M. Daniel Gremillet. Cet amendement est très symbolique ; il vise notamment à abroger les lois d’orientation qui ont fait l’agriculture française d’aujourd’hui. N’oublions pas d’où nous venons : nous ne venons pas de nulle part, et notre histoire a été scandée par des décisions fondamentales.

Première décision, au sortir de la guerre, à l’époque où la France et l’Europe avaient faim : le traité de Rome. Il grave dans le marbre le principe suivant : « Paysans, produisez ; l’Europe vous garantit un revenu ! ».

Ensuite furent votées les lois d’orientation que j’ai évoquées, très importantes pour le développement de l’agriculture. Si l’agriculture française est aujourd’hui à ce niveau de performance, si elle garantit aux Français et aux Européens tant la sécurité alimentaire que la qualité des produits, cela vient de ces textes.

Reste que, aujourd’hui, la taille moyenne des fermes n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était dans les années 1960 – on parlait, à l’époque, d’une surface minimale d’installation fixée à 16 hectares ou à 18 hectares… Si j’ai souhaité déposer cet amendement, c’est parce qu’il faut que nous ayons ce débat, et que nous ayons le courage d’aller plus loin.

Le sol est aujourd’hui convoité par tous ; or il est nécessaire à la sécurité alimentaire. Lorsque l’on implante une éolienne, on doit créer un chemin d’accès, et on ne pense jamais aux surfaces ainsi perdues, qui font partie, pourtant, de l’écobilan qu’il faut avoir l’honnêteté de faire. Il y a bien, donc, une certaine forme de concurrence entre les usages – c’est la même chose pour les panneaux solaires.

Surtout, serons-nous capables un jour de hiérarchiser les fonctions ? Lorsque la Safer préempte, doit-on donner la priorité, au moment de l’installation, à l’activité agricole à vocation alimentaire ? Quid des productions énergétiques, par exemple ? Je pense à la méthanisation qui, dans certains secteurs, peut entrer en concurrence avec la production alimentaire.

Il y a là des sujets qu’on ne doit pas ignorer. Il nous appartient – nous en avons besoin – de définir une nouvelle forme d’agriculture, qui doit nous apporter à la fois l’alimentation et de l’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. L’abrogation des lois agricoles listées par l’amendement n’est pas souhaitable.

En effet, après un examen attentif, il s’avère que les lois de 1960, 1962, 1980, 1984 et 1988 comprennent encore des dispositions en vigueur, dont certaines ne sont pas codifiées dans le code rural et de la pêche maritime.

Dès lors, il n’est pas possible d’entreprendre un toilettage de ces lois sans risquer d’abroger des dispositions encore applicables.

Compte tenu du risque posé en termes de sécurité juridique, le chantier proposé par les auteurs de cet amendement, par ailleurs tout à fait utile, nécessite, pour aboutir, une analyse plus approfondie.

Ce chantier pourrait tout à fait être conduit dans le cadre de la mission, dite « Balai » – pour bureau d’abrogation des lois anciennes inutiles –, instituée par le bureau du Sénat.

Laissons-nous le temps de l’expertise sur ces sujets majeurs pour notre politique agricole.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. La mesure proposée nécessite une étude d’impact, notamment juridique, des conséquences de l’abrogation des dispositions en cause.

À la suite de la publication de la loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019 tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes, qui traitait des lois antérieures à 1940, le Sénat a entrepris un travail sur l’abrogation des lois obsolètes de la période 1941-1981. Ce travail et le véhicule législatif qui en découlera permettront, si cela est jugé opportun, d’abroger les dispositions que vous visez.

Pour cette raison, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Gremillet, l’amendement n° 142 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Daniel Gremillet. J’entends les réponses de Mme la secrétaire d’État et de notre rapporteure.

Le point que je soulève, néanmoins, ne pourra pas être abordé dans un texte du type de celui qui est issu de la mission Balai. Cet amendement est en effet un amendement d’appel ; si j’ai fait référence aux lois d’orientation, c’est que la France a besoin de nouvelles définitions : qu’est-ce qu’un agriculteur ? Qu’est-ce qu’une entreprise agricole ? C’est cette base de départ qu’il faut avoir le courage de retravailler.

Je vous rappelle que, à l’époque où ces lois ont été adoptées, on donnait des aides aux paysans pour qu’ils quittent le métier d’agriculteur – c’est ce qu’on appelait les indemnités viagères de départ (IVD) –, parce que la France avait besoin de bras dans l’industrie.

Or, aujourd’hui, les agriculteurs ont peut-être besoin, plus que d’hectares supplémentaires, de voisins – c’est une vraie question, et un vrai débat de société.

Je vais retirer cet amendement, madame la présidente, mais il s’agit d’un amendement qui vient du cœur. Aurons-nous le courage de définir à nouveaux frais ce qu’est un paysan et de dire ce que l’on attend de l’agriculture sur nos territoires ? C’est à ce prix que nous pourrons créer une dynamique et, surtout, garantir la sécurité alimentaire de notre pays dans le cadre d’une stratégie européenne.

Un autre sujet, d’actualité brûlante, en lien direct avec cet amendement, fait d’ailleurs débat : l’Europe, précisément. Le seul sujet communautaire partagé est en effet celui de l’agriculture et de la pêche.

Là encore, si la France fait preuve de faiblesse, compte tenu de la faiblesse qui prévaut aujourd’hui au niveau européen, je suis inquiet pour le futur.

Mme la présidente. L’amendement n° 142 rectifié bis est retiré.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revenons au cours normal de la discussion des articles.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À LA SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES APPLICABLES AUX ENTREPRISES

Chapitre Ier

Modalités d’application des prescriptions nouvelles aux projets en cours

Article additionnel après l'article 33 (priorité) - Amendement n° 142 rectifié bis
Dossier législatif : projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
Article additionnel après l'article 21 - Amendement n° 61 rectifié

Article 21

Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° L’article L. 512-5 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) La dernière phrase du dernier alinéa est supprimée ;

a) Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne :

« – ces mêmes délais et conditions s’appliquent aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté ;

« – les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète à la date de publication de l’arrêté.

« Ces arrêtés fixent également les conditions dans lesquelles certaines de ces règles peuvent être adaptées aux circonstances locales par l’arrêté préfectoral d’autorisation. » ;

2° Le III de l’article L. 512-7 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne :

« – ces mêmes délais et conditions s’appliquent aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté ;

« – les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes ou aux projets ayant fait l’objet d’une demande d’enregistrement complète à la date de publication de l’arrêté. » ;

3° L’article L. 512-10 est ainsi modifié :

aa) (nouveau) La seconde phrase du troisième alinéa est supprimée ;

a) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France, notamment du droit de l’Union européenne, les prescriptions relatives aux dispositions constructives concernant le gros œuvre ne peuvent faire l’objet d’une application aux installations existantes.

« Ces arrêtés précisent également les conditions dans lesquelles ces prescriptions peuvent être adaptées par arrêté préfectoral aux circonstances locales. »

Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.

Mme Céline Brulin. Nous sommes assez préoccupés par cet article et, plus globalement, par ce chapitre du texte, qui ne tient absolument aucun compte et ne tire absolument aucun enseignement de l’accident qui a eu lieu, il y a quelques mois maintenant, à l’usine Lubrizol à Rouen, affectant très fortement des populations nombreuses, dans mon département, la Seine-Maritime, et au-delà, le panache de fumée ayant traversé les Hauts-de-France.

Cet accident a suscité un important travail parlementaire : une mission d’information à l’Assemblée nationale, une commission d’enquête unanimement demandée et mise en œuvre ici même, au Sénat. La remise des conclusions de ce travail est imminente, puisque notre commission d’enquête rendra son rapport d’ici à quelques semaines tout au plus.

Or, nous le regrettons, il n’est tenu absolument aucun compte, là encore, de ce travail important. Au contraire, le présent texte poursuit une logique à l’œuvre depuis plusieurs mois et plusieurs années, qui, sous couvert de simplification et d’accélération, fait reculer le droit de l’environnement et les instances de contrôle – je pense par exemple aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui étaient, sur les questions de sécurité, des outils pour les salariés et les dirigeants d’entreprises. Je pourrais parler également du secret des affaires et de tant d’autres évolutions qui vont dans le même sens.

On nous dit que ce texte est la traduction législative du rapport Kasbarian ; c’est vrai. Je voudrais simplement souligner que le rapport Kasbarian a été remis quelques jours avant l’incendie de Lubrizol ; son auteur ne pouvait donc évidemment pas en tenir compte. J’ajouterai que certaines recommandations du rapport, sur lequel je pourrais émettre de nombreuses critiques, contrebalançaient un peu, insuffisamment certes, les mesures qui nous sont aujourd’hui proposées.

Or nous ne retrouvons absolument aucune de ces recommandations dans le texte. Il nous semblerait donc judicieux que l’ensemble de ce chapitre soit retiré du projet de loi, que l’on attende les conclusions du travail en cours, et notamment de celui que nous sommes en train de mener ici même au Sénat, afin que de véritables enseignements, pour l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), puissent être tirés de cet accident industriel de Lubrizol.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, sur l’article.

M. Michel Canevet. Ce projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique est un texte important, intéressant, nécessaire. Nous en avons tous l’illustration dans nos départements : la suradministration, c’est-à-dire la lourdeur des procédures administratives, empêche la concrétisation d’un grand nombre de projets.

Je prendrai l’exemple de la transition énergétique. Nous affichons, en la matière, des ambitions extrêmement fortes. Or il s’avère que des barrages se dressent constamment devant la concrétisation des projets. On sait bien, pourtant, que cette transition énergétique est absolument nécessaire et urgente – dans quelques jours, les électeurs sauront le rappeler à l’ensemble des candidats à la prochaine élection.

Il est donc utile et important d’assouplir un certain nombre de procédures. Nous avons décidé par exemple, en 2012 et en 2014, de valider des projets éoliens offshore ; nous sommes en 2020, et aucun de ces projets n’est concrétisé ! Quand on voit comment, dans les pays voisins, les choses ont évolué, on se dit qu’il y a beaucoup à faire pour alléger les procédures et permettre la réalisation de nos ambitions.

Autre exemple : le photovoltaïque. Il faut bien sûr équiper autant de toitures que possible, mais cela ne sera pas suffisant : le développement de parcs est une nécessité. Des terrains s’y prêtent parfaitement – je pense à d’anciennes décharges ou à des périmètres de protection des captages. Il y a là des espaces qui ne peuvent être consacrés à l’agriculture traditionnelle ; il importe donc que l’on puisse se saisir de ces espaces pour les destiner à d’autres usages. Or, dans les communes littorales en particulier, de nombreux freins sont mis à cette évolution, par la conjonction de réglementations qui se contredisent.

Il est nécessaire, madame la secrétaire d’État, que ces problèmes soient traités ; je regrette, de ce point de vue, que l’amendement que j’ai déposé sur ce sujet ait été déclaré irrecevable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je pense utile de répondre à Mme Brulin et je remercie M. Canevet d’avoir apporté sa vision d’élu de terrain confronté aux difficultés rencontrées par certains projets.

Le rapport Kasbarian n’a rien à voir avec la réglementation relative au contrôle des installations classées pour la protection de l’environnement. Aussi, cet amalgame est assez malvenu. Je précise que le Gouvernement a annoncé un plan d’action post-Lubrizol, qui se déroulera en deux temps : la première étape, ainsi que l’a annoncé Élisabeth Borne le 11 février, consistera à renforcer les prescriptions de fond ; la seconde étape portera sur la gestion des crises, de manière à nous aider à effectuer plus de contrôles sur le terrain.

L’allégement des procédures administratives n’emporte aucune modification du droit environnemental en vigueur. Au contraire, il permettra de libérer du temps pour le contrôle et la conduite des procédures en question.

Il me paraît important d’apporter cette précision parce qu’il ne faut pas mélanger les choses. En Suède, l’instruction administrative des dossiers d’installation ou d’extension de nouveaux sites prend deux fois moins de temps que chez nous, alors que le droit de l’environnement de ce pays est l’un des plus exigeants d’Europe.

Je le répète, nous ne modifions pas le droit de l’environnement, nous souhaitons juste faire en sorte que les délais d’instruction administrative des dossiers s’inscrivent dans la moyenne européenne et utiliser au mieux nos ressources en perdant moins de temps avec les procédures administratives et en envoyant plus d’inspecteurs sur le terrain pour contrôler les installations classées.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 62 rectifié est présenté par Mmes Brulin, Cukierman, Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mme Cohen, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

L’amendement n° 167 rectifié est présenté par MM. Labbé et Dantec.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 62 rectifié.

Mme Céline Brulin. Nous proposons effectivement la suppression de cet article, qui modifie et infléchit de manière importante notre corpus juridique. En effet, alors que, jusqu’à présent, le principe de non-rétroactivité s’entendait évidemment pour les installations autorisées, il est prévu que ce principe s’applique également aux instructions en cours.

Nous considérons que la norme n’est pas un obstacle en soi, qu’elle est au contraire un élément de protection des populations, d’accompagnement des entreprises dans leur mise en conformité. En tout cas, on ne peut pas considérer que la réglementation doive sans cesse être assouplie.

L’adoption de cet article pourrait créer une insécurité plus grande pour les entreprises, ce qui n’est absolument pas souhaitable.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 167 rectifié.

M. Joël Labbé. Madame la présidente, avec votre autorisation, je dépasserai légèrement mon temps de parole pour présenter cet amendement, sachant que je prendrai très peu de temps pour présenter le suivant, qui est un amendement de repli.

Cet amendement de suppression est aussi un amendement d’agacement.

Nous en venons donc au débat sur la protection de l’environnement. La quasi-totalité des mesures figurant dans le texte constitue une poursuite du détricotage des mesures relatives à la protection de l’environnement et à la démocratie environnementale, à l’opposé des ambitions affichées par le Gouvernement.

M. Jean-Claude Tissot. C’est vrai !

M. Joël Labbé. L’affaire Lubrizol l’a montré et on l’a dit : le droit des installations classées a toute son importance, et c’est pourquoi les reculs dans ce domaine, couplés au manque de moyens pour contrôler le respect de la réglementation, font courir des risques à la population, à l’environnement, mais aussi à des activités économiques – je pense notamment à l’agriculture.

Il est donc difficile de comprendre, alors que nous sommes encore en attente des résultats des investigations sur l’accident de Lubrizol, que l’on nous propose davantage de recul sur les ICPE, qui plus est dans des délais parlementaires extrêmement courts.

La simplification pour les entreprises est un objectif légitime, et l’on peut parfaitement comprendre leurs besoins de clarté et de sécurité juridiques. Mais cette simplification ne passe pas nécessairement par un recul des exigences de sécurité et de participation concernant les projets.

Le texte renforce le risque de contentieux, ce qui va à l’opposé des objectifs affichés. C’est dans cet esprit que nous proposons, par cet amendement, la suppression de cet article. En effet, la mesure proposée ici vise à faire bénéficier les projets en cours d’autorisation, qui ont fait l’objet d’une demande d’autorisation complète, des délais impartis aux installations existantes pour se conformer aux nouvelles prescriptions en cas de modification de la réglementation.

Cette disposition conduit donc à autoriser des installations qui s’avéreront non conformes dès le jour de leur mise en fonctionnement. On peut s’interroger sur le gain de temps espéré, alors que les installations devront in fine se conformer ultérieurement aux prescriptions.

De plus, comme le souligne l’Association des maires de France, les normes ICPE font souvent, avant leur publication, l’objet de consultations avec les professionnels concernés. Ils sont donc largement informés de leur contenu, avant même la publication des textes, et ainsi en mesure d’anticiper les changements à apporter à leur projet.

On peut aussi légitimement s’interroger sur les risques pour la santé et l’environnement, alors que le contrôle des ICPE existantes est actuellement très insuffisant : il a été réduit de 40 % ces dernières années.

Cet article inscrit également dans la loi le principe de non-rétroactivité des nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre, « sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques ou du respect des engagements internationaux de la France […] ».

Cette rédaction semble imprécise et ne paraît donc pas favoriser la sécurité juridique des projets. De plus, elle ne tient pas compte de l’ensemble des intérêts devant être protégés, par exemple ceux de l’agriculture ou de l’environnement, les deux étant aujourd’hui intimement liés.

Pour toutes ces raisons, il apparaît nécessaire de refuser ces modifications.

Merci de votre tolérance, madame la présidente !

Mme la présidente. Je considère, monsieur Labbé, que votre prochain amendement a été défendu.

M. Joël Labbé. Il le sera après ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. La commission considère que l’article 21 prévoit une simplification équilibrée qui ne remet pas en cause in fine le niveau de sécurité des installations concernées, puisqu’il ne s’agit que d’une application différée selon des délais définis par arrêté.

Je rappelle en outre que, en cas d’enjeux importants pour la santé, la sécurité ou la salubrité publiques, il restera possible d’appliquer immédiatement les nouvelles règles à une installation en cours.

L’avis est donc défavorable sur ces deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. Je me suis déjà exprimée à ce sujet, et l’avis est donc défavorable.

D’abord, il est faux de dire que, au moment de sa mise en service, l’installation ne respectera pas les normes puisqu’elle devra s’y conformer dans un délai donné. Il faut donc être précis.

Ensuite, le principe de non-rétroactivité des nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre, sauf motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, est issu des recommandations du Conseil d’État. Je fais confiance à celui-ci pour sécuriser les textes sur le plan juridique.

Enfin, vous mentionnez le nombre d’inspections des ICPE. L’objet du plan d’action post-Lubrizol qu’a annoncé Élisabeth Borne est bien d’accroître de 50 % le nombre d’inspections. Je pense donc que vous êtes satisfaits sur ce point.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 62 rectifié et 167 rectifié.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 150 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Collin, Gold, Jeansannetas et Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Comme promis, je serai bref !

Cet amendement de repli vise à préserver le droit en vigueur applicable aux ICPE soumises au régime de l’autorisation, à savoir celles qui présentent de graves dangers ou inconvénients « soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ».

Mme la présidente. L’amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Dantec, Labbé, Gold et Jeansannetas, est ainsi libellé :

Alinéas 5, 10 et 16

Après les mots :

salubrité publiques

insérer les mots :

, de la protection de l’environnement,

La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. C’est mon collègue Ronan Dantec – qui vous prie par ailleurs d’excuser son absence – qui est le premier signataire de cet amendement.

Par définition, les installations dont on continue d’alléger les contraintes sont classées pour la protection de l’environnement. Il est curieux de constater que ce motif ne figure pas parmi ceux qui permettent d’écarter la possibilité d’obtenir des délais d’adaptation ou le bénéfice de la non-rétroactivité des nouvelles prescriptions affectant le gros œuvre.

Or le régime des ICPE existe pour une raison majeure : la complexité de la réparation des atteintes à l’environnement, voire l’irréversibilité de ces dernières.

Tel est l’objet, positif et fort, du présent amendement.

Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mmes C. Fournier et Guidez, MM. Kern, Canevet, Delcros, Le Nay et Louault et Mmes Férat, Billon et Gatel, est ainsi libellé :

Alinéas 7 et 12

Compléter ces alinéas par une phrase ainsi rédigée :

La demande est présumée complète lorsqu’elle répond aux conditions de forme prévues par le code de l’environnement.

La parole est à Mme Catherine Fournier.

Mme Catherine Fournier. Mon cher collègue Labbé, je vous rassure : ce n’est pas un détricotage du code de l’environnement que je demande à travers cet amendement ; c’est au contraire un engagement de clarté et un engagement de précision que je demande à l’administration.

Pour rendre plus opérantes les dispositions de l’article 21, il convient d’éviter toute ambiguïté sur les conditions d’appréciation de la complétude des demandes d’autorisation ou d’enregistrement.

Cette complétude doit s’apprécier d’un point de vue formel par référence aux conditions de forme prévues par le code de l’environnement. L’aspect qualitatif des demandes est traité, après la complétude, dans le cadre de l’examen préalable du dossier par les services instructeurs.

Il convient donc de préciser que toute demande est présumée complète dès lors qu’elle répond aux conditions de forme prévues au code de l’environnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Avis défavorable sur l’amendement n° 150 rectifié ; sagesse sur l’amendement n° 149 rectifié bis ; avis favorable sur l’amendement n° 28 rectifié bis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire dÉtat. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 150 rectifié. La problématique des prescriptions applicables aux projets en cours est identique, qu’il s’agisse d’installations soumises à autorisation ou d’installations soumises à enregistrement. La différenciation entre les régimes d’autorisation et d’enregistrement s’apprécie non pas selon la gravité des dangers encourus, mais dans le fait que les installations en question puissent être en principe gérées selon des prescriptions standard – pour le régime de l’enregistrement – ou non – pour le régime de l’autorisation. Il ne faut pas faire cette confusion.

L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 149 rectifié, qui induirait une plus grande fragilité juridique. C’est un point dont nous avons discuté avec le Conseil d’État, qui a recommandé d’introduire le motif tiré de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques.

Enfin, l’avis est favorable sur l’amendement n° 28 rectifié bis : il convient en effet, ainsi qu’il est ressorti des discussions que nous avons eues, que les demandes d’autorisation ou d’enregistrement ne se résument pas à un dossier sommaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 150 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 149 rectifié.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28 rectifié bis.

(Lamendement est adopté.)