M. Fabien Gay. Ça fait deux ans qu’il a été créé !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous privatisons également dans l’intérêt d’Aéroports de Paris. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRCE.) Nous voulons faire d’ADP un leader mondial de l’aéroportuaire. L’entrée de nouveaux actionnaires permettra d’apporter les compétences, les capitaux nécessaires pour améliorer la qualité de service et accompagner le développement de l’entreprise en France, mais aussi à l’international. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)

M. Fabien Gay. C’est Augustin de Romanet qui va être content !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Ce n’est pas un hasard si, en 2019, le Conseil international des aéroports a désigné comme meilleurs aéroports en termes de qualité de service celui de Lyon Saint-Exupéry – c’est un aéroport privatisé, madame Assassi –, pour la catégorie des aéroports accueillant 10 à 25 millions de passagers, et celui de Rome, qui est lui aussi privatisé, pour la catégorie des aéroports accueillant plus de 25 millions de passagers. Il ne faut pas non plus oublier le trophée de l’accessibilité qui a été décerné à Londres-Gatwick, aéroport également privatisé.

M. Pierre-Yves Collombat. Et des aéroports privatisés complètement nuls, ça n’existe pas ? (Sourires.)

M. Sébastien Meurant. Parlez-nous de Toulouse !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Les conséquences de l’opération pour les usagers, les employés ou les riverains seront limitées.

M. Rachid Temal. Ah tiens ! Ça nous intéresse !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. J’ai quelques arguments à faire valoir, monsieur Temal.

M. Rachid Temal. On vous écoute !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous avons tous en tête le précédent des autoroutes. Nous en avons tiré toutes les conséquences qui s’imposaient à nous.

Le cadre de régulation d’Aéroports de Paris sera plus strict après cette opération qu’avant.

M. Rachid Temal. Personne ne le connaît !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Nous apportons cinq types de garanties nouvelles.

Premier type de garantie : des garanties de cession et d’exploitation avec un cahier des charges précis, écrit dans la loi et dans un décret.

M. Fabien Gay. Il fait 55 pages !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Concernant les garanties de cession, les acheteurs devront remplir des conditions strictes de fonds propres et d’expérience dans le secteur du transport aérien pour participer à la cession, et l’État français ne cédera pas ses participations à un autre État ou à une entreprise sous contrôle étatique.

Le Parlement a également fixé dans la loi des garanties très précises sur les modalités d’exploitation.

Le cahier des charges comportera des points précis…

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … sur le respect de l’environnement, la qualité des services et le maintien des emplois.

M. Rachid Temal. Rendez le cahier des charges public !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Il comportera des garanties sur la présence de l’État : un commissaire du gouvernement et des dirigeants seront agréés par l’État, dont le directeur de la sécurité d’Aéroports de Paris. C’est évidemment déterminant pour garantir les droits souverains de l’État, la protection des personnes et la sécurité des frontières.

M. Pierre-Yves Collombat. Paroles, paroles…

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Enfin, tous les cinq ans, l’État et la société fixeront l’évolution des tarifs en fonction des investissements et de la qualité de service, sous le contrôle d’une autorité de régulation indépendante.

M. Fabien Gay. Encore une !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. En l’absence d’accord, l’État fixera, sur avis conforme de l’autorité de supervision, les grandes orientations stratégiques et les redevances facturées aux compagnies aériennes. L’État aura toujours le dernier mot. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Je vous donne un certain nombre de garanties, mais vous les écartez d’un revers de main. Pourtant, elles sont importantes !

Deuxième type de garantie : des garanties de bonne gestion de l’entreprise, avec notamment le principe de la double caisse, qui incite au maintien de coûts compétitifs.

Troisième type de garantie : des garanties de sécurité, avec un cahier des charges strict, contrôlé et soumis à des sanctions.

L’État garde le contrôle total des frontières, madame Cohen, vous le savez bien. Sur la police aux frontières, le contrôle des personnes, le contrôle des biens, les douanes, le contrôle aérien, l’État continuera à tout contrôler.

Les sanctions pour irrespect des critères de sécurité seront strictes : elles pourront entraîner des amendes à hauteur de 2 % du chiffre d’affaires de la compagnie.

Quatrième type de garantie : des garanties patrimoniales, puisque l’État récupérera les infrastructures d’ADP après une période de soixante-dix ans.

M. Fabien Gay. S’il peut les racheter !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Enfin, cinquième type de garantie : des garanties territoriales, pour assurer la qualité de vie des habitants des communes avoisinantes et la cohésion de notre nation.

Les parlementaires des communes avoisinant les aéroports du groupe étaient inquiets des conséquences de la privatisation.

M. Rachid Temal. Ils le sont toujours !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Un certain nombre d’entre vous en ont effectivement fait part. Nous avons donc inscrit les garanties dans la loi pour préserver la qualité de vie des habitants, éviter le bruit et l’augmentation du nombre de rotations à Orly.

Je m’étonne à cet égard, madame Cohen, madame Taillé-Polian, monsieur Temal, que vous ayez dit qu’il n’était pas possible de débattre et d’apporter des garanties supplémentaires sur cet aspect du problème. À l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a fait inscrire dans la loi Pacte la limitation à 250 000 du nombre de créneaux de vols pour Orly…

M. Rachid Temal. Et pour Roissy ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … et un couvre-feu nocturne de vingt-trois heures trente à six heures. Il était donc possible de débattre et d’apporter un certain nombre de garanties attendues par vos administrés ! (Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. Rachid Temal. Il fallait répondre à l’ensemble de la CNDP !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Je l’ai dit, à l’Assemblée nationale, Laurent Saint-Martin a introduit une disposition en ce sens, qui a d’ailleurs été votée par Robin Reda, député qui appartient au même groupe que les sénateurs siégeant à la droite de cet hémicycle.

Il y a donc eu débat, comme il y a encore débat aujourd’hui, ce dont nous nous réjouissons d’ailleurs, car le processus démocratique est évidemment essentiel à la vie de la Nation.

Le débat démocratique a commencé avec le dépôt de la loi Pacte en juin 2018, il y a plus de vingt mois désormais. La privatisation d’ADP a conduit à plus de soixante heures de débat au Parlement, et le débat continue, comme en atteste notre présence à tous ici même. Il se prolonge aussi au travers de la procédure du référendum d’initiative partagée, qui dure, elle, depuis huit mois.

Nous respectons évidemment l’expression démocratique. C’est la raison pour laquelle nous avons convenu qu’aucune décision ne serait prise pendant la période de neuf mois de collecte des signatures pour la tenue du référendum, qui s’achèvera le 12 mars prochain, et tant que cette procédure continuera à courir. Au 22 janvier dernier, cette pétition – certains d’entre vous l’ont rappelé – a permis de collecter 1,07 million de signatures sur les 4,7 millions de signatures requises pour que la procédure perdure.

Le débat public se poursuit. Depuis l’élaboration de la loi Pacte, à laquelle j’ai contribué en tant que député à l’époque, le Gouvernement n’a eu de cesse d’expliquer ce projet de privatisation – ce que je m’évertue à faire encore aujourd’hui devant vous –, son intérêt et le cadre dans lequel nous souhaitons la mener.

M. Fabien Gay. Ça ne fonctionne pas !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Le long débat préparatoire et d’élaboration de la loi Pacte, l’implication des élus de la représentation nationale pendant près d’un an, les centaines d’amendements retenus par le Gouvernement, venant de la majorité comme des partis d’opposition et notamment, s’agissant de l’Assemblée nationale, des rangs communistes (M. le secrétaire dÉtat se tourne vers les travées du groupe CRCE.), en particulier de votre collègue député Stéphane Peu avec lequel nous avons beaucoup et bien travaillé,…

M. Fabien Gay. Oui, oui…

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … ont permis l’expression pleine et entière du Parlement sur ce sujet.

Le débat public a été largement mené par les promoteurs du RIP depuis plus de huit mois pour essayer d’obtenir, selon les termes de la Constitution, 4,7 millions de signatures.

Mme Éliane Assassi. On n’a pas été aidé !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Chacun de nous pourra apprécier le 12 mars prochain, sans en préjuger, le résultat de ce long débat.

C’est la raison pour laquelle je me suis exprimé devant vous aujourd’hui, au cœur de ce que nous considérons comme un temps fort démocratique, à savoir le recueil des signatures de ce référendum d’initiative partagée. J’ai voulu vous rappeler l’importance de ce projet à nos yeux, et j’espère que cette intervention aura pu répondre, autant que faire se peut,…

M. Fabien Gay. Oh là oui ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Complètement ! (Nouveaux sourires.)

M. Rachid Temal. À tel point que je vais retirer ma signature ! (Marques damusement sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … point par point, comme nous l’avons toujours fait, aux arguments avancés contre ce projet de privatisation, dont je me permettrai de dire qu’ils sont parfois erronés.

Nous ne privatisons pas les frontières, il n’y a pas de dérégulation au détriment de l’environnement, des riverains, des usagers ou des compagnies aériennes. Nous voulons seulement – je vous le redis, mesdames, messieurs les sénateurs – valoriser le patrimoine de l’État…

M. Patrick Kanner. Vous le bradez !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … et garantir le meilleur usage de l’argent public, tout en investissant dans l’avenir des Français,…

M. Rachid Temal. Paroles, paroles…

M. Fabien Gay. Vous voulez brader les biens publics !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur poursuivre s’il vous plaît !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … dans les entreprises innovantes,…

M. Rachid Temal. Merci Vinci !

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … à travers un projet dont les contours ont été élaborés afin de maintenir un cadre sûr.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour ce débat, pour votre écoute et votre attention. (M. Pierre Louault applaudit. – Exclamations ironiques sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)

M. Rachid Temal. Bon courage !

M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’organisation d’un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris est-elle une exigence démocratique ? »

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)

PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Candidature à une commission spéciale

M. le président. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale
Discussion générale (suite)

Propagande électorale

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale
Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la proposition de loi relative à la simplification et à la modernisation de la propagande électorale, présentée par M. Emmanuel Capus et plusieurs de ses collègues (proposition n° 687 [2018-2019], texte de la commission n° 267, rapport n° 266).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Emmanuel Capus, auteur de la proposition de loi.

M. Emmanuel Capus, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues : trente-quatre ! C’était le nombre de listes aux élections européennes de mai dernier, un record ! C’était donc le nombre de panneaux électoraux qu’il a fallu installer devant chaque bureau de vote, devant chaque mairie, sur tout le territoire.

Cette situation a posé des difficultés pratiques extrêmement pénibles aux maires, qui sont en première ligne, puisque c’est sur eux que pèse l’obligation de procéder à l’installation des panneaux, sans dotation supplémentaire, mais avec la consigne du Gouvernement de faire ce qu’ils peuvent. Ici, cela les a contraints à acheter in extremis, en moins de dix jours, des panneaux supplémentaires ; là, cela a supposé d’utiliser des palettes ou des panneaux en bois, fabriqués par les services techniques municipaux… quand ils existent.

Dans certaines communes, à La Lande-Chasles dans mon département de Maine-et-Loire, par exemple,…

M. Stéphane Piednoir. La plus petite commune du département !

M. Emmanuel Capus. C’est la deuxième plus petite commune de Maine-et-Loire avec 124 habitants, si ma mémoire est bonne.

Toujours est-il que les maires sont totalement pris au dépourvu et livrés à eux-mêmes. Face à une telle difficulté, ils nous ont, à nous, sénateurs, remonté du terrain le problème pratique qui se posait à eux. C’est l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée. Celle-ci visait deux objectifs.

Tout d’abord, puisqu’un grand nombre de ces trente-quatre panneaux posés in extremis n’ont pas été utilisés et sont restés vides – en général plus des deux tiers –, provoquant la plus totale incompréhension des maires et des habitants, je propose de demander aux candidats, lors du dépôt de leur liste, s’ils souhaitent ou non utiliser un panneau électoral.

Cette proposition est extrêmement simple, elle repose sur le volontariat, elle n’est pas agressive et elle est de bon sens. Le code électoral prévoit déjà un dispositif similaire dans les communes de moins de 1 000 habitants : lorsque vous êtes candidat aux élections municipales, vous devez indiquer si vous utiliserez ou non vos panneaux d’affichage. Le code électoral prévoit même une sanction : le maire d’une commune de moins de 1 000 habitants peut facturer l’installation de panneaux qu’un candidat a demandée si ce dernier n’y a rien apposé.

Le premier dispositif que je propose consiste donc à étendre à l’ensemble des candidats cette obligation d’indiquer s’il utilisera ou non un panneau électoral. Je pars de l’idée que les candidats feront preuve de bonne foi et de volontarisme. Je pars aussi de l’idée que beaucoup de ces candidats savent à l’avance, dès le dépôt de leur candidature, s’ils imprimeront ou non des affiches. Je pars également du principe, qui, je le pense, va se développer, que, par respect de l’écologie, les candidats qui ne souhaitent pas faire imprimer d’affiches le diront spontanément. Je pars enfin de l’idée que certains candidats n’ont pas les moyens, ni humains ni financiers, de faire imprimer des affiches, qu’ils le savent et qu’ils le diront.

Ensuite, sur le modèle du dispositif prévu par le code électoral dans les communes de moins de 1 000 habitants, j’envisageais un mécanisme de sanction. Après avoir échangé avec la commission des lois, notamment son rapporteur François Bonhomme, dont je salue la qualité du travail, il nous est apparu qu’il serait compliqué de généraliser un dispositif de sanction qui n’existe aujourd’hui que dans les communes de moins de 1 000 habitants. En effet, on peut très bien imaginer que les candidats à certaines élections, comme les élections européennes par exemple, apposent leurs affiches dans une commune et pas dans une autre. J’ai donc trouvé tout à fait normal que la commission adopte un amendement de suppression du dispositif que je proposais.

Le premier objectif de ce texte consiste à contraindre un candidat à déclarer s’il souhaite ou non utiliser ses panneaux électoraux, ce qui doit permettre de diminuer mécaniquement le nombre d’affiches et, donc, le nombre de panneaux.

La deuxième idée que je défendais dans le cadre de cette proposition de loi concerne la taille des affiches.

Dans l’hypothèse où il y aurait plus de quinze candidats à une élection – c’est le chiffre que j’ai retenu, car c’est à peu près le nombre de panneaux que les petites communes ont à leur disposition en règle générale, ainsi que le nombre de panneaux réellement utilisés lors des dernières élections européennes –, je proposais que l’on diminue par deux la taille des affiches.

La commission des lois m’a démontré, au cours d’échanges là encore extrêmement constructifs, qu’une telle mesure posait une difficulté pratique. En effet, en règle générale, les candidats impriment leurs affiches assez tôt. Ils ne peuvent donc pas en changer les dimensions au dernier moment.

La commission des lois a donc décidé d’amender le texte et proposé de laisser la possibilité aux maires de diminuer la taille des panneaux, et non la taille des affiches – cela permet justement de contourner la difficulté qui consisterait à devoir changer la taille de ses affiches à la dernière minute –, comme le font d’ailleurs déjà les maires aujourd’hui et comme les circulaires les y invitent. Ainsi, lors des dernières élections européennes, les maires de certaines communes ont divisé par deux la taille des panneaux électoraux.

Nous offrons donc aux maires la possibilité – car nous croyons à la liberté et au sens des responsabilités des maires –, en fonction des circonstances locales, de diminuer la taille des panneaux, et ce à une triple condition.

Tout d’abord, le nombre des candidats doit être supérieur à quinze, ainsi que je le proposais dans le texte initial. Ensuite, la commune ne doit pas disposer d’un nombre suffisant de panneaux, mesure de bon sens suggérée par la commission. Enfin, il faut évidemment respecter l’égalité de traitement entre chaque candidat, c’est-à-dire que chacun d’entre eux doit bénéficier d’une surface égale pour apposer ses affiches sur les panneaux.

Je le répète, parce que nous allons débattre de ce point : à mon sens, et je pense que j’ai bien compris les intentions de la commission des lois, il ne s’agit pas de diminuer la taille des affiches pour éviter les difficultés d’impression, mais bien d’adapter la dimension des panneaux en fonction des circonstances locales à l’échelon de la commune.

Voilà, en résumé, les deux propositions phares de ce texte amendé par la commission des lois.

Je salue de nouveau la qualité du rapport et des échanges que nous avons eus avec François Bonhomme. J’adhère pleinement aux améliorations apportées par la commission.

La proposition de loi initiale comportait un deuxième article concernant l’impression des bulletins de vote. Ce point avait en effet été soulevé lors des élections européennes.

Le vote à partir de bulletins imprimés chez soi, et donc transmis par voie électronique par les candidats, se développe. Aux dernières élections, les bulletins devaient peser très exactement 70 grammes par mètre carré, au gramme près. Or, dans les faits, le papier en circulation n’a pas toujours ce grammage, puisque, la plupart du temps, il pèse 80 grammes par mètre carré. De plus, vous vous en doutez sûrement, madame la ministre, nous sommes totalement incapables, lorsque nous présidons un bureau de vote – ce qui est fréquent pour nombre d’entre nous –, de savoir si le papier pèse 60, 70, 80 ou 90 grammes.

C’est la raison pour laquelle j’avais proposé que le papier utilisé pour les bulletins de vote imprimés à domicile pèse entre 60 et 80 grammes. Je note que, le 27 décembre dernier, le Gouvernement a résolu cette difficulté, en prenant un décret qui fixe la même échelle de grammage que celle que je prévoyais. C’est pourquoi je ne me suis pas opposé à ce que la commission supprime l’article 2.

Les autres articles figurant dans le texte ont été introduits par la commission. M. le rapporteur en parlera mieux que moi : il s’agit de mesures de coordination.

Madame la ministre, mes chers collègues, ma proposition de loi est un simple texte de bon sens pour adapter notre législation en matière de panneaux électoraux à la pratique et à l’explosion du nombre de candidats, qui est attendue dans les années à venir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Alain Richard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et dadministration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi d’Emmanuel Capus a été déposée en quelque sorte en réaction aux élections européennes de mai dernier. Elle vise à mieux accompagner les maires dans la gestion de la propagande électorale, alors que beaucoup ont manqué de panneaux pour apposer les affiches des trente-quatre listes – pas moins ! – de candidats.

L’obligation d’installer des panneaux électoraux remonte à une loi bien lointaine, datant de 1914. Il s’agissait déjà, à l’époque, de garantir une certaine équité entre les candidats. Le rapporteur du Sénat, Alexandre Bérard, critiquait ainsi « la multiplicité des affiches », qui donnait aux « candidats riches une supériorité […] inique, relativement à leurs concurrents moins fortunés ».

Ces panneaux métalliques sont aujourd’hui installés pour l’ensemble des scrutins, à l’exception des élections sénatoriales. Comme pour la tenue des bureaux de vote, les communes agissent au nom de l’État, qui leur verse en contrepartie une dotation pour frais d’assemblée électorale.

Tous les candidats bénéficient d’une surface identique pour apposer leurs affiches. L’État rembourse les dépenses des candidats ayant recueilli un nombre suffisant de voix, généralement fixé à 5 % des suffrages exprimés.

Or, comme chacun a pu le constater, beaucoup de communes ont manqué de panneaux électoraux lors des dernières élections européennes. De nombreux articles de presse ont évoqué une « pénurie de panneaux », un « casse-tête logistique » ou encore des maires contraints de « bricoler » pour sortir de l’impasse.

Je rappelle que les maires ont eu moins de dix jours pour trouver des solutions, incluant deux week-ends et un jour férié. En l’absence de rallonge financière du Gouvernement, ils ont dû recourir au « système D » en scindant leurs panneaux en deux parties, en fabriquant leurs propres panneaux ou en délimitant de nouveaux emplacements sur les murs des bâtiments publics.

Cette situation paraît d’autant plus absurde que nombre de panneaux sont restés inoccupés. D’après les professionnels de l’affichage, sur les trente-quatre listes de candidats aux élections européennes, seule une quinzaine de listes ont apposé des affiches sur la plupart de leurs emplacements.

En pratique, certains candidats n’impriment qu’un nombre réduit d’affiches, notamment lorsqu’ils ne pensent pas atteindre le seuil de remboursement de leurs dépenses. D’autres rencontrent des difficultés matérielles pour « approvisionner » les panneaux, malgré l’aide des militants.

Avant d’évoquer la proposition de loi, madame la ministre, je souhaiterais dire un mot sur ce que je considère comme le « péché originel » ayant conduit à ce casse-tête des élections européennes.

À mes yeux, le retour à la circonscription unique a encouragé la multiplication des listes de candidats et créé des difficultés matérielles, qui n’ont pas été suffisamment anticipées. Par une sorte d’effet d’aubaine, il suffisait de trouver soixante-dix-neuf colistiers pour s’inviter dans une campagne de niveau national et bénéficier des moyens de propagande.

J’ai pu observer, comme beaucoup d’autres, que les électeurs étaient totalement perdus face à cette profusion de candidatures. Difficile, en effet, de s’y retrouver entre trente-quatre listes de candidats comportant, au total, 2 686 noms !

Si j’évoque ce point, madame la ministre, c’est que je me rappelle tout de même de notre discussion du printemps 2018, lorsque vous défendiez le projet de loi visant à passer à une circonscription unique pour ces élections. Dans vos propos liminaires – les souvenirs que j’en ai sont encore frais –, vous faisiez valoir tout l’avantage de cette évolution en termes d’intelligibilité du scrutin. À l’aune de ce qu’il s’est passé par la suite, cette affirmation n’a rien d’évident.

La présente proposition de loi aborde le problème sous un angle différent, en cherchant à rationaliser l’utilisation des panneaux électoraux. La commission des lois y est favorable : l’intervention du législateur peut permettre, je l’espère, de mieux accompagner les maires et d’éviter ainsi de s’en remettre au « système D ». Elle a donc adopté la proposition de loi, tout en sécurisant son dispositif et en préservant la liberté d’expression des candidats, qui constitue, je le rappelle, un droit de valeur constitutionnelle. Elle a également différé l’entrée en vigueur des dispositions du texte, pour éviter toute interférence avec les prochaines élections municipales.

Au titre du premier mécanisme proposé, les candidats devraient préciser, dans leur déclaration de candidature, s’ils souhaitent ou non utiliser leurs emplacements. Le « droit aux panneaux » ne serait pas remis en cause pour autant. Tous les candidats pourraient en bénéficier, à condition d’en faire la demande en amont de la campagne. L’objectif est simple : éviter d’installer des panneaux inutiles, que les candidats ne souhaitent pas utiliser.

Par ailleurs, la commission a supprimé le dispositif de sanction, qui lui paraissait à la fois complexe à mettre en œuvre pour les maires et disproportionné pour les candidats. Elle a privilégié un système de déclaration sur l’honneur, qui reposera sur la bonne foi des candidats.

Nous avons également instauré un « droit au remords ». Chaque candidat pourra solliciter l’installation de panneaux électoraux jusqu’au vendredi précédant le scrutin. Cette souplesse s’adresse aux candidats qui – cela peut arriver – modifient leur stratégie électorale dans la dernière ligne droite, selon les financements recueillis.

S’agissant spécifiquement des élections européennes, nous avons ajusté le calendrier du scrutin pour que les communes disposent d’une semaine supplémentaire pour installer leurs panneaux.

Initialement, le deuxième mécanisme prévu dans la proposition de loi prévoyait de réduire de moitié le nombre et la dimension des affiches lorsque les panneaux électoraux sont utilisés par plus de quinze candidats. Ce dispositif soulevait toutefois quelques difficultés opérationnelles : pour des raisons calendaires, la taille des affiches ne peut pas être modifiée à quelques jours du scrutin.

Dans un souci de compromis, la commission a proposé un mécanisme plus souple, consacrant la possibilité pour le maire d’adapter les dimensions des panneaux électoraux en fonction des circonstances locales. Nous y reviendrons avec l’examen de l’amendement de notre collègue Stéphane Piednoir.

Je souhaiterais, de manière transversale, rappeler aussi l’attachement du Sénat à la propagande électorale sous format papier. La matérialité du vote, par sa dimension solennelle, est essentielle pour la vie démocratique de notre pays. À l’inverse, la dématérialisation n’est pas de nature à améliorer la participation des citoyens les plus âgés ou vivant encore dans des zones blanches. Le Gouvernement semble d’ailleurs avoir renoncé à cette idée, après trois échecs consécutifs devant le Parlement. J’espère, madame la ministre, que vous pourrez nous confirmer cet élément.

À la suite de mes auditions, je dois alerter le Sénat sur les conditions d’organisation des élections régionales et départementales de mars 2021. En effet, les professionnels du secteur, que j’ai reçus avec Alain Richard, ont exprimé leurs très grandes inquiétudes face à la concomitance de ces deux scrutins.

Imprimeurs, afficheurs, routeurs, tous doutent fortement de leur capacité à mettre sous pli et envoyer en temps et en heure l’ensemble des documents de propagande. Leurs inquiétudes concernent surtout le second tour : pour ces deux scrutins, les candidatures seront déposées le mardi soir, les commissions de propagande devront se réunir le mercredi et les envois devront être réalisés, au plus tard, le jeudi ou le vendredi. Peu réaliste, ce calendrier représente un risque pour l’acheminement des professions de foi jusqu’aux citoyens. Je profite donc de cette séance publique, madame la ministre, pour interroger le Gouvernement sur les mesures qu’il compte mettre en œuvre pour éviter un nouveau casse-tête dans la distribution de la propagande.

Sans préjudice de ces observations d’ordre général, mes chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter le texte d’Emmanuel Capus. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)