectifs du nouveau contrat de plan 2021-2027. Pourtant, le réseau routier reste un enjeu stratégique pour le désenclavement et l’économie de nos départements. Dans cette négociation du contrat de plan, pouvez-vous nous confirmer que les crédits routiers n’y figureront plus ?
Parallèlement, vous entamez la concertation sur le projet de loi dit « 3D ». Le transfert du réseau routier national aux collectivités territoriales sera-t-il l’objet de ce projet de loi, et quels crédits y affecterez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, tout d’abord, le Gouvernement a parfaitement conscience du retard accumulé dans la régénération du réseau routier national, du fait des sous-investissements chroniques de ces dernières années.
C’est la raison pour laquelle il a commandé, à l’été 2017, un rapport d’audit externe, qui a confirmé la nécessité d’un budget approchant 1 milliard d’euros, chiffre que vous avez cité.
Comme vous le savez, dans la trajectoire de la loi d’orientation des mobilités (LOM), publiée il y a quelques semaines maintenant, nous avons inscrit 850 millions d’euros pour l’année 2020, un montant en forte augmentation par rapport à l’an passé, avec l’objectif d’atteindre 1 milliard d’euros d’ici à 2023.
L’État est donc au rendez-vous de l’objectif de maintien de la sécurité des usagers, mais aussi du désenclavement des territoires qui sont chers à votre cœur. La LOM prévoit également un financement du plan de désenclavement des territoires ruraux à hauteur de 100 millions d’euros par an.
Il en est de même du budget d’entretien des ponts. Je n’y reviens pas, car nous avons eu un débat sur ce sujet dans cette enceinte.
J’utilise le temps qui me reste pour répondre à vos deux questions.
Tout d’abord, s’agissant de la décentralisation et du projet de loi « 3D », qui sera débattu au Sénat, j’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale : il n’y a pas de projet systématique de décentralisation des routes, même si certaines collectivités en font la demande, notamment pour des portions de routes de leur ressort.
Ensuite, afin de ne pas accumuler de nouveaux retards, le Gouvernement entend agir également en prévention sur l’état des ouvrages. Il entend mettre à disposition des collectivités les préconisations qu’il prendra pour lui-même. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. François Calvet, pour la réplique.
M. François Calvet. Monsieur le secrétaire d’État, en 2012, la France occupait la première place au niveau mondial pour la qualité de ses infrastructures routières ; aujourd’hui elle occupe la dix-huitième place…
M. Claude Malhuret. C’est honteux !
M. François Calvet. L’abandon de la déclaration d’utilité publique s’agissant de la nationale 116 Perpignan-Espagne-Andorre et l’inaction sur la ligne à grande vitesse Perpignan-Montpellier sonnent le glas du milieu rural.
On est bien loin des promesses du Président de la République pendant le grand débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Bravo !
exactions commises par des groupes radicalisés dans le cadre des mouvements sociaux
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Loïc Hervé. Monsieur le président, mes chers collègues, j’aimerais poser ma question à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la société française va mal, et, dans nos départements, nous ressentons une montée préoccupante des tensions sociales, sur fond, notamment, de réforme des retraites.
Ici, l’accès des sous-traitants à un dépôt de gaz est empêché ; là, des dockers multiplient les opérations « ports morts ».
Hier matin, une coupure de courant a privé 30 000 foyers d’électricité au sud de Paris et interrompu Orlyval.
Depuis plusieurs mois, nos sapeurs-pompiers sont en grève pour réclamer des moyens supplémentaires, mais également pour dénoncer les violences dont ils sont l’objet.
Cette semaine a commencé par des perturbations de certaines épreuves communes de contrôle continu du nouveau baccalauréat, qui suscite de vraies inquiétudes chez les enseignants et leurs élèves.
En marge de ces contestations, des incidents se sont multipliés, laissant place à la violence, mais aussi à des actions nouvelles, si bien que le Président de la République lui-même a dû quitter un théâtre en cours de représentation. C’est un fait inédit.
Violences de manifestants, répliques de forces de l’ordre épuisées, actions coup de poing : notre pays vit au rythme d’une immobilisation qui suscite de vives inquiétudes chez les acteurs économiques, mais aussi la lassitude et la colère de nos concitoyens.
Monsieur le Premier ministre, il est temps d’apaiser ce climat, qui est l’expression de la souffrance des Français, mais dont ils sont également les principales victimes.
Quelles initiatives concrètes entendez-vous prendre pour que ce climat change et que la concorde nationale revienne ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Éliane Assassi. Retirez le projet de loi sur les retraites !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur le climat social qui prévaut en France et sur la nécessité d’apaiser, à bien des égards, les débats et l’ensemble du pays.
Monsieur le sénateur, je voudrais vous dire d’abord que je partage votre constat ; nous le partageons tous, je le crains. Le débat public est souvent vif dans notre pays, les réactions sociales, lorsque des réformes sont envisagées, quelles que soient d’ailleurs les majorités qui envisagent ces réformes, sont souvent vives. J’ai le souvenir, il y a quelques années, des manifestations parfois violentes qui avaient accompagné les discussions relatives à la loi dite « El Khomri » sur le travail.
Nous constatons, cette fois encore, dans la perspective des discussions parlementaires qui interviendront sur le système universel de retraite, des grèves – elles sont légales, et il n’est pas question, ici, de dénier à quiconque la possibilité de faire grève –, des manifestations – de même, personne ici ne voudrait dénier à quiconque le droit de manifester.
Toutefois, nous observons aussi des comportements violents, des blocages et, parfois, des actes qui, je le dis aussi simplement que je le pense, sont totalement opposés à l’esprit du service public, totalement illégaux et, en vérité, totalement inacceptables.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, la coupure sauvage d’électricité qui est intervenue hier et qui a privé près de 60 000 Franciliens d’un accès au réseau, interrompant des activités économiques et des transports publics. Elle a aussi interrompu l’alimentation des appareils dont nos concitoyens ont parfois besoin dans leur vie quotidienne et – j’y insiste pour connaître le sujet – dont ils ont parfois besoin pour continuer à vivre dans de bonnes conditions, notamment dans le cas de matériels médicaux.
Je veux le dire avec clarté, monsieur le sénateur : le droit de grève est légal, y compris dans les secteurs de l’énergie, et beaucoup de ceux qui y travaillent, lorsqu’ils choisissent de faire grève, s’inscrivent dans le cadre légal. À tel point que lorsque, pour les nécessités liées à la sécurité nationale, ils sont réquisitionnés, alors même qu’ils se sont déclarés grévistes, pour assurer le bon fonctionnement des installations de production ou de distribution d’électricité, ils obtempèrent à la réquisition et respectent la loi. À ceux-là, il faut dire que leur comportement ne pose aucun problème.
Néanmoins, à ceux qui, se parant de je ne sais quel militantisme, décident d’accomplir des actions parfaitement illégales et potentiellement dangereuses, il faut dire que leur comportement n’est pas acceptable et qu’il mène directement à des sanctions. Il ne peut pas en être autrement ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
J’ajoute un dernier mot, monsieur le sénateur, puisque votre question porte sur les voies permettant de revenir à une situation apaisée ou de renouer le dialogue, pour dire deux choses.
D’une part, le dialogue n’a jamais été rompu. (Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) Nous discutons depuis longtemps avec les organisations syndicales, qui ont d’ailleurs toujours accepté de venir aux réunions et aux rendez-vous que nous organisions et qui ont travaillé avec nous, certaines assumant des désaccords complets sur l’objet de la réforme que nous préparons.
Il est vrai que certaines refusent par principe la construction d’un système universel et que d’autres refusent par principe un système à points, mais il est des organisations syndicales, et pas les plus négligeables d’entre elles, qui pensent que, au contraire, un système universel par répartition et par points est un bon système et peut constituer à la fois un progrès social et un élément de solidité du système de pension. (M. Pierre Laurent s’exclame.)
Nous travaillons donc avec l’ensemble des organisations syndicales dans un esprit – je le dis et je l’assume – de confiance et de respect.
Par ailleurs, je crois, monsieur le sénateur, que c’est en affirmant la nécessité du respect et de la confiance et peut-être même en assumant la logique de compromis que nous sortirons de cette tension ; c’est également en appelant à la responsabilité l’ensemble de notre société, les responsables politiques, bien entendu, qui doivent, je le crois, et ils le font régulièrement, condamner la violence et les actes illégaux, et les responsables syndicaux, qui doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités.
Au-delà de ces différents responsables, chacun de nos concitoyens, dans une démocratie, doit assumer ses responsabilités. Celui qui se rend coupable d’un acte illégal ou d’un acte de coupure sauvage d’électricité doit assumer ses responsabilités et ne peut pas les renvoyer à tel ou tel autre qui lui aurait demandé de le faire ou qui justifierait qu’il commette un acte illégal.
Autrement dit, la solution, c’est la responsabilité individuelle, l’engagement collectif et la discussion, autant que possible. Ce n’est jamais l’inaction. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Je vous remercie, monsieur le Premier ministre, d’avoir pris le temps de me répondre.
Il y a le constat que nous partageons, évidemment, et la dénonciation des faits délictueux. Il y a aussi la durée du mouvement, donc le ras-le-bol exprimé par les Français. Enfin, il y a le rôle du Parlement, lieu du débat politique. Et, à cet égard, j’ai la conviction que le Sénat peut jouer un rôle qui est plus que celui d’un simple exutoire. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
opération « choose france »
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe LaREM. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Martin Lévrier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État chargé du numérique, mes chers collègues, Why choose France ? Pourquoi choisir la France ? (Exclamations.)
Lundi dernier, un contrat de commande d’au moins 2 milliards d’euros de navires de plaisance a été signé avec le Premier ministre entre le transporteur maritime MSC Croisières et les Chantiers de l’Atlantique.
Il précédait de quelques heures l’organisation, sous ce thème, « Choose France », d’un sommet de deux cents entrepreneurs mondiaux accueillis par notre président, Emmanuel Macron, dans ce site exceptionnel et de renommée internationale, le château de Versailles. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, UC et SOCR.)
Mme Sophie Primas. Courtisan !
M. Martin Lévrier. Le contrat de 2 milliards d’euros est révélateur de ce qu’est la France. En effet, MSC Croisières est une société de navigation genevoise dont le propriétaire est un entrepreneur italien, M. Aponte.
Quant aux Chantiers de l’Atlantique, il s’agit du plus grand chantier naval d’Europe, concentrant un nombre incalculable de savoir-faire français. Rappelons qu’il a été construit, en 1860, par un industriel écossais, M. Scott.
C’est affirmer que, de cet industriel écossais à cet entrepreneur italien, notre pays est un territoire de développement industriel. Pourtant, pendant les trente dernières années, l’industrie française a décliné lentement, mais sûrement. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Aujourd’hui, la France connaît un regain d’attractivité industrielle. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE.)
M. Laurent Duplomb. Quel fayot !
M. Martin Lévrier. Les résultats sont probants : outre ce contrat, évoquons le rapport d’Ernst & Young du 13 janvier dernier, qui confirme la pole position de la France en Europe en termes d’attractivité industrielle. (Mêmes mouvements.)
À long terme, six cadres dirigeants à l’étranger sur dix considèrent que l’attrait de la France a crû au cours de deux dernières années.
M. Jackie Pierre. C’est faux !
M. Martin Lévrier. Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous rappeler les raisons de cette attractivité récente ? Pourquoi choisir la France ? Why choose France ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Marques d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur Martin Lévrier, je vous remercie de votre question. (Rires et applaudissements prolongés sur les travées des groupes Les Républicains, UC, SOCR et CRCE.) Et je suis heureux de constater à quel point, sur l’ensemble des travées de cette assemblée, on se réjouit de ces annonces…
Vous évoquez les montants d’investissements. La commande de MSC Croisières, au-delà des milliards d’euros qu’elle représente, c’est 10 millions d’heures de travail et 2 400 emplois supplémentaires.
On peut aussi évoquer les annonces de Coca-Cola ou encore celle d’AstraZeneca, qui créera dans les Hauts-de-France, à Dunkerque, dans une région qui en a besoin, plusieurs centaines d’emplois.
Cela nous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, que, aujourd’hui, ce sont plus de 2 millions de Français, dans tous les territoires, dans toutes vos circonscriptions j’imagine, qui sont employés par des entreprises étrangères.
C’est pour cette raison que cette notion d’attractivité est essentielle pour tous les emplois, dans tous nos territoires.
Mme Sophie Primas. Bref, la France est devenue un paradis ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric O, secrétaire d’État. Cette attractivité, vous avez eu l’occasion de le dire, est historiquement haute. La France est probablement aujourd’hui le pays le plus attractif d’Europe, et c’est grâce à cela, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons réussi aussi à faire baisser le chômage et à faire en sorte que 500 000 Français, depuis 2017, aient retrouvé un emploi.
Cette attractivité, elle ne tombe pas du ciel : elle vient bien évidemment des réformes engagées par le Gouvernement depuis deux ans (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), ce qui est reconnu par la communauté internationale. Mais, au-delà des réformes dans le domaine fiscal, dans le domaine du marché du travail, dans le domaine des investissements technologiques, elle vient aussi de la constance de ces efforts. (M. Stéphane Piednoir s’exclame.)
Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous continuerons dans cette direction,…
M. David Assouline. Nous voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
M. Cédric O, secrétaire d’État. … parce que, au bout, il s’agit du combat essentiel qui nous concerne tous : celui de l’emploi. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
remplacement des auxiliaires de vie scolaire
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
L’actualité récente, avec la réforme des retraites et du baccalauréat, a fait éclater deux conflits parallèles dans l’enseignement. Mais ces sujets ne doivent pas masquer d’autres problématiques, toujours d’actualité, dont l’accueil des élèves en situation de handicap. Car passer son bac relève pour certains du parcours du combattant.
Pour passer son bac, il faut en effet bénéficier d’une scolarité continue, donc d’une école pleinement inclusive, et ce depuis son plus jeune âge. Or, pour fonctionner, cette école inclusive doit pouvoir s’appuyer, à côté des enseignants, sur des personnels formés, reconnus et en nombre suffisant.
La réforme de 2016 a conduit à la création d’un contrat spécifique d’accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) et d’un diplôme dédié. Si cette réforme a permis de mettre en lumière le rôle majeur, mais aussi la précarité de ceux que l’on appelait alors auxiliaires de vie scolaire (AVS), les difficultés n’en ont pas pour autant disparu.
Les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), notamment, ont beaucoup fait parler d’eux, et pas toujours dans le bon sens du terme.
Toutefois, je souhaitais pour ma part vous interroger sur le remplacement des AESH en congé maladie ou en congé maternité. En effet, les inspecteurs d’académie chargés de leur recrutement ne bénéficient d’aucune marge de manœuvre en cas d’absence de longue durée d’un AESH.
D’une part, les contrats prévoient un recrutement sur trois ans et, d’autre part, l’enveloppe est utilisée dès la rentrée et en totalité pour l’accompagnement des enfants disposant d’une notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Il leur est ainsi impossible de recruter des remplaçants.
Les élèves et leurs professeurs se retrouvent donc à partager l’accompagnant d’un autre élève, ou sans accompagnant du tout, sans respecter les notifications MDPH.
Monsieur le ministre, vous le savez, l’éducation connaît une crise, notamment une crise des vocations. Le nombre d’inscrits aux différents concours de recrutement est en baisse régulière. Les explications sont multiples, mais, parmi elles, figurent des conditions d’exercice plus difficiles et un mal-être général.
Aussi, ma question est simple : pour ces personnels AESH indispensables qui accompagnent les citoyens en devenir, pour ces enfants à qui l’on a promis l’égalité des chances, quelles sont les mesures de simplification envisagées pour une scolarité encore plus inclusive ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Éric Gold, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui se trouve aux côtés du Président de la République, en déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens, et qui m’a chargé de vous répondre.
Vous abordez la question de l’école inclusive, qui est absolument centrale et dont nous avons eu l’occasion de débattre à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, notamment lors de l’examen de la loi pour une école de la confiance, portée par Jean-Michel Blanquer.
C’est une petite révolution qui a eu lieu dans l’éducation nationale en cette rentrée, avec la création d’un service public de l’école inclusive, sur l’initiative de Jean-Michel Blanquer et de Sophie Cluzel, qui comprend effectivement un certain nombre de dispositifs, notamment les pôles inclusifs d’accompagnement localisés, que vous avez cités.
Désormais, ce n’est plus à la famille et à l’enfant d’attendre un accompagnement en arrivant à l’école ; c’est à l’accompagnant, lors de la rentrée, d’attendre l’arrivée de la famille et de l’enfant à l’école. Toutes les mesures que nous avons prises tendent vers cet objectif.
Évidemment, il y a du retard à rattraper ; évidemment, il reste encore des difficultés, parce que nous scolarisons de plus en plus d’enfants en situation de handicap, mais les choses s’améliorent.
Précisément, elles s’améliorent en matière d’accompagnement. Vous avez abordé la situation des AESH. Une décision très forte a été prise, à savoir lutter contre la précarité de cette fonction, de ce métier, en passant de contrats très courts, extrêmement précaires, qui se succédaient les uns aux autres, à des contrats robustes, de long terme – trois ans –, renouvelables une fois et « CDIsables » ensuite.
Les choses ont progressé : cette rentrée, plus de 83 % des AESH bénéficiaient d’un contrat de trois ans.
Nous sommes dans un moment de transition, passant de contrats précaires à une véritable filière professionnelle d’accompagnement, qui a toute sa place dans la communauté éducative.
Des difficultés ont pu être identifiées ici ou là, notamment s’agissant des remplacements. Nous y répondons point par point, situation par situation, mais nous avons bon espoir et nous agissons pour que, dès l’année prochaine, les choses se stabilisent dans la durée,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État. … car c’est bien une filière professionnelle que nous avons mise en place, au service des élèves et de leurs familles. (M. François Patriat applaudit.)
rapport d’oxfam et inégalités croissantes en france
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le quinquennat avait débuté un soir de mai 2017 sous les accents de l’Hymne à la joie, et, depuis lors, l’orchestre gouvernemental nous interprète régulièrement la Symphonie du Nouveau Monde. (Sourires.)
Lors du concert budgétaire de l’automne dernier, le chef d’orchestre, Bruno Le Maire, son premier violon, Gérald Darmanin, et Olivier Dussopt, à la flûte traversière (Nouveaux sourires.), nous ont vanté les vertus d’un budget de justice fiscale et de redistribution de la richesse.
Il y eut un couac cependant, lorsque l’Insee annonça que, en 2018, quelque 400 000 de nos concitoyens avaient basculé dans la pauvreté, portant ainsi à 14,7 % le taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans notre pays, pourtant sixième puissance économique du monde.
Hier, l’ONG Oxfam publiait un rapport édifiant sur les inégalités dans notre pays. On y apprend que M. Bernard Arnault, du groupe LVMH, a accru sa fortune de 41 milliards de dollars en moins d’un an. Avec cette somme, il serait possible de verser aux 67 millions de Français – bébés compris – une prime exceptionnelle de 552 euros et 7 centimes.
M. Arnault gagne 11,6 euros chaque seconde. Enfin, sa fortune est évaluée à 105,5 milliards d’euros, un montant supérieur au PIB de la Croatie et de la Côte d’Ivoire.
Certes, vous allez nous réinterpréter la mélodie du ruissellement, mais vous avez indéniablement contribué à cette belle réussite, en supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune, d’une part, et en réduisant la taxation des dividendes, d’autre part.
Or, comme ma sœur Anne, nous ne voyons rien venir. Vous cherchez de l’argent pour assurer le financement des retraites ; sans doute y a-t-il là quelques pistes à explorer…
Mesdames, messieurs les ministres, quand allez-vous, au vu de ces données, décider de changer votre musique budgétaire et fiscale ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, permettez-moi de jouer d’une corde différente dans votre jolie symphonie et de porter un autre regard, au prisme des inégalités de destin.
Vous avez cité des chiffres de l’Insee, lequel a précisé que ceux-ci étaient provisoires. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Permettez-moi de vous apporter des éléments complémentaires.
Le Gouvernement a fait le choix d’augmenter la prime d’activité, ainsi que le minimum vieillesse et l’allocation aux adultes handicapés (AAH), pour les porter à 900 euros, soit une hausse de près de 11 %, et cela pour un montant de 6 milliards d’euros. Les chiffres disponibles nous permettent de dire que, grâce notamment à la prime d’activité, le taux de pauvreté au premier semestre de 2019 a baissé de 0,5 point et de 0,9 point pour les familles monoparentales.
De même, grâce au service public de versement des pensions alimentaires créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, service qui sera mis en place le 1er juin prochain, 42 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés, de manière à garantir à l’ensemble de ces familles monoparentales le versement des pensions alimentaires.
En moyenne, 170 euros de pension alimentaire par enfant ne sont pas versés, ce qui représente au quotidien une difficulté pour nombre de ces familles monoparentales. Elles l’ont dit abondamment lors du mouvement des « gilets jaunes », puis dans le cadre du grand débat national. Nous les avons entendues, nous leur avons répondu, conformément à l’engagement du Président de la République et du Premier ministre.
Vous avez évoqué la suppression de l’ISF. Si cet impôt avait fonctionné jusqu’à présent, nous ne connaîtrions pas un tel taux de pauvreté ! Nous avons en effet modifié cet impôt pour que les entreprises puissent recréer de l’emploi. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
On le voit bien, cela fonctionne, puisque 500 000 postes supplémentaires ont été créés à destination des demandeurs d’emploi, à destination des bénéficiaires du revenu de solidarité active. À cet égard, nous accompagnons au quotidien les départements – peut-être ne le disent-ils pas assez fort –, à hauteur de 135 millions d’euros en 2019 et de 175 millions d’euros en 2020. (Mêmes mouvements.)
C’est avec les collectivités, à partir des territoires, que l’on luttera correctement contre la pauvreté. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique, en une petite fugue de onze secondes… (Sourires.)
M. Éric Bocquet. Madame la secrétaire d’État, c’est non pas un bis que nous vous demandions, mais une réécriture complète de la partition !
Déjà, dans les rues de nos villes, la musique a changé : on interprète le Lac des Cygnes sur le parvis de l’Opéra Garnier et on chante le « Chœur des esclaves » du Nabucco de Verdi aux vœux de Radio France…
M. le président. Il faut conclure.
M. Éric Bocquet. Vous vous apprêtez à finaliser le projet de loi de réforme des retraites ; je crains que, si vous ne changez de politique, votre concert quinquennal ne se termine avec la Symphonie pathétique, voire le Requiem de Mozart. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Didier Marie. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez voulu, par une circulaire aux préfets, dans un quasi-secret, rendre illisibles les résultats des élections municipales de mars prochain en modifiant le nuançage politique des listes.
Non seulement vous avez décidé de relever de 1 000 à 9 000 habitants le seuil de population des communes dans lesquelles l’administration appliquera une nuance politique, mais vous inventez une nouvelle classification et une nuance « divers centre », qui, je cite la circulaire, « sera attribuée aux listes qui auraient obtenu l’investiture d’En Marche ou du Modem, mais qui aura aussi vocation à être attribuée aux listes qui seront soutenues par ces partis », y compris quand elles ne l’auraient pas demandé, ainsi qu’aux listes dissidentes, faisant ainsi exception à la règle appliquée aux autres.
Après les candidats malgré eux de 2014, voilà les candidats soutenus malgré eux de 2020 !
Une belle manœuvre, monsieur le ministre, pour gonfler artificiellement les résultats de la majorité. Nous vous demandons donc solennellement de retirer cette circulaire bien peu conforme aux valeurs démocratiques de notre République. (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, il n’y avait rien de secret notamment quand je me suis exprimé devant vous le 9 octobre dernier, à l’occasion de la séance des questions d’actualité au Gouvernement.
Précisément, en réponse au sénateur Maurey, j’ai abordé ce sujet et j’ai indiqué que nous allions revenir sur ce qui était contesté alors par nombre d’entre vous, ici, à savoir le nuançage d’office par les préfets, sans prendre l’attache des candidats qui étaient de fait « nuancés ».
Devant vous, j’avais évoqué comme objectif le seuil de 9 000 habitants, qui correspond à une réalité très précise : c’est celui à partir duquel sont obligatoires la désignation d’un mandataire financier et le dépôt de comptes de campagne, lesquels font l’objet d’un remboursement par l’État.
Ce seuil provient aussi du fait que, en 2014, quelque 82 % des candidats dans les communes de 1 000 à 9 000 habitants avaient été nuancés par les préfets au titre de « divers gauche », « divers droite » ou « divers ». C’est à partir de cette réalité que nous avons travaillé, ensemble.
En outre, vous avez continué, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment en séance publique, le 15 octobre dernier, quand vous avez adopté un amendement, déposé par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, ayant fait l’objet d’un avis favorable de la commission des lois ; Mme Françoise Gatel, rapporteur, et M. Mathieu Darnaud, du groupe Les Républicains, s’étaient prononcés favorablement.
C’est aussi sur cette base que le Gouvernement s’était engagé - cet engagement a été tenu -, devant les sénateurs et les députés réunis en commission mixte paritaire, à élaborer une circulaire, à la demande de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), mais aussi à celle de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), dès 2014, comme cela figurait il y a quelques heures encore sur son site internet.
Cette circulaire affirme le principe selon lequel l’étiquette politique est décidée par les candidats et retire aux préfets le nuançage,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. … qui, très souvent, vous le savez, était contesté par les candidats eux-mêmes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour la réplique.
M. Didier Marie. Monsieur le ministre, vous justifiez votre manœuvre par une demande des associations d’élus, mais à aucun moment l’une d’elles n’a mentionné un seuil de 9 000 habitants.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Didier Marie. Plus encore, l’Association des maires de France vous demande aujourd’hui d’y renoncer et de maintenir le seuil de 1 000 habitants à partir duquel les élections se font au scrutin de liste (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.), en intégrant une nouvelle nuance « sans étiquette ». Ne les prenez donc pas en otage !
La vérité, monsieur le ministre, c’est que, pour procéder ainsi en catimini à ce tripatouillage électoral (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.), vous êtes inquiets du résultat de La République En Marche. Vous paniquez face à des sondages décourageants et à la multiplication des dissidences, y compris au sein du Gouvernement. Vous avez les pires difficultés à investir des candidats pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République des 10 000 élus locaux !
Vous avez délibérément choisi de nier l’existence d’une vie politique dans 8 931 communes, représentant 23,5 millions de nos concitoyens. Vous avez délibérément opté, avec cette nuance « divers centre »,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Didier Marie. … pour la stratégie du coucou, cet oiseau opportuniste qui abuse des autres en pondant dans leur nid.
Monsieur le ministre, il est encore temps de retirer votre circulaire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE, UC et Les Républicains.)
démarchages téléphoniques abusifs
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, mes chers collègues, depuis le 20 janvier dernier, une pétition mise en ligne par des associations de consommateurs appelle les pouvoirs publics à interdire le démarchage téléphonique. Près de 200 000 personnes l’ont déjà signée.
Il ne se passe pas un jour, dans ma permanence comme dans d’autres, sans que plusieurs personnes viennent se plaindre de ces démarchages incessants. Il ne se passe pas un jour sans que je sois moi-même appelé à plusieurs reprises sur mon téléphone fixe ou portable, souvent d’ailleurs par des plateformes étrangères.
Beaucoup de mes collègues, ici, au Sénat, s’en préoccupent.
La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) vient ce matin de publier un communiqué indiquant qu’elle s’émouvait de ces abus.
Les opérateurs se réclament désormais des collectivités, départements et régions, de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), et même bien souvent de l’État.
Bloctel, qui permet aux consommateurs de s’inscrire gratuitement sur une liste d’opposition au démarchage, est inefficace et beaucoup trop cher pour les entreprises. Dans la proposition de loi envisagée, le coût sera encore plus élevé.
Se pose la question de l’efficacité de la législation et de son respect. Un effort considérable de contrôle et d’amendes a été réalisé : est-il suffisant ?
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire cesser le démarchage téléphonique abusif, tout en préservant les emplois français ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre de l’action et des comptes publics, chargé du numérique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Fouché, je vous remercie de votre question sur ce sujet, celui des appels téléphoniques non désirés, répétés et effectués à tout moment de la journée, qui constituent une véritable nuisance et empoisonnent la vie de nombre de nos concitoyens, particulièrement les personnes âgées.
Je veux vous assurer que le combat contre ces appels indésirables est une véritable priorité, notamment de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Si ces nuisances téléphoniques perdurent, c’est essentiellement en raison de réseaux extrêmement bien organisés dans la poursuite de ces activités délictuelles.
Avec Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie, et sous l’impulsion d’Agnès Pannier-Runacher, j’ai renforcé les contrôles et l’information des citoyens, notamment dans le cadre des projets de travaux de rénovation énergétique, qui sont l’un des sujets de la fraude aux appels téléphoniques.
M. Philippe Mouiller. Cela ne marche pas !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Plus globalement, nous devons renforcer les contrôles et adapter nos outils. En 2019, ce sont plus de 1 000 établissements qui ont été contrôlés,…
M. François Bonhomme. Avec quelle efficacité ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. … conduisant à la sanction de 66 d’entre eux qui ne respectaient pas le dispositif Bloctel, pour un montant total de 2,3 millions d’euros d’amendes, soit trois fois plus qu’en 2018.
Par ailleurs, la DGCCRF publie régulièrement le nom des entreprises fraudeuses. Une quinzaine de décisions ont été publiées, et cela se généralisera dans les prochains mois.
Nous devons également adapter nos outils, car le cadre législatif mérite d’être renforcé. C’est le sens de la proposition de loi, portée par le député Christophe Naegelen, visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Le Gouvernement a soutenu plusieurs dispositions de ce texte et proposé des améliorations sur plusieurs points.
Cette proposition de loi doit permettre de lutter plus efficacement contre le démarchage téléphonique en renforçant les obligations et en prévoyant des sanctions beaucoup plus dissuasives, jusqu’à 375 000 euros d’amende,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Cédric O, secrétaire d’État. … avec une attention particulière portée sur le secteur de la rénovation thermique et des cas d’interdictions sectorielles.
S’il faut aller plus loin, nous irons plus loin, mais je puis vous assurer de la mobilisation du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. François Bonhomme. Olé ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour la réplique.
M. Alain Fouché. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je vous demande effectivement de continuer à être ferme ! (Rires sur des travées du groupe Les Républicains.)
mouvements sociaux dans les ports
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Agnès Canayer. Plusieurs grands ports français sont, à l’heure où nous parlons, bloqués du fait de l’opération « ports morts » lancée pour protester contre la réforme des retraites. Dans certains ports, pour reprendre l’expression des manifestants : « rien ne sort, rien ne rentre », et cela dure parfois depuis deux mois.
M. Claude Malhuret. C’est honteux !
Mme Agnès Canayer. La situation que suscite ce conflit est une véritable catastrophe économique pour toute la chaîne logistique. Transporteurs routiers, transitaires ou commissionnaires de transport sont les premiers touchés, mais ce ne sont pas les seuls ; certaines usines sont en mal d’approvisionnement et le secteur agricole voit ses exportations compromises.
M. Claude Malhuret. C’est inacceptable !
Mme Agnès Canayer. Les conséquences économiques vont bien au-delà des entreprises de transport. Sans les ports, il n’y a pas de commerce extérieur.
Les navires se détournent vers d’autres ports européens, et les efforts mis en œuvre pour développer les ports français se trouvent remis en cause. Comme le faisait remarquer ce matin un chef d’entreprise, on est en train d’enterrer les ports français.
M. Pierre Laurent. Les ports, ce sont aussi des salariés !
Mme Agnès Canayer. La situation devient difficilement tenable pour les entreprises, notamment les PME. Nous assistons à la multiplication des mises au chômage technique.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures comptez-vous prendre pour venir en aide à toutes les entreprises touchées par un conflit dont elles ne sont pas parties prenantes ? Quel soutien financier concret le Gouvernement entend-il débloquer ? Ces questions, les entreprises vous les posent : elles attendent un signal fort ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, comme vous le soulignez, l’activité économique des ports s’est fortement contractée ces dernières semaines, tant sur le marché des conteneurs que sur les trafics de racks, ou encore sur les navires de croisière, qui se sont déroutés vers d’autres ports européens, pour le moment de façon temporaire, mais possiblement, demain, de manière durable.
Vous l’avez dit, le mouvement social nuit gravement non seulement à l’activité économique et à l’image des ports français, mais également à l’ensemble de la filière logistique, au premier rang desquels le fret ferroviaire et le transport routier de marchandises.
C’est la raison pour laquelle j’ai réuni hier au ministère, avec Agnès Pannier-Runacher, l’ensemble des acteurs et des territoires concernés, à la fois pour leur annoncer les dispositifs d’accompagnement à l’intention des entreprises en difficulté et pour redonner des perspectives de moyen terme aux secteurs concernés.
S’agissant des mesures de court terme, il est notamment proposé d’accélérer le remboursement du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) et de la TVA, de faciliter des reports d’échéances sociales et fiscales ou encore d’obtenir des lignes de crédits via Bpifrance.
Pour le secteur routier, le processus accéléré de remboursement de TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) est réactivé.
SNCF Réseau étudiera par ailleurs les modalités de soutien aux opérateurs de fret, notamment en procédant à la non-facturation des péages qui n’ont pas été utilisés. Le Gouvernement pérennise, comme vous le savez, le dispositif d’aide aux transports combinés pour la période 2019-2023, à hauteur de 27 millions d’euros annuels.
Enfin, par place portuaire, un bilan économique sera évidemment dressé, afin de prendre en compte au mieux les coûts liés aux mouvements sociaux.
Vous l’avez compris, le Gouvernement est mobilisé, à court terme, pour apporter tout son soutien aux entreprises en difficulté, et, à long terme, pour poursuivre les actions structurantes visant à véritablement doper les filières d’avenir de la logistique et du monde portuaire.
M. le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour la réplique.
Mme Agnès Canayer. Vous l’avez compris, il y a urgence ! Les ports sont les poumons économiques de notre pays. Il faudra redonner confiance dans les ports français.
Dans certaines places portuaires, les entreprises ont perdu jusqu’à 40 % de leur chiffre d’affaires. Des mesures exceptionnelles s’imposent pour les entreprises touchées, qui sont les victimes collatérales du conflit actuel. Il ne faut pas les laisser tomber ; elles ne font que subir une situation à laquelle elles ne sont pour rien. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.)
avocats et réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, la question que je vous pose est liée à ce que nous vivons tous actuellement lorsque nous assistons aux audiences solennelles de rentrée des juridictions : les avocats jettent leur robe ; ils sont inquiets ; ils sont en grève.
Ils sont inquiets de la réforme des retraites que le Gouvernement veut leur imposer, alors que leur régime de retraite est équilibré, solidaire, et reverse près de 100 millions d’euros chaque année au régime général, avec la difficulté de devoir payer à l’avenir des cotisations beaucoup plus élevées.
Ma question est claire : que comptez-vous proposer pour faire cesser ces manifestations des avocats ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Jacques Bigot, je voudrais tout d’abord dire que j’ai le souci du dialogue avec la profession d’avocat. (Rires et exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Les avocats sont essentiels à la justice, c’est la raison pour laquelle je les rencontre très fréquemment, au niveau national comme à l’échelon local, chaque fois que je me déplace dans les différentes juridictions.
Au-delà de la question des retraites que nous traitons aujourd’hui, je souhaite d’ailleurs dire que cette profession connaît de très fortes évolutions, et que je suis bien entendu prête à dialoguer avec elle sur la manière dont nous pouvons, ensemble, envisager celles-ci.
Sur la question des retraites, je dois dire que j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de rencontrer les représentants nationaux des avocats. Je regrette leur position de principe de refus d’entrer dans le régime universel des retraites.
M. André Reichardt. Cela se comprend !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je le regrette parce que ce régime universel, nous l’avons répété, je ne le détaille pas de nouveau devant vous, est un régime de justice sociale,… (Protestations sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. Martial Bourquin. Ce n’est pas vrai !
M. Michel Savin. C’est faux !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Nous avons eu l’occasion de le leur dire.
Très concrètement, depuis cette semaine, je me félicite que le Conseil national des barreaux (CNB) ait accepté de participer avec la Chancellerie à des réunions techniques ; celles-ci sont en cours au moment où je vous parle.
Le Premier ministre et moi-même aurons l’occasion de rencontrer les avocats demain soir, à l’issue de ces réunions techniques, avec évidemment pour préoccupation la prise en compte de la spécificité du régime des avocats dans le cadre du régime universel. Je suis persuadée que nous arriverons à des solutions qui seront satisfaisantes pour chacun.
J’aborderai tout de même un dernier point, monsieur le sénateur : bien entendu, le droit de grève est un droit constitutionnel qui, en tant que tel, doit être respecté ; je regrette toutefois que celui-ci conduise parfois à des actions de blocage, qui paralysent les juridictions et qui, in fine, portent tort à nos concitoyens venant chercher justice. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Martial Bourquin. Vous en portez la responsabilité !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour la réplique.
M. Jacques Bigot. Madame la garde des sceaux, le jour où vous aurez réussi la paupérisation complète de la profession, à l’exception des avocats d’affaires qui gagnent bien leur vie, vous n’aurez plus d’avocats commis d’office ni d’avocats en aide juridictionnelle !
M. Rachid Temal. Absolument !
M. Jacques Bigot. Au-delà du régime de retraite, c’est la précarisation de la profession que vous devez aborder. Le 17 octobre 2018, alors que nous débattions de l’aide juridictionnelle dans le cadre de la réforme de la justice, vous nous déclariez : « Le travail que je souhaite conduire avec les avocats se terminera au printemps 2019, en mai ou juin, et se traduira, comme je vous l’ai annoncé précédemment, dans le budget 2020. » Nous n’avons rien vu venir !
La justice est en train de s’effondrer, à tous points de vue. À l’heure actuelle, les jeunes avocats ne commencent pas leur carrière, comme vous l’indiquez dans vos simulations avec le CNB, à 40 000 euros à 23 ans, mais, au mieux, à 23 000 euros à 25 ou 26 ans, et leurs cotisations vont doubler, puisqu’ils payent l’intégralité des cotisations en exerçant en tant que profession libérale.
Ce qu’ils craignent donc, avec votre régime universel,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Jacques Bigot. … c’est que, demain, il n’y ait plus d’avocats. Et sans avocats, il n’y a plus de justice et plus de démocratie. Madame la garde des sceaux, ne sauvez pas le Gouvernement : sauvez l’État de droit ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
nuançage des candidats aux prochaines élections municipales (ii)
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Vivette Lopez. Monsieur le ministre de l’intérieur, votre réponse n’ayant convaincu personne, je repose la question, car nous sommes très nombreux à nous interroger sur cette nouvelle fantaisie suggérée par le Gouvernement au travers de la circulaire sur le « nuançage », signée de votre main.
Depuis bientôt trois ans, vous nous affirmez que vos préoccupations principales sont la clarté et la transparence, et voilà que vous décrétez, sans aucune consultation, que seuls les résultats des communes de plus de 9 000 habitants seront pris en compte dans les résultats nationaux par parti, excluant ainsi du calcul 96 % des communes françaises et 54 % des électeurs. Gommer d’un trait 54 % d’un résultat pour un calcul final, il me semble que, en France, cela ne s’est jamais vu !
Cerise sur le gâteau, vous créez une nouvelle nuance, dite « divers centre », qui intégrera toute liste soutenue par La République En Marche, l’UDI et le Modem, même si la tête de liste est investie par un autre parti. C’est incroyable ! Ainsi, vous modifiez la réalité du terrain et camouflez la réelle identité des listes.
Devant de telles incohérences, pourriez-vous, cette fois, nous apporter des réponses claires et précises pour justifier la pertinence de cette nouvelle circulaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. « Nouvelle fantaisie », dites-vous, madame la sénatrice ?
Je lisais il y a quelques jours sur le site de l’Association des maires de France – je précise « il y a quelques jours », parce que cette publication a été supprimée hier et que, ce matin, a paru un communiqué de presse disant quelque peu l’inverse – les propos suivants : « Cette circulaire n’a rien d’inhabituel : à chaque élection municipale, depuis la IIIe République, il est d’usage de demander aux préfets d’attribuer une “nuance” aux différentes listes ». Voilà la réalité de cette « nouvelle fantaisie » !
Ce que je veux vous redire, madame la sénatrice, c’est que les étiquettes politiques appartiennent à ceux qui les déclarent, et pas aux préfets qui décident pour le compte d’autrui. (Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme Cécile Cukierman. Cela vous arrange !
M. Jérôme Durain. Et le seuil des 9 000 habitants ?
M. Christophe Castaner, ministre. Cette discussion a eu lieu dans cet hémicycle le 15 octobre dernier, je l’ai rappelé, mais elle a également eu lieu à l’Assemblée nationale.
Lors de l’examen de la loi pour la confiance dans la vie politique, Mme Rabault, présidente du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, défendant un amendement, précisait : « Cet amendement vise à respecter […] la protection de la liberté individuelle et de la liberté du choix politique. Au nom de ces deux libertés, la préfecture ne peut pas affecter une couleur politique à une liste, sans que cette liste l’ait déclarée. »
M. le député Patrick Hetzel abondait, en indiquant : « On se retrouve devant un fait accompli dommageable ».
Le député Yves Jégo poursuivait : « Dans ce classement d’office sous une étiquette politique des élus de petites communes, il y a le ferment de tout ce qui dérive dans la vie politique de notre pays. Il est insupportable pour des maires ruraux d’être classés politiquement, alors qu’ils ne le souhaitent pas. »
Voilà la réponse que nous avons souhaité aborder, et, je le redis, toutes les étiquettes politiques déclarées par les candidats seront prises en compte. Ne vous inquiétez pas, madame la sénatrice, si un candidat déclare qu’il est LARGE,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. … il restera évidemment enregistré comme LR ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez, pour la réplique.
Mme Vivette Lopez. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse adhérer à ces explications alambiquées.
Bien sûr, je sais que de nombreuses communes rurales souhaitent se présenter sans étiquette, ce que je comprends et partage totalement. Un peu de liberté nous ferait tellement de bien !
Toutefois, de là à occulter le résultat de 96 % des communes qui font la France… C’est un comble : c’est comme si on les rayait de la carte ! Pourtant, depuis des mois, les communes essaient de vous dire de ne pas les oublier.
Vous faites comme pour de nombreux sujets : de belles paroles et de belles promesses qui s’évaporent dans la nature dès que vous avez refermé votre porte. C’est peut-être pour cela que la Terre et nos océans sont si pollués, contaminés de promesses non tenues ! (M. André Gattolin s’exclame.)
Sachez bien, monsieur le ministre, que nous, nous comptons avec nos communes rurales et nos territoires unis ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
fabrication en chine des lunettes du « reste à charge zéro »
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Sonia de la Provôté. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la mise en œuvre, depuis le 1er janvier, du « reste à charge zéro », ou RAC 0, pour certaines prothèses dentaires, lunettes et prothèses auditives.
Pour les lunettes, le remboursement des montures est de 100 euros maximum. On peut le vérifier désormais chez les opticiens, les produits RAC 0 ne sont pas fabriqués dans l’Hexagone.
C’est un coup dur pour la filière de la lunette française. Si les marques haut de gamme s’en sortent pour le moment, les lunetiers positionnés sur le créneau inférieur font fabriquer les montures dans des pays à bas coût, comme la Chine. Cette filière, dont certaines entreprises se délocalisent, a perdu près d’un tiers de ses emplois.
Outre cette difficulté, les opticiens, par la diminution du remboursement des frais d’optique, craignent de subir un impact important sur leur chiffre d’affaires.
C’est la même problématique pour les prothèses dentaires, dont la part fabriquée en France est réduite à la portion congrue. Quant aux cabinets dentaires, leur équilibre économique est aussi fragilisé ; les alertes sont nombreuses sur des arrêts d’activité - pour les soins courants, j’entends.
Enfin, concernant les prothèses auditives, même question sur le modèle économique de leur fabrication. En outre, s’y ajoutent des interrogations quant aux performances du matériel, dont on sait qu’il est très coûteux pour les cas complexes d’hypoacousie, donc qu’il n’est pas prévu dans ce cadre.
On le voit bien, madame la ministre, si la mesure RAC 0 est séduisante et décrite comme un meilleur accès aux soins, elle a aussi des conséquences négatives sur les entreprises, mais aussi sur le maintien des professionnels de l’optique, de l’audition et des soins dentaires dans les territoires.
J’ajouterai que, en pleine opération pour valoriser le « produire français », la disparition possible de ces savoir-faire industriels est pour le moins contradictoire.
Madame la ministre, ces conséquences étaient prévisibles. Nous avions déjà alerté, au Sénat, sur ce sujet. Quelles mesures envisagez-vous pour enrayer les conséquences économiques de la mesure RAC 0 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Sonia de la Provôté, je vous remercie de votre question, qui va me permettre de rassurer sur la mise en œuvre du « 100 % santé ». En effet, c’est une très belle réforme, qui repose sur la qualité des produits choisis pour entrer dans le dispositif.
Pendant trop longtemps, nous le savons, nos concitoyens n’ont pas pu accéder à des soins pourtant absolument indispensables : les soins dentaires, les audioprothèses et les lunettes pour certaines familles.
La réforme du 100 % santé a été élaborée et coconstruite avec les professionnels des filières et les organismes complémentaires. Depuis le 1er janvier, elle se met en œuvre, notamment pour les lunettes, avec des équipements sur prescription médicale totalement remboursés.
M. Jean-Louis Tourenne. Ce n’est pas la question !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Les équipements de l’offre 100 % santé sont de très grande qualité. Les montures doivent être conformes à une norme garantissant un niveau de qualité et de sécurité et disposer d’un marquage CE.
Les verres ont tous été contrôlés, afin de garantir leur conformité à de hautes exigences techniques. Il a été vérifié que tous les verres sont amincis, antirayures, antireflets. Environ 850 verres sont référencés et permettent de couvrir l’ensemble des corrections.
On est très loin de la lunette « sécu » d’il y a cinquante ou soixante ans. Il y a un vaste choix de tailles, de couleurs, de matières, et de la qualité. Pour vous en rendre compte, madame la sénatrice, j’ai apporté une monture du 100 % santé à 30 euros, qui est de qualité. (Mme la ministre chausse une paire de lunettes. – Sourires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Je vous propose d’aller chez tous les opticiens vérifier par vous-même, parce que c’est ce que nous devons aux Français : l’accès non seulement à des soins, mais à des soins de qualité. C’est ce que nous leur apportons avec cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Sonia de la Provôté, pour la réplique.
Mme Sonia de la Provôté. Madame la ministre, bien évidemment, je ne mets pas en doute vos efforts pour garantir la qualité. Ma question portait sur l’origine de fabrication des produits, qui est un réel sujet. Je suis allée chez quelques opticiens et j’ai pu constater que tout n’était pas fabriqué en France, loin de là.
Nous attendons une évaluation complète de cette mesure, une étude d’impact sur le montant des mutuelles, l’emploi, l’activité économique, le nombre d’assurés sociaux qui sont accompagnés et ceux qui renoncent aux soins parce qu’ils ne sont plus remboursés. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
coupures d’électricité dans le val-de-marne
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre de la transition écologique et solidaire, après Bordeaux, Nantes, Lyon, Perpignan, Agen et Marseille, une nouvelle coupure géante d’électricité a touché hier le Val-de-Marne. Là encore, cette coupure a été revendiquée par la CGT Énergie comme une action coup de poing contre le Gouvernement.
Encore une fois, ce sont les Français qui sont affectés : 135 000 habitants privés d’électricité et de chauffage toute la matinée, dix villes touchées, ainsi que l’aéroport d’Orly et le marché de Rungis. Les feux tricolores à l’arrêt ont provoqué des accidents, et les pompiers ont dû intervenir en urgence. Les passagers du tram et d’Orlyval ont été bloqués. Pis, des personnes sont restées prisonnières dans les ascenseurs.
Cela ne se passe pas dans un pays lointain où l’ordre public serait absent, mais dans le Val-de-Marne, un département de 1,4 million d’habitants qui touche notre capitale !
Il est surréaliste qu’une poignée d’individus commette en toute impunité des actes aussi dangereux, pour annoncer ensuite publiquement et tranquillement dans les médias que de nouvelles coupures vont intervenir !
Monsieur le Premier ministre, vous venez de parler d’actes illégaux inacceptables et de sanctions, mais lesquelles ? Expliquez-moi ce que vous allez faire. Quelles seront les suites concrètes ? En France, chacun peut-il faire ce qu’il veut sans craindre les conséquences de ses actes ? C’est intolérable, et les Français n’en peuvent plus de cette impunité !
Je vous le demande simplement : que comptez-vous faire concrètement contre les responsables de ces coupures qui mettent en danger la vie des Français, et pour faire respecter le droit dans un État où, actuellement, chacun se croit tout permis ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Procaccia, effectivement, une coupure sauvage a été opérée sur notre réseau électrique, hier matin, au poste Enedis de Rungis.
Ce sont plus de 60 000 clients - foyers, entreprises, services publics - qui ont été affectés par cette coupure, essentiellement dans le Val-de-Marne, mais aussi dans les Hauts-de-Seine et en Essonne.
Cet acte a été revendiqué par la CGT Énergie, qui nous dit pratiquer des coupures ciblées. Je pose la question : ciblées sur qui, sur quoi ? Sur les milliers de salariés du marché de Rungis, sur l’hôpital de jour d’Orly, sur une caserne de pompiers, sur les transports en commun, donc sur des milliers de foyers… Clairement, il s’agit de coupures aveugles, qui sont très pénalisantes pour nos concitoyens, nos services publics, nos entreprises et qui peuvent être dangereuses. (Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Quelles sanctions ?
M. Christian Cambon. Qu’allez-vous faire ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Heureusement, je tiens à le souligner, ces agissements sont le fait d’une toute petite minorité, la grande majorité des grévistes appliquant la loi, y compris pour assurer la sécurité de notre réseau électrique. Mais je condamne très fermement ces coupures, qui sont des actes illégaux et qui feront donc l’objet de poursuites judiciaires, puisque Enedis a déposé plainte.
On peut ne pas être d’accord avec une réforme, mais nous sommes en démocratie. Il y a des cadres pour exprimer ses désaccords, au moment des élections. On peut faire grève ou manifester, mais ces coupures, comme les envahissements ou les blocages, sont clairement condamnables et feront l’objet de poursuites et de sanctions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Pierre Louault et Jacques Le Nay applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, je vous demandais quelles sanctions vous comptiez appliquer. Vous ne me parlez d’aucunes ! Vous condamnez, mais condamner ne suffit pas.
L’État doit systématiquement se constituer partie civile pour chaque plainte déposée par Enedis, que vous avez cité, et par d’autres en cas de coupure de courant et, à chaque fois, demander la réparation intégrale. Parler ne suffit pas, condamner ne suffit pas, agissez, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
formation des enseignants
M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe RDSE. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC.)
M. Guillaume Arnell. Ma question porte sur la formation des enseignants.
Il ne se passe plus une semaine sans que l’actualité fasse état de faits de violences au sein de nos établissements scolaires, des lieux symboliques de la République qui devraient pourtant être sanctuarisés. Vendredi dernier, c’était au collège Alain-Fournier à Orléans. Lundi, c’était dans les collèges Gérard-Philipe à Clermont-Ferrand et Paul-Jean-Louis à Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.
Menaces, coups, agressions à l’arme blanche sur les élèves comme sur les personnels de l’éducation nationale…, les faits dont nous parlons sont de moins en moins isolés. Si l’on ajoute les agissements se déroulant aux abords des établissements, il est évident que la violence scolaire est un phénomène de société contre lequel il est urgent d’agir. Or nos enseignants, dont le travail doit être salué, sont trop souvent démunis face à des situations qu’ils n’ont pas été formés à gérer.
La gestion de ces cas de figure implique d’abord qu’ils sachent désamorcer une situation urgente et dangereuse. Mais, sur le long terme, ces faits montrent surtout l’ampleur du travail à mener pour transmettre à notre jeunesse, c’est-à-dire les citoyens en devenir, les valeurs de tolérance, de civisme et de laïcité, qui sont inhérentes à la République. Ces valeurs se déclinent en droits et en devoirs, précisément pour permettre à tous les citoyens de vivre ensemble en pleine concorde, dans le respect des lois.
Dans cette optique, Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, avait mis en place en 2015 le module Enseignement moral et civique (EMC), qui venait remplacer l’instruction civique. Près de quatre ans plus tard, et comme le craignaient les syndicats de professeurs, il semble bien que nos enseignants ne soient pas encore suffisamment formés pour dispenser cette matière, alors que les enjeux pour notre société deviennent de plus en plus patents.
Mes deux questions sont donc simples. Quel bilan tire le Gouvernement de la mise en place de l’EMC ? Plus généralement, comment compte-t-il donner à nos enseignants les moyens de transmettre efficacement les valeurs qui font vivre notre République ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, LaREM et UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, il y a, me semble-t-il, un point qui nous rassemble tous, au-delà de nos sensibilités politiques : la première rencontre du futur citoyen avec la République, c’est l’école ! Celles et ceux qui incarnent la République face à ces jeunes, ce sont les professeurs et les personnels encadrants. Tous ceux qui tolèrent, minimisent ou relativisent des actes d’agression à l’égard de ces enseignants et personnels encadrants nous font prendre le risque d’une société dans laquelle l’on en viendrait à tolérer, à minimiser ou à relativiser des agressions vis-à-vis des institutions et de celles et ceux qui les incarnent au quotidien sur le terrain.
Il faut donc lutter résolument contre les violences à l’école. Nous le faisons. Le plan de lutte contre les violences présenté par Jean-Michel Blanquer à la dernière rentrée contient des mesures très concrètes et efficaces. Je pense au raccourcissement drastique des délais de réunion des conseils de discipline, à la simplification des conditions dans lesquelles des personnels de direction peuvent prononcer seuls des sanctions ou à la proposition adressée systématiquement aux enseignants victimes de violence que l’établissement porte plainte en leur nom s’ils ne veulent pas saisir eux-mêmes la justice.
Mais, comme vous l’avez souligné, le rôle de l’éducation est fondamental. C’est l’objet de l’enseignement moral et civique, qui s’est substitué à l’éducation civique.
Vous souhaitez connaître le regard du Gouvernement sur l’EMC. À nos yeux, cet enseignement est perfectible. Nous pouvons notamment améliorer la transmission des droits et des devoirs, ainsi que des valeurs républicaines à destination des élèves. Nous le ferons de manière plus forte et efficace avec le service national universel. Mais il faut évidemment commencer beaucoup plus tôt. Nous avons saisi le Conseil supérieur des programmes, qui nous remettra prochainement des propositions.
Vous nous avez également interrogés sur la formation. L’an dernier, 25 000 enseignants ont été formés à de tels enjeux. Sur les cinq dernières années, cela représente 150 000 personnes. La problématique que vous évoquez est évidemment au cœur de la transformation de la formation des enseignants que nous engageons. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
aide sociale à l’enfance
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Laurence Rossignol. « La protection de l’enfance craque. Nous ne parvenons plus à mettre correctement à l’abri ni à protéger tous les enfants qui nous sont confiés. Les structures sont saturées, et les personnels sont en grande difficulté. » Tel est le message que la présidente du département de l’Oise nous a demandé de transmettre. Dans l’Oise, 1 800 enfants sont pris en charge, il y a 1 600 places en structures, et pour 200 enfants il faut au quotidien trouver des solutions provisoires, voire « bidouiller ». Cette réalité, ce n’est pas seulement celle de l’Oise ; c’est aussi celle de nombreux autres départements en France.
Il est donc temps de nous interroger sur l’avenir de la protection de l’enfance. À mon sens, les départements sont aujourd’hui mûrs pour se mettre autour de la table et discuter des conditions dans lesquelles les responsabilités et les moyens doivent être plus justement et plus efficacement répartis entre l’État et eux. C’est là que réside la philosophie de la protection de l’enfance. Certes, il y a la loi, il y a une feuille de route, et vous avez une stratégie. Mais qui la met en œuvre ? Et avec quels moyens ?
Bien entendu, nous n’allons pas tout régler aujourd’hui au détour d’une question au Gouvernement. Je demande donc au Gouvernement d’organiser rapidement dans le cadre de son ordre du jour prioritaire un débat au Sénat sur l’avenir de la protection de l’enfance. Les compétences sont ici. Les sénateurs connaissent la vie des départements.
Le Gouvernement est-il prêt à venir débattre dans cette enceinte de l’avenir de la protection de l’enfance, des évolutions devant être conduites et des moyens nécessaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, c’est toujours un plaisir d’échanger avec vous. C’est donc avec plaisir que je viendrai débattre ici de l’avenir de la protection de l’enfance, dossier sur lequel nous travaillons depuis un an.
Nous nous sommes réunis autour de la table avec l’ensemble des acteurs impliqués, c’est-à-dire les représentants des départements et des associations, notamment celles qui représentent les anciens enfants placés, ainsi que les parlementaires. Dans le cadre de la concertation sur l’avenir de la protection de l’enfance, des députés et un certain nombre de sénateurs ont pu prendre part aux échanges. Ceux-ci ont donné lieu, vous l’avez évoqué, à la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance que j’ai présentée le 14 octobre dernier.
J’ai toujours parlé sans fard. Pour moi, il faut être exigeant avec les départements, qui sont chargés de la mise en œuvre de cette politique. Mais être exigeant avec les autres impose de l’être aussi avec soi-même. J’ai toujours considéré que l’État devait être au rendez-vous de ses propres responsabilités.
La déscolarisation concerne l’État ; nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer pour mobiliser l’éducation nationale et éviter de tels phénomènes.
Nous le savons, la santé des enfants concernés par l’aide sociale à l’enfance est moins bonne que celle des autres enfants du même âge. Aussi, avec Agnès Buzyn et avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons adopté le bilan de santé obligatoire dès l’entrée dans le dispositif de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cela dit, depuis trente ans la pédopsychiatrie a été abandonnée dans notre pays. Des investissements importants doivent par conséquent être réalisés dans ce domaine, dans le cadre à la fois de la feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie présentée par Agnès Buzyn et de la stratégie que je mène. Ainsi seront notamment créés vingt postes de chef de clinique.
Toutes nos énergies et toutes vos énergies sont mobilisées en faveur de nos enfants pour leur assurer une meilleure protection possible. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le secrétaire d’État, voilà un an, un documentaire très rude avait conduit à votre nomination ; voilà trois jours, un autre documentaire nous a tous bouleversés.
Votre réponse n’est pas à la hauteur de la protection de l’enfance. Je connais votre engagement. Je sais votre envie de bien faire. Je ne voudrais pas que le documentaire de 2021 vous mette trop en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
politique scolaire du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Yves Bouloux. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, qui, je crois, est en Israël aujourd’hui. Elle porte sur la compensation par l’État des frais engagés par les communes au titre de la scolarité obligatoire à 3 ans, en application de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.
L’article 17 de cette loi prévoit que cette compensation s’applique pour les frais engagés par les communes aussi bien pour les établissements publics que pour les établissements privés sous contrat. Dans ce second cas, il peut s’agir de communes qui ne finançaient pas du tout de maternelles privées avant l’abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire ou bien de communes qui en finançaient déjà volontairement, soit les deux tiers d’entre elles.
La Haute Assemblée s’était prononcée pour une prise en charge totale des frais engagés par les communes, qu’elles aient participé ou non à la scolarisation des enfants de moins de 3 ans auparavant, cette compensation garantissant seule une égalité entre elles. L’objectif était d’assurer une mesure de justice entre communes.
M. le ministre semble aller dans ce sens de l’équité entre les communes, puisqu’il a déclaré lors du débat sur la loi de finances pour 2020 que les communes recevraient une compensation en cas de hausse des dépenses obligatoires pour les écoles maternelles et élémentaires et que « personne ne perdrait d’argent dans la nouvelle configuration ».
La parution d’un décret et d’un arrêté le 30 décembre dernier mérite un éclairage, car elle ne semble pas avoir totalement dissipé les interrogations et les craintes des élus sur le sujet.
Qu’en est-il exactement ? Quelle est la position du Gouvernement ? Allons-nous vers une mesure de justice ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de Jean-Michel Blanquer, qui accompagne le Président de la République dans son déplacement en Israël et dans les territoires palestiniens.
Je veux insister sur une notion à laquelle vous avez fait référence : la justice.
La scolarisation obligatoire à 3 ans est une mesure de justice. Elle vise à garantir que tous les enfants puissent être scolarisés et bénéficier de la formation apportée par l’école de la République, avec la transmission des valeurs républicaines. C’est aussi profondément une mesure de justice sociale, car elle permet de garantir l’égal accès de tous à l’école de la République.
Nous connaissons les inquiétudes qui ont pu être celles des collectivités locales. Elles ont été évoquées au cours des nombreux débats qui ont eu lieu ici avec le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Jean-Michel Blanquer a apporté des garanties dans le cadre de la dernière discussion budgétaire ; vous les avez rappelées. Il n’y aura pas de coût supplémentaire pour les collectivités locales, qui finançaient auparavant la scolarisation.
Le décret paru au mois de décembre suscite des interrogations et des doutes. Notre responsabilité est évidemment de les lever, en lien avec les associations qui représentent les collectivités locales. Des échanges ont déjà eu lieu entre Jean-Michel Blanquer et les associations d’élus ; ils vont évidemment se poursuivre.
Mais la parole du ministre dans l’hémicycle – je fais référence aux propos qu’il a tenus lors d’un débat budgétaire – est d’or. Elle engage évidemment le Gouvernement. Si doute il y a sur le contenu d’un décret, il sera levé lors des discussions que nous aurons au cours des prochains mois.
M. le président. La parole est à M. Yves Bouloux, pour la réplique.
M. Yves Bouloux. Ma crainte, c’est notre dette publique abyssale. On voit trop souvent des arbitrages inversés. Je veux vous faire confiance, monsieur le secrétaire d’État, pour les communes de France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
La prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mercredi 29 janvier 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. David Assouline.)
PRÉSIDENCE DE M. David Assouline
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
3
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Monsieur le président, lors du scrutin n° 66, portant sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique, Jean-Jacques Panunzi souhaitait voter pour. En outre, lors du scrutin n° 67 relatif à l’amendement n° 41 rectifié ter, Albéric de Montgolfier désirait s’abstenir, Philippe Dominati souhaitait voter contre et Céline Boulay-Espéronnier désirait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, ma chère collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
M. Jean-Pierre Grand. Monsieur le président, lors du scrutin n° 67, relatif à l’amendement n° 41 rectifié ter, j’ai été comptabilisé comme ayant voté pour alors que je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, lors du scrutin n° 66, M. Alain Fouché ne souhaitait pas prendre part au vote, M. Dany Wattebled désirait s’abstenir et M. Robert Laufoaulu souhaitait voter pour. En outre, lors du scrutin n° 67, M. Jérôme Bignon désirait voter contre, M. Alain Fouché ne souhaitait pas prendre part au vote et MM. Jean-Louis Lagourgue et Dany Wattebled désiraient s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, ce nombre important de mises au point s’explique probablement par les changements qui sont intervenus récemment dans le mode de votation. Toutefois, j’encourage les groupes politiques à consolider la préparation en amont des votes qui s’annoncent hétéroclites et compliqués. Sachant que ce qui est proclamé à l’issue d’un vote ne peut pas être modifié, des rectifications multiples qui seraient de nature à contredire un résultat officiel – en l’occurrence, ce n’est pas le cas – pourraient provoquer un malaise démocratique.
4
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 63, texte de la commission spéciale n° 238, rapport n° 237).
Dans la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du chapitre Ier du titre Ier, l’examen des amendements portant sur l’article 1er.
TITRE Ier (suite)
ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre Ier (suite)
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé
Article 1er (suite)
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple formé d’un homme et d’une femme dont le caractère pathologique est médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité.
« II. – Les demandeurs doivent consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination.
« Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au premier alinéa du présent II par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.
« L’accès à l’assistance médicale à la procréation est possible selon des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître. » ;
1° bis (nouveau) Après le même article L. 2141-2, il est inséré un article L. 2141-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-1. – Tout couple formé de deux femmes ou toute femme non mariée répondant aux conditions prévues au II de l’article L. 2141-2 a accès à l’assistance médicale à la procréation selon les modalités prévues au présent chapitre. » ;
1° ter L’article L. 2141-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3. – Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1.
« Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou en cas de décès de l’un des membres du couple.
« Les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
2° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6, y compris, s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accueil d’embryons, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. – Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues au II de l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l’accueil de l’embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 342-10 du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon, au bénéfice de l’enfant.
« Aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon.
« L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil. » ;
3° L’article L. 2141-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle est également mise en œuvre dans les cas prévus à l’article L. 2141-2-1.
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit. » ;
4° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. – Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s’applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. – La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est précédée d’entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d’un psychiatre ou psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent, le cas échéant extérieur au centre. L’équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l’équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° S’assurer de la volonté des deux membres du couple à poursuivre leur projet parental par la voie de l’assistance médicale à la procréation, après leur avoir dispensé l’information prévue au 3° et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale, psychologique et, en tant que de besoin, sociale, des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 3° Informer complètement et au regard de l’état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;
« 4° Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet ;
« d) Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet.
« Le consentement du couple ou de la femme non mariée est confirmé par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5°.
« L’assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en œuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa du présent article lorsque la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« La composition de l’équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d’État. »
I bis (nouveau). – L’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à l’assistance médicale à la procréation réalisée en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique. »
II. – L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité ; »
2° Après le 25°, il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l’assistance médicale à la procréation réalisée, en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Monsieur le président, la commission spéciale demande que, au sein de la série d’amendements dont nous entamons l’examen, le Sénat se prononce par priorité sur l’amendement n° 24 et sur les sous-amendements s’y rapportant.
M. le président. Je suis saisi d’une demande de la commission spéciale tendant au vote par priorité de l’amendement n° 24 et des sous-amendements s’y rapportant.
Aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est donc ordonnée.
Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 272 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, M. Daudigny, Mme Lepage, MM. Vaugrenard, Dagbert et Manable, Mme Tocqueville, MM. Féraud, Tourenne, M. Bourquin, Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité du décès de l’un d’entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
« Dans l’éventualité du décès d’un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l’assistance médicale à la procréation avec les gamètes ou l’embryon issus du défunt, si le couple a manifesté son accord au moment du consentement à l’assistance médicale à la procréation. Il ne peut être procédé à l’implantation post mortem qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours au décès de l’auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à permettre au membre survivant du couple, s’il s’agit d’une personne pouvant porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l’ont successivement recommandé l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État et le rapport d’information de la mission parlementaire.
Peut-on ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules, comme nous l’avons fait hier, et refuser à une veuve de poursuivre son projet ? Ne serait-il pas traumatisant de demander à une femme endeuillée de donner ou de détruire les embryons conçus avec son compagnon tout en lui proposant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ?
Cela dit, plusieurs délais sont possibles. La loi espagnole limite le transfert à une période de six mois suivant le décès. La législation belge ne l’autorise qu’au terme d’un délai de six mois prenant effet le jour du décès et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent ce décès.
Notre amendement s’appuie sur la législation belge. Son adoption permettrait à la femme veuve de faire son deuil en lui laissant deux ans pour décider si, oui ou non, elle souhaite aller au terme de la PMA entamée avec son compagnon décédé, détruire les embryons ou les donner à un couple ayant besoin d’un double don.
M. le président. L’amendement n° 224, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité du décès de l’un d’entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous avons déposé plusieurs amendements et sous-amendements tendant à ouvrir, tout en l’encadrant, la possibilité d’une PMA post mortem. Le sujet est évidemment extrêmement difficile. Nous avons voulu faire preuve de pragmatisme tout en veillant à respecter la douleur de la veuve et à garantir l’avenir de l’enfant.
Nous avons ainsi – Michelle Meunier y a fait référence – étudié les législations d’autres pays.
Nous proposons d’autoriser la personne survivante ayant la capacité de porter un enfant à poursuivre le projet parental à partir soit des gamètes soit des embryons issus du défunt, avec un délai minimal et un délai maximal, afin de ne pas permettre la PMA plusieurs années après le décès, même si certains pays l’autorisent.
Les auteurs de certains amendements proposent des autorisations ante mortem du père potentiel. Mais dès lors que l’on autorise une femme seule à procéder à une PMA, ce qui découle du vote intervenu hier, et que le projet parental est concrétisé – pour nous, ce point est très important – puisqu’il y a des gamètes ou des embryons issus du défunt, nous considérons qu’il est possible de poursuivre la démarche en l’encadrant dans le temps.
Tel est le sens des différents amendements ou sous-amendements que nous proposons. Vous le constatez, nous avons recherché une solution équilibrée et respectueuse à la fois de la femme, de l’enfant à naître et du père décédé.
M. le président. L’amendement n° 231, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’éventualité du décès d’un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l’assistance médicale à la procréation avec l’embryon issu du défunt. Il ne peut être procédé à l’implantation post mortem qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours au décès de l’auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Mme de la Gontrie vient de présenter notre démarche et nos réflexions. Le dispositif visé à l’amendement n° 224 s’appliquerait dans l’hypothèse où le couple aurait exprimé son accord pour poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons.
En revanche, lorsque le couple n’a rien dit, la femme qui vient de perdre son compagnon vit un drame supplémentaire : l’embryon existe, mais elle ne peut pas l’utiliser ; elle peut seulement le donner. L’amendement n° 231, qui concerne l’implantation de l’embryon, vise à répondre à une telle situation.
Par ailleurs, nous avons déposé plusieurs sous-amendements à l’amendement n° 24. En effet, nous avons bien senti en commission que le Sénat s’acheminerait vers l’adoption de celui-ci, et la demande de priorité de vote que M. le président de la commission spéciale vient de formuler confirme cette impression. Nous proposons ainsi d’allonger le délai prévu en le portant à vingt-quatre mois après le décès du père et de supprimer la mention de l’autorisation de l’Agence de la biomédecine, qui ne nous semble pas justifiée. Je considère que ces sous-amendements sont défendus.
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié bis, présenté par Mmes Benbassa, Cohen et Gréaume, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès d’un des membres du couple, l’assistance médicale à la procréation peut se poursuivre, dès lors que le membre décédé y a consenti explicitement de son vivant. Le consentement de la personne à poursuivre cette démarche est assuré lors des entretiens prévus à l’article L. 2141-10.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Plusieurs amendements tendent déjà à l’ouverture de la PMA post mortem. Inspirées par les législations étrangères en la matière, toutes les propositions formulées s’articulent autour de la mise en place d’un délai au cours duquel le membre survivant du couple pourra exécuter la procédure de PMA qu’il avait entamée.
Le présent amendement est différent. Nous souhaitons également la mise en place de la PMA post mortem, mais nous ne voulons pas qu’elle soit exécutoire seulement dans un laps de temps défini. En effet, le deuil a son rythme intrinsèque : de six mois chez certains, il est de dix ans chez d’autres. Chacun devrait avoir le droit de vivre la perte d’un être cher comme il l’entend, sans restriction dans le temps. Rien ne devrait entraver la poursuite du projet familial si l’un des parents venait à décéder avant la procédure de PMA, si ce n’est peut-être la conservation médicale des gamètes et embryons, ou encore la capacité à procréer du membre survivant du couple.
Dans le droit actuel, où la procréation médicalement assistée après le décès d’un des conjoints est prohibée, les seules options ouvertes au membre survivant du couple sont soit la destruction des gamètes et embryons, soit la possibilité de les donner à un autre couple souhaitant bénéficier d’une PMA. Ajouté à la peine suscitée par la perte du conjoint, ce choix lourd de conséquences est tout simplement insurmontable pour nombre de personnes endeuillées. Il est donc nécessaire que le législateur ouvre une voie nouvelle pour ces personnes.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 24, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le père doit avoir préalablement consenti à la poursuite du projet parental s’il venait à décéder. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je précise que, pour proposer cet amendement, je n’ai pas regardé ce qui se passait à l’étranger. Je me suis exclusivement fondée sur deux éléments.
J’ai tout d’abord pris acte du fait que l’Assemblée nationale, puis le Sénat, hier, ont adopté l’extension de la PMA aux femmes célibataires, et considéré la situation aberrante dans laquelle se trouverait une femme veuve, qui, en l’état actuel du droit, ne peut pas procéder à une fécondation en se faisant implanter un embryon.
Mon amendement est beaucoup plus circonscrit que les précédents, puisqu’il ne vise que les embryons déjà conçus, et non les gamètes. D’après les discussions que j’ai pu avoir avec des notaires, il n’y aurait dans ce cas aucun problème juridique par rapport à l’héritage de l’enfant. Il s’agira bien évidemment de cas exceptionnels – quelques-uns par décennie, selon les statistiques –, mais pourquoi exclure ces femmes ?
S’agissant des délais – je pense en particulier aux sous-amendements présentés par Jacques Bigot –, je me suis fondée sur les positions du Comité consultatif national d’éthique. Mais je suis naturellement prête à les modifier à la demande de la commission spéciale.
Je remercie enfin mes collègues, nombreux, qui ont cosigné cet amendement, même s’ils n’apparaissent pas sur le texte de celui-ci en raison d’un petit bug… (Sourires.)
M. le président. Le sous-amendement n° 324, présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Iacovelli et Buis, Mme Cartron, MM. Théophile, Hassani, Marchand et Bargeton, Mme Constant, MM. Cazeau, Patient, Haut, Rambaud, Karam et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer les mots :
au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine
par les mots :
au maximum vingt-quatre mois après le décès
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cette présentation vaudra également défense de l’amendement n° 268 rectifié, monsieur le président.
Comme certains de mes collègues l’ont précédemment mentionné, dès lors que le texte permet aux femmes seules d’avoir recours à l’AMP (assistance médicale à la procréation) avec tiers donneur, il semble délicat de trancher en faveur d’une interdiction de l’AMP post mortem.
Dans une telle configuration, une femme veuve pourrait en effet procréer en recourant aux gamètes d’un tiers donneur, mais pas à l’embryon fécondé dans le cadre du projet parental entrepris avec son conjoint décédé.
Dans le même temps, il paraît essentiel, dans l’intérêt de l’enfant, d’encadrer cette pratique, afin qu’elle ne porte pas le sceau du deuil.
L’amendement de Catherine Procaccia tend à rendre possible l’AMP post mortem dans un délai de six à dix-huit mois après le décès du conjoint. Pour notre part, dans l’amendement n° 268 rectifié, nous visons un délai de six mois à deux ans après le décès.
Par cohérence, nous proposons, par le présent sous-amendement, de porter à deux ans le délai limite pour recourir à l’AMP, afin d’offrir toutes les conditions d’une prise de décision éclairée.
Si ce sous-amendement était adopté, je voterais l’amendement de Catherine Procaccia ainsi modifié.
M. le président. Le sous-amendement n° 325, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Remplacer le mot :
dix-huit
par le mot :
vingt-quatre
Ce sous-amendement a déjà été défendu.
Le sous-amendement n° 326, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Amendement n° 24, alinéa 5, deuxième phrase
Supprimer les mots :
après autorisation de l’Agence de la biomédecine
Ce sous-amendement a également déjà été défendu.
L’amendement n° 268 rectifié, présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Iacovelli et Buis, Mme Cartron, MM. Théophile, Hassani, Marchand et Bargeton, Mme Constant, MM. Cazeau, Patient, Haut, Rambaud, Karam et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum deux ans après le décès. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
Cet amendement a aussi été défendu.
L’amendement n° 116 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, dès lors qu’il y a préalablement consenti par écrit. Cette faculté lui est présentée lors des entretiens prévus à l’article L. 2141-10. Son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. J’ai conscience que cet amendement concerne un sujet très sensible.
Dans notre esprit, il vise non pas à ouvrir des droits pour le principe, mais plutôt à apporter une réponse empreinte d’humanisme à un paradoxe résultant de l’examen de ce texte.
Il s’agit de situations certes rares, mais éminemment douloureuses, comme en ont témoigné au cours de leurs auditions les professionnels de santé qui y sont confrontés.
Actuellement, les dispositions en vigueur n’autorisent pas l’insémination en cas de décès du conjoint. Or le présent projet de loi étend la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes. Cela signifie qu’une femme dont l’époux est décédé au cours d’un projet parental bien défini et déjà engagé pourrait bénéficier d’un don de gamètes d’un homme anonyme, tandis que l’implantation d’embryons conçus avec les gamètes de son époux lui serait refusée. Suprême paradoxe : ces mêmes embryons pourraient en revanche être utilisés pour féconder une autre femme dans le cadre d’une PMA…
La seule question qui vaille est non pas celle de l’accès de la PMA aux femmes seules, désormais autorisé, mais bien celle de savoir si le décès d’un parent avant la naissance de l’enfant constitue un obstacle absolu au développement harmonieux de ce dernier, et donc à son intérêt supérieur.
Sincèrement, je ne le crois pas. Ces enfants sont le fruit d’une volonté conjointe et d’un amour parental affirmé. Les signataires de cet amendement considèrent que la qualité de l’accueil d’un enfant venu au monde prime la conformité de sa famille. Nous pensons que la conviction d’une femme dans la solidité du projet parental qui la liait avec son époux disparu peut suffire à nourrir affectivement l’enfant qui en sera issu.
Il convient enfin de souligner que la rédaction de notre amendement est particulièrement prudente, puisqu’elle s’articule autour de la notion de consentement de l’époux, lequel serait recueilli et révocable.
Cet amendement permet également que le projet parental se poursuive dans un délai encadré et raisonnable, compris entre six et dix-huit mois, le même que celui que prévoit l’amendement présenté par Mme Procaccia.
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et Meunier, MM. Vallini et Temal, Mme Tocqueville, MM. Duran, Jacquin, Kerrouche et Tissot, Mme Lepage, M. Tourenne, Mme Féret et M. Manable, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots et deux phrases ainsi rédigées :
sauf dans le cadre de la précision du consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation. Dans l’éventualité du décès d’un des membres du couple, la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l’assistance médicale à la procréation avec les gamètes ou l’embryon issu du défunt, si le couple a manifesté son accord au moment du consentement à l’assistance médicale à la procréation. Il ne peut être procédé à l’implantation post mortem qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours au décès de l’auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité du décès de l’un d’entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement se situe à la convergence de l’amendement de Catherine Procaccia, modifié par les sous-amendements nos 325 et 326, et d’autres amendements.
Il prévoit qu’une femme puisse engager le processus de PMA jusqu’à vingt-quatre mois après le décès de son conjoint. Une question se pose néanmoins : est-ce la durée pendant laquelle les actes médicaux de PMA seront accomplis ou la durée pendant laquelle la PMA pourra être engagée ? Une personne qui aurait entamé la procédure de PMA pendant ce délai pourrait-elle la poursuivre au-delà, jusqu’au succès de celle-ci ?
Cet amendement tend ensuite à exclure l’Agence de la biomédecine du processus. Je ne crois pas que ce soit vraiment sa place, et je ne suis pas sûre qu’elle ait vraiment les compétences en la matière. Le consentement du conjoint décédé et l’accompagnement psychologique déjà prévu pour les PMA me semblent suffisants.
Je conçois bien par ailleurs le trouble que peut susciter la PMA post mortem ; c’est incontestable, il ne faut pas le nier. Elle peut donner l’impression que l’on cherche à « enjamber » la mort du père pour poursuivre un projet conçu du vivant de ce dernier.
Le consentement du père est indispensable, et il faut veiller également à ce que la femme ne soit pas soumise à la pression de la belle-famille, qui lui demanderait de poursuivre la PMA au nom de la continuité de la personne décédée. C’est pourquoi l’accompagnement psychologique est aussi important.
M. le président. L’amendement n° 157, présenté par M. Canevet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots et une phrase ainsi rédigée :
, sauf si un projet parental a été établi avant le décès du père et sous réserve d’un accompagnement médical et psychologique de la conjointe. Dans ce cas, le transfert des embryons ne peut se faire que six mois au minimum et dix-huit mois au maximum après le décès du père ;
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Prenant acte que l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation pour les mères célibataires pourrait être acquise, je considère légitime de l’étendre également aux veuves, à condition bien évidemment d’encadrer cette pratique.
Cet amendement s’appuie notamment sur l’avis du Comité consultatif national d’éthique, qui prévoyait, après le décès, un délai de six mois minimum et de dix-huit mois maximum.
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié, présenté par Mmes Doineau et Guidez, MM. Chasseing, Cazabonne et Guerriau, Mme Vérien, MM. Cadic, Capo-Canellas et Détraigne, Mme Saint-Pé et M. Delcros, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par cinq phrases ainsi rédigées :
Par exception, l’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum trois ans après le décès. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant ;
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Maintenir l’interdiction de la procréation post mortem aux couples engagés dans une AMP, alors qu’on ouvre parallèlement la possibilité aux femmes non mariées d’accéder à cette technique de procréation, est contradictoire et injuste.
Au décès de l’autre membre du couple s’ajoutera, si la femme le souhaite, l’obligation d’engager un nouveau parcours avec un tiers donneur, alors qu’elle dispose des gamètes de son conjoint décédé ou des embryons in vitro.
Cet amendement tend donc à autoriser la procréation post mortem dans des conditions d’encadrement équilibrées. Celle-ci serait possible lorsque l’autre membre du couple a consenti préalablement à l’insémination ou au transfert d’embryons post mortem.
La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert mettrait fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert.
Enfin, l’insémination ou le transfert d’embryons ne pourrait être réalisé que dans un délai compris entre six mois et trois ans après le décès.
M. le président. L’amendement n° 64 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Chacun l’a bien compris au vu des explications qui ont été données : la situation visée est celle d’un couple qui, ayant un projet parental, a recours à l’AMP, mais dont le futur père décède alors que cette dernière n’a pas été totalement mise en œuvre. Les embryons existent, mais aucun n’a encore été implanté.
Faut-il dans ce cas autoriser la veuve à implanter l’un de ces embryons ? Le droit commun ne le permet pas, la mort mettant fin à la procédure d’assistance médicale à la procréation. La raison en est assez simple : lorsqu’un projet parental a été conçu à deux, il disparaît si l’un des deux membres du couple vient à manquer.
Ainsi, la question ne se posait guère jusqu’à présent, même si elle a déjà été abordée dans cet hémicycle, me semble-t-il. Si elle se pose aujourd’hui, c’est parce que cette femme veuve, qui acquiert le statut de femme seule, pourrait désormais accueillir un autre embryon ou d’autres gamètes, dès lors que les femmes seules peuvent bénéficier d’une procédure d’assistance médicale à la procréation. Mais en aucun cas elle ne pourrait avoir recours à l’embryon qu’elle a conçu avec son défunt époux. C’est un paradoxe, nous dit-on, mais un paradoxe apparent, selon moi, le projet parental n’existant plus en l’absence de l’un des deux parents.
On peut certes parfaitement comprendre la cruauté de la situation pour cette femme, qui pourrait avoir un enfant, mais pas de la façon qu’elle avait envisagée jusqu’alors, c’est-à-dire par AMP avec son époux. Il est cruel de perdre son mari ; il est tout aussi cruel de perdre l’espoir de concevoir des enfants à deux.
L’intérêt de la femme qui avait conçu ce projet est peut-être de bénéficier de cet embryon. Mais, en face, comme toujours dans ce projet de loi, il y a l’intérêt de l’enfant.
Or voilà un enfant qui naîtra orphelin de père et qui, excusez-moi de le dire aussi crument, naîtra d’un mort, ce qui me semble constituer une rupture anthropologique assez forte, de nature à abolir la distinction entre le vivant et le mort.
Voilà entre quoi vous devez choisir, mes chers collègues…
J’émets pour ma part les plus vives réserves sur ces amendements, mais cela n’a pas été le cas de la commission spéciale. Et comme je suis son rapporteur, je vous indique qu’elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 24, présenté par Mme Procaccia.
Conformément à l’avis du Conseil consultatif national d’éthique, cet amendement est celui qui encadre le plus cette procédure.
Il se limite au cas où l’homme décède, quand d’autres amendements prévoyaient aussi le cas de couples de femmes – cela n’aurait toutefois aucun sens, puisqu’il n’y a pas d’embryon dans ce cas.
Il prévoit en outre l’expression du consentement de l’homme à ce transfert post mortem et l’encadre par des bornes temporelles – la transplantation doit avoir lieu entre six et dix-huit mois après le décès. Il prévoit enfin une autorisation de l’Agence de la biomédecine et limite le nombre de naissances susceptibles d’intervenir dans ce cadre.
En revanche, la commission est défavorable à tous les autres amendements et sous-amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je répondrai de façon générale, et Mme la garde des sceaux interviendra plus spécifiquement sur le volet juridique.
Lorsque j’ai été amenée à réfléchir à cette mesure, au tout début de l’élaboration du projet de loi, j’y étais favorable, au nom des arguments qui ont été développés lors de la présentation de ces amendements : souci de cohérence par rapport aux femmes non mariées qui peuvent désormais accéder à l’AMP, volonté de ne pas infliger à des femmes en deuil, qui vivent déjà un moment dramatique, la frustration ultime de ne pouvoir mener à terme leur projet parental. Je comprends ces arguments, et l’émotion que de telles situations peuvent susciter.
Je souhaite toutefois dérouler à présent le fil d’autres arguments. En effet, progressivement, je me suis construit une autre conviction sur l’AMP post mortem, en dépassant la situation la plus emblématique de cette femme robuste, qui dispose d’un embryon congelé, dont le mari décède brutalement et qui veut mener son projet parental à terme, comme un ultime acte d’amour.
Il me semble, en premier lieu, que l’argument de cohérence ne tient pas. Les femmes seules qui construisent un projet parental dans le cadre d’une AMP ont mûrement réfléchi leur décision et ont généralement tissé une forme de nidation, un référentiel familial ou amical d’altérité paternelle autour d’oncles ou d’amis proches. Je le sais pour avoir conduit un grand nombre d’auditions.
Au contraire, nous parlons de la situation de femmes qui vivent un deuil, un traumatisme, et qui doivent subitement reconstruire leur projet parental dans une situation complètement différente en termes de rapports familiaux, amicaux, financiers… Tout est rupture dans le deuil. Ce que nous pouvons souhaiter de mieux à ces femmes, c’est qu’elles puissent faire leur deuil et construire d’autres projets, peut-être se remarier ou repenser un projet parental en tant que femmes seules. En revanche, nous ne leur souhaitons pas forcément de poursuivre leur projet d’AMP préexistant.
Je rappelle de surcroît que les chances de succès de l’AMP sont de 15 % à 20 % seulement. Ces femmes devront donc attendre six mois avant de pouvoir poursuivre leur projet, puis elles seront confrontées à un risque d’échec plus élevé que ne le sont leurs chances de succès. On les expose donc à un deuil quasiment interminable et renouvelé, voire à un double ou à un triple deuil d’incapacité.
Au final, c’est une fausse sécurité, une fausse liberté que nous donnerions aux femmes qui se trouvent dans cette situation.
De plus, ces dernières peuvent subir une pression sociétale, amicale ou familiale que Mme Rossignol a évoquée.
Pour un cas parfait que nous avons tous en tête – nous voulons tous aider cette personne –, nous prendrions donc le risque considérable d’amener plusieurs femmes vers un deuil interminable, des échecs successifs, des pressions…
Certains d’entre vous ont toujours l’embryon en ligne de mire, cet embryon congelé que l’on pourrait donner à d’autres. Comment pourrait-on faire cela à ces femmes en deuil, nous dit-on ?
Tout d’abord, je le rappelle, il est extrêmement rare que des embryons congelés soient donnés à d’autres couples. On compte aujourd’hui moins de vingt naissances par an issues de dons d’embryons. Chaque couple veut généralement son propre embryon et, dans les situations dont nous parlons, la femme peut évidemment en demander la destruction.
Surtout, l’embryon n’est pas le stade ultime de l’AMP. Le fait d’avoir des embryons ou des gamètes congelés ne correspond pas à des stades successifs de la démarche d’AMP. Il ne reflète que le type d’infertilité. On ne peut par conséquent pas traiter différemment, dans le cadre de cette AMP post mortem, les embryons ou les spermatozoïdes congelés et leur donner un statut différent, puisque l’utilisation des uns ou des autres est simplement liée à la pathologie sous-jacente.
On placerait donc ces femmes en situation d’espérer et dans l’impossibilité de faire leur deuil, alors que nous leur souhaitons au contraire de pouvoir se reconstruire autrement, une fois le deuil accompli.
Enfin, avant même l’autorisation d’autoconservation des gamètes, il existe déjà des milliers de situations dans lesquelles les spermatozoïdes masculins sont conservés, notamment dans le cas de maladies comme le cancer.
Comme l’a dit Mme la rapporteure, on ouvrirait peut-être la voie à une réelle rupture anthropologique. Combien de temps après la mort peut-on donner naissance à un enfant ?
Je développerai pour conclure un dernier argument. Nous nous préoccupons, depuis le début de l’examen de ce projet de loi, de l’intérêt de l’enfant. Or, sincèrement, je ne sais pas qui, dans ce cas de figure, peut garantir l’intérêt de l’enfant. Nous garantissons l’intérêt des femmes qui veulent continuer leur projet parental, mais qui peut garantir qu’un enfant conçu dans cette situation n’aura pas une place particulière, liée à la projection du père absent, une place différente de celle d’un enfant conçu au terme d’un projet parental construit par une femme seule ? Aucune étude ne peut assurer la place de l’enfant dans de telles situations.
À la lumière de ces arguments, je me suis forgé la conviction que, malgré leur légitimité, malgré l’émotion qu’elles peuvent susciter et le souci de cohérence qui nous anime, nous commettrions une erreur si nous accédions à ces demandes. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’oppose à la totalité de ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Je veux simplement compléter rapidement les propos d’Agnès Buzyn sur le plan juridique.
Je ne me place ni du point de vue de la douleur évidemment ressentie par les femmes qui vivent de telles situations ni du point de vue médical.
Autoriser la PMA post mortem entraînerait deux difficultés juridiques, qui ne seraient pas nécessairement insurmontables, mais qui poseraient néanmoins de sérieux problèmes.
La première difficulté concernerait la filiation. Qui dit AMP, dit consentement à l’AMP. Toutefois, ce consentement du père défunt et de la mère n’emporte pas filiation. Or, par définition, l’enfant naîtra après le délai des 300 jours durant lesquels la présomption de paternité liée à la reconnaissance anticipée reste valide. Il faudrait donc imaginer un autre système de filiation, ce qui serait tout de même assez complexe à mettre en œuvre, même si le droit n’est qu’un outil.
La seconde difficulté serait liée à la succession. Aux termes du code civil, pour hériter, il faut exister au moment de l’ouverture de la succession. Il faudrait donc modifier l’article 725 dudit code pour inclure, parmi les héritiers, l’enfant à naître, alors même que l’embryon ne serait pas implanté au moment du décès. Là encore, l’obstacle n’est sans doute pas infranchissable, mais le problème reste complexe.
Il faudrait aussi modifier les textes relatifs à la capacité de recevoir par testament ou donation. En l’état actuel, on ne peut léguer ou donner à une personne qui n’est pas encore conçue.
Le règlement de la succession serait retardé de plusieurs années. Il serait de plus soumis à plusieurs aléas : la décision de la mère de réaliser ou non l’implantation, au terme d’un délai que vous souhaitez voir compris entre six et dix-huit mois après le décès, le succès de l’AMP, comme l’a souligné Agnès Buzyn, et enfin la viabilité de l’enfant au moment de la naissance. Rien n’est impossible en droit, mais ce serait tout de même une véritable difficulté.
Ces raisons juridiques confortent l’avis défavorable du Gouvernement sur ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je laisse de côté les arguments relatifs aux modalités de prise en compte du transfert d’embryon post mortem, évoqués à l’instant par Mme le garde des sceaux. Celles-ci n’ont pas été prévues par l’amendement n° 24 et ses sous-amendements, ce qui pose en effet un sérieux problème juridique.
J’axerai davantage mon intervention sur l’argumentation de Mme la ministre des solidarités et de la santé, que j’ai trouvée très convaincante.
Le risque majeur de cette disposition, si nous devions l’adopter, est d’installer les femmes dans un « deuil interminable » – je reprends vos termes, madame la ministre – et de faire vivre un enfant dans une situation d’ambiguïté, celle de l’entretien d’un amour interrompu par la mort. Je suis pris de vertige à cette idée, tant pour la femme que pour l’enfant, et je trouve que vous avez développé des arguments à la fois de raison et de profonde humanité.
L’empathie consiste non pas à faire sienne l’émotion sincère et profonde exprimée par certaines femmes qui sont encore sous le choc d’un deuil extrêmement cruel, mais au contraire à prendre en compte leur souffrance et à rechercher la meilleure solution pour l’apaiser. En aucun cas la naissance d’un enfant, mis au monde deux ans après la mort de son père, ne peut être une solution.
En mon âme et conscience, je me rallie donc entièrement à la position que vous avez exprimée avec sagesse, madame la ministre. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Le débat, quand il est serein et pédagogique – cela n’empêche pas d’avoir du cœur –, peut être utile. N’étant pas un spécialiste du sujet, après avoir écouté les arguments des uns et des autres au sein de la commission spéciale, j’avais le sentiment que l’amendement de Catherine Procaccia était celui qui permettait de mieux encadrer la mesure, tout en étant assez réticent sur l’idée d’une PMA post mortem.
J’entends aussi vos arguments, madame la garde des sceaux, mais je ne suis pas non plus juriste et, comme vous l’avez vous-même indiqué, le droit peut toujours évoluer.
En revanche, à la suite du président Philippe Bas – il faut donc croire que tout ne nous sépare pas ! (Sourires.) –, il m’a semblé, en conscience, que les arguments de Mme la ministre des solidarités et de la santé étaient parfaitement convaincants.
Catherine Procaccia m’en excusera, mais je me rallie totalement à cette position et je ne voterai pas ces amendements. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM. – M. Jean-Pierre Corbisez applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je ne voterai pas non plus les différents amendements qui visent à encadrer plus ou moins strictement la PMA post mortem.
Avec cette disposition, on joue avec la vie, qui est faite parfois de grands moments de plaisir, mais aussi de moments de tristesse et de deuil.
Or, la plupart du temps, on ne décide pas du moment de sa mort. Celle-ci peut advenir à tout instant et peut en effet remettre en cause des projets qui étaient portés par le couple.
La loi doit-elle permettre à quelqu’un qui n’est plus de donner la vie ? Cet acte – donner la vie – est-il uniquement lié au vivant ou peut-il être réalisé au-delà de la mort ?
J’entends l’argument qui a été soulevé sur la question de la construction de l’enfant. Du fait de la psychologie humaine, on peut en effet penser que la mère qui a perdu un être cher opèrera sans doute une forme de transfert dans la manière dont elle élèvera son enfant, ce qui fera peser sur celui-ci une responsabilité et un héritage émotionnel ou passionnel, au-delà du seul aspect juridique.
C’est pourquoi je ne pense pas que ces amendements aillent dans le sens de l’intérêt de l’enfant et de sa capacité à se construire et, plus tard, à s’émanciper. Il est une chose de naître de père inconnu – ce n’est déjà pas simple –, il en est une autre de naître de père décédé.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote, et non pour un rappel au règlement… (Sourires sur plusieurs travées.)
M. Bruno Retailleau. Je vois, monsieur le président, que vous avez retrouvé votre humour. Je m’en félicite et je suis sûr que chacun ici partage ce plaisir… (Nouveaux sourires.)
Le projet de loi traite de sujets graves et ces amendements sont très importants. Il me semble que celui de Mme Procaccia est meilleur que les autres, même si je n’ai pas l’intention de le voter.
Il y a en réalité deux voies possibles : la première est logique, la seconde est préventive ou prudentielle. Il est logique que celles et ceux qui veulent ouvrir la PMA aux femmes célibataires soutiennent la PMA post mortem. En ce qui me concerne, je me rallie à la voie préventive, celle qui est mise en avant par Mme Buzyn.
Je comprends la position que j’ai qualifiée de logique : à partir du moment où l’on appelle de ses vœux l’ouverture de la PMA aux femmes célibataires, la question se pose très vite de savoir au nom de quel principe on refuserait à une veuve une insémination avec les gamètes de son mari, alors qu’elle peut être autorisée à en recevoir de la part d’un inconnu.
C’est évidemment une question sensible qui, Philippe Bas le disait, donne le vertige, mais je crois que nous devons nous écarter de cette logique quelque peu mécanique et refuser la PMA post mortem.
J’ai beaucoup apprécié votre développement, madame la ministre des solidarités de la santé. Il était empreint d’humanité et a renforcé ma conviction : je ne pense pas que nous devrions légiférer sur ces sujets qui touchent certaines limites ; sur ces sujets, c’est l’approche prudente, préventive, qui doit s’imposer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je n’ai pas voté en faveur de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules, mais sur le sujet soulevé par ces amendements j’ai beaucoup hésité, car cette mesure est une forme de respect envers les femmes qui sont dans le malheur d’avoir perdu un être cher, qui sont dans le deuil. Et, madame la ministre, vous m’avez convaincu !
Je vais reprendre l’argument qui me paraît déterminant en tant que médecin : la question du deuil. Nous savons bien qu’au-delà d’une certaine durée, qui est variable selon les personnes et les cultures, comme l’a dit Mme Benbassa, le deuil devient pathologique – les psychiatres connaissent très bien ce syndrome du deuil pathologique.
Il s’agit évidemment d’un acte qui, au départ, est altruiste et humaniste, mais n’y a-t-il pas aussi quelque chose de morbide ? Je me permets d’utiliser ce mot et de le répéter : n’y a-t-il pas une volonté morbide, donc un risque, de prolonger le deuil ? La question du taux de réussite des PMA se pose bien sûr, mais au-delà, on ne peut nier que l’enfant qui naîtrait à la suite d’une PMA post mortem vivrait certainement dans un environnement de deuil et, je le réitère, morbide. Je me souviens d’un vieux conte qui tourne autour de cette notion ; il me semble qu’il s’intitule Tristan.
Encore une fois, je n’ai pas voté en faveur de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules et j’ai hésité sur la PMA post mortem, mais finalement je ne peux pas voter ces amendements. Je reconnais que la question est extrêmement difficile et qu’elle touche profondément à l’humain. Il me semble qu’il serait préférable de retirer ces amendements, même si je reconnais qu’ils partent d’une bonne intention.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je persiste à penser qu’il y a quelque chose d’injuste et de contradictoire à voter l’ouverture de la PMA aux femmes seules, comme nous l’avons fait hier, et à refuser la PMA post mortem.
Il est vrai, madame la ministre des solidarités et de la santé, que les cas sont extrêmement rares, mais ils existent. Je note qu’on ne demande pas à une femme enceinte qui se retrouve veuve d’argumenter sur son projet parental !
C’est une question de principe, de justice et de cohérence avec notre vote d’hier. Je défends donc le principe contenu dans ces différents amendements et il me semble judicieux, pour une raison stratégique, de voter l’amendement n° 24, présenté par Mme Procaccia.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Ce débat est particulièrement intéressant. Je suis membre de la commission spéciale qui a examiné ce projet de loi et je dois dire qu’au début je n’étais pas favorable à la PMA post mortem pour les raisons qui ont été indiquées. Ce sont les auditions qui m’ont fait petit à petit changer d’avis.
Je ne suis pas juriste, mais je trouve tout de même que la loi actuelle présente un certain nombre de bizarreries : par exemple, une femme qui a construit un projet parental avec son conjoint décédé entre-temps ne peut que détruire les gamètes de son conjoint et recommencer le processus avec un tiers donneur inconnu ! Cela me paraît ajouter de la peine au deuil, ce qui m’a beaucoup touché.
Les auditions, notamment celle du professeur Frydman, m’ont amené à me poser des questions, mais je le fais avec beaucoup d’humilité. Je partage l’idée que nous devons légiférer sur le genre de cas dont nous parlons, mais je ne pense pas que ce soit une question d’empathie ou d’humanité. Nous devons imaginer les conséquences sur la femme et sur l’enfant à naître, ce qui n’est évidemment pas facile.
L’argumentation très forte de Mme la ministre des solidarités et de la santé suit une autre logique et donne à réfléchir, mais lors de l’audition du professeur Frydman et de ses collègues, on nous a dit que le nombre de cas était très faible et qu’il fallait faire confiance aux femmes concernées et leur donner le choix. Comment le législateur peut-il dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas ? Ce qui est important à mon sens, et contrairement à l’amendement que j’ai cosigné, c’est d’encadrer les choses. De ce point de vue, l’amendement de Mme Procaccia va dans le bon sens et je m’y rallierai, même si je ne suis pas d’accord avec tous ses éléments, en particulier en ce qui concerne l’autorisation délivrée par l’Agence de la biomédecine.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je souhaite à mon tour saluer la qualité de nos échanges. Il est vrai que les situations que nous évoquons sont rares, mais je ne crois pas que ce soit une question d’empathie – je suis sûr que nous avons tous ce sentiment en commun – et je rejoins de ce point de vue les propos de Laurence Cohen que je partage tout à fait.
Nous ne sommes pas propriétaires, si je puis dire, des réactions des personnes concernées ; leur travail de deuil leur appartient à elles et à elles seules. Ne pas légiférer, c’est-à-dire ne pas ouvrir une possibilité, constitue de facto une injonction adressée à ces personnes de faire d’une certaine manière.
Dans les rares cas que nous connaissons, nous savons bien que les femmes se battent pour mener à bien le projet parental avec les gamètes de leur mari disparu. D’ailleurs, je signale que les femmes, aussi bien étrangères que françaises, ont souvent obtenu gain de cause devant la justice – il me semble que le tribunal de Rennes a donné raison à une femme française qui a voulu récupérer les gamètes de son mari.
Ce qui est important, c’est de respecter le travail de deuil. Il ne faut évidemment pas encourager un travail de deuil interminable et l’amendement de Catherine Procaccia comporte une limite de dix-huit mois, ce qui me paraît tout à fait raisonnable. Personne ne fixe comme injonction à la femme de poursuivre le projet parental ; nous lui offrons une possibilité.
Nous savons bien que certaines femmes demandent cela et l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules rendra encore plus violente la douleur que ces femmes subissent, puisqu’elles devront se tourner vers un tiers donneur anonyme, alors même que les gamètes de leur mari existent.
Nous devons aborder cette question avec beaucoup d’humilité et peu de certitudes, mais je constate que la réponse proposée par Catherine Procaccia répond assez bien à nos principes d’humanité, de sollicitude et d’empathie, tout en respectant le cadre juridique existant.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce sujet est évidemment difficile. La ministre des solidarités et de la santé et la garde des sceaux nous ont exposé des arguments très intéressants.
Il me semble cependant que les questions liées à la succession soulevées par la garde des sceaux doivent être mises de côté et ne pas encombrer notre raisonnement, car sur ces points il existe déjà dans le code civil des règles concernant l’enfant à naître. Je ne crois donc pas que ces questions complexifient la situation à ce stade.
Les véritables difficultés ont été soulevées, à mon sens, par la ministre des solidarités et de la santé. Je souhaite me placer délibérément du point de vue de la femme, et non de la femme en deuil. Pour moi, il ne s’agit pas de compassion et, s’il s’agissait d’entretenir éternellement le deuil, je trouverais aussi qu’il y a quelque chose de morbide, voire de toxique. Nous devons tout simplement faire confiance à la femme. Je l’ai dit hier, je le redis aujourd’hui, je ne pense pas que nous soyons mieux placés que ces femmes pour savoir ce qu’elles doivent faire de leur vie.
Tous les amendements, notamment celui de Mme Procaccia, prévoient un délai minimal de six mois après le décès qui pourrait éventuellement être un tout petit peu augmenté. Ce délai permet de prendre un peu de temps pour éviter d’arrêter une décision sous le coup de l’émotion violente du deuil. Je rappelle en outre que toute la procédure de PMA est suivie par une équipe psychologique.
Nous parlons de quelques cas par an au maximum et, si nous refusons de légiférer, nous resterons dans la situation actuelle : les juridictions françaises, notamment le Conseil d’État, ont accepté que des femmes exportent leurs gamètes pour pouvoir procéder à l’insémination post mortem à l’étranger, là où c’est autorisé. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, pas de malentendu, je suis en train de vous dire non pas que nous devons le faire en France, parce que cette pratique est permise à l’étranger, mais que les règles contenues dans l’amendement de Mme Procaccia sont plus protectrices dans ces cas de figure exceptionnels que celles qui s’appliquent le plus souvent à l’étranger.
C’est pourquoi, quelles que soient nos différences d’approche, l’amendement de Mme Procaccia rejoint nos préoccupations. Il est préférable de légiférer plutôt que de conserver le droit actuel.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Légiférer est facile, mais nous devons nous mettre à la place des médecins qui sont confrontés à ces difficultés au moment où tout bascule.
Mme Cohen a cité le professeur Frydman. J’ai écrit une tribune dans Libération avec lui et Christian Hervé, et je l’ai eu tout à l’heure au téléphone. Il m’a dit qu’il était dur de dire « non ». Il est dur de dire « non » à une femme qui vient de perdre son mari, le refus constituant souvent une seconde violence après celle du sort qui lui a fait perdre l’être aimé.
J’ajoute, mes chers collègues, que nous ne devons pas confondre les gamètes et l’embryon. L’embryon est déjà conçu, c’est une grande différence. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Chers collègues, quelles que soient vos convictions, je les comprends. Madame la ministre des solidarités et de la santé, vos mots ont été forts.
En ce qui me concerne, je pense avant tout à la femme, mais je pense aussi à l’enfant et je reste intimement persuadée qu’il vaut mieux qu’un enfant naisse en sachant qui est son père et les parents de celui-ci plutôt que de devoir réaliser tout un processus à sa majorité pour connaître ses origines. Je ne suis pas membre de la commission spéciale, mais en tant qu’élue j’ai rencontré nombre de personnes concernées par ces problèmes.
Mme le garde des sceaux a parlé de problèmes juridiques, je ne doute pas qu’ils existent, mais en la matière nous savons bien qu’on trouve toujours des solutions quand on le veut bien – il suffit de regarder les décisions rendues par les tribunaux dans les dossiers d’enfants nés à la suite d’une GPA…
Ma seule conviction, c’est qu’il faut faire confiance aux femmes – Mme de la Gontrie l’a dit. Une femme qui a un projet de PMA et qui devient veuve ne voudra pas nécessairement poursuivre ce projet ; je pense d’ailleurs qu’elle l’abandonnera dans la plupart des cas. Mais pourquoi ne pas essayer de régler la question pour celles qui voudront le mener au bout et qui sont aujourd’hui contraintes d’aller devant les tribunaux ?
J’ajoute que ma proposition reprend en fait celle que le Comité consultatif national d’éthique a formulée en 2014. Pourquoi mettre en place des instances, si nous n’écoutons pas leurs recommandations ?
Enfin, nous avons la chance, pour une fois, que le texte ne soit pas examiné dans le cadre de la procédure accélérée et qu’il fasse l’aller-retour entre les deux chambres. Dans ces conditions, permettons au moins que cet amendement soit discuté à l’Assemblée nationale, quitte à le modifier ou à le supprimer, si la conviction générale est qu’il ne faut pas aller plus loin. (Mmes Esther Benbassa et Laurence Cohen applaudissent.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Ce sujet est extrêmement délicat, car il touche à l’intime. Madame la ministre des solidarités et de la santé, je me rallie à vos arguments et je ne voterai pas en faveur de ces amendements.
Dans notre société, il faut toujours protéger les plus fragiles et je crains qu’avec cette disposition nous ne créions de nouvelles fragilités.
Il est évident qu’avec cette mesure l’enfant à naître saura qui est son père, mais il saura aussi qu’il a été implanté après le décès de celui-ci. Quelle responsabilité sur ses épaules ! Est-ce qu’elle ne sera pas trop lourde à porter ? Je ne voudrais pas convoquer la psychanalyse, mais j’ai peur qu’à côté d’Éros ne plane sur le berceau l’ombre de Thanatos… Nos pulsions freudiennes, si je puis dire, sont toujours ambivalentes, partagées entre forces de vie et forces de mort.
Et je pense que la responsabilité qui pèse sur cet enfant, un enfant du miracle en quelque sorte, est beaucoup trop lourde à porter pour lui. C’est au nom de cette fragilité que je ne voterai pas en faveur de ces amendements.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne voterai pas non plus ces amendements pour une raison beaucoup plus simple : n’ayant pas voté l’extension de la PMA aux femmes seules, je ne peux pas voter la PMA post mortem. J’ajoute que, si j’avais voté l’extension de la PMA aux femmes seules, je crois que j’aurais voté l’amendement n° 24 de Catherine Procaccia pour les raisons que celle-ci a excellemment indiquées.
J’ai bien écouté l’intervention de Mme la ministre des solidarités et de la santé et son argument sur les problèmes d’ordre psychique que pourrait rencontrer la veuve qui, parce qu’elle procrée, n’arriverait pas à faire son deuil. Mais qui peut dire qu’une veuve qui veut vraiment procréer dans les délais indiqués dans l’amendement de Mme Procaccia et après consentement de son mari élèverait moins bien son enfant qu’une femme seule qui a décidé de construire une famille ainsi ? J’ai du mal à faire la différence entre les deux situations. Dans l’une comme dans l’autre, ces femmes peuvent être entourées de personnes dans le cadre de l’« altérité » évoquée tout à l’heure – c’est un mot à la mode…
Pour moi, l’intérêt supérieur de l’enfant passe, dans tous les cas, par la présence du père, lequel est absent dans la PMA post mortem comme dans la PMA pour les femmes seules. Je n’ai pas voté hier soir l’extension de cette procédure aux femmes seules, je ne peux donc pas voter l’un des amendements en discussion. (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Il me semble que, sur ce sujet de la PMA post mortem, nous devons prendre un peu de recul et revenir à la raison et au bon sens, même si on peut comprendre et respecter les attentes de certaines femmes frappées par le deuil.
Nous débattons pour savoir si le législateur doit prendre la responsabilité d’institutionnaliser et d’encadrer la PMA post mortem qui permettrait de faire naître des enfants issus d’un père mort depuis six mois, dix-huit mois, voire trois ans.
Est-ce un progrès de faire naître un enfant issu de la mort ? Est-ce dans l’intérêt de l’enfant de le faire volontairement naître orphelin de père ? Respectons-nous vraiment le droit de l’enfant ? Quelles seront les répercussions psychologiques sur l’enfant ? À titre personnel, je pense qu’elles seront dramatiques.
Le rôle du législateur est non pas de concrétiser les désirs des parents, mais de protéger les plus vulnérables, en l’espèce les enfants. Pour moi, politique doit rimer avec justice et il faut faire justice aux adultes et aux enfants, davantage aux enfants en raison de leur intérêt supérieur. Le législateur prendrait un risque vertigineux en encadrant de quelque manière que ce soit la PMA post mortem. Je voterai donc contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. J’ai cosigné l’amendement de ma collègue Élisabeth Doineau. J’ai pensé non pas uniquement à la femme qui vient de subir un deuil, mais également aux parents de la personne disparue, ce qui m’a ramené au roman populaire de Pagnol décrivant la détresse de parents ayant perdu leur fils unique.
Mais ce qui m’a déterminé, c’est la liberté. La liberté, c’est avoir le choix, et interdire le choix par la réglementation ou la législation, c’est à mes yeux aller contre la liberté qui est pourtant l’un des fondements de notre devise républicaine. Pour cette raison, je voterai pour la disposition proposée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. En ce qui me concerne, j’ai voté hier contre la PMA, mais en commission spéciale j’ai voté pour l’amendement n° 24. Les arguments que j’ai entendus aujourd’hui, que ce soit ceux de Mme la ministre des solidarités et de la santé, de Mme la garde des sceaux ou de différents collègues, m’ont fait changer d’avis – c’est tout l’intérêt d’une discussion !
Il me semble que le poids qui risque de retomber sur l’enfant à naître, sur sa mère, mais aussi sur toute sa famille, en particulier les parents du père décédé, sera considérable. Imaginez concrètement les relations que ces grands-parents auront avec leur petit-fils ou leur petite-fille ! Au-delà des questions juridiques, les aspects psychologiques sont considérables.
C’est pour ces raisons que je change d’avis. Au départ, il me paraissait absurde d’interdire à une femme l’implantation d’un embryon conçu avec les gamètes de son mari décédé, alors qu’on autorisait l’implantation d’un embryon conçu avec des gamètes étrangers, mais les arguments que je viens d’entendre me laissent penser que nous ne devons accepter, dans ces situations, que les embryons conçus avec des gamètes étrangers, certainement pas ceux qui l’ont été avec les gamètes du mari décédé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il me semble également que nous devons faire preuve de beaucoup d’humilité. J’ai participé à l’audition du professeur Frydman et j’ai écouté à l’instant les propos de Mme la ministre, mais je rejoindrai les arguments développés par Alain Houpert et Laurence Cohen.
La veuve n’est pas obligée de recourir à la PMA avec l’embryon conçu avec son mari.
À mon sens, l’argument selon lequel il y aurait une pression de la famille ne tient pas : les femmes sont indépendantes.
Si la personne a vraiment un projet, il doit être très difficile pour le médecin de refuser ce que l’on accorde par ailleurs à une femme seule, célibataire. Je ne vois pas pourquoi il devrait en être ainsi. Il faut faire confiance à la femme, dont la future vie ne sera pas forcément un deuil permanent. Elle pourra de surcroît bénéficier de l’accompagnement de la famille. Je voterai l’amendement de Mme Procaccia.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Je suis entré dans cet hémicycle en me disant que j’allais voter l’amendement n° 24. Madame la rapporteure, mesdames les ministres, je vous remercie d’avoir élevé le débat, jusqu’à me faire chanceler, mais, à bien y réfléchir, vous avez renforcé mon point de vue.
Comme le disait Catherine Fournier, si une femme enceinte perd son mari, l’enfant naît orphelin, donc ce n’est pas la PMA post mortem qui crée ce cas de figure.
C’est la question même de l’AMP qui est posée avec cet exemple, et cela nous renvoie un peu à celle de la monoparentalité. Nous sommes en train de projeter un même raisonnement sur des situations qui sont différentes. Nous avons très bien décrit ce que pouvait être une monoparentalité subie. En l’espèce, il s’agit d’une monoparentalité choisie, ce qui est totalement différent. Je vais donc voter cet amendement de Mme Procaccia, parce que ma collègue a emporté ma conviction. Il ne s’agit pas pour moi d’un choix dicté uniquement par la compassion, même si elle est présente – à cet égard, monsieur Retailleau, pour rebondir sur votre intervention d’hier, faute avouée à moitié pardonnée –, car, pour moi, le plus important est le désir d’enfant et l’amour que des personnes veulent porter à cet enfant. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Cette situation est très délicate à appréhender. Beaucoup d’arguments ont été avancés, et, en tant que législateur, nous devons toujours penser aux cas exceptionnels. Nous sommes, par exemple, souvent sollicités au sujet de mariages post mortem pour donner des autorisations exceptionnelles.
Même s’il n’y aura peut-être que trois cas par an, je suis rassurée par l’amendement de Mme Procaccia. Il peut survenir un décès brutal, imprévu, alors que tout avait été mis en œuvre pour concrétiser le projet d’enfant du couple. À titre personnel, j’y insiste, je voterai cet amendement, car un cadre est nécessaire ; il est d’ailleurs demandé par beaucoup de femmes, d’hommes, d’associations et de médecins.
Le sujet reviendra en débat à l’Assemblée nationale, mais nous ne pouvons pas nous affranchir de donner une réponse aujourd’hui. Cet amendement ne réglera pas tout, mais il nous faut accompagner ces situations douloureuses.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’avais cosigné avec beaucoup de conviction l’amendement présenté par Mme Meunier. J’ai écouté avec grand intérêt les argumentations présentées par Mmes les ministres, en particulier par Mme la ministre des solidarités et de la santé. Après réflexion, je voterai en faveur de l’amendement de Mme Procaccia, me ralliant à ce que vient de dire Olivier Henno. En effet, dans ces situations, qui ont déjà été décrites dans le détail, il me paraît essentiel de laisser la liberté à la personne concernée de choisir elle-même si elle veut ou pas poursuivre la PMA engagée.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai écouté tous les arguments, et, comme mon collègue Olivier Henno, j’ai chancelé par moments. Les arguments de Mmes les ministres m’ont pourtant convaincue, même si l’argumentaire de Laurence Cohen était aussi très étayé. Ayant voté hier contre l’élargissement de la PMA, je ne peux que voter contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je veux remercier Catherine Procaccia d’avoir proposé cet amendement, qui peut être la voie nous permettant de trouver une solution respectueuse de l’éthique. Il n’y a pas de difficulté à cet égard : les époux ont formulé un projet parental ; ils ont commencé les démarches pour recourir à l’assistance médicale, notamment auprès du notaire, et l’un des deux décède, le père en l’occurrence. Est-ce que le projet doit s’arrêter ? La question relève de l’intime et non plus de la bioéthique.
Pour ce qui concerne le problème juridique relatif à la filiation, que vous avez soulevé, madame la garde des sceaux, il n’y a qu’à prévoir une reconnaissance conjointe. Tout est possible ; le droit peut s’adapter. C’est d’ailleurs au nom du droit que l’on applique aux femmes le délai pour établir ou non la présomption de paternité après le veuvage. Nous pouvons régler tous ces points.
La vraie question est la suivante : appartient-il au législateur, au titre de cette double compassion, de dire « non » à ces femmes dont la situation est exceptionnelle ? Pour ma part, je pense qu’il faut laisser la possibilité ouverte. Je ne suis pas sûr que, face à une femme dans cette situation, je ne lui déconseillerais pas d’aller jusqu’au bout de sa démarche, mais, aujourd’hui, en tant que législateur qui débat d’un projet de loi sur la bioéthique, je ne me sens pas le droit de lui dire « non ». C’est la raison pour laquelle, à mon sens, l’amendement de Catherine Procaccia, qui est très précautionneux – consentement du père avant ; autorisation de l’Agence de la biomédecine, même si je ne suis pas sûr qu’elle ait les moyens de le faire et que cela soit utile –, peut être adopté.
Il faut laisser à ces femmes le soin de dire, après discussion avec les médecins et les psychologues, si elles veulent poursuivre le projet parental ou bien si elles ne conçoivent pas porter avec l’enfant le deuil du père décédé. Je le répète, c’est du domaine de l’intime, et je me demande si nous avons bien le droit d’interférer dans cette réflexion. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et UC.)
M. le président. Le nombre des inscrits augmente…
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, je vous le dis amicalement, rien, dans le règlement, n’interdit aux sénateurs de s’exprimer. Je suis désolée que cela vous ennuie, mais je vais m’exprimer.
Je n’ai jamais été favorable à la PMA post mortem – je trouve le terme terrible –, et je partage tout à fait les arguments qu’a développés Mme la ministre des solidarités et de la santé. Beaucoup de collègues qui n’y étaient pas non plus favorables nous disent que le témoignage du professeur Frydman les a fait changer d’avis. J’ai le plus grand respect pour lui, mais j’ai aussi rencontré dans mon département des médecins pratiquant la PMA qui m’ont dit à quel point il était difficile de dire « non », et qui partagent la position de Mme la ministre. J’ai aussi entendu, lorsque j’étais au conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, des témoignages de médecins qui voyaient des femmes revenir leur dire qu’ils avaient eu raison de leur dire « non ». Je ne voterai pas l’amendement de Catherine Procaccia. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. J’ai écouté avec le même plaisir et le même intérêt les arguments de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre l’amendement. Cela m’a d’ailleurs rappelé une citation d’Oscar Wilde : « Je déteste les discussions ; elles vous font parfois changer d’avis. »
Il s’agit d’un domaine éminemment compliqué. Il n’y a pas une vérité : chacun a la sienne et celle de l’un vaut celle de l’autre.
J’observe néanmoins, bien que n’ayant pas voté en faveur de l’extension de la PMA, que l’auteur de l’amendement se limite à proposer une possibilité, sans rien imposer à personne. Ma foi, entre la fermeture totale et la possibilité, je choisis la seconde option. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Cette situation, j’ai failli la vivre ! Quand on avale des tonnes de médicaments à l’année et que l’on a envie de fonder une famille, même quand on est sénateur, on peut avoir besoin d’être assisté médicalement, les traitements médicaux ne facilitant pas forcément la procréation. Aussi, je me permets d’interpeller mes collègues de sexe masculin présents dans l’hémicycle : essayez de comprendre un couple hétérosexuel, marié ou non, civilement, religieusement, qui s’engage dans un processus à la fois technico-médical et juridique, avant de lui opposer la protection de l’enfant. Que faites-vous de la volonté du mari qui meurt en cours de processus ? Vous ne respectez pas sa liberté d’être aidé par la science et l’envie de son épouse de mener à bien ce projet de couple, de vie. Je suis convaincu que l’arrivée d’un enfant, c’est aussi respecter la volonté du mari défunt. On doit laisser la veuve, qui n’est pas forcément âgée, aller au bout, avant, peut-être, quelques années plus tard, de refaire sa vie. L’amendement de Catherine Procaccia permet au moins de respecter la liberté d’un couple de citoyens, homme et femme, mariés ou pas, d’aller jusqu’au bout d’un processus. Nous soutiendrons donc cet amendement, mieux rédigé que notre amendement n° 116 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre des solidarités et de la santé, j’ai abordé cette question avec les mêmes réflexions que celles auxquelles vous êtes arrivée. J’ai donc fait le chemin inverse. Je peux partager quasiment tous vos propos. Pour bien réfléchir, j’ai essayé de mettre à distance la souffrance et l’affect, car ils ne sont pas de bons guides pour le législateur. J’ai renoncé à répondre à toutes les souffrances dans ma fonction de parlementaire.
À un moment donné, à la recherche d’une boussole, je suis revenue vers un principe, simple : l’autonomie des femmes. Or les préventions que nous avons à leur égard, notre volonté de les protéger en ne faisant pas durer leur deuil, de les mettre à l’abri des pressions remettent en question leur capacité totale et leur autonomie. Mesdames les ministres, mes chers collègues, les femmes peuvent prendre les décisions concernant leurs droits sexuels et reproductifs. Et cela vaut pour la décision d’interrompre une grossesse comme pour celle de mettre en route une grossesse, dès lors que le consentement du conjoint a été explicitement recueilli, sans quoi il y aurait un abus de pouvoir sur une personne décédée.
Enfin, je me garderai de tout jugement aussi subjectif que définitif sur ce qu’est une bonne famille pour un enfant. Je ne sais pas s’il vaut mieux avoir un papa mort, un papa disparu ou évaporé, un papa inconnu, une maman, deux mamans, deux papas, un papa et une maman, avec un beau-père et une belle-mère. Je crois à la résilience et je suis convaincue que la seule chose qui compte, c’est la sécurité que l’on donne à un enfant. Et cette sécurité, on peut la garantir indépendamment des formes de famille auxquelles on se réfère. C’est pourquoi je voterai l’amendement de Catherine Procaccia.
M. le président. Ne vous méprenez pas, mes chers collègues, je trouve ce débat incroyable. Depuis que je suis sénateur, j’ai rarement vu des débats d’une telle qualité. Je ne vous encourage donc pas à raccourcir vos interventions, qui sont toutes bienvenues. Pour une fois que nous ne sommes pas contraints absolument par le temps, profitons-en !
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Le Sénat a voté la PMA pour toutes : nous sommes là dans un cas de figure où deux personnes vivantes formulent un projet. Chacun parle avec son expérience personnelle et avec le plus grand respect pour les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les couples ou les personnes isolées.
Malgré tout, si l’on croit à la vie, on se résout à la mort, qui signe un coup d’arrêt à la vie. C’est la raison pour laquelle, n’ayant pas voté hier l’extension de la PMA, je ne vois pas pourquoi je voterais aujourd’hui pour la PMA post mortem, même si on ne peut que comprendre que ces femmes, dans la souffrance qui est la leur, aient envie de mener à son terme le projet qu’elles avaient élaboré avec leur conjoint.
Hier, dans les arguments que j’ai opposés à la PMA pour toutes, j’ai évoqué un glissement potentiel vers la GPA. C’est mon intime conviction. Qu’adviendra-t-il si, demain, un couple hétérosexuel formule un projet de PMA et que la mère disparaît ? (Eh voilà ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Je pense que la réponse est dans la question. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. Je n’ai pas entendu toutes les interventions, mais on me dit que le débat est d’une grande qualité jusque-là. Pour ma part, je soutiens l’amendement de Mme Procaccia.
Dans mon département s’est engagée une course contre la montre pour une femme déterminée, qui a déposé un recours auprès du Conseil d’État pour pouvoir transférer ses embryons de l’hôpital de Brest vers un centre situé en Espagne, où la loi autorise une transplantation d’embryon jusqu’à un an après le décès du mari. Le conjoint de cette femme a écrit une lettre émouvante, pleine d’amour, dans laquelle il a exprimé sa volonté, lorsqu’il s’est su condamné par la leucémie. Il s’adressait en même temps à ses enfants à naître, leur disant qu’il les verrait et les soutiendrait de là où il serait.
Cette femme se bat et nous observe ; elle est véritablement déterminée à avoir un enfant de son mari. Comment pourrait-on, alors que les deux époux sont sur la même ligne, détruire ces embryons ou les donner à un autre couple, à une autre famille ? Cela serait un véritable drame pour cette femme, pour sa famille. Je reprends les mots de Laurence Rossignol, avec qui je suis entièrement d’accord : qu’est-ce qu’une vraie famille ? Une mère, un père et un enfant désiré, aimé, en sécurité, qui saura comment son père a fait en sorte qu’il puisse arriver dans ce monde ? Réfléchissez-y, mes chers collègues, car c’est un cas concret, sur lequel le Conseil d’État doit se prononcer très prochainement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Ces sujets, forcément extrêmement touchants, interrogent l’intime. Ma position oscille sans cesse au gré des arguments développés. On se met tous à la place de ceux qui vivront ces situations.
En quelques mots, et pour ne pas répéter les arguments déjà présentés, je dois dire que j’ai été touchée par l’intervention de Jacques Bigot. Et Olivier Henno et Jean-Marie Mizzon se rejoignent sur une position que je veux aussi défendre : de quel droit s’autorise-t-on à fermer la porte à la liberté de choix d’une femme ?
Je m’interroge, y compris sur la PMA, puisque je me suis abstenue sur les amendements de suppression de l’article. Cependant, je voterai l’article 1er, donc la PMA, au terme de notre discussion, car nous allons imposer des sécurités à travers un certain nombre d’amendements.
Pour conclure, je rappelle que les femmes auront six mois pour réfléchir avant de prendre leur décision. La commission spéciale a pris un certain nombre de dispositions pour qu’il y ait une évaluation médicale, psychologique, sociale, une réflexion, un accompagnement, et cela vaudra aussi pour des femmes veuves.
Aujourd’hui, devrait-on dire : « PMA pour toutes, mais pas pour les femmes veuves » ? Celles-ci n’auraient même pas le choix, alors qu’elles pourraient bénéficier d’un environnement et d’une sécurisation de leur cheminement, c’est-à-dire de conseils, pour ensuite décider elles-mêmes.
Je m’adresse à mes collègues femmes : je ne sais pas ce que je ferais en pareil cas, mais je n’aimerais pas que l’on m’interdise de trancher en connaissance de cause et de manière éclairée. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les interventions et les arguments de mes collègues, que je respecte. Ce sujet est si délicat ! J’ai grandi dans une société qui repose sur les valeurs de la famille et je me pose la question suivante : quelle est la limite de l’intelligence humaine ?
Nous parlons de procréation : pour moi, qui suis issue de la société polynésienne, cela renvoie à deux êtres vivants.
En tant que législateurs, devons-nous légiférer sur des cas exceptionnels ? Je n’engage personne, mais je me pose la question.
Dans mon territoire, heureusement à 20 000 kilomètres d’ici, nous avons toujours combattu l’« invasion » de ces phénomènes, et le gouvernement met en œuvre beaucoup de moyens pour conforter le modèle traditionnel de la famille : l’homme, la femme, les enfants. Pour ces raisons, je ne peux que voter contre ces amendements. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. J’ai un avis divergent de celui de ma collègue du groupe UC, mais je respecte chacune et chacun dans cet hémicycle. Tout le monde chemine à sa façon. En tout cas, ce débat est très serein et j’en remercie tous mes collègues. C’est vraiment intéressant de soupeser les avis des uns et des autres sur des sujets aussi délicats.
Ce problème m’est apparu lors des travaux de la commission spéciale, à la faveur des auditions de ces médecins qui nous ont dit avoir beaucoup de mal à expliquer à ces veuves qu’il faut soit jeter les embryons, soit les donner à une autre femme. J’ai alors été amenée à réfléchir.
Je me suis demandé comment étayer ma réflexion.
J’ai d’abord vu une question de liberté. Il faut laisser les femmes décider. J’ai pu vérifier qu’il y avait très peu de cas, car beaucoup de veuves renoncent à poursuivre ce projet construit à deux. Certaines se raccrochent néanmoins à une décision qui avait été prise à deux « au cas où », à la suite d’une véritable réflexion de couple. Je peux le comprendre, et je pense qu’il faut laisser la liberté à ces femmes. Sinon, on leur impose un double deuil, en d’autres termes une double peine.
Ensuite, c’est une question d’égalité. J’ai voté l’extension de la PMA à toutes les femmes, qu’elles soient en couple ou seules, et je me dis qu’il serait très injuste de dire à une femme qui se trouve dans cette situation de deuil qu’elle peut concevoir, mais avec l’embryon de quelqu’un d’autre.
Après la liberté, l’égalité, j’en viens au troisième concept figurant dans la devise de notre République : la fraternité. En effet, c’est témoigner de la fraternité que d’accompagner la personne au cours de ce projet.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau. La personne n’est jamais seule. Elle est accompagnée par des professionnels. Il me semble important qu’elle le soit. On n’a justement pas à préjuger qu’elle soit capable ou non de prolonger un deuil.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Élisabeth Doineau. En tout cas, elle est entourée de façon familiale et collective.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je ne serai pas très longue. Je ne suis ni membre de la commission des lois ni juriste – on me l’a parfois reproché dans cet hémicycle…
M. Loïc Hervé. Nous, nous ne vous l’avons jamais reproché !
Mme Françoise Laborde. … mais je continue à être une utopiste.
De nombreuses lois sont des lois d’obligation, de devoir. On dit d’ailleurs que nul n’est censé ignorer la loi. Mais il y a aussi, par bonheur, des lois d’autorisation, de liberté. Merci à Lucien Neuwirth, qui a défendu une loi d’autorisation, merci à Simone Veil, qui a elle aussi défendu une loi d’autorisation. Je ne sais pas comment s’appellera au final la loi qui résultera de nos travaux, mais ce sont de beaux amendements que nous étudions et j’espère qu’ils seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Mesdames les ministres, mes chers collègues, j’avais voté contre l’extension de la PMA. Par cohérence, je voterai contre ces amendements. Sans reprendre les propos tenus par André Reichardt et Anne Chain-Larché, je veux simplement apporter deux précisions.
Comme le disait la rapporteure Muriel Jourda, la rupture anthropologique que nous avons votée hier se poursuit aujourd’hui. En effet, il s’agit là de donner la vie à un enfant dont le père est mort.
Ce n’est pas la liberté de ce que la science permet de faire que le législateur doit prendre en considération. Notre rôle est de dire jusqu’où on peut aller ; il nous revient de fixer des bornes et des repères. Sinon, demain, on autorisera, au nom de la liberté, une femme de 70 ans, voire de 80 ans, à faire un enfant, qui, nous dit-on, serait choyé, attendu par d’autres membres de la famille.
Dans le cas où c’est non le père qui meurt, mais la mère, il aura la liberté d’aller à l’étranger faire un enfant en recourant à la GPA ! La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation permettront la reconnaissance en droit français de la filiation. On voit évidemment où conduit cette dérive infinie au nom de laquelle « je veux, je peux, j’y ai droit ». Or il me semble que le droit n’est pas l’extension infinie des désirs individuels.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il y a sept ans, au moment de l’examen de la dernière loi de bioéthique dont j’étais le rapporteur, nous avions déjà eu cette discussion importante et très intéressante. Et j’étais déjà favorable, à l’époque, à la PMA post mortem, contrairement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Cela dit, quand je suis arrivé dans l’hémicycle tout à l’heure, j’étais favorable à l’amendement de Catherine Procaccia, que je trouvais très équilibré. J’ai écouté avec beaucoup d’attention, d’abord, les auteurs des différents amendements, ensuite, les ministres. Je l’avoue, j’en ai été perturbé.
Comme vous, madame la ministre de la justice, je considère que le droit est un outil et qu’il doit le rester et pouvoir s’adapter aux évolutions.
Mme Buzyn a très bien parlé de la femme, des maladies et de la situation. Elle en a si bien parlé qu’elle a failli me convaincre ! Mais au bout du compte, après avoir écouté les uns et les autres, je vais en rester à ma première intention et voter l’amendement de Catherine Procaccia. Je le ferai pour deux raisons.
En l’état actuel de la loi, l’AMP s’arrête au décès du conjoint. C’est une obligation, c’est-à-dire que personne n’a le droit d’aller au-delà. Je considère, comme certains intervenants, qu’il faut laisser la liberté de faire. Ce n’est pas une obligation ; c’est une liberté, un choix, une possibilité. Je suis intimement persuadé que cette faculté de poursuivre la procédure engagée ne sera pratiquement jamais saisie. Mais même si elle n’était saisie qu’une fois, pourquoi l’empêcher ? La femme qui choisira cette option aura réfléchi ; elle aura certainement rencontré des psychiatres, des psychothérapeutes, des psychologues ; elle aura sans doute discuté avec son entourage. Bref, sa décision ne sera pas prise par hasard. S’il n’y a qu’une personne qui souhaite prendre cette décision, ne l’empêchons pas de la prendre ! Je le répète, je voterai l’amendement de Catherine Procaccia. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je ne reviendrai évidemment pas sur l’argumentaire développé. Peut-être la discussion d’aujourd’hui augure-t-elle des débats que nous allons avoir sur quantité d’autres thèmes.
Il s’agit de faire la balance entre la liberté accordée à quelques-uns, confrontés à des situations dramatiques et que nous souhaitons aider, et la protection des plus vulnérables. Il nous revient de mettre au point une législation permettant d’éviter des glissements ou des dérives qui vont rendre les plus vulnérables dans l’incapacité de résister à un mouvement. Et nous verrons, en examinant différentes mesures, à quel point il faut toujours mettre en balance des situations de vulnérabilité par rapport à un choix individuel et à des choix de société.
Lorsque l’on évoque les cas individuels, on ne peut qu’être en faveur de cette liberté offerte, on ne peut que respecter ce choix, cette autonomie, qui a été relevée, notamment par Mme Rossignol.
D’abord, je ne nie pas l’autonomie des femmes. Mais toutes les femmes n’ont pas le même degré d’autonomie dans notre société. La PMA n’est pas réservée à certains milieux socioculturels où l’autonomie est très élevée. Des femmes en situation de grande précarité peuvent demander la PMA pour des raisons d’infertilité.
Toutefois, je veux souligner la limite de l’autonomie quand la personne est en situation de deuil, qu’elle est vulnérable, subissant ce déséquilibre que provoque le deuil dans les familles. Nous le savons tous pour l’avoir vécu autour de nous, un deuil induit des choses particulières. C’est cela que je vous appelle à prendre en compte quand j’évoque le risque de pression que pourront subir certaines femmes.
Je veux maintenant revenir sur deux arguments.
Pour ce qui concerne l’injustice, que vous avez évoquée, madame Cohen, je le répète, traiter séparément les embryons et les spermatozoïdes signifie traiter différemment des femmes dont l’infertilité a des causes différentes.
Je le constate bien, l’embryon relève de l’intime, d’où l’amendement de Mme Procaccia.
En réalité, l’injustice vise non pas le fait de ne pas avoir le droit d’accéder aux gamètes ou à un embryon, mais la mort de l’un des membres du couple qui désirait un enfant et n’a pas pu mener à bien une PMA et, d’une façon générale, la mort du conjoint qui entraîne la fin du projet parental commun. Je rappelle par ailleurs que la grande majorité des couples français n’ont pas recours à la PMA.
Le second argument est celui de la liberté du consentement. Je m’interroge sur le cadrage de l’amendement de Mme Procaccia, qui est censé être protecteur. On parle d’un consentement librement établi dans un couple qui a élaboré un projet parental, un couple qui s’inscrit dans la vie et dans l’avenir et qui réfléchit à ce qui se passerait en cas de décès. Quel homme au seuil de la mort ne donnerait pas son consentement ?
En contrepartie, quelle est la liberté de la femme qui, six mois après, porte ce poids d’un consentement prétendument librement accordé mais qui est intervenu à un moment de vie, qui était le temps de la projection, celui où le couple se projetait dans l’avenir ? Je pense que cet amendement n’est pas protecteur des femmes, car, pour moi, il induit une obligation.
Je le répète, l’injustice, c’est la mort survenue dans un couple jeune, qui était dans un désir d’enfant, ce qui est le quotidien de nombreux couples.
Au cours de tous les raisonnements que je tiendrai pour défendre ce projet de loi, je me placerai toujours du côté de la vulnérabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux simplement apporter une micro-précision pour être très claire sur les incidences que l’adoption de la PMA post mortem devrait nécessairement entraîner du point de vue juridique.
