Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer, M. Joël Guerriau.
2. Questions d’actualité au Gouvernement
projet de loi retraites et avis du conseil d’état : que fait le gouvernement ?
M. Hervé Marseille ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
M. François Patriat ; M. Édouard Philippe, Premier ministre.
Mme Josiane Costes ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
conditions d’engagement du débat parlementaire sur les projets de loi relatifs aux retraites
Mme Cécile Cukierman ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites ; Mme Cécile Cukierman.
procédure accélérée sur le projet de loi Retraites
Mme Laurence Harribey ; M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites ; Mme Laurence Harribey.
situation des pêcheurs à la suite du brexit
M. Jean-Pierre Decool ; Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.
M. Michel Vaspart ; M. Édouard Philippe, Premier ministre ; M. Michel Vaspart.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
surtaxe américaine sur les vins français
M. Jérôme Durain ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances ; M. Jérôme Durain.
M. Jacques Grosperrin ; M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur ; M. Jacques Grosperrin.
conséquences de la grève des avocats sur le système judiciaire
Mme Dominique Vérien ; Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement ; Mme Dominique Vérien.
Mme Muriel Jourda ; Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Richard Yung ; M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
comptes des français de l’étranger
M. Damien Regnard ; M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Mme Hélène Conway-Mouret ; Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
M. Philippe Adnot ; Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire ; M. Philippe Adnot.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
4. Mises au point au sujet de votes
5. Communication d’un avis sur un projet de nomination
6. Candidatures à une commission d’enquête
7. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 289 du Gouvernement. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 69 rectifié de M. Jean-Marie Mizzon. – Rejet.
Amendement n° 91 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet par scrutin public n° 87.
Adoption de l’article.
Amendement n° 92 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier. – Rejet par scrutin public n° 88.
Adoption de l’article.
Amendement n° 209 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 206 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 61 rectifié bis de Mme Maryvonne Blondin. – Rejet.
Amendement n° 321 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 22
Articles 23, 24 et 25 – Adoption.
Amendement n° 322 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 267 rectifié bis de Mme Patricia Schillinger. – Retrait.
Amendement n° 22 rectifié de Mme Laure Darcos. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 50 rectifié bis de Mme Florence Lassarade. – Retrait.
Amendement n° 207 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 155 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Amendement n° 323 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 156 rectifié de M. Arnaud Bazin. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 235 rectifié de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Amendement n° 236 de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Adoption de l’article.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Renvoi de la suite de la discussion.
8. Mise au point au sujet d’un vote
Nomination de membres d’une commission d’enquête
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Agnès Canayer,
M. Joël Guerriau.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
J’appelle chacun à veiller au respect de son temps de parole et à faire preuve de courtoisie.
projet de loi retraites et avis du conseil d’état : que fait le gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Hervé Marseille. Monsieur le Premier ministre, dès son élection, M. le Président de la République a engagé la concertation concernant la réforme du système des retraites.
Cette concertation s’est ouverte avec M. Delevoye et a duré deux années. À l’automne 2019, vous avez été amené, monsieur le Premier ministre, à reprendre en main le dossier. Sur ce chantier, beaucoup de questions étaient encore en suspens.
Au début de cette année, après les arbitrages, le projet de loi a été présenté au Conseil d’État, qui a émis, comme on le dirait au Quai d’Orsay, un avis « mesuré et réservé ». (Sourires sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. C’est un euphémisme !
M. Hervé Marseille. Ce texte va évidemment être débattu devant le Parlement, d’abord à l’Assemblée nationale, puis au Sénat.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple.
Maintenez-vous le calendrier tel qu’il a été prévu ou reprenez-vous à nouveau la main pour compléter le dossier à la suite des observations formulées par le Conseil d’État ?
Hier, au Sénat, la conférence des présidents a souhaité, à la quasi-unanimité, que soit abandonnée la procédure d’urgence, pour laisser un peu de temps au travail parlementaire et faire en sorte qu’un débat au fond puisse avoir lieu sur ce sujet déterminant.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous déterminé à maintenir la procédure d’urgence ou l’abandonnez-vous ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Marseille, comme vous l’avez rappelé, le Président de la République s’est engagé, au moment de son élection, à mettre en œuvre une réforme majeure consistant à refonder notre pacte social, afin d’installer un système universel de retraite.
Le Gouvernement et la majorité dans son ensemble sont déterminés à respecter les engagements qui ont été pris par les candidats qui se sont présentés aux élections législatives dans les semaines qui ont suivi l’élection présidentielle, aussi bien l’engagement, sur le fond, de mettre en place un système universel de retraite qui permettra des avancées sociales, une plus grande mobilité professionnelle et le renforcement de la solidité et de la durabilité de notre système de pensions, que les engagements de calendrier.
À cet égard, vous savez que, dès mes déclarations de politique générale – je l’ai rappelé à l’occasion de la dernière d’entre elles –, j’ai indiqué que nous souhaitions faire aboutir cette réforme majeure, difficile, débattue et délicate. D’expérience, vous savez comme moi que toutes les réformes qui portent sur notre système de retraite, qu’elles soient marginales – j’utilise ce terme sans aucune intention dénigrante – ou fondamentales, suscitent des oppositions, des contradictions, des débats, des questionnements. Pour connaître comme moi la vie politique française et le débat public, vous savez que toucher aux retraites, c’est faire naître ces questionnements, ces critiques, ces oppositions et, parfois, il est vrai, des manifestations ou des blocages.
Nous allons tenir le calendrier que nous nous sommes fixé, monsieur le président Marseille, à savoir la présentation d’un projet de loi en conseil des ministres – nous l’avons fait vendredi dernier – et son examen par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, au cours du premier semestre, de façon que nous puissions espérer une adoption du texte avant l’interruption estivale. Je ne veux pas préjuger de l’issue du débat parlementaire, mais c’est l’objectif que nous nous fixons. Il impose, si nous voulons le tenir, que nous respections le calendrier que nous avons décidé.
Autrement dit, monsieur Marseille, pour répondre à votre question, oui, nous allons rester sur le calendrier que nous avons proposé. Je ne m’en excuse pas,… (Protestations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Martial Bourquin. Quelle ouverture !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … car je pense que le débat sera intense et passionné. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.)
M. Rachid Temal. C’est pour ça qu’on en veut deux !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous avons soumis au Conseil d’État un projet de loi accompagné d’une étude d’impact, qui, vous le savez, comptait près d’un millier de pages. Je suis certain que tout le monde s’est engagé dans cette lecture assez roborative… (Marques d’ironie sur les mêmes travées.)
Il est vrai que l’étude d’impact est beaucoup plus longue et, à bien des égards, beaucoup plus dense que celles qui accompagnaient les précédentes réformes des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.) Je peux vous le garantir ! En outre, les projections financières figurant dans cette étude d’impact sont plus complexes à réaliser, parce qu’elles portent sur trente ans.
Nous sommes bien d’accord : elles appellent des discussions, mais, monsieur le président Marseille, je n’ai pas peur du débat parlementaire à l’Assemblée nationale et au Sénat. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Troendlé. Alors ?
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je ne crois pas ceux qui disent que ce débat devrait se transformer en champ de braises.
Le texte comporte un peu moins de 70 articles,…
Mme Sophie Primas. Et 29 ordonnances !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … qui feront l’objet d’un long débat à l’Assemblée nationale et au Sénat. Il est vrai que la procédure accélérée a été engagée, mais vous savez parfaitement, monsieur Marseille, qu’elle l’a été pour toutes les réformes des retraites !
M. Rachid Temal. Il fallait changer !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. En effet, aussi intense que puisse être le débat, il faut bien, à un moment, adopter la loi.
Nous proposons donc un débat complet. Il sera passionné, et je crois même qu’il sera passionnant.
Mme Catherine Troendlé. Ce n’est pas suffisant !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il permettra d’élaborer un texte encore meilleur que celui que nous soumettons au Parlement, car c’est à cela que sert l’examen parlementaire. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)
Cependant, je veux être clair, monsieur Marseille : nous allons créer ce système universel de retraite et nous allons soumettre ce texte au Parlement français dans le calendrier qui est imparti, pour une adoption avant l’été. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
chiffres du chômage
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – « Allo ? » sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. François Patriat. Monsieur le Premier ministre, ni triomphalisme ni relâchement : le chômage est la plus grande injustice sociale de notre pays et tout le monde doit contribuer à la lutte. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Si le chômage ne vous intéresse pas, dites-le-moi, chers collègues ! J’en préviendrai nos compatriotes… (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Les chiffres publiés cette semaine sont éloquents, avec 120 000 chômeurs de catégorie A de moins sur un an, soit la plus forte baisse enregistrée depuis 2007.
La réforme du code du travail, de l’apprentissage, de la formation continue, les baisses de charges et d’autres mesures prises par le passé n’y sont pas étrangères.
Toutefois, il y a aujourd’hui encore beaucoup de personnes au chômage – 3,5 millions –, raison pour laquelle j’appelle à ne pas céder au triomphalisme.
Il ne faut pas non plus céder au relâchement, car, si les chiffres montrent que la croissance, bien que modérée, est créatrice d’emplois, notamment de CDI, ce constat ne doit pas nous dispenser d’une grande exigence quant aux chantiers que nous avons à mener tous ensemble : grand plan de formation pour les chômeurs de longue durée ou les jeunes sans qualification, augmentation du taux d’emploi des seniors, comme le préconise le rapport Bellon, réponse au cas des nombreuses offres d’emploi non satisfaites…
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment le Gouvernement entend-il poursuivre la lutte contre le chômage qu’il a entamée et quelles sont les mesures qui seront prises dans les mois à venir pour parvenir à ce que l’injustice que constitue le chômage régresse dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Patriat, j’ai souvent pensé que nous avions, en France, une difficulté particulière à nous réjouir collectivement de bonnes nouvelles.
Se réjouir collectivement d’une bonne nouvelle ne veut pas dire que tout va bien. Cela ne veut pas dire que cette bonne nouvelle nous est entièrement attribuable. Cela ne veut pas dire que nous ignorerions qu’il faut encore beaucoup travailler à certains endroits. Non ! Se réjouir d’une bonne nouvelle signifie simplement noter une évolution qui va manifestement dans le bon sens et qui est due aux efforts continus et poussés des gouvernements qui se sont succédé, singulièrement du gouvernement que j’ai l’honneur de diriger depuis plus de deux ans.
Nous avons reçu, ces deux dernières semaines, une série de bonnes nouvelles.
Nous avons d’abord eu la confirmation que notre pays était encore plus attractif qu’auparavant pour les investissements étrangers. Que des entreprises, plus ou moins grandes, localisent leur production sur le territoire national est toujours une bonne nouvelle pour l’emploi, et c’est toujours une bonne nouvelle pour le pays.
D’importantes annonces ont été réalisées dans le cadre du sommet organisé par le Président de la République. De ces bonnes nouvelles, je veux me réjouir. Elles ne sont pas évidemment sans lien avec les bonnes nouvelles d’aujourd’hui. De fait, les chiffres du chômage sont bons. Plus exactement, ils montrent une tendance continue à l’amélioration. Nous devons nous en réjouir, pour ceux qui retrouvent un emploi, pour ceux qui conservent le leur et pour les entreprises françaises et de France, qui produisent plus, qui produisent mieux, et qui investissent parce qu’elles ont confiance dans l’avenir.
Monsieur Patriat, au nom de quelle curieuse forme d’esprit serions-nous divisés sur une telle bonne nouvelle ?
Au demeurant, j’observe, et je m’en réjouis, que ces bons chiffres, qui succèdent aux bons chiffres de 2018, 2017 et même, je le dis sans hésiter, de 2016 (Marques d’approbation sur les travées du groupe SOCR.), grâce, d’ailleurs, à des mesures qui sont aujourd’hui souvent critiquées par ceux-là mêmes qui les ont promues… (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Claude Bérit-Débat. Ce n’est pas vrai !
M. Rachid Temal. Démagogie !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. J’observe que les chiffres sont bons, non pas parce que nous aurions placé un certain nombre de Françaises et de Français dans des voies souvent sans issue, dans le cadre de je ne sais quel contrat plus ou moins aidé dont on sait très bien qu’il ne débouchait pas toujours sur une insertion professionnelle, mais parce que le nombre d’embauches en contrat à durée indéterminée augmente nettement. En effet, l’effort de formation que nous avons entendu accroître à destination de ceux qui sont parfois le plus éloignés de l’emploi commence à payer.
Il reste encore beaucoup à faire. Vous qui connaissez la totalité de nos territoires, vous savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, que, dans tous les secteurs et dans tous les territoires, de nombreux emplois doivent être pourvus, de nombreuses offres d’emploi ne trouvent pas preneur, par manque de formation, par manque de mobilité géographique ou, parfois, par manque d’appétence pour le retour au travail (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.), pour toute une série de raisons qu’il faut corriger. C’est ce que nous essayons de faire, au travers des plans de formation, de la réforme de l’assurance chômage, du développement de l’attractivité de notre territoire et de l’ensemble des mesures fiscales que nous avons prises, que nous assumons et qui – réjouissons-nous-en, mesdames, messieurs les sénateurs – commencent à produire d’excellents effets. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
internats d’excellence
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
Mme Josiane Costes. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, nombre de nos départements ruraux font face à la déprise démographique. La présence d’un bon maillage d’établissements scolaires est un enjeu d’autant plus fondamental qu’il contribue à attirer et à fixer des familles, à faire vivre l’économie locale et à développer de véritables savoir-faire dans nos territoires.
L’internat peut constituer une réponse adéquate. Or la désaffection à son égard est bien documentée. En 1960, près d’un quart des élèves du second degré étaient internes. Ils sont moins de 4 % aujourd’hui, alors qu’il existe près de 40 000 places vacantes.
Monsieur le ministre, vous avez décidé de revitaliser et de moderniser ce modèle d’enseignement. Pour ma part, j’y vois un moyen d’insuffler du dynamisme et de la jeunesse dans des territoires vieillissants.
Après la remise du rapport de Jean-Yves Gouttebel et de Marc Foucault, vous avez présenté un plan pour l’internat du XXIe siècle, qui a pour ambition de créer ou de rénover 100 internats d’excellence, 100 résidences à thèmes et 40 campus professionnels d’ici à 2022, pour un total de 13 000 places.
Ce projet a, en particulier, pour finalité de tisser des liens étroits avec les territoires ruraux. Bien sûr, en tant que sénatrice du Cantal, je m’en réjouis, mais je m’interroge aussi sur l’appel à projets destiné aux collectivités qui a été annoncé pour la rentrée.
Quel est son calendrier ? Quelles sont ses modalités ? Plus largement, comment se coordonneront l’État et les collectivités pour atteindre les objectifs, sachant que les territoires qui en ont le plus besoin ne disposent généralement pas des ressources nécessaires ? Enfin, de quelle façon allez-vous articuler ce projet éducatif à celui des campus connectés ? L’ouverture annoncée d’une centaine de sites d’ici à 2022 pourrait, si leur localisation était coordonnée avec le plan pour l’internat, offrir des perspectives nouvelles pour nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Josiane Costes, je veux d’abord vous exprimer ma solidarité, puisque vous faites partie des élus ayant subi des exactions dans leur permanence ces derniers jours. Nous condamnons évidemment ces actes avec la plus grande fermeté.
Votre question est très importante, parce qu’elle porte sur l’une des politiques publiques les plus importantes qui puissent être en matière sociale et en matière d’aménagement du territoire, comme vous l’avez très bien dit.
Le rapport Gouttebel-Foucault, auquel vous avez fait référence et qui a, d’ailleurs, de fortes racines auvergnates – M. Gouttebel est président du conseil départemental du Puy-de-Dôme et ce qui se passe en Auvergne a été largement observé –, a inspiré le plan auquel vous avez fait référence.
Je veux rappeler les grands principes de ce plan, qui vont dans le sens que vous souhaitez.
Il s’agit d’abord de favoriser la revitalisation rurale. C’est ce que nous voulons.
Il s’agit ensuite de favoriser l’ascension sociale. Nous savons bien que, dans l’histoire de la République, l’internat a joué un rôle clé dans l’ascension sociale des élèves.
Enfin, nous voulons développer l’internat quantitativement et qualitativement.
C’est pourquoi il y aura trois catégories d’internats : des internats thématiques – centrés sur les langues, le numérique ou encore le sport, pour ne prendre que ces exemples –, des internats d’excellence, dont le concept est désormais bien établi, et des internats professionnels. La semaine prochaine, j’annoncerai justement, avec Muriel Pénicaud et Frédérique Vidal, les nouveaux campus professionnels, qui sont le résultat d’un précédent appel d’offres visant à mailler le territoire. Il s’agit de ces « Harvard du pro » que j’avais évoqués au moment de la préparation de la réforme de la voie professionnelle.
Oui, le développement des internats est imminent, puisque l’appel d’offres va être lancé au mois de février, avec l’aide du programme d’investissements d’avenir. Oui, notre volonté est d’y associer les collectivités, particulièrement les départements et les régions, en étant particulièrement attentifs aux plus pauvres, puisque c’est précisément là que nous devons agir. Les Édu Prêts nous aideront à être actifs en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
conditions d’engagement du débat parlementaire sur les projets de loi relatifs aux retraites
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, avec votre texte sur la réforme des retraites, vous faites preuve d’un triple mépris.
Mépris du peuple, qui, majoritairement, continue de s’y opposer.
Mépris du Parlement, en déclenchant la procédure accélérée et en prévoyant de recourir à pas moins de 29 ordonnances, lesquelles ne sont pas soumises à l’obligation d’étude d’impact.
Mépris constitutionnel, comme l’a rappelé le Conseil d’État, en faisant injonction aux gouvernements futurs de suivre votre politique. Décidément, le respect du peuple et des institutions n’est pas votre credo !
En vous attaquant ainsi à ces retraites voulues par le Conseil national de la Résistance, qui font aujourd’hui République et contribuent au pacte social, vous fragilisez durablement ce que sera, demain, notre société.
Oui, monsieur le Premier ministre, je vous le redemande : quand allez-vous retirer ce projet dangereux, anticonstitutionnel et encore aujourd’hui très impopulaire dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites. (M. Rachid Temal s’exclame.)
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Cécile Cukierman, j’ai écouté votre question avec intérêt. Vous avez évoqué un triple mépris.
De quel mépris parlez-vous ? Du mépris de l’engagement démocratique pris par un candidat à la présidence de la République devant tous nos concitoyens ? (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Du mépris de l’engagement démocratique pris par une majorité de députés devant tous leurs électeurs ? (Protestations sur les mêmes travées, ainsi que sur celles du groupe Les Républicains.) Voilà un témoignage du respect de la démocratie.
Pour ma part, madame la sénatrice, je me suis engagé en politique parce que je trouvais qu’il finissait par y avoir beaucoup d’écart entre les engagements de ceux pour qui nous votions et la réalité de leurs actions. Je ne regrette donc pas de faire partie d’une majorité et d’un Gouvernement qui s’honorent de respecter les engagements qu’ils ont pris devant les électeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Vous avez évoqué les ordonnances, madame la sénatrice. Ces 29 ordonnances donneront la possibilité à la démocratie sociale de s’exprimer ! (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Je crois d’ailleurs savoir que votre sensibilité politique est plutôt favorable à cette démocratie sociale… Laissons-la vivre !
Enfin, vous le savez, nous souhaitons pouvoir transformer un certain nombre de dispositions qui figurent dans le dur du projet de loi. Cela nous laisse le temps…
M. Rachid Temal. Deux lectures !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. … de mener les concertations, qui sont sectorielles et se font progressivement.
Soyez très rassurée, madame la sénatrice, sur le fait que nous ne retirerons pas notre projet de loi et que nous nous honorerons de le porter jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Marques d’ironie sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le secrétaire d’État, vous étiez présenté comme le « M. Retraites » de La République En Marche. Permettez-moi de vous dire que la réponse que vous m’apportez aujourd’hui est décevante, comme l’ont été vos réponses de ces derniers jours.
Le résultat de l’élection présidentielle constitue votre seule réponse. Mais, en politique, l’absence d’humilité est une forme de mépris ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.)
Il ne suffit pas d’être élu. Il faut, pendant cinq ans, entendre ce que dit la population. Il faut entendre les évolutions de la société !
Or force est de constater qu’aujourd’hui, au bout de deux ans et demi, vous avez accumulé plus de colère sociale qu’il n’y en a eu sous les quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande réunis. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
Est-ce pour vous un gage de réussite ? En faisant cela, vous continuez de fragiliser notre République. Vous serez, demain, les responsables du chaos démocratique dans notre pays ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains. – Mme Mireille Jouve applaudit également.)
procédure accélérée sur le projet de loi retraites
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, manque de temps, complexité des textes, modifications en cours de route, projections financières lacunaires, étude d’impact insuffisante, insécurité juridique… Si c’était une évaluation au contrôle continu du baccalauréat, elle ne serait guère brillante…
Dur, dur, le Conseil d’État, qui souligne que l’on cumule les difficultés, alors que le projet vise l’un des piliers de notre contrat social, qui plus est dans le contexte de relative solidité auquel ont abouti les réformes successives.
En outre, le renvoi à 29 ordonnances sur des sujets majeurs interdit une vision globale.
Hier, à l’Assemblée nationale, M. le Premier ministre a admis qu’une refonte aussi complète, fondée sur des hypothèses économiques étant toutes susceptibles de bouger, pose beaucoup de questions. Là, nous sommes tous d’accord. Bienvenue au club !
Ma question est simple : pourquoi engager une procédure accélérée sur un tel texte, alors qu’il s’agit d’une réforme systémique, contrairement aux réformes précédentes ? Pourquoi déconnecter la conférence de financement de l’examen parlementaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites.
M. David Assouline. Et encore un peu de mépris…
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites. Madame la sénatrice Laurence Harribey, j’entends que vous puissiez critiquer notre étude d’impact,…
M. Roger Karoutchi. Merci !
Plusieurs sénateurs des groupes SOCR et Les Républicains. C’est le Conseil d’État qui la critique !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. … mais, sur le fond – vous savez que je suis un peu curieux –, je suis allé voir ce qui avait été produit pour les réformes précédentes. Peut-être auriez-vous préféré que nous n’en parlions pas… (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Le Conseil d’État s’est exprimé dans son rôle de conseil du Gouvernement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Il l’a très bien fait !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. À ce titre, il a donné un certain nombre de conseils au Gouvernement. Le Gouvernement les entend et les prend en compte. Il ne vous a pas échappé que, dans sa note de 63 pages, le Conseil d’État a également validé la quasi-totalité des dispositions des deux projets de loi, notamment leurs dispositions tendant au respect de normes internationales à l’égard desquelles nous sommes engagés, mais également de dispositions constitutionnelles.
Vous avez posé la question des ordonnances. J’y ai répondu. En réalité, on ne peut pas à la fois se réclamer d’une volonté de démocratie sociale, en permettant aux partenaires sociaux de prendre toutes les responsabilités qu’ils souhaitent avoir en la matière, et refuser qu’ils puissent s’exprimer. À cet égard, les ordonnances donneront aux partenaires sociaux de l’espace et du temps.
Enfin, sur le sujet de la procédure accélérée, je ne voudrais pas toujours revenir sur ce qui a été fait précédemment, mais je rappelle que cette procédure a été utilisée en 2014 comme en 2010. C’est suffisamment récent pour que chacun s’en souvienne ici !
M. David Assouline. Il n’y a pas eu de procédure accélérée sur des réformes structurelles !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Cette réalité est donc bien connue des parlementaires que vous êtes. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey, pour la réplique.
Mme Laurence Harribey. Très sincèrement, quel gâchis !
Nous sommes pourtant dans une période propice pour réformer sur le fond, puisque le système est quasiment sécurisé jusqu’en 2030. Il permet de poser des questions de fond incontournables : augmentation de l’espérance de vie et du nombre des seniors, lacunes de notre système face aux mutations économiques et sociologiques, problèmes des femmes, carrières hachées, inégalités d’espérance de vie, pénibilité, nécessaire recherche de nouveaux modes de financement…
Ce projet n’est pas un projet de retraite universel. C’est simplement un système universel par points. C’est un projet qui ne répond pas aux inégalités. Pis, il peut les aggraver !
En bref, à l’insécurité juridique s’ajoute, aujourd’hui, l’insécurité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)
situation des pêcheurs à la suite du brexit
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, 30 % de la pêche française, 50 % des captures bretonnes et trois poissons sur quatre levés par les pêcheries des Hauts-de-France proviennent des eaux britanniques.
Madame la secrétaire d’État, ces chiffres sont connus et inquiètent, à deux jours du Brexit.
La rencontre de la semaine dernière entre le président de la région Bretagne et le commissaire en charge de ces sujets en est une preuve, tout comme les alertes des pêcheurs de toute la façade maritime de Dunkerque à Brest.
La pêche représente moins de 0,1 % du PIB du Royaume-Uni. Pourtant, le contrôle des eaux de pêche et leur ouverture furent l’un des points de crispation des discussions outre-Manche avant le référendum.
Le poids politique est donc sans commune mesure. Boris Johnson l’a bien compris. La pêche sera ainsi un axe phare des négociations houleuses du Brexit.
Les interrogations sont nombreuses, dans le Nord comme ailleurs. Elles portent sur l’accès aux eaux britanniques après décembre 2020, mais aussi sur la concurrence induite par la possible réorientation des flux de pêcheurs européens vers notre espace maritime.
Les États membres vont prochainement donner mandat à la Commission européenne pour négocier la relation future avec le Royaume-Uni. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous assurer que la filière pêche ne se retrouvera pas emprisonnée dans un statut de variable d’ajustement face à un accord économique plus complet ?
Pouvez-vous également nous éclairer sur les mesures relatives au secteur de la pêche que la France et l’Union européenne ont prévues pour faire face à une éventuelle absence d’accord, finalement toujours d’actualité ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des affaires européennes.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, les Britanniques quittent l’Union européenne dans deux jours, mais les pêcheurs, eux, ne quitteront pas les eaux britanniques. Comme vous l’avez rappelé, ils auront accès à ces eaux au moins jusqu’au 31 décembre 2020. Les Britanniques continueront d’appliquer pleinement les règles de la politique commune de la pêche jusqu’à cette date.
Toutefois, et vous l’avez très bien souligné, nous devons préparer l’avenir pour garantir, de Dunkerque à Brest, à l’ensemble de la filière – des transporteurs à la transformation – qu’elle pourra poursuivre son activité.
Que ce soit avec Michel Barnier ou, ce matin même, lors du conseil des ministres, autour du Président de la République, avec Jean-Yves Le Drian, ou encore, bien évidemment, avec Didier Guillaume, dans le cadre des négociations qu’il mène pour la filière, nous faisons de la pêche un enjeu central, un enjeu majeur. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est même un enjeu de vigilance absolue : je le dis clairement, un volet sur la pêche doit figurer dans l’accord. Nous ne tolérerons aucune décision unilatérale.
La pêche est effectivement le secteur le plus touché, le plus visible, le plus emblématique et nous en faisons une ligne rouge absolue. Nous devons préserver l’accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques. Nous devons également nous assurer d’une clé de répartition avec des quotas pour protéger la ressource. Nous devons prévoir des modalités pluriannuelles de gestion des stocks et établir des conditions de concurrence équitables.
Cela vaut également pour les agriculteurs, car nous ne saurions tolérer que des produits ne respectant pas nos normes arrivent dans nos assiettes. De la convergence des normes dépendra notre ouverture commerciale.
Nous avons onze mois devant nous, comme nous le rappellent les Britanniques. Pour autant, nous ne signerons pas un mauvais accord sous la pression du calendrier. Nous donnerons toujours la primauté au fond, au contenu, à l’équilibre, à la loyauté.
Vous m’interrogez également sur ce que nous avons prévu pour faire face aux contingences. Les mesures étaient prises pour le cas où il n’y aurait pas eu d’accord le 31 janvier. Des fonds seront disponibles en cas de cessations d’activité. Ce n’est pas notre scénario et je préfère, dans les mois qui viennent, travailler avec vous pour que l’unité des Vingt-Sept soit absolue et que les acteurs locaux soient mobilisés à nos côtés. Dès la semaine prochaine, avec Sibeth Ndiaye, je serai en Normandie, à Port-en-Bessin, pour construire notre stratégie avec les pêcheurs. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Vaspart. Monsieur le Premier ministre, le général de Gaulle aurait sûrement qualifié la période que nous traversons depuis novembre 2018 de « chienlit » : « gilets jaunes » depuis quatorze mois, violences perpétrées chaque semaine, plus de cinquante-six jours de grève – du jamais vu ! –, blocage des trains, des métros et des bus, des infirmiers et des médecins qui menacent de démissionner, colère des enseignants, des policiers et des pompiers, les avocats qui mettent leur robe à terre, ports bloqués, manifestations syndicales à répétition, entreprises en difficulté, une économie lourdement touchée, des commerçants qui n’en peuvent plus, ajoutez à cela une réforme des retraites conduite avec un incroyable amateurisme qui a suscité de grandes inquiétudes chez nos concitoyens…
Face à ces inquiétudes, votre majorité a fait preuve d’une grande arrogance et d’une cacophonie anxiogène. Le résultat est là depuis quatorze mois : la chienlit est installée et les Français ont perdu confiance.
Monsieur le Premier ministre, quand et comment comptez-vous ramener la confiance et la sérénité dans notre pays qui en a tant besoin ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Le tableau que vous dressez de notre pays, monsieur le sénateur, est bien sombre et peut-être incomplet. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne dis pas que les tensions sociales sont inexistantes, tant s’en faut, mais vous auriez pu, afin de dresser un tableau plus équilibré, mentionner les bonnes nouvelles que j’évoquais voilà quelques instants (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et qui sont incontestables : certes, comme vous le soulignez, notre économie est impactée, mais elle croît à un rythme supérieur à celui de la zone euro, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps ; le chômage est au plus bas niveau depuis douze ans – c’est une bonne nouvelle – ; les créations d’emplois en CDI augmentent également, ce qui montre que nous n’avons pas eu recours à une des voies de garage souvent utilisées ces dernières années pour faire artificiellement diminuer le chômage – c’est encore une bonne nouvelle.
Vous auriez aussi pu souligner que nous nous sommes engagés dans des transformations dont j’ai parfaitement conscience qu’elles suscitent des réactions, des questionnements, des angoisses, parfois des oppositions très fortes, mais auxquelles il était nécessaire de se « coller » – pardon d’employer ce terme quelque peu trivial – depuis très longtemps.
Lorsque nous essayons d’améliorer l’orientation vers l’enseignement supérieur, laquelle n’a pas été à la hauteur des enjeux, nous savons que nous allons nous heurter à des oppositions, mais nous le faisons et nous avons raison.
Lorsque nous supprimons le recrutement sous statut au sein de la SNCF, ce que personne n’avait fait, nous savons que nous allons susciter oppositions et questionnements, mais nous assumons notre décision et nous avançons.
M. Sébastien Meurant. Ça ne se voit pas encore !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous assumons cette part de l’action publique, cette part de respect des engagements que nous avons pris. Je l’assume à titre personnel et j’en suis assez fier.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, notre pays vit un moment de tension très dure. Comment l’apaiser ? Il serait facile de céder à cette tentation française de l’immobilisme, laquelle n’est pas l’apanage d’un parti politique, mais qui est générale dans notre pays, et de ne plus rien faire. Mais je ne crois pas que cette tentation soit utile à notre pays. Au contraire, je la crois dangereuse.
Nous devons faire un effort considérable en termes de responsabilité individuelle. On ne peut accepter les violences, les menaces à l’encontre des élus ou des intellectuels parce qu’on n’est pas d’accord avec eux ou parce qu’on se croit dépositaire d’une autorité qui permettrait, par la force, de revenir sur des positions prises dans un cadre politique. Je sais bien, monsieur le sénateur, que vous n’y encouragez personne, et je ne vous en fais aucunement grief, mais vous savez, comme moi, que ces agissements ne sont pas toujours dénoncés avec la force nécessaire. Certains cherchent à les excuser, d’autres à les comprendre, mais ils ne sont pas acceptables. Il faut le dire.
De la même façon, nous avons essayé de prendre en compte un certain nombre d’orientations formulées à la fois par les organisations syndicales dites « réformistes » – j’utilise ce terme parce qu’il est convenu – et des organisations patronales. Nous avons mis autour de la table ces organisations pour améliorer notre texte et mieux prendre en compte la pénibilité, les fins de carrière, les départs progressifs, le minimum contributif… Là encore, j’assume la volonté de compromis et d’apaisement.
M. David Assouline. Pas avec le Parlement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Notre responsabilité collective est de démontrer que le débat public, ici, au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, permet d’avancer. J’y suis extrêmement attaché, tout comme vous, et j’ai hâte, monsieur le sénateur, que le débat parlementaire puisse commencer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart, pour la réplique.
M. Michel Vaspart. Je vous ai entendu, monsieur le Premier ministre, mais encore faut-il que les réformes proposées soient justes et comprises par la population. Ce n’est pas le cas aujourd’hui : 61 % des Français rejettent le texte.
Pis, le Conseil d’État souligne dans son rapport, et c’est du jamais vu, les projections financières lacunaires et l’étude d’impact insuffisante. Le Conseil n’est pas en mesure de réaliser sa mission avec sérénité : 29 ordonnances entraînent une perte de visibilité de l’ensemble du texte. Les objectifs sont dépourvus de valeur normative.
Monsieur le Premier ministre, ne me dites pas que votre texte est bien ficelé. Je pense qu’il faut le revoir. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC, SOCR et CRCE.)
affaire mila
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, alors que le Président de la République a récemment évoqué les problèmes que posent le communautarisme et le séparatisme islamistes, sans indiquer comment il compte les combattre, une adolescente de 16 ans fait face, quasiment seule, à une vague de haine et de violence sans précédent et n’est plus scolarisée.
En effet, pour le seul crime d’avoir critiqué une religion, l’islam, après avoir été harcelée sur les réseaux sociaux, la jeune Mila est aujourd’hui victime de ce qui peut être comparé à une fatwa, confortée par la prise de position honteuse et inadmissible du délégué général du CFCM, le Conseil français du culte musulman.
La violence qui s’exprime contre Mila nous rappelle en effet les fatwas lancées contre Salman Rushdie, contre Charlie Hebdo et contre tous ceux qui, au nom de la liberté, ont critiqué l’islam.
Entre les insultes homophobes et les menaces de mort, Mila est devenue en quelques jours le symbole de la volonté des islamistes d’anéantir notre liberté d’opinion et d’expression et de réinstaurer le délit de blasphème en France.
Il n’y a pas de racisme dans le fait de critiquer une religion, quelle qu’elle soit. L’islam, comme toutes les autres religions, doit se soumettre à la critique, à l’humour et aux lois de la République.
Monsieur le Premier ministre, en voulant s’appuyer sur l’AMIF, l’Association musulmane pour l’islam de France, dans laquelle les Frères musulmans sont très présents, eux qui remettent systématiquement en cause notre liberté de conscience et d’expression, le Président de la République parviendra-t-il à imposer à certains musulmans qui ne veulent pas l’entendre notre droit de critiquer toutes les religions ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC – M. Éric Jeansannetas applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous avez raison d’évoquer cette situation humainement dramatique, au-delà de l’analyse politique que nous devons faire de ce sujet.
Nous pensons à cette jeune femme, Mila, qui a émis une opinion sur les réseaux sociaux et qui fait face à un déferlement de haine à son encontre. Comme vous le savez, deux enquêtes ont été ouvertes sous l’autorité du parquet de Vienne : l’une pour les menaces de mort que Mila a reçues, l’autre pour provocation à la haine raciale. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Pourquoi ? L’islam n’est pas une race !
M. Christophe Castaner, ministre. Nous laisserons bien évidemment la justice instruire ces deux dossiers. Mais je peux vous garantir, et nous le démontrerons à travers nos actions, au quotidien, qu’il n’existe pas et qu’il n’existera jamais, dans ce pays, sous l’autorité de ce gouvernement, de délit de blasphème. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
La liberté d’expression, dans notre pays, permet à chacune et à chacun de critiquer une religion. La jeune Mila peut parfaitement le faire. Il est inacceptable, insupportable même, que certains, au nom de l’institution qu’ils représentent, aient pu laisser penser que cela était interdit.
Nous devons, pied à pied, lutter contre ces situations, mais nous ne devons pas non plus négliger la protection que nous devons à toutes les religions, tout en refusant les appels à la haine en leur nom. Nous agissons pour préserver cet équilibre en menant le combat contre le communautarisme, contre le repli sur soi ou contre l’islamisme – et je nomme les choses.
Nous devons nous donner les moyens de protéger les plus jeunes, qui utilisent les réseaux sociaux et qui se laissent aussi emporter par une guerre fratricide. On ne saurait refuser la critique d’une religion en invoquant une pseudo-dénonciation de l’islamophobie. C’est consubstantiel à ce que nous sommes, à cette liberté d’expression que je défendrai toujours. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le ministre, dans une France plus fracturée que jamais, dans un climat d’inquiétude et de peur, les propos de Mme la garde des sceaux ce matin, à la radio, ne font que conforter mes doutes et mes interrogations.
Non, madame Belloubet, injurier et critiquer une religion n’est pas une atteinte à la liberté de conscience. Comme nous l’avons fait voilà cinq ans pour Charlie, nous devrions être des millions, au nom de cette liberté, à nous lever pour Mila. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
surtaxe américaine sur les vins français
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. Ma question s’adressait initialement à M. le ministre de l’agriculture. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il est à Biarritz !
M. Jérôme Durain. En octobre dernier, dans le cadre d’un conflit commercial les opposant à l’Union européenne dans le secteur de l’aéronautique, les États-Unis de Donald Trump ont décidé d’augmenter les taxes à l’importation sur une liste de produits européens. Parmi eux, une fierté nationale et le deuxième contributeur aux exportations du pays : le vin.
J’englobe bien évidemment dans ce secteur les productions de Bourgogne, où l’on a fêté la Saint-Vincent ce week-end, mais c’est bien l’ensemble de la production nationale qui est concerné : les vins de Bordeaux, de l’Hérault, de Champagne, les vins de Gascogne, le chablis, les vins de la Drôme et même l’irouléguy, une AOC très appréciée à Biarritz ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Ces produits souffrent d’une surtaxation de 25 % depuis octobre dernier sur le marché américain. La filière craint les effets de cette guerre commerciale sur le long terme. Elle s’interroge sur la durée du maintien de cette surtaxe. Et nous savons tous qu’une part de marché perdue met des années à être regagnée.
On nous dit que le climat commercial avec M. Trump pourrait changer en raison de décisions de justice à venir dans le secteur de l’aéronautique. On nous annonce aussi une paix des braves sur le front des GAFA. Mais la viticulture française attend des réponses concrètes et rapides. Elle demande la constitution d’un fonds de 300 millions d’euros.
En octobre dernier, le ministre de l’agriculture annonçait avoir demandé à l’Union européenne « de prendre des mesures d’accompagnement pour faire face à cette situation exceptionnelle ». Le Gouvernement pourrait-il nous indiquer ce que le ministre a obtenu avant de tourner son attention vers les Pyrénées-Atlantiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR et sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous n’aurez que la réponse d’un ancien ministre de l’agriculture,… (Ah ! sur les travées des groupes SOCR et Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Et de droite !
M. Bruno Le Maire, ministre. … mais j’espère qu’elle vous conviendra.
Je veux tout d’abord vous remercier de soutenir la viticulture française. Vous avez raison de souligner la condamnation de l’Europe, dans le cadre du conflit Boeing-Airbus, à verser une amende de 7,7 milliards d’euros aux États-Unis. Cette décision a été rendue dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à l’automne dernier.
Le match retour aura lieu en juin prochain, toujours à l’OMC, pour les aides américaines à Boeing. Une fois que nous pourrons à notre tour imposer légalement des taxes aux États-Unis, nous espérons pouvoir trouver un accord, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce dont nous ne contestons pas les décisions.
Cette taxe supplémentaire de 25 % concerne des vins de milieu de gamme, entre 15 dollars et 25 dollars environ, ce qui pénalise beaucoup la viticulture française. Nous avons fait appel à l’Union européenne qui a débloqué des moyens, notamment pour la promotion, et nous travaillons avec elle et avec la filière viticole pour déterminer quels moyens supplémentaires lui apporter.
À Davos, mon homologue américain et moi-même avons trouvé un accord sur la taxation du digital : nous avons accepté de reporter le versement de l’acompte d’avril à décembre – la taxe GAFA reste en vigueur, elle n’est ni suspendue ni retirée. Cet accord a permis d’éviter une taxation à 100 % des vins français qui aurait représenté 2,4 milliards d’euros supplémentaires.
La viticulture française peut compter sur notre soutien total, celui du Premier ministre et de l’ensemble du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Les 25 % sont là : déjà 300 millions d’euros de pertes, des marchés qui se ferment… Les viticulteurs restent dans l’incertitude. L’ensemble de la filière attend des réponses claires et directes.
Il est regrettable de ne pas avoir pu entendre le ministre de l’agriculture nous répondre très concrètement. La promotion, c’est pour après ; aujourd’hui, les tarifs sont appliqués.
Je sais que les municipales sont importantes, mais le pays a besoin de ministres concentrés sur leur tâche ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
sécurité
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le bilan de la délinquance en 2019 est mauvais : tous les indicateurs publiés discrètement par le ministère de l’intérieur sont au rouge. Il est loin le temps où le ministre présentait les résultats de son action devant la presse !
À la lecture des chiffres, on comprend cette humilité nouvelle : comme en 2018, les coups et blessures volontaires ont enregistré une forte hausse ; les violences sexuelles explosent – après une année 2018 catastrophique, elles augmentent encore de 12 % ; le nombre d’homicides a crû de 8,5 %, les vols sans violence de 3 % et les escroqueries de 11 %.
La police de sécurité du quotidien n’a pas inversé la tendance. Dans mon département, voilà deux ans, le ministre de l’intérieur était venu installer la police de sécurité du quotidien dans le quartier de Planoise, à Besançon. Nous allions voir ce que nous allions voir, le Gouvernement avait trouvé la solution, nous disait-on.
Ce que nous avons vu, avec un commissariat ouvert à dix heures et fermé à dix-sept heures, ce sont des tirs de balles journaliers, huit blessés à ce jour, une fourrière incendiée avec plus de 160 véhicules, une grande surface hors d’état… La réponse pénale est si faible qu’elle assume une forme d’impunité désespérant trop souvent les forces de police.
Pensez-vous, monsieur le Premier ministre que la politique annoncée et assumée par la garde des sceaux qui consiste à réduire le recours à l’incarcération soit une réponse adéquate ? Jusqu’où votre politique en matière de sécurité va-t-elle nous emmener ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, on peut tout faire dire aux chiffres. Il faut les regarder dans la tendance.
Toutefois, vous avez raison : les indicateurs sont en partie mauvais et je l’assume parfaitement. C’est le résultat d’une société qui connaît des désordres et des violences, notamment en matière d’atteintes aux personnes qui ne cessent de progresser, année après année, depuis plus de dix ans.
À l’inverse, vous auriez pu mentionner les progrès concernant la délinquance du quotidien : les vols de véhicules et les cambriolages sont en baisse significative depuis trois ans. C’est important, même si ce n’est pas suffisant.
Nous devons mener un combat inlassable sur ces sujets. C’est la raison pour laquelle nous avons engagé un programme de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. C’est la raison pour laquelle, dans 47 quartiers de reconquête républicaine (QRR), nous mettons en place des moyens spécifiques. C’est la raison pour laquelle, parce qu’il faut avoir confiance dans notre police, mais aussi parce qu’il faut lui donner les moyens d’agir, j’ai engagé un programme de paiement des heures supplémentaires dont certaines remontent à 2005. C’est aussi la raison pour laquelle nous expérimentons de nouveaux cycles d’horaires de travail, pour plus de présence sur le terrain.
Monsieur le sénateur, l’installation du QRR de la Planoise ne date pas d’il y a deux ans. C’est moi qui l’ai installé, avec seize policiers supplémentaires mobilisés sur le terrain. Ce dispositif porte ses fruits, notamment en matière de démantèlement de trafics de drogues, ce qui provoque aussi, comme vous l’avez souligné, une réaction des trafiquants et une violence supplémentaire, une violence insupportable.
Laurent Nunez se rendra vendredi matin dans le quartier de la Planoise pour travailler avec l’ensemble des acteurs, et notamment avec vous. Nous menons ce combat de manière déterminée pour faire en sorte que chaque mètre carré de la Planoise, de Besançon et de l’ensemble du territoire national soit mieux sécurisé. C’est ce que nous devons à l’ensemble des Français, c’est ce que nous devons aussi aux habitants de la Planoise. C’est le sens d’un budget, monsieur le sénateur, qui a augmenté de plus de 1 milliard d’euros depuis 2017 pour la sécurité des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Grosperrin, pour la réplique.
M. Jacques Grosperrin. Monsieur le ministre, on ne dit pas « la » Planoise, mais Planoise…
Je vous entends souvent utiliser l’expression « reconquête républicaine ». Toutefois, au regard des statistiques catastrophiques de 2019 qui quantifient objectivement vos tristes résultats en matière de sécurité et des malaises croissants des forces de l’ordre, une remise en cause des choix opérés depuis le début du quinquennat est non seulement une impérieuse nécessité, mais surtout une urgence absolue pour l’autorité de l’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
conséquences de la grève des avocats sur le système judiciaire
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Dominique Vérien. Ma question s’adressait initialement à Mme la garde des sceaux…
Report d’audience sur report d’audience, tel est devenu le quotidien de notre système judiciaire. Depuis l’annonce de la réforme des retraites qui a provoqué la grève des avocats, les tribunaux dysfonctionnent partout en France.
Or, en matière pénale, et plus particulièrement pour les personnes dont la détention provisoire ou la garde à vue arrive à son terme, l’urgence est là. Que faire ? Remettre en liberté des personnes potentiellement dangereuses dans l’attente d’un jugement ? Les juger sans avocat, comme le permet la jurisprudence de la Cour de cassation ? Aucune de ces deux solutions n’est acceptable. Il vous faut donc sortir de la crise.
Deux réformes de la justice sont prévues, l’une en mars, sur les peines, l’autre en octobre, sur la justice pénale des mineurs. Si vous ne mettez pas fin à ce désordre, à ces retards, ce sont ces réformes elles-mêmes qu’il faudra retarder, notamment celle concernant la justice des mineurs afin d’éviter que les juges n’aient deux régimes différents à appliquer dans le même temps. À quand une justice de nouveau apaisée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme la garde des sceaux, retenue en séance publique à l’Assemblée nationale par l’examen d’une proposition de loi sur les violences conjugales.
Comme vous le savez, les représentants des avocats ont été reçus à de nombreuses reprises par la garde des sceaux et par le Premier ministre et ont obtenu des garanties. Le blocage tient à ce qu’ils récusent le principe même d’intégrer un système universel de retraite.
Le Gouvernement s’est pourtant engagé à examiner avec beaucoup de soin les incidences concrètes de la réforme pour éviter tout impact négatif sur les avocats et sur leurs cabinets. Selon les projections réalisées sur la base de cas types indiqués par le Conseil national des barreaux, les avocats gagnant aux alentours de 32 000 euros verraient leur pension mensuelle augmenter de 13 % dans le nouveau système de retraite universel.
Mme Laurence Rossignol. C’est faux !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Je ne pense pas que ce soit tout à fait négligeable pour un certain nombre d’avocats qui éprouvent des difficultés financières, notamment en fin de carrière. (Mme Laurence Rossignol renchérit.)
Le Gouvernement s’est également engagé à limiter l’impact des hausses de cotisations sur les cabinets, notamment avec la pérennisation de l’abattement permettant de compenser l’augmentation des cotisations retraite au-delà de l’augmentation de taux d’ores et déjà prévue, avant 2029, par la profession.
Le principe d’une grève est maintenu, ce qui empêche parfois les juridictions de fonctionner normalement. Je veux saluer les efforts des greffiers et des magistrats pour faire en sorte que le service public de la justice fonctionne dans de bonnes conditions. Le Gouvernement reste ouvert au dialogue, mais dans le cadre qui a été fixé, celui d’un système universel de retraite où chaque Français cotisera à une seule et même caisse. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Laurence Rossignol. Mensonges !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. Madame la secrétaire d’État, je vous parle organisation de la justice, vous me répondez retraite des avocats. Ce n’était pas ma question.
Allez-vous reporter la réforme de la justice des mineurs qui ne pourra être opérationnelle, de nombreux dossiers devant encore être traités après le 1er octobre prochain ? La situation sera ingérable pour des juges qui auront à utiliser et le code anciennement en vigueur et le nouveau code.
Quant à juger sans avocat – et c’est sans doute ce qui va se passer –, la France ne s’expose-t-elle pas à une condamnation devant la Cour européenne des droits de l’homme et au paiement d’une amende importante ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR.)
ostréiculture
M. le président. La parole est à Mme Muriel Jourda, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda. Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, mais je crois que c’est Mme le ministre de la transition écologique et solidaire qui va me répondre… (Marques d’ironie sur les travées du groupe Les Républicains.)
Il s’agit d’un sujet qui touche un pan entier de l’économie agricole. Voilà déjà deux mois que les conchyliculteurs et les ostréiculteurs voient leurs productions contaminées par un virus. S’il s’agit d’un phénomène récurrent, il n’avait encore jamais atteint une telle ampleur. De nombreuses productions conchylicoles sont touchées : en Méditerranée, dans la Manche, sur la côte atlantique… Dans le Morbihan, deux entreprises sur trois ont dû fermer. C’est une catastrophe économique et sociale. Beaucoup de ces entreprises, souvent petites et familiales, réalisent 60 % de leur chiffre d’affaires durant cette période des fêtes de fin d’année.
La première réponse à apporter concerne le traitement des eaux usées. Les choses sont en cours. Mais il faut aussi faire face à l’urgence. Les conchyliculteurs subissent une situation dont ils ne sont pas responsables et font donc appel à la solidarité nationale. Les réunions tenues au ministère de l’agriculture ont conclu que les préfets seraient chargés de recenser les préjudices subis pour mettre en œuvre les aides existantes au profit des conchyliculteurs. Mais il ne se passe rien de concret sur le terrain et les professionnels ne voient rien venir.
Madame le ministre, comment comptez-vous venir en aide aux conchyliculteurs à la fois durablement et durement touchés ? La question est assez simple : vont-ils être aidés par l’État ? De quelle façon ? À quelle hauteur ? Selon quel calendrier ? Pourriez-vous être la plus concrète et la plus précise possible afin de répondre aux attentes des entreprises et de leurs salariés en difficulté ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame la sénatrice Muriel Jourda, comme vous le soulignez, depuis le mois de décembre, plus de 200 suspicions d’infections alimentaires collectives liées à la consommation d’huîtres ont été signalées dans plusieurs régions.
Les pluies abondantes intervenues en fin d’année et au début de cette année, associées aux épidémies hivernales et à une forte consommation d’huîtres, ont très probablement contribué à la survenue de ces infections.
La fermeture des zones de production concernées montre la réactivité des services de l’État pour protéger les consommateurs. La vigilance dont fait l’objet la filière est aussi une garantie de qualité des produits mis sur le marché. Toutefois, comme vous l’avez souligné, ces fermetures ont des conséquences économiques et sociales importantes pour la filière. Les responsables ont en effet été reçus au ministère de l’agriculture, et les préfets sont en train de recenser, d’identifier cas par cas les préjudices subis par les entreprises dans les zones concernées.
Même s’il ne s’agit pas du seul facteur, cet incident montre l’importance pour les collectivités locales de maîtriser l’assainissement des eaux usées, y compris lors des épisodes de fortes pluies. Le contrôle des rejets des stations d’épuration, des réseaux d’eaux pluviales et des épandages dans les zones conchylicoles font partie des priorités du contrôle, les agences de l’eau apportant par ailleurs des aides aux collectivités pour financer les traitements renforcés des eaux usées, qui sont nécessaires dans ces zones fragiles.
Je le rappelle, dans le cadre du onzième programme d’intervention des agences de l’eau, 3,6 milliards d’euros d’aides sont accordés au titre du traitement des eaux usées.
Il faut traiter les situations des entreprises en urgence et, globalement, mettre en place un retour d’expérience national, afin d’améliorer la surveillance, d’anticiper ces périodes à risques et de mettre en place des dispositifs d’assurance pour les conchyliculteurs.
M. Claude Bérit-Débat. Ils vont toucher combien ? (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République En Marche.
M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce vendredi 31 janvier 2020 à minuit, heure française, le Royaume-Uni quittera l’Union européenne, après en avoir été membre pendant quarante-sept années. L’accord de retrait a été ratifié par le Royaume-Uni, et le Parlement européen le ratifie en ce moment même. Un certain nombre d’entre nous seront tristes de ce recul dans la construction européenne. Toutefois, nous devons nous tourner vers l’avenir.
À partir du 1er février, l’Union européenne et le Royaume-Uni auront à peine onze mois pour définir et négocier leurs futures relations et les modalités d’application du traité. Ces dernières devront couvrir un très large éventail de sujets, notamment les relations commerciales, sécuritaires, politiques, financières et militaires.
Comme il est impossible de croire que plus de quinze accords différents seront conclus sur tous ces sujets avant le 31 décembre 2020, il faudra, comme l’a demandé Ursula von der Leyen, établir des priorités. Les États membres sont donc appelés, depuis quelques semaines, à faire connaître à la Commission européenne leurs « lignes rouges », à savoir leurs lignes de négociation.
Ma première question est donc la suivante : monsieur le ministre, quelles sont les nôtres ? Quelles priorités la France compte-t-elle mettre en avant ?
Concernant plus particulièrement la relation commerciale, qui constitue probablement l’aspect le plus important, le Premier ministre britannique a indiqué que son objectif était de faire du Royaume-Uni une zone d’attrait économique, soit une sorte de Singapour européen, à vingt kilomètres de nos côtes.
Comment assurer concrètement le maintien de règles équitables entre l’Union européenne et le Royaume-Uni ?
M. le président. Il faut conclure !
M. Richard Yung. Troisième et dernière question,… (Exclamations amusées.) Monsieur le président…
M. le président. Je pourrais vous interrompre, alors terminez votre question !
M. Richard Yung. Je termine, monsieur le président.
Dans les domaines importants de la régulation financière et de la fiscalité, quelles règles de négociation le Gouvernement envisage-t-il d’adopter à Bruxelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Richard Yung, vous l’avez rappelé, à partir d’après-demain soir, le Royaume-Uni sera un État tiers à l’égard de l’Union européenne. Le Parlement européen en débat en ce moment, et le Conseil devrait valider formellement, aujourd’hui, l’accord de retrait. Observons d’abord que cet accord de retrait a évité une sortie désordonnée que nous craignions auparavant.
Observons-le aussi – Mme de Montchalin vient de le rappeler pour les pêcheurs –, pendant la période de transition, soit jusqu’au 31 décembre 2020, le droit de l’Union européenne continuera à s’appliquer au Royaume-Uni, ce qui constitue une sécurité pour nos entreprises et nos concitoyens.
Maintenant, on va rentrer « dans le dur », et je serais tenté de vous dire, pour reprendre l’une vos formules, que le plus dur est devant nous. Un mandat de négociation sera confié à Michel Barnier. Il sera négocié et discuté entre les États membres et promulgué le 25 février. À partir de là, une discussion sera entamée.
Permettez-moi simplement de vous faire part de quelques-unes de mes convictions. Premièrement, il faut impérativement que l’Union reste unie et cohérente dans ces discussions. Depuis juin 2016, certaines tentations antérieures ont été surmontées, et il faut qu’elles le restent.
Deuxièmement, nous serons très clairs sur les principes fondamentaux, à savoir l’intégrité du marché intérieur, l’autonomie de décision de l’Union européenne et l’équilibre entre les droits et les obligations.
Troisièmement, nous ferons en sorte de toujours privilégier le fond sur le calendrier. Il ne faudrait pas que l’urgence se transforme en précipitation !
Quatrièmement, notre vigilance sera absolue pour empêcher toute forme de concurrence déloyale, dans quelque domaine que ce soit. Je le rappelle, c’est un principe de base, l’accès au marché intérieur de l’Union…
M. le président. Il faudrait conclure !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. … n’est ni mécanique ni automatique. Il n’y aura pas de paradis fiscal, environnemental, commercial ou social aux portes de l’Union européenne.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La négociation sera globale ou elle ne sera pas. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
comptes des français de l’étranger
M. le président. La parole est à M. Damien Regnard, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Damien Regnard. Ma question s’adresse à Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances. (Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. André Reichardt. Il est parti !
M. Damien Regnard. Monsieur le ministre, le 19 décembre dernier, à quelques jours de Noël, le Président de la République s’adressait à la communauté française d’Abidjan. Il s’adressait à travers eux aux plus de 3 millions de Français résidant à l’étranger. Ces derniers ont été si souvent oubliés qu’ils ne croient plus depuis longtemps au père Noël.
Le Président de la République leur a promis – vous y étiez, monsieur le ministre – de s’attaquer aux pratiques de débancarisation des banques françaises. Il leur a annoncé la convocation – ce sont ses mots –, pour trouver une solution, des banques françaises, « qui sont heureuses de trouver l’État français pour les accompagner dans les projets à l’extérieur et pour trouver de beaux projets de financement ».
Monsieur le ministre, comme ces millions de Français qui ont entendu ces promesses à quelques jours de Noël, je n’ai pas été vraiment surpris de voir qu’il n’y avait rien, le 25 décembre, au pied du sapin.
Il n’y avait rien, alors que, depuis 2013 et les premières fermetures arbitraires de comptes, la situation n’a cessé de se détériorer. Il n’y avait rien, alors que, à chacun de mes déplacements à l’étranger, je suis interpellé par ces Français, qui me font part de leur désarroi et de leur incompréhension.
Monsieur le ministre, est-il normal que ces Français soient contraints de se tourner vers des banques étrangères pour ouvrir un compte ou chercher des financements ?
Cette situation inacceptable n’a que trop duré. Les Français de l’étranger sont fatigués d’entendre toujours les mêmes promesses. Ils ne supportent plus cette stigmatisation, ils ne supportent plus d’être une variable d’ajustement, de voir leur fiscalité augmenter pendant que les services consulaires voient peu à peu leurs moyens diminuer.
Monsieur le ministre, si les Français ne croient plus au père Noël, ils veulent garder l’espoir d’être entendus.
M. David Assouline. Il ne faut pas croire au père Noël !
M. Damien Regnard. Nous sommes le 29 janvier, et il est encore temps de formuler un vœu. Ma question est donc simple : allez-vous enfin exaucer le vœu des Français de l’étranger en luttant réellement contre les pratiques de débancarisation, comme vous l’a demandé le Président de la République ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. David Assouline. Il est là, lui !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Regnard, je suis ici parmi vous pour répondre à cette question sur les Français établis hors de France. C’est une question très importante, qui concerne une situation à propos de laquelle le Président de la République a précisé qu’elle était anormale et inacceptable.
Certes, il existe dans le code monétaire et financier un droit au compte. Certes, les conditions de résiliation des comptes ont été encadrées. Mais nous constatons que, dans la réalité, un certain nombre d’établissements bancaires font de la surconformité par rapport à des réglementations de lutte contre le blanchiment ou le terrorisme. Ainsi, un certain nombre de nos compatriotes, qui sont pourtant de bonne foi, souvent établis depuis des décennies partout dans le monde, se voient fermer leur compte de façon arbitraire.
Face à une telle situation, nous souhaitons, avec Bruno Le Maire, avancer rapidement.
Je tiens à attirer votre attention sur le fait que, hier, Bruno Le Maire, à l’occasion d’une réunion avec la Fédération bancaire française, sur la zone géographique de la Russie – nous menons naturellement le même travail sur l’ensemble des zones géographiques – a évoqué ce sujet. Nous allons poursuivre nos travaux, en vue d’inscrire ce sujet à l’ordre du jour de la conférence permanente des Français de l’étranger. Vous le savez, j’avais réuni sa première formation voilà quelques mois, et nous nous retrouvons le 17 mars prochain.
Il s’agit de trouver des solutions concrètes. Tout comme vous, je tiens des permanences de proximité auprès de nos compatriotes établis hors de France.
Il y a également le sujet des certificats de vie. Avec Jean-Yves Le Drian, nous l’avons dit à nos services consulaires, il est important d’apporter des réponses lorsque nos compatriotes se heurtent à des procédures déshumanisantes. Je pense notamment au GIP Info Retraite. Nous travaillons, avec Agnès Buzyn et la direction de la sécurité sociale (DSS), à rétablir un peu d’humanité dans le cadre de ces procédures. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
coronavirus
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Hélène Conway-Mouret. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Le coronavirus nous donne aujourd’hui un nouvel exemple de la globalisation de notre planète, qui fait qu’une crise sanitaire à l’autre bout du monde nous concerne tous. Les médias et les réseaux sociaux nous informent en continu des décisions prises pour apporter une réponse mondiale à l’épidémie de pneumonie virale qui a déjà fait plus de 132 morts et contaminé 6 000 personnes en Chine, si je me réfère aux chiffres communiqués ce matin.
Chacun s’active pour tenter de contrôler la propagation du virus face à la progression très rapide de l’épidémie, qui touche désormais 14 pays, dont le nôtre.
Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur les mesures concernant nos compatriotes vivant à l’étranger. La presse annonce le rapatriement de 250 Français et une centaine d’Européens, dont l’avion devait partir ce matin.
Mais qu’en est-il des dizaines de milliers d’autres Français vivant en Chine, alors que la France a promis le retour à ses ressortissants qui le souhaitent ? Certains d’entre eux, à Wuhan, nous signalent qu’ils n’arrivent pas à obtenir d’informations sur les modalités de retour.
Qu’en est-il des conjoints chinois ou étrangers qui ont besoin d’un visa pour sortir ? Comment l’obtiennent-ils puisqu’ils ne peuvent se déplacer au consulat ? Aux dires des experts, le pic de l’épidémie devrait être atteint dans une dizaine de jours. L’OMS ne recommandant pas de telles évacuations d’étrangers, pouvez-vous nous éclairer sur ce qui a motivé votre décision ? Surtout, pouvez-vous nous dire comment sera assuré le suivi de la quarantaine des rapatriés, qui dure quatorze jours, afin de s’assurer qu’elle est bien respectée ?
Enfin, comment et où seront traités ceux qui présentent des symptômes suspects et qui seront évacués dans un avion séparé du reste des candidats au départ ?
Monsieur le ministre, les questions sont nombreuses. Afin d’éviter l’angoisse et la panique souvent engendrées par l’ignorance, il me semble important de rassurer au maximum nos compatriotes, en les informant régulièrement. Certains estiment d’ailleurs les informations du ministère trop parcellaires.
Par ailleurs, n’oubliez pas les parlementaires représentant les Français établis hors de France ! Nous sommes des relais naturels pour nos compatriotes, qui nous questionnent beaucoup et cherchent auprès de nous des informations fiables. Elles le seraient d’autant plus si elles nous étaient fournies directement par le centre de crise du quai d’Orsay. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de faire un point sur la situation, laquelle inquiète – c’est bien compréhensible – nombre de nos concitoyens.
Le 7 janvier dernier, les autorités sanitaires chinoises ont annoncé la découverte d’un nouveau coronavirus. Le Gouvernement français est depuis pleinement mobilisé afin d’éviter la propagation du virus sur notre territoire et un suivi quotidien de la situation épidémiologique en France a été mis en place.
Comme vous le savez, la situation internationale a évolué, vous en avez rappelé les différents chiffres. En France, un quatrième cas a été confirmé hier. Il s’agit d’un touriste chinois de plus de 80 ans, actuellement hospitalisé.
S’agissant du rapatriement et de toutes les questions que vous avez soulevées, un dispositif permettant de rapatrier nos compatriotes est en cours d’organisation, conformément à la demande du Premier ministre. Des contrôles médicaux de préembarquement, réalisés par des équipes spécialisées françaises, permettront d’organiser le retour par avion dans les meilleures conditions de santé publique pour tous.
Les modalités précises sur le nombre, la nature des vols et leurs horaires dépendront de la situation et des impératifs de santé publique. Elles n’ont pas vocation à être communiquées à ce jour.
Notre objectif est que tous nos compatriotes qui le souhaitent soient assurés de leur retour. Nous faisons le choix de la transparence depuis le début. Le Gouvernement s’engage à continuer ainsi. C’est la seule voie valable, non seulement pour rassurer nos concitoyens, mais aussi pour freiner la propagation du virus.
Permettez-moi également de le rappeler, tous les soirs, au ministère, se tient une conférence de presse où l’ensemble de ces sujets sont abordés. Nous apportons les réponses dès lors que nous avons des réponses précises à apporter.
politique de gestion de l’eau
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Adnot. J’aurais pu poser une question à M. le Premier ministre sur ce qu’il pensait des déclarations de son ancien secrétaire d’État Benjamin Griveaux sur l’intérêt du déplacement de la gare de l’Est. (Rires et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) N’ayant pas voulu être cruel, je ne l’ai pas fait, mais tous les sénateurs du Grand Est n’en pensent pas moins !
Ma question s’adressait à M. le ministre de l’agriculture. Elle concerne la politique de l’eau dans le contexte d’accidents climatiques à répétition que connaît notre planète.
Nous avons tous suivi le triste feuilleton des incendies dus à la sécheresse en Australie, puis les événements climatiques survenus de chaque côté des Pyrénées. Loin de moi l’idée de désigner les responsables, l’homme ou les cycles de la nature. Toutefois, je m’interroge sur les actions concrètes mises en œuvre par le Gouvernement pour traiter les conséquences et, donc, prévenir de tels événements.
En bref, quel est le plan du Gouvernement pour répondre aux conséquences des accidents climatiques de plus en plus fréquents ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la transition écologique et solidaire.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le sénateur Adnot, vous avez raison de le souligner, des incendies ravagent l’Australie, après la crise que nous avons connue l’été dernier dans la forêt amazonienne. Plus près de nous, sur notre territoire, nous sommes confrontés à des sécheresses et des canicules – deux épisodes l’été dernier –, ainsi qu’à des inondations, qui affectent notamment le sud de la France.
Vous le savez, nous avons d’ores et déjà un plan national d’adaptation au changement climatique, dont nous avons eu l’occasion de débattre à plusieurs reprises dans cet hémicycle. Mais nous devons manifestement aller plus loin, en particulier pour prendre en compte l’impact de la sécheresse sur les activités de nos agriculteurs, ce qui nous amène à repenser l’ensemble de la gestion du cycle de l’eau. Tel était bien l’objet des Assises de l’eau pilotées, voilà quelques mois, par mon ministère. Elles doivent déboucher sur des réponses très concrètes. C’était notamment le sens de l’instruction qui a été adressée par mon ministère, en lien avec le ministère de l’agriculture, pour inciter à la préparation de programmes territoriaux pour la gestion de l’eau, dans lesquels les agriculteurs, les industriels, les collectivités et les ONG sont invités à réfléchir ensemble aux besoins et aux économies qui seront nécessaires dans le cadre de la gestion de l’eau.
C’est aussi toute la politique de prévention des inondations qui est en cause. J’ai pu m’en rendre compte dans mes déplacements, les élus attendent de nous que nous agissions plus vite en la matière.
C’est donc bien un programme d’ensemble que nous devons préparer de façon sans doute plus opérationnelle que ce qui a été fait jusqu’à présent. Car le changement climatique, c’est maintenant ! C’est la raison pour laquelle ce sujet sera à l’ordre du jour du prochain Conseil de défense écologique, afin de bâtir un véritable plan de bataille face aux dérèglements climatiques. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. David Assouline. Et la gare de l’Est ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour la réplique.
M. Philippe Adnot. Madame la ministre, je connais tout cela, bien entendu. Simplement, le problème est le suivant : que réalisons-nous concrètement ? Quelles infrastructures sont mises en place ?
Regardons ce que font les autres pays : les Pays-Bas ont un plan concret d’investissement pour maîtriser le sujet. Que fait-on, puisqu’on a supprimé tout ce qui ralentissait l’eau dans les cours d’eau, ce qui fait que le déversement est de plus en plus violent et crée de plus en plus de désordres ? Une telle situation nécessite que l’on construise des réservoirs tampons, des aménagements permettant de stocker l’eau qui se trouve en excès. Tout cela nécessite que nous soyons capables de prendre un certain nombre de décisions.
Aujourd’hui, dans le monde, cent villes ont pris des initiatives dans le domaine de la résilience. En France, les réalisations concrètes tardent. C’est là-dessus que nous serons jugés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 5 février 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Rappel au règlement
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, l’article 27 de la Constitution dispose : « […] Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. La loi organique peut autoriser exceptionnellement la délégation de vote. Dans ce cas, nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. »
Or non seulement le système de vote électronique qui vient d’être instauré est organisé pour permettre à un seul sénateur de voter pour plus de cent personnes de son groupe, mais en plus il ne permet pas de donner procuration au sénateur de son choix. En clair, dans chaque groupe, une personne est désignée pour recevoir procuration pour l’ensemble du groupe.
Une telle pratique est totalement contraire à la Constitution. À titre personnel, je la trouve scandaleuse, mais pour nous autres, sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, cela pose un problème extrêmement grave, le propre des sénateurs non inscrits étant de ne pas avoir tous obligatoirement les mêmes positions.
Il y a environ deux mois, ma collègue Christine Herzog m’avait donné une procuration de vote, conformément aux dispositions de la Constitution et de la loi organique. Je n’ai pas pu utiliser cette procuration !
Au cours des derniers jours, je me suis rendu compte qu’en raison d’un bug informatique on avait voté pour moi alors que je ne l’avais pas demandé ! Ce système est invraisemblable. Je n’ai pas voulu faire une mise au point au sujet d’un vote, car il s’agit non d’une erreur, mais d’un dysfonctionnement du système informatique ! Les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe sont les premières victimes de ce système totalement antidémocratique et contraire aux principes de la Constitution.
La Constitution dispose que nul ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Il est donc scandaleux qu’un sénateur vote ici régulièrement pour cent personnes dont il a reçu mandat !
Mme Cécile Cukierman. Ça a toujours existé ! Avec les cartes, c’était déjà la même chose !
M. Jean Louis Masson. Je tiens donc à protester et à dire clairement que les votes émis en mon nom au cours de ces derniers jours ne m’engagent aucunement !
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
4
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Lors des scrutins publics nos 82 et 86, ma collègue Josiane Costes souhaitait voter pour.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Je souhaite faire une mise au point concernant le scrutin public n° 86 : Brigitte Lherbier et Antoine Lefèvre souhaitaient s’abstenir ; Philippe Dominati, Alain Houpert, Catherine Procaccia et moi-même souhaitions voter contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon.
Mme Annick Billon. Lors du scrutin public n° 82 du 28 janvier 2020 portant sur l’amendement n° 214 rectifié tendant à la suppression de l’article 17 du projet de loi relatif à la bioéthique, je souhaitais voter pour.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 81, mon collègue Alain Fouché souhaitait voter pour. Lors du scrutin public n° 85, Alain Fouché souhaitait voter contre et le président Claude Malhuret souhaitait s’abstenir.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces quatre mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
5
Communication d’un avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – trente et une voix pour, trois voix contre – au renouvellement de M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d’administration de La Poste.
6
Candidatures à une commission d’enquête
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la désignation des vingt et un membres de la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières.
En application de l’article 8 ter, alinéa 5 de notre règlement, les listes des candidats présentés par les groupes ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
7
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 63, texte de la commission spéciale n° 238, rapport n° 237).
Dans la discussion du texte de la commission spéciale, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre V, à l’article 19 quater.
TITRE V (suite)
POURSUIVRE L’AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES PRATIQUES DU DOMAINE BIOÉTHIQUE
Chapitre Ier (suite)
Renforcer la qualité et la sécurité des pratiques
Article 19 quater (nouveau)
Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier ter ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER TER
« Actions de prévention et de soins concernant le nouveau-né
« Art. L. 2131-7. – Par dérogation à l’article 16-10 du code civil et à l’article L. 1131-1 du présent code, peut être proposée aux titulaires de l’autorité parentale, dans le cadre du dépistage néonatal, la recherche en première intention d’anomalies génétiques pouvant être responsables d’une affection grave justifiant de mesures de prévention ou de soins. Une liste des anomalies génétiques susceptibles d’être recherchées dans le cadre d’un examen des caractéristiques génétiques réalisé en première intention chez le nouveau-né est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine et de la Haute Autorité de santé.
« La réalisation de cet examen est subordonnée au recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale dans les conditions prévues aux I et II de l’article 16-10 du code civil.
« Les examens des caractéristiques génétiques réalisés en première intention en application du présent article ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. Leur coût est à la charge des titulaires de l’autorité parentale. Ces examens peuvent, le cas échéant, faire l’objet d’une prise en charge, totale ou partielle, par l’organisme complémentaire d’assurance maladie des titulaires de l’autorité parentale. »
Mme la présidente. L’amendement n° 289, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cet amendement vise à supprimer l’article 19 quater adopté en commission, qui introduit la pratique de tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal.
Cet article vise à préciser, en outre, que la prise en charge financière de ces tests serait alors à la charge des titulaires de l’autorité parentale et, éventuellement, des mutuelles complémentaires.
Le seul fait qu’un test soit disponible et réalisable ne justifie ni sa prescription ni sa réalisation. La pratique de tests génétiques en première intention dans le cadre du dépistage néonatal doit continuer à répondre aux critères de pertinence des programmes nationaux de dépistage en population générale. Il revient à la Haute Autorité de santé (HAS), en liaison avec l’Agence de la biomédecine, de travailler sur ces sujets pour étudier les perspectives, notamment thérapeutiques, qui peuvent exister une fois que ces tests ont été réalisés, pour examiner la pertinence de ces tests et pour ouvrir les débats sur des questions qui, à ce stade, ne sont pas expertisées.
Le dépistage néonatal a pour objet la prévention secondaire des maladies à forte morbidité ou à forte mortalité dont les manifestations peuvent être prévenues complètement ou partiellement par un traitement engagé très tôt après la naissance. Ce qui justifie ces tests, c’est l’existence d’un traitement qui peut être commencé immédiatement.
Ce dépistage est en France d’excellente qualité, il répond à des besoins précis en santé, sur un public parfaitement identifié, avec des tests validés et performants, et surtout un gain indéniable en raison d’une prise en charge thérapeutique efficace. Ces tests sont totalement pris en charge par la solidarité nationale.
Le programme national de dépistage néonatal évolue donc en fonction des avancées scientifiques et des possibilités thérapeutiques. Les examens réalisés dans le cadre de ce dépistage sont fixés par arrêté, en application d’une disposition de principe du code de la santé publique.
Par ailleurs, l’article introduit en commission vise à écarter la prise en charge de ces tests génétiques par l’assurance maladie en lui préférant un éventuel remboursement par des complémentaires santé. Cela ne correspond aucunement à notre conception du dépistage néonatal. Une fois de plus, je le précise, ce dépistage doit pouvoir conduire à un traitement ou à la proposition d’une thérapie.
Un tel article serait source d’inégalités, ce qui n’est pas acceptable. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose d’adopter cet amendement de suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Certaines maladies génétiques d’une particulière gravité font aujourd’hui l’objet de thérapies géniques prometteuses qui représentent un véritable gain de chances pour les personnes concernées, notamment lorsque ces thérapies sont administrées à un stade précoce chez le jeune enfant, idéalement avant l’apparition des premiers symptômes. C’est le cas en particulier pour certaines formes de l’amyotrophie spinale infantile.
Le dépistage de ces maladies nécessite un examen ciblé de génétique moléculaire qui permet d’identifier la présence d’une mutation génétique bien précise. Ce test, peu coûteux, permettrait de faire bénéficier les nouveau-nés concernés par cette mutation de traitements qui amélioreraient significativement leur espérance et leur qualité de vie.
À titre d’exemple, il existe un traitement pour une forme de l’amyotrophie spinale infantile qui, s’il est administré très tôt au nouveau-né, permet de prévenir l’apparition de séquelles très lourdes. Toutefois, pour pouvoir procéder à l’injection avant l’apparition des premiers symptômes, il faut savoir si l’enfant présente la mutation génétique en cause.
Ce test est envisageable pour un enfant déjà né, il n’y a donc aucune dérive eugénique. Il s’agit, au contraire, de lui permettre d’avoir accès le plus tôt possible aux traitements disponibles.
Quant à la non-prise en charge, madame la ministre, que vous évoquiez, la commission spéciale a été contrainte par l’article 40 de la Constitution.
Mme la ministre des solidarités et de la santé a affirmé hier, lors de l’examen de l’article 10 ter, qu’il existait des traitements permettant de traiter certaines formes d’amyotrophie spinale infantile. Or l’AFM-Téléthon nous a indiqué que l’intérêt de ce traitement est qu’il soit administré le plus tôt possible avant l’apparition des premiers symptômes. Les associations de malades demandent donc de pouvoir procéder au test génétique ciblé pour savoir si l’enfant présente la mutation justifiant l’administration du médicament avant l’apparition des premiers symptômes.
Cette disposition s’inscrit dans la philosophie du dépistage néonatal grâce au fameux test de Guthrie dans les soixante-douze heures après la naissance. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je suivrai l’avis de la commission spéciale. L’objectif des lois de bioéthique est évidemment de s’appliquer pendant plusieurs années. Mme la rapporteure nous a cité l’exemple d’une maladie. Il faut espérer – je crois en la science et au progrès – que, dans les années à venir, d’autres maladies pourront également être dépistées. Ainsi, des enfants seront soignés et sauvés de graves dysfonctionnements, parfois même de la mort. Pourquoi nous opposer à aider et à sauver des enfants déjà nés ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. L’article 19 quater vise à permettre de réaliser en première intention des examens génétiques chez le nouveau-né dans le cadre d’un dépistage néonatal pour la recherche d’anomalies génétiques susceptibles de mesures de prévention.
Mme la rapporteure vient de le souligner, des maladies génétiques très graves peuvent déjà faire l’objet de thérapies géniques prometteuses. Elle a cité l’amyotrophie spinale pour laquelle le traitement doit être commencé tôt. D’autres maladies peuvent être recherchées, comme la phénylcétonurie, l’hypothyroïdie, la mucoviscidose ou la drépanocytose. Cet article introduit par la commission me paraît donc aller dans le bon sens.
Madame la ministre, selon vous, cet article serait inutile, car le ministère s’adapte. Certes, mais pourquoi ne pas le maintenir ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous partageons évidemment tous l’idée d’une mise à jour permanente du dépistage néonatal lorsqu’il existe un traitement. Il importe que ce traitement puisse nettement améliorer les conditions de vie des nouveau-nés, voire éventuellement leur sauver la vie.
Bien sûr, j’entends vos arguments, notamment ceux qui sont relatifs aux pistes très prometteuses de traitements thérapeutiques. Néanmoins, nous parlons d’essais cliniques. Nous ne pouvons pas envisager de faire de la thérapie génique sur l’ensemble des enfants qui naîtraient atteints d’une pathologie avant d’avoir démontré, par des essais très encadrés, la pertinence du traitement proposé !
Le souhait du Gouvernement n’est pas d’interdire le dépistage prénatal des pathologies pour lesquelles nous avons un système fiable thérapeutique à proposer, mais il est de conserver au dispositif son degré de souplesse. Notre ambition n’est pas d’inscrire dans la loi cinq pathologies – pourquoi pas quatre, dix ou douze ? – ni de les graduer entre elles, mais bien de les préciser au fur et à mesure que des traitements seront mis en place.
Il est effectivement très important, chaque fois qu’un test de dépistage est proposé, de pouvoir offrir une solution thérapeutique aux parents. Nous ne pouvons pas simplement leur dire qu’une grave anomalie a été détectée chez leur enfant, mais que l’on est incapable de la traiter, et les laisser ainsi dans le désarroi.
Sur un certain nombre de ces pathologies, notamment en thérapie génique, nous en sommes au stade de mise en place des premiers essais cliniques. Nous ne pouvons donc pas considérer que ces traitements sont d’ores et déjà fiables pour l’ensemble des enfants atteints.
Le Gouvernement demande donc la suppression de cet article de manière à conserver de la souplesse au dispositif. Il importe de pouvoir compléter la liste des pathologies concernées par le dépistage prénatal au fur et à mesure de la mise au point des traitements préventifs ou curatifs.
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Depuis mars 2019, un médicament bénéficie d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) pour des essais cliniques, mais aussi pour des traitements. On voit bien qu’on est à l’aube d’une ère nouvelle.
Ma collègue Catherine Procaccia l’a souligné, pourquoi perdre encore cinq, six ou sept ans en n’inscrivant pas ce principe dans la loi ? (Mme la ministre fait un geste de dénégation.)
Le débat est intéressant. Il serait dommage de priver des enfants de dépistage et de soins, car il s’agit de maladies graves, parfois mortelles, en tout cas très handicapantes. Nous ne pouvons l’ignorer.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 19 quater.
(L’article 19 quater est adopté.)
Article 20
L’article L. 2213-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-1. – I. – L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.
« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.
« II. – Lorsqu’elle permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme ou le devenir des embryons ou des fœtus, l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse si deux médecins, membres d’une équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme, attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, que les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies. L’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ayant requis, si besoin, l’avis d’un médecin qualifié en psychiatrie ou, à défaut, d’un psychologue. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. Aucun critère relatif aux caractéristiques du ou des enfants à naître, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte pour l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple.
« III. – Dans les cas prévus aux I et II, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement de portée modérée a néanmoins son importance. Il vise à maintenir, hormis les cas d’urgence médicale, le délai de réflexion d’une semaine avant la pratique d’une interruption médicale de grossesse (IMG).
Mme la présidente. L’amendement n° 91 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, Bignon, Rapin et Reichardt, Mme Morhet-Richaud et MM. Meurant, H. Leroy, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Dans les cas prévus aux I et II, la femme concernée se voit proposer un délai de réflexion de sept jours avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse et reçoit une information complète pour permettre son choix libre et éclairé. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. L’article 20 concerne l’interruption médicale de grossesse et vise à supprimer le délai de réflexion instauré en 2011.
L’IMG est proposée lorsque la poursuite de la grossesse fait courir un risque grave à la mère ou lorsque le fœtus présente un grave handicap physique ou mental, rendant son existence difficile ou sa survie impossible. Il s’agit d’une opération douloureuse.
Lorsque les futurs parents sont confrontés à une suspicion de handicap de leur enfant, la réaction la plus naturelle est l’effet de panique. Sous le choc de l’annonce du diagnostic, ils ne sont pas forcément en mesure de l’assimiler.
C’est pourquoi le délai de sept jours, qui est théoriquement prévu, est réellement important. C’est un temps de réflexion, de questionnement, de compréhension de la situation, ainsi que d’accompagnement. Ce délai de sept jours humanise tout simplement la démarche que s’apprête à faire le couple.
Le Conseil d’État a lui-même considéré que ce délai était un droit important. L’inscrire dans la loi renforce ce droit.
Par ailleurs, supprimer la proposition de ce délai de réflexion d’une semaine conduit à banaliser un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés.
J’insiste sur le fait que ce délai de réflexion est une proposition faite aux femmes, aucunement une obligation.
L’objet de cet amendement est d’accorder un droit à la femme, dont elle pourrait disposer si elle le souhaite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. L’amendement n° 69 rectifié vise à rétablir une obligation pour le praticien de proposer un délai de réflexion de sept jours à une femme qui souhaite procéder à une interruption médicale de grossesse.
Il faut envisager la réalité du problème sous tous ses aspects.
Le processus qui mène à une interruption médicale de grossesse est long. Il nécessite une première phase de réalisation d’examens complémentaires afin d’évaluer le pronostic d’une pathologie particulièrement grave chez un fœtus présentant une anomalie.
Vient ensuite le temps du diagnostic, le temps de l’annonce et des explications qui sont délivrées par l’équipe du centre à la femme ou au couple, puis celui de l’échange entre l’équipe médicale et la patiente afin qu’elle puisse intégrer la nouvelle. Il y a aussi un temps pour la réflexion. En réalité, il s’agit d’un processus long qui ne dure jamais moins de quelques jours.
Faut-il fixer un nombre de jours incompressible ? Qu’est-ce que cela apporterait dans le processus ? À mon sens, ce serait uniquement une rigidité venant contrarier la gestion, à laquelle ces équipes sont habituées, d’une situation psychologique extrêmement difficile pour les femmes et pour les couples.
De fait, une fois actée la décision de la femme, l’organisation de la prise en charge exige un temps de préparation incompressible. C’est à peu près de délai que vous proposez. Mais le systématiser et le figer n’apporterait rien, si ce n’est quelques complications pour les équipes médicales. La commission a donc émis un avis défavorable.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 91 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission spéciale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
La décision prise est le point d’aboutissement d’un très long processus qui demande beaucoup de confiance et d’échanges entre l’équipe médicale et le couple ou la femme qui prend cette décision. Rajouter un délai induit souvent un sentiment de culpabilité. Dire à une femme qu’à partir de maintenant – quand fixer le « maintenant » ? – elle a sept jours pour bien réfléchir semble lui signifier que jusque-là elle n’avait peut-être pas suffisamment réfléchi.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, il serait dommage d’abîmer la relation de confiance entre la femme et l’équipe médicale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je ne comprends pas très bien la cohérence des propos de notre rapporteur. Il nous dit : « De toute manière, le délai est très long, nul besoin de prévoir un délai de réflexion de sept jours, le processus dure souvent plus d’une semaine. » En quoi le fait de prévoir un délai de sept jours poserait-il alors problème ? Cela ne changerait rien ! Si, comme la ministre et le rapporteur le disent, un délai relativement long s’écoule déjà, cela n’allongerait pas la procédure !
Nous pouvons aussi discuter pour fixer un délai de six jours au lieu de sept, pourquoi pas ? Quoi qu’il en soit, je relève une contradiction fondamentale dans les explications et les justifications qui nous sont fournies.
On nous dit que cela prend « presque toujours » du temps. Certes, mais il peut exister des cas où la décision est prise à la va-vite, en vingt-quatre heures. Il me semble donc intéressant de prévoir un garde-fou. Vous allez me répondre que la décision n’est jamais prise en vingt-quatre heures. Si tel est le cas, en quoi le fait de l’écrire noir sur blanc poserait-il un problème ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je voterai contre ces amendements, car je ne vois pas de contradiction dans les arguments de la commission spéciale. Ce n’est pas un problème de temps, de délai ou de jour, c’est un problème psychologique.
Le processus qui aboutit à une interruption médicale de grossesse nécessite effectivement un temps long. Je retourne donc l’argument : puisque ce temps est long, pourquoi imposer un délai de sept jours qui amène à se réinterroger sur une décision déjà très douloureuse ?
Ce délai de sept jours rajoute de la douleur et de la souffrance à une situation déjà très difficile. C’est un processus suffisamment réfléchi, mûri dans une relation de confiance engagée entre les équipes médicales et la patiente dans ce processus qui aboutit à cette interruption médicale de grossesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comme beaucoup de mes collègues l’ont rappelé, l’interruption médicale de grossesse est lourde. Cette décision, qui impacte les femmes et les couples, est prise en complémentarité avec les équipes médicales.
Lors des auditions, nous avons pu constater que ce sont des équipes médicales extrêmement performantes qui entourent la femme et le couple, avec un accompagnement, psychologique. Les personnes ne sont pas laissées dans la nature.
Je pense qu’il faut, à un moment donné, faire confiance à ce travail minutieux qui permet de prendre la décision en toute connaissance de cause dans une pleine confiance entre l’équipe médicale et la patiente.
Autre argument que je souhaite développer, il convient de faire confiance non seulement aux équipes médicales, mais aussi aux femmes en les laissant prendre leur décision.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien, pour explication de vote.
Mme Michèle Vullien. Je n’ai pas tout à fait la même approche car, même si l’on fait confiance aux équipes médicales, il s’agit d’une décision très forte.
À partir de quel moment considère-t-on que la décision de l’équipe médicale et du couple prend effet ? Il me semble qu’un délai de huit jours n’est pas du tout superflu. Après tout, pour les actes d’achat, des délais de rétractation de sept ou huit jours sont prévus, alors qu’ils concernent des biens matériels. Pour quelque chose d’aussi important, il conviendrait donc qu’une date soit actée et qu’un véritable délai de réflexion soit proposé au couple afin qu’il puisse prendre sa décision.
Je voterai pour ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il ne faut pas dire, me semble-t-il, qu’il s’agit de créer un délai, puisque celui-ci existe et qu’il est appliqué. Pour ma part, je n’ai pas entendu dire que ce délai avait occasionné des difficultés d’application.
Par ailleurs, et cela a déjà été suggéré, de nombreuses législations prévoient des délais préalables à la confirmation d’une décision, que l’on appelle souvent « délais de rétractation ».
S’agissant d’une décision qui est de la plus haute importance pour la femme qui doit la prendre, il est protecteur d’affirmer qu’il existe un délai de réflexion, lequel ne retire rien à la confiance que l’on peut avoir dans la décision libre et éclairée de chaque personne.
Un tel délai crée, au contraire, les conditions d’une décision prise de manière libre et éclairée, en dehors du contexte de l’équipe médicale qui a donné les informations, mais peut-être au sein d’un environnement familial qui permettra à la femme de s’appuyer sur ses proches en prenant un peu de temps.
Dans le cadre de cette procédure, en effet, la décision est irréversible ; on ne pourra pas y revenir ! Il est donc très important que cette réflexion puisse être menée avec sérénité, dans un cadre pacificateur ouvrant la possibilité de la décision. Il s’agit en réalité de soutenir la personne concernée.
Il me semble important de maintenir la législation en vigueur, dès lors que celle-ci n’a pas provoqué de difficultés d’application mais a permis, au contraire, à chacun de prendre chez soi le temps d’aboutir à une décision sage et mûrement réfléchie, en son âme et conscience, après y avoir consacré plusieurs jours et plusieurs nuits.
Pourquoi vouloir précipiter les choses et sceller la décision alors que l’on a un peu de temps devant soi, sans pour autant compromettre la possibilité du choix ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souhaite rappeler qu’il n’existe plus, depuis 2016, de temps de réflexion prévu pour l’IVG. En l’occurrence, le cas est différent puisque nous parlons de l’interruption médicale de grossesse, soit une situation extrêmement douloureuse : une équipe médicale donne à un couple qui souhaite, bien sûr, garder son enfant une information impliquant l’éventualité d’une IMG.
Je pense qu’il ne convient pas, dans ce cas, de fixer de délai. Il est bien évident qu’à la suite de l’avis médical, la famille va réfléchir. Mais le fait de prévoir un délai précis, par exemple huit jours, pourrait entraîner des problèmes graves dans le cadre d’une éventuelle IMG.
Je voterai donc contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je suis assez favorable à la position de M. Chasseing tendant à ne pas prévoir de délai. Lorsqu’une anomalie est annoncée et qu’il faut absolument pratiquer une IMG, il s’écoule obligatoirement avant cette intervention un certain laps de temps, lequel ne sera jamais très court, mais permettra, à chaque fois, aux personnes concernées de réfléchir.
Les médecins ont toujours la volonté de laisser les personnes réfléchir. Aucun médecin ne dira à une femme que cet acte doit être fait immédiatement, le lendemain ou le surlendemain. Ce temps d’attente, qui est lié à la préparation de l’intervention, est d’ores et déjà un délai de réflexion.
Il faut faire confiance au médecin. C’est lui qui évaluera, en fonction de la patiente qu’il a en face de lui, s’il faut attendre et réfléchir ou intervenir rapidement. Ces éléments étant d’ordre individuel, le fait de fixer un délai de réflexion de sept jours risque d’être préjudiciable à certaines personnes.
Je voterai contre les amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur Bernard Jomier, dans les faits, ce temps de réflexion existe. L’IMG est un processus qui comprend le diagnostic, l’explication du diagnostic et le délai de réflexion, l’ensemble de ces étapes durant presque une semaine.
L’ajout proposé n’apportant rien, nous voterons contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je rappelle que le Conseil d’État lui-même avait affirmé regretter la suppression du délai de réflexion.
Sur de telles questions éthiques, mes chers collègues, qui peut s’opposer à ce que l’on puisse réfléchir et, en l’espèce, à ce qu’un délai de réflexion soit prévu ? Il s’agit en effet d’une décision importante qui nécessite de prendre connaissance de l’ensemble des problèmes posés et de la situation. La femme doit donc pouvoir agir en toute connaissance de cause et prendre le recul nécessaire en toute liberté. À cet égard, il me semble important de prévoir ce temps de réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Je voterai contre ces amendements, pour des raisons médicales.
M. le rapporteur vient de me rappeler qu’environ 7 000 IMG étaient effectuées en France chaque année. Par ailleurs, 500 propositions d’IMG sont refusées par les couples : c’est bien la preuve que l’on donne à ceux-ci le temps nécessaire à la réflexion.
Il faut également savoir que 500 demandes d’IMG formulées par des couples sont refusées par les médecins. Il n’est donc pas question ici de faire n’importe quoi n’importe comment…
Je reprendrai les mots employés par Philippe Bas, qui disait que la femme devait prendre sa décision de manière libre et éclairée.
Où se trouve la liberté de choix lorsque l’on annonce à une dame qu’elle est enceinte d’un enfant qui va décéder, ou qui présente de nombreux problèmes, ou qui met sa vie en danger ? Cette liberté n’existe plus ! Il faut que la femme prenne une décision et, généralement, elle sait laquelle prendre et elle la prend.
J’en viens au caractère éclairé de la décision.
Dès lors que le processus décrit par Bernard Jomier est arrivé à son terme, l’éclairage est donné par l’équipe médicale. Lorsque celle-ci a expliqué à une dame tous les problèmes auxquels elle est exposée du fait de sa grossesse, ainsi que les risques encourus par le fœtus qu’elle porte, il n’arrive jamais que le médecin lui dise : « Vous êtes en danger, allongez-vous, je vous opère ! »
M. Philippe Bas. Personne n’a dit ça !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il n’est absolument pas vrai que ce genre de situation se produise.
M. Philippe Bas. Heureusement !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. N’infligeons pas un délai supplémentaire,…
M. Philippe Bas. Il existe déjà !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. … et donc une souffrance supplémentaire, à une personne ou à un couple qui, ayant appris tous les dangers que fait encourir la grossesse telle qu’elle se présente, n’a qu’une seule solution véritable, celle d’interrompre la grossesse du point de vue médical.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme sur de nombreux sujets abordés à l’occasion de la discussion des lois de bioéthique, il se pose une question d’équilibre.
Je crois qu’il faut toujours partir de la réalité.
Lorsqu’une femme a une première alerte, des analyses complémentaires sont très souvent demandées. Mais, dès le départ, cette femme et ce couple sont confrontés au fait que la grossesse, qui aurait dû a priori être une période de joie, se transforme en un moment douloureux, difficile.
Il ne faut pas oublier qu’une grossesse est un processus qui évolue dans le temps. Lorsque la difficulté est confirmée et que le risque est patent pour l’enfant ou pour la mère, et que le médecin et l’équipe médicale, dans une relation de confiance, en viennent à donner ces informations à la femme, au couple, plusieurs jours, et même plusieurs nuits blanches, ont passé.
Quand faire partir le délai de sept jours : à partir du dépistage d’une anomalie entraînant des examens complémentaires ? À partir du moment où tous les examens complémentaires ont été confirmés ? À partir de celui où la femme, ou le couple, revient voir le médecin pour lui annoncer sa décision ? Et là, on leur dirait : « Votre décision est prise ? Réfléchissez donc encore sept jours ! » Or, pendant ce temps, le processus de grossesse continue, les nuits blanches s’installent et la culpabilité grandit…
Compte tenu de la souffrance que représente une IMG dans l’immense majorité des cas, le fait d’ajouter un délai de sept jours, dont on ne sait pas très bien quand il serait raisonnable de le faire partir, n’aurait pas beaucoup de sens. Il est vrai que ce délai existe aujourd’hui, mais son point de départ est fixé par les médecins et les équipes médicales selon la situation. Pour certaines femmes, ce délai représente une semaine supplémentaire au cours de laquelle elles peuvent sentir l’enfant bouger, par exemple, ce qui peut être source de nouvelles complications.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 283 |
Pour l’adoption | 108 |
Contre | 175 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 20.
(L’article 20 est adopté.)
Article 21
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2213-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-2. – Si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli avant la réalisation de l’interruption volontaire de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1.
« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a été faite.
« Si la mineure non émancipée ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption de grossesse pour motif médical ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix. » ;
2° L’article L. 2213-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-3. – L’interruption de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1 ne peut être pratiquée que par un médecin.
« Elle ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé. » ;
3° Sont ajoutés des articles L. 2213-4 et L. 2213-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Art. L. 2213-5. – Les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Quelques mots pour dire que nous voterons en faveur de cet article, sauf si l’amendement de M. Chevrollier était adopté.
En effet, nous considérons comme essentiel l’apport de notre commission spéciale, et particulièrement celui du rapporteur Bernard Jomier, visant à supprimer la clause de conscience inscrite dans le texte en cas d’interruption médicale de grossesse.
Nous avions d’ailleurs déposé le même amendement en commission, mais celui du rapporteur était plus complet et mieux rédigé – c’est normal, c’est le rapporteur ! (Sourires.) –, notamment sur l’obligation d’informer la patiente du refus du praticien et de lui communiquer le nom d’un collègue volontaire. Comme d’autres, je pense que cette double clause de conscience, spécialement pour les IMG, comme d’ailleurs pour les IVG, est inutile et superfétatoire.
Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle. Une clause de conscience générale existe déjà pour tout médecin, comme pour les sages-femmes, pour tout acte médical.
Pourquoi traiter l’IVG et I’IMG à part ? Je ne peux m’empêcher de penser, mes chers collègues, qu’il s’agit bien là, au XXIe siècle, de continuer à vouloir contrôler le corps des femmes.
J’en profite, madame la ministre, pour vous demander où en est l’état des lieux que Mme Buzyn avait commandité pour connaître la réalité territoriale et médicale de cette double clause de conscience et mesurer son éventuel impact dans l’accès aux soins. Très sensible à cette question, elle nous avait dit lors d’un précédent débat qu’elle allait recevoir cette évaluation et nous la communiquer. Je vous remercie, par avance, des informations que vous pourrez nous transmettre sur ce point.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, H. Leroy, Meurant, Bignon, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour but de rétablir la clause de conscience spécifique pour l’interruption médicale de grossesse dans les termes votés par l’Assemblée nationale.
En droit actuel, les médecins, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux ne sont pas tenus de pratiquer une IMG, ou même seulement d’y concourir. Par souci de lisibilité du droit, l’Assemblée nationale a réécrit l’article pour énoncer explicitement les dispositions de la clause de conscience.
Certains membres de la commission spéciale du Sénat ont pu penser, étant donné que seul un médecin peut pratiquer une IMG, que lui seul était concerné par la clause de conscience et qu’il convenait ainsi de supprimer les dispositions relatives aux sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux. Or cela est inexact car, même si ces derniers ne peuvent en effet pratiquer eux-mêmes l’IMG, ils peuvent être sollicités pour y concourir. Supprimer cette clause de conscience est donc une régression par rapport au texte de l’Assemblée nationale et par rapport à l’état actuel du droit.
Les débats qui ont eu lieu depuis plusieurs jours au Sénat montrent combien la confrontation à la maladie d’un enfant à naître ne reçoit pas de réponse univoque, combien elle entraîne un choix difficile et de nombreuses questions. Les auxiliaires médicaux sont confrontés à ces difficultés au quotidien.
Les difficultés que rencontrent les professionnels de santé concernés pour faire valoir et respecter leurs choix éthiques montrent qu’en cette matière, on ne peut se contenter de faire valoir une clause de conscience générale.
Mes chers collègues, il est important de protéger la liberté de conscience, surtout dans le contexte actuel d’offensive contre la liberté de conscience des personnels de santé. Il est donc impératif de rappeler, dans les dispositions du code de la santé publique relatives à l’IMG, la possibilité pour les auxiliaires médicaux de faire valoir et respecter leur clause de conscience.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Vous souhaitez donc par cet amendement rétablir une clause de conscience des professionnels de santé en matière d’interruption de grossesse pour motif médical.
La commission spéciale a acté le fait qu’une clause de conscience générale permettant déjà de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions bénéficie aux professionnels de santé intervenant dans les procédures d’interruption médicale de grossesse.
Cette clause de conscience générale est aujourd’hui inscrite à l’article R. 4127-47 du code de la santé publique qui prévoit que, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Il s’agit bien d’une clause de conscience générale, laquelle permet à tout praticien de refuser des soins qui heurteraient ses convictions personnelles.
Dans un rapport de 2011, le Conseil national de l’ordre des médecins, dont je rappelle qu’il est l’institution chargée du respect de la déontologie des médecins, donne la définition suivante : « Pour le médecin, la clause de conscience, c’est le droit de dire “non” dans certaines circonstances, à condition d’apporter au patient une réponse pertinente sans pour autant être obligé d’exposer ses convictions intimes, sans prosélytisme, et en l’informant “sans délai” des possibilités qui s’offrent à lui dans la requête qu’il a entreprise. » Aujourd’hui, le droit en vigueur en matière d’interruption médicale de grossesse renvoie donc aux dispositions applicables en matière de clause de conscience.
L’absence de clause de conscience spécifique pour l’IMG n’a donc jamais empêché un médecin de refuser de pratiquer une IMG, le praticien pouvant se fonder sur la clause de conscience générale.
Par ailleurs, au début de l’examen de ce texte, une clause de conscience spécifique avait également été proposée pour les médecins réalisant des actes de procréation médicalement assistée. Pour les mêmes raisons, notre assemblée avait décidé de repousser cette clause de conscience spécifique.
Enfin, j’ajoute que la multiplication des clauses de conscience spécifique, qui n’a aucune portée en droit et n’aurait aucun intérêt, risquerait même in fine d’affaiblir la clause de conscience générale.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est favorable.
En effet, l’article 21 du projet de loi présenté par le Gouvernement a pour but de supprimer le jeu de renvoi qui existe actuellement dans le code de la santé publique en matière de clause de conscience et de consentement des mineurs, car ce renvoi crée des confusions. Par exemple, les équipes des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, confrontées à des interruptions de grossesses chez les mineures souhaitant garder le secret à l’égard de leurs parents, se sont interrogées à plusieurs reprises sur la position à adopter et les textes à appliquer.
Par un effet de parallélisme, nous avons donc souhaité que cet article ne crée pas une nouvelle clause de conscience, mais que la clause de conscience applicable à l’IMG reste la même que celle applicable actuellement à l’IVG. Il s’agit ainsi d’éviter toute confusion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je m’apprêtais à dire à M. Chevrollier que le groupe socialiste ne voterait pas son amendement, ce dont il se doutait…
Notre collègue rapporteur Bernard Jomier a très bien répondu sur le caractère superfétatoire de la clause de conscience. Mais, d’un certain point de vue, je reconnais à M. Chevrollier une cohérence dans les amendements qu’il dépose. Il s’agit tout de même de sortir l’IVG et l’IMG des actes médicaux que pratiquent les médecins, déjà soumis à une clause de conscience contenue dans le code de déontologie, pour en faire des actes à part, dans le but à la fois de compliquer l’accès à ces actes, de culpabiliser les femmes et les familles.
Tout cela renvoie à l’amendement déposé précédemment par M. Chevrollier en vue de demander un délai de réflexion supplémentaire. Comme si les personnes qui recourent à des IVG ou à des IMG n’avaient pas mûrement réfléchi à ce qu’ils font ! (Brouhaha sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mais, d’un certain point de vue, le sujet n’est plus tant cet amendement que l’avis du Gouvernement…
Madame la ministre, j’espère que vous n’êtes pas fière quand même d’avoir lu votre fiche depuis votre banc ! (Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. C’est un procès d’intention !
Mme Laurence Rossignol. Vous n’êtes pas d’accord, mes chers collègues, mais vous n’êtes pas obligés de faire du bruit… Nous aussi, on sait en faire !
Mme la présidente. Mes chers collègues, poursuivons un débat apaisé !
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien, madame la ministre, vous réaffirmez l’idée selon laquelle le code de déontologie ne suffirait pas à accorder à chaque soignant une clause de conscience générale, et que l’IVG et l’IMG seraient des actes médicaux à part qui heurteraient la conscience des médecins.
Je note, en me référant au débat d’hier, que ces discussions sur la conscience des médecins sont à géométrie variable. On leur prête une grande conscience quand il s’agit de leur permettre de refuser de faire des IVG ou des IMG. Pourtant, hier, lorsque nous évoquions la recherche et en particulier la recherche embryonnaire, il fallait encadrer totalement l’activité des médecins et des chercheurs parce qu’on les soupçonnait de ne pas avoir suffisamment de conscience !
Cette position est extrêmement conservatrice, rétrograde, voire obscurantiste, compte tenu des sujets dont nous discutons. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Françoise Gatel. Ça y est ! C’est insupportable !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Inutile de me faire le coup de l’article 45 de la Constitution !
M. Dominique de Legge. Après avoir entendu les propos qui viennent d’être tenus, je crains de me faire taxer d’obscurantisme…
M. Loïc Hervé. Ce peut être un titre de gloire !
M. Dominique de Legge. Je ne ferai pas davantage de commentaires, car je trouve que nous avons eu, depuis une dizaine de jours, un débat serein, apaisé et digne. Je ne souhaite donc pas tomber dans une certaine forme de provocation.
Je voterai l’amendement défendu par M. Chevrollier pour les raisons qu’il a invoquées et pour celles que le Gouvernement, par le truchement de Mme la ministre, a exposées.
Je le voterai aussi pour une autre raison, madame Rossignol : pendant ces dix jours de débat, nous avons tous fait montre d’un grand respect des opinions des uns et des autres. J’aimerais que ce respect qui a régné dans l’hémicycle depuis le début de notre discussion puisse aussi s’appliquer aux professionnels de santé.
C’est l’une des raisons, je le répète, pour lesquelles je voterai cet amendement. C’est en effet une manière de rendre hommage au travail du Sénat, et au Sénat lui-même, ledit amendement me semblant en conformité avec l’esprit qui a animé nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je voterai cet amendement. Je me fiche du politiquement correct et je ne supporterai pas les leçons de morale de qui que ce soit.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Les parlementaires font ce qu’ils veulent, décident librement et n’ont de leçon à recevoir de personne.
Mme Laurence Rossignol. Moi non plus !
M. Roger Karoutchi. Madame Rossignol, excusez-moi de vous le dire, mais quand vous étiez ministre vous n’auriez certainement pas accepté qu’un parlementaire vous parle sur le ton que vous avez employé à l’adresse de Mme Vidal ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Mme Laurence Rossignol. J’en ai entendu bien d’autres !
M. Roger Karoutchi. Vous savez ce qu’est la vie publique… Moi aussi, j’en ai entendu bien d’autres !
Que se passe-t-il aujourd’hui ? Franchement, j’étais indécis sur cet amendement et sur la position de la commission spéciale. Je n’ai pas voté les amendements précédents sur le délai de sept jours, parce que j’ai entendu les explications de la commission spéciale. C’était mon droit !
En revanche, je voterai celui-là. Après avoir écouté les explications de Mme la ministre, des uns et des autres, je me rends compte qu’en réalité, même s’il existe une clause de conscience générale, il faut dans certains cas préciser les choses. Si vous voulez me qualifier d’obscurantiste, cela me fera un titre de gloire supplémentaire !
J’ai voté en faveur de l’extension de la PMA et pour un certain nombre de mesures ; mais autant je défends l’IVG, autant le fait que certains personnels du corps médical ne souhaitent pas la pratiquer ne me met pas dans un état second. Si, dans ce pays, on est incapable de respecter la liberté de conscience et la liberté de croire de chacun, l’intolérance est au bout du chemin.
C’est extrêmement clair : je voterai cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je suis profondément indignée et émue par la tournure que prennent nos travaux cet après-midi.
Comme de nombreux collègues, j’apprécie beaucoup la tenue de ce débat, qui est compliqué et exigeant. Chacun a fait preuve, je le crois, du plus grand respect pour les opinions développées par les uns et les autres et d’une grande humanité.
Sincèrement, je ne comprends pas que l’un de nos collègues se permette d’arriver en milieu d’après-midi pour enflammer l’hémicycle en donnant des leçons de morale, de raison et d’intelligence.
J’assume, comme chacun de nous, ce que je pense, tout en sachant que je ne détiens pas la vérité – je n’aurai pas cette prétention. Mais je refuse que quelqu’un nous délivre des brevets de moralité, de modernisme ou de progressisme. Comme l’a dit notre collègue Roger Karoutchi, ici nous devons être exemplaires en matière de respect des opinions et de démocratie.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Certains propos qui ont été tenus dans cet hémicycle ne sont pas dignes et ne relèvent pas du tout d’un esprit démocratique et respectueux des opinions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaitais pas particulièrement intervenir, car je ne suis pas un spécialiste, contrairement à certains de nos collègues qui ont exercé des professions de santé. Mais le tour que prennent nos discussions sur ces sujets à forte valeur éthique met en jeu les notions de respect, d’écoute et de dialogue.
Sur ces sujets qui soulèvent des questions de conscience, la majorité d’entre nous dans cet hémicycle en apprend tous les jours et reste modeste. Personne n’est là pour donner des leçons, et le respect doit rester l’une de nos priorités.
Je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par notre collègue Guillaume Chevrollier. J’ai entendu les interventions des uns et des autres, l’avis circonstancié du rapporteur – je salue le travail réalisé par la commission spéciale – et celui de Mme la ministre. J’ai pris connaissance du contenu de cet amendement qui, comme tous les autres, présente un grand intérêt. Je le redis, nous devons faire preuve de respect pour l’ensemble des cosignataires.
En toute conscience, puisque c’est largement de conscience dont il s’agit sur ces sujets particulièrement sensibles en termes d’éthique et de morale, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voudrais d’abord évacuer un point. Quand on veut tuer son chien, affirme le dicton, on dit qu’il a la rage. Je souhaiterais simplement que certains ne fassent pas mine de s’enflammer et qu’ils n’expliquent pas leur vote sur cet amendement en tirant prétexte de la qualification politique que nous lui avons donnée.
M. Loïc Hervé. C’est le risque !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je pense, mes chers collègues, que vous avez certainement participé, au cours de votre vie politique, des débats un peu plus difficiles que celui provoqué par les propos qu’a tenus à l’instant ma collègue et que, sur le fond, je partage.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas un débat, c’est un jugement !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je mets aussi de côté le fait que, si j’ai bien compris, « le collègue qui vient d’arriver » auquel il a été fait allusion est Mme Rossignol : j’indique qu’elle est là « non-stop » depuis des heures et que nous sommes passés, comme certains d’entre vous, saluer un membre du Sénat qui partait à la retraite. Je ferme la parenthèse. Je ne pense pas, madame Gatel, qu’on puisse suspecter Laurence Rossignol de ne pas savoir de quoi elle parle…
Mme Françoise Gatel. Quel toupet !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je reprends le point qui nous occupe. Moi qui suis non pas une spécialiste, mais une juriste, j’ai relu l’article 21 : cette clause qu’on qualifiera, pour la simplicité du débat, de « clause de conscience » figure dans le texte de la commission spéciale ! Ce qui est demandé avec cet amendement, c’est de « renchérir » sur cette clause.
Le texte de la commission spéciale – je l’indique pour ceux qui, comme moi, ne l’avaient peut-être pas encore lu il y a quelques minutes – dispose : « Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. » C’est l’article 21. Il n’y a donc pas de problème !
Quel est l’objectif de l’amendement ? D’indiquer que les infirmiers, infirmières, auxiliaires médicaux ou sages-femmes peuvent refuser de concourir à une IMG. Il s’agit donc d’un ajout.
Pensez-vous qu’une IMG soit pratiquée par un auxiliaire médical ou une infirmière ? Vous le savez, l’IMG comprend nécessairement une phase médicale : soit on prescrit un médicament qui provoque l’IMG, soit on pratique une intervention chirurgicale.
Prétendre que cet amendement est nécessaire, comme le fait la ministre en avançant des explications, selon moi, peu convaincantes, c’est en réalité justifier que, pour faire plaisir à une partie du Sénat qui s’apprête à voter l’amendement, il soit là encore procédé, de manière affichée et inutile juridiquement – car je ne fais que du droit –, à une restriction de l’accès à l’IMG.
Voilà ce qui me gêne. Vous faites de la politique, nous en faisons tous. Vous n’êtes pas en train de faire du droit, alors ne prétendez pas faire autre chose que de la politique ! (Exclamations sur les travées du groupe UC.) Vous voulez refuser aux femmes une simplification de l’accès à l’IMG, alors même que l’ajout de cet amendement au texte n’est pas nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je serai très brève puisque tout a été dit précédemment. C’est dans un souci de cohérence que je voterai contre cet amendement. Comme pour les amendements précédents, je vois dans celui-ci un rajout de peine et de difficultés dans un processus déjà très douloureux.
À part si l’on a la volonté, ce qui est peut-être et même sûrement le cas, de pénaliser et déresponsabiliser les femmes, je ne vois pas l’intérêt d’inscrire dans la loi une disposition qui, comme l’a dit Mme de La Gontrie, y figure déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous devons conserver cette préoccupation, qui a été la nôtre jusqu’à présent, d’échanger et d’écouter les propos, qui peuvent être totalement divergents, des uns et des autres.
C’est important, parce que, si nous nous laissons emporter par nos sentiments ou l’irritation, nous ne voterons pas sur le fond de ce qui nous est proposé. Ce qui, pour moi, montre le respect que nous avons à l’égard de tous nos collègues du Sénat, c’est justement que, depuis le début de nos travaux, nous sommes restés centrés sur le fond, tout en ayant des divergences et des désaccords.
Je souhaite que l’on en revienne à ce qui a fait le fondement de notre discussion et que nous n’allions pas vers autre chose. Nous devons réfléchir ensemble à l’utilité d’ajouter une clause de conscience supplémentaire, spécifique, dans le code de la santé publique, alors que – cela a été dit – il en existe déjà et que tous les garde-fous sont prévus.
Les échanges que nous venons d’avoir sur l’article précédent nous ont permis de montrer comment l’accompagnement, notamment psychologique, était assuré, s’agissant d’une IMG par toute une équipe de professionnels de manière volontaire. Pourquoi vouloir tout d’un coup, remette cela en cause, en remettant en place un garde-fou, une clause de conscience supplémentaire ? C’est totalement inutile.
Là encore – peut-être cette mesure sert-elle à se rassurer ? Je ne le sais pas et ne veux pas faire d’interprétation –, réfléchissons à ce que cela signifie pour les patients et pour les équipes. Aujourd’hui, aucun médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une IMG n’est obligé de le faire.
Nous devons tous être attentifs au fait qu’une IMG n’est pas une IVG. Nous ne sommes pas dans la même logique : n’essayons pas de les comparer, car elles ne sont pas comparables. Je vous appelle à mener cette réflexion.
Je ne voterai donc pas cet amendement au vu de l’ensemble des propos qui ont été tenus et du texte qui a été élaboré par la commission spéciale, laquelle a, comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, pesé à chaque fois le pour et le contre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant les dernières explications de vote, je voudrais vous inciter à l’apaisement. J’ai laissé chacun exprimer son point de vue sans intervenir, mais je souhaiterais maintenant que vous reveniez au sujet qui nous intéresse tous, afin que notre débat puisse se terminer de façon sereine, tel qu’il s’est déroulé depuis le début de nos discussions, et donner une belle image du travail parlementaire.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Rires.) Mes chers collègues, je n’avais pas pour intention de viser M. Masson !
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, je suis partisan de la liberté d’expression, je me réjouis donc que mes collègues rient de cette situation.
Je voudrais tout d’abord formuler une remarque sur la forme : il est important que tout le monde ici puisse s’exprimer comme il l’entend. Je l’ai toujours dit, et c’est vrai dans un sens comme dans l’autre : il faut aussi laisser Mme Rossignol s’exprimer avec véhémence si elle le veut. Je ne partage pas son point de vue, mais il faut la laisser s’exprimer.
Vous le savez, mes chers collègues, il m’arrive souvent de réclamer dans d’autres circonstances la liberté de dire ce que l’on pense, même quand on est minoritaire, même quand on est seul. C’est la base même du Parlement que chacun de ses membres puisse s’exprimer librement, même si cela ne fait pas plaisir aux autres – j’ai l’habitude de cette situation. (Rires sur les travées du groupe UC.) C’est vrai ! Retenez cette leçon de démocratie la prochaine fois que je parlerai à la tribune.
Vous dites tous que chacun doit pouvoir s’exprimer, mais il arrive que tout le monde se mette à crier quand le propos ne vous fait pas plaisir ! Voilà une bonne occasion de rappeler ce qu’est la liberté parlementaire.
Par ailleurs, sur le fond, puisqu’on parle justement de liberté, il faut respecter celle des médecins, des infirmiers, de tous les personnels hospitaliers. C’est tout de même un point très important.
Peut-être certains parmi vous se sont-ils déjà fait opérer à l’hôpital : si vous avez affaire à un médecin qui ne veut vraiment pas vous opérer, je trouve qu’il n’est pas très pertinent de lui forcer la main et d’insister pour que ce soit lui qui intervienne ! (Sourires.) C’est ce que certains voudraient faire ici : forcer la main de certains personnels. (Non ! sur les travées du groupe SOCR.) Mais ce n’est pas rendre service aux personnes concernées ! Si je vais à l’hôpital et que le médecin ne veut pas m’opérer, je n’insiste pas… J’en cherche un autre ! (Rires.) On est vraiment dans le ridicule le plus total !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je veux faire deux remarques.
Premièrement, dans le débat parlementaire, chacun agit en fonction de ses convictions et vote en conscience. Je remercie Mme Rossignol d’avoir salué la constance de mes convictions. Toutes les convictions sont respectables, et je respecte les positions de ceux qui ne partagent pas les miennes. C’est ce qui fait la grandeur du débat parlementaire et qui doit aussi faire celle du débat public dans notre pays.
Deuxièmement, je voulais préciser que cet amendement prévoit une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé. Il ne concerne pas uniquement les médecins. L’idée qui sous-tend cet amendement, et la portée qu’il doit avoir, c’est justement de protéger les auxiliaires de santé qui sont aux côtés des médecins. C’est une protection, une garantie supplémentaire, qui leur est proposée.
Je le redis, cela dépasse le seul cadre des médecins qui, eux, bénéficient d’une clause générale. On pourrait certes prévoir pour ceux-ci une clause spécifique, mais en l’occurrence il s’agit d’étendre cette possibilité aux auxiliaires de santé – c’est un point important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Quelques mots pour dire que je ne voterai pas cet amendement. Les débats se sont un peu enflammés, mais il faut tout de même constater que les arguments avancés, que je ne reprendrai pas pour éviter d’alourdir la discussion, par les collègues qui siègent du côté gauche de l’hémicycle sont tout à fait étayés.
Je ne voudrais pas que l’emportement auquel nous avons assisté dans l’hémicycle puisse influencer notre vote. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de prévoir une clause de conscience spécifique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je voudrais, pour ma part, évoquer le cas du médecin qui serait d’accord pour pratiquer une IMG, mais dont les infirmiers ou les auxiliaires médicaux pourraient ne pas l’être. C’est là où le problème risque de se poser.
La clause de conscience du médecin est, me semble-t-il, importante, et il faut absolument la respecter dans tous les cas. Mais, à partir du moment où il accepte de faire cet acte d’IMG, il faut absolument qu’il puisse être accompagné et aidé par un infirmier ou des auxiliaires médicaux. Si cela leur posait vraiment une difficulté, ceux-ci doivent pouvoir en parler au médecin. J’insiste, la clause de conscience est importante pour l’acte médical lui-même et pour le médecin qui l’exécute, mais elle ne peut pas s’appliquer à tous ceux qui ont l’obligation de l’accompagner dans la fonction qu’il exerce.
C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas l’amendement et suivrai l’avis de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Dans la même logique et pour dépassionner les débats, je précise qu’il n’a jamais été question au sein de notre commission spéciale de revenir sur la clause de conscience.
Simplement, un constat tout simple pouvait être fait : cette clause était déjà contenue dans nos règles de droit. Il n’était donc pas utile d’ajouter une clause de conscience à une clause de conscience.
C’est la raison pour laquelle je suivrai l’avis de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. La question que nous pouvons nous poser est la suivante : un médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une telle intervention pourrait-il aujourd’hui être contraint de le faire ? De toute évidence, la réponse est négative.
Mes collègues ont déjà à plusieurs reprises relu l’alinéa 10 de l’article 21, qui prévoit le cas du refus. Il est inutile de reprendre tous les arguments.
Parmi toutes les interventions qui ont précédé, je fais complètement mienne celle de ma collègue du groupe communiste, Laurence Cohen, pour sa précision, sa mesure et sa détermination.
Je ne voterai pas cet amendement, et suis en accord avec la position de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je vous prie de m’excuser, mes chers collègues, si vous avez le sentiment que je me répète par moments.
Je voudrais d’abord rappeler qu’un médecin a pour mission de soigner et, si possible, de guérir, qu’il a une obligation de moyen, mais pas de résultat. Le propos de Mme la ministre m’a un peu surpris, parce que je n’avais pas complètement compris – elle vient de me l’expliquer au banc, mais je pense qu’il vaut mieux qu’elle s’adresse à l’ensemble du Sénat – le parallélisme qu’elle a fait entre l’IVG et l’IMG.
L’IVG, c’est une interruption « volontaire » de grossesse. La clause de conscience spécifique pour l’IVG a été mise en place pour les raisons que vous connaissez et sur lesquelles je ne vais pas revenir. L’IMG, c’est une interruption non pas volontaire, mais « médicale », de grossesse.
La distinction est importante puisque, dans le cas d’une IMG, est en jeu la santé de la femme enceinte, ou celle de l’enfant ou peut-être même celle des deux. Il y a donc obligation, pour le corps médical dans son ensemble, de soigner.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai évidemment pas l’amendement. Mais je voudrais ajouter que la clause de conscience générale existe dans le code de déontologie des médecins, ainsi que dans le code de déontologie des autres professionnels de santé qui ont un ordre, en particulier les infirmiers.
Pourquoi ajouter une clause de conscience supplémentaire pour les personnels médicaux alors qu’elle existe déjà dans leurs codes de déontologie respectifs ?
Pour rassurer notre collègue et ami Guillaume Chevrollier, j’ajoute que la commission spéciale a voté l’alinéa 10 de l’article 21 qui, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, prévoit qu’un « médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Non seulement la clause de conscience existe dans les codes de déontologie des différentes professions médicales concernées par le sujet, mais en plus elle figure aussi dans le texte puisque nous l’avons prévue à l’article 21 !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 21 a pour objet de clarifier les conditions de ce qu’on appelle une IMG pour les mineures. Qu’est-ce qu’une IMG ? C’est une interruption volontaire de grossesse pratiquée pour motif médical. Actuellement, ses modalités sont précisées dans le code de la santé publique, qui renvoie aux dispositions relatives à l’interruption avant la fin de la douzième semaine de grossesse, alors que ces deux situations doivent être en fait clairement séparées.
C’est pourquoi, dans le cas de mineures à qui il est proposé une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, afin de ne pas faire simplement un renvoi vers le texte qui prévaut pour les IVG, nous avons souhaité préciser les choses dans cet article 21, pour que les équipes médicales ne se sentent pas en difficulté.
Il nous paraît donc important, par souci de parallélisme, de garder la clause de conscience prévue dans les cas d’IVG à moins de douze semaines, pour les cas d’interruptions volontaires de grossesse pour raisons médicales chez les mineures.
Telle est la position du Gouvernement que je défends. Ce n’est pas celle de certains d’entre vous qui vous êtes exprimés et qui allez néanmoins voter cet amendement, mais c’est peut-être celle d’autres sénateurs. Je tenais à clarifier la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, en vertu du parallélisme des formes, conserver la rédaction de la clause de conscience qui existe pour l’IVG.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à Mme la ministre. Il n’y a aucun doute, nous visons le même objectif. La situation actuelle nous conduit à convenir qu’aucun médecin en France n’est contraint de pratiquer une IMG – cela n’existe pas.
Le parallélisme des formes que vous établissez entre l’IVG et l’IMG, je veux bien l’entendre. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, la clause de conscience spécifique sur l’IVG a des racines qui sont historiques. Elle est issue d’un contexte particulier à l’époque : une ministre qui, en difficulté pour faire adopter sa loi, a fait un certain nombre de concessions symboliques – le symbole est important en politique – qui permettaient d’apaiser la situation. Cette ministre a indiqué que personne ne serait contraint de pratiquer une IVG et que s’il fallait une double clause de conscience pour en être convaincu, elle la ferait figurer dans le texte. Que nous a montré la suite de l’histoire ? Qu’effectivement aucun médecin n’a été contraint.
En l’occurrence, la situation est différente. Il n’y a pas le même débat autour de la légitimité de la pratique de l’IMG : je n’ai entendu personne, sur aucune travée, remettre en cause le droit d’une femme à pratiquer une IMG, qui est une procédure particulièrement douloureuse et pénible. Le parallélisme politique des formes ne s’applique donc pas.
Quant au parallélisme juridique, la clause de conscience générale permet d’assurer la protection des médecins et des professionnels de santé, auxquels leurs codes de déontologie respectifs permettent de ne pas pratiquer un acte contraire à leur conscience.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. J’ai essayé d’y voir plus clair et, quand j’ai entendu Mme la ministre tenter une explication, je me suis dit que j’allais comprendre.
Mais, madame la ministre, je n’ai pas du tout compris ce que vous avez essayé d’expliquer. Je vais parler en tant que médecin, car je ne suis pas juriste : nous avons un code de déontologie – le code de la santé publique – que nous appliquons. Nous en sommes même fiers puisque, si je prends l’exemple du secret médical, nous estimons que ce code prévaut : le secret médical protège le patient. Nous ne voulons pas ouvrir de brèche : on ne peut donc pas dire qu’on va se servir de notre code de déontologie à certains moments et pas à d’autres.
Madame la ministre, je n’ai vraiment pas compris ce que vous disiez. Je pense que notre code de déontologie nous permet de ne pas effectuer cet acte si on y est opposé. Je suis vraiment de l’avis de mes confrères et je voterai contre cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 92 rectifié ter.
J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 88 :
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 278 |
Pour l’adoption | 87 |
Contre | 191 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 21.
(L’article 21 est adopté.)
Article 21 bis
I. – Après le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« Enfants présentant une variation du développement génital
« Art. L. 2131-6. – La prise en charge d’un enfant présentant une variation du développement génital est assurée après concertation des équipes pluridisciplinaires spécialisées des centres de référence des maladies rares compétents, dans les conditions prévues à l’article L. 1151-1. Cette concertation établit le diagnostic ainsi que les propositions thérapeutiques possibles, y compris d’abstention thérapeutique, et leurs conséquences prévisibles, en application du principe de proportionnalité mentionné à l’article L. 1110-5. L’équipe du centre de référence chargée de la prise en charge de l’enfant assure une information complète et un accompagnement psycho-social approprié de l’enfant et de sa famille.
« Le diagnostic et la prise en charge d’une variation du développement génital sont réalisés conformément aux recommandations de bonnes pratiques élaborées, après concertation entre parties prenantes, par la Haute Autorité de santé.
« Lors de l’annonce du diagnostic, le médecin informe les parents de l’enfant de l’existence d’associations spécialisées dans l’accompagnement des personnes présentant une variation du développement génital.
« Le consentement du mineur doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. »
II. – Dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de l’arrêté pris en application de l’article L. 1151-1 du code de la santé publique, mentionné à l’article L. 2131-6 du même code, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à l’activité et au fonctionnement des centres de référence des maladies rares compétents concernant la prise en charge des personnes présentant des variations du développement génital en France. Ce rapport s’accompagne d’éléments chiffrés quant au nombre de personnes concernées chaque année.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, sur l’article.
Mme Michelle Meunier. Je prends la parole, sur cet article, au nom de notre collègue Maryvonne Blondin, qui, en 2017, a rédigé un rapport au nom de la délégation aux droits des femmes sur les enfants présentant une variation du développement sexuel. C’était le premier rapport parlementaire portant sur ce sujet, que beaucoup de collègues ont découvert à cette occasion.
Il faut savoir que, dans la seconde moitié du XXe siècle, la pratique consistait à opérer ces enfants, sans informer réellement les familles, sans évoquer, bien sûr les conséquences sur la vie de l’enfant et sans chercher de réel consentement. Imaginez, mes chers collègues, le désarroi des parents soumis, dans ce moment difficile, à une double pression : celle de l’appréhension binaire de notre société et celle de l’injonction à déclarer le sexe administratif de leur enfant.
L’orientation systématique vers les centres de référence spécialisés est déjà, pour nous, essentielle ; cela permet de garantir une prise en charge adaptée par des équipes pluridisciplinaires et d’instaurer, pour les cas les plus complexes, un échange avec les familles et les enfants avant toute intervention, si l’urgence vitale le nécessite.
L’objectif est de protéger l’intégrité physique de l’enfant et de permettre à celui-ci d’avoir la possibilité de faire son choix. Le Conseil l’État le rappelle, hors motif médical d’urgence vitale, « il convient d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision, et notamment de faire état de la souffrance qu’il associe à sa lésion et de moduler lui-même la balance avantage-risque de l’acte envisagé ». Il s’agit ainsi de ne plus laisser le monopole de la décision aux seuls médecins, de donner à l’enfant le temps d’être en mesure d’exprimer sa volonté et de participer à la prise de décision le concernant.
Il faut trouver un équilibre fragile entre un principe de non-interdiction, visant à laisser la capacité aux équipes médicales d’appréhender la nécessité d’une intervention, et la volonté de prévenir le recours systématique à la chirurgie précoce en l’absence d’une urgence vitale.
Les travaux de ma collègue Maryvonne Blondin rejoignent les conclusions des rapports internationaux et la convention internationale des droits de l’homme.
Mme la présidente. L’amendement n° 209, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Ma collègue vient de le souligner, l’article 21 bis est très important ; il peut constituer une avancée considérable pour les enfants présentant une variation du développement sexuel. Dans ce contexte, nous proposons deux amendements.
Le premier – celui que je suis en train de présenter – pourrait paraître anodin ou susciter quelques interrogations, puisqu’il tend à supprimer la référence, introduite par la commission spéciale, à la Haute Autorité de santé. Malgré tout le respect que nous avons pour cette instance, nous émettons régulièrement des doutes sur les bonnes pratiques qu’elle recommande, qui peuvent parfois être contre-productives ou, paradoxalement, limiter les innovations des professionnels de santé. Selon nous, ces bonnes pratiques s’apparentent à un protocole à suivre absolument et imposent aux équipes médicales une standardisation des soins.
Par conséquent, nous estimons que, dans le cadre précis de l’article 21 bis, relatif au diagnostic et à la prise en charge des enfants dits « intersexes », il n’est pas nécessaire de faire référence à la Haute Autorité de santé ; le texte initial se suffit à lui-même.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Effectivement, la question des enfants présentant une variation du développement génital, si elle peut paraître quasi anecdotique du point de vue du nombre de personnes concernées, est symboliquement importante. Elle est surtout marquante, en raison de la souffrance exprimée par les enfants devenus adultes, de la difficulté à vivre cette situation et du fossé qui s’est souvent creusé entre ces personnes et les professionnels de santé. Ces derniers nous ont d’ailleurs souvent paru sur la défensive ; ils semblaient vouloir justifier des actes pour lesquels ils étaient mis durement en accusation.
Ce constat, que nous avons fait ensemble lors des auditions, le Comité national d’éthique l’a également partagé, au travers de son avis n° 132, rendu au mois de novembre dernier. La commission a donc fait le choix de rapprocher les points de vue, afin que chacun s’exprime et soit écouté, pour que les souffrances des uns et les pratiques des autres soient respectées et que de nouvelles pistes de prise en charge soient élaborées pour l’avenir.
Ainsi, en droite ligne de la recommandation que le Comité national d’éthique a formulée au travers de l’avis précité, la commission a choisi de soumettre le diagnostic et la prise en charge de ces enfants à des recommandations de bonnes pratiques arrêtées par la Haute Autorité de santé. Pourquoi ? Parce que ces recommandations correspondent à un référentiel, à une méthodologie, permettant à chacun d’être écouté, entendu, afin que les différents points de vue soient pris compte.
Selon nous, la commission ne peut pas régler par elle-même les questions liées à cette prise en charge, mais elle peut décider de pistes d’améliorations. Telle était la philosophie du texte que nous ont transmis nos collègues de l’Assemblée nationale, et nous avons choisi, pour ce qui concerne cette question difficile, de progresser dans ce cadre.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Mme la sénatrice Cohen l’a souligné, cet ajout n’est pas utile.
Dans la rédaction du projet de loi issue de l’Assemblée nationale, l’article 21 bis renvoie déjà à un arrêté pour la fixation des modalités de prise en charge des enfants présentant une variation du développement génital. Or cet arrêté sera pris sur le fondement de l’article L. 1151-1 du code de la santé publique, qui prévoit précisément que les règles de bonnes pratiques sont définies après avis de la Haute Autorité de santé.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement de suppression d’une mention redondante.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 206, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Sont dépourvus de nécessité médicale et interdits les actes de conformation sexuée visant à modifier les caractéristiques sexuelles primaires et secondaires d’une personne, sauf en cas d’urgence vitale ou de consentement personnellement exprimé par cette dernière, même mineure. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Aux termes du code de déontologie médicale, « aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement ».
Malheureusement, cette partie du code ne nous semble pas toujours appliquée, notamment pour les 1,7 % d’enfants qui naissent, en France avec une variation du développement sexuel. Trop souvent, même si, visiblement, cette pratique tend à disparaître, ces enfants subissent, dès leurs premières années, une ablation du clitoris ou une castration. Ce sont des actes traumatisants, qui sont pratiqués en fonction de l’état des connaissances médicales et psychologiques du moment. Ils sont rarement pratiqués au nom d’une nécessité médicale ; ils reposent plutôt sur une certaine obligation, énoncée par la société, d’être assigné à un sexe biologique bien déterminé.
Lors des auditions, des spécialistes nous ont dit qu’ils avaient changé de regard sur la question – c’est en tout cas l’impression que j’ai ressentie – et que les opérations étaient désormais rarissimes. On ne peut que s’en réjouir, me semble-t-il, car comment peut-on imposer arbitrairement à des enfants des choix aussi binaires que le masculin ou le féminin, avec le risque que, quelques années plus tard, ce sexe ne corresponde pas à leur genre, à leur identité ?
Malheureusement, malgré les bonnes intentions ayant inspiré l’alinéa 7 du présent article, le texte ne nous semble pas permettre, en l’état, d’éviter ces opérations chirurgicales. Nous proposons donc de prévoir clairement leur interdiction, avec, évidemment, des dérogations : en cas d’urgence vitale ou de consentement explicitement et personnellement exprimé par la personne, même mineure.
Ces opérations constituent une violence infligée à des personnes et elles ont des effets secondaires multiples et lourds. En outre, elles donnent le sentiment que le corps médical peut décider pour autrui de ce que doit être un corps, pour que chacun se conforme à l’apparence soit d’un homme soit d’une femme.
Les témoignages d’enfants intersexes devenus adultes que nous avons entendus sont très clairs et émouvants ; ils nous conduisent à une position assez tranchée en faveur de cette interdiction. Le choix de l’intervention ou de la non-intervention doit revenir à ces personnes et uniquement à elles – pas même à leurs parents –, de façon libre, éclairée et consentie.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié bis, présenté par Mmes Blondin, Meunier et Rossignol, M. Jacques Bigot et Mmes Monier, Lepage et Jasmin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La seconde phrase du septième alinéa de l’article L. 1111-4 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Aucun traitement irréversible ou acte chirurgical sur les organes génitaux visant seulement à définir les caractéristiques sexuelles et à conformer l’apparence au sexe déclaré ne peut être entrepris avant que la personne mineure soit apte à y consentir après avoir reçu une information adaptée. En cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables. »
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Sur le fond, cet amendement est identique à celui de ma collègue Laurence Cohen, qui l’a très bien défendu.
Sur la forme, nous proposons d’ajouter que, « en cas de nécessité vitale, le médecin délivre les soins indispensables. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Les amendements nos 206 de Mme Cohen et 61 rectifié bis de Mme Blondin ont le même objet : interdire les actes de conformation sexuée, sauf en cas d’urgence vitale ou de consentement personnel du patient mineur, lorsque celui-ci a suffisamment de discernement.
L’adoption de ces amendements limiterait les opérations précoces pratiquées sur les enfants présentant des variations du développement génital aux seuls cas d’urgence ou de nécessité vitale. Les témoignages que nous avons entendus à ce sujet étaient effectivement tout à fait émouvants, comme l’a rappelé Mme Cohen. Toutefois, cela exclurait les autres cas de nécessité médicale, dont les opérations visant à éviter des pertes de chance fonctionnelle, sans laisser de marge d’appréciation aux médecins.
Par ailleurs, il semble difficile de définir ce qui relève de la seule conformation sexuée et qui serait ainsi soumis à interdiction. En effet, les interventions chirurgicales sont complexes et concernent également souvent l’appareil urinaire, par exemple en cas d’hypospadias.
La commission comprend parfaitement l’intention des auteurs des présents amendements, mais il lui semble que ce n’est pas encore l’heure des conclusions définitives, en inscrivant une telle interdiction dans la loi. Il convient de prendre le temps d’élaborer de bonnes pratiques, en réunissant toutes les parties prenantes. Comme l’a recommandé le Comité national d’éthique, il nous faut, sur ces questions, « passer du dissensus au consensus ».
C’est dans cet esprit que la commission spéciale a adopté la disposition relative aux recommandations de bonnes pratiques, auxquelles seraient soumis le diagnostic et la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital. C’est dans le cadre de ce référentiel que pourrait être arrêté un premier cadre commun des interventions précoces.
Enfin, je note que l’adoption de l’amendement n° 61 rectifié bis ferait disparaître une disposition du code de la santé publique qu’il paraît important de conserver : la possibilité, pour un médecin, de délivrer les soins indispensables sur un mineur ou un majeur sous tutelle, malgré l’opposition de la personne titulaire de l’autorité parentale ou du tuteur.
Nous entendons bien la préoccupation que traduisent ces amendements, mais nous pensons qu’il faut prendre un peu plus de temps. Peut-être le consensus aboutira-t-il à la proposition que vous faites au travers de ces amendements, mais cela me semble, à l’heure actuelle, prématuré. Pour cette raison, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, le Gouvernement partage, comme – je pense – l’ensemble des travées de cet hémicycle, la volonté d’assurer la meilleure protection possible de la santé des enfants présentant des variations du développement génital. C’est même l’objet de l’article 21 bis, dont les dispositions permettront de mieux accompagner les enfants et leurs familles, au travers des centres de référence spécialisés, qui offriront une prise en charge par des équipes spécialisées et pluridisciplinaires.
Les dispositions qui sont proposées au travers de ces amendements présentent un risque important, rappelé par le rapporteur : en limitant la nécessité médicale au seul risque vital, elles peuvent empêcher la réalisation d’actes médicaux pourtant nécessaires. Une fois de plus, dans un souci de réaffirmation constante de ma confiance inébranlable en la science et en la médecine, je crois qu’il appartient au médecin de définir ce qui relève ou non de cette nécessité médicale. C’est pourquoi le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je suis sensible aux arguments développés, mais je maintiens cet amendement d’appel.
Je veux citer la recommandation du Conseil d’État de 2018 sur ce sujet : « Hors motif médical très sérieux, il convient d’attendre que le mineur soit en état de participer à la décision, et notamment de faire état de la souffrance qu’il associe à sa lésion et de moduler lui-même la balance avantage-risque de l’acte envisagé. […] L’acte médical ayant pour seule finalité de conformer l’apparence esthétique des organes génitaux aux représentations du masculin et du féminin afin de favoriser le développement psychologique et social de l’enfant ne devrait pas pouvoir être effectué tant que l’intéressé n’est pas en mesure d’exprimer sa volonté et de participer à la prise de décision. »
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 321, présenté par M. Jomier, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Supprimer les mots :
mentionné à l’article L. 2131-6 du même code,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 21 bis, modifié.
(L’article 21 bis est adopté.)
Article 22
I. – L’article L. 2141-11 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-11. – I. – Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible d’altérer la fertilité ou dont la fertilité risque d’être prématurément altérée peut bénéficier du recueil ou du prélèvement et de la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation, en vue de la préservation ou de la restauration de sa fertilité ou en vue du rétablissement d’une fonction hormonale.
« Le recueil, le prélèvement et la conservation mentionnés au premier alinéa du présent I sont subordonnés au consentement de l’intéressé et, le cas échéant, à celui de l’un des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur, lorsque l’intéressé est mineur, après information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. Dans l’année où elle atteint l’âge de la majorité, la personne dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent I reçoit une information par l’équipe pluridisciplinaire du centre où sont conservés ses gamètes ou ses tissus germinaux sur les conditions de cette conservation et les suites de la démarche.
« Le consentement de la personne mineure doit être systématiquement recherché si elle est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision.
« S’agissant des personnes majeures faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, l’article 458 du code civil s’applique.
« Une étude de suivi est proposée aux personnes dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent I, sous réserve de leur consentement ; ce consentement est exprimé à la majorité lorsque la personne était mineure lors du recueil ou du prélèvement.
« Les procédés biologiques utilisés pour la conservation des gamètes et des tissus germinaux sont inclus dans la liste prévue à l’article L. 2141-1, dans les conditions déterminées au même article L. 2141-1.
« La modification de la mention du sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’application du présent article.
« II. – Les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale d’une personne mineure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent article sont contactés chaque année par écrit pour recueillir les informations utiles à la conservation, dont un éventuel changement de coordonnées.
« Il ne peut être mis fin à la conservation des gamètes ou des tissus germinaux d’une personne mineure, même émancipée, qu’en cas de décès.
« En cas de décès de la personne mineure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés, les parents investis de l’exercice de l’autorité parentale peuvent consentir par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 2° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou des tissus germinaux ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« Le délai mentionné au IV du présent article ne s’applique à la personne mineure, même émancipée, qu’à compter de sa majorité.
« III. – La personne majeure dont les gamètes ou les tissus germinaux sont conservés en application du présent article est consultée chaque année. Elle consent par écrit à la poursuite de cette conservation.
« Si elle ne souhaite plus la maintenir, elle consent par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ;
« 2° À ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 3° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes ou de ses tissus germinaux.
« Dans tous les cas, ce consentement est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou des tissus germinaux ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« IV. – En l’absence du consentement de la personne majeure prévu aux 1° ou 2° du III du présent article, recueilli simultanément à son consentement au recueil, au prélèvement et à la conservation mentionné au I, il est mis fin à la conservation des gamètes ou tissus germinaux :
« – en l’absence de réponse pendant vingt années consécutives. Ce délai court à compter de la majorité si la personne était mineure au moment du recueil ou prélèvement ;
« – lorsque la personne atteint un âge ne justifiant plus l’intérêt de la conservation. Cette limite d’âge est fixée par un arrêté du ministre en charge de la santé, après avis de l’Agence de la biomédecine ;
« – en cas de décès de la personne. »
II. – (Non modifié) En cas de décès de la personne et, si celle-ci est majeure, en l’absence de consentement à ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique ou à ce que ses gamètes ou ses tissus germinaux fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 du même code, il est mis fin à la conservation des gamètes et tissus germinaux conservés à la date de publication de la présente loi. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 22
Mme la présidente. L’amendement n° 21 rectifié bis, présenté par Mmes Berthet et Noël, MM. Saury, Morisset, Bonhomme et J.M. Boyer, Mmes A.M. Bertrand et Lanfranchi Dorgal, M. Cuypers et Mmes Lamure et Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1243-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1243-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1243-2-…. – I. – Toute personne dont la prise en charge médicale est susceptible de provoquer une dégénérescence cellulaire peut bénéficier, après avis de l’équipe médicale pluridisciplinaire, du recueil et de la conservation de ses cellules, en vue de l’administration ultérieure, à son bénéfice, d’un traitement innovant défini au 17° de l’article L. 5121-1 du présent code.
« Ce recueil et cette conservation sont subordonnés au consentement écrit de l’intéressé, dûment informé de l’objet du recueil et de la conservation, et le cas échéant, à celui de l’un des parents investis de l’exercice de l’autorité parentale ou du tuteur, lorsque l’intéressé est mineur. Ce consentement est révocable à tout moment jusqu’à l’utilisation des cellules ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« L’intéressé est consulté chaque année pour consentir par écrit à la poursuite de cette conservation. S’il ne souhaite plus la maintenir, il consent par écrit à ce que ses cellules fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ou à ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses cellules.
« En l’absence de réponse de la personne durant dix années consécutives ou en cas de décès de la personne, il est mis fin à la conservation des cellules.
« Le recueil et la conservation ne peuvent donner lieu à une prise en charge au titre de l’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale.
« II. – Les modalités d’application du présent article, notamment concernant d’une part les conditions spécifiques d’éligibilité des patients et d’autre part les procédés de conservation et de stockage des cellules, sont fixées par décret. »
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Les thérapies cellulaires et géniques représentent un espoir de guérison pour des patients souffrant de maladies extrêmement graves, au travers notamment des cellules CAR-T. En effet, dans certains types de cancers du sang, les lymphocytes T sont prélevés, cryopréservés, puis modifiés génétiquement afin de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses, avant d’être réinjectés au patient. La qualité des cellules prélevées et sélectionnées en amont joue un rôle important dans la faisabilité et la qualité du lot de cellules CAR-T produit.
Or le prélèvement et la cryopréservation ne sont actuellement réalisés que tardivement dans l’avancement de la maladie, entraînant une possible altération de la qualité et de la quantité des cellules prélevées. Cela a pour conséquence une perte de chance pour les patients. C’est pourquoi, après plusieurs années d’expérimentation, les praticiens experts souhaiteraient que l’on puisse réaliser un prélèvement et une conservation des cellules dès les tout premiers stades de la maladie. Cela permettrait au traitement de mieux réussir. Cela correspond notamment à une recommandation du récent symposium international sur les cellules CAR-T, organisé par la faculté de médecine de Lille.
Il existe un vide juridique et éthique, auquel il convient de remédier. Le cadre législatif actuel ne prévoit en effet pas d’encadrement adéquat, notamment pour ce qui concerne la durée de conservation et l’utilisation des cellules, lorsque celles-ci ne sont pas utilisées à des fins thérapeutiques, ainsi que les responsabilités relatives au stockage.
Afin de lutter contre les pertes de chance pour les patients pouvant bénéficier des traitements par cellules CAR-T, le présent amendement vise à prévoir, à l’instar de ce qui a été fait pour l’autoconservation des gamètes en cas d’altération de la fertilité du patient, les conditions strictement encadrées de réalisation d’aphérèse et de cryopréservation « historiques », dans le contexte spécifique des thérapies géniques et cellulaires.
Selon les experts, qui attendent ce dispositif et qui ont sollicité, sans obtenir de réponse, la HAS et l’INCa (Institut national du cancer), il serait délétère d’attendre la prochaine loi de bioéthique pour encadrer les risques éthiques associés à cette pratique thérapeutique, qui existe d’ores et déjà – l’hôpital Saint-Louis est le deuxième centre mondial en la matière – et qui voit augmenter le nombre de patients traités.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Cet amendement vise à prendre en compte le développement des thérapies géniques et cellulaires, notamment en oncologie. Il s’agirait d’améliorer l’efficacité ultérieure de la thérapie en améliorant la « qualité » du prélèvement initial des lymphocytes T, en vue de l’obtention de cellules CAR-T.
Le postulat de l’amendement est que ce prélèvement intervient aujourd’hui de manière trop tardive. Or dispose-t-on d’études médicales justifiant de l’intérêt d’un tel prélèvement de précaution avant les traitements de première intention ?
D’après l’ANSM, aucune demande de clinicien souhaitant faire conserver les cellules de leurs patients en amont de l’administration des premiers traitements ne lui serait parvenue à ce jour. Si tel était le cas, on pourrait en effet se demander si le cadre juridique actuel ferait obstacle à cette possibilité au point de justifier une intervention du législateur.
L’article L. 1241-1 du code de la santé publique encadre le prélèvement de tissus ou de cellules « en vue de don », en précisant que cela ne peut être opéré que dans un but thérapeutique ou scientifique. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’un prélèvement « en vue de don », est-ce que ce cadre pourrait s’avérer trop restrictif ?
En raison des questions soulevées, la commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. La question posée est celle de l’opportunité d’encadrer spécifiquement la conservation des cellules pouvant être prélevées chez un patient en phase précoce de maladie, pour le cas où ces cellules lui seraient, plus tard, lorsque sa maladie aura atteint un stade plus avancé, nécessaires pour préparer un médicament de thérapie innovante. Cette proposition est justifiée par le fait que ce type de traitement innovant intervient généralement après d’autres lignes de traitement, lesquelles ont pu altérer les cellules du patient. Dans ce contexte, elle s’inspire de ce qui est prévu pour l’autoconservation des gamètes, lorsque des traitements susceptibles d’altérer la fertilité sont mis en œuvre.
Une société savante internationale travaillant dans le domaine des thérapies géniques et cellulaires a exprimé, au travers d’un avis datant du mois d’août dernier, des réserves quant à la cryoconservation – la conservation par congélation – des lymphocytes T, notamment, en vue d’une utilisation thérapeutique ultérieure. Or cet avis a justement été émis en plein essor de ce qu’on appelle les CAR-T cells, c’est-à-dire des cellules permettant une thérapie génique fondée sur les lymphocytes T d’un patient, que l’on modifie génétiquement afin de leur apprendre à reconnaître et à tuer des cellules cancéreuses.
D’un point de vue scientifique, je ne suis pas certaine de l’intérêt de prélever des cellules en phase précoce d’une maladie maligne, et ce pour plusieurs raisons.
L’une des prochaines indications envisagées pour les CAR-T cells est, par exemple, le myélome. Or, dans cette maladie, il y a lymphopénie, c’est-à-dire un très faible nombre de lymphocytes T. On le voit bien, dans ce cas-là, un prélèvement précoce poserait question.
En outre, la technique utilisée aujourd’hui pour le prélèvement de ces cellules pourrait s’avérer inopérante avec la technique qui sera utilisée demain, car nous sommes en pleine phase d’expansion de la recherche ; la production des CAR-T cells évolue en permanence, et les cellules prélevées pourraient finalement ne pas l’avoir été correctement ou ne pas trouver de finalité thérapeutique.
Par ailleurs, une telle disposition conduirait à des prélèvements conservatoires pour tout un tas de pathologies, sans tenir compte de l’impact organisationnel important que cela aurait, alors que la finalité thérapeutique pour le patient ne peut pas être avérée au moment du prélèvement.
Enfin, cela a été dit par le rapporteur, l’article L. 1241-1 du code de la santé publique conditionne le prélèvement des tissus ou des cellules à une finalité avérée. Cela signifie que les dispositions législatives actuelles n’empêchent, à ce jour, ni le prélèvement ni la conservation de cellules d’un patient, si le protocole thérapeutique est dûment justifié et accepté par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), lors de l’évaluation du dossier d’autorisation de médicaments de thérapie innovante préparée pour le patient.
Ainsi, selon les professionnels et les représentants des sociétés savantes, cette pratique pourrait, à ce jour, se révéler inutile, coûteuse et, in fine, sans intérêt pour les patients. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour explication de vote.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. Il faut savoir que les maladies traitées par les CAR-T cells sont terribles. Même s’il y a des doutes, il faut donc laisser aux chercheurs la possibilité de recourir à une autre technique, afin d’être sûr d’éviter une perte de chance au patient.
Les CAR-T cells ont modifié totalement la manière d’appréhender ces maladies. On parle maintenant de guérison pour certaines maladies, qui, jusque-là, étaient la plupart du temps mortelles.
En gros, le mécanisme consiste à modifier la paroi des lymphocytes T, de façon à ce que ceux-ci reconnaissent les cellules cancéreuses et les tuent. Au début de la maladie, les cellules présentent des parois qui peuvent encore être modifiées ; ensuite, elles sont trop abîmées et l’on ne peut plus rien faire.
Pourquoi ne pas laisser aux chercheurs la possibilité d’essayer autre chose ? Ils mettront d’eux-mêmes fin, je pense, à ce dispositif si vraiment celui-ci ne donne rien ; mais, au moins, qu’on leur donne la possibilité de faire des essais.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet, pour explication de vote.
Mme Martine Berthet. Je veux insister auprès de Mme la ministre, même si l’avis du Gouvernement est défavorable.
Les experts dans le domaine de la production de CAR-T et les médecins qui les utilisent attendent des mesures. Ils ont sollicité à la fois l’ANSM, la Haute Autorité de santé et l’INCa, sans obtenir de réponse. Or ils ont vraiment besoin que des choses se mettent en place pour pouvoir avancer plus avant dans ces traitements, qui sont quand même très favorables aux patients.
Il ne s’agit bien sûr pas de le faire en première intention, mais, pour ces traitements, ils ont besoin de lymphocytes T dans le meilleur état possible, au moment de la production des CAR-T.
Je l’indiquais lors de la présentation de mon amendement, un tout récent symposium international organisé à ce sujet par la faculté de médecine de Lille a également abouti à ces conclusions.
Mme la présidente. Quel est maintenant l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Je me rangerai plutôt à l’avis du Gouvernement. Effectivement, il semblerait que, à l’heure actuelle, rien n’indique que la technique doive être modifiée.
Cela dit, je ne vois pas très bien pourquoi le législateur poserait un verrou en la matière ; cela relève du domaine de la recherche.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. J’avoue être un peu perdu…
Nous avons tous eu l’occasion d’étudier un peu ces techniques ; nous en parlions notamment hier, au Genopole d’Évry, les chercheurs s’inscrivent précisément dans le cadre de cette recherche sur la thérapie cellulaire. Or j’avais plutôt l’impression que cet amendement visait à leur permettre de continuer leur travail et d’atteindre, au sein de la recherche mondiale en la matière, un niveau qui pouvait faire la fierté de la France.
Nous avons véritablement des chercheurs compétents, notamment à Évry, où des choses remarquables ont été accomplies. Il me semble utile de les soutenir
Vos explications sont habituellement très claires et très pertinentes, monsieur le rapporteur, mais, en l’occurrence, je n’ai pas bien compris en quoi l’amendement de Mme Berthet serait de nature à poser un verrou. Pour ma part, j’étais prêt à le soutenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Je veux apporter un complément d’information.
Ce n’est pas exactement la même chose de parler de recherche ou de mise en place d’un traitement thérapeutique. En France, on peut faire de la recherche sur les CAR-T cells. Cet amendement vise pour sa part à autoriser le stockage systématique de cellules lymphocytaires T, au motif que l’on pourra peut-être un jour s’en servir pour des traitements anticancéreux. Aujourd’hui, c’est essentiellement contre les cancers du sang que ces cellules sont utilisées. Demain, on pourra peut-être les utiliser à d’autres fins, et la façon dont on les prélève aujourd’hui pourrait éventuellement empêcher ces nouvelles utilisations.
Je n’ai probablement pas été suffisamment claire tout à l’heure : nous disons oui et encore oui à la recherche sur les CAR-T cells ; en revanche, au stockage systématique des cellules lymphocytaires T de personnes qui voudraient peut-être les utiliser un jour dans le cadre de potentielles thérapies, nous disons non.
La loi permet d’ores et déjà le prélèvement et le stockage de ces cellules dans le cas d’une indication thérapeutique spécifique validée par l’ANSM. En revanche, on ne peut pas le faire en dehors de cette autorisation expresse.
L’amendement vise à autoriser le prélèvement a priori, sans attendre de savoir si les autres traitements vont fonctionner. On risque dans ce cas de se retrouver avec un stock de lymphocytes T qu’on ne transformera jamais en CAR-T cells.
Telles sont les raisons qui conduisent le Gouvernement à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je suis très sensible à la question soulevée par nos collègues, celle de la perte de chance pour les personnes qui pourraient un jour avoir besoin de ces cellules ainsi conservées.
Comme nous avons la chance – c’est rare – d’avoir une seconde lecture sur ce texte, je voterai cet amendement. Si nous ne le votons pas, nous n’en parlerons plus. Au contraire, si nous le votons, nous pourrons approfondir la réflexion lors de la navette.
C’est ainsi que j’interprète la sagesse proposée par le rapporteur : ayons la sagesse de voter cet amendement pour que nous puissions éventuellement, au cours de la discussion parlementaire, trouver la bonne solution.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je rejoins René-Paul Savary : moi non plus, je n’ai pas très bien compris cette histoire de verrou, monsieur le rapporteur.
Madame la ministre, vous demandez quel est l’intérêt de stocker sans savoir si cela pourra être utile. En l’occurrence, on propose d’autoriser le stockage des CAR-T cells lorsque le diagnostic de la maladie est posé, si jamais celles-ci sont nécessaires au cours de l’évolution de la maladie.
Je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Mes propos étaient sans doute un peu confus, mais leur sens était clair : je proposais de suivre la position du Gouvernement.
Nous ne sommes pas confrontés en l’occurrence à des enjeux éthiques de recherche sur l’embryon du type de ceux que nous avons rencontrés au cours de nos débats, mais à des enjeux de recherche assez classiques qui soulèvent des questions – j’en ai évoqué quelques-unes – qui ne concernent pas directement le législateur, selon moi. Nous n’avons pas non plus à poser une interdiction, un verrou à ce qui est demandé, parce que cela relève de la progression de la connaissance.
Je ne dispose pas, à l’heure actuelle, des outils me permettant d’affirmer qu’il y aurait une perte de chance pour les patients concernés. Faut-il voter cet amendement dans la perspective de la navette ? Je ne suis toujours pas convaincu de la possibilité de résoudre cette question par la loi. C’est la raison pour laquelle je suis plutôt d’avis de suivre la position du Gouvernement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 1241-1, les mots : « , en vue d’un don anonyme et gratuit, et » sont supprimés ;
2° L’article L. 1245-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « du sang de cordon et » et les mots : « du cordon et » sont supprimés ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le sang de cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical est prélevé en vue d’une éventuelle utilisation ultérieure, au bénéfice de l’enfant ou d’un tiers, conformément à l’article L. 1245-2-1, la demande préalable de la donneuse est requise dans les conditions fixées à l’article L. 1241-1, après qu’elle a été informée des modalités de sa conservation. » ;
c) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La couverture des frais relatifs aux actes liés à la conservation et à l’acheminement du sang du cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge par l’assurance maladie. » ;
3° Après l’article L. 1245-2, il est inséré un article L. 1245-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1245-2-1. – Lors d’un accouchement, le sang de cordon ombilical et des tissus du cordon ombilical peut être prélevé en vue de leur conservation dans des banques garantissant le respect des conditions sanitaires prévues par l’Agence de la biomédecine, à des fins scientifiques ou en vue d’une éventuelle utilisation thérapeutique autologue ou allogénique ultérieure dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement porte sur la conservation du sang de cordon. Les plus anciens, dont nous sommes, madame la présidente, se souviennent sans doute que Marie-Thérèse Hermange nous avait expliqué voilà un certain temps, au sein de la commission des affaires sociales, tout l’intérêt de sa conservation. En effet, à l’instar de la moelle osseuse, le sang de cordon est très riche en cellules souches et possède un très grand intérêt thérapeutique. Des greffes à partir de sang de cordon peuvent être envisagées, en particulier pour les maladies du sang.
Si les mères concernées donnent leur consentement, le sang de cordon peut être recueilli après l’accouchement, puis congelé et conservé dans un établissement spécialisé appelé « banque de conservation ».
La France n’autorise toutefois pas la conservation de son propre sang de cordon ombilical, contrairement à la Suisse, à la Grande-Bretagne, à l’Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas, à la Pologne, au Canada ou aux États-Unis. Cet amendement vise donc à autoriser les femmes qui accouchent en France à faire conserver leur sang de cordon et les tissus du cordon ombilical à leurs frais, si elles le souhaitent, ou à le partager, comme cela se fait dans d’autres pays, pour éviter ce nomadisme qui pousse certaines femmes françaises à aller faire stocker leur sang de cordon à l’étranger.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. En rendant possible la conservation de sang de cordon au sein de « banques », cet amendement reviendrait sur le caractère anonyme et gratuit du don, qui encadre aujourd’hui le prélèvement de cellules hématopoïétiques du sang de cordon et du sang placentaire.
L’article L. 1241-1 du code de la santé publique ouvre déjà la possibilité, à titre dérogatoire, que le don soit dédié à l’enfant né ou aux frères ou sœurs de cet enfant « en cas de nécessité thérapeutique avérée et dûment justifiée lors du prélèvement ».
Le principe de la conservation des cellules du sang de cordon pour une éventuelle utilisation autologue ultérieure a fait l’objet d’une analyse du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine sur l’état des données scientifiques et médicales, publiée en mars 2017. Cette note rappelle qu’« il n’y a actuellement aucune preuve de l’efficacité et de la sécurité d’une telle utilisation autologue dans le traitement des maladies malignes ». Elle considère par exemple que la transplantation de sang de cordon autologue n’apporte pas les cellules immunitaires capables d’éliminer les cellules leucémiques, ce que fait une greffe allogénique.
La constitution de banques privées risquerait en outre de détourner des sangs de cordon des banques publiques allogéniques, avec pour conséquence un nombre insuffisant de greffons et un amoindrissement de leur diversité HLA.
La commission estime que nos principes éthiques, qui reposent sur le caractère gratuit et anonyme du don, doivent aussi prévaloir en ce domaine. En conséquence, elle sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je connais la réglementation concernant le sang de cordon et les dons, mais je propose justement de la faire évoluer par cet amendement. Notre rôle de législateur n’est-il pas d’essayer de faire évoluer les règles ?
Vous dites que la création de banques privées de conservation pourrait « assécher » les dons. Je n’en suis pas sûre. En supposant que des intérêts privés soient intéressés par de telles banques – c’est le cas à l’étranger, pourquoi pas en France ? –, les femmes qui accouchent pourraient être beaucoup plus nombreuses à donner leur sang de cordon si on leur proposait de le conserver. Actuellement, seules 50 % des mères donnent leur sang de cordon, dont 20 % seulement est utilisable.
Ce projet de loi permet aux femmes qui allaient auparavant à l’étranger de procéder à une PMA en France. Par analogie, pourquoi les femmes qui vont à l’étranger faire conserver leur sang de cordon ne pourraient-elles pas le faire en France ? J’en ai parlé avec des gynécologues qui reçoivent des patientes étrangères, et, dans certains pays, cela ne pose pas de problème, même si c’est coûteux.
Je me doutais de la position de la commission en raison des règles régissant le don, mais je veux précisément faire évoluer la situation pour le sang de cordon.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
Chapitre II
Optimiser l’organisation des soins
Article 23
I. – L’article L. 1132-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « sur prescription médicale et » sont supprimés ;
2° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut prescrire certains examens de biologie médicale relevant du présent titre et du chapitre Ier du titre III du livre Ier de la deuxième partie du présent code, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État pris après avis de l’Académie nationale de médecine. Ce décret précise notamment les situations où le conseiller en génétique peut communiquer les résultats à la personne concernée, en accord avec le médecin sous la responsabilité duquel il intervient. »
II. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, après les mots : « vaccinations, », sont insérés les mots : « ni aux conseillers en génétique qui prescrivent des examens de biologie médicale en application de l’article L. 1132-1, ». – (Adopté.)
Article 24
I. – L’article L. 1131-1-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-1-3. – I. – Par dérogation au deuxième alinéa de l’article L. 1111-2 et à l’article L. 1111-7, seul le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen à la personne concernée ou, s’agissant d’un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, à la personne chargée de la mesure de protection.
« II. – Par dérogation à l’article L. 6211-11 et au II de l’article L. 6211-19, la communication du résultat de l’examen au prescripteur est faite par le laboratoire de biologie médicale autorisé en application de l’article L. 1131-2-1. Si un laboratoire de biologie médicale est intervenu pour transmettre l’échantillon, il est informé de cette communication par le laboratoire autorisé. »
II. – (Non modifié) Le VII de l’article L. 2131-1 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si un laboratoire de biologie médicale est intervenu pour transmettre l’échantillon, la communication du résultat de l’examen au prescripteur est faite par le laboratoire de biologie médicale autorisé par dérogation à l’article L. 6211-11 et au II de l’article L. 6211-19. L’autre laboratoire est informé de cette communication par le laboratoire autorisé. » – (Adopté.)
Article 25
Le titre III du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du chapitre préliminaire, tel qu’il résulte de l’article 8 de la présente loi, sont ajoutés des articles L. 1130-1 et L. 1130-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1130-1. – L’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles consiste à analyser les caractéristiques génétiques d’une personne héritées ou acquises à un stade précoce du développement prénatal.
« Cet examen et l’identification d’une personne par empreintes génétiques sont soumis aux dispositions des articles 16-10 à 16-13 du code civil, notamment aux modalités de consentement de cette personne à de tels examens ou identifications, aux dispositions du présent titre ainsi que, le cas échéant, aux dispositions du titre II du présent livre relatives aux recherches impliquant la personne humaine.
« Art. L. 1130-2. – L’examen des caractéristiques génétiques somatiques consiste à rechercher en première intention et à analyser les caractéristiques génétiques qui ne sont ni héritées ni transmissibles. Lorsque les résultats des examens des caractéristiques génétiques somatiques sont susceptibles de révéler des caractéristiques mentionnées à l’article L. 1130-1 ou rendent nécessaire la réalisation d’examens mentionnés au même article L. 1130-1, la personne est invitée à se rendre à une consultation chez un médecin qualifié en génétique pour une prise en charge réalisée dans les conditions fixées au chapitre Ier du présent titre. La personne est informée de la possibilité d’une telle orientation avant la réalisation d’un examen destiné à analyser ses caractéristiques génétiques somatiques et susceptibles de révéler des caractéristiques génétiques constitutionnelles. » ;
2° Le 1° de l’article L. 1131-6 est ainsi rédigé :
« 1° Les conditions dans lesquelles peuvent être prescrits et réalisés, dans l’intérêt des patients et de leur parentèle, les examens des caractéristiques génétiques d’une personne ou son identification par empreintes génétiques à des fins médicales ainsi que les conditions dans lesquelles peuvent être prescrits les examens des caractéristiques génétiques somatiques mentionnées à l’article L. 1130-2 ; ». – (Adopté.)
Article 26
I. – (Non modifié) L’article L. 1211-8 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ne sont pas non plus soumis aux dispositions du présent livre les selles collectées en application des articles L. 513-11-1 à L. 513-11-4 pour une utilisation à des fins thérapeutiques. »
II. – Le titre III du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique est complété un chapitre XI ainsi rédigé :
« CHAPITRE XI
« Recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique
« Art. L. 513-11-1. – Toute activité de collecte de selles destinées à la préparation de microbiote fécal utilisé à des fins thérapeutiques est assurée par des établissements ou organismes qui sont autorisés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, à l’exception de la collecte réalisée dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine mentionnées au 1° de l’article L. 1121-1.
« Art. L. 513-11-2. – La collecte, le contrôle, la conservation, la traçabilité et le transport des selles effectués par les établissements ou organismes mentionnés à l’article L. 513-11-1, y compris dans le cadre de recherches impliquant la personne humaine, sont réalisés en conformité avec les règles de bonnes pratiques définies par décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Ces règles de bonnes pratiques comprennent notamment les règles de sélection clinique et biologique applicables à la collecte de selles.
« L’importation de selles destinées à la préparation de microbiote fécal à des fins thérapeutiques ainsi que l’importation de préparations de microbiote fécal sont subordonnées à une autorisation délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
« Art. L. 513-11-3. – En cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 513-11-1 et L. 513-11-2 par un établissement ou organisme mentionné à l’article L. 513-11-1 ou en cas de risque pour la santé publique, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut suspendre ou interdire ces activités.
« Sauf en cas de risque imminent, une décision de suspension ou d’interdiction ne peut intervenir qu’après que l’établissement ou l’organisme a été mis à même de présenter ses observations.
« Art. L. 513-11-3-1 (nouveau). – La transplantation de microbiote fécal s’effectue dans l’intérêt du receveur et est soumise aux principes éthiques du bénévolat et de l’anonymat du don. Les règles d’anonymat du don ne sont pas applicables en cas de don intrafamilial.
« Art. L. 513-11-4. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret. »
III. – (Non modifié) Le II de l’article L. 5311-1 du code de la santé publique est complété par un 21° ainsi rédigé :
« 21° Les selles collectées par les établissements ou organismes mentionnés à l’article L. 513-11-1 et destinées à la fabrication d’un médicament. »
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. J’interviens au nom de Maryvonne Blondin, qui ne peut être présente cet après-midi.
À l’occasion de l’examen de l’article 26, relatif à la sécurisation de l’utilisation du microbiote fécal, je souhaiterais aborder un sujet que l’article 45 de la Constitution ne me permet malheureusement pas d’introduire par voie d’amendement, à savoir le développement de la phagothérapie en France. Cette technique consiste à utiliser des virus mangeurs de bactéries présents en quantité abondante dans la nature ou le corps humain, les phages, afin de traiter certaines infections multirésistantes aux antibiotiques.
Dans un contexte où l’antibiorésistance constitue une des plus graves menaces, selon l’Organisation mondiale de la santé, nous devons donner toute sa place à la phagothérapie dans notre arsenal de soins pour traiter des patients qui se trouvent dans une impasse thérapeutique et, trop souvent, en phase finale. Cette technique, découverte par le professeur Félix d’Hérelle en 1917, est tombée en désuétude après la découverte de la pénicilline. Elle est toujours en vigueur dans les pays de l’ex-URSS, tels que la Géorgie, ou la Pologne, ce qui entraîne actuellement un tourisme médical de la part de patients pour lesquels les antibiotiques ne sont plus efficaces. Toutefois, ce dernier est réservé à ceux qui peuvent le financer, pour obtenir des bactériophages adaptés à leur infection.
Les exemples de réussite se multiplient ! Je rappelle que la prise de phages n’a pas d’effets secondaires : cela marche ou pas, sans aucune autre conséquence.
Je salue le travail en cours d’une chercheure de Roscoff sur les phages d’origine marine.
Pourquoi faut-il avoir recours, en France, à l’ATU ? Parce que les normes de production des phages sont plus strictes, et c’est normal, que celles d’autres pays.
Des essais précliniques et cliniques ont été faits, tels que Phagoburn, un projet européen impliquant la Belgique, la Suisse et la France, qui a soulevé la problématique de la traçabilité de la production des phages. Deux CSST, c’est-à-dire des comités scientifiques spécialisés temporaires, ont été mis en place dès 2016 par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Le dernier, de mars 2019, corrèle l’élargissement de l’accès aux bactériophages aux standards de qualité de la production industrielle. Or il faut savoir que l’industrie pharmaceutique n’est pas proactive à se saisir des produits naturels, vivants et non brevetables.
Le CSST plaide pour la mise en place d’une plateforme nationale d’orientation et de validation du recours aux phages. J’espère, madame la ministre, qu’un coup d’accélérateur sera donné à cette demande, qui vient compléter le panel de la lutte contre l’antibiorésistance.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.
Mme Catherine Procaccia. Je veux indiquer à notre collègue Yves Daudigny que l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) s’est saisi du sujet de la phagothérapie. Plusieurs auditions sont en cours. J’espère que le Sénat pourra formuler des propositions d’ici à trois mois.
Mme la présidente. L’amendement n° 322, présenté par M. Henno, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
soumis
par le mot :
soumises
La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 267 rectifié bis, présenté par Mme Schillinger, MM. Patriat, Marchand, Mohamed Soilihi et Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Hassani, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer la référence :
L. 513-11-1
par la référence :
L. 513-1-1-A
II. – Après l’alinéa 5
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 513-11-1-A. – La collecte de selles destinée à la préparation de microbiote fécal s’effectue dans l’intérêt du receveur. Elle ne peut être faite qu’après le recueil du consentement du donneur et dans le respect des principes de gratuité et d’anonymat du don.
« Le principe de gratuité ne fait pas obstacle au versement d’une indemnité en compensation des contraintes liées au recueil de selles destinées à une utilisation thérapeutique.
« Le principe de l’anonymat du don n’est pas applicable en cas de don intrafamilial.
III. –Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 513-11-3. – En cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 513-11-1-A, L. 513-11-1 et L. 513-11-2 par un établissement ou organisme mentionné à l’article L. 513-11-1 ou en cas de risque pour la santé publique, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé peut suspendre ou interdire ces activités.
IV. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. Je retire cet amendement au profit de l’amendement n° 22 rectifié de Mme Darcos.
Mme la présidente. L’amendement n° 267 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mme L. Darcos, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Première phrase
Remplacer les mots :
du bénévolat
par les mots :
de la gratuité
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le principe de la gratuité ne fait pas obstacle à l’indemnisation, dans les conditions fixées par le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la première partie, des personnes se prêtant à une recherche impliquant la personne humaine au sens de l’article L. 1121-1 et comportant le recueil de selles d’origine humaine destinées à une utilisation thérapeutique, ni à l’indemnisation des personnes dont les selles sont recueillies pour la réalisation de préparations magistrales ou hospitalières au sens de l’article L. 5121-1.
La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Cet amendement vise à préciser que, si le don de selles est bénévole, il n’en demeure pas moins que le donneur peut être défrayé pour les dépenses qu’il expose au titre de sa participation à ces opérations de collecte, tant au stade des essais cliniques que du don habituel pour une utilisation des selles à des fins thérapeutiques.
Le niveau de contraintes imposé au donneur est très élevé du fait de la nature même du don et des étapes nécessaires pour la qualification d’un donneur. En effet, le candidat donneur accepte de subir des examens médicaux répétés, des tests sanguins et des tests de selles, le tout selon les règles de sélection biologique et clinique applicables. Il s’engage aussi à faire des dons réguliers, en général quotidiens. Dans ce contexte, seuls 3 % des candidats sont qualifiés.
Que les dons soient réalisés sur place, amenés au centre ou collectés par un coursier, le process de collecte influe sur l’organisation personnelle, pouvant impliquer des impacts financiers. Le donneur s’engage également à respecter une hygiène de vie, notamment concernant son alimentation, pendant la durée de la collecte.
Il en est de même pour les donneurs retenus au terme de ce processus de sélection, qui se prêtent de façon habituelle au don de selles et dont les frais doivent pouvoir être pris en charge par les établissements et organismes autorisés.
Cet amendement peut paraître incongru – certains collègues se sont même un peu moqués –, mais le sujet est très important et de très nombreux laboratoires travaillant sur la macrobiotique et le cancer du côlon attendent ces avancées.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Cet amendement a retenu l’attention de la commission spéciale. Il ne remet pas en cause la gratuité du don, tout en permettant d’assurer une neutralité financière pour le donneur. L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Laure Darcos. Merci !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 26, modifié.
(L’article 26 est adopté.)
Article 27
(Non modifié)
I. – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 1242-1 du code de la santé publique, les mots : « mentionnés à l’article L. 1211-8 » sont remplacés par les mots : « prélevés mentionnés à l’article L. 1211-8 et au II de l’article L. 4211-9-1 ».
II. – L’article L. 4211-9-1 du code de la santé publique et ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° Au même premier alinéa, les mots : « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » sont remplacés par les mots : « Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé » ;
3° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsque la préparation, la distribution et l’administration de ces médicaments sont faites, en établissement de santé ou dans un hôpital des armées, dans le cadre de la même intervention médicale que celle du prélèvement des tissus ou des cellules autologues entrant dans leur composition, la préparation et la distribution sont réalisées sous la responsabilité d’un établissement ou d’un organisme mentionné aux premier ou dernier alinéas du I du présent article, en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées à l’article L. 5121-5 et dans le cadre d’un contrat écrit.
« La nécessité de l’administration de ces médicaments dans le cadre de la même intervention médicale est vérifiée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé dans le cadre de l’autorisation mentionnée au 17° de l’article L. 5121-1 ou dans le cadre de l’autorisation de la recherche impliquant la personne humaine.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions applicables à la préparation ainsi que le type de médicaments concernés par le présent II. »
III. – À la fin de la deuxième phrase du 17° de l’article L. 5121-1 du code de la santé publique, les mots : « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » sont remplacés par les mots : « Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ». – (Adopté.)
Article 28
(Non modifié)
I A. – Le dernier alinéa de l’article L. 1131-2-1 du code de la santé publique est supprimé.
I. – Après l’article L. 1131-2-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1131-2-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1131-2-2. – Toute violation, constatée dans un établissement, un groupement de coopération sanitaire ou un laboratoire, des prescriptions législatives et réglementaires applicables aux examens des caractéristiques génétiques à des fins médicales ou à l’identification d’une personne par empreintes génétiques entraîne la suspension ou le retrait de l’autorisation prévue à l’article L. 1131-2-1, dans les conditions fixées à l’article L. 6122-13.
« Le retrait de l’autorisation est également encouru en cas de violation des prescriptions fixées par l’autorisation ou si le volume d’activité ou la qualité des résultats sont insuffisants au regard de critères énoncés par décret en Conseil d’État, après avis de l’Agence de la biomédecine. »
I bis. – Au premier alinéa de l’article L. 1131-3 du code de la santé publique, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier ».
II. – L’article L. 2131-5 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le 2° est ainsi rédigé :
« 2° La nature des examens de biologie médicale destinés à établir un diagnostic prénatal ; »
2° Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les conditions d’implantation et de fonctionnement que doivent remplir les établissements publics de santé et les laboratoires de biologie médicale pour être autorisés à exercer des activités de diagnostic prénatal. »
III. – L’article L. 2141-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Le quatrième alinéa est supprimé ;
3° À la fin du dernier alinéa, les mots : « avec tiers donneur » sont supprimés.
IV. – Au 2° de l’article L. 2142-4 du code de la santé publique, après le mot : « fonctionnement », sont insérés les mots : « et d’implantation ».
V. – Le I de l’article L. 2162-6 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est supprimé ;
2° Au début du quatrième alinéa, la mention : « 2° » est remplacée par la mention : « “1° » et les mots : « Ou sans » sont remplacés par le mot : « Sans » ;
3° Au début de l’avant-dernier alinéa, la mention : « 3° » est remplacée par la mention : « “2° ».
VI. – Le I de l’article 511-25 du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 1° est abrogé ;
2° Le 2° devient le 1° et, au début, les mots : « Ou sans » sont remplacés par le mot : « Sans » ;
3° Le 3° devient le 2°.
VII. – Le premier alinéa de l’article L. 1245-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les mots : « et à la préparation » sont remplacés par les mots : « , à la préparation, à l’importation et à l’exportation » ;
2° À la fin, la référence : « et L. 1243-6 » est remplacée par les références : « L. 1243-6, L. 1245-5 et L. 1245-5-1 ».
VIII. – Le 4 de l’article 38 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 11°, la référence : « et L. 1245-5 » est remplacée par les références : « , L. 1245-5 et L. 1245-5-1 » ;
2° Au 12°, les mots : « tissus ou cellules embryonnaires ou fœtaux mentionnés » sont remplacés par les mots : « cellules souches embryonnaires humaines mentionnées » ;
3° Il est ajouté un 18° ainsi rédigé :
« 18° Aux selles destinées à la préparation de microbiote fécal à des fins thérapeutiques ainsi qu’aux préparations de microbiote fécal. » – (Adopté.)
TITRE VI
ASSURER UNE GOUVERNANCE BIOÉTHIQUE ADAPTÉE AU RYTHME DES AVANCÉES RAPIDES DES SCIENCES ET DES TECHNIQUES
Article 29 A
(Supprimé)
Article 29
I. – Le chapitre II du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 1412-1 est complété par les mots : « ou par les conséquences sur la santé des progrès de la connaissance dans tout autre domaine » ;
2° L’article L. 1412-1-1 est ainsi modifié :
aa) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a) À la première phrase du même premier alinéa, les mots : « soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’article L. 1412-1 est » ;
a bis et a ter) (Supprimés)
b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. – Le comité anime, chaque année, des débats publics sur un ou plusieurs des problèmes éthiques et des questions de société mentionnés à l’article L. 1412-1, en lien avec les espaces de réflexion éthique mentionnés à l’article L. 1412-6. » ;
3° L’article L. 1412-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-2. – I. – Le comité est une institution indépendante qui comprend, outre son président, nommé par le Président de la République, trente-neuf membres :
« 1° Cinq personnalités désignées par le Président de la République et appartenant aux principales familles philosophiques et spirituelles ;
« 2° Un député et un sénateur ;
« 3° Un membre du Conseil d’État, désigné par le vice-président du Conseil d’État, et un membre de la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation ;
« 4° Quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique, sur proposition de ministres dont la liste est fixée par décret de façon à couvrir les domaines mentionnés à l’article L. 1412-1 ;
« 5° Quinze personnalités appartenant aux secteurs de la recherche et de la santé proposés par des organismes dont la liste est fixée par décret de façon à couvrir les domaines mentionnés au même article L. 1412-1.
« Les personnes mentionnées aux 4° et 5° du présent I sont nommées par décret.
« II. – Le président et les membres du comité mentionné au I sont nommés pour une durée de trois ans renouvelable une fois.
« III. – Parmi les membres du comité autres que son président, l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un.
« IV. – En cas de décès, de démission ou de cessation de fonctions pour toute autre cause, le membre désigné à la suite d’une vacance de poste pour la durée du mandat restant à courir est du même sexe que celui qu’il remplace. » ;
4° L’article L. 1412-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1412-5. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions de désignation des membres du comité mentionnés aux 1°, 3°, 4° et 5° du I de l’article L. 1412-2, notamment les modalités suivant lesquelles est respecté l’écart mentionné au III du même article L. 1412-2 et celles suivant lesquelles est organisé un renouvellement par moitié de l’instance, et définit ses modalités de saisine, d’organisation et de fonctionnement. »
II. – (Non modifié) Le 3° du I entre en vigueur le 26 décembre 2021.
III. – (Non modifié) Les mandats des membres du comité nommés en remplacement de ceux dont le mandat expire après la publication de la présente loi prennent fin le 25 décembre 2021.
IV. – (Non modifié) Les mandats des membres mentionnés au III du présent article ne sont pas comptabilisés comme un mandat pour l’application du II de l’article L. 1412-2 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié bis, présenté par Mme Lassarade, M. Bazin, Mme Bruguière, MM. de Legge, Paccaud et Houpert, Mme Berthet, M. Panunzi, Mme Bonfanti-Dossat, MM. H. Leroy et Reichardt et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
incluant l’évaluation éthique de l’insertion de cellules humaines dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle
La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à intégrer de manière expresse dans la mission du CCNE (Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé) l’évaluation éthique des embryons chimériques. Il nous semble toutefois que le CCNE n’a pas besoin de cette précision rédactionnelle pour se saisir de la question. En conséquence, la commission sollicite le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Berthet, l’amendement n° 50 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Martine Berthet. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 207, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 10
Remplacer le mot
trente-neuf
par le mot :
quarante-cinq
II. – Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … Six représentants d’associations de personnes malades et d’usagers du système de santé, d’associations de personnes handicapées, d’associations familiales et d’associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Par cet amendement, nous proposons d’élargir la composition du Comité consultatif national d’éthique aux représentants des associations directement concernées par les questions de bioéthique. Nous considérons en effet que la bioéthique n’est pas seulement une affaire de sachants, même si nous ne remettons bien entendu pas en cause la compétence et les apports importants des experts, qu’ils soient médecins, chercheurs ou encore juristes, lesquels occupent une place légitime au sein du CCNE.
Les questions de bioéthique prennent de plus en plus de place dans le débat public et suscitent un intérêt croissant chez nos concitoyens, y compris chez les plus jeunes. Nous devons saluer et encourager cette participation. Aussi, nous rejoignons ce constat, effectué par Karine Lefeuvre, vice-présidente du CCNE, devant la commission spéciale du Sénat : « Nous ne sommes qu’au début de la construction d’une démocratie sanitaire. La discussion sur les enjeux majeurs qui sont devant nous doit pouvoir s’appuyer sur ce triangle que j’évoquais entre parlementaires, experts et citoyens. Il s’agit d’une construction commune. La santé se prête bien à ce type de discussion. »
Par ailleurs, le CCNE, dans son avis sur la révision de la loi Bioéthique 2018-2019 et fort de l’expérience des États généraux de la bioéthique, a appelé de ses vœux une intensification de la participation de la société civile dans les débats relatifs à la bioéthique. C’est le sens de cet amendement, qui vise à élargir la composition du CCNE à six représentants d’associations de personnes malades et d’usagers du système de santé, d’associations de personnes handicapées, d’associations familiales et d’associations œuvrant dans le domaine de la protection des droits des personnes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à faire passer le nombre total de membres du Comité consultatif national d’éthique de 40 à 46 pour inclure des représentants d’associations, notamment d’associations d’usagers du système de santé, d’associations familiales et d’associations représentant les personnes handicapées.
Même si elle n’est pas expressément prévue, la présence au sein des membres du CCNE de représentants du monde associatif est possible, notamment au sein du collège des personnes qualifiées choisies en raison de leur compétence et de leur intérêt pour les problèmes d’éthique. Le CCNE comprend ainsi aujourd’hui la présidente du mouvement ATD Quart Monde France et d’autres personnalités impliquées dans le milieu associatif.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 29.
(L’article 29 est adopté.)
Article 30
I. – Le chapitre VIII du titre Ier du livre IV de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1418-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
a bis) Le 4° bis est complété par une phrase ainsi rédigée : « À ce titre, elle propose des règles d’attribution des gamètes et des embryons en application du dernier alinéa de l’article L. 2141-1 ; »
b) Au 6°, les mots : « et d’ovocytes » sont remplacés par les mots : « , d’ovocytes et de cellules souches hématopoïétiques » ;
c) (Supprimé)
d) Le b du 10° est ainsi rédigé :
« b) Aux articles L. 2151-5, L. 2151-8 et L. 2151-9, au VIII de l’article L. 2131-1 et au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 ; »
e) Le 13° est ainsi rédigé :
« 13° De gérer les traitements de données relatifs aux tiers donneurs mentionnés à l’article L. 2143-1, à leurs dons et aux enfants nés de ces dons, à l’exclusion des données médicales recueillies postérieurement au don ; »
f) Après le même 13°, il est inséré un 14° ainsi rédigé :
« 14° D’être destinataire des déclarations de protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites. » ;
1° bis (nouveau) L’article L. 1418-1-1 est ainsi modifié :
a) Au 1°, après la référence « L. 1418-1 », sont insérés les mots : « et des décisions d’opposition prononcées par le directeur général de l’Agence de la biomédecine en application des articles L. 2151-6 et L. 2151-7, » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Une évaluation des modifications législatives et réglementaires qui pourraient être envisagées dans les domaines relevant de la compétence de l’agence, afin de tenir compte de l’évolution des connaissances et des techniques dans ces domaines et des éventuelles situations qui justifieraient une adaptation du cadre juridique en vigueur. La liste des demandes d’autorisation relevant de sa compétence et susceptibles de justifier une adaptation du cadre juridique en vigueur est annexée à cette évaluation, dans une forme anonymisée de nature à empêcher l’identification des personnes concernées, et est accompagnée, le cas échéant, des avis du conseil d’orientation correspondants ; »
2° Au premier alinéa de l’article L. 1418-2, la référence : « et 11° » est remplacée par les références : « , 11° et 14° » ;
3° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1418-3, les mots : « interdire ou suspendre la réalisation d’un protocole de recherche autorisé, ainsi que » sont supprimés ;
4° L’article L. 1418-4 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Outre son président, le conseil d’orientation comprend : » ;
b) Au 1°, les mots : « du Parlement, » sont supprimés ;
c) Le début du 4° est ainsi rédigé : « 4° Des représentants d’associations d’usagers du système de santé agréées en application de l’article L. 1114-1, d’autres associations dont l’objet entre dans les domaines de compétence de l’agence, d’associations de personnes handicapées… (le reste sans changement). » ;
d) Après le même 4°, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Trois députés et trois sénateurs. »
II. – (Non modifié) Le 4° du I entre en vigueur le 22 juin 2021. Les mandats des membres du conseil d’orientation arrivant à expiration avant cette date sont prorogés jusqu’à celle-ci.
Mme la présidente. L’amendement n° 155 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, M. Morisset, Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Vaspart et Brisson, Mme Lanfranchi Dorgal et M. Bonhomme, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Après la référence :
L. 2151-5
insérer les références :
, L. 2151-6, L. 2151-7
II. – Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… À la seconde phrase de l’avant dernier alinéa de l’article L. 1418-3, après la référence : « L. 2151-5 », sont insérées les références : « , L. 2151-6 et L. 2151-7 » ;
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement vise à harmoniser les missions de l’Agence de la biomédecine, ainsi que les possibilités de demande de réexamen en lien avec les procédures d’autorisation impliquant les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites, introduites au V de l’article L. 2151-6 et au V de l’article L. 2151-7 du code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement tend à opérer, dans les missions de l’Agence de la biomédecine, les coordinations avec les amendements nos 151 rectifié et 152 rectifié, du même auteur. Le sujet est le régime d’autorisation des recherches conduisant à la création d’embryons chimériques par insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires ou pluripotentes induites humaines.
Depuis la suppression de l’article 17, cet amendement n’apparaît plus pertinent. À titre personnel, je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Le débat d’hier vous a permis de connaître la position du Gouvernement. Nous souhaitons avoir un système différencié : autorisation pour les recherches sur l’embryon ; déclaration pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires et pour certains types de recherches impliquant les cellules souches pluripotentes. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Brisson, l’amendement n° 155 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Brisson. Non, je le retire, comme je l’ai fait hier avec les autres amendements de M. Bazin, et pour les mêmes raisons.
Mme la présidente. L’amendement n° 155 rectifié est retiré.
L’amendement n° 323, présenté par Mme Imbert, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 16, seconde phrase
Supprimer le mot :
correspondants
La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 156 rectifié, présenté par M. Bazin, Mme Eustache-Brinio, MM. Bonne, Paccaud, Brisson, Morisset et Bascher, Mmes Lanfranchi Dorgal, Kauffmann et Bonfanti-Dossat et MM. Bonhomme et Guerriau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… Au premier alinéa de l’article L. 1418-2, après les mots : « y afférents », sont insérés les mots : « , incluant des professionnels connaissant les questions biologiques et éthiques chez l’animal, » ;
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Max Brisson. Je le retire !
Mme la présidente. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 30, modifié.
(L’article 30 est adopté.)
TITRE VII
DISPOSITIONS FINALES
Article 31
I. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, afin de prendre en compte les spécificités des statuts, les spécificités locales et les différences d’organisation des systèmes de santé et de sécurité sociale de Mayotte, de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Wallis-et-Futuna, de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi visant à :
1° Adapter les dispositions de la présente loi et, le cas échéant, des ordonnances prises en application des II et III du présent article aux caractéristiques et contraintes en matière de santé et de sécurité sociale particulières à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte ;
2° Étendre et adapter les dispositions de la présente loi et, le cas échéant, des ordonnances prises en application des II et III du présent article ainsi que toutes les dispositions du code de la santé publique, du code pénal et du code civil nécessaires à son application et ayant pour objet d’assurer sa cohérence à Wallis-et-Futuna et, en tant qu’elles relèvent des compétences de l’État, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
II. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi afin :
1° D’apporter aux dispositions des livres II à IV de la cinquième partie du code de la santé publique applicables aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro les adaptations rendues nécessaires par le règlement (UE) n° 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE et par le règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et abrogeant la directive 98/79/CE et la décision 2010/227/UE de la Commission, afin de :
a) Mettre en cohérence le système national de matériovigilance et de réactovigilance avec les exigences européennes ;
b) Renforcer le rôle de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé en tant qu’autorité compétente nationale ;
c) Préciser les modalités de traçabilité des dispositifs médicaux, notamment au sein des établissements de santé ;
d) Procéder à toutes les mesures de coordination, d’abrogation et de simplification nécessaires ;
2° (Supprimé)
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
III. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, afin de mettre en cohérence la législation nationale en matière de médicaments avec le règlement (CE) n° 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 concernant les médicaments de thérapie innovante et modifiant la directive 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi visant à :
1° Supprimer le régime juridique des préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique ;
2° Exclure de la définition des produits cellulaires à finalité thérapeutique les préparations cellulaires ayant fait l’objet de modifications substantielles.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
IV. – (Non modifié) Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de modifier, en tant que de besoin, les codes et les lois non codifiées pour les mettre en cohérence avec les dispositions de la présente loi et des ordonnances prises pour son application. L’ordonnance est prise à droit constant, sous réserve des modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, améliorer la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l’état du droit, remédier aux erreurs matérielles et aux insuffisances de codification et abroger les dispositions obsolètes ou devenues sans objet.
L’ordonnance est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Article 32
La présente loi fait l’objet d’un nouvel examen par le Parlement dans un délai maximal de cinq ans à compter de sa promulgation.
Elle fait l’objet, dans un délai de quatre ans, d’une évaluation de son application par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 235 rectifié, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai en même temps l’amendement n° 236.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 236, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, et ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
Parlement
insérer les mots :
, à l’exception du titre Ier,
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jacques Bigot. En commission spéciale, nous avions présenté le second amendement, au nom du groupe socialiste et républicain, pour dire que nous étions d’accord pour une révision de la loi Bioéthique, à l’exception du titre Ier, qui concerne la PMA. Il nous a été répondu qu’il n’y avait pas forcément besoin d’une révision de la loi. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé le premier amendement. De toute façon, à tout moment, le Gouvernement peut déposer un projet de loi ou le législateur peut prendre l’initiative d’une proposition de loi de révision, sans attendre les cinq années.
La commission spéciale a mis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Cela étant, le titre Ier concernant la PMA n’étant pas tout à fait ce que nous espérions voir sortir de la commission, je me dis que c’est peut-être bien que l’on soit amené à réviser la version du Sénat, si elle va jusqu’au bout. Aussi, pour bien terminer cette séance, je retire ces deux amendements. (Rires et applaudissements.)
Mme la présidente. Les amendements nos 235 rectifié et 236 sont retirés.
Je mets aux voix l’article 32.
(L’article 32 est adopté.)
Articles 33 et 34
(Supprimés)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. L’examen de ce projet de loi s’est finalement déroulé beaucoup plus vite que prévu. Nous avions ouvert trois jours de séance la semaine dernière et trois jours cette semaine, avec la possibilité d’en ouvrir un quatrième. Finalement, il aura fallu trois jours la semaine dernière et deux cette semaine. Cela est évidemment dû à la grande sagesse des sénateurs, qui ont su éviter de multiplier inutilement les amendements, certes nombreux. De plus, les discussions, bien que déterminées, sont restées raisonnées, documentées et se sont passées quasiment tout le temps de manière sereine.
Je voudrais donc vous remercier, mes chers collègues, de ce travail important et intéressant.
Je voudrais aussi remercier les différents fonctionnaires du plateau et les présidents de séance, les ministres qui se sont succédé au banc et l’ensemble de leurs collaborateurs, ainsi que les quatre rapporteurs, qui ont réalisé un travail assez extraordinaire, et, évidemment, le garage de Rolls-Royce, c’est-à-dire tous les fonctionnaires de la commission. (Sourires.)
Au terme de nos travaux, je sais que nous sommes nombreux à nous interroger sur l’équilibre du texte, tel qu’il a été modifié par le Sénat. Chacun avait probablement en tête son texte idéal ; aucun ne le retrouvera sans doute dans le texte adopté, et, finalement, c’est peut-être normal.
À titre personnel, je peux dire que le texte établi par la commission spéciale correspondait bien à ma vision de la bioéthique : accueillir les innovations, les mettre au service des patients, dans le respect de nos principes éthiques.
Qu’a adopté le Sénat ? Je vais citer quelques points saillants, sans revenir sur tous les articles : l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, mais en conservant les principes qui régissent le médical et le sociétal ; un mode d’établissement de la filiation qui respecte, là encore, nos principes ; un accès aux origines qui fait droit aux demandes qui s’expriment aujourd’hui, c’est-à-dire celles des enfants déjà nés de dons, qui étaient écartées du texte ; l’interdiction de la transcription automatique des conventions de GPA, qui n’aurait pas pu être réintroduite en deuxième lecture si le Sénat ne l’avait pas retenue.
Sur le volet recherche, le texte établi par la commission spéciale a été, à mon grand regret, très fortement revu. Le Sénat a modifié le régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon, interdit les chimères, rétabli le DPI-HLA, mais a refusé d’accepter d’autres dépistages, tout comme les tests généalogiques.
Mes chers collègues, sans vouloir donner de leçon à quiconque, à chacun désormais de se déterminer sur le texte ainsi modifié, mais, comme nous ne sommes pas en procédure accélérée, je me réjouis que nous puissions réexaminer ce texte.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. À mon tour, au nom du Gouvernement, notamment de mes collègues Agnès Buzyn et Nicole Belloubet, ainsi que de l’ensemble de nos collaborateurs, de vous remercier de ce temps de travail que nous avons passé ensemble. C’est toujours un moment extrêmement enrichissant, surtout sur des questions comme celles que nous avons abordées dans ce projet de loi de bioéthique, au sujet desquelles, j’en suis convaincue, personne ne peut prétendre détenir la vérité.
Cette bioéthique à la française est très importante. Je crois que nous pouvons tous être fiers d’être dans un pays qui est capable de réinterroger en permanence les avancées de la science, de savoir ce que la science permet, certes, mais, surtout, ce que nous souhaitons qu’elle apporte à la société. Parfois, ce que la science permet n’est pas toujours souhaitable dans une société. Nous n’avons pas été d’accord sur tout, bien sûr. Quoi qu’il en soit, les débats ont toujours été de très grande qualité.
Je voulais adresser mes remerciements tout particulièrement à la commission spéciale et aux rapporteurs, dont les argumentaires étaient très souvent extrêmement détaillés, ce qui fait que je n’avais quasiment rien à ajouter. (Sourires.) C’est aussi, je crois, la preuve de l’intérêt du Sénat pour ce texte. J’espère que chacun pourra se l’approprier et que, tous ensemble, nous pourrons continuer à être très fiers de vivre dans un pays qui revoit ses lois de bioéthique de façon régulière.
Merci à tous les personnels du Sénat, qui nous ont accompagnés, parfois très tard. Merci à tous ! Je suis toujours ravie d’échanger avec vous. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 4 février, à quatorze heures trente.
La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.
8
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Lors du scrutin public n° 86, mon collègue Roland Dantec souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
9
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 30 janvier 2020 :
À dix heures trente :
Deux conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (texte de la commission n° 261, 2019-2020) ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (texte de la commission n° 263, 2019-2020) ;
Projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (texte de la commission n° 191, 2019-2020) ;
Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (texte de la commission n° 259, 2019-2020).
À quatorze heures trente :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (texte de la commission n° 231, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
nomination de membres d’une commission d’enquête
Commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières (vingt et un membres)
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée :
MM. Jérôme Bascher, Arnaud de Belenet, Éric Bocquet, François Bonhomme, Patrick Chaize, Yvon Collin, Roland Courteau, Michel Dagbert, Vincent Delahaye, Alain Dufaut, Alain Fouché, Jordi Ginesta, Jean-Raymond Hugonet, Olivier Jacquin, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, M. Dominique de Legge, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mmes Noëlle Rauscent et Michèle Vullien.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication