compte rendu intégral
Présidence de M. Vincent Delahaye
vice-président
Secrétaires :
M. Daniel Dubois,
M. Guy-Dominique Kennel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été mis en ligne sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Loi de finances rectificative pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2020 (projet n° 403, rapport n° 406).
Nous poursuivons l’examen des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE (suite)
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier (Suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
MESURES FISCALES
Articles additionnels après l’article 1er (suite)
M. le président. L’amendement n° 235, présenté par M. Marseille et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Les dettes fiscales dues, échues ou mises en recouvrement entre le 1er mars 2020 et le 31 janvier 2021 font l’objet d’un échéancier de paiement qui s’étend du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2035.
Le champ d’application et les modalités de mise en œuvre du présent article sont prévus par décret.
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du I est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Cet amendement amorce le débat que nous allons avoir sur l’annulation des charges fiscales et sociales, qui mobilise mon groupe depuis plus de dix jours. Beaucoup, sur ces travées, partagent l’intention d’une telle annulation. Il se trouve que l’examen de l’amendement de mon groupe sur l’annulation des charges a été reporté après l’article 1er quinquies ; il fera l’objet d’une discussion commune avec l’amendement n° 206 du rapporteur général. On estimera donc sans doute un peu décalée la défense du présent amendement à ce moment de notre discussion, mais elle nous permet au moins de commencer à avoir ce débat.
Cette crise met en grande difficulté, voire en péril, de nombreuses PME, de nombreux commerces, de nombreuses activités. Or le report de charges, à nos yeux, n’est pas pertinent. On ne peut pas demander à des gens qui ne vont pas percevoir de recettes pendant des semaines et des mois, qui ne savent pas quand ils vont pouvoir recommencer à travailler ni avec quels débouchés, de payer des taxes et des charges, à une échéance au demeurant inconnue. À l’évidence, si l’on veut les aider, il faut annuler ces charges sur une période donnée.
Le ministre de l’économie a fait un pas en avant en disant publiquement que les métiers de la restauration et de l’hôtellerie étaient prioritaires – personne n’en disconvient – et qu’on pourrait étudier au cas par cas l’opportunité d’une annulation des charges. Il faut aller, me semble-t-il, vers quelque chose de beaucoup plus systématique et de beaucoup plus fort, c’est-à-dire, comme je l’ai dit, vers une annulation des charges sur une période donnée pour un certain nombre d’activités. C’est la raison pour laquelle nous proposerons, comme d’autres – de nombreux amendements seront discutés sur ce sujet tout à l’heure –, l’annulation des charges fiscales et sociales.
Je précise que cet amendement avait plutôt vocation à être examiné au sein d’une discussion commune avec les autres auxquels je viens de faire allusion. Le hasard de la séance fait qu’il se trouve placé ici. Il s’agissait d’un amendement de repli visant à reporter le paiement de ces taxes sur plusieurs années au cas où elles n’auraient pas été annulées ; mais j’espère bien que nous aboutirons tout à l’heure, avec le Gouvernement, à une annulation des charges fiscales et sociales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Hervé Marseille lance le débat que nous aurons tout à l’heure ; il a lui-même fait état du caractère un peu prématuré de cette discussion.
La situation est très claire : certaines entreprises ne pourront pas payer leurs charges, notamment celles dont l’activité continuera à être interdite par décision administrative au-delà du 11 mai. Le Président de la République et le Gouvernement ont d’ores et déjà annoncé une liste de secteurs pour lesquels on sait qu’il n’y aura pas de réouverture à cette date. Les entreprises des secteurs de la restauration, du tourisme, de l’événementiel, notamment, n’auront aucun chiffre d’affaires à un moment qui est sans doute, pour elles, le meilleur de l’année – dans l’événementiel ou pour les traiteurs, par exemple, les mois de mai et de juin et les mois d’été sont en général les meilleurs.
Il faut donc regarder les choses en face. C’est la raison pour laquelle je proposerai tout à l’heure – Hervé Marseille l’a annoncé – un amendement visant non pas à reporter indéfiniment des charges qui ne pourront en définitive pas être payées, mais à les annuler purement et simplement. Je proposerai un mécanisme de crédit d’impôt pour les entreprises dont l’activité resterait impossible au-delà de la date du 11 mai.
Votre souhait sera donc plus que satisfait sur le fond, mon cher collègue, puisque vous proposez un étalement. Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement de la commission des finances que nous examinerons tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, pour deux raisons essentiellement, indépendamment du fait que, comme vous l’avez dit, le débat sur les annulations de charges aura lieu dans un instant.
Première raison : nous avons eu l’occasion, dans plusieurs enceintes, de dire quelles étaient les mesures mises en œuvre par le Gouvernement. Comme M. le rapporteur général et vous-même l’avez rappelé, le ministre de l’économie et des finances et le ministre de l’action et des comptes publics ont annoncé qu’un certain nombre de secteurs feraient l’objet d’annulations de charges, dans le respect du droit communautaire.
Deuxième raison : vous proposez un plan d’étalement du règlement des charges sur quinze ans, que vous présentez vous-même comme une solution de repli. Or, aujourd’hui, à droit constant, les plans proposés ne peuvent excéder deux ans. Nous travaillons à des plans plus longs – ils seront certainement nécessaires –, mais pas nécessairement longs de quinze ans. Nous travaillons également à accroître le caractère automatique des modalités d’accès à ces plans plus longs.
Au bénéfice de ces explications et dans l’attente du débat que nous aurons tout à l’heure, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Monsieur Marseille, l’amendement n° 235 est-il maintenu ?
M. Hervé Marseille. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 235 est retiré.
L’amendement n° 91, présenté par MM. Temal, M. Bourquin et Tissot, Mme Artigalas, MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mme Taillé-Polian, MM. Duran et Montaugé, Mmes Guillemot et Conconne, MM. Bérit-Débat, Joël Bigot, Courteau et Daunis, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Préville et Monier, M. Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce, le versement de dividendes, l’octroi d’acomptes sur dividendes et l’attribution d’intérêt à titre de premier dividende, en numéraire ou en actions, sont interdits en 2020 sur le bénéfice distribuable du dernier exercice clos aux sociétés, quelle que soit leur forme juridique, dont le total de bilan est supérieur à vingt millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires net est supérieur à quarante millions d’euros, au titre de l’exercice 2019 et ayant bénéficié, en 2020, d’au moins une des aides publiques suivantes :
1° La société a bénéficié du fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ;
2° La société a bénéficié de délais de paiement d’échéances sociales ou fiscales ou de la remise d’impôts directs ou de cotisations sociales ;
3° La société a bénéficié d’un prêt garanti par l’État ;
4° La société a bénéficié de la médiation du crédit pour le rééchelonnement de ses crédits bancaires ;
5° La société a bénéficié du dispositif d’activité partielle précisé par l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle ;
6° La société a bénéficié de la non-application de pénalités du fait de sa carence dans l’exécution d’un marché public conclu avec l’État, une collectivité territoriale ou un établissement public ;
7° La société a bénéficié du dispositif de report de paiement des loyers et factures.
II. – La même interdiction que celle prévue au I s’applique à la mise en distribution de sommes prélevées sur les réserves en application de l’article L. 232-11 du même code.
III. – Toute délibération antérieure ou postérieure à la publication de la présente loi et contrevenant aux dispositions du I ou II est nulle.
IV. – Toute société contrevenant au présent article est redevable d’une amende équivalente au montant ou, le cas échéant, à la valeur des dividendes indûment versés, majorée d’une pénalité correspondant à 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé de la société.
V. – Pour l’application du I, le chiffre d’affaires s’entend du chiffre d’affaires réalisé par la société au cours de l’exercice 2019, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
VI. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
M. Jean-Claude Tissot. Cet amendement vise à interdire en 2020 le versement de dividendes aux sociétés ayant bénéficié de la solidarité nationale dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Au regard de la gravité de la situation économique et de la mobilisation massive de la puissance publique, le ministre de l’économie et des finances a demandé aux entreprises qui bénéficient d’aides publiques – garantie, chômage partiel, fonds d’indemnisation – de renoncer au versement de dividendes en 2020. À ce stade, cette demande relève de la seule intention.
Aussi cet amendement vise-t-il à inscrire dans la loi l’engagement demandé par le ministre de l’économie et des finances aux entreprises concernées. Il a pour objet d’interdire en 2020 le versement de dividendes aux sociétés, quelle que soit leur forme juridique, ayant bénéficié d’au moins une des aides directes ou indirectes de l’État mises en œuvre pour amortir les effets économiques de la crise.
Ne sont concernées que les sociétés dont le total de bilan est supérieur à 20 millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires est supérieur à 40 millions d’euros. Il s’agit d’exclure les petites entreprises, les entreprises de l’économie sociale et solidaire ou les GAEC (groupements agricoles d’exploitation en commun), par exemple, afin de ne pas décourager l’actionnariat populaire.
Cette interdiction s’étend à toute forme de dividende, y compris les avances et les intérêts sur premier dividende, qu’ils soient en numéraire ou en actions.
Il est également prévu que toute délibération des actionnaires qui contreviendrait à ces dispositions soit nulle. Une sanction est prévue en cas de non-respect de cette interdiction : une amende correspondant au montant ou à la valeur des dividendes ainsi versés, majorée de 5 % du chiffre d’affaires mondial consolidé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. J’invite notre collègue à retirer son amendement. Il nous semble en effet satisfait, puisque le Gouvernement a indiqué – M. le secrétaire d’État va sans doute nous le confirmer – que le contrat de prêt garanti par l’État prévoit, pour les grandes entreprises, l’interdiction de ne pas distribuer de dividendes en 2020. L’entreprise doit s’y engager ; en cas de non-respect de cet engagement, le texte même du contrat contient une clause résolutoire stipulant que l’entreprise doit procéder au remboursement intégral du principal, assorti d’une majoration de retard de 5 %, plus 0,2 % par mois de retard. Cette clause nous paraît plus favorable que la disposition que vous proposez.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je confirme ce que vient de dire M. le rapporteur général concernant les contrats qui encadrent l’accès au prêt garanti par l’État. J’ajoute que nous procédons de la même manière pour les reports d’échéances fiscales et sociales : nous demandons aux plus grandes entreprises de s’engager à ne pas verser de dividendes si elles souhaitent bénéficier de l’accompagnement de l’État. Cela est conforme à l’objectif que vous défendez ; votre amendement est donc satisfait.
M. le président. Monsieur Tissot, l’amendement n° 91 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Tissot. Compte tenu des explications de M. le secrétaire d’État, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 91 est retiré.
L’amendement n° 99, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande, Lurel, Bérit-Débat, Joël Bigot, M. Bourquin, Courteau et Daunis, Mmes Grelet-Certenais et G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Préville et Monier, MM. Temal, Todeschini et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation aux articles L. 232-10 à L. 232-20 du code de commerce, le versement de dividendes, l’octroi d’acomptes sur dividendes et l’attribution d’intérêt à titre de premier dividende, en numéraire ou en actions, sont interdits en 2020 sur le bénéfice distribuable du dernier exercice clos aux sociétés, quelle que soit leur forme juridique, dont le total de bilan est supérieur à vingt millions d’euros ou dont le chiffre d’affaires net est supérieur à quarante millions d’euros, au titre de l’exercice 2019 et ayant bénéficié, en 2020, du remboursement accéléré du crédit d’impôt pour dépenses de recherche défini par les articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Cet amendement, qui est un peu dans le même esprit que l’amendement précédent, vise à interdire aux entreprises qui ont bénéficié du versement anticipé du crédit d’impôt recherche pour 2020 de verser des dividendes la même année.
On fait des avances de trésorerie – un certain nombre d’entreprises n’en ont pas forcément besoin : il y a malgré tout des entreprises qui continuent leur activité – sans conditionner cette aide, sauf erreur de ma part ; cela ne me semble pas approprié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Avis défavorable.
Il n’y a pas de rapport entre le crédit d’impôt recherche, qui vise à financer la recherche, et les mesures d’urgence. Une entreprise peut avoir besoin de financer son action de recherche et connaître par ailleurs, du fait d’une baisse d’activité entraînée par une fermeture administrative qui doit être, je l’espère, temporaire, des difficultés de trésorerie et, donc, avoir besoin d’un prêt de sa banque garanti par l’État.
Interdire aux entreprises de bénéficier du prêt garanti par l’État dès lors qu’elles ont bénéficié du versement anticipé du CIR, c’est mélanger deux problèmes : d’une part, le besoin de financer la recherche et, d’autre part, les mesures d’extrême urgence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Même avis, défavorable, pour les mêmes raisons.
Nous tenons à ce que le crédit d’impôt recherche soit accessible aux entreprises qui innovent et qui font de la recherche ; son versement ne doit pas être conditionné comme l’est l’accès aux outils d’accompagnement que nous mettons en place.
M. le président. L’amendement n° 194, présenté par Mmes Gatel et Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pour les versements effectués par les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés avant le 31 décembre 2020 auprès du Trésor public, le taux de la réduction d’impôt prévue au 1 de l’article 238 bis du code général des impôts est porté à 75 % sans tenir compte de l’application de la limite de 5 pour mille du chiffre d’affaires mentionnée au même 1.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. L’objet de cet amendement est d’encourager les entreprises, par des mesures fiscales incitatives pour l’année 2020, à contribuer aux recettes du fonds de solidarité mis en place par l’État.
La disposition que nous proposons s’inspire des mesures votées dans le cadre de la souscription nationale lancée en 2019 pour les travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris : il s’agit de porter à 75 % le taux de déduction d’impôts pour les entreprises, au lieu de 60 % actuellement.
L’augmentation de cette déduction fiscale n’a pour seul objectif que de permettre de nouvelles sources de financement dans la durée pour accompagner la reprise économique post-crise et ainsi consolider notre réseau de petites entreprises, où travaillent un très grand nombre de salariés non délocalisables et qui participent à la richesse de nos territoires.
Les fonds ainsi collectés seront réinvestis localement et viendront s’ajouter à la solidarité nationale engagée par l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’idée est bonne : demander aux entreprises de participer au fonds de solidarité en les y incitant fiscalement. La seule difficulté est que le texte de l’amendement ne prévoit aucune limite : vous proposez un taux de déduction évidemment très favorable tout en faisant sauter la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires. Cela veut dire, tout simplement, que les entreprises auraient intérêt à ne plus payer d’IS et à tout verser en dons ouvrant droit à cette réduction d’impôt mécénat.
Je prends un exemple : hier, nous avons eu un débat sur la contribution des assurances à ce fonds de solidarité. Les assureurs se précipiteraient sur une telle disposition, dont je ne suis pas sûr qu’elle soit très opportune. Par définition, cela leur permettrait de ne plus payer d’impôt sur les sociétés ; leur impôt tomberait à 25 % de son montant initial, ce qui serait extrêmement favorable. Concrètement, une telle mesure reviendrait à accorder une sorte de super-réduction aux compagnies d’assurance.
À défaut de limite – vous ne reprenez pas la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires –, la mise en œuvre de cette disposition provoquerait une baisse du produit de l’IS, qui est déjà – nous l’avons vu hier ; je l’ai dit dans mon propos liminaire et le Gouvernement l’a confirmé – en très forte baisse. Si l’on permettait aux entreprises de déduire 75 % de leur IS sous forme de dons, je pense qu’elles se précipiteraient sur le dispositif, mais nos recettes fiscales en souffriraient beaucoup.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’adoption de cet amendement produirait un effet d’aubaine qui n’est pas, me semble-t-il, l’objectif de ses auteurs.
Par ailleurs, des entreprises ont d’ores et déjà fait le choix, dans les conditions actuelles, de participer au fonds de solidarité nationale. Nous les en remercions : leur contribution est utile pour financer les dispositifs qui sont mis en place.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Vermeillet, l’amendement n° 194 est-il maintenu ?
Mme Sylvie Vermeillet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 194 est retiré.
L’amendement n° 156 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel, Collin et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les majorations de rémunérations prévues en application des dispositions relatives au travail dominical aux articles L. 3132-12 et suivants du code du travail sont exonérées d’impôt sur le revenu.
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. Le code du travail permet aux établissements dont le fonctionnement ou l’ouverture sont rendus nécessaires par les contraintes de la production, de l’activité ou des besoins du public de déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement. En cette période d’état d’urgence sanitaire, le rythme hebdomadaire de nos semaines de travail a été bouleversé. Pour de nombreuses chaînes de production, d’acheminement, de distribution et de vente, les jours se suivent et se ressemblent. Ces chaînes tournent au service de nos concitoyens vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de leur garantir les biens les plus essentiels et les services les plus élémentaires.
Les travailleurs de ces chaînes, hier invisibles, se révèlent. Aujourd’hui, il est de notre devoir de leur dire merci avant de penser, demain, à une revalorisation sociale et financière de leurs métiers, lorsque nous serons sortis de la crise.
Dans les commerces de détail alimentaires, en grande surface notamment, les salariés peuvent bénéficier d’une majoration de salaire pour le travail du dimanche. Cet amendement vise à encourager cette pratique en défiscalisant les éventuelles majorations de rémunération dominicale.
Pour saluer le travail fourni sans relâche par ces Français sur cette ligne de front, je vous encourage, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je partage 100 % de ce que vous avez dit, ma chère collègue. La situation actuelle met une certaine pression sur les commerces qui sont ouverts le dimanche, les boulangeries par exemple, et oblige certains salariés à travailler plus, parce que d’autres salariés sont en retrait, arrêtés pour garde d’enfant ou malades. Il est important que ce travail supplémentaire soit encouragé, y compris par des dispositifs tels que celui que vous proposez.
Je vais néanmoins vous inviter à retirer votre amendement au profit de celui que la commission des finances a déposé, qui vise à exonérer les heures supplémentaires réalisées pendant la période de crise sanitaire de charges sociales ainsi que d’impôt sur le revenu au-delà de la limite de 5 000 euros. Ce dispositif a un objet plus large et couvre ipso facto la mesure que vous proposez.
Nous enverrions un signal important en décidant de ne pas taxer les heures supplémentaires effectuées par des salariés qui n’ont pas forcément demandé ce surcroît de travail, mais qui sont celles et ceux qui assurent au quotidien les services essentiels à la vie de la Nation.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je demande le retrait de cet amendement ou, à défaut, l’avis sera défavorable, pour des raisons un peu différentes de celles qui viennent d’être exposées.
Nous retrouvons, avec cet amendement, une forme de ligne de partage entre ce qui relève à nos yeux des mesures d’urgence et ce qui pourrait relever des mesures de relance et d’accompagnement de la relance. À ce titre, nous considérons qu’il serait peut-être prématuré, à ce stade de nos débats, d’adopter une telle disposition.
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 156 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement de la commission. Je remercie le rapporteur général d’avoir pris en compte ma demande.
M. le président. L’amendement n° 156 rectifié est retiré.
Article 1er bis (nouveau)
Le titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 1 du I de la 1ère sous-section de la section II du chapitre Ier est complété par un article 14 B ainsi rédigé :
« Art. 14 B. – Ne constituent pas un revenu imposable du bailleur les éléments de revenus relevant du présent I ayant fait l’objet, par le bailleur, d’un abandon ou d’une renonciation dans les conditions et limites mentionnées au 9° du 1 de l’article 39. L’application du présent article ne fait pas obstacle à la déduction des charges correspondant aux éléments de revenus ayant fait l’objet d’un abandon ou d’une renonciation. » ;
2° L’article 39 est ainsi modifié :
a) Le 1 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les abandons de créances de loyer et accessoires consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 juillet 2021, dans leur intégralité. » ;
b) Le 13 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent 13 n’est pas applicable aux abandons de créances mentionnés au 9° du 1 du présent article. » ;
3° Le A du VI est complété par un article 92 B ainsi rédigé :
« Art. 92 B. – Les éléments de revenus relevant du présent VI ayant fait l’objet d’un abandon ou d’une renonciation dans les conditions et limites mentionnées au 9° du 1 de l’article 39 ne constituent pas une recette imposable de la personne qui les consent ou supporte. L’application du présent article ne fait pas obstacle à la déduction des charges correspondant aux éléments de revenu ayant fait l’objet d’un abandon ou d’une renonciation. » ;
4° Avant le dernier alinéa du 1 de l’article 93, il est inséré un 9° ainsi rédigé :
« 9° Les abandons de créances mentionnés au 9° du 1 de l’article 39, sous réserve, si l’aide prend la forme d’une renonciation ou d’un abandon d’un élément de revenu imposable, que l’élément de revenu correspondant soit pris en compte dans le calcul du bénéfice imposable. » ;
5° Le I de l’article 209 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation, l’avant-dernier alinéa du présent I s’applique à l’ensemble des abandons de créances consentis entre le 15 avril 2020 et le 31 juillet 2021 mentionnés au 9° du 1 de l’article 39. »