Sommaire
Présidence de M. GÉrard Larcher
Secrétaires :
MM. Joël Guerriau, Dominique de Legge.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
3. Hommage à Jacques Oudin, ancien sénateur
4. Mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Clôture de la discussion générale.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
compte rendu intégral
Présidence de M. GÉrard Larcher
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. Mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, qui vient juste de s’achever, est parvenue à un accord.
Afin de permettre le dépôt et la diffusion du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais toutefois devoir suspendre la séance.
Elle sera reprise à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Hommage à Jacques Oudin, ancien sénateur
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que nous avons appris le décès hier de notre ancien collègue Jacques Oudin, qui fut sénateur de la Vendée de 1986 à 2004. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, se lèvent.)
Conseiller général du canton de Noirmoutier-en-l’Île, vice-président du conseil général de la Vendée, conseiller municipal de La Guérinière, Jacques Oudin fut l’un des piliers de la vie politique vendéenne. Il participa activement au développement de son département, et notamment de l’île de Noirmoutier, grâce à ses nombreuses contributions au sein de l’association vendéenne des élus du littoral.
Élu sénateur de la Vendée en 1986, Jacques Oudin appartenait au groupe du Rassemblement pour la République. J’eus le plaisir de partager avec lui nombre de réunions de notre groupe et de journées parlementaires.
Pendant ses deux mandats, il fut un membre éminent de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, dont il fut secrétaire, puis vice-président. La commission bénéficia des compétences de ce magistrat de la Cour des comptes et de cet ancien membre du cabinet d’Olivier Guichard, ministre de l’aménagement du territoire.
Président fondateur du Cercle français de l’eau, Jacques Oudin s’engagea en faveur de la coopération décentralisée dans le domaine de l’eau. Il créa, en tant que sénateur, le groupe d’études et participa à l’élaboration de la troisième loi sur l’eau.
Sa mère, qui lui donna la vie sur un bateau, quelque part en mer de Chine, marqua profondément l’existence de ce gaulliste vendéen. Son engagement au sein du groupe d’amitié France-Vietnam n’en fut que plus grand.
J’avais, comme un certain nombre d’entre nous, noué avec Jacques Oudin, pendant ses mandats et au-delà, de solides liens d’amitié. Nous appréciions son intelligence et sa gentillesse. Je le revois encore, attentif et passionné, assister aux réunions et aux colloques organisés par l’amicale gaulliste du Sénat, dont il fut secrétaire général, et prendre, encore et toujours, des photos – c’était sa spécialité. Je le revois lors de nos moments de ressourcement à Colombey-les-Deux-Églises, autour de la figure de notre histoire qui donna sens à son engagement : le général de Gaulle.
Jacques Oudin ne sera pas présent lors des prochaines commémorations de l’appel du 18 juin ; il y assistait toujours. Celles et ceux qui ont tant partagé avec lui, dont je suis, ne manqueront pas d’avoir alors une pensée pour lui.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre compassion à son épouse, Anne-Marie, à qui j’ai parlé au téléphone, à sa famille, à ses proches, à ses compagnons, ainsi qu’au président – Vendéen, lui aussi – et aux membres du groupe Les Républicains.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre observent un moment de recueillement.)
4
Mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (texte de la commission n° 388, rapport n° 387).
Avant de donner la parole à nos collègues inscrits dans le débat et au Gouvernement, je tiens à saluer l’accord auquel la commission mixte paritaire, sous la présidence de Philippe Bas, est parvenue sur ce texte. En ce moment difficile pour la Nation, le Parlement joue pleinement son rôle, qui est de concilier le respect des principes démocratiques et la prise en compte de l’urgence sanitaire. L’un ne peut aller sans l’autre.
Nous sommes ici pour le rappeler. Les Français doivent savoir que nous assumons nos responsabilités. Je sais aussi qu’ils ont à cœur de respecter les règles sanitaires qui nous sont demandées à tous – les sénateurs relaient d’ailleurs le message sur le terrain : ce n’est qu’ensemble que nous pourrons progresser dans la lutte contre cette pandémie.
Je rappelle que tous les orateurs, y compris le représentant du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place sans monter à la tribune et qu’après chaque intervention les micros seront désinfectés.
Je demande à chacun de respecter à la fois les distances, les processus d’entrée et de sortie : certains d’entre vous le savent tout particulièrement du fait de leur profession, il ne s’agit pas d’appliquer ces règles pendant une demi-heure pour les oublier dans le quart d’heure d’après. C’est en permanence qu’il faut avoir ces réflexes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les travaux de la commission mixte paritaire, qui se sont engagés ce matin et se sont prolongés jusqu’à quatorze heures trente, ont été particulièrement riches et intenses. Chacun des membres de la commission mixte paritaire était pleinement imprégné de la responsabilité qui nous incombe collectivement : parvenir à un accord, sans compromettre les convictions que nous avons à défendre, mais avec l’idée que l’intérêt général commande de manifester l’union de la représentation nationale aux côtés du Gouvernement.
Naturellement, il ne s’agit pas d’hypothéquer l’impérieuse exigence du contrôle parlementaire, qui est, pour nous, une mission constitutionnelle ; mais, avant tout, il faut assumer pleinement la nécessité de donner au Gouvernement les moyens d’action dont il a besoin pour combattre le fléau qui accable notre pays, comme beaucoup d’autres, depuis plusieurs semaines.
Nous avons particulièrement réfléchi à toutes les dispositions permettant de déployer tous les effets de l’état d’urgence sanitaire, afin d’être efficaces dans ce combat. Nous voulions également éviter de prendre des mesures dérogatoires au droit commun dépassant les exigences du combat contre le Covid-19. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu travailler le plus finement possible les dispositions qui allaient être arrêtées.
Nous, Sénat, avons à cet égard un motif principal de satisfaction : à l’issue de cette commission mixte paritaire, nous n’avons pas à inscrire dans notre droit un régime dérogatoire permanent, dont il pourrait être fait usage à tout moment pendant les décennies à venir. Nous nous sommes concentrés sur la lutte contre le Covid-19, et nous n’avons pas voulu préjuger des moyens qui seraient nécessaires si d’autres fléaux sanitaires accablaient notre pays dans plusieurs années.
Le régime de l’état d’urgence sanitaire est donc temporaire. Au-delà d’un an, il faudra de nouveau que le Parlement se prononce.
Mes chers collègues, nous avons un second sujet de satisfaction : conformément à notre volonté, les pouvoirs donnés au Gouvernement sont importants, mais ce ne sont pas les pleins pouvoirs.
Les pouvoirs donnés au Gouvernement sont importants, parce qu’il faut pouvoir limiter la liberté d’aller et venir. Il faut pouvoir limiter la liberté de réunion. Il faut pouvoir aussi limiter la liberté d’entreprendre.
Mais – vous vous en souvenez, puisque l’état d’urgence est dans tous les esprits, pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme –, la loi de 1955, qui permet, pour des motifs de sécurité, de déclarer l’état d’urgence, énumère les catégories de mesures susceptibles d’être prises : périmètre de sécurité, perquisitions administratives, assignation à résidence, fermeture de lieux de culte salafiste, etc. Toutes ces possibilités sont prévues par la loi. Dès lors, le Gouvernement, comme les préfets, peut prendre des mesures qu’il ne pourrait pas prendre en temps normal. Eh bien, nous voulions que les diverses mesures susceptibles d’être prises par le Gouvernement en état d’urgence sanitaire soient également détaillées dans une liste, même si elles lui laissent toutes les marges de manœuvre nécessaires à l’efficacité de l’action publique.
Le débat a eu lieu dans cet hémicycle et à l’Assemblée nationale. Les positions que nous avons défendues n’ont pas été pleinement approuvées par nos collègues députés. Ce matin, il a donc fallu que nous trouvions un compromis en ce sens : faire en sorte que le Gouvernement dispose de pouvoirs importants, mais éviter qu’il ne porte trop fortement atteinte à nos libertés.
J’y insiste : des atteintes aux libertés sont nécessaires, mais elles doivent être strictement limitées. Nous avons donc exclu que le Gouvernement puisse prendre des mesures d’ordre général en dehors de la liste que nous avons fixée, quand elles portent atteinte à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion. En revanche, nous avons accepté qu’il puisse prendre des mesures, dont nous n’avons pas défini exactement les contours, qui seraient susceptibles de porter atteinte à la liberté d’entreprendre.
Ces mesures, on peut les imaginer en prenant comme référence l’organisation de la Nation en temps de guerre, même s’il faut se garder des assimilations. En temps de guerre, la Nation doit produire des armes, des munitions. On ne s’arrête pas à la libre concurrence et aux règles des marchés publics : l’industrie française doit pouvoir travailler au maximum de ses capacités de production.
Pour lutter contre le Covid-19, il en va de même. Il faut que le Gouvernement puisse produire des masques, il faut qu’il puisse produire des respirateurs artificiels, il faut qu’il puisse produire les équipements, les matériels, les médicaments et, éventuellement, les vaccins qui seront nécessaires à l’efficacité de la lutte contre cette épidémie. C’est la raison pour laquelle nous avons accepté de lui laisser la prérogative de prendre ces mesures. Toutefois, il ne pourra le faire que par décret du Premier ministre, et non par simple arrêté du ministre de la santé, et ce décret pourra être déféré au Conseil d’État, lequel devra se prononcer en urgence, selon la voie du référé.
Il nous a semblé que ce compromis était acceptable. Nous l’avons donc accepté.
En dehors de l’urgence sanitaire, nous avons eu à traiter des questions nées du report du second tour de l’élection municipale dans plus de 5 000 communes de France. Nous ne pouvions pas ne pas les traiter. Ce n’est pas nous qui les avons inscrites à l’ordre du jour : c’est la situation née du report du second tour des élections municipales qui nous imposait d’en parler. Nous l’avons donc fait, en assumant aussi cette responsabilité.
Les initiatives des maires pour contribuer à contenir la pandémie se multiplient jour après jour. On le voit d’une manière expérimentale, pratique : les communes de France, les maires de France sont aux premières loges quand il s’agit de défendre la sécurité des populations. En conséquence, nous devons faire en sorte – c’est d’ailleurs rassurant pour nous tous – que les maires de France sachent comment s’y prendre, n’aient pas de doute quant au fait qu’ils ont la pleine responsabilité de leur commune pour mener à bien leur mission de maire.
Ce n’est pas facile de concevoir ce qui n’a jamais été fait, en l’occurrence comment organiser le travail des communes quand, dans celles-ci, le second tour n’a pas eu lieu. Nous avons prévu des règles simples : quand le second tour n’a pas eu lieu, les anciens maires et les anciennes équipes continuent à agir. La règle est claire. Tous les Français doivent la connaître. Ces élus vont continuer à agir jusqu’à ce que nous puissions mettre en place les nouvelles équipes.
Comme, par ailleurs, nous n’avons pas réussi à élire les maires, ce dimanche, hier et avant-hier, il fallait prendre des dispositions pour permettre la continuité de la vie communale. Ce matin, au cours de nos travaux en commission mixte paritaire, nous y sommes également parvenus. Nous sommes même allés au-delà : nous avons voulu inscrire dans le marbre de cette loi ce qui allait se passer d’ici au mois de juin prochain, y compris dans l’hypothèse où le second tour devait être repoussé après le mois de juin.
Les choses sont simples : dans un peu plus de 30 000 communes de France, l’élection est définitive, elle ne pourra jamais être remise en cause. C’est écrit dans ce texte. Les équipes n’ont pas pu se mettre en place ce week-end, mais c’est seulement leur entrée en fonctions qui est différée. Elles seront installées dès que la réunion des conseils municipaux sera permise ; dans l’hypothèse où elle ne le serait pas – en cas de maintien du confinement –, nous demandons au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, des mesures permettant d’élire les maires, parce que c’est très important pour la République, en recourant au vote par correspondance, au vote à l’urne, voire au vote électronique.
Comme nous ne pouvons pas improviser les modalités d’organisation de ces formes d’expression du vote, nous demandons au Gouvernement de prendre ces mesures dans les semaines qui viennent. Je le répète, même si le confinement continue, on pourra élire les maires. Nous, Sénat, y accordons une grande importance ; nos collègues députés nous ont suivis bien volontiers.
Maintenant, que va-t-il se passer pour l’organisation du second tour ? Nous avons voulu que le décret de convocation des électeurs soit pris le plus tard possible, afin de pouvoir tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire. Nous avons donc décidé qu’un rapport du comité scientifique sera publié à la fin du mois de mai prochain – au plus tard le 23 mai. Le conseil des ministres se prononcera le mercredi suivant, à savoir le 27 mai. Dans les cinq jours qui suivront, les candidatures devront être déposées en préfecture ; quand elles le seront, la campagne électorale pourra commencer, en vue du second tour, prévu le 21 juin.
Si le second tour ne se tient pas, si le décret de convocation des électeurs ne peut pas être pris en raison de la situation sanitaire, on ne pourra plus geler le premier tour : on ne saurait préjuger que les électeurs du premier tour du mois de mars n’ont pas changé d’avis six mois plus tard ! Ce serait restreindre leur liberté de vote ; ce serait contraindre le suffrage universel.
Nous écrivons noir sur blanc que, si le second tour des élections municipales n’a pas lieu avant le 30 juin, il faudra, dans les communes concernées, « rejouer toute la partie », le Parlement étant de nouveau appelé à proroger pour un temps suffisamment long les mandats avant une nouvelle convocation des électeurs pour deux tours de scrutin.
Ainsi, chacun saura à quoi s’en tenir, et le cours des choses ne repose sur aucune spéculation : il est écrit. De toute façon, le Parlement aura de nouveau à se prononcer ultérieurement, au moment de l’évaluation des politiques de lutte contre le Covid-19. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là, mais nous exigeons que la mise en œuvre de la loi que nous nous apprêtons à voter fasse l’objet d’un contrôle plein et entier, comme ce fut le cas des dispositions adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce dimanche pour l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue tout à l’heure.
Avant toute chose, je tiens à saluer, monsieur le président, la mobilisation exceptionnelle du Sénat, de ses élus, de ses fonctionnaires et collaborateurs, pour que la continuité de nos institutions soit assurée et que le débat démocratique existe en ces temps difficiles. Vous me permettrez aussi de remercier les services du Gouvernement qui ont contribué à l’écriture de ce projet de loi et des ordonnances à venir.
Ce débat, qui nous a tous pleinement mobilisés, a eu lieu alors même que des règles sanitaires très strictes avaient été édictées au sein même de votre assemblée. Nous nous y sommes collectivement pliés avec discipline, de la même manière que nos concitoyens appliquent au quotidien les consignes sanitaires du Gouvernement. Il en allait, vous l’avez dit, monsieur le président, de notre devoir d’exemplarité.
Je souhaite également souligner la qualité du dialogue entre les deux assemblées et le Gouvernement pour parvenir à examiner dans des conditions satisfaisantes pas moins de trois projets de loi entre jeudi et aujourd’hui. Aucun examen rapide ne peut être sérieux s’il n’existe pas un consensus de toutes les parties prenantes sur l’urgence d’agir et sur les réponses à apporter.
Il est indéniable qu’il y a eu entre nous et vous des divergences. Certaines demeurent, et c’est normal. Cela prouve que notre démocratie n’est pas mise entre parenthèses. Nous les avons surmontées, c’est la fonction du débat parlementaire.
Je voudrais, à ce titre, vous remercier, monsieur le président, pour votre disponibilité, votre écoute et votre rôle essentiel dans la conciliation des différentes parties prenantes pour créer les conditions d’un débat démocratique nécessaire et favoriser les consensus.
Je salue également l’engagement du président de la commission des lois ainsi que celui des présidents de groupe de votre assemblée, qui ont toujours accepté de dialoguer et d’avancer quels que soient les obstacles, avec un très grand esprit de responsabilité.
Nombre de citoyens pourraient s’étonner que le Parlement ait eu besoin de quatre jours pour adopter une loi dite « d’urgence » destinée à faire face à l’épidémie de Covid-19, alors qu’ils sont eux-mêmes confinés chez eux et que, hélas, ils sont inquiets pour leurs proches, quand certains ne sont pas endeuillés. Nous devons assumer ce débat que nous avons tous voulu et appelé de nos vœux, pour plusieurs raisons.
La première, c’est que nous restons convaincus que le débat parlementaire éclaire toujours l’opinion publique et que les Français attendent une réponse claire et forte sur ce que l’État va faire dans les prochaines semaines.
La deuxième, c’est que ce débat était une œuvre utile de transparence sur la situation économique, sanitaire et sociale.
La troisième, enfin, c’est que le consensus autour de mesures exceptionnelles rend d’autant plus fortes sa compréhension et son acceptation par nos concitoyens.
Nos débats ont montré tout l’intérêt de la démocratie représentative : vous avez fait remonter les observations, les interrogations, les inquiétudes de nos concitoyens sur le terrain, et nous avons voulu y apporter des réponses.
Je n’oublie pas le rôle essentiel de vos collègues, absents de l’hémicycle en raison des règles strictes qui ont été édictées et que nous nous sommes imposées, mais dont vous avez relayé, je le sais, les attentes. Je voudrais, par votre intermédiaire, les remercier et saluer leur engagement exceptionnel dans leurs territoires. Ils jouent pleinement leur rôle, chaque jour, auprès de leurs concitoyens.
Plus précisément, je voudrais, à la suite du président de la commission mixte paritaire, revenir sur quelques mesures de ce texte.
Le titre II sur l’état d’urgence sanitaire donne les moyens au Gouvernement et à ses représentants de prendre des mesures réglementaires fortes pour enrayer la propagation du Covid-19, en s’inspirant notamment de la loi du 3 avril 1955.
Les mesures exceptionnelles qui pourront être prises ne se feront évidemment pas sans contrôle si les circonstances exigeaient qu’elles soient mises en œuvre. Le Parlement devra autoriser par la loi la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, et la décision d’y recourir devra être éclairée par des données scientifiques rendues publiques.
Tant l’Assemblée nationale que le Sénat pourront requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
S’appuyer sur la science pour prendre nos propres responsabilités politiques et poursuivre le contrôle de l’action du Gouvernement dans cette période exceptionnelle sont des choses précieuses.
Outre des mesures plus coercitives à l’encontre de multirécidivistes contribuant à la propagation du virus par leur comportement irresponsable, des décisions de bon sens ont été prises dans le débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le titre III nous dote collectivement d’un arsenal à même de répondre notamment à la situation économique détériorée par la crise sanitaire. Environ quarante habilitations sont prévues. C’est un choix radical que le Gouvernement assume. Il faut être humble : nous ne connaissons pas aujourd’hui toutes les mesures qui seront à prendre en fonction de l’évolution de la situation. Mais, d’ores et déjà, nous prévoyons le soutien massif à la trésorerie des entreprises et des aides directes ou indirectes à ces dernières.
Le droit du travail sera aussi temporairement adapté afin de garantir de la souplesse pour limiter les ruptures définitives de contrat de travail. Ces mesures temporaires auront pour seul et unique objectif de permettre la poursuite du travail pour subvenir aux besoins essentiels de la Nation.
D’autres dispositions, qui pourront être complétées par ordonnance, sont de nature à adapter les procédures du quotidien, auxquelles nous ne prêtons pas toujours attention en période normale : je pense au fonctionnement des organes des collectivités territoriales, à celui des syndics de copropriété, aux procédures judiciaires.
C’est là aussi que le débat parlementaire a pris tout son sens : rappeler au Gouvernement tel pan de notre vie en collectivité qui mérite que soit prise une mesure en particulier ou une autre.
Enfin, le titre III bis tire les conséquences de la décision du report du second tour des élections municipales et prévoit les modalités d’installation des conseils municipaux élus au premier tour.
Je ne reviendrai pas sur ces dispositions, le président de la commission mixte paritaire les ayant très bien explicitées, si ce n’est pour me féliciter qu’un accord ait pu être obtenu entre les deux assemblées sur la question du dépôt des listes en particulier. Ce ne pouvait être, dans cette situation de crise et devant les Français, un point bloquant pour obtenir cet accord conclusif.
Ce projet de loi nous donne d’importants moyens pour répondre aux problèmes posés par la propagation du Covid-19. Il ne résoudra pas tout, et il sera sans doute amené à être complété par d’autres dispositions.
Nous pouvons nous féliciter du travail accompli ces quatre derniers jours, mais la crise que nous connaissons nous oblige à l’humilité. Cela fait partie de la transparence et, au fond, de la responsabilité.
Vous me permettrez de conclure en vous disant, ce que, je crois, nous partageons tous, qu’il faut saluer celles et ceux qui aujourd’hui soignent nos concitoyens, avec professionnalisme et dévouement comme ils l’ont toujours fait, mais plus encore aujourd’hui, celles et ceux qui assurent chaque jour encore la continuité de la vie économique essentielle, la continuité de l’État et la continuité des services dans les collectivités territoriales.
À cet égard, vous me permettrez de saluer l’ensemble des élus locaux, qui sont aussi pleinement mobilisés, de saluer l’engagement sans faille des policiers, gendarmes et pompiers, qui veillent à ce que les mesures sanitaires soient scrupuleusement respectées, et des maires aux côtés de nos concitoyens en ces circonstances particulières.
Je salue tous ceux qui, par les plus modestes des gestes, constituent un chaînon admirable. Il nous faut plus que jamais leur rendre hommage : nous leur devons déjà beaucoup et nous leur devrons beaucoup. Ils prennent leur part, grande, lourde et déterminante. Vous avez pris la vôtre : veiller à l’intérêt général. De tout cela, je veux vous remercier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. Avant de donner la parole à ceux de nos collègues qui sont inscrits dans la discussion générale, je voudrais saluer et remercier le rapporteur de la commission mixte paritaire, René-Paul Savary, qui a œuvré conjointement avec le président Philippe Bas et ses autres collègues à cette conclusion positive de notre commission mixte paritaire. Merci, monsieur le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère ainsi que MM. Patrick Kanner et Rachid Temal applaudissent également.)
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes loin d’être au bout du chemin. Plus que jamais, nous devons affirmer notre solidarité totale à l’égard des soignants et de toutes celles et de tous ceux qui se donnent tellement de mal pour lutter partout contre ce fléau.
Nous devons aussi faire preuve d’un esprit d’union et d’unité. Monsieur le ministre, notre soutien au gouvernement de la République n’est pas compté, dès lors que sont mises en œuvre les mesures les plus efficaces possible pour lutter contre ce fléau. Nous savons que ces mesures sont nécessairement exceptionnelles. Nous savons également que la sécurité, la santé et même la survie de tous dépendent des gestes, des initiatives, du comportement et du dévouement de chacun et de chacune d’entre nous.
Mes chers collègues, M. le président Philippe Bas vient d’évoquer notre commission mixte paritaire, qui s’est déroulée dans un climat serein. Il n’y a pas eu de polémique inutile, ce que je tiens à souligner. Notre position est très claire : nous soutenons nombre de mesures contenues dans ce texte. Toutefois, nous nous abstiendrons, pour les raisons que je vais indiquer et qui portent sur certains de ses aspects, essentiels pour nous.
Au préalable, nous tenons à vous remercier, monsieur le président du Sénat, d’avoir accédé à notre demande, à savoir qu’on aborde les questions sanitaires, économiques et de travail avant les questions électorales. Si, à cette heure, un désaccord persiste entre nous sur certains points, il ne porte pas sur ces questions électorales, qui ont fait l’objet d’un accord. Ainsi, le texte prévoit un certain nombre de garanties pour prévenir telle ou telle rumeur.
Il convient de saluer le fait que, dans les 30 000 communes dont le conseil municipal a été désigné dès le premier tour, les résultats ne seront pas remis en cause. S’agissant des autres communes, il est clair que, si le second tour des élections devait être reporté au-delà du mois de juin, il faudrait procéder de nouveau à l’organisation d’un premier tour.
Nous nous abstiendrons pour quatre raisons que je vais développer.
Premièrement : les droits du Parlement. L’avant-projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait un délai de douze jours pour l’intervention du Parlement. C’était très court. Le Conseil d’État a proposé de retenir un délai d’un mois. Nous avons modifié le texte en ce sens par voie d’amendement. Toutefois, il paraît quelque peu paradoxal de fixer ce délai à un mois, tout en prévoyant que, par dérogation, cette disposition ne s’appliquera pas avant deux mois dans le cas présent, sans compter une éventuelle prorogation d’un mois. Il y a quelque chose qui n’est pas clair. Si nous approuvons bien sûr toutes les mesures d’urgence nécessaires, nous sommes également attachés aux droits du Parlement.
Deuxièmement : le droit du travail. Ce texte contient des mesures en la matière que nous ne pouvons pas accepter. Certes, un pas a été fait par l’Assemblée nationale – je tiens à le souligner –, qui a voté une disposition selon laquelle il reviendra à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés. Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi les mêmes règles ne s’appliqueraient pas aux jours de RTT et aux jours de repos. Nous le disons donc clairement : nous ne pouvons accepter certaines des modifications apportées au code du travail par le présent projet de loi.
Troisièmement : l’article 13. Le texte adopté par le Sénat prévoyait un droit d’information du Parlement sur l’ensemble des actes pris par le Gouvernement en application de la présente loi. Or cet article a été supprimé. Désormais, les deux chambres ne seront plus informées que des seules mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire.
Monsieur le président, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, vous avez indiqué que vous écririez au Premier ministre.
M. le président. C’est fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Je vous en remercie !
Il serait bon, si vous le voulez bien, d’engager la même démarche au regard de ce que je viens de dire à propos de cet article 13.
Enfin, un point nous posait véritablement problème : l’alinéa 28 de l’article 5, introduit par l’Assemblée nationale, qui autorisait le Premier ministre à prendre « toute autre mesure générale nécessaire » pour mettre fin à la catastrophe sanitaire. Dans son discours devant l’Assemblée nationale, celui-ci avait glosé, expliquant que cette mesure pouvait, en quelque sorte, s’apparenter à la clause de compétence générale des collectivités locales.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, je salue l’effort qui a été fait en ce qui concerne la liberté d’aller et venir et qu’il soit désormais fait référence non pas au droit de réunion, mais aux lieux de réunion. Néanmoins, la référence à la liberté d’entreprendre nous paraît poser encore problème. Toujours est-il que cette démarche n’était pas claire au regard des libertés, auxquelles nous sommes très attachés.
Pour conclure, j’indique que nous soutenons tout ce qui est positif dans ce texte et redisons notre attachement à la solidarité et à l’unité nationales, mais, dans le même temps, notre groupe tient à réaffirmer, en tout point et en toutes circonstances, même exceptionnelles, son attachement aux libertés, son attachement aux droits du Parlement, qui sont constitutifs de l’esprit républicain et de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cet instant, je veux d’abord avoir une pensée pour tous nos compatriotes touchés par le Covid-19, pour les familles endeuillées, les personnes malades, les entourages inquiets. J’ai une pensée particulière aussi pour nos collègues sénateurs et tous les collaborateurs du Sénat qui sont ou ont été infectés par le virus.
Mes chers collègues, cela fait maintenant trois jours – oui, trois jours ! – que le Parlement débat de ce projet de loi dit « d’urgence ». C’est l’honneur de notre démocratie que de préserver les principes de notre État de droit dans toutes les circonstances, même les plus exceptionnelles, les plus tragiques, les plus éprouvantes pour notre pays. Tout comme Clemenceau avait toujours tenu à ce que le Parlement siégeât durant son ministère, pendant la Grande Guerre. Mais, devant l’urgence sanitaire, économique, sociale et sécuritaire absolue, il s’agissait de ne pas ressembler aux Byzantins, qui dissertaient sur le sexe des anges alors que les Ottomans assiégeaient leur cité.
Les débats se sont donc étirés au moment où nos personnels soignants effectuent un travail exceptionnel, dans des conditions épouvantables, eux qui méritent bien plus qu’une série d’hommages, même justifiés.
Trois jours de débat, c’est sûrement beaucoup pour nos concitoyens, qui, pour la plupart, ont maintenant pris la mesure de la gravité de la situation. Trois jours pour discuter de points de droit qui peuvent paraître finalement secondaires aux yeux de nos concitoyens au regard des urgences du moment.
Monsieur le ministre, nul ici ne doute de l’engagement collectif du Gouvernement. Nous savons que le ministre de la santé mobilise tous les moyens pour que notre système de santé soit en mesure d’absorber le pic épidémique attendu dans quelques jours.
Les leçons à tirer seront pour plus tard. L’heure n’est pas à la politique partisane, mais bien à l’unité nationale, et vous pouvez compter évidemment sur le groupe du RDSE dans ce moment.
Chacun détient une part de la responsabilité collective qui permettra de lutter efficacement contre l’épidémie. Il y a, bien sûr, les inconscients, qui confondent confinement et vacances. Ceux aussi qui sont allés rejoindre leur résidence secondaire au risque d’étendre la contamination. Mais je voudrais surtout retenir les initiatives remarquables de beaucoup de nos concitoyens, remettant du lien social et de la solidarité au cœur de la cité : ici, un supermarché qui réserve des créneaux horaires aux personnes âgées ; là, un maire qui demande à ses administrés de se mobiliser pour rompre l’isolement des résidents d’un Ehpad en leur envoyant des messages ; un autre qui renforce le portage des repas ; un peu partout, une attention à distance retrouvée envers sa famille, son cercle amical ou son voisinage, pour égayer le confinement ou s’assurer que tout va bien.
À cet égard, nous souscrivons bien sûr à la création et à la mise en œuvre immédiate de l’état d’urgence sanitaire. Il y a encore trop de nos compatriotes qui n’ont pas conscience de ce que nous vivons. La pédagogie doit vite le céder à la coercition, au nom de l’intérêt général !
Nous saluons le compromis trouvé à l’Assemblée nationale sur le contrôle des mesures qui seront prises dans ce cadre. De même, nous nous félicitons du renvoi aux accords collectifs de la modulation des congés payés compte tenu des circonstances, ainsi que de toutes les autres précisions apportées par la commission mixte paritaire. En effet, de fortes interrogations demeuraient dans le domaine du droit du travail, où les circonstances exceptionnelles ne peuvent en aucun cas être le prétexte à une régression.
Oui, nos deux assemblées ont longuement débattu des modalités de report du second tour des élections municipales et de leurs conséquences. Pour sa part, notre groupe a plaidé pour la fixation du délai de dépôt des candidatures au plus près de la date du scrutin. Nous nous satisfaisons de l’équilibre trouvé à cet égard par la commission mixte paritaire. Peut-être une saisine blanche du Conseil constitutionnel permettrait-elle de purger d’emblée le texte de toute inconstitutionnalité et, ainsi, d’établir une véritable sécurité juridique.
Ces débats paraissent sûrement accessoires à nos concitoyens ; ils n’en sont pas moins indispensables au fonctionnement de nos institutions.
À cet instant, j’ai une pensée particulière pour tous les élus qui, jusque dans les plus petits villages, font front dans ces circonstances particulières, continuant avec dignité d’exercer un mandat prolongé, avec l’unique intention de protéger leurs concitoyens. Ils sont en première ligne sur le terrain, y compris lorsqu’ils savent qu’ils ne seront plus en place dans quelques semaines, mettant en place des mesures importantes comme des plateformes de soins ou des chaînes de solidarité. Partout, avec les agents des collectivités territoriales, ils assurent la continuité des services publics essentiels à la population avec la meilleure qualité possible.
Les élus sont également des relais indispensables à nos entreprises, elles aussi durement affectées et qui ont besoin d’être aidées à soutenir l’emploi et, une fois que la crise sera passée, à redémarrer dans les meilleures conditions. Les ordonnances sont le meilleur moyen de décliner rapidement ces aides secteur par secteur.
Mes chers collègues, une fois passé l’état de sidération dans lequel notre pays, à l’instar du monde entier, est plongé, il sera temps de s’interroger et d’analyser ce qui aurait pu être fait autrement. Il faudra aussi, bien sûr, tirer des leçons profondes pour notre système de santé, nos industries stratégiques, notre modèle économique ou encore notre résilience alimentaire. Le groupe du RDSE avait d’ailleurs présenté des propositions fortes à ce sujet. Toutefois, l’heure est à l’unité : c’est dans cet esprit que, à deux exceptions près, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi instaurant des mesures d’urgence porte dans son titre même le défi qui se pose au législateur depuis trois jours : répondre en droit et dans des délais réduits, pour assurer la continuité de la vie nationale, à une urgence imposée par de tristes circonstances de fait.
Plusieurs écueils étaient face à nous : confondre réactivité et précipitation et être pris de « démangeaisons législatives », pour reprendre la terminologie si éclairante de Guy Carcassonne ; analyser l’urgence par opposition à la situation normale, celle où le respect des règles et les considérations de droit s’imposeraient parce qu’on a le temps.
Mes chers collègues, je suis fier de porter la parole de mon groupe sur les conclusions auxquelles la commission mixte paritaire est parvenue, car je suis convaincu que nos travaux, par leur construction et l’approche choisie dès leur ouverture, nous ont gardés de ces écueils. De ce point de vue, je salue le travail de notre rapporteur, la qualité de nos débats et les évolutions introduites par le Sénat et reprises par l’Assemblée nationale pour renforcer les garanties juridiques et la cohérence du projet de loi ordinaire.
Je pense notamment au report de l’installation des conseils municipaux élus au complet dès le premier tour, à la clarification des conditions de prorogation des mandats des conseillers municipaux et à l’assouplissement des modalités de réunion des assemblées délibérantes pendant la crise sanitaire.
Je pense également à l’extension des prérogatives du Premier ministre pour la mise à disposition de certains médicaments et le contrôle des prix des produits nécessaires à la lutte contre l’épidémie, ainsi qu’à la déclaration de l’état d’urgence sanitaire sans délai et pour deux mois. Cette disposition dérogatoire, assortie de garanties, donnera au Gouvernement les moyens de poursuivre l’action qu’il mène pour faire face à l’urgence collective.
Je me réjouis particulièrement que la commission mixte paritaire ait réussi à dépasser nos points de divergence, dans l’esprit que j’ai appelé de mes vœux pour le traitement de l’urgence : sans précipitation, sans renoncement à la nuance ni au débat, mais dans la responsabilité et la permanence de l’État de droit, à travers une conciliation plurielle entre les nécessités de l’urgence, la protection des libertés fondamentales et la préservation des droits sociaux.
Permettez-moi de revenir brièvement sur les trois axes qui ont été utilement débattus.
S’agissant d’abord de l’état d’urgence sanitaire, l’instauration d’un régime distinct de celui issu de la loi du 3 avril 1955, inscrit dans le code de la santé publique, confère une base juridique solide et claire aux mesures prises pour lutter contre l’épidémie, assorties de sanctions et de garanties renforcées en matière de compétences, de procédures et de contrôle parlementaire.
Ensuite, des mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie sont indispensables pour assurer la continuité de la vie économique et sociale et éviter la défaillance des entreprises, tout en protégeant la vie, la santé et les droits des salariés. Le périmètre de ces mesures a été utilement précisé, par exemple en renvoyant à un accord collectif de branche ou d’entreprise la possibilité de réduire les délais de fixation des dates de congés payés par l’employeur, dans la limite de six jours.
Je pense également aux 300 milliards d’euros de garanties d’État pour les prêts de trésorerie aux entreprises et aux 45 milliards d’euros de soutien aux entreprises, à travers notamment la suspension des principaux impôts, le report des charges sociales, le chômage partiel et un fonds de solidarité pour les TPE.
Ces ordonnances, je tiens à le souligner, auront également pour objet de protéger les plus vulnérables, en particulier les personnes en situation de pauvreté, dont le dénuement et la solitude risquent d’être aggravés par la crise sanitaire. C’est ainsi que la trêve hivernale sera allongée et le jour de carence des fonctionnaires, suspendu.
Enfin, je ne m’étendrai pas sur les dispositions électorales – principalement, les modalités de report du second tour des élections municipales –, mais l’accord auquel a abouti la commission mixte paritaire sur l’échelonnement des opérations du scrutin me paraît équilibré et pertinent. Le dépassement constructif du désaccord initial illustre bien, sur ce sujet aussi, l’esprit de conciliation qui a présidé aux débats parlementaires dans ce moment d’urgence.
Les Français n’auraient pas accepté que nous terminions nos travaux par une commission mixte paritaire non conclusive pour la seule raison que nous n’aurions pas su nous entendre sur une date de dépôt des listes pour le second tour des élections municipales…
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Absolument !
M. Rachid Temal. Ce n’est pas si sûr…
Mme Éliane Assassi. Ce n’était pas le seul problème !
M. Xavier Iacovelli. Je remercie donc les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi que tous les membres de la commission mixte paritaire, pour leur esprit de responsabilité.
Au bout du compte, mes chers collègues, nous sommes parvenus, avec ces deux projets de loi, à ne pas sacrifier l’essentiel à l’urgence, mais à obéir à l’urgence de l’essentiel, comme nous y invite Edgar Morin.
L’essentiel, c’est la permanence de l’État de droit, qui doit faire l’objet d’une vigilance éclairée dans les périodes et les temporalités troublées par l’urgence, notamment à travers le contrôle du Parlement. C’est aussi le soutien adressé à celles et ceux qui assurent la continuité de notre pays en cette période si particulière : personnels soignants, forces de police, de gendarmerie et des armées, commerçants alimentaires, caissières, agents de propreté urbaine. Je n’oublie pas les fonctionnaires, notamment territoriaux : dans nos mairies, ils assurent le lien avec les populations confinées.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera les conclusions de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’aggravation de la crise sanitaire, qui s’étend désormais à tout le territoire national, notre pays doit faire face à un lourd danger.
Mon groupe, à l’instar du Sénat tout entier, se tient aux côtés des malades et des familles touchées au cœur. Nous soutenons le personnel hospitalier, du chef de service à l’aide-soignante et au personnel chargé du nettoyage : ils sont debout, avec des moyens si faibles face à l’ampleur du mal qui s’abat. Nous saluons leur courage, leur dévouement, leur prise de risque terrible.
De même, nous saluons tous les salariés, artisans et agriculteurs qui continuent à faire vivre le pays, souvent sans protection – j’y reviendrai – et sous la menace d’une remise en cause programmée de leurs droits. Nous saluons les fonctionnaires, notamment pompiers et policiers, qui travaillent sans relâche à garantir la sécurité du pays.
Reste que l’examen par l’Assemblée nationale des textes instaurant l’état d’urgence sanitaire a confirmé nos craintes.
Pourquoi une telle dérogation démocratique pour l’état d’urgence sanitaire, beaucoup plus importante que pour l’état d’urgence classique ? Nous ne comprenons pas. Associer le Parlement et les forces politiques au combat contre la maladie devrait être considéré non comme un handicap, mais comme un atout ! C’est pourquoi nous avons proposé la mise en place d’un comité de suivi national et pluraliste. Si nous sommes tous unis dans la lutte contre le Covid-19, toutes les opinions doivent être entendues pour agir au mieux, rassembler et se faire comprendre.
Prévoir par dérogation que, pour la crise en cours, l’accord du Parlement sur les mesures prises ne sera pas nécessaire pendant une période de deux mois, contre douze jours lors des précédents états d’urgence, n’est pas acceptable. Nous refusons de confier les pleins pouvoirs au Gouvernement pendant deux mois dans de telles conditions ! Ce qui, du reste, ne paraît pas conforme à l’esprit de la Constitution.
Dans cette lutte, la démocratie est la grande oubliée – elle qui, dans ces moments difficiles, devrait au contraire être constamment convoquée.
Notre conviction est d’autant plus forte que l’Assemblée nationale a renforcé encore les prérogatives du Premier ministre.
Nous refusons également l’instauration d’une sorte d’état d’urgence sanitaire de droit commun, d’une durée d’un mois, inscrit dans le code de la santé publique.
Nos craintes sur les mesures sociales du projet de loi sont, elles aussi, confirmées. Nous ne sommes plus dans l’état d’urgence sur ce point. En effet, même si l’article 7 du projet de loi permet des accords d’entreprise ou de branche, il prévoit encore des dérogations profondes au droit du travail, qui pourront – sauf si quelqu’un me prouve le contraire maintenant… –, s’étendre sur des années, voire devenir permanentes.
Temps de travail, congés payés, travail le dimanche : dans tous les secteurs, ce sont encore une fois les salariés que vous voulez mettre à contribution pour sauver les trésoreries des entreprises, certainement pas les actionnaires ! Votre refus de rétablir l’ISF dans le projet de loi de finances rectificative est à ce titre symbolique.
Aujourd’hui, c’est la vie des familles, du monde du travail qu’il faut protéger. Le confinement – c’est une évidence – doit être respecté, sans écart ; mais nous désapprouvons les sanctions disproportionnées votées dans la précipitation de l’Assemblée nationale.
Au moment même où le gouvernement italien annonce l’arrêt de toute activité de production non essentielle, Mme Pénicaud se félicite de pouvoir contraindre les salariés du BTP à reprendre le travail, tandis que M. Le Maire pousse dans le même sens en agitant l’idée d’une prime de 1 000 euros. Non ! Il faut stopper l’activité là où c’est possible, en maintenant le revenu de tous durant cette période.
Surtout, où est l’urgence sanitaire ? Ce texte ne peut être dissocié du projet de loi de finances rectificative. Où sont les moyens pour l’hôpital ? Où est l’effort déterminant pour la mise à disposition de matériels ? L’inquiétude sur le manque de masques, de médicaments et de tests pour la population et même pour les personnels de santé devient criante : le Gouvernement entend-il vraiment leur désespoir ? Où sont les réquisitions d’entreprises pour la sauvegarde nationale ? Quand allez-vous rouvrir et nationaliser des sociétés indispensables, comme l’usine Luxfer, productrice du matériel pour l’oxygénothérapie ? Quand allez-vous annoncer un plan pour l’hôpital digne de ce nom ?
Comme je l’ai souligné en première lecture, l’heure est à l’action et à la mobilisation générale pour la protection de tous. Avec détermination, nous serons de ce combat.
Le débat sur les causes profondes de cette situation de catastrophe dans un pays aussi riche que la France aura lieu. Une chose est certaine : la solidarité et la santé devront faire partie de nos priorités au cœur de la reconstruction à venir.
Monsieur le ministre, ce texte, parfaitement conforme à votre projet politique, sollicite largement les travailleurs, parmi lesquels les plus exposés, alors que les forces de l’argent sont encore et toujours protégées. C’est donc en toute responsabilité que, à l’exception de deux de nos membres rattachés, nous voterons contre ce texte clairement déséquilibré et qui, de surcroît, n’est pas à la hauteur de la crise sanitaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.
M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous a saisis en urgence d’un projet de loi exceptionnel visant à faire face à la crise dramatique que notre pays, comme tant d’autres, traverse. Le Parlement a donc apporté sa contribution à la lutte contre le virus, comme tous les Français apportent la leur.
Je tiens d’abord, comme nos concitoyens le font désormais tous les soirs à vingt heures, à rendre de nouveau hommage aux soignants qui sont à pied d’œuvre et ne ménagent pas leurs efforts, malgré l’épuisement, les craintes et les larmes. Comme nous tous, je pense aux malades et à leur famille.
La situation est grave, mais nous la surmonterons, à une condition : rester unis et solidaires. Car, comme on nous l’a appris il y a des siècles, toute demeure divisée périra.
Il nous fallait d’abord nous donner les moyens d’atteindre nos objectifs. Personne n’aurait compris que nous n’y arrivions pas ensemble. Avec nos collègues députés, nous sommes donc parvenus à un texte commun.
Il fallait nous donner des moyens, mais aussi garantir le respect du droit. Ce texte consacre la création d’un régime d’état d’urgence sanitaire, prévoyant notamment la possibilité de réquisitionner toutes les personnes et tous les matériels nécessaires à la lutte contre le virus. Ce régime nouveau permet aussi d’encadrer, pour des raisons sanitaires, l’ouverture des commerces et les déplacements de nos concitoyens.
Ces mesures sont radicales, mais c’est la condition de leur efficacité. Dans une démocratie comme la nôtre, toutefois, il est essentiel de veiller à leur contrôle. C’est donc le Parlement qui décidera de la prolongation de l’état d’urgence sanitaire.
Les fermetures de lieux de vie et de commerces et les mesures de confinement, qui impliquent un contrôle accru de nos frontières, ont pour objectif de ralentir la propagation du virus et d’éviter la saturation des hôpitaux. Mais ces mesures ont aussi des effets redoutables sur l’économie.
Les médecins savent qu’il y a des remèdes pires que le mal. De là leur devise, primum non nocere : avant tout, ne pas nuire. C’est la raison des mesures exceptionnelles que nous devons prendre pour soutenir l’économie.
Or, paradoxalement, l’épidémie nous impose deux impératifs contradictoires : agir vite et suspendre le cours du temps – en même temps agir vite pour lutter contre le virus et ralentir les autres activités pour limiter sa propagation. Il faudra donc suspendre largement les délais, ceux qui pèsent sur les entreprises, bien sûr, mais aussi tous les autres : forclusion, prescription, déchéance et nullité.
Néanmoins, cette suspension ne doit pas signifier la paralysie de notre pays. Il faut continuer de travailler, de produire. Il faut aussi assurer la continuité de nos services. Les allocations ou les prises en charge dues à nos concitoyens doivent continuer d’être versées malgré la crise – ou plutôt, à cause de la crise.
L’épidémie de coronavirus a fortement perturbé la tenue des élections municipales. Le projet de loi comporte les adaptations nécessaires au bon fonctionnement des institutions locales.
L’épidémie que nous traversons est une épreuve redoutable, mais, comme le disent les Anglais, une mer calme n’a jamais fait un bon marin… Grâce à notre détermination et à notre créativité, nous pouvons faire de cette crise une opportunité de nous dépasser et de nous renforcer.
Ce projet de loi marque une avancée importante dans la résolution de la crise. Le groupe Les Indépendants le soutient pleinement.
« Le commencement est la moitié du tout », disait Aristote. Nous avons commencé. Et nous nous tenons prêts, dès aujourd’hui, avec l’ensemble de nos collègues, à accompagner le Gouvernement dans la suite de ce combat !
Nous avons tous conscience des contraintes que créent les décisions que nous prenons aujourd’hui. Nous allons imposer aux Français l’obligation de la patience. Chacune et chacun d’entre eux va devenir pour quelques semaines un Robinson Crusoé. Les rivages de notre île seront les murs de nos maisons ou de nos appartements. Certains y vivront seuls, d’autres auront la chance de les partager avec un ou plusieurs Vendredi.
À mesure que les jours succéderont aux jours, une forme de routine étrange va s’installer pour les Français. Ce sera dur pour eux, car ils sont plus obstinément attachés à leur liberté qu’ils ne sont naturellement doués de patience. Ils vont devoir s’adapter à une situation contre nature, contre leur nature, et faire confiance à leur allié dans ce combat : le temps.
Jusqu’à ce jour, le temps était un ennemi, du moins un adversaire. Notre époque, qui est plutôt celle de la fulgurance, confond volontiers le rapide et le vivant. Nous vivons au temps du haut débit et du train à grande vitesse. Nous avons même appris à multiplier le temps, ou plutôt les tâches : désormais, nous travaillons sur nos ordinateurs tout en dialoguant par WhatsApp avec des amis et en consultant nos mails, le tout sur fond d’un concerto de Mozart.
Le problème, avec la recherche de l’intense, c’est qu’elle ruine la sensibilité et l’intimité. Nous ne recherchons plus le calme, parce qu’il nous semble un sommeil…
Je voudrais proposer aux Français de profiter de ces quelques semaines d’isolement forcé pour partir, comme nous le suggérait Proust, à la recherche du temps perdu. Tout le monde connaît la première phrase de son œuvre : « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » Nous allons pouvoir nous coucher et nous lever à l’heure que nous voulons et retrouver pendant un moment la maîtrise de nos journées. Nous allons pouvoir penser, car, comme le dit le Bouddha, « la patience est la plus grande des prières ».
Peut-être même parviendrons-nous à mettre en pratique cet aphorisme de Vauvenargues : « La patience est l’art d’espérer. » Car, en définitive, la seule chose dont les Français aient besoin en ce moment, c’est l’espoir. Par chance, cette qualité ne leur a jamais fait défaut. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Xavier Iacovelli applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mon intervention en saluant à mon tour le dévouement sans faille, l’abnégation de l’ensemble des personnels soignants de notre pays : les infirmiers, les brancardiers, les médecins, qu’ils soient expérimentés ou jeunes internes. Tous sont mobilisés pour faire face à un défi sanitaire sans précédent dans notre pays. J’ai une pensée toute particulière pour ce médecin dont on a appris le décès aujourd’hui dans l’Oise. Après ces événements, nous ne ferons certainement pas l’économie d’un bilan ni celle d’un nouveau plan en direction de l’hôpital, car nous savons aujourd’hui combien il a montré son efficacité.
Le Président de la République s’est exprimé à deux reprises en moins d’une semaine. Son message était sans équivoque : nous sommes en guerre ; en guerre contre une menace invisible, mortifère, sournoise, un virus qui touche tout le monde et prend des dimensions graves ou dramatiques chez les personnes les plus âgées et les plus vulnérables, un virus qui met au défi l’ensemble de notre système de santé, l’un des plus performants au monde, un virus qui, depuis lundi soir, a bouleversé radicalement, et pour longtemps, le quotidien de tous nos compatriotes, un virus qui met aussi en péril toute notre économie, nos entreprises, leurs salariés, nos artisans, nos commerçants, nos travailleurs indépendants et nos agriculteurs.
Je veux saluer à mon tour ces millions de Français qui, malgré les circonstances, continuent à aller travailler, parce que leur activité est indispensable à la vie du pays dans les services publics, l’agroalimentaire, la grande distribution, les transports, l’énergie ou encore la gestion des déchets. Il faut les remercier, mais aussi s’assurer qu’ils ne mettent pas leur propre vie en danger en leur apportant toutes les protections nécessaires.
Il est important – et je crois, monsieur le président, que vous avez saisi le Premier ministre ou le Président de la République à ce sujet – que le Gouvernement clarifie sa démarche. D’un côté, on demande à nos compatriotes de demeurer en confinement. Ils ont commencé à entendre ce message, et la plupart d’entre eux le respectent ; de l’autre, on demande à certains d’aller travailler. Il faut que les choses soient éclaircies, car on a besoin de ces travailleurs indispensables. Que seraient nos hôpitaux sans plateaux-repas, sans pressing pour nettoyer quotidiennement les vêtements médicaux et autres services extrêmement importants ?
Nous saluons la décision du Gouvernement de supprimer le jour de carence. Nous avions très tôt insisté sur ce point, et nous sommes rassurés d’avoir été entendus.
Il nous faut dès à présent anticiper la sortie de crise, car sortie de crise il y aura, évidemment. Après le séisme sanitaire, nous ne pouvons pas nous permettre un tsunami économique, qui mettrait durablement des millions de Français au chômage, qui installerait la précarité et la paupérisation de pans entiers de notre société avec, au milieu, un État financièrement exsangue. La relance, la reprise doivent se préparer dès maintenant. Elles doivent être coordonnées, bien sûr au niveau européen, mais aussi mondial.
Nous souhaitons ainsi que le Gouvernement informe régulièrement le Parlement sur la stratégie qu’il entend mettre en œuvre après la levée du confinement, ce confinement dont certains de nos concitoyens ne semblent pas toujours avoir compris l’importance cruciale. Inconscients de l’ampleur de la menace que constitue cette épidémie, ils ne veulent pas tenir compte des consignes. Pour ceux-là, qui mettent en danger leur vie, mais surtout celle des autres, la réponse de l’État doit être ferme, très ferme. Le texte que nous votons permettra de sanctionner ces comportements irresponsables.
Ce virus a également bouleversé nos institutions et le fonctionnement de notre démocratie. Nous devrons en tenir compte, monsieur le président : il faudra que nos assemblées réfléchissent aux moyens de poursuivre leurs activités lorsque nous avons à faire face à un fléau comme celui d’une épidémie. On a vu combien nous étions démunis et devions, jour après jour, sous votre autorité, adapter notre mode de fonctionnement. Il conviendra également d’engager une réflexion sur le contrôle nécessaire du Parlement et l’organisation du travail parlementaire, en liaison avec le Gouvernement. Les moyens modernes, digitaux, de fonctionnement pourraient nous apporter des réponses.
Je ne reviendrai pas sur les aspects électoraux de ce texte, qui ont trouvé une solution, et nous nous en réjouissons. C’était nécessaire, parce que nous sommes dans un État de droit, même s’il ne s’agissait évidemment pas des sujets les plus indispensables.
Je me félicite de l’état d’esprit républicain qui a animé l’ensemble de nos collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, et je veux vous remercier, monsieur le président, de la concertation de qualité que vous avez su organiser avec l’ensemble de nos groupes. Nous avons pleinement exercé notre rôle de législateur – cela était indispensable –, tout en apportant un soutien sans équivoque aux actions lancées par l’exécutif.
À mon tour, je signale que notre groupe, bien évidemment, soutiendra par son vote le texte.
Il me reste à saluer le président Bas pour la qualité du travail qu’il a réalisé dans des circonstances particulièrement difficiles et le rapporteur, notre collègue René-Paul Savary. Je tiens à saluer également l’ensemble des fonctionnaires et collaborateurs de notre assemblée, qui n’ont pas ménagé leurs efforts depuis la semaine dernière et ont permis, par leur implication, d’assurer la continuité de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici plus d’une semaine que la France vit à un rythme ralenti. L’épidémie de Covid-19 est devenue la plus grande crise de santé publique dans notre pays depuis un siècle.
Pour faire face à ces circonstances difficiles, le Parlement a été saisi dans l’urgence d’un projet de loi organique et d’un projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. Compte tenu de la gravité de la situation, le Sénat a travaillé en lien très étroit avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale. Nous avons préparé en quatre jours une loi qui offrira aux autorités publiques et à la société tout entière des outils puissants et flexibles dans leur riposte face au virus. En effet, la menace du coronavirus, pour qu’elle soit contenue et que l’on puisse préserver le maximum de vies humaines, nécessite une réaction rapide et décisive. Cet impératif a fait l’objet d’un large consensus parmi toutes les forces politiques. Le Sénat l’a fait sien, et la commission mixte paritaire l’a confirmé, en aboutissant à un texte de compromis.
Que contient le texte final du projet de loi ?
D’abord, il crée l’état d’urgence sanitaire. Cet état donne au Gouvernement la possibilité de prendre par décret des mesures exceptionnelles, couvrant des domaines énumérés par la loi. Il pourra, notamment par le biais de ses relais territoriaux, restreindre la liberté d’aller et venir, ordonner la mise en quarantaine, la fermeture provisoire de certains établissements, ou encore limiter les rassemblements sur la voie publique. Il s’agit là de mesures hautement dérogatoires au droit commun, mais justifiées au regard des circonstances.
La loi comprendra aussi des garanties de proportionnalité et de contrôle par la justice et le Parlement. Cela doit permettre d’assurer l’équilibre entre les droits et libertés, d’une part, et les nécessités s’imposant à une société menacée par l’épidémie, d’autre part. Ces derniers jours, certains individus ont pu, sciemment, se défier des obligations de confinement, mettant ainsi en danger, par inconscience ou par égoïsme, la grande majorité de nos concitoyens, qui, par civisme et respect de leur prochain, respectent les préconisations sanitaires. Cet état d’urgence permettra aux forces de l’ordre, y compris les polices municipales, de mieux sanctionner de telles actions, qui plus est, avec une sévérité accrue en cas de récidive.
Enfin, le Sénat a veillé à garantir que ce dispositif ne perturbe pas l’équilibre des pouvoirs, et cela en se prononçant pour un contrôle parlementaire attentif de l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement sous cet état d’urgence sanitaire. Il s’est aussi assuré que ce dernier demeure strictement temporaire et ne devienne pas un nouveau régime d’exception durablement inscrit dans notre droit.
Ensuite, la nouvelle loi habilitera le Gouvernement à prendre un grand nombre d’ordonnances afin d’adapter la vie économique, sociale et administrative à une France largement confinée.
Vous connaissez tous, chers collègues, notre réticence face au recours trop large aux ordonnances. Dans un monde idéal, nous disposerions du temps nécessaire pour discuter de chaque mesure à prendre, peser le pour et le contre et voter un texte. Malheureusement, ce n’est pas là une approche réaliste quand des Français décèdent chaque jour de ce virus.
Pour cette raison, il est raisonnable d’habiliter le Gouvernement à agir tout de suite et rendre vite possible l’adoption des mesures provisoires qui s’imposent. Les entreprises, les salariés, les indépendants, les administrés ont besoin d’aide et d’options dès maintenant.
Enfin, la loi Urgence Covid permettra de résoudre l’essentiel des difficultés concrètes auxquelles font face les collectivités, qui sont prises dans une sorte de purgatoire entre les deux tours des élections municipales. Cet état, parfaitement anormal au regard de notre droit, risquerait, s’il se poursuivait, de désorganiser la capacité de nos élus locaux et de leurs équipes à faire face à l’épidémie sur le terrain.
Sans entrer dans le détail des différentes mesures, la loi offrira de la clarté sur le destin des conseils municipaux déjà élus. Ceux-ci pourront entrer en fonction une fois que le Gouvernement, informé par le conseil scientifique, estimera que les conditions sanitaires rendent la première réunion possible. D’autres dispositions permettront aux collectivités de fonctionner politiquement, administrativement et financièrement jusqu’au deuxième tour.
Pour conclure, je tiens à saluer une nouvelle fois le courage, l’abnégation et le sens du sacrifice de tous ceux qui participent à la défense de la société française contre la maladie : les personnels soignants et de sécurité, évidemment, mais aussi les nombreux travailleurs des secteurs critiques où le confinement n’est pas possible – caissières, routiers, personnels techniques de l’énergie, des transports, et bien d’autres. Le projet de loi que nous allons voter aujourd’hui doit être un moyen de leur dire : vous qui êtes au front, soyez assurés que nous sommes tous derrière vous et que nous n’avons reculé devant rien pour vous apporter toute l’assistance dont vous avez besoin.
L’heure n’est pas aux atermoiements, elle est à l’action ! Le Parlement a joué son rôle et a donné au Gouvernement des moyens extraordinaires pour faire face à la crise. À présent, c’est à ce dernier de se montrer à la hauteur.
Vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains votera ce texte et surveillera attentivement tant la mise en œuvre de l’état d’urgence que le contenu des ordonnances à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Claude Malhuret applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. J’évoquerai deux éléments qui me paraissent tout à fait essentiels.
Le premier concerne nos conditions de travail pendant cette crise sanitaire. Cette préoccupation a été judicieusement exprimée par le président Hervé Marseille.
Au cours de cette période exceptionnelle, un peu comme en temps de guerre – même si les circonstances sont différentes –, notre liberté de mouvement, notre liberté d’action ne sont pas celles dont nous disposons en temps ordinaire. Pourtant, il est essentiel de les préserver. En légiférant, nous prouvons que nous sommes capables de concilier au mieux notre propre sécurité, dont dépend aussi la sécurité des personnes que nous sommes amenés à rencontrer en dehors du Parlement, et l’exigence de la continuité du travail parlementaire.
Je suis tout à fait ouvert à des discussions plus approfondies en la matière, mais celles-ci ne pourraient être conduites que sur l’initiative et sous la houlette du président du Sénat, qui, j’en suis certain, partage cette préoccupation. Il a en effet veillé constamment à ce que nos travaux puissent se poursuivre durant cette période. Nous prouvons le mouvement en marchant, et nous devons en tirer les enseignements.
Le deuxième point très important, qui est d’ailleurs lié au premier, est le contrôle parlementaire.
Le contrôle parlementaire suppose que nous prenions des dispositions législatives, comme ce fut le cas lorsque nous avons approuvé la prolongation de l’état d’urgence pour renforcer la lutte contre le terrorisme et mis en place dans nos commissions un comité de suivi. Rien ne nous interdit de déterminer les modalités internes du suivi de la mise en œuvre de cette loi s’il se confirme qu’elle est votée par les deux chambres aujourd’hui.
À côté de ce qui relève de nous-mêmes, il y a ce que nous pouvons attendre du Gouvernement. Jean-Pierre Sueur a relevé que les dispositions adoptées par le Sénat n’ont pas été intégralement reprises. C’est vrai, puisque nous avions souhaité une information complète de la part du Gouvernement sur tous les aspects de ce texte. Or ne reste plus dans la version que nous allons adopter qu’une information particulière sur l’état d’urgence sanitaire, mais pas sur les mesures économiques et sociales. Par ailleurs, ce projet de loi comporte le renvoi à de nombreuses ordonnances.
Pour ces deux raisons, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous accepteriez, au nom du Gouvernement, de vous engager à compléter ce que nous avons inscrit dans le texte en prévoyant, d’une part, que nous serons informés, avant qu’elles ne soient signées, du contenu des ordonnances et, d’autre part, que, s’agissant de la mise en œuvre des dispositions qui ne relèvent pas de l’état d’urgence sanitaire, vous informerez mensuellement notre assemblée de l’état d’avancement des décisions gouvernementales, et ce par le biais des trois présidents de commissions concernées : le président de la commission des affaires sociales, la présidente de la commission des affaires économiques et moi-même.
Si vous avez la bénévolence d’accepter de prendre cet engagement, je suis persuadé que le président de notre assemblée pourra le faire consacrer par un courrier adressé au Premier ministre. Naturellement, les groupes politiques au sein de chaque commission seront associés au travail qui s’effectuera sur la base des informations que vous nous donnerez.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Monsieur le président Bas, je répondrai uniquement sur ce à quoi je peux répondre, car je n’aime m’engager que sur des choses que je sais pouvoir tenir.
Concernant les ordonnances, nous essaierons autant que faire se peut d’associer les parlementaires, mais reconnaissons qu’un certain nombre d’entre elles seront prises dans des délais assez brefs. Ces délais seront parfois difficilement compatibles avec l’exigence d’une association du Parlement à leur élaboration. Cela étant, je partage votre volonté d’associer autant que faire se peut les parlementaires au travail qui sera mené sur les ordonnances.
Vous m’interrogez sur la mise en œuvre des dispositions qui ne peuvent être couvertes par le champ du texte initial. Vous souhaitez que les présidents des commissions soient mensuellement informés des décisions prises par le Gouvernement. Pour le coup, cette demande est plus simple à satisfaire. Même si je transmettrai bien évidemment votre souhait, je crois pouvoir prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, que vos commissions et, par parallélisme des formes, celles de l’Assemblée nationale seront informées.
J’entends ce que dit M. Sueur. Cette crise appelle une réponse urgente, ce que chacun d’entre vous a reconnu. Toute la difficulté est de faire face à cette urgence et de respecter les nécessités démocratiques. Le débat parlementaire a été utile en ce sens qu’il a permis d’assurer un contrôle parlementaire, auquel le Premier ministre et le Président de la République sont très attentifs.
Évidemment, de telles crises interrogent nos démocraties. C’est pourquoi je me réjouis du débat qui s’est déroulé, même s’il y a eu des désaccords, car il faut que notre pays soit capable de faire face à cet événement dans le cadre démocratique qui est le nôtre. Certes, nos démocraties sont un peu « heurtées », si je puis m’exprimer ainsi, par des crises comme celle que nous vivons et à laquelle nous n’avions pas été confrontés depuis très longtemps – sans doute n’en avons-nous jamais vécu sous cette forme.
Je m’adresse maintenant en particulier aux responsables du groupe CRCE et du groupe socialiste : j’entends les inquiétudes ou les interrogations qu’ont exprimées les uns et les autres ; elles ne sont pas illégitimes, mais nous devons travailler en nous efforçant d’aller vite, parce que nous sommes convaincus que c’est une nécessité.
Le contrôle démocratique et les mécanismes d’évaluation sont également une nécessité, mais, reconnaissons-le, comme vous l’avez dit, monsieur le président de la commission mixte paritaire, nous avançons en marchant… En disant cela, je ne cherchais pas à faire un jeu de mots,…
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Moi non plus !
M. Marc Fesneau, ministre. … je reprenais juste vos termes.
Nous devrons construire avec vous les voies et moyens pour assurer le contrôle démocratique et l’évaluation du travail effectué par le Gouvernement.
Dans la phase qui suivra, nous entamerons une réflexion sur la façon dont nous pouvons faire face à des crises sanitaires, ce qui supposera aussi de s’interroger sur la manière dont les démocraties comme les nôtres, dans des cadres exceptionnels, peuvent clarifier les missions de contrôle et d’évaluation.
Monsieur le président, pardonnez-moi d’avoir été un peu long, mais je voulais donner tous ces éléments d’information au Sénat, en étant aussi clair que possible et en donnant les limites de l’exercice qui est le mien, à la place où je suis.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Merci beaucoup !
M. le président. Monsieur le ministre, croyez bien que je serai personnellement attentif à ce contrôle, non seulement pour le projet de loi de finances rectificative, mais aussi pour les autres textes. Je le solenniserai par un courrier au Premier ministre dès demain.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; en outre, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue d’abord sur les amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
TITRE Ier
Dispositions électorales
(Division et intitulé supprimés)
Articles 1er, 1er bis, 2 et 3
(Supprimés)
TITRE II
L’ÉTAT D’URGENCE SANITAIRE
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Article 5
Le titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Menaces et crises sanitaires graves » ;
2° Le chapitre Ier est ainsi modifié :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Menaces sanitaires » ;
b) Le premier alinéa de l’article L. 3131-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire prévu au chapitre Ier bis du présent titre, afin d’assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire. » ;
c) L’article L. 3131-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’indemnisation des réquisitions est régie par le code de la défense. » ;
d) À l’article L. 3131-10, après la première occurrence du mot : « santé », sont insérés les mots : « , y compris bénévoles, » ;
3° Après le même chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« État d’urgence sanitaire
« Art. L. 3131-20. – L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.
« Art. L. 3131-21. – L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques.
« L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l’état d’urgence sanitaire. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
« La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-26.
« Art. L. 3131-22. – La loi autorisant la prorogation au-delà d’un mois de l’état d’urgence sanitaire fixe sa durée.
« Il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé par la loi le prorogeant.
« Les mesures prises en application du présent chapitre cessent d’avoir effet en même temps que prend fin l’état d’urgence sanitaire.
« Art. L. 3131-23. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique :
« 1° Restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;
« 2° Interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
« 3° Ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, au sens de l’article 1er du règlement sanitaire international de 2005, des personnes susceptibles d’être affectées ;
« 4° Ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, au sens du même article 1er, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ;
« 5° Ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;
« 6° Limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;
« 7° Ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. L’indemnisation de ces réquisitions est régie par le code de la défense ;
« 8° Prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de certains produits ; le Conseil national de la consommation est informé des mesures prises en ce sens ;
« 9° En tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;
« 10° En tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L. 3131-20.
« Les mesures prescrites en application des 1° à 10° du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« Art. L. 3131-24. – Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de la santé peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé, à l’exception des mesures prévues à l’article L. 3131-23, visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire mentionnée à l’article L. 3131-20.
« Dans les mêmes conditions, le ministre chargé de la santé peut prescrire toute mesure individuelle nécessaire à l’application des mesures prescrites par le Premier ministre en application des 1° à 9° de l’article L. 3131-23.
« Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
« Art. L. 3131-25. – Lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures mentionnées aux articles L. 3131-23 et L. 3131-24, ils peuvent habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.
« Lorsque les mesures prévues aux 1° à 9° de l’article L. 3131-23 et à l’article L. 3131-24 doivent s’appliquer dans un champ géographique qui n’excède pas le territoire d’un département, les autorités mentionnées auxdits articles L. 3131-23 et L. 3131-24 peuvent habiliter le représentant de l’État dans le département à les décider lui-même. Les décisions sont prises par ce dernier après avis du directeur général de l’agence régionale de santé.
« Les mesures générales et individuelles édictées par le représentant de l’état dans le département en application du présent article sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Les mesures individuelles font l’objet d’une information sans délai du procureur de la République territorialement compétent.
« Art. L. 3131-25-1. – Les mesures prises en application du présent chapitre peuvent faire l’objet, devant le juge administratif, des recours présentés, instruits et jugés selon les procédures prévues aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative.
« Art. L. 3131-26. – En cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de scientifiques. Son président est nommé par décret du Président de la République. Ce comité comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le comité rend périodiquement des avis sur l’état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s’y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, y compris celles relevant des articles L. 3131-23 à L. 3131-25, ainsi que sur la durée de leur application. Ces avis sont rendus publics sans délai. Le comité est dissous lorsque prend fin l’état d’urgence sanitaire.
« Art. L. 3131-27. – (Supprimé)
« Art. L. 3131-28. – Les dispositions des articles L. 3131-3 et L. 3131-4 sont applicables aux dommages résultant des mesures prises en application des articles L. 3131-23, L. 3131-24 et L. 3131-25.
« Les dispositions des articles L. 3131-9-1, L. 3131-10 et L. 3131-10-1 sont applicables en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire. » ;
4° L’article L. 3136-1 est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :
« Le fait de ne pas respecter les réquisitions prévues aux articles L. 3131-23, L. 3131-24 et L. 3131-25 est puni de six mois d’emprisonnement et de 10 000 € d’amende.
« La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1, L. 3131-23, L. 3131-24 et L. 3131-25 est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
« Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule.
« Les agents mentionnés aux articles L. 511-1, L. 521-1, L. 531-1 et L. 532-1 du code de la sécurité intérieure peuvent constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article lorsqu’elles sont commises respectivement sur le territoire communal, sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ou sur le territoire de la ville de Paris, et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.
« L’application de sanctions pénales ne fait pas obstacle à l’exécution d’office, par l’autorité administrative, des mesures prescrites en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-23 à L. 3131-25 du présent code. »
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Article 5 bis
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 3131-21 du code de la santé publique, l’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
L’état d’urgence sanitaire entre en vigueur sur l’ensemble du territoire national. Toutefois, un décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé peut en limiter l’application à certaines des circonscriptions territoriales qu’il précise.
La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà de la durée prévue au premier alinéa du présent article ne peut être autorisée que par la loi.
Il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration du délai fixé par le même premier alinéa.
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Article 6 ter
Les prestations en espèces d’assurance maladie d’un régime obligatoire de sécurité sociale et le maintien du traitement ou de la rémunération des périodes de congé pour raison de santé pour les assurés mentionnés à l’article L. 711-1 et au 1° de l’article L. 713-1 du code de la sécurité sociale dans des cas équivalents à ceux prévus à l’article L. 321-1 du même code sont versées ou garanties dès le premier jour d’arrêt ou de congé pour tous les arrêts de travail ou congés débutant à compter de la date de publication de la présente loi et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 5 bis de la présente loi.
TITRE III
MESURES D’URGENCE ÉCONOMIQUE ET D’ADAPTATION À LA LUTTE CONTRE L’ÉPIDÉMIE DE COVID-19
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Article 7 B
Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-20 du code de la santé publique et dans les zones géographiques où il reçoit application, par dérogation aux articles L. 2121-17, L. 2121-20, L. 3121-14, L. 3121-16, L. 4132-13, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-14, L. 7122-16, L. 7123-11, L. 7222-15 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales, les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent ne délibèrent valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice est présent. Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, l’organe délibérant est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes peut être porteur de deux pouvoirs.
Un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance papier préservant la sécurité du vote peut être mis en œuvre dans des conditions fixées par décret pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Il ne peut y être recouru dans le cadre des scrutins dont la loi commande le caractère secret.
Article 7
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure, pouvant entrer en vigueur, si nécessaire, à compter du 12 mars 2020, relevant du domaine de la loi et, le cas échéant, à les étendre et à les adapter aux collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution :
1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure :
a) D’aide directe ou indirecte à ces personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions, les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie et toute autre collectivité territoriale ou établissement public volontaire ;
b) En matière de droit du travail, de droit de la sécurité sociale et de droit de la fonction publique ayant pour objet :
– de limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel ;
– d’adapter les conditions et modalités d’attribution de l’indemnité complémentaire prévue à l’article L. 1226-1 du code du travail ;
– de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail et par les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ;
– de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ;
– de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ;
– de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement en application de l’article L. 3314-9 du code du travail et au titre de la participation en application de l’article L. 3324-12 du même code ;
– de modifier la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mentionnée à l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ;
– d’adapter l’organisation de l’élection mentionnée à l’article L. 2122-10-1 du code du travail, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, de proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ;
– d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail, notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs, et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le même code ;
– de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis, et de suspendre les processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours ;
– d’aménager les dispositions de la sixième partie du code du travail, notamment afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle ;
– d’adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement mentionnés à l’article L. 5421-2 du code du travail ;
c) Modifiant, dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties, en particulier en ce qui concerne les contrats de vente de voyages et de séjours mentionnés aux II et III de l’article L. 211-14 du code du tourisme prenant effet à compter du 1er mars 2020 et les prestations relevant des séjours de mineurs à caractère éducatif organisés dans le cadre de l’article L. 227-4 du code de l’action sociale et des familles ;
d) Adaptant les dispositions du livre VI du code de commerce et celles du chapitre Ier du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations ;
e) Adaptant les dispositions de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles, notamment pour prolonger, pour l’année 2020, le délai fixé au troisième alinéa du même article L. 115-3, et reportant la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative prévue à l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution pour cette même année ;
f) Adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ;
g) Permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des microentreprises, au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique, dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ;
h) Dérogeant aux dispositions de l’article 60 de la loi de finances pour 1963 (n° 63-156 du 23 février 1963) relatives à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics ;
i) Permettant à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale de consentir des prêts et avances aux organismes gérant un régime complémentaire obligatoire de sécurité sociale ;
2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure :
a) Adaptant les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre ainsi que les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ;
b) Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de Covid-19 ;
c) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions ;
d) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 parmi les personnes participant à ces procédures, les règles relatives au déroulement des gardes à vue, pour permettre l’intervention à distance de l’avocat et la prolongation de ces mesures pour au plus la durée légalement prévue sans présentation de la personne devant le magistrat compétent, et les règles relatives au déroulement et à la durée des détentions provisoires et des assignations à résidence sous surveillance électronique, pour permettre l’allongement des délais au cours de l’instruction et en matière d’audiencement, pour une durée proportionnée à celle de droit commun et ne pouvant excéder trois mois en matière délictuelle et six mois en appel ou en matière criminelle, et la prolongation de ces mesures au vu des seules réquisitions écrites du parquet et des observations écrites de la personne et de son avocat ;
e) Aménageant aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 parmi les personnes participant ou impliquées dans ces procédures, d’une part, les règles relatives à l’exécution et l’application des peines privatives de liberté pour assouplir les modalités d’affectation des détenus dans les établissements pénitentiaires ainsi que les modalités d’exécution des fins de peine et, d’autre part, les règles relatives à l’exécution des mesures de placement et autres mesures éducatives prises en application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
f) Simplifiant et adaptant les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ;
g) Simplifiant, précisant et adaptant les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;
h) Adaptant les dispositions relatives à l’organisation de la Banque publique d’investissement créée par l’ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la Banque publique d’investissement afin de renforcer sa capacité à accorder des garanties ;
i) Simplifiant et adaptant le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives, y compris les organes dirigeants des autorités administratives ou publiques indépendantes, notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence ;
j) Adaptant le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ;
k) Dérogeant aux dispositions du chapitre III du titre II du livre VII du code rural et de la pêche maritime afin de proroger, pour une période n’allant pas au-delà du 31 décembre 2020, la durée des mandats des membres du conseil d’administration des caisses départementales de mutualité sociale agricole, des caisses pluridépartementales de mutualité sociale agricole et du conseil central d’administration de la mutualité sociale agricole ;
l) Permettant aux autorités compétentes pour la détermination des modalités d’accès aux formations de l’enseignement supérieur, des modalités de délivrance des diplômes de l’enseignement supérieur ou des modalités de déroulement des concours ou examens d’accès à la fonction publique d’apporter à ces modalités toutes les modifications nécessaires pour garantir la continuité de leur mise en œuvre, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats ;
m) Permettant aux autorités compétentes de prendre toutes mesures relevant du code de la santé publique et du code de la recherche afin, dans le respect des meilleures pratiques médicales et de la sécurité des personnes, de simplifier et d’accélérer la recherche fondamentale et clinique visant à lutter contre l’épidémie de Covid-19 ;
2° bis Afin de faire face aux conséquences, pour les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111-1 du code de la santé publique, de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des charges découlant de la prise en charge des patients affectés par celui-ci, toute mesure dérogeant aux règles de financement de ces établissements ;
3° Afin de permettre aux parents dont l’activité professionnelle est maintenue sur leur lieu de travail de pouvoir faire garder leurs jeunes enfants dans le contexte de fermeture des structures d’accueil du jeune enfant visant à limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19, toute mesure :
a) Étendant à titre exceptionnel et temporaire le nombre d’enfants qu’un assistant maternel agréé au titre de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles est autorisé à accueillir simultanément ;
b) Prévoyant les transmissions et échanges d’information nécessaires à la connaissance par les familles de l’offre d’accueil et de sa disponibilité afin de faciliter l’accessibilité des services aux familles en matière d’accueil du jeune enfant ;
4° Afin, face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, d’assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vivant à domicile ou dans un établissement ou service social et médico-social, des mineurs et majeurs protégés et des personnes en situation de pauvreté, toute mesure :
a) Dérogeant aux dispositions de l’article L. 312-1 et du chapitre III du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles pour permettre aux établissements et services sociaux et médico-sociaux autorisés d’adapter les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service et de dispenser des prestations ou de prendre en charge des publics destinataires figurant en dehors de leur acte d’autorisation ;
b) Dérogeant aux dispositions du code de l’action sociale et des familles et du code de la sécurité sociale pour adapter les conditions d’ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations aux personnes en situation de handicap, aux personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima sociaux et prestations sociales, et aux personnes âgées ;
5° Afin, face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, d’assurer la continuité des droits des assurés sociaux et leur accès aux soins et aux droits, en prenant toute mesure dérogeant aux dispositions du code de la sécurité sociale, du code rural et de la pêche maritime, du code de la construction et de l’habitation et du code de l’action sociale et des familles pour adapter les conditions d’ouverture, de reconnaissance ou de durée des droits relatifs à la prise en charge des frais de santé et aux prestations en espèces des assurances sociales ainsi que des prestations familiales, des aides personnelles au logement, de la prime d’activité et des droits à la protection complémentaire en matière de santé ;
6° Afin, face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, d’assurer la continuité de l’indemnisation des victimes, en prenant toute mesure dérogeant aux dispositions du code de la santé publique et de l’article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 pour adapter les règles d’instruction des demandes et d’indemnisation des victimes par l’Office national d’indemnisation des victimes d’accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ;
7° Afin, face aux conséquences de l’épidémie de Covid-19, d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, de prendre toute mesure permettant de déroger :
a) Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ;
b) Aux règles régissant les délégations que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs ainsi que leurs modalités ;
c) Aux règles régissant l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;
d) Aux règles d’adoption et d’exécution des documents budgétaires ainsi que de communication des informations indispensables à leur établissement prévues par le code général des collectivités territoriales ;
e) Aux dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux ou à l’institution de redevances ;
f) Aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique ou exigeant une consultation d’une commission consultative ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ou de ses établissements publics ;
g) Aux règles applicables à la durée des mandats des représentants des élus locaux dans les instances consultatives dont la composition est modifiée à l’occasion du renouvellement général des conseils municipaux.
I bis. - Les projets d’ordonnance pris sur le fondement du présent article sont dispensés de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.
II. - Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
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Article 7 ter
Par dérogation, les Français expatriés rentrés en France entre le 1er mars 2020 et le 1er juin 2020 et n’exerçant pas d’activité professionnelle sont affiliés à l’assurance maladie et maternité sans que puisse leur être opposé un délai de carence. Les modalités d’application du présent article peuvent être précisées par décret.
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Article 9
Les mandats, échus depuis le 15 mars 2020 ou qui viendraient à l’être avant le 31 juillet 2020, des présidents, des directeurs et des personnes qui, quel que soit leur titre, exercent la fonction de chef d’établissement dans des établissements relevant du titre Ier du livre VII du code de l’éducation ainsi que ceux des membres des conseils de ces établissements sont prolongés jusqu’à une date fixée par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur, et au plus tard jusqu’au 1er janvier 2021. Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le renouvellement de ces conseils est achevé à la date de promulgation de la présente loi.
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Article 11 bis
Il ne peut être mis fin, pendant la durée des mesures prises en application des articles L. 3131-23 à L. 3131-25 du code de la santé publique, à la prise en charge par le conseil départemental, au titre de l’aide sociale à l’enfance, des majeurs ou mineurs émancipés précédemment pris en charge dans le cadre de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles en tant que mineurs, mineurs émancipés ou jeunes majeurs de moins de vingt et un ans.
TITRE III bis
DISPOSITIONS ÉLECTORALES
(Division et intitulé nouveaux)
Article 11 ter (nouveau)
I. – Lorsqu’à la suite du premier tour organisé le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, un second tour est nécessaire pour attribuer les sièges qui n’ont pas été pourvus, ce second tour, initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020, en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’impérative protection de la population face à l’épidémie de Covid-19. Sa date est fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard si la situation sanitaire permet l’organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l’analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l’article L. 3131-26 du code de la santé publique.
Les déclarations de candidature à ce second tour sont déposées au plus tard le mardi qui suit la publication du décret de convocation des électeurs.
Si la situation sanitaire ne permet pas l’organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi. Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l’achèvement des mandats ainsi prolongés. La loi détermine aussi les modalités d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet.
Dans tous les cas, l’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l’article 3 de la Constitution.
I bis. – Au plus tard le 23 mai 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement fondé sur une analyse du comité de scientifiques se prononçant sur l’état de l’épidémie de Covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale le précédant.
Le comité de scientifiques examine également les risques sanitaires et les précautions à prendre :
1° Pour l’élection du maire et des adjoints dans les communes où le conseil municipal a été élu au complet dès le premier tour ;
2° Pour les réunions des conseils communautaires.
II. – Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité de scientifiques. La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction.
Par dérogation, dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection ou, s’il n’a pas lieu, dans les conditions prévues par la loi mentionnée à l’avant-dernier alinéa du I du présent article.
Par dérogation, les conseillers d’arrondissement et les conseillers de Paris élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection ou, s’il n’a pas lieu, dans les conditions prévues par la loi mentionnée au même avant-dernier alinéa.
III. – Par dérogation à l’article L. 227 du code électoral :
1° A Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’à l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’à cette même date ;
1° Dans les communes, autres que celles mentionnées au 2° du présent III, pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’au second tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’au second tour, sous réserve du 3 du V bis ;
2° Dans les secteurs des communes mentionnées au chapitre IV du titre IV du livre Ier du code électoral, les conseillers d’arrondissement, les conseillers municipaux et, à Paris, les conseillers de Paris en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’au second tour. Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’au second tour, sous réserve du 3 du V bis du présent article.
Par dérogation à l’article L. 224-1 du code électoral, le mandat des conseillers métropolitains de Lyon en exercice avant le premier tour est prorogé jusqu’au second tour.
Les délégations attribuées aux élus dont le mandat est prolongé non plus qu’aucune délibération ne deviennent caduques de ce seul fait.
IV. – Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet au premier tour, les désignations et les délibérations régulièrement adoptées lors de la première réunion du conseil municipal mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 2127-7 du code général des collectivités territoriales prennent effet à compter de la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus au premier tour, fixée à la première phrase du premier alinéa du II du présent article.
V. – Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne comptant parmi leurs membres aucune commune mentionnée aux 1° et 2° du III du présent article, l’organe délibérant se réunit dans sa nouvelle composition au plus tard trois semaines après la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II.
V bis. – 1. Dans les autres établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, à compter de la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II et jusqu’à la première réunion de l’organe délibérant suivant le second tour des élections municipales et communautaires, qui se tient au plus tard le troisième vendredi suivant ce second tour, l’organe délibérant est constitué par :
a) Les conseillers communautaires ou métropolitains élus en application de l’article L. 273-6 du code électoral ainsi que ceux désignés dans l’ordre du tableau en vertu de l’article L. 273-11 du même code dans les communes dont le conseil municipal a été élu au complet au premier tour ;
b) Les conseillers communautaires ou métropolitains maintenus en fonctions représentant les communes mentionnées au 1° et 2° du III du présent article, sous réserve des dispositions des 2 et 3 du présent V bis.
2. Dans le cas où le nombre des conseillers mentionnés au b du 1 est inférieur au nombre de représentants prévu pour leur commune par l’arrêté préfectoral pris en application du VII de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l’État appelle à siéger à due concurrence :
a) Dans les communes dont les conseillers communautaires ou métropolitains maintenus en fonction ont été désignés en application de l’article L. 273-11 du code électoral, le ou les conseillers municipaux n’exerçant pas le mandat de conseiller communautaire ou métropolitain occupant le rang le plus élevé dans l’ordre du tableau ;
b) Dans les communes dont les conseillers communautaires ou métropolitains maintenus en fonction ou certains d’entre eux ont été élus en application de l’article L. 273-6 du même code, le ou les conseillers municipaux ou d’arrondissement ayant obtenu lors de leur élection les moyennes les plus élevées après le dernier élu pour l’attribution des sièges de conseiller communautaire ou métropolitain, en faisant usage, le cas échéant, des règles de remplacement fixées à l’article L.273-10 dudit code.
S’il s’agit d’une commune nouvelle créée depuis le renouvellement général des conseils municipaux organisé les 23 et 30 mars 2014, les règles prévues aux a et b du présent 2 sont appliquées successivement aux conseillers municipaux issus des anciennes communes fusionnées par ordre décroissant de population.
Lorsqu’il n’existe pas de conseiller municipal ou de conseiller d’arrondissement pouvant être désigné en application des mêmes a et b, le siège demeure vacant.
3. Dans le cas où le nombre des conseillers mentionnés au b du 1 est supérieur au nombre de représentants prévu pour leur commune par l’arrêté préfectoral pris en application du VII de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, le représentant de l’État constate la cessation du mandat, à due concurrence :
a) Dans les communes dont les conseillers communautaires ou métropolitains maintenus en fonction ont été désignés en vertu de l’article L. 273-11 du code électoral, du ou des conseillers occupant le rang le moins élevé dans l’ordre du tableau du conseil municipal ;
b) Dans les autres communes :
– du ou des conseillers communautaires ou métropolitains ayant obtenu lors de leur élection les moyennes les moins élevées pour l’application du a ou du b de l’article L. 5211-6-2 du code général des collectivités territoriales et prioritairement de ceux dont l’élection est la plus récente ;
– à défaut, du ou des conseillers communautaires ou métropolitains ayant obtenu lors de leur élection les moyennes les moins élevées pour l’application de l’article L. 273-8 du code électoral.
Le cas échéant, il est fait application, successivement, des règles prévues au présent 3 par ordre croissant de population à plusieurs anciennes communes ayant fusionné au sein d’une même commune nouvelle.
4. Le président et les vice-présidents en exercice à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II sont maintenus dans leurs fonctions. Les délégations consenties en application de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales ainsi que les délibérations prises en application de l’article L. 5211-12 du même code en vigueur à la date fixée par le décret mentionné au premier alinéa du II du présent article le demeurent en ce qui les concerne. En cas d’absence, de suspension, de révocation ou de tout autre empêchement, le président est provisoirement remplacé dans les mêmes conditions par un vice-président dans l’ordre des nominations ou, à défaut, par le conseiller communautaire le plus âgé.
5. Le présent V bis est applicable aux établissements publics territoriaux créés dans le périmètre de la métropole du Grand Paris.
V ter. – Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre résultant d’une fusion intervenue dans la semaine précédant le premier tour des élections municipales et communautaires, les conseillers communautaires en fonction dans les anciens établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre conservent leur mandat au sein de l’établissement public issu de la fusion, sous réserve de l’application des dispositions des 2 et 3 du V bis.
Par dérogation aux dispositions de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, le président et les vice-présidents de l’établissement public de coopération à fiscalité propre appartenant à la catégorie à laquelle la loi a confié le plus grand nombre de compétences exercent les fonctions de président et de vice-présidents de l’établissement public issu de la fusion.
VI. – Par dérogation aux articles L. 251, L. 258, L. 270 et L. 272-6 du code électoral et L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales, les vacances constatées au sein du conseil municipal ne donnent pas lieu à élection partielle :
1° Jusqu’à la tenue du second tour dans les communes pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet au premier tour ;
2° Jusqu’à la date mentionnée à la première phrase du premier alinéa du II du présent article dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet au premier tour.
VI bis. – Nonobstant toute disposition contraire, le mandat des représentants d’une commune, d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’un syndicat mixte fermé au sein d’organismes de droit public ou de droit privé, en exercice à la date du premier tour, est prorogé jusqu’à la désignation de leurs remplaçants par l’organe délibérant. Cette disposition n’est pas applicable aux conseillers communautaires.
VI ter. – La seconde phrase du I de l’article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable aux conseils municipaux renouvelés au complet à l’issue du premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020.
Le quatrième alinéa de l’article L. 5211-12 du même code n’est pas applicable à l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre renouvelé au complet à l’issue de ce premier tour et de l’élection subséquente du maire et des adjoints de ses communes membres.
VII. – Pour l’application du I :
1° La campagne électorale pour le second tour est ouverte à compter du deuxième lundi qui précède le tour de scrutin ;
1° bis Les interdictions mentionnées à l’article L. 50-1, au dernier alinéa de l’article L. 51 et à l’article L. 52-1 du code électoral courent à compter du 1er septembre 2019 ;
2° La durée de la période prévue à l’article L. 52-4 du code électoral pendant laquelle le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses en vue de l’élection court à compter du 1er septembre 2019 ;
2° bis Pour les listes de candidats non admises ou ne présentant par leur candidature au second tour, la date limite mentionnée à la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral est fixée au 10 juillet 2020 à 18 heures. Pour celles présentes au second tour, la date limite est fixée au 11 septembre à 18 heures ;
2° ter Par dérogation à la première phrase du deuxième alinéa du II de l’article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique, les comptes de l’exercice 2019 peuvent être déposés jusqu’au 11 septembre 2020 ;
3° Les plafonds de dépenses prévus aux articles L. 52-11 et L. 224-25 du code électoral sont majorés par un coefficient fixé par décret qui ne peut être supérieur à 1,5 ;
4° Dans les communes de 1 000 habitants et plus et dans les circonscriptions métropolitaines de Lyon, les dépenses engagées pour le second tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 au titre, respectivement, du second alinéa de l’article L. 242 et de l’article L. 224-24 du code électoral sont remboursées aux listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du total des suffrages exprimés.
VII bis A. – Pour l’application du II du présent article, le statut des candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée ne leur confère ni les droits ni les obligations normalement attachées à leur mandat. Le régime des incompatibilités applicable aux conseillers municipaux et communautaires, aux conseillers d’arrondissement et de Paris ne s’applique à eux qu’à compter de leur entrée en fonction.
VII bis B. – Les candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée sont destinataires de la copie de l’ensemble des décisions prises sur le fondement de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature pris par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant, et ce jusqu’à leur installation.
VII bis. – Par dérogation au I du présent article, les électeurs peuvent être convoqués par décret pour le second tour des élections municipales en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie, après avis, selon le cas, du président de la Polynésie française ou du président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, et après consultation du comité de scientifiques. Ce second tour se tient, au plus tard, au mois de juin 2020.
VIII. – À l’exception de son article 6, les dispositions de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ne sont pas applicables au second tour de scrutin régi par la présente loi.
IX. – Les conseillers élus au premier tour ou au second tour sont renouvelés intégralement en mars 2026.
X. – Les dispositions du présent article sont applicables sur tout le territoire de la République.
Article 11 quater (nouveau)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi relative :
1° À l’organisation du second tour du scrutin pour le renouvellement des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, s’agissant notamment des règles de dépôt des candidatures ;
2° Au financement et au plafonnement des dépenses électorales et à l’organisation de la campagne électorale ;
3° Aux règles en matière de consultation des listes d’émargement ;
4° Aux adaptations permettant de prendre en compte la situation particulière des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie, notamment en ce qui concerne la date de prise de fonction des conseillers municipaux élus au premier tour et la date de la première réunion du conseil municipal renouvelé ;
5° Aux modalités d’organisation de l’élection des maires, des adjoints aux maires ainsi que des présidents et vice-présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, y compris en cas de maintien de l’état d’urgence sanitaire. Ces ordonnances peuvent prévoir, en particulier :
a) Que la réunion peut se tenir en tout lieu permettant de préserver la santé des élus et des agents publics ;
b) Des règles procédurales simplifiées, notamment en ce qui concerne le calcul du quorum et le nombre de pouvoirs ;
c) Toute forme appropriée de vote à l’urne ou à distance, garantissant le secret du vote.
6° À la modification des jalons calendaires prévus à l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique pour l’établissement de la seconde fraction de l’aide publique au titre de 2021.
Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
Article 11 quinquies (nouveau)
Le mandat des conseillers consulaires et des délégués consulaires est prorogé au plus tard jusqu’au mois de juin 2020.
Les procurations déjà enregistrées pour les élections consulaires initialement prévues les 16 et 17 mai 2020 sont maintenues.
Au plus tard le 23 mai 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement relatif à l’état de l’épidémie de Covid-19, aux risques sanitaires dans le monde et aux conséquences à en tirer, avant l’échéance fixée au premier alinéa, sur la tenue des élections consulaires et de la campagne les précédant.
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnances, dans un délai d’un mois à compter de la publication de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi liée à la prorogation des mandats des conseillers consulaires et des délégués consulaires et aux modalités d’organisation du scrutin. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai d’un mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
TITRE IV
CONTRÔLE PARLEMENTAIRE
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Article 13
(Supprimé)
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. La situation commande que nous prenions des décisions exceptionnelles – Jean-Pierre Sueur l’a brillamment rappelé –, mais n’agissons pas à la légère. Il ne s’agit pas de mesures anodines : elles limitent la liberté d’aller et venir, la liberté de réunion, la liberté d’entreprendre. Elles concernent le fonctionnement même de la démocratie représentative. Elles mettent en cause certains principes et acquis de notre droit du travail. Permettez-moi, à ce sujet, de remercier à mon tour les millions de Françaises et de Français qui font vivre notre pays en cette période.
Une crise, quelle qu’elle soit, ne peut servir de prétexte à affaiblir durablement les principes démocratiques fondamentaux, les libertés publiques et individuelles, le socle social de notre démocratie. Un état d’exception est par définition attentatoire aux libertés – tel est l’objet même d’un état d’exception. Mais, sous peine de renoncer à notre identité, il faut répliquer avec les moyens attachés à l’État de droit, dont fait partie, monsieur le président, le contrôle du Parlement, que nous voulions plus fort, notamment dans l’association à l’élaboration des ordonnances.
J’ai bien entendu votre message, monsieur le ministre. Il se trouve que nous avons un peu de temps pour vous aider dans l’élaboration des ordonnances en cette période…
La Constitution est notre ultime refuge. Elle sait s’adapter aux jours de tempête comme aux jours de miel, pour reprendre la belle expression d’Albert Camus. Comme la démocratie, elle est une arme dans cette crise. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste et républicain demande en premier lieu au Président de la République de saisir le Conseil constitutionnel de cet objet non identifié, qui ne peut, qui ne doit ressembler ni de près ni de loin à un article 16 rampant à caractère sanitaire.
J’espère aussi qu’à l’occasion de cette crise le Gouvernement comprend que nos agents publics et nos services publics sont nécessaires au fonctionnement du pays. Ils doivent être considérés comme une chance et non comme un coût. Il est temps de mettre un terme à la gestion d’apothicaire qui constitue votre politique en la matière.
Cette crise doit également conduire à une refonte de la politique industrielle. Je pense en particulier à la réimplantation d’entreprises à caractère stratégique, notamment en matière de médicaments.
Cette crise, je l’espère, sera enfin l’occasion de renouer avec les corps intermédiaires à l’issue d’une période autoritaire. La qualité du dialogue social sera l’une des conditions de reconstruction du pays, la condition d’une confiance retrouvée. N’ayons pas peur de la démocratie sociale. Nous y prendrons toute notre part.
Nous sommes favorables au principe de l’état d’urgence sanitaire, même si nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas pris en compte nos remarques qui visaient à garantir l’unité nationale face à l’épidémie. Viendra ensuite l’heure du bilan. D’ici là, en responsabilité, nous vous confirmons que nous allons nous abstenir sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaiterais à mon tour rendre hommage à Jacques Oudin, avec qui je me suis entretenu la veille de sa mort et que j’ai côtoyé pendant plus de vingt-cinq ans au conseil général de la Vendée.
M. le président. Bien sûr.
M. Bruno Retailleau. Je vous remercie, monsieur le président.
Né en mer de Chine – vous l’avez fort justement rappelé dans votre hommage –, Jacques Oudin a été élu en Vendée, sur la petite île de Noirmoutier. Il a été un grand parlementaire, un grand sénateur de la République française. Il a aimé sa petite patrie vendéenne et sa grande patrie la France.
C’était un travailleur infatigable, qui a beaucoup apporté à la France. Sa voix portait beaucoup dans cet hémicycle ; elle y a souvent résonné, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Je souhaitais faire ce rappel pour nos collègues qui ne l’ont pas connu.
Je souhaiterais dire à son épouse Anne-Marie et à ses enfants qu’avec mon groupe, et sans doute au-delà, avec ceux qui sont présents aujourd’hui et ceux qui ne le sont pas, nous portons une petite part de leur peine.