Il faudra forcément modifier les règles d’établissement de la filiation et les règles de succession.
Sur l’établissement de la filiation, madame de la Gontrie, le code civil prend actuellement en considération les enfants nés ou les enfants qui sont conçus au moment du décès. L’article 725 dudit code dispose : « Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable. »
Pour la succession, d’une part, il faudra évidemment prendre en compte de nouveaux délais et, d’autre part, il faudra établir un délai pour la répartition des parts pour les cohéritiers.
Bien sûr, le droit est un outil. Mais en l’espèce la complexité induite sera réelle.
M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 24 et les sous-amendements nos 324, 325 et 326 ont fait l’objet d’une demande de priorité de vote par la commission spéciale.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 324.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement n’est pas adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je relève 58 contre et 53 pour.
Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Jacques Bigot. Dans ces conditions, je retire les amendements nos 224 et 231, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 224 et 231 sont retirés.
L’amendement n° 102 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. En tant que cosignataire, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 102 rectifié bis est retiré.
Madame Schillinger, l’amendement n° 268 rectifié est-il maintenu ?
Mme Patricia Schillinger. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 268 rectifié est retiré.
Madame Guillotin, l’amendement n° 116 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Véronique Guillotin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 116 rectifié bis est retiré.
Madame Rossignol, l’amendement n° 279 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 279 rectifié est retiré.
Monsieur Canevet, l’amendement n° 157 est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 157 est retiré.
Madame Doineau, l’amendement n° 96 rectifié est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Doineau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 96 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98 rectifié quater, présenté par M. Retailleau, Mme Noël, MM. Chevrollier, B. Fournier et Danesi, Mmes Di Folco et Deromedi, MM. de Legge et Bazin, Mme Bonfanti-Dossat, M. H. Leroy, Mmes Bruguière, Chain-Larché, Thomas et Gruny, MM. Bascher, Chaize, Mouiller, Schmitz et Cuypers, Mmes Deseyne et Deroche, MM. Mandelli, Mayet, Longuet, Cambon et Bignon et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un médecin n’est jamais tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation prévue à cet article mais il doit informer l’intéressée de son refus et l’orienter vers un médecin compétent.
« Aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation. » ;
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Je salue votre talent, madame la ministre des solidarités et de la santé ; vous avez emporté la conviction de beaucoup de collègues. Il est suffisamment rare que je vienne à votre rescousse et que je salue votre talent, sans oublier celui de Mme la garde des sceaux, pour que je le souligne. (Sourires.)
Je voudrais, en quelques mots, parce que le débat a déjà beaucoup duré, évoquer trois considérations et commencer par une considération historique sur la clause de conscience.
Simone Veil a construit en 1974 ce concept non pas pour une raison juridique, mais en évoquant une raison qui doit faire sens pour nous qui avons un engagement politique : personne ne doit aller contre ses convictions. Quand on est engagé en politique, on le fait pour défendre ses convictions et non en ayant pour préoccupation première la conquête ou l’exercice d’un pouvoir, je tenais à le rappeler.
Ma deuxième considération sera d’ordre juridique. La clause de conscience est l’expression d’un principe fondamental constitutionnel : la liberté de conscience, qui nous renvoie à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’à différentes jurisprudences du Conseil constitutionnel. Je retiendrai celle de 2001, car elle visait précisément le milieu médical.
J’en viens à ma troisième considération. Sur cette question qui, pour beaucoup d’entre nous, est une rupture anthropologique, le législateur ne peut pas ne rien dire. Il avait explicitement reconnu la clause de conscience pour l’interruption volontaire de grossesse. Ce qui est moins connu, c’est qu’il l’avait aussi reconnue pour les recherches sur l’embryon.
Pour moi, il s’agit d’une question très importante, qui est très discutée, à propos de laquelle nous devons adopter une attitude d’ouverture.
J’entends par avance l’objection selon laquelle que le code de déontologie prévoit une clause de conscience générale. Je veux faire deux remarques très simples. D’abord, le code de théologie,…
Mme Laurence Cohen. Lapsus révélateur !
M. Bruno Retailleau. … pardon le code de déontologie se réfère aux soins. Or la PMA n’est évidemment pas une activité de soins.
Ensuite, il s’agit d’un texte de nature réglementaire. C’est la raison pour laquelle je pense que la loi réglementant la PMA, elle doit aussi prévoir explicitement cette liberté de conscience, c’est-à-dire la clause qui va permettre à chacun de ne pas aller contre ses convictions. C’est important !
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. L’amendement n° 164, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Aucun médecin, aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est jamais tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation selon les modalités prévues à l’article L. 2141-2 du code de la santé publique.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est dommage que l’objet de l’amendement n° 98 rectifié quater n’ait pas été plus détaillé. Les développements de M. Retailleau sont extrêmement intéressants. Mais ils n’ont pas pu être pris en compte par la commission, qui émet un avis défavorable sur les deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur Retailleau, malgré votre remarque très gentille, je vais être obligée de donner un avis défavorable sur votre amendement. (Sourires.)
En effet, vous souhaitez introduire une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé participant à la réalisation d’une assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes ou des femmes non mariées. Vous leur offrez la possibilité de choisir entre les demandes d’AMP. Bien entendu, je comprends la cohérence par rapport à votre vote d’hier.
Je rappelle que la clause de conscience existe aujourd’hui pour des actes médicaux, mais pas pour des individus. Cela soulève une difficulté par rapport à votre argumentaire, monsieur Retailleau.
La clause de conscience en matière d’IVG concerne l’acte d’IVG et elle oblige le médecin à réorienter les patientes vers un autre collègue.
En revanche, elle ne peut en aucun cas être invoquée pour différencier des personnes qui se présentent devant un médecin. Votre proposition introduirait une différenciation selon le statut conjugal ou l’orientation sexuelle.
Or le Conseil d’État a été on ne peut plus clair sur ce point. Je le cite : « Il paraît juridiquement impossible de créer une clause de conscience spécifique à l’AMP qui ciblerait certains publics, étant rappelé que l’article 7 du code de déontologie médicale prohibe toute discrimination. » Votre proposition s’apparenterait donc à de la discrimination.
En ce qui concerne les autres professions de santé et tous les auxiliaires médicaux, leur situation les place dans une posture d’exécuter des actes, activité à laquelle ils ne peuvent pas se soustraire. Ils ne peuvent pas justifier d’une clause de conscience spécifique au regard de leurs fonctions.
Enfin, dans le cas de l’assistance médicale à la procréation, les professionnels qui exercent au sein des services spécialisés le font en toute connaissance de cause, autour d’une activité orientée vers l’aide à la procréation.
Par conséquent, une telle clause ne viserait pas à offrir la possibilité de refuser de pratiquer cette activité, l’acte en général, mais serait incontestablement tournée vers des personnes ou des publics. Ce serait donc discriminatoire. C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur votre amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Madame la ministre, j’avoue être plus convaincu quand vous exprimez une conviction personnelle que quand vous interprétez les raisonnements du Conseil d’État. Peut-être est-ce parce que votre fibre médicale vous fait aborder les questions d’humanité avec pertinence…
En revanche, sur le plan juridique, vos propos ne m’ont pas du tout convaincu. Il ne saurait y avoir de discrimination quand un traitement différent s’applique à des situations différentes. D’ailleurs, dans les discussions au Sénat, des différences seront faites entre l’assistance médicale à la procréation pour traiter un problème d’infertilité – donc un problème médical – et l’assistance médicale à la procréation pour répondre à la demande d’une femme seule ou d’un couple de femmes qui ne sont pas infertiles d’avoir un enfant. Il faut immédiatement laisser cela de côté.
On invoque parfois le code de déontologie. Il n’est pas applicable à la situation que nous voulons traiter, car il prévoit qu’on peut refuser les soins, par exemple quand on ne se sent pas assez qualifié. Ce sont les soins qui sont demandés par M. ou Mme Untel et que le docteur Dupont ou Durand ne veut pas mettre en œuvre.
Il y a une jurisprudence très abondante de la juridiction ordinale sous le contrôle en cassation du Conseil d’État qui définit l’étendue des obligations déontologiques du médecin. En principe, il ne doit pas refuser des soins, mais une raison professionnelle ou personnelle peut le conduire à les refuser.
Là, ce qu’il faut viser, ce n’est pas une situation individuelle, mais une situation collective. Je pense à l’objection que ferait un médecin face à une demande du service public hospitalier auquel il appartient d’apporter son concours à une catégorie d’actes. Il ne s’agit plus de traiter la demande de Mme Dupont ou de M. Durand.
Dans ce cas, on a besoin de la loi, comme on a eu recours à la loi pour l’interruption volontaire de grossesse, les actes à visée contraceptive et les recherches sur l’embryon. D’ailleurs, à ce propos, l’objection de conscience est prévue dans la loi sur la bioéthique.
L’amendement présenté par M. Retailleau est donc nécessaire si l’on veut couvrir la possibilité pour un médecin hospitalier de ne pas concourir, à l’intérieur de son service de gynécologie obstétrique, à des actes d’assistance médicale à la procréation qui n’ont pas de visée de soins. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. J’avoue que je ne comprends pas bien ces amendements. En effet, l’assistance médicale à la procréation est un acte extrêmement difficile et spécialisé, qui est accompli par peu d’équipes médicales. Les médecins qui appartiennent à ces équipes les ont intégrées de leur propre choix. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)
Mme Laurence Cohen. Exactement !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Ce qui nous est proposé au travers de ces amendements est une clause de conscience politique.
Il est déjà bien connu dans cet hémicycle que plusieurs de mes collègues et moi-même considérons que la clause de conscience qui s’applique concernant l’IVG est, elle aussi, politique. En effet, il importe de rappeler que le code de déontologie médicale comporte déjà une clause de conscience générale qui bénéficie à l’ensemble des soignants.
Par ailleurs, malgré le désaccord que j’ai avec Mme la ministre quant à la clause de conscience sur l’IVG, j’adhère totalement au raisonnement par lequel elle a fait une distinction entre une clause de conscience qui porterait sur un acte médical et une autre qui concernerait plutôt la personne qui recevrait cet acte. Dans le premier cas, on peut du moins comprendre la logique d’une telle clause et le compromis qu’a pu représenter, en la matière, la loi Veil ; dans le second, en revanche, il s’agit purement et simplement d’une discrimination de fait et d’un abus du pouvoir médical à l’encontre des femmes seules ou en couple qui voudraient pratiquer une AMP.
Par ailleurs, je tiens à relever que notre collègue Alain Houpert a eu de nouveau, à l’instant, de très bonnes paroles sur ce sujet. Bien entendu, nous voterons contre ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mon propos sera quelque peu redondant, dans la mesure où je partage l’opinion des orateurs qui viennent de s’exprimer.
Si j’admets volontiers, monsieur le président, que le débat que nous venons d’avoir a peut-être été un peu long, je n’en pense pas moins qu’il a été absolument passionnant et très respectueux de chacune et chacun d’entre nous. C’est un fait suffisamment rare pour qu’on en prenne note de manière tout à fait positive.
Cela dit, force est de constater qu’il existe une tendance à utiliser la clause de conscience dès qu’il s’agit d’un acte où – je redis ma conviction sur ce point – est en cause la liberté des femmes de faire un choix.
Ce serait instituer en la matière une double clause de conscience. En effet, excusez-moi de rappeler de nouveau qu’une clause de conscience figure déjà dans le code de déontologie médicale. On veut choisir à la place des femmes !
Un aspect du problème qui me semble très important a été relevé par Alain Houpert : les équipes qui pratiquent la PMA aujourd’hui, en France, sont constituées de professionnels qui ont choisi de pratiquer cet acte.
Ceux d’entre nous qui sont membres de la commission spéciale savent bien que certains de ces médecins ont été auditionnés. La technique qu’ils pratiquent est très particulière : c’est vraiment un choix professionnel spécifique. Ces médecins nous ont exposé un certain nombre des problèmes qu’ils doivent régler et nous ont demandé de légiférer en la matière.
Alors, pourquoi cet amendement, si ce n’est, peut-être, pour se donner bonne conscience ?
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai contre ces amendements. Je suis de l’avis de M. Houpert : la PMA est pratiquée par des équipes spécialisées ; je ne comprends donc pas trop l’intérêt de cette clause de conscience, sauf à permettre à ces médecins de refuser de pratiquer une PMA en raison de l’orientation sexuelle du patient, ce qui serait une discrimination. C’est pourquoi je m’opposerai à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. M. Houpert a déjà exprimé ma pensée, mais je tiens à revenir sur les propos de Mme Rossignol pour contester l’opinion selon laquelle la clause de conscience en vigueur concernant l’IVG serait un acte politique.
Je rappelle que les médecins prêtent le serment d’Hippocrate : ils s’engagent à veiller au respect de la vie. Donner la vie, permettre la vie : l’IVG s’en distingue tout de même quelque peu. C’est pourquoi une clause de conscience particulière a été mise en place en la matière.
Pour ce qui concerne les présents amendements, je rejoins la position de M. Houpert, tout en m’en excusant auprès de M. Retailleau. On n’a pas imposé aux médecins qui pratiquent dans les services d’AMP de rejoindre ces services ! Ce sont des professionnels ultraspécialisés qui ont choisi ce métier lui-même ultraspécialisé ; c’est leur choix personnel.
Dès lors, si je puis admettre, à la rigueur, qu’on autorise une telle clause de conscience, je ne vois pas pourquoi on l’imposerait à des gens qui ont fait ce choix. Ce serait comme si l’on imposait à un chirurgien pratiquant la chirurgie digestive de choisir une autre spécialité ! Ces médecins sont ultraspécialisés, tout comme les services auxquels ils appartiennent.
Par conséquent, si ces amendements ne sont pas retirés, pour être gentil avec M. Retailleau, je m’abstiendrai.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. J’ignore s’il est vraiment nécessaire d’ouvrir un aussi long débat sur la clause de conscience, mais il est tout de même nécessaire de citer les textes en cause.
Je ne nie pas l’importance du serment d’Hippocrate, mais que dit la clause de conscience générale qui figure dans le code de déontologie médicale ? Ce n’est qu’en la lisant qu’on peut déterminer si, dans le droit actuel, un médecin peut ou non refuser de pratiquer une PMA. « Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »
Voilà : cette clause de conscience existe ! C’est pourquoi créer une clause de conscience spécifique pour tel ou tel traitement reviendrait à ranger ces actes systématiquement dans une catégorie à part. Je n’ai certes pas la compétence médicale de M. le président de la commission spéciale, mais je suis juriste, ce qui me permet, à la lecture de cet article du code de déontologie relatif à la clause de conscience, de conclure que le médecin qui ne voudrait pas pratiquer tel ou tel acte peut d’ores et déjà refuser de le faire.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 98 rectifié quater.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je constate 36 contre et 26 pour.
Je mets aux voix l’amendement n° 164.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 273 rectifié bis, présenté par Mme Meunier, MM. Daudigny, Vaugrenard, Dagbert, Manable et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Féraud et Tourenne, Mme S. Robert, MM. Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-…. – Toute personne ou tout couple pris en charge dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation doit pouvoir recourir à ses propres gamètes. » ;
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à empêcher que les personnes en parcours d’AMP, qu’elles soient seules ou en couple, ne soient contraintes de recourir à un don de gamètes alors qu’elles disposent de leurs propres gamètes, frais ou cryopréservés.
Cela permettrait d’éviter que la technique de fécondation in vitro dite « réception des ovocytes de la partenaire », ou FIV-ROPA, ne soit refusée aux couples de femmes et de garantir que ces personnes, lorsque cela est médicalement possible, soient autorisées à procréer à l’aide de leurs propres gamètes.
Lorsqu’un couple de femmes réalise une FIV-ROPA, aucune d’entre elles n’est donneuse, puisque les deux sont mères de l’enfant. La FIV-ROPA n’est ni un don d’ovocytes ni une gestation pour autrui ; c’est simplement une maternité partagée au sein d’un couple de femmes.
M. le président. L’amendement n° 197 rectifié bis, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-…. – Lorsque l’assistance médicale à la procréation implique un couple formé de deux femmes, le don d’ovocytes d’un membre du couple à l’autre membre du couple peut être autorisé. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Mon amendement va dans le même sens que celui de Mme Meunier. La méthode ROPA est une technique qui permet aux deux femmes qui forment un couple de partager de manière active le parcours de fécondation in vitro : l’une d’entre elles, qui apporte son ovule, sera la mère génétique ; l’autre, qui porte à terme la grossesse, sera la mère biologique.
Grâce à cette technique, que nous souhaitons inscrire dans ce projet de loi, les couples de femmes souhaitant partager la maternité et vivre activement ce processus reproductif peuvent le faire. Cela peut être motivé par un choix personnel, mais aussi par des raisons médicales, telles que l’altération de la qualité des ovocytes de l’une des partenaires, l’absence d’ovocytes, l’absence ou le dysfonctionnement sévère des ovaires, ou encore une altération chromosomique ou génétique ; enfin, cette méthode peut être envisagée après l’échec d’autres techniques de PMA.
M. le président. L’amendement n° 271 rectifié bis, présenté par Mmes Meunier et Blondin, M. Daudigny, Mme Lepage, MM. Vaugrenard, Dagbert, Manable et Lurel, Mme Tocqueville, MM. Féraud, Tourenne, Duran et Kerrouche, Mme Monier et M. Jacquin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-…. – Lorsque l’assistance médicale à la procréation implique un couple formé de femmes, la réception des ovocytes d’un membre du couple par l’autre membre du couple peut être autorisée, après avis de l’équipe pluridisciplinaire. » ;
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli, qui tend à soumettre le recours à la procédure de FIV-ROPA à un avis médical recueilli de manière pluridisciplinaire.
M. le président. L’amendement n° 172, présenté par M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’article 16–8 du code civil dispose que le don des éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur.
« En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. »
La pratique qui consisterait pour une femme à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait donc à contourner cette interdiction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les trois premiers amendements sont similaires, tandis que celui de M. Meurant vise exactement l’inverse.
Mmes Meunier et Cohen veulent réaffirmer un principe qui existe déjà : la possibilité d’utiliser les gamètes de chacun des membres du couple pour l’AMP. Je dirais même que cette possibilité constitue l’essence même de l’AMP telle qu’elle se pratique aujourd’hui. En effet, la procréation ne se fait pas naturellement dans cette procédure : on prélève les gamètes de chacun des membres du couple – l’homme et la femme – et on aide à cette procréation.
Toutefois, vous aurez compris, mes chers collègues, que la demande qui vous est faite est tout à fait différente. En effet, dans le cas d’un couple de femmes homosexuelles, prélever les gamètes du couple ne permettra jamais de produire un embryon, pour des raisons évidentes.
La procédure que l’on demande d’autoriser au travers de ces amendements recouvre deux situations : dans un premier cas, il s’agit, en quelque sorte, d’un échange – on utilise les ovocytes d’une femme pour la grossesse de l’autre, de manière à faire participer la première à la procréation ; dans l’autre, il s’agit d’utiliser les ovocytes de la femme qui ne portera pas l’enfant, parce que sa compagne n’en produit pas qui soient capables de donner lieu à une grossesse.
Les deux cas constituent ce qu’on appelle un don dirigé, c’est-à-dire un don qui n’est plus anonyme, comme l’a souligné M. Meurant. Or de tels dons sont strictement interdits par le droit français de la bioéthique. En effet, le principe d’anonymat impose qu’on ne puisse connaître à la fois le donneur et le receveur ; ces deux personnes ne sauraient donc a fortiori se connaître. Cela interdit strictement le don dirigé entre deux personnes.
Nous nous trouvons donc dans un cas qui me semble être interdit par les principes de la bioéthique. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 273 rectifié bis, 197 rectifié bis et 271 rectifié bis ; en revanche, elle est favorable à l’amendement n° 172, qui vise à faire figurer dans la loi le principe exactement inverse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Les trois premiers amendements tendent à porter atteinte au principe fondamental de la médecine consistant à ne pas pratiquer un acte médical s’il n’est pas nécessaire ou justifié médicalement.
Dans un couple de femmes, il suffira, dans la grande majorité des cas, de pratiquer une insémination artificielle pour aboutir à une grossesse. La femme qui portera l’enfant ne subira pas de stimulation ovarienne ; on lui inséminera simplement dans l’utérus les spermatozoïdes issus de donneurs.
Or les propositions de Mmes Meunier et Cohen imposeraient au couple une stimulation ovarienne, en plus de la FIV, du transfert embryonnaire et de la congélation d’embryons. C’est exactement ce que nous voulons éviter, en particulier la congélation d’embryons surnuméraires. La ROPA aboutirait à infliger à la femme qui donnerait les ovocytes à sa conjointe plusieurs stimulations ovariennes ; l’autre femme, quant à elle, devrait subir des fécondations in vitro et des congélations d’embryons qui ne seraient ni justifiées ni nécessaires.
Nous sommes sensibles à la volonté de deux mères de participer au projet parental, mais cette conception de la double maternité entre en réalité en contradiction avec toute la philosophie de ce projet de loi, notamment avec l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes.
L’idée selon laquelle on n’est pas parent si l’on n’a pas donné ses gamètes nous pose problème, car tout le projet de loi repose sur le principe qu’un donneur de gamète n’est pas forcément un père ou une mère et que les parents sont ceux qui élèvent l’enfant et lui apportent amour et sécurité.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable aux amendements défendus par Mmes Meunier et Cohen. Quant à l’amendement de M. Meurant, il est déjà satisfait ; j’en propose donc le retrait.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 273 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 197 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 271 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 172 est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Je fais confiance à Mme la ministre quand elle m’assure qu’il est satisfait. Par conséquent, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 172 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 125 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Retailleau et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Bonne, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers, Mayet et Piednoir, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mmes Ramond et Lavarde, M. Gilles, Mme Lopez, MM. Longuet, Regnard, Leleux, H. Leroy et Rapin, Mme Micouleau et MM. Cambon, Meurant, Bignon, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer la première occurrence du mot :
que
par les mots :
qu’avec les gamètes de l’un au moins des membres d’un couple et
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. La législation actuelle permet le recours à un don de gamètes, mais elle interdit le double don, de manière que l’enfant soit toujours biologiquement issu d’au moins un des deux membres du couple. Cet amendement vise à maintenir l’interdiction du double don, afin de conserver ce lien biologique avec au moins l’un des deux parents. Nous considérons en effet que cette évolution n’est pas un progrès pour l’enfant.
M. le président. L’amendement n° 146 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mmes Loisier et Thomas et M. Meurant, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il ne peut être conçu avec des gamètes ne provenant pas d’un au moins des membres du couple.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Je présente cet amendement au nom de mon collègue Henri Leroy. Le présent projet de loi, dans la version que nous propose le Gouvernement, prévoit de rendre possible une AMP avec deux tiers donneurs : un homme et une femme. L’enfant qui en serait issu ne partagerait donc aucun patrimoine génétique avec ses parents. Cette disposition, en plus de priver un enfant de ses parents biologiques, risquerait d’ouvrir la porte, demain, à un marché de la procréation en permettant aux parents de choisir les caractéristiques génétiques de leur enfant.
Je vous propose donc simplement un retour au droit actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il est lui aussi défavorable.
Je voudrais expliquer comment nous en sommes arrivés à autoriser le double don de gamètes. Cela n’entraîne aucun tri particulier ; simplement, il est apparu que les couples éprouvent une certaine réticence à accueillir un embryon provenant d’un autre projet parental. Nous disposons d’environ 10 000 embryons congelés, mais force est de constater que la plupart des couples qui souffrent d’une double infertilité, maternelle et paternelle, et qui ont donc besoin de deux gamètes, refusent d’accueillir un embryon provenant d’un autre projet, puisqu’une vingtaine d’enfants seulement naissent chaque année de cette manière.
Or les raisons qui imposent aujourd’hui à ces parents de recourir à un embryon congelé alors qu’ils ne le souhaitent pas ne sont pas des raisons de bioéthique. Nous ne souhaitons donc plus maintenir cette obligation.
Au cours des travaux préparatoires à la révision de la législation relative à la bioéthique, la majorité des différentes instances qui se sont prononcées en la matière ont été favorables à la levée de l’interdiction du double don de gamètes ; elles faisaient justement valoir que l’embryon donné par un couple qui n’a plus de projet parental hérite tout de même d’une histoire, alors que l’embryon issu d’un double don de gamètes commence son histoire avec le ou les parents qui souhaitent un enfant.
Par cette disposition, le Gouvernement souhaite donc que tous les couples concernés, c’est-à-dire ceux qui souffrent d’une double stérilité d’origine médicale, aient le choix entre l’accueil d’embryon et le double don de gamètes.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Pardonnez-moi, madame la ministre, mais après vous avoir entendue, je suis encore plus convaincu de l’intérêt de cet amendement. Qu’êtes-vous en train de nous expliquer ? Préconisez-vous la rupture du lien biologique dès lors que les parents le souhaitent ? C’est assez monstrueux. Soit je vous ai mal comprise – hypothèse la plus vraisemblable –, soit vous vous êtes bien exprimée, auquel cas la situation est très grave !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je préfère intervenir après Mme la ministre, dans la mesure où elle semble vouloir préciser ou rectifier son propos.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Il est ici uniquement question de couples dont les deux membres sont stériles. Imaginons par exemple deux personnes qui ont été traitées par chimiothérapie au cours de leurs vies : elles n’ont plus la possibilité de produire des gamètes leur permettant d’avoir recours à une AMP pour la création d’un embryon. On parle bien d’une double stérilité.
Aujourd’hui, ces parents ne peuvent pas hériter de gamètes de tiers donneurs pour les ovocytes et les spermatozoïdes à la fois ; la seule possibilité qui leur reste est d’accueillir un embryon déjà congelé provenant d’un autre projet parental. Or ces couples sont très réticents vis-à-vis d’une telle procédure et n’apprécient pas d’avoir à se soumettre à cette obligation, car il est difficile de se projeter dans un embryon qui provient d’un autre projet.
Nous entendons simplement offrir à ces couples doublement infertiles l’accès à des gamètes masculins et féminins, de manière qu’ils puissent créer un embryon pour leur propre projet parental.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je comprends mieux l’intention de Mme la ministre après son explication, mais cela ne règle pas tout.
Je voterai en faveur de l’amendement de M. de Legge parce que j’éprouve une crainte pour un principe majeur. À chaque fois, on se voit forcé de légiférer à partir de cas limites, ce qui conduit à édicter à partir de ces cas très spéciaux une nouvelle règle générale.
Aujourd’hui, mes chers collègues, nous devons nous demander pourquoi la loi, jusqu’à présent, n’a pas consenti à ouvrir cette possibilité, mais a interdit le double don de gamètes. Tout simplement, c’était pour préserver la possibilité d’un lien charnel.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Un lien biologique !
M. Bruno Retailleau. Or le lien charnel, y compris en droit, ce n’est pas rien – vous en conviendrez, cher Philippe Bas –, puisque le Conseil d’État lui-même a reconnu que l’enveloppe charnelle est indissociable de la personne.
Pour aller plus loin, si la loi aujourd’hui interdit le double don, c’est parce que ce lien ne doit pas être totalement brisé, parce qu’il faut que l’enfant s’inscrive dans une lignée au moins. Il s’agissait de préserver une lignée pour l’enfant. Ce débat est très proche de celui que nous aurons sur la filiation.
Or si vous coupez définitivement ce lien pour que la filiation ne soit plus fondée, demain, que sur l’intention, si vous libérez cette filiation de l’ensemble du lien charnel et biologique qui existe, cela pose des questions extrêmement graves, que nous aborderons d’ailleurs sans doute demain, et cela ouvre énormément de possibilités.
Ce sont ces craintes et ces doutes qui nous conduisent à soutenir l’amendement de Dominique de Legge. J’espère m’être exprimé au plus juste pour faire comprendre notre position.
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Je ne suivrai pas l’argumentation de M. Retailleau. En effet, ce serait remettre en cause le principe même de la PMA. M. Retailleau a tout à fait droit de s’opposer à la PMA en général, mais il s’agit tout de même ici d’un fait qui n’est pas forcément si exceptionnel, à savoir le cas où les deux parents ont un problème de stérilité.
Je rappelle que le principe d’origine de la PMA – cela, bien évidemment, peut toucher des couples hétérosexuels ou homosexuels – est bel et bien d’offrir aux couples des possibilités dans des cas de pathologies liées à la stérilité. C’est la raison pour laquelle, malgré mon vote initial pour la suppression de l’article 1er, je ne voterai pas en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. L’expression de Bruneau Retailleau, qui a évoqué la nécessité d’une lignée pour l’enfant, me fait réagir. J’ai l’impression qu’on essaie de revenir en arrière vers une conception de la famille qui est largement dépassée.
Avant 1972, année qui a vu une importante réforme de la filiation – ce n’est pas si vieux ! –, on recherchait tellement peu la lignée que l’essentiel, dans le droit de la filiation, était la présomption de paternité. Il y avait, d’une part, l’enfant légitime, né dans la famille d’un couple marié et, d’autre part, l’enfant naturel qui, né hors mariage, n’avait aucun rapport avec la lignée et ne pouvait pas même hériter de ses grands-parents.
Telle était la réalité : une conception familiale peut-être encore théologique, mais en tout cas largement dépassée. Alors, parler aujourd’hui de lignée dans le cas de la PMA me paraît extrêmement rétrograde ! (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’apprécie la leçon d’histoire que vient de nous donner Jacques Bigot, mais je voudrais revenir à la discussion présente.
La question des origines génétiques d’une personne née d’une assistance médicale à la procréation avec donneur va nous occuper encore assez longuement pendant nos débats. Elle peut heureusement être traitée avec davantage de recul qu’il y a quelques années, parce que des générations d’enfants issus de cette procédure sont désormais arrivées à l’âge adulte et certains d’entre eux peuvent témoigner de leurs troubles…
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Ils ne sont pas nombreux !
M. Philippe Bas. … et de leurs difficultés à trouver leur équilibre du fait de la méconnaissance de leurs origines.
Je consens tout à fait à reconnaître que la génétique ne fait pas à elle seule la paternité et la maternité ; c’est une évidence que nous partageons tous, si je ne me trompe. Pour autant, la génétique ne peut pas non plus être complètement écartée de la notion de paternité et de maternité ; on arriverait sinon à des situations absolument absurdes.
Dès lors, quand il y a déjà un donneur extérieur, il y a un problème à traiter. Nous allons le faire, concernant l’accès aux origines. Mais quand il y a deux donneurs, on provoque une grossesse avec un embryon qui est génétiquement étranger à la mère comme au père. L’enfant n’aura plus aucun lien génétique avec les parents qui vont l’élever.
Alors, on peut se dire que c’est complètement indifférent, mais on peut aussi avoir un réflexe de prudence et dire : « Attention ! »
On nous alerte déjà quant aux difficultés de construction de la personnalité d’un certain nombre de nos concitoyens qui ont été conçus avec un seul donneur. Alors, est-il temps de concevoir des enfants issus de deux donneurs ? Est-ce vraiment la modernité ? Est-ce un progrès de l’humanité et de la société ?
Pour ma part, je crois qu’il vaudrait mieux recommander à des parents qui seraient tous les deux stériles, et pas simplement aux couples infertiles, de s’orienter vers l’adoption. Plutôt que de créer un enfant dans ces conditions, il est préférable de recueillir un enfant orphelin en attente de parents. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Je souhaiterais me prononcer sur cet amendement de manière éclairée.
Pourriez-vous nous confirmer ce que vous avez dit tout à l’heure, madame la ministre, à savoir qu’environ vingt naissances par an en France résulteraient de dons d’embryons ? Cela signifierait que la question de la filiation, que soulevait notre collègue Bruno Retailleau à l’instant, se pose déjà dans ces cas-là.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. En réalité, la loi ouvre déjà la possibilité aux couples souffrant d’une double infertilité masculine et féminine d’accueillir un embryon.
Aujourd’hui, les embryons surnuméraires provenant de couples qui n’ont plus de projet parental sont soit congelés en vue d’être donnés à d’autres couples, soit détruits, soit cédés à la recherche. Actuellement, nous disposons de 10 000 embryons congelés pour des couples qui souffriraient d’une double infertilité. En fait, nous nous trouvons déjà dans la situation où beaucoup d’enfants n’ont aucun lien génétique avec leurs parents et sont nés d’embryons congelés provenant d’autres couples de donneurs.
Ce que nous voulons, c’est permettre à ces couples d’avoir recours à un double don de gamètes, ce qui n’est pas autorisé par la loi actuellement, plutôt que de les obliger à accueillir un embryon provenant d’un autre couple, ce qui est douloureux et compliqué. En effet, on sait bien qu’il est difficile de convaincre les couples d’y recourir et on voit tout ce que cela implique pour les parents et donc, peut-être, pour les enfants à naître.
En tout cas, je le répète, l’absence de filiation génétique est déjà admise par la loi au travers des dons d’embryons.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. À écouter les uns et les autres, on a l’impression par moment que l’on est en train d’ouvrir à tout le monde, à tous les futurs parents, la possibilité de recourir à des techniques optionnelles de procréation. On pourrait choisir de faire des bébés selon telle ou telle modalité.
Non ! L’immense majorité de nos concitoyens comme de tous les êtres humains – je n’en connais pas la proportion, mais Mme la ministre doit le savoir – font des enfants de la manière la plus classique et la plus traditionnelle, et souhaitent leur transmettre leur patrimoine génétique. En fait, ils ne se posent même pas la question, ils le font spontanément grâce à leurs gamètes, leurs ovocytes et leurs spermatozoïdes.
Dans le cas présent, nous cherchons à traiter une situation, que j’espère peu fréquente : la double stérilité dans un couple. Ces couples ne doivent pas être traités différemment des couples dans lesquels un seul membre est infertile. Pourquoi sanctionnerait-on des personnes qui n’auraient tout simplement pas de chance, parce qu’elles se seraient rencontrées, alors qu’elles sont toutes les deux stériles ? Au nom de quelle mythologie de la transmission génétique ou de la filiation biologique ? Ces personnes ont tout autant le droit d’avoir accès aux techniques existantes.
Enfin, je ne pense pas que l’on puisse renvoyer les gens vers l’adoption. Il n’existe pas un tas de petits orphelins qui ne demanderaient qu’à être adoptés : tout le monde le sait dans cette enceinte. Il y a peu d’enfants à adopter en France aujourd’hui.
Cela étant, si Mme la garde des sceaux veut engager une réforme de l’adoption et fusionner l’adoption simple et l’adoption plénière en un seul régime pour faciliter les démarches, ce qui supposerait des adoptants qu’ils ne veuillent plus absolument s’approprier l’enfant qu’ils adoptent en lui transmettant un seul et unique lien de filiation, et qu’ils acceptent qu’il y en ait d’autres, je suis à sa disposition pour relayer son projet au sein du Sénat.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je souhaite évidemment éviter de caricaturer les propos des uns et des autres, même si mon temps de parole est réduit.
Je voudrais faire plusieurs remarques.
Tout d’abord, après avoir entendu les différents argumentaires, j’ai le sentiment que, amendement après amendement, certains cherchent, sous couvert de préoccupations toujours très humaines, et parfois assez contradictoires, à favoriser ce qui serait une norme, à savoir que, pour devenir parent, il faudrait donner la vie. Il faut éviter cet écueil, et je le dis notamment à celles et ceux qui défendent l’idée qu’il n’y aurait pas un seul modèle de famille, mais plusieurs.
J’ai entendu les propos de Laurence Rossignol à l’instant. Mais devons-nous vraiment continuer à légiférer, faire à chaque fois un pas de plus, pour corriger des drames, des inégalités naturelles, des choix plus ou moins personnels, parfois culturels ou sociologiques ? Devons-nous, non plus nous satisfaire de ce que la science est capable de faire ou de permettre, mais utiliser cette science jusqu’à l’extrême sans même en mesurer les conséquences à la fois physiques et psychologiques pour les enfants ?
Il vaut mieux ne pas trop citer de cas particuliers, parce que chacun ici connaît autant d’exemples d’enfants qui ont parfaitement grandi et réussi que de cas d’enfants qui ont connu des soucis et ont vécu des difficultés, notamment parce qu’ils étaient à la recherche de leurs origines, et parce qu’ils se posaient des questions auxquelles ils n’auront parfois jamais la réponse.
Personnellement, je voterai l’amendement de M. de Legge.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Mes chers collègues du groupe Les Républicains, vous vous opposez à l’extension de la PMA et vous avez exposé vos motivations.
Vous défendez un certain nombre d’amendements – c’est le cas des deux que nous examinons – tendant à créer des restrictions et à poser un cadre, qui visent non pas à lutter contre des dérives éthiques, mais à restreindre l’application du dispositif que créera l’article 1er. Ainsi, vous portez atteinte à des droits existants auxquels ont recours des couples hétérosexuels qui sont engagés dans une démarche d’assistance médicale à la procréation. C’est quelque peu extraordinaire !
Je vous appelle à y réfléchir. Je respecte le combat que vous avez mené en cherchant à supprimer l’article 1er et que vous continuez de mener, mais le fait de dissocier la paternité ou la maternité de la génétique n’a rien de nouveau. Cette évolution est déjà encadrée.
M. André Reichardt. Pas du tout !
M. Bernard Jomier. Mais si ! La situation actuelle n’est pas le résultat de processus qui se dérouleraient sans encadrement médical, sans raison ni motivation. Je comprends votre crainte d’un délitement à l’infini de ce lien, mais cela ne correspond pas et ne correspondra jamais à la réalité.
Autoriser le don de gamètes aux deux membres d’un couple souffrant d’infertilité, c’est-à-dire, effectivement, dénouer ce lien entre la maternité, la paternité et la biologie, est totalement légitime. Cette mesure ne porte atteinte à aucune de nos valeurs. Je vous appelle à la retenue, mes chers collègues, car ce type de disposition causera du tort à certains couples existants.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne comprends pas très bien cette dernière intervention. J’entends l’argument conduisant un certain nombre de mes collègues, le Sénat ayant adopté l’extension de l’accès à la PMA, à tenter, amendement après amendement, de revenir progressivement sur ce qui a été voté. Après tout, on le sait tous, c’est dans la nature humaine, c’est la politique.
Mais, dans ce cas précis, si j’ai bien compris, mesdames les ministres, vous parlez de couples – un homme, une femme – dont les deux membres sont stériles. Cela n’a rien à voir avec l’extension de l’accès à la PMA aux femmes seules ou aux couples de femmes.
On a l’impression que les deux amendements dont nous débattons visent à supprimer un droit existant, qui serait très important. Or, si j’ai bien compris là encore – j’écoute sans être un spécialiste du sujet –, un tel droit n’existe pas aujourd’hui.
M. Bernard Jomier. Si !
M. Roger Karoutchi. Mais non ! En tout cas, le double don de gamètes n’est pas autorisé.
En réalité, le texte envisage une avancée, pas forcément pour les femmes seules ou les couples de femmes auxquelles on étendrait la PMA, mais, de manière plus générale, pour les couples hétérosexuels dont les deux membres seraient stériles.
La réaction de mes collègues est donc tout à fait justifiée : allons-nous, comme je l’ai entendu, et pas seulement sur les travées de droite, changer la loi pour régler chaque petit cas particulier ? Doit-on vraiment faire un nouveau pas en avant à chaque fois, sans toujours forcément maîtriser les conditions dans lesquelles ces évolutions sont mises en œuvre, alors qu’elles peuvent créer des conflits, et sans toujours savoir où elles mènent ?
Madame la ministre, vous nous dites qu’il existe quelques cas – manifestement pas beaucoup – d’enfants nés de l’accueil d’un embryon. À un moment donné, il faut laisser la loi demeurer un cadre général, une règle pour tout le monde. Par la suite, on sait bien que les médecins et les autorités peuvent aviser dans certains cas.
Et ne me dites pas que je m’exprime ainsi parce que j’y serais opposé : j’ai voté pour l’extension de la PMA ! Je trouve simplement qu’un peu de prudence ne nuit pas : je voterai l’amendement de mon collègue Dominique de Legge.
M. le président. Je note 31 pour et 27 contre.
En conséquence, l’amendement no 146 rectifié n’a plus d’objet.
L’amendement n° 302, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
à l’article L. 2141-1
par les mots :
aux articles L. 2141-1 et L. 2141-2-1
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Marc Gabouty
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Conférence des présidents
M. le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour sont consultables sur le site du Sénat. Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
Conclusions de la conférence des présidents
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Jeudi 23 janvier 2020
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission, n° 238, 2019-2020)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 28 janvier 2020
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission, n° 238, 2019-2020)
Mercredi 29 janvier 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 29 janvier à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Désignation des 21 membres de la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures : mardi 28 janvier à 16 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020)
Jeudi 30 janvier 2020
À 10 h 30
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (texte de la commission n° 261, 2019-2020)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (texte de la commission n° 263, 2019-2020)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 28 janvier à 15 heures
- Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (texte de la commission n° 191, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (texte de la commission n° 259, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
À 14 h 30
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (texte de la commission n° 231, 2019-2020)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 29 janvier à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020)
Éventuellement, le soir
- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020)
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 4 février 2020
À 14 h 30
- Explications de vote des groupes puis scrutin solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 3 février à 15 heures
• Délai limite pour les délégations de vote : mardi 4 février à 12 h 30
À 15 h 45 et le soir
- Proposition de loi tendant à assurer l’effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte n° 166, 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 4 février en début d’après-midi
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 3 février à 15 heures
Mercredi 5 février 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 5 février à 11 heures
À 16 h 30
- Sous réserve de son dépôt, examen d’une proposition de création d’une commission spéciale sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
- Désignation des 21 membres de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols
• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures : mardi 4 février à 16 heures
De 16 h 30 à 20 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental, présentée par M. Richard Yung et plusieurs de ses collègues (texte n° 29, 2019-2020)
• Temps attribué à l’auteur de la proposition de résolution : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 4 février à 15 heures
• Les interventions des orateurs vaudront explications de vote
- Proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, présentée par M. Michel Amiel et les membres du groupe LaREM (texte n° 180, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 24 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 29 janvier matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 3 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 4 février à 15 heures
Jeudi 6 février 2020
À 9 heures
- Désignation des 37 membres de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
De 9 heures à 13 heures
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Proposition de loi visant à instaurer un droit effectif à l’accès à l’énergie et à lutter contre la précarité énergétique, présentée par M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (texte n° 260, 2018-2019)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 février à 15 heures
• Le délai limite de dépôt des amendements de séance avait préalablement été fixé au jeudi 6 juin 2019 par la conférence des présidents du 14 mai 2019
- Débat sur le thème : « L’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ? »
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 février à 15 heures
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
- Proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, présentée par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 267, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 30 janvier à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 5 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 5 février à 15 heures
- Débat sur le thème : « Le foncier agricole : les outils de régulations sont-ils toujours pertinents ? »
• Temps attribué au groupe Les Indépendants : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 5 février à 15 heures
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 10 au dimanche 16 février 2020
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 18 février 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- Débat sur la politique familiale (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 17 février à 15 heures
- Débat portant sur « l’irresponsabilité pénale » (demande du groupe UC)
• Temps attribué au groupe Union Centriste : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 17 février à 15 heures
- Débat sur les risques naturels majeurs outre-mer (demande de la délégation sénatoriale aux outre-mer)
• Temps attribué à la délégation sénatoriale aux outre-mer : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 17 février à 15 heures
- Débat sur le thème : « Quelle doctrine d’emploi de la police et de la gendarmerie dans le cadre du maintien de l’ordre ? » (demande du groupe CRCE)
• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 17 février à 15 heures
Mercredi 19 février 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 19 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Proposition de loi visant à garantir le libre choix du consommateur dans le cyberespace, présentée par Mme Sophie Primas et plusieurs de ses collègues (texte n° 48, 2019-2020 ; demande de la commission des affaires économiques)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 3 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 19 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 18 février à 15 heures
Jeudi 20 février 2020
À 14 h 30
- Débat sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2020 et sur les perspectives de l’action européenne d’ici 2024 (demande du groupe Les Républicains)
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 19 février à 15 heures
- Débat sur la politique spatiale de l’Union européenne (demande de la commission des affaires européennes)
• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 19 février à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 25 février 2020
À 14 h 30 et le soir
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée
Ce texte sera envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 19 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 25 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 24 février à 15 heures
Mercredi 26 février 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 26 février à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi visant à améliorer l’accès à la prestation de compensation du handicap (procédure accélérée ; texte n° 248, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 19 février à 8 h 30
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission : vendredi 21 février à 17 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 24 février à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 25 février à 15 heures
- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée
- Sous réserve de sa transmission, nouvelle lecture de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet (texte A.N. n° 2534)
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 30 janvier à 17 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 5 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 20 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 26 février matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 25 février à 15 heures
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution ou nouvelle lecture et conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi modifiant la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ou nouvelle lecture
Il a été décidé que ces textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale commune : 45 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mardi 25 février à 15 heures
En cas de nouvelle lecture :
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour les rapports et les textes : mercredi 19 février matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 24 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 26 février matin
Éventuellement, jeudi 27 février 2020
À 10 h 30 et 14 h 30
- Suite de l’ordre du jour de la veille
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 3 mars 2020
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30
- Explications de vote puis vote solennel sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 2 mars à 15 heures
• Délai limite pour le dépôt des délégations de vote : mardi 3 mars à 12 h 30
À 15 h 45 et le soir
- Sous réserve de son dépôt, projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
Ce texte sera envoyé à une commission spéciale.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : date à déterminer
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : date à déterminer
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : date à déterminer
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : date à déterminer
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 2 mars à 15 heures
Mercredi 4 mars 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 4 mars à 11 heures
À 16 h 30 et le soir
- 4 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisant la ratification du deuxième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition, du troisième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition et du quatrième protocole additionnel à la convention européenne d’extradition
=> Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil Fédéral suisse relative à la reconnaissance réciproque des poinçons officiels apposés sur les ouvrages en métaux précieux et les ouvrages multimétaux (procédure accélérée ; texte n° 199, 2019-2020)
=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l’acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien (texte n° 202, 2019-2020)
=> Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Turkménistan sur l’octroi de l’autorisation d’exercer une activité professionnelle aux membres de la famille des agents des représentations diplomatiques ou des postes consulaires et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique sur l’emploi des personnes à charge des agents officiels
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : lundi 2 mars à 15 heures
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires (texte n° 178, 2019-2020)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 17 février à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : jeudi 20 février à 10 h 30
• Délai limite de demande de retour à la procédure normale pour les articles faisant l’objet de la procédure de législation en commission : vendredi 28 février à 17 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du règlement : lundi 2 mars à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 3 mars à 15 heures
- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
Éventuellement, jeudi 5 mars 2020
À 10 h 30 et 14 h 30
- Sous réserve de son dépôt, suite du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique
Suspension des travaux en séance plénière :
du lundi 9 au dimanche 22 mars 2020
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mardi 25 février 2020 à 19 h 30
La conférence des présidents a pris acte, en application de l’article 6 bis du règlement, de la demande de création de commissions d’enquête :
- sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols qui ont accueilli des activités industrielles ou minières, et sur les politiques publiques et industrielles de réhabilitation de ces sols (demande du groupe socialiste et républicain) ;
- et sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières (demande du groupe Union Centriste).
6
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 1er, à l’examen de l’amendement n° 39 rectifié ter.
Article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié ter, présenté par M. Chevrollier, Mmes Thomas, Chain-Larché, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Bonhomme, Cardoux, Cuypers, Piednoir et Bascher, Mme Lamure et MM. B. Fournier, Mayet, Longuet, Regnard, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :
Alinéa 17
1° Première phrase
Supprimer les mots :
, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Aujourd’hui, les termes « projet parental » sont souvent utilisés pour exprimer un désir d’enfant. Cette terminologie est apparue parallèlement au développement des techniques de procréation médicalement assistée.
Le projet parental, c’est le fait de souhaiter un enfant. Si un tel souhait suffit à légitimer l’accès à la PMA, il s’agit alors d’un droit à l’enfant, même s’il faut noter que l’expression « projet parental » évacue le terme « enfant » au profit de celui de « parent ».
Par son aspect volontairement flou, ce concept ouvre un champ des possibles quasiment infini : l’autoconservation de gamètes sans motif médical, la PMA post mortem, mais aussi la gestation pour autrui. Il convient donc de supprimer cette notion. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. La commission spéciale est défavorable à cet amendement.
Les termes « projet parental » remontent à la loi de bioéthique de 2004 et n’ont pas entraîné les difficultés soulevées par notre collègue. Nous pouvons donc en rester à la terminologie employée depuis plus de quinze ans.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, MM. Guerriau et Meurant, Mmes Loisier, Bonfanti-Dossat et Thomas et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute personne ayant rémunéré ou octroyé un avantage à une autre personne pour obtenir un don de gamètes est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Nous devons punir tout abus contrevenant à la gratuité du don. La procréation est un véritable marché lucratif dans de nombreux pays. Avec ce projet de loi, les pressions pour installer un marché de la procréation en France seront de plus en plus fortes. Il convient de s’en prémunir en mettant en place les moyens appropriés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Votre souci me paraît tout à fait légitime, mon cher collègue, mais il me semble que l’article 511-4 du code pénal punit déjà ce type de comportement et, qui plus est, de peines bien plus lourdes que celles que vous proposez dans votre amendement. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis. J’ajoute, pour donner l’impression d’apporter une plus-value, que, aux termes de l’article 511-4 du code pénal, le fait d’obtenir des gamètes contre un paiement « est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
Mme Laurence Rossignol. M. Meurant est laxiste en fait ! (Rires.)
M. le président. Monsieur Meurant, l’amendement n° 143 rectifié est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Je précise que je présentais cet amendement au nom de mon collègue Henri Leroy.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce n’est pas bien de dénoncer ses camarades ! (Sourires.)
M. Sébastien Meurant. Je vous invite par conséquent à lui faire parvenir vos commentaires.
Cela étant, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié est retiré.
L’amendement n° 145 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mmes Noël, Thomas et Loisier et M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Nous proposons de supprimer la disposition qui permet aux couples de consentir à ce que les embryons fassent l’objet de recherches. Un embryon est en effet un projet parental. Il faut se contenter de faire en sorte qu’il corresponde à un tel projet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La disposition que cet amendement tend à supprimer n’est pas nouvelle, puisqu’elle remonte aux lois de 2004. Sont visés les embryons qui ne sont pas susceptibles d’être transférés ou conservés, parce qu’ils ne sont pas susceptibles de mener à une grossesse. La recherche sur de tels embryons paraît nécessaire. C’est pourquoi la commission est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 123 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 22 et 45
Supprimer les mots :
et à l’identité du tiers donneur
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Il s’agit d’un amendement de coordination par anticipation avec un amendement que nous avons déposé à l’article 3, et qui tend à préserver l’anonymat du donneur dans le cadre de la procréation médicalement assistée.
Son objet est clair : souligner les conséquences problématiques de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. Je précise qu’il n’est question que du nom du donneur, pas d’informations génétiques utiles aux donneurs comme aux enfants nés du don.
Nous en avons beaucoup discuté au sein de mon groupe : les avis restent partagés, mais je fais partie de ceux qui considèrent que le texte actuel n’est pas satisfaisant.
Par peur de décourager les dons, le projet de loi ne contraint pas les donneurs à révéler systématiquement leur identité. Or cette faculté, si elle est confortable pour le donneur, est plus discutable du point de vue des enfants. Elle les placerait dans une situation d’inégalité selon le choix du donneur.
Surtout, l’utilité de cette disposition n’est pas convaincante. On comprend aujourd’hui la nécessité que ressentent les enfants issus de dons de gamètes de connaître leurs origines. C’est une quête tout à fait compréhensible qu’ils partagent avec la plupart de nos concitoyens, si l’on en croit l’engouement pour la généalogie. Cette recherche contribue à la construction de l’identité narrative, comme l’appelait Bourdieu, de tous ceux qui cherchent à donner un sens à leur vie.
S’agissant du don de gamètes, nous craignons que la levée de l’anonymat ne charge de sens familial un acte qui s’en éloigne absolument. En effet, nous considérons que l’essentiel de la filiation se manifeste après la naissance, dans l’éducation, les soins et l’affection apportés, ainsi que dans les valeurs transmises.
Il est possible que plus le mystère de la conception soit grand, plus la quête des origines soit impérieuse.
Enfin, l’argument selon lequel il existe un risque d’union entre frères et sœurs qui s’ignorent ne me convainc guère, dès lors que le recours aux gamètes d’un donneur est limité à la naissance de dix enfants : cette hypothèse ne me semble pas plus probable que l’union entre frères et sœurs issue d’un adultère.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement de coordination par anticipation, puisque nous parlerons de la levée de l’anonymat à l’article 3.
La commission spéciale, si elle a aménagé cette levée de l’anonymat, n’a pas voulu la supprimer. Elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Même si nous n’en discuterons que tout à l’heure, je veux rappeler que nous ne proposons pas de lever l’anonymat du don. Pour être clair, il s’agit de permettre à des enfants, à l’âge de 18 ans, d’accéder à leurs origines, à des données soit anonymisées, soit non anonymisées.
Nous faisons bien la distinction entre les deux : la levée de l’anonymat signifierait que le couple de parents receveurs de gamètes aurait des informations sur l’identité du donneur, parce que c’est au couple que le don est adressé. Or la préservation de l’anonymat du don est un principe fondamental de bioéthique. Les parents n’ont donc en aucun cas la possibilité d’accéder à des données identifiant le donneur de gamètes. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une levée de l’anonymat.
En revanche, nous permettons à l’enfant qui n’a rien demandé, à qui l’on ne donne rien, d’accéder à ses origines.
Je souhaite que chacun fasse bien la distinction entre les deux, parce que nous restons fidèles à notre principe fondamental, en l’occurrence l’anonymat du don, qui est totalement préservé pour les receveurs de gamètes, c’est-à-dire le couple infertile.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 24, première phrase
Remplacer le mot :
notaire
par les mots :
un juge
II. – Alinéa 49
Remplacer le mot :
notaire
par le mot :
juge
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Il semblerait que le fil rouge des réformes judiciaires des années 2000 soit la déjudiciarisation, laquelle est surtout conçue et recherchée pour les économies de tout ordre qu’elle permet.
En témoigne la dernière loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui comporte de nombreuses mesures de déjudiciarisation en matière tant civile que pénale.
Le présent texte n’y échappe pas. Un certain nombre d’articles, notamment ceux qui sont relatifs à la PMA, confient aux notaires des pouvoirs jusqu’ici du ressort des juges et de l’officier d’état civil. Il s’agit d’un pas de plus vers la déjudiciarisation de la famille qui ne cesse de s’accentuer depuis les années 1960.
En effet, en France, la tendance est à la déjudiciarisation de tout ce qui ne suscite pas de conflits : divorce par consentement mutuel, PMA de couples lesbiens, etc. La prochaine étape concernera peut-être l’adoption. C’est en tout cas ce qu’ont estimé certains notaires intervenant à la chambre des notaires de Paris le 15 octobre dernier en analysant le projet de loi.
En outre, les nouvelles compétences accordées aux notaires semblent assez mal reçues par la profession elle-même, qui considère notamment que les questions de filiation sont extrêmement importantes, car irrévocables.
Elle estime par ailleurs que la rémunération qu’il est prévu de leur verser pour établir cette reconnaissance de filiation conjointe anticipée n’est pas assez élevée. Les couples de femmes devront débourser une somme minime, selon la profession, puisqu’elle s’élève à 250 euros, dont 88 euros pour le notaire, le reste étant réservé à l’enregistrement et à la conservation de l’acte. Il s’agira vraiment d’un service social, a déclaré maître Bertrand Savouré lors de la réunion que j’ai précédemment mentionnée.
Tous ces éléments nous conduisent à penser qu’il est absolument nécessaire que cet acte soit du ressort du juge. Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Effectivement, le consentement à l’accueil d’embryons et le recours à l’AMP avec tiers donneur nécessitaient une autorisation du juge jusqu’à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Désormais, ces démarches se font devant un notaire.
Faut-il revenir devant le juge ? Ces actes ne relèvent pas véritablement de sa fonction juridictionnelle : de ce point de vue, cela ne paraît pas poser une difficulté.
Il s’agit en outre d’une loi récente : il est certainement encore trop tôt pour estimer qu’elle n’est pas efficace.
En conséquence, la commission spéciale est défavorable à l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je rappelle que la loi du 23 mars dernier de réforme pour la justice vise à recentrer le juge sur sa fonction première : trancher les litiges. Or nous ne sommes pas dans ce cas, puisqu’il s’agit ici de recueillir un consentement.
Nous avons donc pensé que les notaires, qui accompagnent les familles, notamment pour toutes les questions concernant la filiation, ou encore les conséquences de la PMA, seraient sans doute les mieux placés pour recueillir ce consentement, lequel n’a rien à voir avec un acte juridictionnel.
Cela explique notre souhait de transférer le recueil du consentement aux notaires. Le verbe « transférer » n’est d’ailleurs pas tout à fait juste puisque, pour les couples hétérosexuels, les notaires peuvent déjà recueillir ce consentement depuis 1994.
Les frais d’acte – 76 euros – font l’objet d’un tarif réglementé, qu’il importe, bien évidemment, de respecter. C’est ce que je rappelais, ce matin encore, au président du Conseil supérieur du notariat.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Paccaud et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Alinéa 24, première phrase
Après le mot :
notaire
insérer les mots :
ou avocat
La parole est à Mme Christine Lanfranchi Dorgal.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Le nouvel article L. 2141-6 du code de la santé publique prévoit qu’un couple ou une femme non mariée souhaitant accueillir un embryon doivent préalablement donner leur consentement devant un notaire, dans les conditions prévues par le livre Ier du code civil. Avec cet amendement, nous proposons que ce consentement puisse également être reçu par un avocat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je maintiens le choix énoncé précédemment de transférer ce recueil du consentement aux notaires. Je rappelle que les notaires sont des officiers publics et ministériels, contrairement aux avocats. Ces derniers ont pour mission de conseiller leurs clients ; la fonction des notaires est différente. Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme Christine Lanfranchi Dorgal. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 25 rectifié est retiré.
L’amendement n° 303, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination. À l’image des dispositions relatives au don de gamètes, nous prévoyons la possibilité d’actualiser les données médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme ayant consenti à l’accueil d’un embryon auprès des établissements chargés de la mise en œuvre de cette procédure d’accueil.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je comprends, madame la rapporteure, votre souci de procéder à une harmonisation entre ce que la commission spéciale a prévu pour les donneurs de gamètes et pour les couples donneurs d’embryons.
Je rappelle que ces couples donneurs d’embryons font déjà l’objet d’une sélection médicale rigoureuse. Ainsi, à l’échelon réglementaire, les critères médicaux d’acceptabilité ont été définis et des tests de sécurité sanitaire sont réalisés, ainsi qu’une étude de risques génétiques des deux membres du couple.
Il nous semblait que ces dispositions suffisaient, mais, de nouveau, je comprends votre souci d’harmonisation. Je m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 5, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Remplacer les mots :
les établissements publics ou privés
par les mots :
les établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement tend à apporter une précision au dispositif ressortant de l’adoption en commission de l’amendement n° COM-63, visant à ouvrir la conservation des embryons aux centres agréés, publics ou privés.
La suppression de la mention « à but non lucratif » pourrait effectivement exclure les établissements de santé privés d’intérêt collectif, les ESPIC. Afin de viser l’ensemble des établissements de santé, nous proposons donc de reprendre la rédaction de l’article L. 6111-1 du code de la santé publique.
M. le président. L’amendement n° 193, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 29
1° Supprimer les mots :
ou privés
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public, et si aucun organisme ou établissement de santé privé à but non lucratif habilité à assurer le service public hospitalier n’assure cette activité dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à la pratiquer.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Ce projet de loi aborde des sujets éminemment importants pour l’homme et son évolution, notamment en matière de procréation. À travers ce texte, il s’agit non seulement d’étendre la PMA à toutes les femmes, mais aussi, par exemple, d’autoriser l’autoconservation des gamètes.
Ces nouvelles dispositions impliquent de déployer des moyens, sans parler de la nécessité de faire appel aux dons, bien sûr, pour disposer de gamètes et d’embryons à conserver.
Or tous les professionnels auditionnés ont été unanimes : les établissements et organismes publics ne pourront absorber la demande grandissante. C’est pour nous un fait, madame la ministre !
Ainsi, les membres de la commission spéciale ont décidé, pour tous les articles ad hoc, de permettre une extension du champ aux établissements et organismes privés à but lucratif – l’extension aux établissements et organismes privés à but non lucratif est déjà effective –, à la condition, évidemment, d’une carence du secteur public.
Pour des questions éthiques, toutes ces pratiques devraient rester au maximum dans le giron du secteur public. C’est le sens de notre amendement. Mais bien sûr il faut donner aux établissements publics les moyens nécessaires.
M. le président. Les six amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 40 rectifié quinquies est présenté par M. Chevrollier, Mmes Thomas, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé et MM. Danesi, Bonne, Chaize, Cardoux, Cuypers, Bascher, B. Fournier, Pointereau, Mayet, Longuet, Regnard, H. Leroy, Segouin et Sol.
L’amendement n° 44 rectifié ter est présenté par Mmes Chain-Larché et Ramond, M. Vaspart, Mme Sittler, MM. Paccaud et de Nicolaÿ, Mmes Bories, Lopez, Deroche et Lamure, M. Mandelli et Mmes Bonfanti-Dossat et Noël.
L’amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot.
L’amendement n° 165 est présenté par M. Meurant.
L’amendement n° 280 rectifié est présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier.
L’amendement n° 284 est présenté par le Gouvernement.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 29
Après le mot :
privés
insérer les mots :
à but non lucratif
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié quinquies.
M. Guillaume Chevrollier. L’exploitation des gamètes par des établissements privés à but lucratif livre la procréation au marché. Cela entre en totale contradiction avec le principe bioéthique français de non-marchandisation du corps, auquel nos concitoyens sont très attachés.
Il semble important de répondre aux besoins dans le domaine du don de gamètes, mais il faut faire en sorte que les principes éthiques ayant toujours fondé nos lois de bioéthique soient préservés.
J’ajoute qu’étendre à des centres privés l’habilitation à l’autoconservation constituerait un facteur majeur d’inégalités. Seules les personnes aisées y auront accès, ce qui améliorera leur carrière par report des projets parentaux et, donc, augmentera encore davantage les inégalités sociales dans notre pays.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié ter.
Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 52 rectifié.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement est du même bois que les précédents : il s’agit de faire prévaloir le secteur privé à but non lucratif sur le secteur privé à but lucratif.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 165.
M. Sébastien Meurant. Le sujet est si important que je vais répéter ce qui vient d’être dit !
En séance publique à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont tenu à préciser que les centres privés à but lucratif ne seraient pas autorisés à procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes.
La pénurie annoncée de gamètes laisse augurer une importation de sperme depuis l’étranger ou une rémunération des donneurs, mesure suggérée par certains gynécologues. L’idée que des gamètes puissent être exploités par des établissements privés à but lucratif démontre que des intérêts commerciaux importants sont en jeu et que la procréation peut être insidieusement livrée au marché, en contradiction avec le principe bioéthique français de non-marchandisation du corps.
Il convient donc de spécifier que seuls les établissements à but non lucratif peuvent être concernés.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour présenter l’amendement n° 280 rectifié.
M. Jean-Pierre Corbisez. L’alinéa 29 de l’article 1er, tel qu’il découle des travaux de la commission spéciale, permet d’ouvrir l’activité de conservation d’embryons aux centres privés à but lucratif.
Loin de moi l’idée de remettre en cause la compétence de ces établissements, qui sont soumis aux mêmes conditions d’éthique médicale, d’autorisation et de contrôle que les centres publics ou privés à but non lucratif.
J’entends également l’argument de la commission spéciale, selon laquelle cette mesure permettrait notamment de réduire les délais importants dans l’accès à l’assistance médicale à la procréation et d’assurer une certaine égalité territoriale.
Pour autant, comme l’a rappelé Mme la ministre lors des débats à l’Assemblée nationale, seulement 19 centres, publics ou privés à but non lucratif, sont autorisés à exercer et seulement 19 transferts d’embryons de parents donneurs vers des parents candidats pour les accueillir ont été comptabilisés en un an. Au regard de ces chiffres, on ne peut pas prétendre qu’il y ait véritablement besoin d’une ouverture à d’autres établissements en ce domaine.
À travers cet amendement, nous proposons de faire preuve de prudence, en réservant l’activité de conservation des embryons aux établissements publics de santé et aux organismes à but non lucratif.
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 284.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet amendement vise également à revenir sur la position de la commission spéciale, en limitant l’activité de conservation des embryons en vue de leur accueil aux établissements publics et privés à but non lucratif.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la gratuité du don et la non-commercialisation des éléments et produits du corps humain – des embryons, par exemple – constituent des valeurs éthiques fondamentales.
Cela vient d’être rappelé à l’instant, en matière de don et d’accueil d’embryons, il n’existe aucune tension particulière qui justifierait une quelconque entorse à ces principes.
En tout et pour tout, seule une vingtaine de transferts d’embryons a lieu chaque année et la demande n’exerce aucune pression sur l’offre. Nul besoin, donc, d’élargir le nombre d’établissements autorisés à pratiquer cette activité.
Cette dernière, qui ne présente pas de difficultés techniques particulières, ne s’est jamais développée à hauteur des espérances, en raison de la difficulté de la démarche pour les couples concernés, notamment sur le plan psychologique, qu’ils soient en situation de donner ou en situation d’accueillir un embryon. Les études menées par les sociologues ont montré que la crainte d’hériter d’une histoire inconnue – l’embryon donné a déjà une histoire – freine les motivations.
Par conséquent, je le répète, aucune tension sur le secteur liée à un déficit de l’offre ne justifie une ouverture de l’activité au secteur privé à but lucratif. Cette dernière doit rester réservée aux établissements publics et privés à but non lucratif, comme le prévoit le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Permettez-moi, mes chers collègues, de me risquer à faire un peu de pédagogie schématique…
En matière d’AMP, trois types de centres interviennent : les centres publics, les centres privés à but non lucratif et les centres privés à but lucratif. Il y a, schématiquement, trois sortes d’activités : le don de gamètes en vue d’une AMP avec tiers donneur et l’accueil d’embryons, l’autoconservation des gamètes à des fins médicales et les actes eux-mêmes – l’insémination et la fécondation in vitro.
Les trois types de centres peuvent tout faire, à l’exception de l’accueil d’embryons et du don de gamètes, dont sont exclus les centres privés à but lucratif, pour des motifs que Mme la ministre des solidarités et de la santé a exposés.
La position de la commission spéciale a été la suivante : elle a autorisé que l’accueil d’embryons soit pratiqué par des centres privés à but lucratif, ce qui leur était interdit jusqu’à présent, et elle a autorisé que le don de gamètes soit effectué par des centres privés à but lucratif, mais uniquement à titre dérogatoire, en cas d’insuffisance de l’offre proposée par les centres publics et les centres privés à but non lucratif.
Autrement dit, c’est une ouverture totale au secteur privé lucratif pour l’activité d’accueil d’embryons et une ouverture partielle – c’est-à-dire dérogatoire, en l’absence d’une offre alternative – pour le don de gamètes.
C’est à partir de cette position que je vais émettre les avis suivants sur ces amendements.
Les dispositions de l’amendement n° 193 auraient peut-être permis une harmonisation entre accueil d’embryons et don de gamètes, si ses auteurs avaient bien voulu le compléter. Mais il n’a pas été rectifié. L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Les amendements nos 40 rectifié quinquies, 44 rectifié ter, 52 rectifié, 165, 280 rectifié et 284, qui visent à retourner au droit existant, c’est-à-dire à exclure de ces activités le secteur privé à but lucratif, sont contraires à la position de la commission spéciale. L’avis est également défavorable.
Seul l’amendement n° 5 de Mme Doineau, qui tend à apporter une précision rédactionnelle aux dispositions retenues par la commission spéciale, a recueilli un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je veux revenir sur les raisons pour lesquelles je suis défavorable à l’ouverture aux centres privés de l’accueil d’embryons.
Je rappelle qu’aucun produit du corps humain n’est aujourd’hui stocké dans des centres privés à but lucratif. Une telle décision ouvre la porte à d’autres possibilités d’accueil – peut-être pas d’organes, mais de cellules ou de tissus. Ce serait mettre à mal les principes fondamentaux des lois de bioéthique à la française, selon lesquels les produits du corps humain sont anonymes, gratuits et demeurent dans le domaine public.
J’insiste également sur le fait qu’il n’y a pas de tension sur le secteur. Nous avons d’ailleurs prévu, mais cela concerne le don de gamètes, d’augmenter les budgets aux centres publics, de sorte qu’ils puissent accroître leurs capacités d’intervention.
C’est donc pour des raisons très fondamentales, reposant sur les valeurs portées dans nos précédentes lois de bioéthique, que l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Si je comprends bien, madame la rapporteure, pour l’instant, le secteur privé à but lucratif est autorisé à titre dérogatoire, par le Gouvernement, à stocker des gamètes et vous demandez que la même disposition s’applique pour le stockage d’embryons, mais dans un cadre fixé par la loi. Dès lors, pourquoi ne pas prévoir que le stockage d’embryons puisse être réalisé dans le secteur privé à but lucratif, uniquement sur dérogation accordée par le Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je prie Mme la rapporteure de m’en excuser, mais je vais voter les amendements identiques.
Les établissements privés seront-ils meilleurs, moins bons ? Risquent-ils, ou non, de s’orienter vers une marchandisation ? Je n’en sais rien !
Mais, tout de même, lorsque l’on élabore un texte de loi, il faut garder en tête que l’image donnée au public, l’impression laissée aux acteurs contribueront en grande partie à la bonne application de cette loi. Au moment où nous disons de manière très ferme qu’il n’y aura pas de marchandisation à travers ce texte, sommes-nous obligés de laisser un doute ?… Ma réponse est plutôt : non !
Restons-en aux établissements privés à but non lucratif. Ce sera mieux pour tout le monde, même si je reconnais que certains établissements privés feraient probablement très bien le job. Step by step !
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Si mon groupe a suivi en commission l’idée d’une ouverture, c’est à la demande, notamment, de nos collègues d’outre-mer qui signalent de véritables problèmes dans certains territoires non dotés. De toute façon, il faut une autorisation, et ce pour n’importe quel centre. Même si je suis assez prudent sur ce sujet, c’est tout de même une garantie !
La vraie question est la suivante : tous les territoires sont-ils bien couverts, y compris hors métropole ? Il se peut que nous parlions de situations au caractère un peu exceptionnel. Mais c’est une vraie question qui nous a été posée. Peut-être avez-vous, madame la ministre, une réponse susceptible de nous satisfaire…
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.
Mme Christine Prunaud. Dans mon intervention, j’ai évoqué la possibilité, proposée par la commission spéciale, d’étendre le champ aux établissements et organismes à but lucratif. Madame la ministre, vous avez parlé de dérogations. De quelles dérogations s’agit-il ? Pourquoi tant insister pour donner, de manière un peu trop pressante, une priorité aux établissements privés à but lucratif ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il y a une petite confusion… L’amendement du Gouvernement me semble justement très clair : pas de dérogation et des activités réservées au secteur public et aux établissements privés à but non lucratif. Je pense qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. Vous connaissez la position de mon groupe à ce sujet, madame la ministre ; nous sommes vraiment en phase – cela arrive de temps en temps !
Cependant, selon les informations qui nous ont été communiquées, un certain nombre de territoires, notamment les territoires ultramarins, sembleraient rencontrer des difficultés quant à l’absorption de la demande par le secteur public.
Notre amendement a précisément pour objet de permettre, en cas de défaillance ou de carence au niveau du secteur public, une ouverture par dérogation au secteur privé.
Les activités dont nous parlons ne font pas exception à la règle, madame la ministre. Malgré un manque de moyens humains et financiers dans un certain nombre de secteurs de la santé, il faut bien répondre à la demande.
L’amendement proposé par mon groupe me semble apporter, face à la réalité des situations, une réponse bien dosée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Le Gouvernement ne souhaite pas une extension aux centres privés… Peut-être est-ce pour ne pas créer une demande massive de la part des femmes. Mais c’est surtout, vous l’avez souligné, madame la ministre, pour ne pas aller vers une marchandisation de ces activités.
Il ne faut pas fantasmer sur les dérives possibles des centres privés. Il n’y a pas forcément de raisons pour qu’ils incitent plus que les centres publics les femmes à conserver un volume important de gamètes.
Vous affirmez qu’il y aura assez de centres. Très bien ! Mais on nous dit par ailleurs que le secteur public ne pourra pas absorber les nouvelles activités, car il est déjà débordé. Pourquoi n’y aurait-il pas, dans certains cas, des dérogations ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Je reviens un instant sur les propos de Daniel Chasseing. Il faut bien comprendre que nous disposons d’établissements publics et privés à but non lucratif un peu partout sur le territoire, mais que, dans certaines zones, il n’y en a pas suffisamment qui exercent cette activité.
Évidemment, une ouverture au secteur privé n’est pas sans risque, mais elle se fait sous le contrôle de l’Agence de la biomédecine, sous le contrôle des agences régionales de santé, et elle permet d’offrir un service à une population qui, par ailleurs, n’y aurait pas accès.
Nous sommes d’une certaine manière l’assemblée des territoires : pensons aussi à eux !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Peut-être pouvons-nous séparer le débat en deux parties.
Les amendements dont nous discutons portent sur la proposition de la commission spéciale, rejointe par les auteurs des deux premiers amendements, de permettre aux centres privés d’accueillir, congeler, stocker et utiliser des embryons.
À l’heure actuelle, les embryons surnuméraires sont soit donnés à la recherche, soit détruits, soit donnés en vue d’un accueil par un autre couple. Le stockage de ces embryons surnuméraires relève des seuls secteur public et secteur privé à but non lucratif, ce qui offre une forme de sécurité : ils ne pourront pas être vendus.
L’amendement n° 5 rejoint la proposition de la commission spéciale d’une ouverture aux centres privés. Mais nous ne parlons pas, ici, du don de gamètes ; le sujet sera abordé ultérieurement.
La position du Gouvernement est très claire : il s’oppose à la conservation des embryons dans le secteur privé à but lucratif.
Je le répète, il n’y a aujourd’hui pas de besoin. Je rappelle que seule une vingtaine des 10 000 embryons congelés dont nous disposons sont utilisés chaque année pour être accueillis par des couples receveurs. Les centres publics peuvent aisément faire face à cette activité !
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Selon moi, le débat ne doit pas porter sur la nature juridique des structures.
Je ne vois pas de raison pour stigmatiser les structures privées. Certaines professions privées à but lucratif exercent à des tarifs fixés par l’autorité des missions dites de service public, qui sont encadrées.
Ce qui importe, c’est un cadre. Des structures à but lucratif peuvent parfaitement exercer des missions qui ne sont pas particulièrement lucratives, dès lors que celles-ci font l’objet d’un cadre précis, par le biais d’un agrément de l’autorité publique et d’une rémunération clairement établie.
Il n’y a pas à éliminer d’entrée les structures privées, quelles qu’elles soient, au motif d’un risque de dérives liées à leur caractère privé. Sinon la situation d’un bon nombre d’activités devra être revue !
Cela étant, le recours au secteur privé compromettrait l’accès de la population à cette faculté. Non ! Si le cadre est fixé par la puissance publique, avec agrément et tarifs, il n’y a pas de raison pour que cela change quoi que ce soit !
Personne ne veut prendre le risque d’une dérive vers la marchandisation. Bien sûr ! Mais ce risque ne tient pas à la nature de la structure, sauf à jeter une suspicion généralisée sur le secteur privé dans notre vie publique. C’est le cadre posé par l’autorité publique qui garantit l’absence de dérive.
C’est pourquoi je suivrai la commission spéciale.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. La France est une mosaïque. Les territoires ne sont pas égaux. Certains sont éloignés des centres hospitaliers universitaires et ne disposent pas d’hôpitaux privés à but non lucratif. D’excellentes cliniques privées sont souvent mieux dotées que l’hôpital local, et je trouve dommage de priver des gynécologues de grande qualité de la possibilité de donner accès à la PMA aux habitants de certaines zones.
Je suis donc partisan de l’ouverture au secteur privé, sachant que « privé » n’est pas un gros mot. Nous parlons de médecins qui ont fait le serment d’Hippocrate, qui respectent une déontologie, qui sont au service de leurs patients.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous nous connaissons les uns, les autres, mes chers collègues. Vous savez qu’en matière de couverture du territoire j’ai toujours défendu une approche reposant à la fois sur les secteurs public et privé. J’ai toujours considéré, d’ailleurs, que les différents ministres de la santé avaient accordé au secteur privé une place trop faible. Quand il s’agit de soigner la population, nous ne devons pas être regardants sur le statut !
Néanmoins, dans ce cas précis, je fais confiance à la ministre et je m’opposerai aux amendements tendant à ouvrir l’activité au secteur privé. Le secteur public, parce qu’il n’est pas à but lucratif, offre un cadre plus protecteur.
Et cela ne témoigne en rien d’une volonté de jeter l’opprobre sur le secteur privé. Ce n’est pas mon cas ! Au contraire, j’aimerais parfois voir plus d’hôpitaux privés ou certaines bonnes pratiques généralisées.
Mais nous sommes là sur un cas extrêmement particulier. Nous avons beaucoup parlé de risque de marchandisation. Il faut mettre des freins, poser un cadre et des limites !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’ai moi aussi une entière confiance dans l’offre hospitalière privée à but lucratif pour nous soigner, telle qu’elle existe dans le système français. Près des deux tiers de l’offre hospitalière sont proposés dans le public, un tiers dans le privé, majoritairement à but lucratif.
Or, en l’espèce, il n’est pas question de cela. Il s’agit seulement de la conservation des embryons dont le plus grand nombre est destiné à la destruction par arrêt de conservation, et dont d’autres pourront être utilisés, avec l’accord des auteurs de ces embryons, pour la recherche scientifique.
Enfin, une infime minorité des embryons seront utilisés dans le cadre d’une procédure exceptionnelle, introduite en 1994, dite « d’accueil d’embryons ». Dans le langage courant, le législateur avait même qualifié cette procédure d’« adoption » d’embryons, que l’on peut d’ailleurs considérer avec beaucoup de réticence.
Ce qui est certain, c’est l’existence d’une préoccupation publique de sécurité sur la manière dont ces embryons vont être conservés, voire, dans certains cas, utilisés, à la suite d’une procédure apportant de nombreuses garanties.
Après un premier réflexe consistant à faire confiance au secteur privé à but lucratif, comme c’est le cas lorsque nous lui remettons notre propre santé, je me dis qu’il n’est pas question de cela ici ; il s’agit d’une tâche de service public ayant pour objet d’appliquer des règles et des procédures protectrices pour la conservation et l’utilisation éventuelle de ces embryons.
Je voterai l’amendement n° 40 rectifié quinquies de M. Chevrollier et tous les amendements identiques tendant à prévoir que le secteur privé à but lucratif n’est pas appelé à mettre en œuvre cette procédure d’intérêt général.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En réponse à M. Corbisez, qui a demandé quelques précisions, je rappellerai la position de la commission. L’activité d’accueil d’embryons et de don de gamètes était jusqu’alors interdite aux centres privés à but lucratif. La commission a décidé d’ouvrir à ces centres, sans condition hormis une autorisation préalable, la possibilité de pratiquer l’accueil d’embryons, ainsi que, à titre dérogatoire, le don de gamètes lorsqu’il n’existe pas d’autre offre, soit publique, soit privée à titre non lucratif, sur le territoire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Ces amendements concernent seulement la conservation d’embryons et ne portent nullement sur l’autoconservation et le don de gamètes, qui seront examinés ultérieurement. Ils visent à autoriser des centres privés à accueillir des embryons, à les stocker et à les utiliser. Or cette pratique est aujourd’hui du ressort du secteur public et du privé non lucratif, pour des raisons fondamentales de bioéthique, en particulier la non-marchandisation du corps humain et de tous les produits du corps humain, qui ne sont traités, utilisés et garantis que dans ces conditions.
Nous souhaitons en rester à ces principes fondamentaux de bioéthique, puisque le maillage territorial n’est pas en cause et que les besoins sont évalués à une vingtaine de demandes par an. Celles-ci sont amplement couvertes par les centres publics. À ce stade, je souhaiterais que le débat se cantonne aux embryons, puisque nous aurons l’occasion de reparler du don et de la congélation de gamètes.
La position du Gouvernement consiste à refuser clairement cette ouverture au secteur privé, non parce que nous stigmatisons telle ou telle activité, mais parce que c’est un principe fondamental de la bioéthique que de ne pas confier des morceaux du corps humain au secteur privé. Cela ouvrirait la porte au stockage d’autres organes, tissus, etc. Or tout produit du corps humain à visée de don est géré par le secteur public.
M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud.
Mme Christine Prunaud. Je retire mon amendement, monsieur le président, en accord avec le groupe CRCE et compte tenu des explications de Mme la ministre.
M. le président. L’amendement n° 193 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 5.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n° 40 rectifié quinquies, 44 rectifié ter, 52 rectifié, 165, 280 rectifié et 284.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 60 rectifié bis est présenté par MM. Mizzon, Canevet, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot.
L’amendement n° 170 est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 34, première phrase
1° Après le mot :
conçus
insérer les mots :
avec les gamètes de l’un au moins des membres d’un couple et
2° Supprimer les mots :
et des dispositions du présent titre
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié bis.
M. Jean-Marie Mizzon. La loi de bioéthique de 1994 exige que l’un au moins des membres du couple fournisse ses gamètes pour concevoir l’embryon qui sera implanté dans l’utérus de la femme, dans l’intérêt de l’enfant. Cette pratique de l’AMP avec don de gamètes, très minoritaire, suscite chez certains enfants une quête de leurs origines, ce qui a décidé le législateur à lever l’anonymat. Un double don complexifie encore plus cette quête. L’interdiction du double don de gamètes devrait être maintenue, le double don n’étant d’aucune utilité dès lors que la possibilité d’accueillir un embryon est autorisée.
Il est donc primordial que, dans le cadre de toute PMA, l’embryon reste conçu avec les gamètes de l’un au moins des membres du couple.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 170.
M. Sébastien Meurant. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir une disposition qui a été supprimée dans le projet de loi du fait de l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et de la levée de l’interdiction du double don de gamètes.
La commission avait émis un avis défavorable, dans la mesure où nous avions maintenu la levée de l’interdiction du double don de gamètes. Néanmoins, puisque nous avons rétabli tout à l’heure cette interdiction, force est de constater que la commission avait émis un avis défavorable sur une mesure qui n’existe plus ! Je ne peux mieux vous dire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Quel est, en définitive, l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’avis de la commission était défavorable, mais c’est du passé. Notre position étant identique aujourd’hui, je veux bien maintenir cet avis, mais il repose sur un fondement qui n’existe plus et n’a guère de sens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 60 rectifié bis et 170.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 237 rectifié bis, présenté par Mme Lassarade, M. Bazin, Mmes Bruguière et Gruny, MM. de Legge, Paccaud et Houpert, Mme Berthet et MM. Panunzi, H. Leroy et Bonhomme, est ainsi libellé :
Alinéa 35, première phrase
Remplacer les mots :
psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent
par les mots :
pédopsychiatre ou psychologue spécialisé en pédopsychiatrie
La parole est à M. Alain Houpert.
M. Alain Houpert. Cet amendement de clarification tend à faire appel à un psychiatre, à un pédopsychiatre ou à un psychologue spécialisé en pédopsychiatrie pour « l’évaluation médicale et psychologique » des demandeurs préalable à l’accès à l’AMP.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le texte de la commission vise « notamment » un pédopsychiatre ou un pédopsychologue, ce qui n’exclut pas de pouvoir faire appel à un psychiatre, ce qui est précisément l’objet de l’amendement. Mais il me semblait important, en faisant intervenir ce type de médecins spécialisés, d’afficher la volonté de se placer sous l’angle de l’intérêt de l’enfant.
Sur le reste, notre objectif est le même, seule la terminologie employée change. La commission sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. L’Assemblée nationale a d’ores et déjà acté que l’équipe médicale qui entoure ces couples infertiles comprend un certain nombre de professionnels de santé capables d’évaluer le couple dans son entièreté, si je puis dire, en termes de capacités d’accueil de l’enfant.
La commission a rédigé un amendement imposant la présence d’un pédopsychiatre ou d’un psychologue spécialisé en psychiatrie ou en psychologie de l’enfant et de l’adolescent. Or ce ne sont pas les compétences que nous attendons de ces équipes médicales, qui s’adressent avant tout à des adultes. Il convient plutôt de faire appel à des psychologues ou à des psychiatres spécialisés dans la psychologie des adultes. Ils accueilleront soit des couples infertiles, soit des femmes adultes, soit des couples de femmes, dont les problèmes n’ont rien à voir avec ceux des adolescents ou des enfants.
Pour ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ferai une remarque d’ordre pratique. Tout d’abord, les pédopsychiatres sont en nombre insuffisant. S’il faut en plus les mobiliser pour parler à des couples qui n’ont pas encore d’enfants, alors que ces professionnels sont supposés s’intéresser aux enfants – Mme la ministre l’a bien expliqué –, on multiplie les inconvénients, pour l’exercice de la pédopsychiatrie comme pour l’AMP.
C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement, même s’il partait probablement d’une bonne intention. (Ah ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a souhaité la présence d’un pédopsychiatre ou d’un psychologue spécialisé dans la psychologie de l’enfant. Certes, ce sont des adultes qui ont recours à une procédure d’AMP. Pour autant, ils auront un enfant, à qui ils devront expliquer ses origines, à savoir qu’il a été conçu à la suite d’une AMP, éventuellement avec donneur. Quand on sait à quel point le secret sur le mode de conception peut être lourd et difficile à vivre, il ne paraît pas incroyable et inutile qu’un médecin spécialisé dans ce domaine puisse conseiller les parents et apprécier avec eux l’attitude qu’il convient d’adopter à l’égard de leur enfant.
Ces raisons expliquent pourquoi la commission avait réécrit le texte.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. J’ai peut-être trop lu Françoise Dolto… (Sourires.) Je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 237 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 304, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après le mot :
couple
insérer les mots :
ou de la femme non mariée
La parole est à Mme le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 259 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Supprimer les mots :
et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement tend à supprimer la mention adoptée en commission spéciale et visant à rappeler « les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ».
L’assistance médicale à la procréation est un parcours lourd, difficile et réfléchi. Nous considérons, bien qu’attachés à ce qu’une information complète soit donnée au demandeur souhaitant procéder à un parcours d’AMP, que cet ajout introduit un jugement de valeur face à la démarche souhaitée.
Par ailleurs, il serait difficilement envisageable pour l’équipe médicale d’établir une relation de confiance si l’un des premiers éléments imposés est de rappeler que leur démarche n’est pas la bonne. Il n’est pas ici question de dissuader le demandeur et c’est, en quelque sorte, ce qui est induit par cette précision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je rappellerai tout de même le dispositif en vigueur jusqu’à présent et comment les choses se déroulaient dans la réalité. Il était effectivement prévu que, lorsqu’un couple souhaite bénéficier d’une AMP, il soit informé des possibilités en matière d’adoption, et qu’on lui remette ensuite un dossier comportant ces renseignements.
Dans le projet de loi tel qu’il nous a été transmis, il est toujours prévu que ces éléments sur l’adoption figurent dans le dossier, mais la mention d’un échange entre l’équipe et les parents a été supprimée. Toutefois, il semblait parfaitement cohérent, dans la mesure où les parents recevront un dossier mentionnant l’adoption, que le sujet ait été abordé au préalable lors de l’entretien avec l’équipe médicale pluridisciplinaire.
Nous avons donc rétabli cette cohérence qui existait, je le redis, jusqu’à maintenant, et qui ne semble pas avoir stigmatisé les couples.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous voterons cet amendement. Il faut bien avoir à l’esprit que l’on parle d’un couple ayant engagé une procédure de PMA, qui est extrêmement lourde. Peut-on penser une seule seconde que ces personnes, qui ont tenté pendant un certain temps d’avoir un enfant naturellement, n’ont pas réfléchi à l’adoption ? Et au moment précis où ils entament ce processus particulier – j’y insiste –, on va à nouveau leur parler de l’adoption. Je trouve cela terriblement culpabilisant. Il faut rester dans le processus et cesser de rappeler en permanence à ces couples que l’adoption est possible.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je rappelle que, depuis que les lois de bioéthique existent, lorsque les couples ont recours à une AMP, un dialogue s’instaure avec les membres de l’équipe, qui leur expliquent qu’ils peuvent avoir recours à l’adoption.
On estime désormais que ce n’est plus la peine de le leur expliquer, mais on leur donne un dossier dans lequel il est noté qu’ils peuvent s’orienter vers l’adoption. Cela peut être perturbant pour certains couples. C’est pourquoi la commission a simplement proposé de revenir au dispositif préexistant.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 192, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 38
1° Supprimer les mots :
, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission en vue de l’évaluation psychologique et sociale du couple ou de la femme s’apprêtant à avoir recours à une AMP, mesure qui figurait dans le projet de loi initial avant d’être supprimée lors de son examen à l’Assemblée nationale.
En outre, il vise à garantir au couple ou à la femme non mariée qu’on ne leur refusera pas l’accès à l’AMP en raison de l’orientation sexuelle, du statut marital ou de l’identité de genre.
Nous considérons, en premier lieu, que l’introduction de la mention de « l’évaluation psychologique et sociale » pose question au moment où nous nous apprêtons à voter le droit pour toutes à l’AMP. Certes, l’évaluation psychologique concernerait tous les couples, hétérosexuels ou lesbiens, ainsi que les femmes seules. Nous savons également qu’elle existe pour les couples souhaitant adopter un enfant.
Néanmoins, nous estimons que cela ne doit pas guider l’élaboration du dispositif d’AMP. En effet, un couple ou une femme non mariée souhaitant recourir à l’AMP n’ont pas à être différenciés d’un couple hétérosexuel décidant de faire un enfant sans avoir recours à cette technique. Dans ces trois cas, il s’agit d’un même projet parental.
Aussi, nous ne saisissons pas les raisons pour lesquelles, dans le cas où le projet s’inscrit dans le cadre d’une AMP, le couple ou la femme devrait subir une évaluation autre que médicale. Cela serait stigmatisant pour ces personnes et dommageable dans la procédure de l’AMP.
Ces évaluations ne viseraient-elles pas en fait à remettre en question le projet parental, les mesures éducatives, ainsi que l’environnement social du couple ou de la femme s’apprêtant à avoir recours à l’AMP ?
Nous ne pouvons nous empêcher de penser que l’introduction de ce type d’évaluation a un lien avec le projet parental d’un couple de femmes ou d’une femme seule, même indirect. Faut-il encore rappeler, à ce stade du débat, que les enfants issus d’une PMA, notamment ceux qui ont pour parents deux mères, ne sont pas moins épanouis ou plus épanouis que les autres. Je renvoie à toutes les études qui ont été réalisées sur ce sujet.
En second lieu, il nous semble très important, surtout au vu de nos discussions, que la loi garantisse expressément au sein du dispositif le principe de non-discrimination, en énonçant les motifs qui pourraient conduire une équipe médicale à refuser l’AMP à un couple ou à une femme seule.
Pour finir, nous regrettons que ce projet de loi, alors même qu’il constitue une avancée sociale importante, avec l’ouverture de la PMA pour toutes, contienne encore des dispositions discriminatoires qui traduisent une suspicion à l’égard des couples lesbiens et des femmes non mariées souhaitant s’engager dans un projet parental.
M. le président. L’amendement n° 260 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Supprimer les mots :
, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à supprimer la mention d’une « évaluation psychologique et, en tant que de besoin, sociale ».
Le groupe LaREM considère que cette évaluation peut être perçue négativement par les demandeurs, car elle pourrait donner le sentiment que l’accès à l’AMP est conditionné à une procédure d’agrément et susciter des inquiétudes, à juste titre.
Prenons l’exemple de la polémique récente concernant l’adoption des couples homoparentaux. La présence d’un psychiatre ou d’un psychologue spécialisé au sein de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire est suffisante pour procéder à l’évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée ayant un projet parental.
Cette notion de projet parental s’entend, selon le Conseil d’État, comme incluant tant le projet familial des parents que l’ensemble des conditions propres à garantir l’intérêt de l’enfant. De ce fait, il s’agit bien ici de s’assurer que le couple ou la femme non mariée pourra subvenir aux besoins de l’enfant.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié bis, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Bories, M. Chevrollier, Mme Lopez, M. Bascher, Mmes Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Piednoir, Mmes Bonfanti-Dossat et Noël et M. H. Leroy, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Supprimer les mots :
, en tant que de besoin,
La parole est à Mme Anne Chain-Larché.
Mme Anne Chain-Larché. Cet amendement vise à ce que l’évaluation médicale, psychologique et sociale soit systématique et non éventuelle.
Dans le cadre d’une procédure d’adoption, une enquête sociale et psychologique est imposée aux postulants. Cette enquête vise à déterminer les garanties que la famille peut offrir à l’enfant : capacités morales, éducatives, affectives, familiales et psychologiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Tout d’abord, pour évacuer tout risque de discrimination ou de stigmatisation qui serait associé aux dispositions soumises à notre discussion, j’indique que celles-ci sont d’ordre général et s’appliquent à l’AMP quel que soit le public concerné, qu’il s’agisse d’un couple hétérosexuel infertile, d’une femme seule ou d’un couple de femmes. Ces dispositions ne sont donc pas réservées à un public plus qu’à un autre.
Nous parlons d’évaluation psychologique et sociale au sein d’une procédure, l’AMP, qui existe déjà depuis un certain nombre d’années. Comment cela se passait-il ? Les recommandations de bonne pratique de l’Agence de la biomédecine, qui ont fait l’objet d’un arrêté, prévoyaient la présence d’un psychologue dans l’équipe pluridisciplinaire qui reçoit les couples demandeurs à l’AMP. Le projet de loi mentionnait également cette évaluation psychologique. L’Assemblée nationale l’a supprimée, tout en maintenant la présence d’un psychologue. Nous tirons les conséquences de la présence du psychologue dans cette équipe en indiquant qu’il sera procédé à une évaluation psychologique. Voilà quelle est la logique.
S’agissant de l’évaluation sociale, le texte relatif à l’AMP antérieur à celui de la commission et à la mouture de l’Assemblée nationale préconisait déjà la présence d’un travailleur social, en tant que de besoin, au sein de l’équipe pluridisciplinaire recevant les couples bénéficiaires d’une AMP.
Nous avons donc introduit, dans la même logique, la possibilité de procéder à une évaluation sociale « en tant que de besoin ». Autrement, rien ne justifie la présence de ce travailleur social. Nous l’avons introduite « en tant que de besoin », parce qu’elle ne doit pas être réalisée systématiquement. Ce sont les équipes qui estiment si, oui ou non, et encore une fois, quel que soit le public concerné, il est nécessaire de procéder à cette évaluation sociale, sans que cela soit discriminant.
Voilà pourquoi la commission a ainsi rédigé son texte. Elle émet un avis défavorable sur les dispositions qui y contreviennent.
Quant au rétablissement d’une référence que nous avons supprimée après son adoption à l’Assemblée nationale, selon laquelle cette évaluation du couple ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre, la commission y est également défavorable, car cette disposition serait tout à fait redondante avec le principe général de non-discrimination et le code de déontologie médicale.
De plus, au cours des auditions, nous avons observé que le corps médical était particulièrement heurté, et à juste titre, me semble-t-il, que nous estimions nécessaire de lui rappeler que, de manière générale et dans ses obligations déontologiques, il ne doit se livrer à aucune discrimination. Il ne nous a pas paru utile de maintenir cette disposition. C’est la raison pour laquelle, sur ce point, notre avis est aussi défavorable.
Enfin, sur l’amendement n° 45 rectifié bis qui tend à rendre systématique l’évaluation sociale, pour les raisons que j’ai indiquées, il me semble que ce n’est pas nécessaire. Laissons le soin à l’équipe de déterminer si l’évaluation se justifie, « en tant que de besoin », comme nous l’avons écrit. L’avis de la commission est donc défavorable aux trois amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 192 et 260 rectifié.
En revanche, il est défavorable à l’amendement n° 45 rectifié bis, qui vise à rendre systématique l’évaluation sociale préalable de tout demandeur à l’assistance médicale à la procréation. En effet, c’est le rôle de l’équipe clinicobiologique qui peut, si elle l’estime nécessaire, faire appel à un assistant social. Cela est très clairement précisé dans le projet de loi, à l’alinéa 35, sans qu’il soit besoin de le répéter.
Introduire une évaluation sociale alors que nous ouvrons l’AMP à de nouveaux publics laisse entendre aux intéressées qu’elles présentent une faiblesse et doivent, en conséquence, être protégées. Aujourd’hui, quand elles le jugent nécessaire, les équipes médicales font déjà appel à un assistant social. Nous souhaitons donc en rester au texte initial.
Enfin, nous approuvons l’interprétation que traduisent les amendements nos 192 et 260 rectifié : l’évaluation médicale globale prend en compte une évaluation psychologique. D’ailleurs, les psychologues font partie de l’équipe clinicobiologique. À nos yeux, il ne faut pas aller au-delà : de telles dispositions seraient discriminantes.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Sur ce point, la rédaction du texte de la commission est issue, pour partie, d’un de mes amendements, et je tiens à rassurer les uns et les autres quant à mon intention : après avoir voté la PMA pour toutes, je ne voulais en aucun cas tirer la ficelle dans l’autre sens.
Madame la ministre, je vous ai dit tout à l’heure combien vos propos m’enthousiasmaient. Mais reconnaissez que la situation n’est pas très claire. L’évaluation psychologique n’est pas réservée aux PMA destinées à des femmes : elle est prévue pour toutes les PMA et pour les adoptions. C’est déjà le cas aujourd’hui !
Bien sûr, il faut éviter toute discrimination. Mais – vous le précisez vous-même –, en tout état de cause, les équipes médicales comptent des psychologues ; en tout état de cause, une analyse psychologique est menée. En résumé, quand je le dis, c’est discriminant, mais quand vous le faites, c’est naturel ? (Rires et applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Il est difficile d’intervenir après Roger Karoutchi… (Sourires.) Pour ma part, je suivrai la commission spéciale ; toutefois, ces questions continuent de m’inspirer beaucoup de doutes. Je le sais pour avoir présidé un conseil de famille pendant un certain nombre d’années : les suivis psychologiques et les enquêtes sociales sont déjà mis en œuvre pour toute demande d’adoption. Or ces procédures m’ont toujours heurtée : elles sont presque vécues comme une inquisition par les familles, qui doivent accomplir un parcours du combattant.
M. Roger Karoutchi. C’est vrai.
Mme Élisabeth Doineau. À présent, il est question d’imposer ces démarches au titre de la PMA. Je le sais bien, il faut mesurer la capacité des parents, sur tous les plans, à accueillir un enfant, et l’exigence est sans doute plus forte encore dans le cas d’une adoption. Mais, très honnêtement, il me semble nécessaire d’approfondir la question : la volonté d’avoir un enfant relève de l’intime à un point tel que, pour certaines familles, ces épreuves sont très difficiles. Elles les questionnent parfois au point de les décourager.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Je suis favorable à la suppression des mentions ajoutées en commission.
Tout d’abord, il faut éviter un écueil, qui n’est pas propre au débat que nous consacrons, en l’occurrence, à la PMA, et qui reviendrait à distinguer socialement les « bons » et les « mauvais » parents.
On commence par devenir parent. Un certain nombre de facteurs sociaux, culturels ou psychologiques peuvent entraîner des défaillances ; mais ce n’est en aucun cas un postulat de départ. Nous devons nous prémunir contre ce préjugé.
D’ailleurs, je fais partie de ceux qui jugent un peu démagogiques les écoles de parents, les formations à la parentalité – même si elles sont peut-être plus nombreuses dans des communes dirigées par des élus de ma sensibilité politique. Il ne faut pas trop conditionner les gens ; il ne faut pas leur imposer une prétendue norme du « bon père », de la « bonne mère », des « bons parents ».
Évitons les faux débats et les mauvaises interprétations. Prenons garde aux attitudes moralistes, voire moralisantes, définissant ce que devrait être un parent. Dès que l’on aborde la question sociale, les dérives sont sans limites : à partir de quels revenus est-on un « bon parent » ? À partir de quel niveau d’études ? À partir de quelles connaissances ? À partir de quelles aptitudes ?
Madame la rapporteure, je vous vois hocher la tête, mais les mots ont un sens. Ils ont un sens partagé – je ne dirai pas « commun » ici –, mais ils ont aussi le sens que chacune et chacun leur donne. Or le terme d’« évaluation sociale » peut suggérer beaucoup de mauvaises interprétations. (Mme Éliane Assassi opine.) Si ces interprétations sont infondées, remplaçons-le par d’autres mots ! Ces sous-entendus n’aident pas le débat qui occupe le Sénat depuis deux jours !
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Pendant plus de quinze ans, j’ai été chargé de la protection de l’enfance, et donc de l’adoption, dans un grand département, à savoir les Bouches-du-Rhône.
L’adoption implique nécessairement des enquêtes psychologiques et sociales, dans un délai qui, en vertu de la loi, ne doit pas dépasser les neuf mois – cette durée, éminemment symbolique, rappelle bien sûr celle de la grossesse. Or, souvent, les familles vivent ces démarches comme une procédure inquisitoriale. À l’inverse, j’ai pu discuter avec certaines équipes très vigoureuses et constater que certaines peuvent avoir un sentiment de toute-puissance, celui, en quelque sorte, de donner la vie.
Je ne peux pas m’empêcher de faire le rapprochement entre les dispositions proposées ce soir et les mesures en vigueur pour l’adoption. J’irai même plus loin, quitte à être un tantinet provocateur : quand on voit dans quelles conditions certains couples conçoivent des enfants – qu’importe qu’ils soient hétérosexuels ou non –, on peut se demander s’ils disposent des capacités nécessaires, que ce soit d’un point de vue psychologique ou d’un point de vue social.
Je voterais volontiers cet amendement si les mêmes mesures étaient prises au titre de l’adoption.
M. Roger Karoutchi. Et voilà !
M. Michel Amiel. Mais, puisque tel n’est pas le cas, je ne le voterai pas !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il s’agit là d’une question très complexe. Si, à l’alinéa 38, dont nous discutons, il est prévu de « procéder à une évaluation médicale, psychologique et, en tant que de besoin, sociale », c’est parce que l’alinéa 48 – beaucoup plus loin – précise que le médecin peut ne pas mettre en œuvre la procédure d’assistance médicale à la procréation, notamment lorsque, « après concertation au sein de l’équipe […], il estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître ».
Mes chers collègues, vous le voyez bien : il n’y a pas de droit d’accès illimité et absolu à l’assistance médicale à la procréation, quels que soient d’ailleurs les demandeurs. Alors que sa formation de base ne l’y prépare pas, le médecin sera chargé de demander ce délai de réflexion – les termes sont pudiques : on n’organise pas une procédure permettant le retour des demandeurs. Ce médecin devra assumer une responsabilité qui le dépasse très largement : il faut donc pouvoir l’éclairer.
Voilà pourquoi, en commission spéciale, nous avons demandé l’ajout d’une enquête sociale, si le médecin la juge nécessaire. Après tout, une telle procédure n’est pas infamante. Comme l’a justement dit M. Amiel, elle est appliquée pour les adoptions, et cela ne choque personne.
Enfin, lorsque les demandeurs s’entendent répondre « non », ils gardent toutes les voies de recours dont on peut disposer contre une décision de son médecin : s’il s’agit d’un hôpital public, les tribunaux administratifs sont compétents ; s’il s’agit d’un établissement où le droit privé s’applique, la question relève des tribunaux judiciaires. Les demandeurs pourront faire reconnaître leurs droits. Mais le juge, lui, demandera nécessairement une expertise très approfondie.
Il est donc raisonnable de préciser que le droit à l’assistance médicale à la procréation n’est ni général ni absolu. Cela étant, il faut bien admettre que cette procédure est énoncée de manière extrêmement pudique, sans que tous les cas de figure soient rigoureusement prévus, sans que l’on indique aux demandeurs quels sont les recours qui s’offrent à eux.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame Cukierman, je tiens à vous rassurer : l’« évaluation sociale » est l’équivalent d’une mesure prononcée tous les jours par les tribunaux et qui s’appelle l’enquête sociale. Elle ne porte en aucun cas sur les niveaux de revenus ou d’études : il s’agit uniquement d’apprécier les conditions d’accueil d’un enfant. Le mot « social » ne camoufle aucune discrimination, il ne renvoie en aucun cas aux « classes sociales », expression à laquelle vous l’associez peut-être, comme me le fait supposer l’objet de votre amendement.
Je ne suis pas sûre de vous avoir rassurée…
Mme Cécile Cukierman. En effet !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. En tout cas, il s’agit là d’une réalité qui existe depuis bien longtemps dans notre pays, non seulement pour l’adoption, comme M. Amiel l’a indiqué, mais aussi, tout simplement, dans les litiges familiaux. Ces termes n’ont pas le sens que vous redoutez !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur Karoutchi, pour les parents accédant aujourd’hui à l’AMP, l’évaluation médicale par l’équipe pluridisciplinaire comprend, en tant que de besoin, une évaluation psychologique et sociale plus ou moins poussée.
Cette évaluation figure déjà dans les recommandations de bonnes pratiques, et les équipes y procèdent. C’est le fait de l’inscrire dans la loi, alors que nous ouvrons la PMA à toutes les femmes, qui me paraît inopportun. J’y insiste : cette évaluation est déjà mise en œuvre pour tout le monde dans les faits. Elle s’appliquera donc aux couples de femmes et aux femmes non mariées comme elle s’applique aux couples hétérosexuels.
M. le président. L’amendement n° 261 rectifié, présenté par Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi et Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 44
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) Une information relative à la nécessité pour les membres du couple ou la femme non mariée, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, d’anticiper et de créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité de ce qu’il est issu d’un don ;
II. – Après l’alinéa 45
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 6° Informer verbalement les membres du couple ou la femme non mariée, dans l’intérêt supérieur de l’enfant de la nécessité d’anticiper et de créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité de ce qu’il est issu d’un don.
III. – Alinéa 46
Remplacer la référence :
5°
par la référence :
6°
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Dans l’intérêt de l’enfant, le Gouvernement a entendu faciliter, par ce projet de loi, l’accès aux origines. En effet, la démarche, très personnelle, de recherche des origines ne saurait voir sa légitimité mise en cause. On peut même estimer que la loi doit l’accompagner.
Pour un enfant, le fait de savoir qu’il est issu d’un don constitue un préalable logique à la recherche des origines que lui seul décidera ensuite, à sa majorité, d’entreprendre ou non. Les associations d’enfants nés de dons de gamètes l’expriment bien : dans l’intérêt de l’enfant, il est important que ce dernier soit informé avant même sa majorité de son mode de conception.
C’est pourquoi nous proposons que les parents soient sensibilisés à cette question, dans le cadre de leur parcours d’AMP. Il s’agirait d’inscrire dans le dossier guide remis par le médecin aux couples ou aux femmes seules des éléments quant à la nécessité d’anticiper et, ce faisant, de créer des conditions permettant de faire savoir à l’enfant, avant sa majorité, qu’il est issu d’un don. Cette mention écrite serait renforcée par une information orale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a supprimé cette mention, qui ne paraît pas très normative et qui, de surcroît, est ambiguë : il s’agit d’inciter les parents à informer l’enfant « avant sa majorité ». En lisant cette formule, plusieurs personnes avaient compris que l’on proposait de lui donner cette information à la veille de ses 18 ans. Or, sauf erreur de ma part, ce n’est pas l’intention des auteurs de cette disposition, et ce n’est en aucun cas ce qu’il convient de faire : le secret de la conception doit être levé relativement tôt.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Eu égard à la construction de l’enfant, le projet de loi initial relevait la nécessité, pour les parents, de dire à leurs enfants qu’ils sont issus d’un don. Pour autant, je suis défavorable à cet amendement, qui vise à rendre cette information obligatoire – cela ne nous semble ni faisable ni souhaitable.
Mme Patricia Schillinger. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 261 rectifié est retiré.
L’amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Paccaud et Mme Bonfanti-Dossat, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Compléter cet alinéa par les mots :
ou à un avocat
La parole est à M. François Bonhomme.
M. François Bonhomme. Le dernier alinéa du nouvel article L. 2141-10 du code de la santé publique dispose que le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire. Cet amendement tend à ouvrir la possibilité pour le couple et la femme non mariée de donner, dans les mêmes conditions, leur consentement à un avocat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il y a quelques instants, nous avons examiné un amendement qui, dans la même logique, visait à permettre le recours à un avocat plutôt qu’à un notaire. Suivant le raisonnement que j’ai développé à ce titre, et que je ne répète pas, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Bonhomme, l’amendement n° 26 rectifié est-il maintenu ?
M. François Bonhomme. Non, je le retire !
M. le président. L’amendement n° 26 rectifié est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 115 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° 228 est présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Vaugrenard et Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
L’amendement n° 262 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 295 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéas 51 et 52
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 57
Supprimer les mots :
, en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique,
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 115 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à rétablir la prise en charge par l’assurance maladie de l’acte constitutif de la PMA pour tous les bénéficiaires, qu’il s’agisse de couples hétérosexuels, comme actuellement, ou encore de couples de femmes ou de femmes seules.
En privant de remboursement les femmes seules ou les couples de femmes, on compliquerait ou limiterait l’accès à la PMA pour les femmes les plus modestes ; le principe d’égalité s’en trouverait rompu du fait de leur seule orientation sexuelle. En outre, ces femmes pourraient être incitées à se tourner vers d’autres pratiques à risque pour leur santé, comme des rapports non protégés au hasard de rencontres avec des géniteurs potentiels ou des techniques d’insémination non sécurisées, voire artisanales.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 228.
Mme Laurence Rossignol. La commission spéciale a souhaité réserver aux seuls couples de sexes différents le remboursement par la sécurité sociale de l’AMP avec tiers donneur : elle a clairement voulu non pas exclure les couples lesbiens et les femmes seules de l’accès à l’AMP – lors des votes d’hier, une majorité s’est dégagée au Sénat en faveur de ce nouveau droit –, mais les priver d’un des fondements, d’un des piliers de notre République moderne : cette solidarité collective qu’organise la sécurité sociale ; ce signal d’appartenance à un monde solidaire, dans lequel on se soutient les uns les autres face aux aléas de la vie.
Exclure les couples lesbiens et les femmes seules revient à désigner les personnes légitimes à faire des enfants via l’AMP avec donneur. Incontestablement, cette mesure dissuade les femmes seules et les couples lesbiens de recourir à l’AMP, non seulement en envoyant un signal symbolique – l’exclusion de la sécurité sociale –, mais aussi, bien entendu, en infligeant une sanction financière.
Tout cela me rappelle terriblement les débats suscités par le droit à l’avortement. Nous sommes exactement dans la situation de 1975…
M. Roger Karoutchi. Personne ici n’y était…
Mme Laurence Rossignol. L’avortement était légalisé, mais il n’était pas remboursé par la sécurité sociale : il a fallu attendre 1982 pour que tel soit le cas ! Or, aujourd’hui, on entend les mêmes mots qu’au sujet de l’avortement. « AMP de confort », « AMP de convenance » ; aujourd’hui encore, certains parlent d’« avortement de confort », d’« avortement de convenance ». Aujourd’hui encore, les porte-parole de l’extrême droite demandent le déremboursement de l’avortement.
Aussi, comme en 1975, on nous propose une forme de compromis. Pour répondre aux fortes demandes de la société, on avait dépénalisé l’avortement tout en conservant une dimension dissuasive, par le non-remboursement. Aujourd’hui, le Sénat légaliserait l’AMP pour les couples de femmes et les femmes seules tout en leur refusant le bénéfice de la sécurité sociale.
Enfin, je m’adresse à ceux qui, dans cette assemblée, défendent une politique extrêmement nataliste…
M. Loïc Hervé. Nous devrions tous le faire !
Mme Laurence Rossignol. Pourquoi se priver des enfants des femmes seules et des couples lesbiens ?
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 262 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Dans sa rédaction initiale, l’article 1er garantissait l’égal accès aux techniques de procréation médicalement assistée pour l’ensemble des femmes, que leur impossibilité d’avoir un enfant soit liée à une infertilité ou à leur situation personnelle. Par la prise en charge intégrale de l’AMP par l’assurance maladie, ce texte rendait donc réel l’accès à un droit étendu.
À ce titre, il est regrettable que la commission spéciale ait réduit le champ de la prise en charge aux couples hétérosexuels et selon un critère pathologique.
Premièrement, la mise en œuvre de l’AMP pour les couples hétérosexuels ne s’inscrit pas toujours, en pratique, dans un contexte pathologique.
Deuxièmement, comme le rappelle le Conseil d’État, « l’équité commande de ne pas écarter les personnes les plus démunies de la prise en charge des techniques d’AMP ». Or c’est précisément ce à quoi aboutit le texte de la commission spéciale. La restriction prévue ferait perdurer la corrélation qui existe aujourd’hui, dans les faits, entre ressources économiques et concrétisation du projet parental des couples de femmes et des femmes seules.
Troisièmement et enfin, alors que la question des coûts ne saurait constituer le critère ultime de décision en la matière, une estimation figurant dans l’étude d’impact se révèle éclairante : le coût annuel de l’ouverture de l’AMP représenterait 5 % du coût total de l’AMP aujourd’hui.
Mes chers collègues, reconnaître dans la loi la légitimité d’un projet parental tout en le privant, en pratique, des conditions de sa réalisation nous paraît peu soutenable. C’est pourquoi nous proposons par cet amendement de réintroduire la prise en charge de l’AMP pour l’ensemble des couples hétérosexuels ainsi que pour les couples de femmes et les femmes seules.
M. Julien Bargeton. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Tout est dit !
M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 295.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Évidemment, le Gouvernement cherche à rétablir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie de tous les actes d’AMP, pour l’ensemble des assurés.
Aujourd’hui, l’AMP n’est pas le traitement d’une pathologie, quand bien même il en existe une, et encore moins la prévention d’une pathologie. Pourtant, elle est prise en charge, et pour cause : il s’agit bien d’un acte médical exercé dans un cadre médical accompagné et à l’issue d’une évaluation médicale. Le cadre sera exactement le même pour les couples de femmes et les femmes non mariées.
La commission spéciale a souhaité réserver la prise en charge de l’assistance médicale à la procréation par l’assurance maladie aux seuls couples hétérosexuels infertiles. Ce faisant, on ouvrirait un nouveau droit aux femmes sans le rendre effectif, ce qui, de fait, revient à s’y opposer.
Pour sa part, le Gouvernement instaure une égalité de traitement entre toutes les personnes bénéficiaires de la protection universelle maladie. Ce choix est conforme au principe d’égalité devant la protection sociale et au principe de solidarité, qui, avec la dignité et la liberté, est l’un des trois principes fondateurs du modèle bioéthique français.
Une des priorités des politiques publiques est de chercher à limiter les inégalités sociales liées aux revenus : le Gouvernement ne pourrait se résoudre à ouvrir un droit qui serait réservé aux femmes les plus aisées.
En tout état de cause, le Conseil d’État a tranché la question par son étude de juin 2018 : « Il paraît exclu, pour des raisons juridiques, d’établir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle. » Voilà pourquoi nous entendons revenir au texte initial : nous ne souhaitons pas aboutir à un droit formel, qui ne serait pas un droit réel.
Mme Laurence Cohen. Bravo !
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Cazabonne, Guerriau, Cadic, Vanlerenberghe, Capo-Canellas et Détraigne, Mmes Saint-Pé et Schillinger et M. Delcros, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 52
Remplacer les mots :
du I de l’article L. 2141-2
par les mots :
des articles L. 2141-2 et L. 2141-2-1
II. – Alinéa 57
Supprimer les mots :
, en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique,
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Compte tenu des explications que Mme la ministre et nos collègues viennent d’apporter, je retire mon amendement au profit des précédents.
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur les amendements restant en discussion ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous le rappelons aujourd’hui comme hier : dans cette assemblée, il faut peut-être faire du droit… Ainsi, pour savoir les actes qui doivent être remboursés par la sécurité sociale, nous nous référons au code de la sécurité sociale et aux conditions de prise en charge de ces actes, lesquelles sont assez clairement définies.
Notre système de solidarité nationale, auquel – j’en suis persuadée – nous tenons tous autant, a vocation à assurer « la protection contre le risque et les conséquences de la maladie ». Confrontons ce texte, qui me paraît assez clair, avec le type d’AMP dont il s’agirait de garantir la prise en charge, non pas en fonction du public auquel il se destine, mais selon son caractère véritablement médical.
Madame le ministre, je suis en complet désaccord avec vous lorsque vous indiquez que, pour les couples hétérosexuels, l’AMP actuellement remboursée ne présente pas de caractère médical. Je cite le texte : « L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple formé d’un homme et d’une femme dont le caractère pathologique est médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité. » Il me semble que nous nous trouvons là dans les conditions de remboursement fixées par le code de la sécurité sociale.
Pour ce qui concerne le public que nous avons ajouté, à savoir les femmes seules et les couples de femmes, nous ne sommes pas en présence d’une infertilité médicalement constatée. Si les couples de femmes ou les femmes seules ne peuvent pas avoir d’enfant, c’est tout simplement parce que l’espèce humaine est à procréation sexuée : seul ou avec un individu du même sexe, on ne peut pas avoir d’enfant.
En l’occurrence, nous ne sommes pas dans les conditions de prise en charge de la sécurité sociale. Nous estimons que la solidarité nationale n’a pas à être mise en œuvre. La commission confirme donc son avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Je tiens à intervenir, au nom de la justice, pour tous les couples hétérosexuels qui bénéficient de la sécurité sociale, notamment afin d’obtenir un congé de paternité ou de maternité – selon le sexe hérité des parents…
Mme Éliane Assassi. « Hérité des parents » ?
M. Sébastien Meurant. Chers et éminents collègues, je me tourne vers vous : certains d’entre vous ont soutenu des politiques contraires à l’intérêt des familles françaises. On en a vu le résultat : la baisse de la natalité.
En tant qu’ancien maire, je peux témoigner que, dans le cas de PMA réalisées à l’étranger et remboursées par la sécurité sociale – j’interroge à ce sujet Mme la ministre ! –, une même personne peut demander une fois un congé de paternité et une autre un congé de maternité. Cela me semble constituer une injustice majeure à l’endroit des couples hétérosexuels dont les membres sont père ou mère, mais pas les deux. (Sourires sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) C’est du vécu ! Je pose la question : s’agit-il d’une injustice ? Oui, à mon sens, et j’espère que vous serez tous d’accord.
Mme Éliane Assassi. Il est temps pour vous d’adhérer au Rassemblement national, ce serait plus clair !
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour explication de vote.
M. Michel Amiel. Il y a quand même quelque chose que je ne comprends pas au sujet de cet amendement. Vous connaissez ma position : je n’ai pas voté l’ouverture de la PMA aux couples de femmes.
Pourtant, à partir du moment où la commission spéciale et le Sénat en séance publique ont estimé qu’il s’agissait d’une mesure judicieuse, il me paraît normal qu’elle soit remboursée au titre de la solidarité dont la sécurité sociale est le socle, pour des raisons d’égalité sociale, comme l’a bien expliqué Mme Laurence Rossignol.
Ainsi, même si je n’ai pas voté l’ouverture de la PMA aux couples de femmes, je vais voter cet amendement qui me semble juste d’un point de vue social.
Madame le rapporteur, pardonnez-moi, mais j’ai le sentiment que la commission spéciale se donne quelque peu bonne conscience en cherchant presque à « se rattraper » d’avoir voté l’ouverture de la PMA pour toutes et fait tout à coup marche arrière en faisant en sorte que cette opération ne soit pas remboursée. On frôle l’hypocrisie !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je vais répéter les termes du débat d’hier : alors que nous nous apprêtons à voter l’ouverture d’un droit pour toutes, la majorité de la commission spéciale impose immédiatement des obstacles.
Plusieurs de mes collègues l’ont dit, ceux-ci vont concerner un certain nombre de femmes seules ou en couple, et sont donc inégalitaires et discriminatoires. Alors que nos débats ont été positifs, que nous avons réfléchi ensemble, que certains ont avancé – de mon point de vue ! – en reconnaissant ce droit, il me semble que nous devons aller au bout de cette démarche.
L’attitude que défend notamment Mme la rapporteure revêt à mon sens un caractère punitif. Nous devons plutôt réfléchir et ne pas nous cacher derrière l’aspect thérapeutique des actes qui seraient remboursés par la sécurité sociale. J’ai fait valoir hier l’exemple du congé de maternité, lequel ne relève pas d’une pathologie, mais est bien pris en charge par la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je voudrais d’abord revenir sur les propos de Mme la ministre au sujet de l’avis du Conseil d’État. C’est important : il est vrai que le Conseil d’État a indiqué qu’il paraissait exclu, pour des raisons juridiques, d’établir un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle. Sur ce point, je vous rejoins.
Toutefois, il a également précisé : « Le seul critère pertinent serait la visée thérapeutique, à l’instar de ce qui existe pour distinguer la chirurgie esthétique de la chirurgie réparatrice. » C’est toute la différence que nous souhaitons mettre en place.
J’en viens aux autres prises de parole. S’agissant de la politique nataliste, il est vrai que nous évoquons beaucoup depuis quelques années, souvent dans le cadre de la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale, une déficience de la politique nataliste au regard de ce qui existait précédemment. Il est sans doute inutile de vous rappeler le sort du quotient familial, de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), etc. ; toutes ces prestations familiales ont été sinon supprimées, au moins fortement réduites depuis sept ans – cinq années de mandat de François Hollande et deux années de mandat d’Emmanuel Macron.
À la suite de ces politiques, on a constaté une baisse de la natalité. Elles n’en sont sûrement pas la cause unique, certes, mais elles ont joué un rôle. En revanche, notre demande que la sécurité sociale ne prenne pas en charge l’acte d’AMP n’entraînera pas obligatoirement sur le territoire national une baisse de natalité aussi importante que celle qui s’est produite sous votre responsabilité.
Pour ce qui concerne la prise en charge par la sécurité sociale, Mme la ministre a avancé qu’il n’y avait pas toujours de pathologie dans le cas des couples hétérosexuels. Certes, mais la prise en charge de l’AMP est décidée à partir du moment où, dans un couple hétérosexuel, une infertilité est médicalement constatée. Si un médecin constate une infertilité, c’est bien qu’il existe un problème médical quelque part.
À mon sens, nous devons défendre le fait que le remboursement s’attache à un acte médical justifié par une pathologie quelconque, même s’il ne s’agit que d’une infertilité médicalement constatée.
L’IVG, Mme Laurence Rossignol a raison de l’indiquer, a été prise en charge par la sécurité sociale, non pas dès 1975, malheureusement, mais à partir de 1982. Il n’en demeure pas moins que cet acte est complètement différent de l’acte d’AMP : il s’agit d’une opération chirurgicale importante. L’AMP en est une aussi, mais présente moins de danger pour l’utérus.
Enfin, je voudrais rappeler un point important que j’ai énoncé hier, mais dont personne ne veut parler dans certaines travées de cette assemblée : à la rigueur, si la sécurité sociale ne prend pas en charge l’AMP, les mutuelles, qui font, comme vous le savez, des bénéfices assez considérables, peuvent s’amuser à le faire sans difficulté. (Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Laurence Rossignol. S’amuser, vraiment ?
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Pardon d’avoir utilisé ce terme !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Pourquoi l’assurance maladie rembourse-t-elle actuellement l’assistance médicale à la procréation ? Parce que celle-ci est réservée aux couples infertiles, après constatation médicale de cette infertilité, et qu’elle consiste à appliquer, en quelque sorte, des soins visant à y remédier.
L’assurance maladie ne couvre donc pas ces actes de soin parce que ceux-ci relèveraient d’un droit. Par conséquent, on ne saurait faire argument d’un droit existant à un financement par la solidarité nationale de l’assistance médicale à la procréation pour, ipso facto, l’appliquer aux nouveaux cas auxquels serait ouverte cette procédure. Ceux-ci sont en effet de nature différente et ne sont pas justifiés par une situation médicalement constatée.
Il est évident que, si l’on n’a pas trouvé médicalement la cause de l’infertilité, cette dernière a néanmoins été constatée. Si les couples se soumettent au traitement de l’infertilité, dont chacun a pu rappeler qu’il s’agissait d’un traitement particulièrement pénible dans un certain nombre de cas, c’est bien qu’ils ne parviennent pas à avoir d’enfant.
Nous sommes dans une situation bien différente dès lors que nous élargissons l’assistance médicale à la procréation, parce que, dans ces cas-là, il n’y a pas de cause médicale à la situation et il ne s’agit pas de traiter une infertilité relevant d’une pathologie, même quand on n’en a pas déterminé les causes médicales.
Par conséquent, il me paraît tout à fait abusif d’évoquer un droit déjà constaté dans le régime de l’assistance médicale à procréation, dont nous priverions uniquement les nouveaux arrivants. Il faut faire cette distinction ; je ne vois pas quelle serait la légitimité d’un financement par l’assurance maladie de quelque chose qui ne relève en aucun cas d’une indication médicale.
Vous pouvez décider, parce que vous êtes le Gouvernement, parce que vous avez une majorité à l’Assemblée nationale, de mettre en place un financement solidaire ; personnellement, je m’y opposerai, puisque je ne suis pas favorable à cette extension de l’assistance médicale à la procréation. Cependant, si vous le faites parce que c’est une de vos priorités, trouvez pour cela un budget sur un autre chapitre que l’assurance maladie, qui n’est pas faite pour cela. Cette évolution représenterait pour elle une charge indue : elle n’est pas la vache à lait des politiques gouvernementales de solidarité ! (Oh ! sur les travées du groupe CRCE. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Le président Alain Milon évoque la PMA pour les couples hétérosexuels souffrant d’infertilité constatée ; or nous avons dit hier que, bien souvent, quelques années après une PMA, le couple retrouvait une fertilité naturelle. Dira-t-on à ces couples, après des années, que, puisqu’ils ont retrouvé la fertilité, ils doivent rembourser la PMA ?
En outre, une PMA ne fonctionne pas toujours du premier coup. Jusqu’où va-t-on prendre en charge un couple hétérosexuel dont la PMA ne fonctionne pas tout de suite ? Jusqu’où irons-nous dans la prise en charge pour une femme seule ou pour un couple de femmes ?
Aujourd’hui, une PMA à l’étranger, en Belgique ou en Espagne, coûte 500 euros. Ne risque-t-on pas, si cette procédure n’était pas prise en charge en France, de provoquer une nouvelle déviance en envoyant ces couples dans les pays étrangers payer de façon plus ou moins occulte un acte chirurgical, une PMA, dont, ensuite, la sécurité sociale prendra en charge en France le suivi médicalisé ?
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. La définition de l’infertilité est plus complexe qu’il n’y paraît. L’infertilité est définie par une absence de grossesse après douze ou vingt-quatre mois de rapports sexuels complets et réguliers, deux à trois fois par semaine, sans contraception.
Je ne sais pas si cette définition est éminemment médicale et si le médecin peut véritablement vérifier cette infertilité dans un couple hétérosexuel et en témoigner, mais il la constate. Toutefois, sa cause « médicale » peut très bien ne pas l’être : le couple n’a peut-être pas suffisamment, voire pas du tout, de rapports sexuels et demande tout de même une PMA.
Pour un couple homosexuel ou pour une femme seule, le constat est à peu près le même. Avoir ouvert la PMA à toutes et à tous et, à ce stade de la discussion, en empêcher le remboursement me semble être un non-sens, qui créerait une distorsion d’égalité, au motif d’une définition de l’infertilité qui, somme toute, pourrait s’appliquer autant aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Véronique Guillotin a rappelé la définition de l’infertilité que je voulais donner. Il existe une ambiguïté à propos de l’expression « médicalement constatée », qui signifie simplement « constatée par des médecins ». Ceux-ci se contentent donc de constater qu’un couple suivi depuis plusieurs mois déclare que, malgré des rapports sexuels réguliers, voire fréquents, il ne parvient toujours pas à provoquer une grossesse.
Mes chers collègues, on ne soigne pas l’infertilité. L’AMP ne soigne pas l’infertilité, celui qui est infertile avant est toujours aussi infertile après. En revanche, le couple a un enfant.
Dès lors qu’il n’y a pas de traitement médical de l’infertilité par l’AMP, je ne vois pas pourquoi vous en refuseriez la prise en charge aux couples de femmes ou aux femmes seules, si ce n’est, comme l’a dit spontanément le président Philippe Bas, parce que, comme il y est opposé, il ne veut pas que la sécurité sociale la couvre.
Cette opposition à l’AMP renvoie à un autre débat : je vous rappelle que l’AMP avec tiers donneur n’est pas aussi consensuelle que l’on veut bien le croire. Les associations les plus activistes sur ces sujets ainsi que le Vatican y sont également opposés, même si ce dernier a dû s’adapter parce que des couples souhaitaient à la fois rester dans l’Église catholique et pratiquer de telles AMP.
Le problème qui nous occupe est donc antérieur et relève bien plus, à mon avis, de la grande réticence avec laquelle vous avez concédé l’AMP avec tiers donneur aux couples hétérosexuels, une concession que vous refusez aux couples lesbiens, parce que vous leur déniez, en réalité, le droit d’avoir des enfants et de les élever.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Pour répondre à M. Jean-Pierre Corbisez, il est vrai qu’après une AMP, parfois, les grossesses naturelles reviennent.
M. Jean-Pierre Corbisez. C’est un miracle ! (Sourires.)
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Ce n’est pas un miracle, ce phénomène a certainement des causes que l’on n’a pas toujours découvertes. L’AMP peut ainsi débloquer certaines choses, mais on ne sait pas toujours quoi.
Madame Rossignol, je vous répondrais sous forme de boutade : on ne soigne pas non plus une arthrose de la hanche bien évoluée, on met une prothèse, donc on ne fait que remplacer l’articulation, on ne la soigne pas.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Nous devons avoir conscience que le champ des prises en charge de la sécurité sociale a considérablement évolué depuis sa création. Elle dépensait alors l’essentiel de ses budgets dans des indemnités journalières et non dans des soins, lesquels sont arrivés ensuite, suivis par les actes de prévention, qui occupent progressivement une part de plus en plus importante. C’est le soin qui est pris en charge, plus que l’indication.
Je vous rappelle que René Frydman raconte dans Le Droit de choisir, un livre publié en 2017, que, comme ses collègues spécialistes de la reproduction, il a reçu des couples qui lui ont dit qu’ils n’avaient aucune vie sexuelle, tout en lui demandant une aide médicale à la procréation. Ce n’est pas une situation anecdotique. Il explique que, comme ses collègues, il ne voit pas pourquoi il leur aurait refusé une prise en charge au motif qu’ils ne sont pas venus pour un diagnostic d’infertilité.
Cela peut vous choquer, car ces gens ne souffraient pas de pathologies, mais recherchaient un soin et il a eu raison d’accéder à leur demande, non seulement par empathie individuelle, mais, de façon plus générale, parce que la mission de la sécurité sociale est, à mon sens, d’apporter ces soins et de les prendre en charge.
J’entends la cohérence du raisonnement de ceux qui s’opposent à cette extension de la PMA et donc à son remboursement, mais vous ne pouvez pas nier que la conséquence très directe de ce choix, c’est que les personnes concernées vont se répartir en deux catégories : celles qui auront les moyens et qui franchiront le pas et celles qui ne les auront pas et qui ne le feront pas.
Vous prenez donc, encore une fois, une décision de nature restrictive qui vise à limiter la portée du droit nouveau que nous avons ouvert.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Au regard de nos débats depuis le début, il me semble que la question du financement de cette procédure nous permet de prendre du recul sur nos votes et d’évaluer les décisions que nous avons prises.
Sans chercher à renforcer les polémiques, je considère que, lorsque l’on ouvre un droit, à l’issue d’une discussion d’une telle qualité, il faut sortir de cette question du financement : il y aura une expérimentation et une évaluation.
Par ailleurs, monsieur le président Alain Milon, je vous prie de me pardonner de vous le faire remarquer, après tout, cela m’arrive à moi aussi, mais votre réponse à Mme Laurence Rossignol, cette comparaison avec la prothèse de hanche, n’était pas très brillante ! Je fais partie de ceux qui ne cherchent pas la polémique pour la polémique, je referme donc immédiatement cette parenthèse pour éviter de commenter plus avant cette réaction.
En revanche, j’ai repéré une réponse politique, qui explique qu’il reste des divergences entre nous, même si nous votons parfois de manière identique. Je vous ai ainsi entendu glisser l’idée selon laquelle les mutuelles pourraient agir non pas en complément de la sécurité sociale, mais en s’y substituant.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. C’est déjà le cas !
M. Pascal Savoldelli. Ces mots ont un sens politique.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Ce débat est important et je veux dire mon total soutien aux argumentations qui ont été présentées par mes collègues, en particulier Laurence Rossignol et Bernard Jomier.
Citons quelques chiffres dans le détail : le coût d’une fécondation in vitro, une des formes de PMA les plus onéreuses, est estimé autour de 3 000 euros. Il faut en outre lui ajouter le prix de la conservation des gamètes, les médicaments de stimulation ovarienne et d’autres frais. Dans un avis de 2017, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) évalue le coût global moyen de trois cycles de traitement de fécondation in vitro à 20 000 euros par femme.
Pour l’assurance maladie, selon le conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, le coût de l’AMP peut être évalué entre 200 millions d’euros et 300 millions d’euros, c’est-à-dire 0,1 % de l’ensemble des dépenses de l’assurance maladie avec un Ondam atteignant quelque 200 milliards d’euros.
Le sujet de l’article 1er est l’ouverture de ce droit, mais vous le fermez aujourd’hui en refusant sa prise en charge par la sécurité sociale, ce n’est pas acceptable et je partage entièrement les arguments qui ont été présentés.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote.
M. Olivier Cadic. Ces débats sur la PMA me rappellent un épisode de l’histoire de France : comme Catherine de Médicis et Henri II n’arrivaient pas à avoir d’enfant, un médecin expliqua à la première que, pour des raisons physiologiques, il fallait qu’ils s’y prennent d’une certaine manière pour obtenir le succès. Ils ont eu cinq enfants… (Exclamations amusées.) Un premier exemple de procréation médicalement assistée ! (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Je relate cette histoire parce que je la comprends et qu’elle est parlante. Il y a quelques instants, Philippe Bas a déployé une démonstration qui m’a paru excessivement intelligente, mais à laquelle je n’ai rien compris. (Rires.) Ce que j’ai compris, mon cher collègue, c’est que vous êtes contre le remboursement, mais ce qui précédait était un peu compliqué pour moi…
J’ai voté l’amendement sur la PMA post mortem pour une raison de liberté. Je voterai l’amendement du Gouvernement au nom d’un autre principe républicain : l’égalité. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.
M. Fabien Gay. Nous avons eu un débat long et argumenté sur l’ouverture de la PMA. Pour ma part, je ne mêlerai pas à ce débat la discussion que nous sommes en train d’avoir. À cet égard, j’étais d’accord avec un précédent orateur, qui a dit : j’ai voté contre, mais ce n’est plus la question.
Dès lors que nous avons collectivement décidé d’ouvrir un droit – au sein de notre groupe, nous y étions favorables, à une exception près –, la question qui nous est posée est celle-ci : comment assurer l’égal accès à ce droit ? Car il ne faudrait pas que certaines puissent se le payer, d’autres non.
Nous avons ouvert un droit – je pense, moi, qu’il est juste. Maintenant, nous devons garantir l’accès à ce droit en instaurant le remboursement par la sécurité sociale. Sinon, nous créerons une inégalité de fait !
Même celles et ceux qui ont voté contre l’ouverture, ce que je respecte, devraient accepter de dissocier les deux questions et admettre que ce droit, dès lors qu’il est ouvert, doit être également garanti à tous, comme l’ensemble des droits acquis et régulièrement créés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 115 rectifié, 228, 262 rectifié et 295.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 68 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l’adoption | 142 |
Contre | 176 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 46 rectifié bis, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, de Nicolaÿ, Chaize et B. Fournier, Mme Bories, M. Bascher, Mme Deroche, MM. Mandelli et Piednoir et Mme Noël, est ainsi libellé :
Alinéa 55
Remplacer les mots :
de l’infertilité
par les mots :
de la stérilité
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement de précision vise à substituer à la notion d’infertilité celle, figurant déjà à l’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale, de stérilité, par cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est exact que l’article cité vise la prise en charge de la stérilité, alors que, en matière d’assistance médicale à la procréation, les textes mentionnent, depuis 1994, l’infertilité.
À la vérité, mon cher collègue, il serait sans doute plus judicieux d’opérer la substitution inverse de celle que vous proposez, l’infertilité étant une notion plus large que la stérilité. Je demande donc le retrait de l’amendement ; avis défavorable s’il est maintenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 276 |
Pour l’adoption | 160 |
Contre | 116 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur des travées des groupes LaREM, SOCR et CRCE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mes chers collègues, nous avons examiné 56 amendements au cours de la journée ; il en reste 207 à examiner sur ce texte.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents. Ces conclusions sont donc adoptées.
8
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 23 janvier 2020 :
À dix heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication