M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, le principe de la réforme que nous promouvons avec Nicole Belloubet est en effet de passer d’une logique de recouvrement à une logique de prévention des impayés de pension alimentaire.
Des mesures ont été votées lors de l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 et nous continuons à travailler avec le ministère de la justice pour que le nouveau service que vous avez évoqué se mette en place dès le 1er juin 2020.
Ce service garantira le versement de la pension alimentaire au long cours, jusqu’aux 18 ans de l’enfant, à toutes les familles ayant déjà subi des impayés. C’est la première situation.
Pour toute nouvelle séparation intervenant à partir du 1er juin, les familles concernées pourront bénéficier de cette intermédiation.
Surtout, nous travaillons à alléger les démarches administratives pour les familles, puisque ce sont les caisses d’allocations familiales (CAF), en liaison avec les juges, les avocats et les greffes, qui disposeront de tous les renseignements de nature à permettre la mise en œuvre de l’intermédiation.
Dans cette perspective, nous mettons la dernière main aux décrets d’application et nous préparons la formation des agents des CAF. Le nouveau service bénéficiera d’un budget de près de 42 millions d’euros, sachant que nous prévoyons le recrutement de 450 agents supplémentaires, 325 d’entre eux étant déjà en formation afin de pouvoir entrer en fonction au 1er juin. Nous formons également les juges, le personnel des greffes et les avocats pour que toutes les familles qui vivront une séparation à partir de cette date puissent être informées de l’existence de ce service.
Nous souhaitons voir progresser le taux de recours à l’allocation de soutien familial. Cette aide, dont peuvent bénéficier les familles qui subissent des impayés de pension alimentaire en raison de l’insolvabilité du parent débiteur, est en effet aujourd’hui peu demandée. Elle sera versée dès qu’une difficulté de paiement se fera jour.
Il s’agit en définitive de porter un regard nouveau sur la pension alimentaire, qui est un droit visant à garantir au parent créancier les ressources nécessaires pour élever ses enfants et à libérer les familles concernées d’un poids qui entrave leur développement. Les deux ex-conjoints doivent contribuer au bien-être des enfants.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La complexité de notre système de prestations familiales le rend très difficilement compréhensible. Comment expliquer que les enfants de certaines familles ne bénéficient d’aucune aide de l’État, alors que, à titre d’exemple, une famille monoparentale avec quatre enfants perçoit jusqu’à 380 euros par mois et par enfant ?
Les familles françaises sont segmentées en trois groupes : celles qui ont des revenus modestes et perçoivent de nombreuses aides ; celles qui ont des revenus élevés et bénéficient du quotient familial ; enfin, celles des classes moyennes, qui profitent le moins de ces dispositifs.
Actuellement, l’octroi de l’allocation familiale est conditionné au fait d’avoir deux enfants ou plus. Si les conséquences de cette politique sur la natalité ne sont pas aisément mesurables, elles ne paraissent pas favorables. En outre, rien ne prouve que les coûts soient croissants en fonction du nombre d’enfants. Enfin, il est parfois difficile de définir le rang qu’occupe un enfant dans les familles recomposées, au moins avant le remariage.
Madame la secrétaire d’État, eu égard aux limites de notre système que je viens d’évoquer, nous saisissons de nouveau la proposition que formule M. Régent dans son récent ouvrage La Face cachée des prestations familiales pour vous interroger sur la création d’une allocation familiale unique (AFU) qui se substituerait aux aides familiales existantes, serait versée dès le premier enfant et supprimerait les effets de seuil des prestations familiales.
Lors d’un précédent débat, en 2018, Mme la ministre Agnès Buzyn m’avait indiqué qu’elle avait identifié 100 000 ménages avec un enfant percevant en général au moins 45 euros d’aides. Elle avait ajouté qu’il faudrait peut-être cibler ces familles en faisant, par exemple, évoluer le complément familial majoré. Qu’en est-il de cette proposition ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, vous évoquez la possibilité de créer une allocation familiale unique. À première vue, l’idée peut sembler intéressante, notamment pour éviter la complexité du calcul des prestations familiales, mais les allocations familiales ne sauraient être réduites à un versement unique, commun à toutes les familles, parce que nous devons répondre aux besoins spécifiques de chacune d’entre elles.
Je l’ai rappelé, la politique familiale repose sur le principe d’universalité, mais universalité n’est pas uniformité. Notre politique familiale ne peut pas ignorer les différences de situations et les moments de vie où un accompagnement particulier est nécessaire. Elle apporte un soutien à toutes les familles, notamment aux plus précaires. Les prestations familiales permettent de rehausser le revenu des familles nombreuses et monoparentales. Leur versement augmente ainsi le revenu médian des couples avec trois enfants ou plus de 24 % et celui des familles monoparentales avec deux enfants ou plus de 31 %. Les prestations familiales représentent 11 % du revenu des familles modestes, contre 2 % pour l’ensemble des ménages.
Notre politique familiale couvre tous les âges, mais elle apporte un soutien particulier dans les circonstances de vie telles que la naissance d’un enfant, la rentrée scolaire ou la garde d’enfants, qui font l’objet de prestations dédiées. Instaurer une prestation unique ne permettrait plus d’agir selon telle ou telle thématique en fonction des besoins et de l’évolution de notre société.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Mme Buzyn m’avait fait pratiquement la même réponse… Vous n’avez rien dit de sa suggestion de faire évoluer le complément familial majoré. Je reste persuadé que l’on pourrait instaurer un socle commun, assorti de modulations pour tenir compte des cas particuliers que vous avez indiqués.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade.
Mme Florence Lassarade. Selon le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, en 2014, 14 % de la population métropolitaine, soit 8,6 millions de personnes, vivait au-dessous du seuil de pauvreté. Le taux de pauvreté des enfants est sensiblement supérieur à celui de l’ensemble de la population, puisqu’il atteint presque 20 %. Aujourd’hui, en France, 2,8 millions d’enfants vivent en situation de pauvreté. Deux types de famille sont particulièrement concernés : les familles monoparentales et les familles nombreuses.
Cette situation est d’autant plus grave que les taux de pauvreté sont mesurés après prise en compte de l’ensemble des aides. Cela signifie que notre système de prestations sociales reste insuffisant dans certaines configurations familiales et doit être renforcé.
L’enfant d’une famille pauvre aura plus de difficultés qu’un autre à s’insérer à l’âge adulte et risque davantage de se retrouver dans une position socialement disqualifiée. Lutter contre les conséquences de la pauvreté pour les enfants est donc particulièrement important.
Actuellement, quatre types de prestations concourent à la baisse de la pauvreté.
Les prestations familiales contribuent fortement à améliorer le revenu disponible des familles, surtout celui des familles monoparentales ayant trois ou quatre enfants.
Concernant les aides au logement, on observe une augmentation du nombre de familles et d’enfants sans domicile, et environ 10 000 enfants vivent dans des bidonvilles. Les familles hébergées à l’hôtel connaissent également de nombreuses difficultés. Les enfants, en particulier, souffrent des conditions de vie insalubres, de la promiscuité et du ballottage d’hôtel en hôtel, qui rend leur scolarisation difficile, voire impossible.
Enfin, le RSA et la prime d’activité restent malheureusement insuffisants pour les familles en situation de pauvreté.
La situation des familles pauvres est complexe, mais elle est particulièrement révoltante dans un pays aussi riche que le nôtre. Madame la secrétaire d’État, quelles solutions alternatives le Gouvernement envisage-t-il de proposer, en matière de prestations sociales, pour cibler précisément les familles pauvres et répondre à leurs besoins ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’action du Gouvernement en faveur des enfants et des familles les plus pauvres.
Les enfants sont particulièrement touchés par la pauvreté, et c’est inacceptable ; on compte 3 millions d’enfants pauvres sur notre territoire.
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté que nous avons lancée dès 2018 et dont nous poursuivons la mise en œuvre avec les départements et l’ensemble des acteurs concernés a permis de financer des actions et des mesures de bon sens.
Concernant les enfants qui vivent dans des squats ou des bidonvilles, nous mettons en place des maraudes mixtes avec les départements pour aller à la rencontre des familles concernées et nous avons mis des moyens financiers supplémentaires à disposition du budget du logement pour prévenir l’apparition des bidonvilles et trouver des solutions de logement durable pour ces familles.
Nous créons en outre 400 points conseil budget pour prévenir le surendettement et l’enclenchement d’une spirale vicieuse susceptible d’entraîner vers la pauvreté des ménages qui n’étaient pas particulièrement en difficulté à l’origine. Ces points conseil budget sont donc des lieux de prévention du surendettement et d’accompagnement des familles.
Enfin, nous soutenons les collectivités territoriales, notamment les 10 000 communes rurales qui perçoivent la dotation de solidarité rurale, pour le financement des cantines. Si ces communes mettent en place une tarification sociale adaptée, avec un premier tarif de cantine de 1 euro pour certaines familles, l’État leur verse 2 euros par repas. Pour un enfant, déjeuner à la cantine, au-delà du temps collectif et récréatif passé avec ses camarades, cela signifie bénéficier d’un repas équilibré, un petit-déjeuner pouvant aussi être proposé gratuitement. En outre, ne pas avoir à s’occuper de leur enfant à l’heure du déjeuner peut permettre aux parents de mener une démarche de recherche d’emploi ou d’insertion.
Nous travaillons également sur la question du mode de garde, l’objectif étant de combattre les inégalités de destin sur tous les fronts.
M. le président. La parole est à Mme Florence Lassarade, pour la réplique.
Mme Florence Lassarade. Madame la secrétaire d’État, je comprends bien qu’assurer aux enfants de familles pauvres quatre repas à 1 euro représente un progrès intéressant, mais il y a bien plus de quatre repas dans une semaine ! À mon sens, il faut cibler spécifiquement l’enfant plutôt que de faire du saupoudrage et de la démagogie.
Il me semble important, à cet égard, de prendre conscience que, malgré toutes les prestations et toutes les aides, nous sommes particulièrement mauvais, dans notre pays, en matière de traitement de la pauvreté de l’enfant.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Sur l’initiative du groupe Les Républicains, nous débattons cet après-midi de la politique familiale, une question que nous avons déjà évoquée ces dernières semaines, dans le cadre de l’examen du projet de loi bioéthique. Plus précisément, nous avons traité des différentes formes de famille : les familles ne prennent pas nécessairement la forme traditionnelle d’un couple hétérosexuel entouré de ses enfants.
Comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, une famille est une construction sociale, qui reflète les grandes étapes de nos vies, avec leurs bonheurs, par exemple les naissances, mais aussi la vie à deux sans enfants, comme leurs malheurs et leurs tristesses, celles des disparitions et des séparations.
Il ne nous appartient pas de fixer des normes ni de juger quelle forme de famille est la plus appropriée. Nous devons, en revanche, porter notre attention sur les inégalités sociales qui continuent de frapper plus durement les familles monoparentales.
L’Union nationale des associations familiales (UNAF) a récemment démontré qu’avoir des enfants a un coût non négligeable. Le niveau de vie d’une famille monoparentale est, en moyenne, inférieur de 30 % à celui d’un couple avec un enfant. Dans une famille monoparentale où l’adulte est au chômage, les enfants connaissent la pauvreté dans 79 % des cas ; au reste, le chômage est parfois induit par la charge familiale elle-même et les contraintes qui l’accompagnent.
L’enjeu, en matière de lutte contre les inégalités, est d’améliorer l’articulation entre vie professionnelle et vie de famille. Or, le 24 janvier dernier, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne se sont accordés sur le contenu d’une future directive proposée par la Commission européenne pour favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents. Madame la secrétaire d’État, quelles sont les ambitions de la France au regard de la transposition de cette directive ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la directive sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, entrée en vigueur le 1er août dernier, doit maintenant être transposée par les États membres. Nous serons bien évidemment au rendez-vous pour la transposer dans le délai imparti de trois ans.
Grâce à la législation actuelle, nous remplissons déjà les objectifs fixés par la directive en matière de congé de paternité et de congé parental.
S’agissant du congé pour les aidants, le Gouvernement mène, dans le cadre de la stratégie Agir pour les aidants, une action très volontariste, qui va au-delà des exigences de la directive. Ainsi, dès le mois d’octobre prochain, un congé de proche aidant rémunéré de trois mois pourra être octroyé à tous les salariés, travailleurs indépendants, fonctionnaires et demandeurs d’emploi indemnisés ; le montant de l’allocation sera fixé au niveau de l’allocation journalière de présence parentale, soit, actuellement, 43 euros par jour pour une personne vivant en couple et 52 euros par jour pour une personne seule. Au total, tous les salariés ont droit à un an de congé de proche aidant au cours de leur carrière.
La possibilité d’adapter le travail à la suite d’une maternité ou d’une paternité, comme le prévoit la directive, existe également. Le congé parental est un droit, tout comme la reprise de travail à temps partiel. Nous étudierons, sur le fondement des travaux et des recommandations de la commission des 1 000 premiers jours de l’enfant, les possibilités d’aller plus loin, s’agissant notamment du congé parental.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Bonne. La politique familiale est souvent conçue comme une aide aux familles. C’est une erreur d’analyse. À la vérité, elle a pour but de répartir les dépenses d’investissement dans la jeunesse entre tous les Français, ceux qui ont plus d’enfants que la moyenne et ceux qui en ont moins ou n’en ont pas.
De fait, les personnes qui mettent des enfants au monde, les élèvent et les entretiennent rendent service à la Nation. Sans procréation ni éducation, notre pays se trouverait, en quelques décennies, dépourvu des travailleurs nécessaires pour que son économie fonctionne et que les personnes âgées perçoivent de quoi vivre.
Lors de la présentation du projet de loi sur la réforme des retraites, le Premier ministre a affirmé vouloir défendre les familles, en particulier les familles nombreuses. Or les mères de famille qui prennent des congés parentaux pour élever leurs enfants seront pénalisées par le nouveau système de la retraite par points, calculée sur l’ensemble de la carrière. Concrètement, elles devront travailler plus longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Madame la secrétaire d’État, l’éducation des enfants est un travail d’une importance à ce point capitale qu’elle nécessiterait l’octroi d’un congé suffisamment long et intégralement indemnisé, sans préjudice des droits à retraite. Vous le savez, on ne peut pas bâtir un système de retraite solide sans une natalité dynamique. Alfred Sauvy l’a bien expliqué : « Nous ne préparons pas nos pensions de retraite par nos cotisations vieillesse, mais par nos enfants. »
Dès lors, entendez-vous corriger la profonde injustice qui serait faite aux femmes prenant un congé parental si le projet de réforme des retraites restait en l’état ? Elles ne doivent pas être les perdantes de cette réforme ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, nous avons prévu, dans le projet de loi de réforme des retraites, une majoration de points de 5 % par enfant dès le premier, ainsi qu’une majoration supplémentaire de 2 % dès le troisième enfant, soit une majoration totale de 17 % ou de 22 % pour trois et quatre enfants respectivement.
Nous avons décidé d’amender ce dispositif pour garantir à la mère, qui porte l’enfant et prend un congé de maternité, une majoration minimale de ses points. Concrètement, la moitié de la majoration prévue, soit 2,5 %, sera attribuée d’office à la mère, au titre du congé de maternité ; l’autre moitié lui sera attribuée automatiquement, sauf avis contraire des parents exprimé avant les 4,5 ans de l’enfant.
Par ailleurs, nous travaillons avec l’ensemble des parlementaires sur des amendements visant à introduire un montant plancher garanti, défini par décret ; les majorations ne pourraient être calculées sur un montant inférieur, afin que les familles, en premier lieu les mamans, ne soient pas pénalisées, conformément à l’esprit de la réforme.
M. le président. La parole est à M. Bernard Bonne, pour la réplique.
M. Bernard Bonne. On verra bien si, avec le nouveau mode de calcul, les mères ne perdent pas en matière de droits à retraite. Pour ma part, je crains néanmoins que la réforme ne favorise pas la natalité, de nombreuses femmes s’inquiétant des conséquences sur leur pension de retraite d’une maternité et du temps consacré à leur enfant au détriment de leur carrière. S’occuper de ses enfants jusqu’à un âge relativement avancé est capital pour l’évolution de ceux-ci ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. L’avenir d’un enfant se joue dès le plus jeune âge : s’il est bien pris en charge, il deviendra un bon citoyen.
De nombreuses crèches ont cessé leur activité dans les outre-mer, en particulier en Guadeloupe, du fait de la mise en place de la prestation de service unique (PSU) et des nouvelles normes. Pourtant, la promotion de la socialisation et de la mixité sociale commence au sein de ces structures. Actuellement, la plupart des enfants sont pris en charge par des assistantes maternelles, même si quelques crèches ont résisté ; des microcrèches existent aussi, qui proposent quelques places, mais à des tarifs hors de portée de la plupart des familles.
Voilà un an et demi déjà, j’avais interpellé la précédente ministre de la santé sur la non-prise en compte de ces problématiques et sur la nécessité d’innover et d’assurer un traitement différencié de nos territoires, notamment dans le domaine de la parentalité.
Il est urgent de se préoccuper de la prise en charge périscolaire et de la pédopsychiatrie, mais aussi de mettre l’accent sur les services aux familles, comme l’accompagnement des jeunes décrocheurs. Il convient également de valoriser les contrats enfance-jeunesse et de renforcer la protection judiciaire de la jeunesse, afin d’anticiper les phénomènes de violence. Il est nécessaire et urgent d’adapter les moyens aux situations pour favoriser le mieux-vivre ensemble et de faire converger les actions relatives aux 1 000 premiers jours après la naissance pour offrir un avenir meilleur aux enfants, aux familles et, de façon générale, à la société.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Victoire Jasmin. Madame la secrétaire d’État, que comptez-vous faire dans cette perspective ? Je pense en particulier à l’éducation nationale, qui connaît des fermetures de postes.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, tout l’objectif de notre stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté est d’attaquer les inégalités de destin à la racine, dès le plus jeune âge.
J’ai déjà parlé de la liberté de choix du mode de garde, collectif ou individuel. Nous accompagnons les collectivités territoriales pour qu’elles puissent développer leurs crèches, via une nouvelle tarification du système collectif comportant des bonus inclusion handicap, territoires et mixité sociale – autant de moyens supplémentaires au service de l’ouverture de places là où les besoins sont importants, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les zones rurales, y compris outre-mer.
Un enfant ayant été accueilli en crèche ou pris en charge par une assistante maternelle maîtrise à son arrivée en CP, à 6 ans, 1 000 mots de plus qu’un enfant n’ayant pas eu la chance de bénéficier d’un tel accompagnement ; ces 1 000 mots, un trésor pour les premiers, sont parfois un mur pour les seconds. Parce que ce constat est inacceptable, nous développons les modes d’accueil pour combattre les inégalités de destin. Pour cela, en plus de la modification tarifaire dont j’ai parlé, nous avons dispensé les parents d’avancer les frais, grâce au Pajemploi+.
Pour ce qui est de l’éducation nationale, je rappelle que l’obligation d’accompagnement et de formation des 16-18 ans entrera en vigueur le 1er septembre prochain. En d’autres termes, tout jeune en situation de décrochage scolaire devra être accompagné, notamment par les missions locales, en liaison avec l’éducation nationale. Il s’agit d’éviter que ces jeunes ne deviennent invisibles, se retrouvent seuls chez eux et, à l’âge adulte, ne puissent pas s’insérer dans la société.
Voilà, madame la sénatrice, toute l’ambition qui anime notre stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté !
M. le président. La parole est à Mme Vivette Lopez. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Vivette Lopez. Ce débat remet opportunément la politique familiale au cœur des discussions. Je ne saurais cacher ma satisfaction…
J’ai dit « opportunément », parce que la France, il faut bien le reconnaître, après avoir pu se targuer, à une époque, d’une politique familiale parmi les meilleures d’Europe, ne manifeste plus d’ambition en la matière. Pourtant, nous n’avons jamais eu autant besoin de nous appuyer sur la famille !
La famille, que fait-on pour elle ? On la malmène ! Les chiffres, édifiants, en témoignent, qui montrent une baisse record des naissances l’an dernier et une paupérisation de la plupart des familles.
À cet égard, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur les mères de famille monoparentale, grandes oubliées selon moi de la politique familiale. J’estime qu’elles sont en droit d’attendre une retraite décente comme juste reconnaissance de la Nation. Je n’oublie pas non plus la situation des familles d’outre-mer.
Comment ne pas s’étonner que l’on promette à ces femmes une retraite minimale de 1 000 euros pour une carrière complète, alors que, justement, 40 % des femmes n’effectuent pas une carrière complète ? Chacun sait que de très nombreuses carrières féminines sont interrompues par des naissances, comportent des périodes de travail à temps partiel et de chômage.
Deux points forts du système actuel vont disparaître.
En premier lieu, les mères perdront le bénéfice des huit trimestres de cotisation supplémentaires par enfant, dès le premier enfant : comment et à quelle hauteur cette perte sera-t-elle compensée dans le calcul des points ? Pour l’instant, la question reste en suspens, et je m’en inquiète.
En second lieu, la majoration de 10 % de la pension à partir du troisième enfant, qui profitait à chaque parent, va disparaître. Les parents de trois enfants et plus pourraient donc voir leur pension baisser.
Madame la secrétaire d’État, reconnaître le temps et l’argent que les familles investissent pour leurs enfants me paraît être la garantie de ne pas scier la branche sur laquelle repose le financement des retraites, à savoir le renouvellement des générations. C’est une évidence, à l’instar de l’importance du rôle joué par les mères de famille pour le maintien de notre système de retraite. Comment comptez-vous garantir à celles-ci une pension de retraite décente, qui ne baisse pas ? Investir dans la famille, c’est investir dans l’avenir : puisse cette maxime guider vos pas ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, il n’est pas vrai que le Gouvernement ne fait rien pour les familles monoparentales. Au contraire : ces familles, qui n’avaient jusqu’à présent jamais été prises en compte dans nos politiques familiales, c’est nous qui les y avons incluses, notamment avec la création du service assurant le recouvrement des pensions alimentaires et l’augmentation du complément mode de garde. (Protestations sur les travées du groupe SOCR.) Je reconnais que l’Aripa a été créée en janvier 2017.
Mme Corinne Féret. Certes !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Nous sommes allés plus loin, avec la garantie de versement de la pension alimentaire et l’augmentation du complément mode de garde. Par ailleurs, ce sont les familles monoparentales qui bénéficient le plus de la prime d’activité : leur taux de pauvreté a baissé de 0,9 point.
Les familles monoparentales sont désormais pleinement prises en compte. Ces familles du XXIe siècle, qui représentent 23 % de l’ensemble des familles de France, doivent nous conduire à faire évoluer nos politiques pour bien tenir compte de leurs spécificités.
S’agissant des retraites, j’ajoute que les familles monoparentales subissent un préjudice de carrière plus grand encore du fait de leur isolement. Les personnes qui élèvent seules leurs enfants doivent être davantage soutenues. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que les bénéficiaires de l’allocation de soutien familial, versée lorsque le conjoint n’est pas présent pour élever l’enfant, aient droit à une majoration de leurs droits familiaux. Ainsi, dans le nouveau système de retraite, des points supplémentaires seront attribués aux femmes qui élèvent seules leur enfant.
Par ailleurs, le partage des points de majoration ne sera plus possible en cas de condamnation pour violences conjugales : c’est le conjoint victime – qui peut aussi être un homme – qui bénéficiera de tous les points de majoration.