Mme Élisabeth Doineau. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Le 30 janvier dernier, l’Assemblée nationale examinait la proposition de loi de notre collègue député UDI, Agir et Indépendants, Guy Bricout, visant à allonger le congé de deuil après le décès d’un enfant.
Le texte adopté était nettement en retrait des ambitions initiales de l’auteur, ce qui a suscité une émotion bien légitime des parents concernés, de l’opinion en général et, enfin, du Gouvernement.
En tant que rapporteure de ce texte, et en accord avec Muriel Pénicaud et Adrien Taquet, je souhaite que nous puissions travailler ensemble et aller plus loin dans l’accompagnement des familles endeuillées.
Techniquement, pour éviter les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement doit s’engager sur un certain nombre de points. Êtes-vous prêts à prévoir une prise en charge par la solidarité nationale de tout ou partie du congé de quinze jours, à porter à 25 ans la limite d’âge et à garantir le même droit pour les indépendants et les fonctionnaires ? Êtes-vous prêts à mettre en place une aide financière universelle pour les obsèques et de quel montant ? Êtes-vous favorables au maintien des prestations familiales, trois mois après le décès de l’enfant ?
Ces points sont extrêmement importants et particulièrement attendus par les familles et les associations de soutien.
Au-delà de ces aspects financiers, nous le savons tous, l’accompagnement social, administratif et médico-psychologique est tout aussi important pour les familles touchées par un tel drame. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Doineau, le congé de deuil, ou plutôt le répit de deuil, a fait l’objet de débats et d’une large concertation, ces dernières semaines, que Muriel Pénicaud et moi-même avons menée avec les parlementaires, dont Guy Bricout, les associations qui accompagnent ces familles depuis de nombreuses années et les partenaires sociaux.
La question de la durée de ce répit de deuil est une question importante pour les familles qui nous demandent de le porter à douze jours ou quinze jours. À cet égard, madame la sénatrice, l’État prendra ses responsabilités.
Mais la question de ce délai n’est pas la seule qui préoccupe les familles. Il s’agit de mettre en place, de bâtir ensemble un véritable accompagnement, notamment financier, avec la création d’une prestation universelle pour permettre aux familles de faire face aux frais d’obsèques.
Comme vous l’avez souligné, la question de la prolongation d’un certain nombre d’allocations se pose également, car leur versement ne doit plus s’arrêter du jour au lendemain.
Il faut aussi assurer un accompagnement psychologique pour les parents, les frères et les sœurs.
Nous avons l’occasion, madame la sénatrice, avec vous, avec cette assemblée, avec la Nation tout entière, de bâtir un véritable accompagnement global pour ces familles à même de faire office de modèle en Europe.
Cette question nous renvoie aussi à celle, bien plus large, de l’accompagnement des familles françaises lorsque la grossesse ou l’accouchement se passent mal. Je viens d’achever un périple de six mois à la rencontre des familles de France aux quatre coins du territoire. Le mot qui est le plus revenu lors de ces rencontres est celui de « solitude » : les femmes se sentent seules pendant la grossesse qui se passe mal, notamment en cas de risque de prématurité ; elles se sentent seules face à une fausse couche ; elles se sentent seules face au risque post-partum ; elles se sentent seules quand leur mari doit retourner travailler après onze jours…
M. le président. Il va falloir conclure.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, nous avons l’occasion de briser un certain nombre de tabous et de bâtir une véritable politique d’accompagnement des familles de France. C’est tout l’objet du projet des « 1 000 premiers jours » qui fera l’objet d’annonces d’ici à l’été. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
zones de revitalisation rurale
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, un rapport de l’Assemblée nationale sur les zones de revitalisation rurale (ZRR) préconise de recentraliser le soutien à la ruralité. Un rapport récent du Sénat vous propose de tenir compte de la réalité et de renouveler ce dispositif de soutien aux territoires ruraux.
Les ZRR sont vécues comme un dispositif de justice, tout en respectant la libre administration territoriale.
L’utilité du dispositif ne fait aucun doute, notamment en offrant une fiscalité adaptée aux acteurs économiques qui font le choix de la ruralité. Les exonérations fiscales, porteuses de leviers d’attractivité, soutiennent le tissu de proximité.
Or votre politique, au service de métropoles, abandonne la proximité, pourtant essentielle en ruralité. Aussi la recentralisation étatique, voire étatiste, de vos décisions est-elle mal vécue par nos citoyens, dans nos villages. Ils y voient un pouvoir central qui gère d’en haut sans comprendre leurs besoins ni en tenir compte.
Nos citoyens ruraux attendent désormais de vraies mesures et pas seulement de la « com’ ». Ils craignent cette recentralisation avec la réforme des ZRR que vous envisagez.
Madame la ministre, comptez-vous mettre fin aux ZRR et transférer le dispositif et les moyens associés dans la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), et mettre ainsi fin à un support économique essentiel ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Merci de votre question, monsieur le sénateur.
Je rappelle que les ZRR ont été décidées en 1995 et qu’une loi de 2015, applicable en 2017, en a modifié le fonctionnement.
Aujourd’hui, environ la moitié des communes françaises sont en ZRR. Or, en juin 2020, près de 4 000 d’entre elles devaient sortir du dispositif. Le Premier ministre a annoncé un report de la mise en œuvre de cette décision à la fin de l’année.
Vous avez cité un rapport de l’Assemblée nationale, mais vos collègues, MM. Delcros et Pointereau et Mme Espagnac, ont également rédigé un rapport sur cette question. Nous avons travaillé ensemble, dans un esprit de « coopération décentralisée », et décidé qu’il était utile de revoir une géographie prioritaire de la ruralité, comme l’a annoncé le Premier ministre lors du congrès des maires ruraux, en septembre dernier.
Le travail des sénateurs et l’Agenda rural nous permettent d’envisager une politique plus ciblée sur les secteurs qui en ont le plus besoin.
Nous allons donc travailler avec les parlementaires, et notamment les délégations aux collectivités territoriales. Nous avons également lancé, avec le Premier ministre et les inspections générales, une évaluation de la politique des ZRR.
En fonction de toutes ces études, nous prendrons une décision ensemble d’ici à la fin de l’année. Celle-ci ne sera donc pas centralisée, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour la réplique.
M. Jean-Marc Boyer. Madame la ministre, nos villages de France, du plus petit au bourg-centre, font la richesse de notre pays. Or les citoyens et élus ruraux se sentent abandonnés. Je regrette l’absence d’une vision globale de la ruralité dans votre propos. Vous nous parlez d’Agenda rural, d’Agence nationale de la cohésion des territoires et de géographie prioritaire. Mais ce sont des soins palliatifs pour notre ruralité ! Il faut sauver nos villages et nos campagnes. Cela nécessite non pas des rendez-vous ou des agendas, mais des moyens et la vision d’une vraie politique d’aménagement du territoire, laquelle n’existe plus depuis Jacques Chirac. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
violences sexuelles dans le sport
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Didier Rambaud. Ma question s’adresse à Mme la ministre des sports.
Depuis le témoignage glaçant de la patineuse Sarah Abitbol, une vague de témoignages d’athlètes abusés sexuellement dans leur jeunesse éclate au grand jour. Au-delà du patinage artistique, ce sont les mondes de l’escalade, du ski, du tennis et, maintenant, de l’équitation qui sont concernés, faisant des abus sexuels dans le sport un scandale qui renvoie irrémédiablement l’État à ses responsabilités.
Parler d’« abus sexuels » me paraît à vrai dire bien pudique, puisqu’il s’agit plutôt, en réalité, de témoignages de pédocriminalité dans les clubs sportifs qui accueillent nos enfants dans nos territoires.
Sachez, madame la ministre, que notre appui sera total tant il est urgent d’agir. J’aimerais à ce titre saluer l’organisation de la convention nationale sur la prévention des violences sexuelles dans le sport, qui se tiendra dans deux jours. Elle va dans le bon sens, puisque la pédocriminalité dépasse, hélas ! très largement le cadre du sport et que tous les acteurs sans exception doivent être mobilisés.
De la même manière, la piste de l’élargissement du contrôle d’honorabilité aux bénévoles qui encadrent les mineurs dans le monde sportif paraît particulièrement opportune. Toutefois, le bénévolat n’est pas la seule faille du système.
J’aimerais particulièrement attirer votre attention sur le modèle entraîneur-élève, qui structure largement le monde du sport et crée parfois une dépendance psychologique extrême, laquelle rend les mineurs vulnérables à la pédocriminalité, notamment lorsque l’entraîneur en vient presque à se substituer à la famille.
Aussi, pouvez-vous nous garantir, madame la ministre, que le futur projet de loi Sport et société se donnera les moyens de mettre définitivement un terme à ces crimes révoltants ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports.
Mme Roxana Maracineanu, ministre des sports. Monsieur le sénateur Didier Rambaud, je vous remercie de votre question et de votre soutien – je dois dire que c’est un soutien transpartisan qui a été manifesté sur cette thématique et il est indispensable dans cette période de transparence salutaire que traverse le sport français.
Comme vous l’avez dit, les témoignages des victimes, leur nombre, la gravité des faits, leur persistance dans le temps et l’impunité dans laquelle ils se sont déroulés sont aussi choquants que bouleversants. Ils le sont pour le grand public, pour le mouvement sportif, ainsi que pour l’État et ses agents. À ce titre, je tenais à remercier les agents de mon ministère de leur mobilisation en urgence pour écouter la parole qui se libère chaque jour.
Après-demain, vous l’avez dit, Nicole Belloubet, Adrien Taquet, Marlène Schiappa et moi-même réunissons tous les acteurs, dont les parlementaires, pour une convention nationale sur la prévention des violences sexuelles dans le sport. Car la pédocriminalité, vous l’avez dit aussi, n’est pas un sujet spécifique au sport : en Europe, un enfant sur cinq en est victime. Le sport doit apporter sa pierre à l’édifice d’une société plus sûre pour nos enfants. Chacun doit s’approprier cette vigilance de chaque instant.
Le pilotage des actions doit être mené main dans la main avec les collectivités et le mouvement sportif, afin de bâtir collectivement un plan national de prévention robuste et efficace, par le biais, notamment, de la loi Sport et société que vous venez d’évoquer et à laquelle nous travaillons activement pour aboutir à un texte au printemps 2020. Nous y renforcerons le contrôle de l’honorabilité des bénévoles et les obligations des dirigeants et des éducateurs à l’égard des fédérations.
Mais la vigilance devra aussi passer par des actions éducatives de formation et de prévention. Il s’agit de sensibiliser les enfants sur leur rapport à leur propre corps, chose qui n’est pas faite souvent dans notre société, y compris dans le cadre familial, et pour laquelle le sport peut jouer un grand rôle ; de former les éducateurs sur les limites à poser et à tenir dans les relations entre les entraîneurs et les personnes entraînées que vous avez évoquées ; d’agir de manière constante pour dire qu’il est important de parler, de dénoncer et de signaler. Il convient également de coordonner les actions de l’État, des associations spécialisées, des familles, des collectivités, des associations sportives et des fédérations, pour que ces situations ne se reproduisent plus à l’avenir, qu’il s’agisse du monde du sport ou de la société en général. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
situation de la médecine psychiatrique en france
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marie Morisset. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, c’est avec une grande émotion que mon collègue Philippe Mouiller et moi-même vous posons cette question d’actualité, à la suite du drame qui s’est produit à l’hôpital psychiatrique de Thouars, dans le département des Deux-Sèvres, le jeudi 13 février dernier.
Dans le cadre de son travail, Élodie, jeune infirmière de 31 ans, mère de deux enfants en bas âge, a succombé à un coup de couteau mortel donné par un patient. Ayons en ce moment une pensée pour sa famille, ses proches, ses collègues de travail et l’ensemble des salariés du centre hospitalier Nord Deux-Sèvres, que le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie est venu rencontrer le lendemain du drame.
Beaucoup de questions se posent quant aux conditions dans lesquelles il s’est déroulé. Une enquête judiciaire est bien entendu en cours, mais nous pouvons d’ores et déjà pointer les nombreuses insuffisances qui touchent cet établissement.
Comme partout en France, les services de psychiatrie sont engorgés, la sécurité n’y est plus assurée, la qualité des soins n’est satisfaisante ni pour les patients ni pour ceux qui les délivrent, les conditions de travail sont parfois indignes et le personnel est à bout de souffle.
Ce drame met en lumière, monsieur le ministre, les insuffisances du nombre de personnels, le manque de moyens en matériels, ainsi que les besoins en termes de formations.
Bien qu’élevées au rang de priorité par votre gouvernement dans le cadre du plan national Ma santé 2022, la psychiatrie et la santé mentale restent les parents pauvres du secteur de la santé, alors que le nombre de personnes prises en charge explose.
Nous ne pouvons plus nous contenter de constats, de diagnostics, de conclusions, de rapports. Il convient maintenant d’agir de manière urgente et concrète.
Monsieur le ministre, à la suite de votre prise de fonctions, vous avez prévu de vous rendre dans les prochains jours sur le site de Thouars. Le personnel du centre hospitalier appréciera votre démarche.
Quelles sont les mesures d’urgence que vous pensez lui annoncer pour éviter que ce type de drames ne se reproduise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, permettez-moi de partager avec vous et votre collègue l’émotion réelle qui anime l’ensemble de la communauté médicale, ce qui inclut l’ensemble des soignants et des cadres administratifs.
Sans vouloir raconter mon histoire personnelle, il se trouve que, pendant mon internat de médecine à Grenoble, j’ai travaillé pendant six mois comme interne dans un service de psychiatrie.
M. Gérard Longuet. C’est émouvant !
M. Olivier Véran, ministre. J’y ai vu la difficulté de l’exercice au quotidien, la richesse du contact avec les malades, avec parfois des gens qui sont dans une situation de délire et souffrent de pathologies psychiatriques extrêmement lourdes, de pathologies psychotiques ou de dépressions extrêmement graves. Il s’agit d’un exercice si particulier de la médecine qu’il présente parfois des situations de dangerosité, dont les conséquences sont intolérables, je vous rejoins parfaitement sur ce point.
Vous l’avez souligné, le délégué ministériel à la santé mentale s’est rendu sur les lieux. J’ai annoncé hier que je le ferai également, sans presse, pour rencontrer les équipes hospitalières, discuter et faire le point sur ce traumatisme, qui reste, je l’imagine, immense, quelques jours après le drame qui a touché cette jeune infirmière, mère de famille de 31 ans.
Vous posez la question des moyens accordés à la santé mentale dans notre pays. Il ne faut pas se mentir, la santé mentale a été trop longtemps le parent pauvre de la médecine dans notre pays, avec des établissements de santé vétustes et des équipes qui manquent de médecins. Voilà dix ans, près de 1 500 postes de psychiatres étaient déjà vacants dans les hôpitaux, non pas par manque de budget, mais par manque de psychiatres, eu égard à la démographie médicale.
C’est la raison pour laquelle des mesures très importantes ont été prises en faveur de la santé mentale, à savoir une augmentation du budget de 80 millions d’euros pour la seule année 2019 et de 140 millions d’euros pour l’année 2020. Nous sommes en train de finaliser les projets territoriaux de santé mentale, qui seront prêts d’ici au début de l’été 2020. Des mesures importantes ont été prises et budgétées dans le cadre du dernier budget de la sécurité sociale.
Je vous le garantis, le Gouvernement a pris à bras-le-corps le sujet de la santé mentale. J’espère que vous l’aurez compris, il s’agit aussi d’une question personnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour la réplique.
M. Jean-Marie Morisset. Il y a plus de dix ans, la commission des affaires sociales s’est penchée sur la psychiatrie. Les rapports ont été nombreux, ainsi que les auditions des ministres. Ils ont abouti aux mêmes conclusions, vous nous en avez fait part, la psychiatrie reste le parent pauvre du secteur de la santé. La réalité est alarmante.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour revoir l’organisation de la santé mentale sur le terrain et donner les moyens budgétaires suffisants pour prendre en compte le quotidien de nos soignants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, j’ai déjà eu l’occasion, dans cet hémicycle, d’interpeller le Gouvernement sur le caractère anxiogène de la réforme des retraites, tant elle comporte d’imprécisions et d’inconnues.
Permettez-moi de le rappeler, le Conseil d’État évoque à ce sujet une « insécurité juridique », mais vous n’en avez pas grand-chose à faire, puisque, après l’annonce d’une conférence de financement qui rendra ses conclusions postérieurement au vote – si du moins elle va au bout de son travail –, après les démissions ou les désertions des différents responsables du dossier, voilà que, dans un ciel passablement assombri, nous voyons arriver ce que j’appelle un « OSNI », un objet statistique non identifié. Il s’agit du revenu moyen par tête, qui n’existe pas et qui deviendra – c’est ce que vous nous expliquez – l’alpha et l’oméga de la garantie de la stabilité du point, et du bonheur qui sera le nôtre avec ce futur régime de retraite. Chaque jour qui passe apporte son lot d’incongruités.
Par ailleurs, d’ici à 2037, date des premières liquidations de retraites dans la nouvelle version, nous verrons passer quatre législatures et, au minimum, deux présidents de la République, avec ce que cela représente d’incertitudes.
Dans ces conditions, comment les Français pourraient-ils vous faire confiance ? Ils ont bien compris que rien, absolument rien, dans ce projet n’est sécurisé.
Nous considérons donc qu’il vous reste deux possibilités, monsieur le ministre : vous avez le choix entre une sagesse responsable qui vous amènerait à retirer ce dossier ou une obstination qui deviendrait coupable. Quelle voie choisirez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Monique Lubin, vous avez parlé de confiance. Vous avez raison, c’est là tout l’enjeu.
Dans le système actuel de retraites, où est-elle ? Interrogez les Français ! Près des trois quarts d’entre eux vous disent que, dans le système actuel, leurs chances de bénéficier d’un système de retraite par répartition sont quasiment nulles. La confiance n’existe donc pas !
J’ai 39 ans, madame la sénatrice… (Sourires.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
M. Olivier Véran, ministre. J’ai effectué plusieurs métiers dans ma vie, plusieurs missions. J’ai cotisé à quatre régimes différents de retraite. J’ai demandé à des experts et des statisticiens de m’expliquer ce qui avait servi pour le calcul de ma retraite. Le fait d’avoir été aide-soignant pendant une semaine dans un Ehpad a-t-il été pris en compte ? Non ! Le fait d’avoir travaillé sur les marchés ou en mairie a-t-il été pris en compte ? Non ! À quel âge pourrai-je arrêter de travailler, dans la mesure où j’ai effectué des jobs dès l’âge de 18 ans ? On m’a répondu que je pourrai partir à la retraite à 67 ans.
Croyez-vous que ma génération ait confiance dans le système actuel des retraites ? Nous souhaitons une transformation vers un régime universel dont les règles soient claires, fonctionnant par points et non par trimestres et s’appliquant à tous, qu’on travaille dans le public ou dans le privé.
Vous vous inquiétez, madame la sénatrice, de la création d’un nouvel indicateur, ce que je peux comprendre. Cet indicateur n’existe que parce que la loi lui demande d’exister. On ne peut pas demander à un indicateur de préexister à la loi qui le crée ! Par ailleurs, si vous lisez le rapport de Jean-Paul Delevoye, vous vous apercevrez qu’il ne vient pas de nulle part. Sans vous donner l’algorithme précis, je peux vous dire qu’il correspondra, pour 80 % de ses critères, aux revenus des salariés. Mais, pour assurer sa pertinence, nous tenons compte de tous les types de revenus, puisque notre pays compte également des travailleurs libéraux et des indépendants.
Je peux vous garantir deux choses, votées en commission spéciale à l’Assemblée nationale la semaine dernière dans le cadre de l’examen de la loi organique,…
Mme Sophie Primas. Ça n’a servi à rien !
M. Olivier Véran, ministre. … laquelle a pu être adoptée dans les délais : la valeur du point ne baissera pas et, quoi qu’il arrive, les pensions des retraités ne pourront pas diminuer. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Jérôme Durain. Chiche !
M. Olivier Véran, ministre. Ce sont là deux indicateurs importants pour la confiance des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Lubin, pour la réplique.
Mme Monique Lubin. Monsieur le ministre, il n’y a plus que vous qui croyez en ce que vous dites ! (Sourires.) Comment peut-on, à une échéance de dix-sept ans, voire de quarante ans, affirmer que les retraites ne baisseront pas ? Et ce avec un indice qui n’existe pas et qui sera calculé sur la base d’une moyenne entre de très hauts et de très bas revenus, ces derniers étant très nombreux dans notre pays ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement, et M. Véran a pu « amortir » sa première séance au Sénat. (Sourires.)
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 26 février 2020, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. David Assouline.)