Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Article additionnel après l’article 21
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes Brulin, Cukierman, Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mme Cohen, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :
Après l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 513-1 du code de l’environnement est abrogé.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’article L. 513-1 du code de l’environnement, qui confère des droits acquis aux entreprises en disposant que « les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d’un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation, à enregistrement ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation, cet enregistrement ou cette déclaration […] ».
Nous nous fondons en cela précisément sur ce qui s’est passé lors de l’incendie de Lubrizol, dont je disais qu’il n’avait été tenu absolument aucun compte.
Par exemple, les entrepôts de Normandie Logistique, où ont brûlé 4 200 tonnes de produits, c’est-à-dire à peu près la moitié des 9 500 tonnes de produits qui sont partis en fumée lors de ce dramatique incendie, n’étaient pas classés ICPE, à la différence de l’usine Lubrizol, alors même qu’ils sont imbriqués dans son périmètre. Pourquoi ? Parce qu’ils bénéficiaient précisément de l’antériorité au regard de la réglementation des ICPE, ces entrepôts préexistant à la loi. C’est d’ailleurs ce que nous ont rappelé les dirigeants de l’entreprise lorsque nous les avons auditionnés dans le cadre de la commission d’enquête. D’ailleurs, le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Normandie avait reconnu que Normandie Logistique aurait dû relever du régime de l’enregistrement.
Cet amendement tend à prendre acte de cette situation, et j’espère que vous le soutiendrez.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. J’attire votre attention, ma chère collègue, sur la portée de cet amendement, qui irait bien au-delà des seuls établissements Seveso, puisqu’il impacterait l’ensemble des installations classées qui bénéficient de ce mécanisme parmi les quelque 500 000 installations existantes.
Il s’agit d’un dispositif ancien du régime des ICPE qui permet de lisser l’impact dans le temps des changements de nomenclature pour les installations existantes.
Nous comprenons le signal envoyé dans le cadre de l’après-Lubrizol, mais plutôt qu’une suppression brutale de ce mécanisme, il nous semble préférable de réfléchir à des mécanismes de contrôle ou de passage en revue des installations concernées en vue de vérifier l’adéquation entre leurs activités et les prescriptions auxquelles elles sont soumises.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est défavorable, pour les raisons qu’a très bien invoquées Mme la rapporteure.
Par ailleurs, contrairement à ce que vous avez indiqué, Normandie Logistique était un établissement classé ICPE.
Mme Céline Brulin. C’est faux !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 61 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 22
[Article examiné dans le cadre de la législation partielle en commission]
L’article L. 522-2 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les prescriptions de l’État mentionnées au premier alinéa sont mises en œuvre dans les conditions définies par les dispositions réglementaires en vigueur à la date de réception du dossier par l’autorité administrative compétente en matière d’archéologie. »
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Chapitre II
Évaluation environnementale
Article 23
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La dernière phrase du deuxième alinéa du III de l’article L. 122-1-1 est complétée par les mots : « , dans le cadre de l’autorisation sollicitée » ;
2° Au dernier alinéa du même III de l’article L. 122-1-1, après le mot : « ouvrage », sont insérés les mots : « de l’opération concernée par la demande, » ;
3° Le II de l’article L. 181-10 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle se substitue également à la consultation réalisée, le cas échéant, dans le cadre du III de l’article L. 122-1-1. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Avant d’examiner cet article aux finalités contestables, je souhaiterais revenir quelques instants sur les évolutions, depuis plusieurs années, de l’évaluation environnementale, particulièrement malmenée. La réduction de sa portée de son usage est – je le maintiens – le signe d’une régression environnementale sans précédent.
C’est ainsi, d’abord, que les ordonnances de 2016 ont permis la mise en œuvre d’une évaluation au cas par cas au lieu d’une évaluation systématique pour la plupart des projets.
En juin 2018, un décret a réduit le périmètre des projets soumis à évaluation environnementale. Le Gouvernement a notamment décidé de soustraire les modifications des établissements Seveso à une évaluation environnementale systématique pour les soumettre à une procédure d’examen au cas par cas.
Parallèlement, la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite loi Essoc, puis la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ont transféré la responsabilité de la réalisation de l’évaluation environnementale au préfet lorsque le projet consiste en une modification des installations et non en une création.
J’ouvre une parenthèse : l’une des leçons que l’on peut tirer de l’incendie de Lubrizol, c’est que de lourdes responsabilités pèsent sur les épaules des préfets. Sans qu’il existe le moindre doute sur leur engagement en faveur de notre sécurité, peut-être faudrait-il mieux répartir ces responsabilités ?
L’établissement Lubrizol a, par exemple, bénéficié de ces assouplissements et, là encore, il nous semble qu’il faut en tenir compte. Non seulement les populations ont été impactées dans leur environnement direct, mais encore cet incendie aura des conséquences s’agissant de leur acceptation des activités industrielles.
Pour ma part, je tiens beaucoup au développement de l’industrie et je suis favorable à ce que l’on favorise des implantations industrielles dans notre pays. Mais pour que cela soit possible, pour que nos populations l’acceptent, encore faut-il montrer très clairement que nous apportons toutes les garanties en matière de protection de l’environnement, de prévention des risques sanitaires et de sécurité.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mmes C. Fournier et Guidez, MM. Kern, Canevet, Delcros, Louault et Le Nay et Mmes Férat, Billon et Gatel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le IV de l’article L. 122-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale en l’absence de réponse de l’autorité en charge de l’examen au cas par cas ou mentionnée au même article L. 171-8, cette autorité communique au maître d’ouvrage, à sa demande, les motifs qui ont fondé sa décision dans un délai de quinze jours. » ;
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. La directive européenne n° 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement renvoie à une décision au cas par cas l’obligation de réaliser une évaluation environnementale pour certains projets limitativement énumérés.
Le code de l’environnement prévoit que, en l’absence de réponse par l’autorité chargée de cette décision dans un délai de trente-cinq jours, le projet doit être soumis à évaluation environnementale.
Le délai de réalisation du projet passe alors, en pratique, de quelques mois à plusieurs années. Or une décision implicite, d’une part, ne permet pas au maître d’ouvrage de connaître les enjeux environnementaux identifiés par l’autorité pour émettre sa décision, et, d’autre part, rend très difficile sa capacité à en contester le bien-fondé devant la juridiction administrative.
Sans remettre en cause le mécanisme de décision implicite, le pétitionnaire doit être en mesure d’obtenir rapidement les motifs ayant conduit à cette décision.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Cet amendement va dans le sens d’une plus grande lisibilité pour le maître d’ouvrage. L’avis est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est défavorable.
D’abord, le code de l’environnement prévoit déjà la possibilité d’un recours contre la décision de soumission à évaluation environnementale. Plus précisément, le VI de l’article R. 122-3 du code de l’environnement dispose que tout recours contentieux doit d’abord faire l’objet d’un recours administratif préalable.
Ce recours administratif permet un dialogue entre le porteur de projet et l’autorité ayant pris la décision de soumission à évaluation environnementale, explicite ou tacite. En particulier, l’administration devra expliquer à cette occasion les motifs ayant conduit à soumettre à une évaluation environnementale.
L’objet de cet amendement est donc, à ce titre, déjà satisfait.
Ensuite, s’agissant du délai de quinze jours, il nous semble que cette disposition ne relève pas, théoriquement, du domaine législatif. En outre, ce délai est très contraint et, au regard de notre objectif de préservation du droit de l’environnement, nous ne pouvons le valider.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour explication de vote.
Mme Catherine Fournier. Ce texte ambitionne d’accélérer et de simplifier les procédures. Le délai d’instruction existe déjà, mais, en l’espèce, nous demandons que l’administration s’engage et assume ses propres responsabilités vis-à-vis du pétitionnaire. Faute d’imposer un délai, nous ne parviendrons pas à obtenir un résultat. Si l’on veut effectivement que les porteurs de projet disposent d’une meilleure visibilité, il faut absolument que l’administration s’engage et que chacun prenne ses responsabilités.
Bien sûr, je maintiens cet amendement, d’autant qu’il a reçu un avis favorable de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, pour explication de vote.
M. Dany Wattebled. À titre personnel, je voterai cet amendement, qui ne vise qu’à accélérer et simplifier les procédures administratives.
Madame la secrétaire d’État, vous nous avez répondu que le pétitionnaire peut toujours aller devant le tribunal administratif.
M. Dany Wattebled. Il s’écoulera alors plus d’une année avant que son recours ne soit examiné, sans compter les conséquences du mouvement de grève actuel de certains avocats.
L’administration doit répondre aux citoyens ou aux entreprises qui la sollicitent. Fixons un délai pour leur épargner tout recours devant le tribunal administratif. Cette proposition va dans le bon sens.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. J’ai très précisément dit le contraire : par recours administratif, j’entends recours devant l’administration pour connaître les raisons de la décision défavorable. Et c’est bien ce que prévoit la réglementation.
Avant tout recours contentieux devant le tribunal administratif, un recours doit être exercé devant l’administration, qui doit donc apporter une réponse qui l’engage. Le présent amendement vise à lui fixer un délai de quinze jours pour indiquer les motifs qui ont fondé sa décision, délai auquel le Gouvernement n’est pas favorable.
Effectivement, et cela a été dit, les préfets assument de nombreuses responsabilités, avec charisme et engagement. Mais il n’est pas dans notre intention de revenir en arrière en matière de droit de l’environnement en leur imposant ce délai de quinze jours.
Vous l’avez compris, tout le sens de ce projet de loi consiste trouver les voies et moyens d’accélérer le traitement des dossiers sans revenir sur la législation en vigueur en matière d’environnement et, surtout, sans créer de risque contentieux.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Il faudrait aussi que l’administration se donne les moyens de répondre en temps voulu.
Je voterai cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 63 rectifié est présenté par Mmes Brulin, Cukierman, Apourceau-Poly, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mme Cohen, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
L’amendement n° 101 est présenté par Mme Préville, MM. Houllegatte et Sueur, Mme Artigalas, M. Kerrouche, Mme S. Robert, MM. Kanner, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Jacquin et Leconte, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 168 rectifié est présenté par MM. Labbé et Dantec.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 63 rectifié.
Mme Céline Brulin. On comprend évidemment l’intérêt de regrouper les projets industriels sur un même périmètre ; cela a du sens et les préconisations en la matière du rapport Kasbarian sont pertinentes. En revanche, nous regrettons qu’on ne prenne pas du tout en compte ce que l’on appelle les effets « dominos » ou les effets « cocktail ». Or l’on sait bien que la présence, les unes à côté des autres, de différentes installations non seulement a pour conséquence d’augmenter les risques potentiels, mais encore peut conduire à leur conjugaison. Il faut absolument prendre ce facteur en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour présenter l’amendement n° 101.
M. Jean-Michel Houllegatte. Cet amendement vise donc à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 23, qui affirment le principe selon lequel l’évaluation environnementale doit se faire opération par opération. Il nous semble que cela va à l’encontre de l’ordonnance n° 2016-1058 du 3 août 2016, qui visait justement à mettre en conformité notre droit avec la directive Projets de l’Union européenne, qui interdit ce qu’on appelle le « saucissonnage ».
France Nature Environnement, également opposée à ces alinéas, donne un exemple qui nous semble très parlant : avec la réforme envisagée, la gare, les rails et les voies routières seraient donc considérés comme trois opérations distinctes, dont l’effet cumulatif des impacts ne sera donc pas évalué.
Nous ne sommes donc pas favorables à cette évolution législative, et nous considérons qu’il est indispensable de prendre en compte, comme cela a été indiqué, le cumul des différents projets pour en mesurer le réel impact sur l’environnement. Qu’en sera-t-il lorsque, sur une même zone industrielle – et cet argument sera sans doute encore développé –, on comptera un troisième, un quatrième, voire un cinquième projet supplémentaire ? Comment considérer que ces agrandissements successifs ne doivent pas être appréhendés dans leur ensemble, dans une approche systémique, pour mieux en mesurer le potentiel impact sur l’environnement ?
Une fois de plus, ce qui motive le Gouvernement à agir ainsi nous semble très clair – et l’étude d’impact ne le cache pas – : il s’agit avant tout – et uniquement – de rassurer les industriels et les porteurs de projet. Là encore, l’environnement passe au second plan et nous ne pouvons malheureusement pas nous en satisfaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 168 rectifié.
M. Joël Labbé. Permettez-moi d’insister, au risque d’être agaçant, mais nous ne devons pas oublier que nous vivons une situation d’urgence climatique et environnementale.
Il s’agit, une nouvelle fois, d’un amendement de suppression de deux alinéas de l’article 23, qui modifient le mécanisme d’actualisation des études d’impact de projets inscrits dans un processus d’autorisation.
Aux termes de cet article, l’autorité environnementale ne revient pas sur les éléments déjà autorisés, les prescriptions nouvelles formulées ne portent que sur l’objet de la demande concernée et, en cas de procédure d’autorisation environnementale, la consultation de l’autorité environnementale vaut à la fois pour cette procédure d’autorisation et pour l’actualisation de l’étude d’impact.
Cela revient donc à affirmer le principe selon lequel l’évaluation environnementale se fait opération par opération. Or le droit européen, dans la directive Projets, interdit le « saucissonnage », c’est-à-dire le découpage par opération ou par législation de l’évaluation de l’impact d’un projet, et ce afin de prendre en compte le cumul des différents projets et de mesurer leur réel impact sur l’environnement.
Il est en effet nécessaire de revoir les prescriptions visant à protéger l’environnement de l’ensemble des activités en cas de nouveau projet, car les impacts de celui-ci se cumuleront avec ceux des installations existantes.
Comme le souligne l’Association des maires de France, cet article ne semble pas prendre en compte le possible « effet domino », c’est-à-dire la propagation des effets d’un accident au-delà du strict périmètre d’une installation, qui est pourtant d’une importance capitale, comme l’a montré l’affaire Lubrizol.
De même, comme l’indique France Nature Environnement, si l’on évalue séparément une gare, les rails et les voies routières attenantes, sans analyser le cumul de ces installations, comment peut-on estimer que l’on prend en compte l’impact réel d’un projet ?
Enfin, les incohérences entre cet article et le droit européen peuvent également fragiliser les projets, qui pourraient être remis en cause pour non-conformité. Cela va, encore une fois, à l’inverse de la recherche de simplification et de sécurité juridique.
Cet article constitue un recul important, et c’est pourquoi nous aussi souhaitons sa suppression.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. L’article 23 vient apporter de la lisibilité au droit existant en le clarifiant.
Je suis pour ma part favorable à ce que l’on rende le droit plus lisible pour les porteurs de projet. Il est nécessaire de préciser que l’actualisation d’une étude d’impact et le nouvel examen par l’autorité environnementale ne font pas peser de risque sur les autorisations déjà données. Il s’agit bien de rassurer les industriels et de privilégier plutôt l’implantation de nouveaux projets sur des zones industrielles déjà existantes.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je rejoins les explications de Mme la rapporteure.
Il n’est pas question ici de fractionner un projet ou une opération en distinguant, pour reprendre l’exemple donné, les rails, les voies et la gare ; le Conseil d’État l’a d’ailleurs confirmé. On reste dans une logique d’appréciation d’un projet global, inscrit dans un environnement. L’article 23 vise à apporter une précision juridique en disposant que chaque site est responsable de sa procédure, ce qui est important.
J’ajoute que France Nature Environnement faisait partie du groupe de travail qui intervenait en support dans le cadre du pacte productif de la mission Kasbarian, et que nous avions discuté d’un certain nombre de ces sujets. Sur l’article 23, cette fédération n’avait pas mentionné de difficultés dans un premier temps, avant d’y revenir. Nos échanges étant encore en cours, je ne pense pas que sa position soit définitive. Il faut donc se garder de dire qu’elle a tranché définitivement.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 63 rectifié, 101 et 168 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 23, modifié.
(L’article 23 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 23
Mme la présidente. L’amendement n° 65, présenté par Mmes Brulin et Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier et deuxième alinéas du II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou ».
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Avec cet amendement, nous souhaitons revenir sur une disposition également contestable, selon nous, des ordonnances de 2016, qui ont conduit à multiplier le recours aux études d’impact au cas par cas, en lieu et place des évaluations environnementales automatiques.
Dès 2017, dans le cadre de la ratification des ordonnances, nous avions proposé de revenir sur la frontière trop stricte entre « cas par cas » et évaluation automatique.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la marge d’appréciation laissée aux États membres pour fixer des seuils trouve sa limite dans l’obligation qu’un projet fasse l’objet d’une étude d’impact, dès lors qu’il est susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement, et, en outre, la fixation de seuils ne permet jamais de prendre en considération le critère de cumul d’effets avec ceux d’autres projets, ce cumul pouvant s’analyser seulement in concreto.
Ces considérations avaient conduit d’ailleurs le groupe de travail sur la modernisation du droit de l’environnement, dirigé par Jacques Vernier, à proposer l’introduction d’une « clause-filet » ouvrant la possibilité de soumettre à évaluation environnementale un projet que l’on pourrait qualifier de « petit », non visé par le régime de l’examen au cas par cas, mais situé dans un milieu sensible ou fragile ; tel est manifestement le cas de la prévention des risques industriels, notamment ceux liés aux effets « domino » ou « cocktail ».
L’objet de cet amendement, que nous présentons chaque fois que nous le pouvons parce qu’il nous semble extrêmement pertinent, est donc de mettre la législation en conformité avec le droit de l’Union européenne, pour lequel les seuils ne sont qu’indicatifs, et d’ouvrir la possibilité au pouvoir exécutif de mettre en œuvre rapidement cette fameuse clause-filet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Cet amendement, de même que le suivant que présentera M. Dantec, revient à créer une « clause de rattrapage » pour les petits projets qui sont en deçà des seuils fixés par décret, afin de pouvoir, si c’est justifié, les soumettre à évaluation environnementale.
Il prévoit ainsi que sont soumis à évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement en fonction de critères « ou » de seuils définis par décret, et non pas en fonction de critères « et » de seuils. De cette manière, l’autorité compétente pourrait saisir l’autorité environnementale afin d’examiner s’il est nécessaire de soumettre un petit projet à évaluation environnementale. L’idée est de dire que ce n’est pas parce qu’un projet est « petit » en taille qu’il n’a pas d’impact sur l’environnement.
La France a fait le choix de fixer des seuils pour déterminer les projets devant faire l’objet d’une évaluation environnementale, systématique ou au cas par cas. La directive européenne nous le permettait. Nous avons usé de cette possibilité.
La mesure proposée serait potentiellement très lourde pour certains petits projets, agricoles notamment. N’importe quel permis de construire pourrait potentiellement être concerné. Je pense que l’on créerait ainsi davantage d’insécurité juridique.
L’avis est défavorable. Néanmoins, j’aimerais que le Gouvernement réponde sur la manière dont il va s’y prendre pour tenir compte de la mise en demeure adressée par la Commission européenne en mars 2019.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La nomenclature actuelle de l’évaluation environnementale permet déjà de distinguer les seuils et critères selon les types de projets et les milieux dans lesquels ils s’insèrent. C’est par exemple le cas des éoliennes, qui sont systématiquement soumises à évaluation environnementale lorsqu’elles sont situées en milieu marin, quels que soient leurs critères techniques, alors que des critères peuvent être pris en compte dans le cas des éoliennes terrestres.
La modification du code de l’environnement proposée n’apparaissant pas nécessaire, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 151 rectifié, présenté par MM. Dantec, Labbé et Collin, Mme N. Delattre et MM. Jeansannetas et Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le II de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Lorsqu’un projet, en deçà des seuils fixés, est toutefois susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine, l’autorité compétente transmet les informations relatives au projet dont elle dispose à l’autorité environnementale qui examine sans délai la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement.
« La saisine de l’autorité environnementale est également ouverte au maître d’ouvrage qui peut transmettre à l’autorité environnementale une demande d’examen au cas par cas.
« Lorsque le maître d’ouvrage n’est pas à l’origine de la demande, l’autorité compétente l’informe sans délai.
« L’absence de réponse de l’autorité environnementale au terme du délai fixé par voie réglementaire vaut dispense de réaliser une étude d’impact.
« Les modalités d’application du présent paragraphe sont fixées par voie réglementaire. »
La parole est à M. Joël Labbé.