Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai contre ces amendements, car je ne vois pas de contradiction dans les arguments de la commission spéciale. Ce n’est pas un problème de temps, de délai ou de jour, c’est un problème psychologique.
Le processus qui aboutit à une interruption médicale de grossesse nécessite effectivement un temps long. Je retourne donc l’argument : puisque ce temps est long, pourquoi imposer un délai de sept jours qui amène à se réinterroger sur une décision déjà très douloureuse ?
Ce délai de sept jours rajoute de la douleur et de la souffrance à une situation déjà très difficile. C’est un processus suffisamment réfléchi, mûri dans une relation de confiance engagée entre les équipes médicales et la patiente dans ce processus qui aboutit à cette interruption médicale de grossesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme beaucoup de mes collègues l’ont rappelé, l’interruption médicale de grossesse est lourde. Cette décision, qui impacte les femmes et les couples, est prise en complémentarité avec les équipes médicales.
Lors des auditions, nous avons pu constater que ce sont des équipes médicales extrêmement performantes qui entourent la femme et le couple, avec un accompagnement, psychologique. Les personnes ne sont pas laissées dans la nature.
Je pense qu’il faut, à un moment donné, faire confiance à ce travail minutieux qui permet de prendre la décision en toute connaissance de cause dans une pleine confiance entre l’équipe médicale et la patiente.
Autre argument que je souhaite développer, il convient de faire confiance non seulement aux équipes médicales, mais aussi aux femmes en les laissant prendre leur décision.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour explication de vote.
Mme Michèle Vullien. Je n’ai pas tout à fait la même approche car, même si l’on fait confiance aux équipes médicales, il s’agit d’une décision très forte.
À partir de quel moment considère-t-on que la décision de l’équipe médicale et du couple prend effet ? Il me semble qu’un délai de huit jours n’est pas du tout superflu. Après tout, pour les actes d’achat, des délais de rétractation de sept ou huit jours sont prévus, alors qu’ils concernent des biens matériels. Pour quelque chose d’aussi important, il conviendrait donc qu’une date soit actée et qu’un véritable délai de réflexion soit proposé au couple afin qu’il puisse prendre sa décision.
Je voterai pour ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il ne faut pas dire, me semble-t-il, qu’il s’agit de créer un délai, puisque celui-ci existe et qu’il est appliqué. Pour ma part, je n’ai pas entendu dire que ce délai avait occasionné des difficultés d’application.
Par ailleurs, et cela a déjà été suggéré, de nombreuses législations prévoient des délais préalables à la confirmation d’une décision, que l’on appelle souvent « délais de rétractation ».
S’agissant d’une décision qui est de la plus haute importance pour la femme qui doit la prendre, il est protecteur d’affirmer qu’il existe un délai de réflexion, lequel ne retire rien à la confiance que l’on peut avoir dans la décision libre et éclairée de chaque personne.
Un tel délai crée, au contraire, les conditions d’une décision prise de manière libre et éclairée, en dehors du contexte de l’équipe médicale qui a donné les informations, mais peut-être au sein d’un environnement familial qui permettra à la femme de s’appuyer sur ses proches en prenant un peu de temps.
Dans le cadre de cette procédure, en effet, la décision est irréversible ; on ne pourra pas y revenir ! Il est donc très important que cette réflexion puisse être menée avec sérénité, dans un cadre pacificateur ouvrant la possibilité de la décision. Il s’agit en réalité de soutenir la personne concernée.
Il me semble important de maintenir la législation en vigueur, dès lors que celle-ci n’a pas provoqué de difficultés d’application mais a permis, au contraire, à chacun de prendre chez soi le temps d’aboutir à une décision sage et mûrement réfléchie, en son âme et conscience, après y avoir consacré plusieurs jours et plusieurs nuits.
Pourquoi vouloir précipiter les choses et sceller la décision alors que l’on a un peu de temps devant soi, sans pour autant compromettre la possibilité du choix ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souhaite rappeler qu’il n’existe plus, depuis 2016, de temps de réflexion prévu pour l’IVG. En l’occurrence, le cas est différent puisque nous parlons de l’interruption médicale de grossesse, soit une situation extrêmement douloureuse : une équipe médicale donne à un couple qui souhaite, bien sûr, garder son enfant une information impliquant l’éventualité d’une IMG.
Je pense qu’il ne convient pas, dans ce cas, de fixer de délai. Il est bien évident qu’à la suite de l’avis médical, la famille va réfléchir. Mais le fait de prévoir un délai précis, par exemple huit jours, pourrait entraîner des problèmes graves dans le cadre d’une éventuelle IMG.
Je voterai donc contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je suis assez favorable à la position de M. Chasseing tendant à ne pas prévoir de délai. Lorsqu’une anomalie est annoncée et qu’il faut absolument pratiquer une IMG, il s’écoule obligatoirement avant cette intervention un certain laps de temps, lequel ne sera jamais très court, mais permettra, à chaque fois, aux personnes concernées de réfléchir.
Les médecins ont toujours la volonté de laisser les personnes réfléchir. Aucun médecin ne dira à une femme que cet acte doit être fait immédiatement, le lendemain ou le surlendemain. Ce temps d’attente, qui est lié à la préparation de l’intervention, est d’ores et déjà un délai de réflexion.
Il faut faire confiance au médecin. C’est lui qui évaluera, en fonction de la patiente qu’il a en face de lui, s’il faut attendre et réfléchir ou intervenir rapidement. Ces éléments étant d’ordre individuel, le fait de fixer un délai de réflexion de sept jours risque d’être préjudiciable à certaines personnes.
Je voterai contre les amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur Bernard Jomier, dans les faits, ce temps de réflexion existe. L’IMG est un processus qui comprend le diagnostic, l’explication du diagnostic et le délai de réflexion, l’ensemble de ces étapes durant presque une semaine.
L’ajout proposé n’apportant rien, nous voterons contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je rappelle que le Conseil d’État lui-même avait affirmé regretter la suppression du délai de réflexion.
Sur de telles questions éthiques, mes chers collègues, qui peut s’opposer à ce que l’on puisse réfléchir et, en l’espèce, à ce qu’un délai de réflexion soit prévu ? Il s’agit en effet d’une décision importante qui nécessite de prendre connaissance de l’ensemble des problèmes posés et de la situation. La femme doit donc pouvoir agir en toute connaissance de cause et prendre le recul nécessaire en toute liberté. À cet égard, il me semble important de prévoir ce temps de réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Je voterai contre ces amendements, pour des raisons médicales.
M. le rapporteur vient de me rappeler qu’environ 7 000 IMG étaient effectuées en France chaque année. Par ailleurs, 500 propositions d’IMG sont refusées par les couples : c’est bien la preuve que l’on donne à ceux-ci le temps nécessaire à la réflexion.
Il faut également savoir que 500 demandes d’IMG formulées par des couples sont refusées par les médecins. Il n’est donc pas question ici de faire n’importe quoi n’importe comment…
Je reprendrai les mots employés par Philippe Bas, qui disait que la femme devait prendre sa décision de manière libre et éclairée.
Où se trouve la liberté de choix lorsque l’on annonce à une dame qu’elle est enceinte d’un enfant qui va décéder, ou qui présente de nombreux problèmes, ou qui met sa vie en danger ? Cette liberté n’existe plus ! Il faut que la femme prenne une décision et, généralement, elle sait laquelle prendre et elle la prend.
J’en viens au caractère éclairé de la décision.
Dès lors que le processus décrit par Bernard Jomier est arrivé à son terme, l’éclairage est donné par l’équipe médicale. Lorsque celle-ci a expliqué à une dame tous les problèmes auxquels elle est exposée du fait de sa grossesse, ainsi que les risques encourus par le fœtus qu’elle porte, il n’arrive jamais que le médecin lui dise : « Vous êtes en danger, allongez-vous, je vous opère ! »
M. Philippe Bas. Personne n’a dit ça !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il n’est absolument pas vrai que ce genre de situation se produise.
M. Philippe Bas. Heureusement !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. N’infligeons pas un délai supplémentaire,…
M. Philippe Bas. Il existe déjà !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. … et donc une souffrance supplémentaire, à une personne ou à un couple qui, ayant appris tous les dangers que fait encourir la grossesse telle qu’elle se présente, n’a qu’une seule solution véritable, celle d’interrompre la grossesse du point de vue médical.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme sur de nombreux sujets abordés à l’occasion de la discussion des lois de bioéthique, il se pose une question d’équilibre.
Je crois qu’il faut toujours partir de la réalité.
Lorsqu’une femme a une première alerte, des analyses complémentaires sont très souvent demandées. Mais, dès le départ, cette femme et ce couple sont confrontés au fait que la grossesse, qui aurait dû a priori être une période de joie, se transforme en un moment douloureux, difficile.
Il ne faut pas oublier qu’une grossesse est un processus qui évolue dans le temps. Lorsque la difficulté est confirmée et que le risque est patent pour l’enfant ou pour la mère, et que le médecin et l’équipe médicale, dans une relation de confiance, en viennent à donner ces informations à la femme, au couple, plusieurs jours, et même plusieurs nuits blanches, ont passé.
Quand faire partir le délai de sept jours : à partir du dépistage d’une anomalie entraînant des examens complémentaires ? À partir du moment où tous les examens complémentaires ont été confirmés ? À partir de celui où la femme, ou le couple, revient voir le médecin pour lui annoncer sa décision ? Et là, on leur dirait : « Votre décision est prise ? Réfléchissez donc encore sept jours ! » Or, pendant ce temps, le processus de grossesse continue, les nuits blanches s’installent et la culpabilité grandit…
Compte tenu de la souffrance que représente une IMG dans l’immense majorité des cas, le fait d’ajouter un délai de sept jours, dont on ne sait pas très bien quand il serait raisonnable de le faire partir, n’aurait pas beaucoup de sens. Il est vrai que ce délai existe aujourd’hui, mais son point de départ est fixé par les médecins et les équipes médicales selon la situation. Pour certaines femmes, ce délai représente une semaine supplémentaire au cours de laquelle elles peuvent sentir l’enfant bouger, par exemple, ce qui peut être source de nouvelles complications.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 283 |
Pour l’adoption | 108 |
Contre | 175 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2213-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-2. – Si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli avant la réalisation de l’interruption volontaire de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1.
« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a été faite.
« Si la mineure non émancipée ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption de grossesse pour motif médical ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix. » ;
2° L’article L. 2213-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-3. – L’interruption de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1 ne peut être pratiquée que par un médecin.
« Elle ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé. » ;
3° Sont ajoutés des articles L. 2213-4 et L. 2213-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Art. L. 2213-5. – Les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Quelques mots pour dire que nous voterons en faveur de cet article, sauf si l’amendement de M. Chevrollier était adopté.
En effet, nous considérons comme essentiel l’apport de notre commission spéciale, et particulièrement celui du rapporteur Bernard Jomier, visant à supprimer la clause de conscience inscrite dans le texte en cas d’interruption médicale de grossesse.
Nous avions d’ailleurs déposé le même amendement en commission, mais celui du rapporteur était plus complet et mieux rédigé – c’est normal, c’est le rapporteur ! (Sourires.) –, notamment sur l’obligation d’informer la patiente du refus du praticien et de lui communiquer le nom d’un collègue volontaire. Comme d’autres, je pense que cette double clause de conscience, spécialement pour les IMG, comme d’ailleurs pour les IVG, est inutile et superfétatoire.
Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle. Une clause de conscience générale existe déjà pour tout médecin, comme pour les sages-femmes, pour tout acte médical.
Pourquoi traiter l’IVG et I’IMG à part ? Je ne peux m’empêcher de penser, mes chers collègues, qu’il s’agit bien là, au XXIe siècle, de continuer à vouloir contrôler le corps des femmes.
J’en profite, madame la ministre, pour vous demander où en est l’état des lieux que Mme Buzyn avait commandité pour connaître la réalité territoriale et médicale de cette double clause de conscience et mesurer son éventuel impact dans l’accès aux soins. Très sensible à cette question, elle nous avait dit lors d’un précédent débat qu’elle allait recevoir cette évaluation et nous la communiquer. Je vous remercie, par avance, des informations que vous pourrez nous transmettre sur ce point.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, H. Leroy, Meurant, Bignon, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour but de rétablir la clause de conscience spécifique pour l’interruption médicale de grossesse dans les termes votés par l’Assemblée nationale.
En droit actuel, les médecins, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux ne sont pas tenus de pratiquer une IMG, ou même seulement d’y concourir. Par souci de lisibilité du droit, l’Assemblée nationale a réécrit l’article pour énoncer explicitement les dispositions de la clause de conscience.
Certains membres de la commission spéciale du Sénat ont pu penser, étant donné que seul un médecin peut pratiquer une IMG, que lui seul était concerné par la clause de conscience et qu’il convenait ainsi de supprimer les dispositions relatives aux sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux. Or cela est inexact car, même si ces derniers ne peuvent en effet pratiquer eux-mêmes l’IMG, ils peuvent être sollicités pour y concourir. Supprimer cette clause de conscience est donc une régression par rapport au texte de l’Assemblée nationale et par rapport à l’état actuel du droit.
Les débats qui ont eu lieu depuis plusieurs jours au Sénat montrent combien la confrontation à la maladie d’un enfant à naître ne reçoit pas de réponse univoque, combien elle entraîne un choix difficile et de nombreuses questions. Les auxiliaires médicaux sont confrontés à ces difficultés au quotidien.
Les difficultés que rencontrent les professionnels de santé concernés pour faire valoir et respecter leurs choix éthiques montrent qu’en cette matière, on ne peut se contenter de faire valoir une clause de conscience générale.
Mes chers collègues, il est important de protéger la liberté de conscience, surtout dans le contexte actuel d’offensive contre la liberté de conscience des personnels de santé. Il est donc impératif de rappeler, dans les dispositions du code de la santé publique relatives à l’IMG, la possibilité pour les auxiliaires médicaux de faire valoir et respecter leur clause de conscience.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Vous souhaitez donc par cet amendement rétablir une clause de conscience des professionnels de santé en matière d’interruption de grossesse pour motif médical.
La commission spéciale a acté le fait qu’une clause de conscience générale permettant déjà de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions bénéficie aux professionnels de santé intervenant dans les procédures d’interruption médicale de grossesse.
Cette clause de conscience générale est aujourd’hui inscrite à l’article R. 4127-47 du code de la santé publique qui prévoit que, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Il s’agit bien d’une clause de conscience générale, laquelle permet à tout praticien de refuser des soins qui heurteraient ses convictions personnelles.
Dans un rapport de 2011, le Conseil national de l’ordre des médecins, dont je rappelle qu’il est l’institution chargée du respect de la déontologie des médecins, donne la définition suivante : « Pour le médecin, la clause de conscience, c’est le droit de dire “non” dans certaines circonstances, à condition d’apporter au patient une réponse pertinente sans pour autant être obligé d’exposer ses convictions intimes, sans prosélytisme, et en l’informant “sans délai” des possibilités qui s’offrent à lui dans la requête qu’il a entreprise. » Aujourd’hui, le droit en vigueur en matière d’interruption médicale de grossesse renvoie donc aux dispositions applicables en matière de clause de conscience.
L’absence de clause de conscience spécifique pour l’IMG n’a donc jamais empêché un médecin de refuser de pratiquer une IMG, le praticien pouvant se fonder sur la clause de conscience générale.
Par ailleurs, au début de l’examen de ce texte, une clause de conscience spécifique avait également été proposée pour les médecins réalisant des actes de procréation médicalement assistée. Pour les mêmes raisons, notre assemblée avait décidé de repousser cette clause de conscience spécifique.
Enfin, j’ajoute que la multiplication des clauses de conscience spécifique, qui n’a aucune portée en droit et n’aurait aucun intérêt, risquerait même in fine d’affaiblir la clause de conscience générale.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est favorable.
En effet, l’article 21 du projet de loi présenté par le Gouvernement a pour but de supprimer le jeu de renvoi qui existe actuellement dans le code de la santé publique en matière de clause de conscience et de consentement des mineurs, car ce renvoi crée des confusions. Par exemple, les équipes des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, confrontées à des interruptions de grossesses chez les mineures souhaitant garder le secret à l’égard de leurs parents, se sont interrogées à plusieurs reprises sur la position à adopter et les textes à appliquer.
Par un effet de parallélisme, nous avons donc souhaité que cet article ne crée pas une nouvelle clause de conscience, mais que la clause de conscience applicable à l’IMG reste la même que celle applicable actuellement à l’IVG. Il s’agit ainsi d’éviter toute confusion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je m’apprêtais à dire à M. Chevrollier que le groupe socialiste ne voterait pas son amendement, ce dont il se doutait…
Notre collègue rapporteur Bernard Jomier a très bien répondu sur le caractère superfétatoire de la clause de conscience. Mais, d’un certain point de vue, je reconnais à M. Chevrollier une cohérence dans les amendements qu’il dépose. Il s’agit tout de même de sortir l’IVG et l’IMG des actes médicaux que pratiquent les médecins, déjà soumis à une clause de conscience contenue dans le code de déontologie, pour en faire des actes à part, dans le but à la fois de compliquer l’accès à ces actes, de culpabiliser les femmes et les familles.
Tout cela renvoie à l’amendement déposé précédemment par M. Chevrollier en vue de demander un délai de réflexion supplémentaire. Comme si les personnes qui recourent à des IVG ou à des IMG n’avaient pas mûrement réfléchi à ce qu’ils font ! (Brouhaha sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mais, d’un certain point de vue, le sujet n’est plus tant cet amendement que l’avis du Gouvernement…
Madame la ministre, j’espère que vous n’êtes pas fière quand même d’avoir lu votre fiche depuis votre banc ! (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. C’est un procès d’intention !
Mme Laurence Rossignol. Vous n’êtes pas d’accord, mes chers collègues, mais vous n’êtes pas obligés de faire du bruit… Nous aussi, on sait en faire !
Mme la présidente. Mes chers collègues, poursuivons un débat apaisé !
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien, madame la ministre, vous réaffirmez l’idée selon laquelle le code de déontologie ne suffirait pas à accorder à chaque soignant une clause de conscience générale, et que l’IVG et l’IMG seraient des actes médicaux à part qui heurteraient la conscience des médecins.
Je note, en me référant au débat d’hier, que ces discussions sur la conscience des médecins sont à géométrie variable. On leur prête une grande conscience quand il s’agit de leur permettre de refuser de faire des IVG ou des IMG. Pourtant, hier, lorsque nous évoquions la recherche et en particulier la recherche embryonnaire, il fallait encadrer totalement l’activité des médecins et des chercheurs parce qu’on les soupçonnait de ne pas avoir suffisamment de conscience !
Cette position est extrêmement conservatrice, rétrograde, voire obscurantiste, compte tenu des sujets dont nous discutons. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Françoise Gatel. Ça y est ! C’est insupportable !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Inutile de me faire le coup de l’article 45 de la Constitution !
M. Dominique de Legge. Après avoir entendu les propos qui viennent d’être tenus, je crains de me faire taxer d’obscurantisme…
M. Loïc Hervé. Ce peut être un titre de gloire !
M. Dominique de Legge. Je ne ferai pas davantage de commentaires, car je trouve que nous avons eu, depuis une dizaine de jours, un débat serein, apaisé et digne. Je ne souhaite donc pas tomber dans une certaine forme de provocation.
Je voterai l’amendement défendu par M. Chevrollier pour les raisons qu’il a invoquées et pour celles que le Gouvernement, par le truchement de Mme la ministre, a exposées.
Je le voterai aussi pour une autre raison, madame Rossignol : pendant ces dix jours de débat, nous avons tous fait montre d’un grand respect des opinions des uns et des autres. J’aimerais que ce respect qui a régné dans l’hémicycle depuis le début de notre discussion puisse aussi s’appliquer aux professionnels de santé.
C’est l’une des raisons, je le répète, pour lesquelles je voterai cet amendement. C’est en effet une manière de rendre hommage au travail du Sénat, et au Sénat lui-même, ledit amendement me semblant en conformité avec l’esprit qui a animé nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)