J’en viens à mon explication de vote, parce que la vie doit continuer…
Nous ne sommes pas en tout point d’accord sur les dispositions de ce texte, qui, comme l’a bien exprimé Philippe Bas il y a quelques instants, est un compromis. À cet égard, permettez-moi de remercier nos deux rapporteurs, Philippe Bas et René-Paul Savary. Nous avons de la chance, notamment dans ces instants, que Philippe Bas soit le président de notre commission des lois.
Nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais nous voterons ce texte, parce que nous ne voulons pas entraver l’action du Gouvernement et parce qu’il nous semble que cet état d’urgence sanitaire doit être mis en œuvre le plus vite possible. Comme j’ai eu l’occasion de le dire au Premier ministre il y a quelques jours, notre état d’esprit est fait de bienveillance et de vigilance. Nous avons un devoir de solidarité vis-à-vis du Gouvernement, pour l’aider à protéger les Français, mais aussi un devoir de vérité vis-à-vis des Français.
Aucune loi n’a jamais été un remède en elle-même. Une loi est un cadre.
Lors de sa dernière intervention, le Président Emmanuel Macron a martelé l’anaphore : « Nous sommes en guerre. » En son temps, Napoléon disait que la guerre est un art d’exécution.
L’ensemble de mon groupe votera ce texte, et ce vote va vous obliger, monsieur le ministre, non vis-à-vis de nous, mais vis-à-vis des Français. Permettez-moi de vous faire trois propositions pour vous permettre, dans cet art d’exécution, de lutter encore plus efficacement contre cette épidémie.
Première proposition : la clarté du discours. Beaucoup de petites entreprises n’ont pas compris les conditions dans lesquelles elles pouvaient continuer ou non leur activité.
Mme Pascale Gruny. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Si le confinement est nécessaire, les secteurs les plus essentiels à la vie du pays doivent poursuivre leur activité. Nous demandons des consignes claires.
Deuxième proposition : une mise en œuvre décentralisée. Le salut ne viendra pas de Paris. L’affaire des masques le prouve : l’embolie est due à une bureaucratie qui veut tout diriger. La décentralisation et la déconcentration dans chaque département, autour des préfets, autour des élus, doivent prévaloir.
Troisième proposition : l’anticipation. Nous avons trop souvent eu le sentiment que nous avions un coup de retard : sur les masques, sur le confinement, mais aussi sur le dépistage massif.
Mme Pascale Gruny. Absolument !
M. Bruno Retailleau. De grâce, autorisez l’utilisation dans tous les hôpitaux du protocole défini par le professeur Raoult à Marseille, associant la chloroquine à une molécule d’antibiotique. La chloroquine est une vieille molécule, utilisée depuis plus de cinquante ans. Les contre-indications et les risques en sont assez bien connus. Nous sauverons des vies humaines. Nous n’avons rien à perdre.
Le combat de la semaine dernière était celui des masques. Le combat des prochains jours est celui du traitement. N’ayons pas à nouveau un coup de retard, car nous le regretterions profondément. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas et Hervé Marseille applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Le Président de la République a dit que cette épreuve serait un test pour notre démocratie. Comme la présidente de notre groupe Éliane Assassi vient de l’indiquer, l’objet du présent débat montre que c’est d’ores et déjà le cas aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas loin d’un article 16 déguisé.
Vous avez prolongé la durée d’application des dispositions du présent projet de loi de douze jours à deux mois. Mais ce n’est pas qu’une question de temporalité. Vous venez de supprimer un article – il faut que nos concitoyennes et nos concitoyens le sachent – prévoyant que les autorités administratives communiquent toute mesure prise ou mise en œuvre en application de la loi à l’Assemblée nationale et au Sénat et que le Parlement peut requérir toute information complémentaire en ce qui concerne le contrôle et l’évaluation de ces mesures ainsi que les conséquences sanitaires de l’épidémie de Covid-19. Cela montre que notre démocratie est mise à l’épreuve dès aujourd’hui.
Monsieur le ministre, l’action politique doit l’emporter sur la communication politique. Je rappelle que le Parlement n’est pas suspendu.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Non, en effet !
M. Pascal Savoldelli. Or, aux termes de l’article 24 de la Constitution, il évalue les politiques publiques.
Dans cette situation exceptionnelle, nous avons besoin de faire vivre et de réunir le Parlement, sous réserve, évidemment, de respecter les conditions de sécurité. Les deux mois prévus dans le texte ne doivent pas empêcher le Sénat comme l’Assemblée nationale de débattre des politiques publiques et de leurs effets. L’article 28 de la Constitution précise que le Parlement se réunit de plein droit. Il ne vous donne donc pas un blanc-seing.
Nous allons avoir un vote différent, mais nous avons à rassembler et à sécuriser la population française sur tous les territoires.
La suppression de l’article 13 que j’évoquais précédemment emporte non seulement des enjeux de démocratie, mais aussi de droit du travail. Sans vouloir critiquer les médias, j’avoue qu’ils ont traité sommairement le projet de loi de finances rectificative. Patrons comme salariés sont toujours confrontés au silence des assurances : les fonds de capitalisation ne sont pas mobilisés pour les petites et les moyennes entreprises et le risque sanitaire n’est toujours pas pris en compte dans le risque « catastrophe ». Autre sujet : les prêts bancaires sont garantis à 90 % par la BPI, mais les taux ne bénéficient d’aucun encadrement.
Notre démocratie est à l’épreuve maintenant, et le Parlement a un rôle extrêmement important à jouer aux côtés de nos salariés, des patrons et de l’ensemble de la population française.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Mon collègue Pascal Savoldelli vient d’aborder l’aspect économique. Je souhaite, pour ma part, dire deux mots de la question constitutionnelle.
L’article 16 de Constitution de la Ve République permet d’instaurer un régime d’exception. Plusieurs orateurs ont estimé que ce dernier était disproportionné par rapport à la situation actuelle. Pourtant, l’article 16 prévoit d’associer étroitement le Parlement et le Conseil constitutionnel à la mise en œuvre de ce régime d’exception.
Vous avez choisi de créer ex nihilo un nouveau régime d’exception, qui n’offre pas les mêmes garanties de consultation et de préservation des droits du Parlement et des libertés individuelles. Ce choix discutable doit être discuté, notamment par le Conseil constitutionnel. À tout le moins, il vous oblige à associer encore plus étroitement à la gestion de cette crise le Parlement et les juridictions administratives.
Face à l’épidémie, la République doit s’unir, certes, mais pas sous la seule autorité de l’exécutif. Toutes les composantes de la Nation doivent être associées dans un effort collectif et citoyen. Notre groupe veillera avec détermination au respect strict des principes constitutifs de la République.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. Au moment où les personnels de santé luttent avec courage contre la maladie dans notre pays – et nous les saluons tous les jours –, je rappelle que, pour ce qui nous concerne, nous sommes entrés il y a quatre jours dans cet hémicycle avec la volonté de rassembler nos concitoyens face à l’urgence sanitaire, sociale et humaine. Au terme de ces quatre jours, nous sortons de cette session avec un goût amer, parce que le travail effectué n’est pas à la hauteur de la situation.
Souvenez-vous que nous avons adopté un projet de loi de finances rectificative, qui débloque des sommes importantes pour aider l’économie – objectif que nous partageons –, mais toujours pas les moyens dont a besoin l’hôpital, qui ne prend aucune mesure à cette heure pour desserrer les contraintes en termes de dépenses de santé prévues par l’Ondam (objectif national de dépenses d’assurance maladie), qui ne prévoit rien pour interdire les licenciements pendant la crise sanitaire et qui comporte, dans le cadre de l’état d’urgence que nous votons aujourd’hui, des mesures dérogatoires au droit du travail extrêmement graves.
On nous explique que les dispositions sont modérées par les aménagements introduits dans le texte, mais je voudrais quand même rappeler, parce que nos concitoyens doivent le savoir, que le seul article 7 comporte dix alinéas du même acabit que celui que je vais citer : les ordonnances prévues permettent « à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique. »
De telles mesures ne sont pas de nature à rassembler le pays. Nous nous opposerons à ce qu’elles soient utilisées contre le monde salarié, qui n’a pas à subir une double peine. Nous connaissons trop bien la tentation qui consiste à faire payer ce type de crise aux petits, et nous n’accepterons pas qu’il en soit ainsi !
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Je voudrais d’abord souligner la qualité des échanges et du débat : je crois que le Sénat a été au rendez-vous en rappelant son exigence quant au respect des libertés, au nécessaire contrôle, à l’indispensable effectivité des mesures et à leur limitation dans le temps.
Évidemment, ce texte est un compromis, comme cela a été rappelé. Évidemment, il reste une interrogation légitime sur le choix à faire entre l’urgence, qui dicte de donner des moyens au Gouvernement, et le souci de ne rien sacrifier sur le fond de nos libertés, qu’il s’agisse des libertés publiques ou du droit du travail, en particulier.
Bien sûr, ce texte suscite encore des réticences et des désaccords sur certaines travées : ils sont légitimes, car ils sont l’expression de la démocratie. Je trouve très bien que le Sénat, dans sa diversité, puisse faire état de tous les points de vue. La démocratie n’est pas entre parenthèses. Le président Larcher et nous-mêmes nous sommes efforcés de ne rien sacrifier du débat.
Maintenant, il nous appartient à tous de faire vivre ce texte, avec scrupule, en ayant toujours le souci de la proportionnalité des mesures par rapport aux circonstances.
Comme le président Marseille l’a indiqué, nous voterons ce texte, mais nous serons très exigeants demain quant au contrôle de sa mise en œuvre, notamment s’agissant des ordonnances. Nous serons vigilants à ce que le Parlement soit associé à chacune des étapes de ce contrôle, à ce que les présidents de groupe puissent à tout moment obtenir les informations dont ils ont besoin pour l’exercer et à ce que les sénateurs, en fonction des contraintes liées à l’état d’urgence sanitaire, puissent évidemment y être associés.
Nous sommes en effet soucieux de répondre à une situation extraordinaire, qui implique que nos concitoyens soient aujourd’hui confinés. Ceux-ci attendent du Parlement qu’il continue d’assumer sa mission constitutionnelle, avec toute l’exigence qui doit être la sienne, mais, en même temps, qu’il contribue à améliorer, autant que faire se peut, la situation.
En tout cas, le fait que le Sénat continue à accomplir sa mission au service de tous, comme il le fait aujourd’hui, constitue une garantie pour chacun d’entre nous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je veux dire quelques mots pour que chacun ait pleine conscience de ses responsabilités.
Le Parlement a fait son travail en menant des débats de fond, de manière certes rapide, mais efficace. Nous restons, nous l’avons dit, insatisfaits des moyens qui seront donnés au Parlement, notamment au Sénat, pour contrôler l’action du Gouvernement. Pour autant, nous sommes disponibles et tout à fait mobilisés dans le cadre du confinement pour poursuivre notre travail de contrôle. Nous examinerons chaque information fournie par le Gouvernement et nous pourrons ainsi communiquer aux Françaises et aux Français l’avis de leurs représentants.
Je voudrais rappeler au Gouvernement, en ce moment particulier où les Français sont confinés, où les soignantes et les soignants, les caissières se trouvent en première ligne – il y a de nombreuses autres professions dans ce cas de figure que nous remercions tous très sincèrement –, qu’il doit certes entendre la volonté commune d’union nationale qui s’exprime pour lutter ensemble et juguler cette épidémie, mais aussi tenir compte des tensions qui montent, car les inégalités sont criantes et encore plus difficiles à vivre dans le cadre du confinement.
Être confiné chez soi n’a pas les mêmes conséquences pour tout le monde : cela dépend du logement où l’on vit, de sa situation au regard de l’avenir et du chômage partiel, ou de sa profession – je pense notamment aux indépendants et aux intermittents du spectacle.
Évidemment, les mesures que prendra le Gouvernement pour tenir compte de ces inégalités et faire en sorte que la crise ne les aggrave pas sont extrêmement importantes. Or les premiers éléments dont nous disposons, notamment dans le projet de loi de finances rectificative, ne sont pas à la hauteur. Ce texte comporte certes un certain nombre de mesures d’importance, mais aussi des mesures dangereuses, qui suscitent notre inquiétude.
Nous exercerons notre contrôle, car c’est là notre rôle, et nous le ferons à tout instant, réunis ou bien confinés chez nous. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Organisation des travaux
M. le président. Il me paraît essentiel – je viens d’ailleurs de l’entendre sur toutes les travées – que, même dans l’épreuve que connaît aujourd’hui notre nation, nos institutions puissent continuer à fonctionner et que le Sénat et l’Assemblée nationale assument pleinement leurs missions, dont la continuité est indispensable au bon fonctionnement de notre démocratie parlementaire.
Il est toujours plus facile pour une dictature ou un régime autoritaire de prendre des mesures sévères que pour nos démocraties qui ont, elles, un devoir particulier.
C’est pourquoi, comme je vous l’avais indiqué lors de notre précédente séance publique, nous maintiendrons, ainsi que l’a décidé la conférence des présidents, des séances de questions au Gouvernement le mercredi à quinze heures dans un format restreint et adapté, dont les modalités vous seront communiquées très rapidement. Il me paraît essentiel que le Sénat puisse exercer son rôle en organisant ses travaux de la sorte et en agissant selon des modalités que nous avons évoquées, mais que nous n’arrêterons définitivement qu’après nous être coordonnés, les présidents de groupe et moi-même.
En conclusion, je voudrais remercier tous ceux qui nous ont permis de faire fonctionner notre assemblée, ainsi que les collaborateurs des parlementaires. J’ai une pensée particulière pour ces sénateurs qui, je le sais par les messages très nombreux que je reçois, piaffent derrière leur écran en cet instant en raison du double confinement – physique et psychologique – qu’ils sont en train de vivre, mais ils doivent savoir qu’ils ont une responsabilité à l’égard du pays.
Je remercie tout particulièrement le président Bas pour avoir présidé cette commission mixte paritaire. Je souhaite également saluer, non seulement le travail des membres de la commission mixte paritaire, mais aussi celui de la commission des lois, de la commission des affaires sociales, de la commission des affaires économiques et de la commission des finances.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 25 mars 2020 :
À quinze heures :
Questions au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quinze.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication