M. le président. Monsieur Segouin, l’amendement n° 44 rectifié est-il maintenu ?
M. Vincent Segouin. Non, monsieur le président, je le retire au profit de celui de la commission.
M. le président. L’amendement n° 44 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 203.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
L’amendement n° 281, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 683 bis du code général des impôts, il est inséré un article 683 … ainsi rédigé :
« Art. 683 …. – Le vendeur de tout bien immobilier assujetti aux droits de publicité foncière est également assujetti à une contribution de solidarité urbaine. Cette contribution est due dès lors que la valeur de la transaction effectuée est supérieure de 10 % à la valeur correspondant à un prix de référence fixé à 9 000 € au mètre carré de surface habitable.
« La contribution est fixée à 10 % de la différence entre le montant de la transaction effectuée et la valeur résultant de l’application du prix de référence défini au premier alinéa.
« Le prix de référence et le taux de la contribution peuvent être révisés annuellement par décret pour les adapter à l’évolution du montant des transactions. »
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
M. Pascal Savoldelli. Ma collègue Marie-Noëlle Lienemann serait mieux à même de présenter cet amendement d’appel, qui vise à prévoir « l’après ». Nous pourrons certes le retirer, mais nous aimerions que vous nous donniez des informations, monsieur le secrétaire d’État.
Nous craignons en effet une survalorisation immobilière dans le cadre d’opérations d’acquisitions faites par des salariés et des gens modestes. On peut comprendre qu’en ce moment présent de doute et d’inquiétude l’investissement dans la pierre rassure.
Une autre question se pose : la survalorisation immobilière pour les entreprises. Des chefs d’entreprise seront en effet obligés de changer d’activité économique, de se réorienter, et souhaiteront peut-être acheter, alors qu’ils payaient jusqu’à présent un loyer pour leurs locaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je veux rassurer M. Savoldelli : actuellement, il n’y a pas de survalorisation immobilière, parce qu’il n’y a aucune transaction. Les études notariales et les agences immobilières étant fermées, aucun acte notarié n’est établi.
Il est donc très difficile en cette période de crise d’observer une quelconque survalorisation des prix, et nul ne sait quelle sera l’évolution du marché immobilier. Y aura-t-il une restriction du crédit immobilier ? C’est une hypothèse. Les prix se maintiendront-ils ? Le marché immobilier fera-t-il l’objet d’une correction, comme c’est souvent le cas lors des crises liées à la baisse du pouvoir d’achat et aux difficultés des entreprises ? Tous ces éléments ne concourent guère à une augmentation des prix de l’immobilier…
La proposition me paraît donc hors de propos. Les transactions étant au point mort, ce n’est pas le moment d’instaurer une contribution virtuelle.
Cet amendement d’appel n’ayant pas sa place dans un texte d’urgence, j’en demande le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je partage le constat du rapporteur général sur l’absence actuelle de transactions, à tel point que nous avons prévu de dématérialiser une partie des procédures, notamment les signatures d’actes. Malgré cela, le niveau du marché reste très bas. Le risque que vous évoquez n’est donc pas constaté à date.
Votre amendement, que vous qualifiez vous-même d’amendement d’appel, peut servir à éveiller notre vigilance. L’évolution du marché de l’immobilier, que l’on ne peut prévoir à ce stade, nous indiquera si un tel risque existe ; nous verrons alors quelles mesures il conviendra de prendre.
Je demande donc le retrait de l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Même s’il est vraisemblable que l’amendement sera retiré, je suis quelque peu surpris par l’intervention de notre collègue Savoldelli. Je pensais que son amendement d’appel visait à pointer la situation dans laquelle se retrouveront certains bailleurs sociaux à l’issue de cette crise. Il est en effet indiqué dans l’objet de l’amendement que la taxe en question, laquelle n’est effectivement pas très opportune dans le contexte, devrait bénéficier aux bailleurs sociaux en difficulté.
Ce sera un véritable sujet dans certains territoires – je pense bien évidemment à la Seine-Saint-Denis –, où des bailleurs sociaux, d’ores et déjà très touchés par les mesures décidées par le Gouvernement, seront de nouveau impactés par les effets de la crise actuelle, certaines familles se trouvant en difficulté pour payer leur loyer. Nous devrons y réfléchir à l’occasion d’un prochain texte.
Monsieur le secrétaire d’État, je me permets une petite incidente. Je vous avais interrogé lors de la réunion de la commission des finances, qui s’est tenue en visioconférence, sur la réforme des APL, qui devait entrer en vigueur le 1er avril et qui va sans doute être repoussée au-delà de 2020. J’avais appelé votre attention sur le fait qu’il allait manquer 1,2 milliard d’euros au FNAL. Vous m’aviez alors répondu qu’il n’y aurait pas d’impact de ce report en 2020 et que l’on verrait cela l’année prochaine. Or ce report aura bien un impact en 2020, puisque les crédits inscrits prenaient en compte l’économie que la réforme entraînait.
J’aimerais entendre votre point de vue sur le FNAL, car, à mon sens, les crédits budgétaires n’y sont pas. Par ailleurs, il y aura certainement une augmentation du nombre de bénéficiaires de l’APL.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, même si nous sommes quelque peu hors sujet….
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur Dallier, peut-être n’ai-je pas été assez clair lors de la réunion de la commission. Je vous avais répondu en deux points. Premièrement, il nous paraît trop tôt à ce stade pour acter un report de la réforme de l’APL au-delà de 2020. Deuxièmement, pour confirmer votre analyse sur les conséquences pour le FNAL d’un report de cette réforme au-delà de 2020, j’avais dit, loin de nier cet impact, qu’il faudrait en tirer les conséquences.
M. Philippe Dallier. Dont acte !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Gérald Darmanin a précisé que d’autres textes financiers, voire un PLFR 3, seraient présentés si la situation présente devait durer ou évoluer. Ce serait alors l’occasion de régler cette question. Mais je n’avais pas reporté l’échéance…
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Je l’ai dit, c’est un amendement d’appel. Par conséquent, nous le retirons. Nous examinerons d’ailleurs, dans la suite du débat, des amendements provenant de plusieurs groupes relatifs aux difficultés rencontrées par un certain nombre de nos concitoyens pour s’acquitter de leur loyer.
J’ai un point de convergence avec Philippe Dallier, et il le sait, car nous vivons la même chose : bon nombre de familles ne parviendront plus à payer leur loyer. Or tous les bailleurs sociaux n’ont pas la même structure financière. Certains auront la volonté et la capacité de reporter les échéances sur plusieurs mois, comme cela se fait dans d’autres pays européens, comme le Portugal. D’autres n’auront pas la trésorerie suffisante pour le faire.
Nous voulons appeler l’attention de l’exécutif sur ce débat, qui ne manquera pas de revenir.
M. le président. L’amendement n° 281 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 6 rectifié quater est présenté par Mmes N. Goulet et Vermeillet, M. Delcros, Mme Guidez, MM. Longeot, Louault, Maurey et Moga, Mmes Joissains, Loisier et Létard, MM. P. Martin, Laugier et Prince, Mme Doineau, M. Houpert et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 221 rectifié est présenté par MM. Chasseing, Decool, Bignon, Wattebled et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Capus, Guerriau, Fouché et Laufoaulu.
L’amendement n° 301 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 1er et 1er bis de la présente loi, comme les dispositions de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020, ne s’appliquent pas aux entreprises dont des filiales ou établissements sont établis dans des États et territoires non coopératifs.
La parole est à M. Pierre Louault, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié quater.
M. Pierre Louault. Cet amendement proposé par Nathalie Goulet vise, à l’instar de ce qui existe au Danemark, à priver toute entreprise enregistrée dans un paradis fiscal du bénéfice des mesures d’aides mises en place par l’État dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19. L’ensemble des aides prévues dans le projet de loi de finances rectificative ainsi que le dispositif de chômage partiel sont concernés.
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° 221 rectifié.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement va me réconcilier avec mes collègues Savoldelli et Bocquet, puisqu’il est identique à celui présenté par le groupe communiste. Comme quoi, on peut être de droite et avoir des idées généreuses (M. Claude Raynal s’esclaffe.) et de la morale. (Sourires.)
L’idée est extrêmement simple : pas d’aide pour les sociétés ayant un établissement ou une filiale dans un paradis fiscal.
M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 301.
M. Pascal Savoldelli. Cet amendement devrait recueillir, comme ce fut le cas hier soir, l’unanimité du Sénat. Cela aiderait la France lors des négociations portant sur les paradis fiscaux, les pratiques des GAFA et toute cette évasion d’argent…
J’ai entendu hier qu’on voulait s’attaquer aux manques du budget voté par l’Assemblée nationale. Sur ce point, le vote de cet amendement serait très significatif !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ces trois amendements identiques nous paraissent quelque peu symboliques.
Concrètement, les dispositifs visés sont le fonds de solidarité, prévu à l’article 1er, et la déductibilité des abandons de créances, à l’article 1er bis. Or le fonds de solidarité concerne des entreprises qui réalisent moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires et comptent moins de dix salariés.
Seraient donc visés par l’amendement des TPE (très petites entreprises), telles que des commerçants, des artisans ou des travailleurs indépendants, qui auraient une filiale dans un État ou un territoire non coopératif en matière fiscale, par exemple à Anguilla, aux Seychelles, au Vanuatu, aux Fidji, sur l’île de Guam, aux Samoa américaines ou encore à Trinité-et-Tobago… Je doute qu’un boucher-charcutier qui a besoin de l’aide de l’État, un commerçant dont l’établissement est actuellement fermé ou un restaurateur aient une filiale dans ces territoires !
Ce dispositif me paraît surabondant, car ces situations semblent purement théoriques. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je partage l’avis du rapporteur général sur la portée extrêmement limitée des amendements. Il faudrait que des entreprises éligibles aux dispositifs d’aide prévus aient des filiales ou soient associées à des entreprises localisées dans un État ou un territoire non coopératif.
L’amendement du Gouvernement, que vous avez bien voulu voter précédemment et qui vient clarifier la rédaction de l’article adopté par l’Assemblée nationale sur la déduction fiscale et la neutralité fiscale des loyers qui ne seraient pas versés, restreint d’ores et déjà le champ d’application et limite les risques évoqués dans les présents amendements.
J’ajoute que la rédaction proposée pourrait entraîner une confusion ou des difficultés : des entreprises susceptibles de bénéficier légitimement d’un abandon de créances risquent d’y renoncer. Or nous parlons bien d’entreprises de petite taille ou en situation difficile. L’avis est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour explication de vote.
M. Pierre Louault. Peut-être y a-t-il un problème rédactionnel, mais nous visons l’ensemble des aides versées à toutes les entreprises dans cette période.
Priver les entreprises ayant des ramifications dans les paradis fiscaux des aides de l’État prévues dans la loi de finances est un principe qu’il faudrait retenir systématiquement !
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour explication de vote.
M. Emmanuel Capus. Nous en avions déjà discuté au sein de la commission des finances. Rassurez-vous, sont exclues de la mesure que nous proposons toutes les TPE de type plombiers, charcutiers, bouchers… Par définition, elles ne sont pas concernées, puisqu’elles n’ont pas de filiale ou d’établissement dans un paradis fiscal.
Nos amendements, qui visent les sociétés ayant un établissement dans un paradis fiscal, sont en effet symboliques. Par définition, une filiale ou un établissement installé dans un tel territoire est une simple boîte aux lettres, ce qui implique un faible nombre de salariés – moins de dix. Il n’est pas totalement exclu que de telles sociétés fictives, qui sont des coquilles vides, puissent demander des aides.
Je partage l’analyse de Pierre Louault : il y a un problème rédactionnel dans les amendements. Il ne faudrait pas viser les seuls articles 1er et 1er bis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il ne s’agit pas simplement d’un petit problème rédactionnel ! Ces amendements sont totalement inopérants, puisqu’ils visent, premièrement, le fonds de solidarité et, deuxièmement, l’abandon de créances s’agissant des baux commerciaux. Le chômage partiel n’est pas visé.
Vous inventez une usine à gaz juridique pour une aide au titre du fonds de solidarité qui s’élève, je le rappelle, à 1 500 euros ! Même si je comprends l’esprit des amendements, leur rédaction doit être totalement revue. Nous votons des dispositions normatives. Si vous voulez viser la garantie de l’État accordée aux grandes entreprises, il faut présenter un autre amendement…
J’entends bien qu’une entreprise qui est une coquille vide n’a pas beaucoup de salariés, mais, pour être éligible au fonds de solidarité, il est obligatoire d’être résident fiscal en France. Ces amendements, loin d’être opérationnels, relèvent de la pétition de principe. Je le répète, l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 rectifié quater, 221 rectifié et 301.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis.
Article 1er ter (nouveau)
I. – L’article 278-0 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le K, il est inséré un K bis ainsi rédigé :
« K bis. – Les masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du virus covid-19 dont les caractéristiques sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la santé ; »
2° Le K bis est abrogé.
II. – A. – Le 1° du I s’applique aux livraisons et acquisitions intracommunautaires dont le fait générateur intervient à compter du début de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
B. – Le 2° du I entre en vigueur le 1er janvier 2022.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, il nous reste 234 amendements à examiner, dont plusieurs portent sur le même sujet : prévoir un taux de TVA réduit sur les moyens de protection dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19.
L’Assemblée nationale a fixé le taux de TVA à 5,5 % pour les masques et les gels hydroalcooliques. Vous sont soumis un certain nombre d’amendements qui, soit réduisent ce taux, soit prévoient une exonération. Je précise d’emblée que je serai défavorable à ces amendements, non sur le principe, mais pour la simple raison qu’ils sont contraires à la directive TVA. Nous avons le droit de prévoir un taux de 5,5 %, mais non pas une exonération ou une réduction du taux de TVA à 2,1 %. Les amendements prévoyant des taux zéro ne sont donc pas opérationnels.
D’autres amendements visent à étendre le taux de TVA réduit à 5,5 % aux gels, mais également aux tenues de protection. J’y suis favorable, et la commission présentera un amendement en ce sens, lequel reprend une suggestion du Gouvernement. Sera ainsi concerné par la mesure l’ensemble du champ des moyens de protection : outre les masques, qui sont déjà couverts, tous les gels permettant de lutter contre la propagation de l’épidémie, et pas simplement les gels hydroalcooliques, les blouses, les surblouses, les charlottes médicales, etc.
S’il y a autant d’amendements sur le sujet, monsieur le secrétaire d’État, c’est parce que ces matériels manquent aujourd’hui cruellement dans les Ehpad, pour les soins à domicile, etc. Nous avons déjà eu ce débat à propos des masques. Les collectivités sont parfois conduites à en acheter pour les approvisionner. Il est important d’encourager ces achats, qui sont de première nécessité.
J’en profite pour présenter l’amendement n° 204.
La commission des finances a retenu l’expression « tenues de protection », car c’est celle qui est employée dans le rescrit fiscal du 7 avril 2020, qui dresse la liste des produits exonérés de TVA à la suite d’un don. Il s’agit donc d’une expression opérationnelle, puisque c’est celle de Bercy.
Si cet amendement, auquel je vous demande de vous rallier, mes chers collègues, est adopté, nous aurons un dispositif complet : une TVA à taux réduit sur les gels hydroalcooliques, mais aussi sur les masques et sur l’ensemble des tenues de protection. J’espère que nous n’aurons pas un trop long débat sur cette question, car les autres amendements déposés à cet article sont satisfaits par l’amendement de la commission des finances.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. Puisque, avec cet article, nous abordons la question des équipements de sécurité, je souhaite appeler votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur un sujet qui me semble crucial et sensible pour la réussite de la reprise, celui de la responsabilité des chefs d’entreprise.
Le Gouvernement a proposé une boîte à outils contenant de nombreuses mesures en faveur de la demande, de l’offre et de l’investissement. Elles sont bienvenues. C’est pourquoi nous les voterons. Toutefois, elles n’auront que peu d’effets si vous ne clarifiez pas les conditions sanitaires et juridiques de la reprise.
Cette crise n’est pas une crise économique classique, elle est à la base sanitaire. Si nous ne sécurisons pas plus clairement les chefs d’entreprise en leur indiquant jusqu’où va leur responsabilité vis-à-vis de leurs salariés en matière sanitaire, nous créerons une incertitude qui constituera, pour eux comme pour les salariés, un frein majeur à la reprise. Aujourd’hui, la situation n’est pas claire : le code du travail parle d’obligation de moyens, mais la jurisprudence oscille entre obligation de résultat et obligation de moyens. Les inspections du travail ont leur interprétation, les Direccte ont la leur, les syndicats et les salariés sont inquiets, ce dont on ne peut bien évidemment pas les blâmer, et, par conséquent, les chefs d’entreprise le sont aussi.
Il faut naturellement protéger les salariés. Pour autant, jusqu’où peut-on imputer à un chef d’entreprise la diffusion de l’épidémie parmi ses salariés ? Jusqu’où va précisément sa responsabilité en matière de fourniture de masques, de gants, de blouses ? Ce sont à ces questions, qui ont trait à la confiance, qu’il faut répondre avec précision. Il s’agit d’un sujet sensible, car il n’est absolument pas question de brader la sécurité sanitaire des salariés.
À mon avis, ce sujet ne peut être mis sous le tapis, de peur de tensions. Il faut trouver ensemble des solutions de réassurance. Je le répète : il faut sécuriser les salariés et les chefs d’entreprise, lesquels engagent leur responsabilité pénale. Cette clarification comptera autant que les milliards d’euros que nous mettons sur la table.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes à votre disposition et à celle de Mme la ministre du travail pour réfléchir aux outils de cette nécessaire sécurisation juridique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac, sur l’article.
Mme Frédérique Espagnac. Nous avons été plusieurs ici, notamment Catherine Troendlé et moi-même, à demander d’abaisser la TVA à 5,5 % sur les produits de protection, notamment les masques.
Je souhaite adresser au Gouvernement une requête qui n’est pas simple. En plus de cette baisse de TVA, de nombreux chefs d’entreprise, voire de particuliers, nous demandent que le prix des masques soit plafonné. Certes, des collectivités mettent aujourd’hui des masques à disposition des citoyens, mais, demain, la protection de tous sera nécessaire. Or on constate sur les réseaux sociaux et dans les magasins que certains prix montent de façon inacceptable, alors qu’il y va de la protection de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, vous me répondrez qu’il est compliqué de limiter le prix de produits importés. Pour autant, pour nos concitoyens comme pour les entreprises pour qui cela génère un coût – il est normal qu’elles aussi veillent à la protection de leurs travailleurs –, il n’est pas possible que se poursuive cette inflation du prix des masques. Il faut parvenir à travailler ensemble sur ces questions. Cela a été fait pour le gel ; je ne comprendrais pas que nous ne puissions pas le faire pour les masques.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Ce que vient d’évoquer Sophie Primas est fondamental : les conditions de la reprise dépendront moins des tombereaux de milliards d’euros que nous déverserons sur l’économie que de la confiance que nous pourrons recréer. Il va de soi qu’il faut absolument préserver la sécurité sanitaire des salariés.
Lorsque nous avons interrogé Mme Pénicaud, celle-ci nous a répondu que les choses étaient claires : la loi dispose que le chef d’entreprise a uniquement une obligation de moyens. Elle n’a pas tort, mais elle n’a pas non plus raison, puisque la construction prétorienne des tribunaux est telle que le juge considère que le chef d’entreprise a le plus souvent une obligation non pas de moyens, mais de résultat.
Il est absolument fondamental de trancher ce point pour que l’activité puisse reprendre. Évidemment, on ne peut pas déposer un amendement en ce sens sur ce type de véhicule législatif. Pour autant, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez d’ores et déjà nous répondre : oui ou non, le Gouvernement entend-il trancher le conflit entre ce que le législateur a prévu dans la loi et ce que la jurisprudence a inscrit dans cette construction prétorienne du droit social ? Il nous faut une réponse claire et précise.
M. le président. La parole est à M. Fabien Gay, sur l’article.
M. Fabien Gay. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais, là, il est question des conditions dans lesquelles les salariés peuvent reprendre le travail. La première obligation, c’est que les conditions sanitaires soient respectées et qu’il y ait des masques et du gel. Voilà la vraie question ! Voilà la première des conditions !
On a beaucoup parlé du guide de bonnes pratiques, pour permettre, par exemple, la reprise des chantiers. Pour les organisations patronales que nous avons beaucoup auditionnées dans le cadre de nos groupes de suivi, y compris pour la Capeb, la mise en œuvre concrète du guide de bonnes pratiques est quasiment impossible. Prévoir un camion ou un véhicule par ouvrier pour que celui-ci se rende sur un chantier, c’est impossible ! Respecter les gestes barrières d’un mètre sur un chantier, c’est impossible !
Aujourd’hui, dans le bâtiment, le surcoût pour la fourniture des blouses, des masques ou autres équipements de protection s’élève à 40 euros par jour et par ouvrier. Voilà la réalité ! Par conséquent, de nombreux entrepreneurs font le choix de ne pas reprendre les chantiers. À cela s’ajoutent la question de la main-d’œuvre – certains ouvriers sont malades, d’autres gardent leurs enfants –, la question de l’interconnexion entre professions – certaines sont au travail, d’autres pas, ce qui provoque un ralentissement sur les chantiers – et la question de l’approvisionnement en matériaux.
Sur l’obligation de moyens ou de résultat, je le redis, j’en ai beaucoup discuté avec Mme Primas ces quinze derniers jours, le Gouvernement peut dire ce qu’il veut, cela ne marchera pas. Il parle d’obligation de moyens, mais la jurisprudence a tranché en faveur de l’obligation de résultat, qu’aucun employeur ne pourra garantir.
J’ai entendu dans les groupes de travail qu’il fallait assouplir un peu le code du travail ou demander à l’inspection du travail de mettre la pédale douce. Cela, nous le refusons. Dans ce moment de crise, l’inspection du travail doit faire son travail et ne peut pas être sanctionnée pour faire respecter le droit des salariés.
M. le président. Il faut conclure, cher collègue !
M. Fabien Gay. Si les conditions nécessaires ne sont pas réunies, on ne peut reprendre ni le travail ni les chantiers. La seule question qui se pose, c’est celle des conditions nécessaires à la reprise.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.
Mme Sophie Taillé-Polian. Je n’avais pas non plus prévu d’intervenir sur cette question maintenant, mais je tiens à rappeler, en complément de ce que vient de dire Fabien Gay, que nous sommes face à des injonctions paradoxales.
D’un côté, la ministre du travail affirme que la protection des salariés est la priorité absolue et renvoie les chefs d’entreprise à l’obligation d’appliquer les guides de bonnes pratiques, dont on sait, Fabien Gay l’a très bien expliqué, qu’ils ne sont pas forcément tous applicables, qu’il n’est pas facile – nous ne cessons d’en discuter – d’obtenir des masques, etc. D’un autre côté, un certain nombre de circulaires ou de textes ont été envoyés à l’inspection du travail pour demander aux inspecteurs du travail de mettre la pédale douce ; à ce sujet, la situation dans la Marne fait aujourd’hui grand bruit.
On ne peut pas dans le même temps affirmer en audition, au Sénat ou ailleurs, que, la priorité absolue, c’est la protection des salariés dans le cadre de leur travail, constater que la plupart des entreprises n’en ont pas les moyens et dire à l’inspection du travail de mettre la pédale douce.
Le ministère du travail doit être clair. À mon sens, il est extrêmement important d’affirmer que les mesures relatives à la protection des salariés doivent être appliquées – sinon, tout ce que nous faisons sur le confinement ne sert à rien – et de conforter les prérogatives des inspecteurs du travail. Ceux-ci ne doivent pas avoir le sentiment que l’on cherche à les empêcher de faire leur travail.