Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot, M. Guy-Dominique Kennel.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
3. Mises au point au sujet de votes
4. Prorogation de l’état d’urgence sanitaire. – Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
Discussion générale :
M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé
Mme Jacqueline Eustache-Brinio
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption, par scrutin public n° 104, du projet de loi dans le texte de la commission mixte paritaire.
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Annie Guillemot,
M. Guy-Dominique Kennel.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 6 mai 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions est parvenue à un accord.
Afin de permettre le dépôt et la diffusion du texte élaboré par la commission mixte paritaire et pour la parfaite information de l’ensemble de nos collègues, en direct et par voie numérique, je vous propose de suspendre la séance pour une heure.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-deux, est reprise à seize heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, lors du scrutin n° 103 de la séance du 5 mai 2020, notre collègue Henri Cabanel a été noté comme s’abstenant, alors qu’il voulait voter pour.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, je souhaite apporter plusieurs rectifications de vote.
La première concerne le scrutin n° 102 de la séance du 5 mai 2020 portant sur l’article 6 du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Lors de ce scrutin, Mme Annick Billon souhaitait voter pour.
La seconde concerne le scrutin n° 103 portant sur l’ensemble du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Lors de ce scrutin, Mme Annick Billon souhaitait voter pour et M. Vincent Delahaye souhaitait s’abstenir.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique des scrutins.
4
Prorogation de l’état d’urgence sanitaire
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions (texte de la commission n° 423, rapport n° 422).
Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans le débat, je rappelle que nous devons être attentifs aux règles sanitaires et respecter la sortie par le pourtour de l’hémicycle pour les sénateurs, par le devant pour le Gouvernement et la commission. J’invite chacun à effectuer les gestes utiles à la sécurité sanitaire de tous, de nous-mêmes, mais aussi de celles et ceux que nous pourrions être amenés à rencontrer. L’ensemble du Sénat, vous le savez, fera l’objet d’une désinfection.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Bas, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, la commission mixte paritaire (CMP) qui s’est réunie ce matin à l’Assemblée nationale est parvenue à un accord. Nous pensions, les uns et les autres, qu’il était indispensable, parce que nous entrons, après-demain, dans une étape nouvelle de la lutte contre ce fléau qu’est l’épidémie de Covid-19, à savoir le déconfinement progressif.
Le confinement était une mesure fortement restrictive pour l’exercice des libertés individuelles et publiques. Il a particulièrement porté, c’est une évidence de le dire, sur la liberté d’aller et de venir. Il a entraîné des conséquences redoutables pour l’économie et les équilibres sociaux, mais il a permis de réduire considérablement la pression sur le système hospitalier et de ralentir la propagation du virus, ce qui était son principal objectif. Toutefois, une telle période ne peut pas durer très longtemps, et nous pouvons naturellement espérer que les deux mois de confinement subis par les Français ont permis aux pouvoirs publics de se préparer pour organiser la protection des Français contre le Covid-19 par d’autres moyens qui n’étaient pas disponibles le 15 mars dernier quand le confinement a été décidé.
Quels sont ces autres moyens ? Il s’agit bien entendu de la diffusion des gestes barrières, lesquels sont, je crois, bien assimilés par les Français, de la diffusion des masques, qui manquaient le 15 mars dernier, de la diffusion des tests de dépistage, dont le Premier ministre a souligné que le nombre pourrait atteindre 700 000 chaque semaine, ce qui suppose une organisation gigantesque.
À côté de ces mesures de protection, il faut organiser le traçage des contaminations pour que les filières de contamination puissent être combattues. Pour cela, le Gouvernement a estimé avoir besoin d’un système d’information permettant, pour chaque personne dépistée et reconnue porteuse du virus, de mettre à l’abri toutes les personnes approchées de trop près pendant une durée trop longue. Ce système ne peut pas se faire de manière artisanale. Imaginez que chaque personne porteuse du virus a rencontré 25 personnes qu’elle a exposées à un risque, multipliez par le nombre de contaminations, évaluées à plusieurs milliers par jour, et vous avez absolument besoin d’un traitement de masse ; vous avez également besoin que ce traitement soit rapide. Si vous laissez dans la nature quelqu’un qui est porteur du virus sans le savoir, il va contaminer beaucoup de personnes. Si vous réussissez à le toucher dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures, vous pourrez le mettre à l’abri et protéger toute autre personne qu’il pourrait être amené à rencontrer.
C’est la raison pour laquelle il fallait un système d’information. C’est aussi la raison pour laquelle les médecins ne suffisaient pas à la tâche et qu’il fallait que ce système d’information reposât sur la mobilisation des services de l’assurance maladie. Leurs plateformes permettront aux agents de téléphoner à nos concitoyens dont le nom aura été signalé comme un « cas contact », selon la terminologie épidémiologique, afin qu’ils puissent se protéger. Tout cela repose naturellement sur la confiance accordée à chacun de nos concitoyens pour épargner son entourage et les personnes qu’il peut approcher dans la vie de tous les jours.
Il était donc très important que nous puissions aboutir à un accord. Quelle que soit votre opinion sur les conditions dans lesquelles cette crise sanitaire a été traitée par les pouvoirs publics, mes chers collègues, une chose est certaine, nous n’en sortirons pas sans nous donner les moyens de le faire. Le Sénat, pour la loi du 23 mars dernier comme pour celle-ci, a toujours été au rendez-vous pour répondre aux exigences de l’heure et permettre que les pouvoirs publics apportent des réponses à cette crise.
Néanmoins, s’il était indispensable d’apporter des réponses à cette crise, nous n’avons pas voulu le faire sans garanties. Je vais vous citer trois séries de garanties qui me paraissent toutes extrêmement importantes.
La première porte sur les quarantaines. Nous avons voulu que la personne mise en quarantaine dispose du libre choix de son lieu d’exécution, sans doute son domicile, ce qui n’empêche pas l’administration préfectorale de proposer d’autres solutions. Nous avons voulu que tous nos compatriotes se voient appliquer les mêmes principes quand ils arrivent de l’étranger ou de l’une de nos collectivités d’outre-mer, avec cette possibilité de libre choix.
Nous avons aussi tenu compte du fait qu’il peut arriver outre-mer que les logements n’aient pas la salubrité nécessaire ou exposent des tiers à une promiscuité trop grande avec la personne faisant l’objet de la mesure de quarantaine. Si le logement n’offre pas toutes les garanties, le préfet pourra s’opposer à l’exercice de ce libre choix. C’est une soupape de sûreté qui me paraît nécessaire pour la santé publique, tout en préservant le principe du libre choix.
Voilà une illustration de notre souci de préserver la liberté de chacun de nos concitoyens dans un cadre contraint.
La deuxième série de garanties porte sur le système d’information mis en place, qui déroge au principe du secret médical et prévoit que des données de santé sensibles sont utilisées par le service public de l’assurance maladie et traitées par des non-médecins, comme je l’ai expliqué précédemment. Ce sont de graves décisions, que nous n’avons voulu prendre que moyennant six garanties, qui toutes ont été respectées par l’accord conclu en commission mixte paritaire.
Celui-ci a même permis un progrès par rapport au texte que nous avions discuté, puisqu’il est prévu que la durée de conservation des données, lesquelles se limitent strictement au point de savoir si vous avez un test négatif ou positif, ne pourra pas excéder trois mois.
Cela s’ajoute au fait qu’un droit d’opposition doit être organisé et que l’on ne saurait mentionner dans la base de données d’autres maladies dont vous pourriez être atteints. Certaines affections peuvent constituer des risques accrus de développer des formes graves de Covid-19. Leur connaissance est peut-être nécessaire pour soigner, mais elle ne l’est pas pour rechercher les personnes ayant été en contact avec une personne infectée. Il n’y a donc pas de raison de les maintenir dans le dispositif. Ainsi, nos six garanties ont été parfaitement respectées.
Enfin, il y a le principe de la responsabilité. Au fond, les choses sont simples. Tout s’est emballé, on a parlé d’amnistie, voire d’autoamnistie : c’est ridicule, hors de propos. Aucun juriste de France, fût-il garde des sceaux, ne peut parler d’amnistie autrement que dans un cas très précis, quand des coupables se verraient protégés face à une condamnation par une disposition figurant dans la loi. Je vous défie de trouver, dans le premier texte du Sénat, dans celui de l’Assemblée nationale et, bien sûr, dans celui de la commission mixte paritaire, quoi que ce soit qui puisse ressembler à cela !
Il s’agit simplement, dans le texte adopté en commission mixte paritaire, de préciser que le juge devra, au moment d’apprécier la responsabilité, tenir compte des compétences, des fonctions de la personne, des moyens dont elle disposait et des circonstances particulières de cette épidémie redoutable qui a entraîné l’adoption d’un texte modifiant la répartition des responsabilités. C’est simple !
Pendant la période de lutte contre l’épidémie de Covid-19, le maire a moins de pouvoirs qu’en temps ordinaire. Le maire de Sceaux, qui a pris un arrêté pour obliger au port du masque dans les rues de sa ville, a vu son arrêté annulé. Il lui a été répondu qu’il n’avait pas le droit d’utiliser ses pouvoirs de police générale, car le Parlement a donné au Gouvernement, au Premier ministre, aux ministres et aux préfets un pouvoir spécial pendant cette période. Or ce pouvoir spécial augmente les pouvoirs ordinaires du Gouvernement et diminue ceux du maire.
Plus vous avez de pouvoirs, plus vous avez de responsabilités ; moins vous avez de pouvoirs, moins vous avez de responsabilités. Il était nécessaire que cela fût dit de la manière la plus claire, et c’est ce que nous avons fait en mentionnant les maires et les employeurs, pour que l’on ne puisse pas s’y tromper. Comme il va y avoir des dizaines de milliers de décisions à prendre chaque jour pour permettre la mise en œuvre du déconfinement et que celui-ci fait l’objet de décrets, il était normal que chacun connaisse l’étendue exacte de ses responsabilités, y compris sur le plan pénal, et soit assuré que le juge ferait une appréciation de ses responsabilités tenant compte du droit spécial en vigueur depuis le 23 mars 2020 et qui va continuer à s’appliquer dès lors que nous acceptons la prorogation de l’état d’urgence.
Monsieur le président, je vous prie de m’excuser d’avoir dépassé mon temps de parole, mais j’avais à cœur de bien expliquer le résultat de nos travaux.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’y a pas d’un côté la démocratie et de l’autre l’esprit de responsabilité ; ils sont une seule et même chose, un seul et même mouvement. Les débats sur ce projet de loi l’ont prouvé une nouvelle fois. Dans ces moments cruciaux, le Sénat et l’Assemblée nationale, la représentation nationale, travaillent ensemble ; les divergences existent, mais des compromis sont trouvés, qui ne renient pas les exigences de chacune des deux chambres, de chacun de leurs membres.
Dans le texte adopté par la commission mixte paritaire, le travail du Sénat a été reconnu et votre assemblée a posé des jalons indispensables pour concilier l’efficacité de la lutte que nous menons contre ce virus avec le respect des grands principes auxquels nous sommes toutes et tous évidemment très attachés. Dans des délais contraints, dans des conditions souvent difficiles, sur ces travées ou depuis chez eux, les législateurs ont pu exercer leur droit d’amendement et, ce faisant, le texte a été précisé, consolidé, enrichi. La commission des lois, qui s’est réunie dès lundi, a pu enrichir ou corriger le projet de loi du Gouvernement et je remercie à ce titre le président Philippe Bas pour la qualité de son rapport.
L’objectif de promulgation de la loi le 11 mai se devait d’être tenu, ce dont nous pouvons toutes et tous nous féliciter. Il ressort des débats que nous avons eus que, par-delà les divergences de vues, les oppositions parfaitement légitimes, nous partageons le même combat pour la santé et la protection des Français.
Avec l’article 1er, l’état d’urgence sanitaire sera prolongé jusqu’au 10 juillet, date que vous avez préférée à celle du 23 juillet que nous avions initialement envisagée. À ce même article, vous avez inséré des dispositions particulières sur la responsabilité des élus, le président Bas vient d’en faire mention, et précisé un certain nombre d’éléments. Les débats, qui ont été riches, vifs parfois, se sont poursuivis jusqu’en commission mixte paritaire. La rédaction retenue prévoit ainsi d’insérer une disposition spécifique au sein du code de la santé publique pour définir les conditions dans lesquelles la mise en jeu de la responsabilité pénale sera appréciée pendant l’état d’urgence sanitaire. Cette clarification – je n’y reviens pas, le président Bas l’a fait de façon très précise – sera de nature à apporter les garanties nécessaires aux élus.
À l’article 6, autre article ayant fait l’objet de nombreux débats au sein des deux chambres et entre les deux chambres, le Gouvernement avait pris note de vos exigences, et je pense qu’elles ont été préservées. Sur votre initiative, la loi exclut désormais explicitement que l’article 6 puisse servir de base juridique au déploiement de l’application StopCovid ; un Comité de contrôle et de liaison Covid-19 permettra de suivre les opérations de lutte contre l’épidémie par suivi des contacts et le déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet.
Grâce au travail de la commission des lois, mais aussi de la commission des affaires sociales, le texte permet le renforcement des garanties en matière de droit du travail assurées aux personnes visées par des mesures de quarantaine, et les mesures d’isolement et de quarantaine prévues à l’article 2 sont mieux encadrées qu’initialement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte prorogeant l’état d’urgence sanitaire n’est pas un blanc-seing ; il n’en a jamais été question, évidemment. Le Gouvernement en est d’autant plus conscient que chacun de ses articles a été débattu, amendé, et que plusieurs dispositions nécessiteront de futurs débats parlementaires. Depuis la mi-mars, le pays est à l’arrêt, mais la démocratie parlementaire, elle, ne s’est jamais arrêtée. Avant de conclure, si vous me le permettez, monsieur le président, j’aimerais remercier à ce titre les services du Sénat et l’ensemble des personnels qui ont permis que nous débattions tout en respectant des mesures de sécurité particulières. (M. Alain Richard applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission mixte paritaire est donc parvenue à un accord. Le Parlement a joué son rôle : l’Assemblée et le Sénat ont permis d’améliorer la copie initialement présentée par l’exécutif.
Les modalités de mise en quarantaine des articles 2 et 3 ont été encadrées et les droits des personnes placées à l’isolement accrus. On a pu éviter, à l’article 5, la formation de brigades de citoyens susceptibles de verbaliser leurs compatriotes. Il aurait été peu admissible de conférer un tel pouvoir à des personnes non dépositaires de l’autorité publique. Enfin, bien que nous pensions toujours que le dispositif de fichage et de traçage des malades prévu à l’article 6 pose de sérieux problèmes, nous nous réjouissons de son encadrement et de l’anonymisation de ses données.
Pouvons-nous pour autant nous satisfaire du texte qui va être adopté ? La réponse est bien évidemment « non ».
Primo, les conditions n’étaient pas réunies pour que le Parlement puisse débattre sereinement d’un sujet aussi sensible que la mise entre parenthèses du droit commun. Sénateurs et députés ont travaillé dans une grande urgence, cette loi ne pouvant être promulguée avant le 11 mai, dès lors que le Président de la République avait annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel dans les prochains jours.
Secundo, il n’y a pas lieu de prolonger indéfiniment cet état d’urgence sanitaire. Il ne répond en rien aux besoins engendrés par la pandémie. Et si la situation requiert la mise en œuvre de moyens particuliers, elle n’impose pas cette atteinte disproportionnée à nos libertés individuelles et publiques, ainsi qu’à la protection de nos données personnelles.
Notre législation est suffisamment armée pour faire face à une telle crise. Plus que d’un régime de surveillance généralisée, c’est de moyens que nos politiques publiques ont besoin. Loin de ces réalités, l’exécutif préfère avoir pour ambition l’enfermement et le fichage des malades, alors que l’urgence est à relocaliser nos productions de matériels médicaux, à répondre aux attentes financières si régulièrement exprimées par nos hôpitaux et nos soignants, et surtout à redonner leur sens aux mots « service public ».
Depuis 2015, nos dirigeants montrent une prédilection inquiétante pour les états d’urgences. Ils en font ensuite entrer les dispositions dans le droit commun et habituent nos concitoyens à vivre dans une société du contrôle.
L’urgence sanitaire n’est pas derrière nous, et nous comprenons que, dans ces conditions, un esprit de concorde soit attendu. Mais nous devons, comme représentants de la Nation, relayer la colère et le ressentiment qui s’expriment dans nos territoires. Nous sommes donc dans notre rôle lorsque nous défendons les droits et les aspirations de nos concitoyens, car l’urgence est aussi sociale. Notre exécutif y est imperméable, au point de n’avoir même pas introduit dans le texte la distribution massive et gratuite de masques.
L’urgence est enfin démocratique. Le déconfinement à venir n’est nullement un retour à la normale. Et si, le 11 mai, nos concitoyens retrouvent un peu de leur vie d’avant, il est à craindre que nous nous enfoncions dans une forme un peu plus prégnante encore de sécuritarisme : coercitif, répressif, liberticide. Le Parlement doit au plus vite retrouver la plénitude de ses prérogatives et un fonctionnement normal. Comment accorder tant de pouvoir à un exécutif auquel, pour la gestion même de cette crise, deux Français sur trois refusent leur confiance ?
Parce que nous espérons des lendemains plus solidaires, plus fraternels, plus écologiques et plus sociaux, nous, membres du groupe CRCE, ne voterons donc pas l’adoption de ce texte.
M. Philippe Bas, rapporteur. C’est dommage !
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en ce lendemain du 8 mai, je tiens à évoquer la philosophe Simone Weil, qui écrivait lors de la Seconde Guerre mondiale : « L’unique source de salut et de grandeur pour la France, c’est de reprendre contact avec son génie au fond de son malheur. » La situation que nous vivons depuis ces derniers mois a suscité du génie collectif. Les Français ont répondu « présent » dans la lutte contre cette épidémie.
Les chiffres de contamination et de décès en baisse témoignent de la prise de responsabilités, individuelle et collective, des Français face à cette crise. Une nouvelle fois, notre groupe tient à remercier le personnel soignant, ainsi que tous les acteurs actifs des secteurs public et privé dans la gestion de cette crise pour leur travail sans relâche et leur dévouement.
Le texte que le Gouvernement nous a soumis samedi dernier a été grandement enrichi par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale, et ce dans un laps de temps très court. Je tiens à saluer Philippe Bas, ainsi que tous les membres de la commission des lois, qui ont contribué à une évolution constructive du projet initial.
Nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait abouti à un texte équilibré, nous permettant de démontrer que notre pays est capable d’affronter dans l’unité, avec l’apport des deux chambres, une crise d’échelle planétaire.
Le travail parlementaire et le dialogue avec le Gouvernement et avec les élus locaux sont essentiels dans la gestion de cette épidémie. On peut ne pas être d’accord avec les orientations prises, mais nul, quelle que soit sa couleur politique, ne peut prétendre qu’il aurait su parfaitement gérer cette crise.
Je tiens à saluer la réactivité du Gouvernement et du Parlement pour apporter des réponses à nos concitoyens. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire, si nécessaire soit-elle, fait l’objet d’un réaménagement raisonnable dans la perspective du déconfinement et du redémarrage de notre pays.
Je souhaite revenir sur deux points qui ont grandement marqué nos échanges – il me semble important de s’y attarder.
Concernant, premièrement, la responsabilité des maires et des employeurs durant cette crise, nous avons entendu les craintes des responsables du secteur privé et de nos élus locaux. Ils sont une clé maîtresse de la réussite du déconfinement ; il est important de leur apporter des moyens et des garanties juridiques. L’accord qui a été trouvé lors de la CMP est équilibré.
J’ajoute que mes échanges avec des maires font émerger un point clair : ils assument avec détermination leurs responsabilités, et des initiatives remarquables ont pu voir le jour. Ils sont la force d’une présence territoriale et d’un engagement public décentralisé. Chaque maire est différent, comme l’est chaque commune. Ce que demandent avant tout les maires, c’est que l’État leur donne des directives claires, partage l’information et soit en mesure de procéder à une coordination efficace.
Je souhaite évoquer, deuxièmement, la question du système d’information. Nous avons bien sûr pris toute la mesure de l’importance d’un système efficace pour sortir de cette crise. Cependant, des garanties fortes étaient indispensables. Je me réjouis particulièrement de l’obtention de certaines d’entre elles, qui avaient été identifiées comme essentielles par le groupe Les Indépendants : je veux parler de la durée limitée du système, mais aussi de la délimitation des données qui pourront être partagées et traitées, à savoir celles relevant uniquement de la virologie et de la sérologie ainsi que de leurs éléments probants.
En revanche, des réserves demeurent sur le sujet de l’absence de consentement concernant le partage et le traitement des données médicales. Pour ce qui est du point sensible qu’est l’utilisation d’outils numériques, je salue la sagesse du Sénat, qui a permis d’envisager une telle utilisation au regard de l’apport évident de ces outils dans l’éradication du virus. Le moment venu, nous pourrons débattre afin de trouver la meilleure mise en œuvre d’un système complémentaire que nous souhaitons le plus respectueux possible de nos libertés.
Je voudrais par ailleurs mettre en lumière quelques apports significatifs : une place exigeante et fondamentale a été donnée au juge des libertés et de la détention ; le cadre posé pour les mesures d’isolement et de mise en quarantaine a été bien étudié, comme cela a été rappelé par Philippe Bas, et amélioré par le Parlement.
Tout cela est nécessaire pour casser la chaîne de propagation du virus sur l’ensemble de notre territoire et dans l’ensemble de nos collectivités.
Je l’ai rappelé mercredi dernier : nous pouvons faire confiance aux Français ; ils sont responsables et conscients de la crise que nous vivons. Leur fournir un cadre et des principes généraux est notre devoir, comme l’est la préservation de nos libertés. Albert Camus disait de la liberté que « ce n’est pas l’espoir de l’avenir. C’est le présent et l’accord avec les êtres et le monde dans le présent ». Le présent, en ce moment, est compliqué à gérer pour les Français, et l’espoir de l’avenir difficile à imaginer. Mais de la réussite collective de ce confinement dépendent beaucoup de choses, et surtout notre futur. Dans cette perspective, le groupe Les Indépendants votera ce texte.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille.
M. Hervé Marseille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon groupe a pris acte avec satisfaction de l’aboutissement des travaux de la commission mixte paritaire d’aujourd’hui. C’est une bonne chose que le Parlement puisse montrer son unité dans ces moments compliqués ; que n’aurait-on pas dit, en effet, si nous avions dû malheureusement enregistrer une issue différente pour cette CMP ?
Je veux remercier notre rapporteur, Philippe Bas, qui a fait un travail considérable tout au long de ces derniers jours, à l’écoute de tous les groupes. Je veux remercier aussi le président de la commission des affaires sociales, Alain Milon, dont la contribution a été importante, et saluer les efforts du ministre Olivier Véran, avec qui nous avons pu avoir des échanges parfois passionnés, mais toujours respectueux et très utiles.
Le Sénat a marqué ce texte de son empreinte, soucieux de toujours défendre les droits du Parlement et les libertés publiques, les droits de nos concitoyens.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points déjà largement développés par notre rapporteur. S’agissant de l’article 1er, je me réjouis que l’Assemblée nationale ait suivi notre proposition d’une prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 10 juillet, ce qui redonne au Parlement les moyens de son action, car il est difficile de vivre en état d’exception perpétuel, y compris dans des situations difficiles. L’usage de cet instrument juridique doit être strictement limité ; il faut dès que c’est possible faire retour au droit commun.
Nul blanc-seing n’est donné à l’exécutif – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État –, et le Sénat entend continuer d’exercer pleinement sa mission de contrôle de l’action du Gouvernement, comme il l’a d’ailleurs fait toutes ces dernières semaines.
La responsabilité des décideurs publics et privés a été l’objet d’échanges parfois vifs – là encore, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État. Cette question était malheureusement absente du projet de loi initial ; c’est grâce au travail du Sénat et de sa commission des lois, dont je salue les collaborateurs, mais aussi à celui de l’Assemblée nationale, que nous avons pu avancer.
Au-delà du droit, il fallait émettre un signal en direction de tous ces élus qui s’engagent, que nous fréquentons et côtoyons au quotidien, ainsi qu’en direction des décideurs privés, chefs d’entreprise, mais aussi responsables associatifs, de tous ceux, donc, qui sont appelés à prendre des responsabilités et des milliers de décisions chaque jour pour remettre notre pays en action. C’est donc une bonne chose que nous ayons pu, en la matière, trouver une réécriture, non pas en partant du texte des uns plutôt que de celui des autres, mais en rédigeant un texte nouveau, qui s’appuie essentiellement sur le code de la santé publique.
Je veux remercier également l’Assemblée nationale pour l’ensemble des garanties qu’elle a soit maintenues, suivant les votes du Sénat, soit instaurées. Les données personnelles pourront être traitées et partagées, dans le cadre du système d’information prévu à l’article 6, pour une durée de six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, ce qui est un délai raisonnable.
Nous étions évidemment nombreux à nous inquiéter de l’accès à ces données personnelles et du devenir de ces données. Nous avions précisé que l’article 6 ne pourrait servir de base juridique à l’application StopCovid ; nos collègues députés n’ont pas remis en cause cette précision, ce que je salue.
Concernant l’habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances sur ce sujet, là encore, l’Assemblée nationale s’est rapprochée du Sénat.
Quant à l’avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui a fait l’objet de très nombreux échanges en CMP, il recueille les suffrages de beaucoup de membres de mon groupe.
Un mot sur un sujet qui a occupé longtemps notre hémicycle en début de semaine, qui peut paraître marginal au regard de l’essentiel, mais qui émeut beaucoup d’élus du littoral : la réouverture des plages et des forêts. Si nous regrettons que l’Assemblée nationale ait supprimé, à la demande du Gouvernement, cet article 5 bis, nous donnons acte à ce dernier de ses déclarations sur le sujet, qui relève plutôt du domaine réglementaire, en espérant que ces espaces naturels puissent être largement rouverts dès lors que les conditions sanitaires le permettent, grâce à l’intervention des préfets.
Je conclurai en insistant sur la nécessité, monsieur le secrétaire d’État, de faire œuvre de clarté sur les conditions de retour de nos compatriotes actuellement bloqués dans d’autres pays – je pense aux nombreux Français qui travaillent dans des pays étrangers, toujours au service des intérêts de la France, ou aux étudiants qui, comme dernièrement en Roumanie, sont coincés. Mon collègue Olivier Cadic s’est exprimé à de multiples reprises sur ce sujet, car nombreux sont les Français de l’étranger qui ne comprennent plus très bien où on en est de la situation.
Je veux saluer l’excellent travail qui a permis, grâce aux députés et grâce à nos collègues de la commission des lois membres de la commission mixte paritaire, d’aboutir à ce résultat. Le groupe Union Centriste votera pour le texte adopté par la CMP.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président-rapporteur, mes chers collègues, un point important, pour commencer : notre groupe a considéré qu’il nous revenait à nous, au Sénat particulièrement, de protéger les maires et les élus locaux qui, à partir de lundi, vont prendre de très lourdes responsabilités.
Le texte de l’Assemblée nationale était désastreux, parce qu’il revenait à autoamnistier des ministres ou de hauts responsables de l’État. Ce n’était pas acceptable ! La formulation qui a été trouvée en commission mixte paritaire est cent fois meilleure parce qu’elle s’inscrit dans le cadre de la loi Fauchon, mais aussi parce qu’elle permet d’insister sur les responsabilités spécifiques de chacun, disposant que, dès lors que des maires appliqueront les décisions de l’État, ils seront des agents, des représentants, de l’État, et, à ce titre, ne pourront pas être poursuivis dès lors, naturellement, qu’ils appliquent loyalement les textes.
Par ailleurs, pour ce qui est du très important article 6, il y a eu des avancées : premièrement, le retour à l’avis conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, voulu par le Sénat, qui est une garantie ; deuxièmement, pour ce qui est des délais, les données collectées pourront être conservées pendant trois mois, au lieu de neuf mois initialement ; troisièmement, pour ce qui est de la représentation nationale, une commission de contrôle sera librement mise en œuvre par le Sénat et l’Assemblée nationale.
Il reste des problèmes : le mot « garantie » est absent de la disposition relative au décret qui doit préciser les modalités d’exercice des droits d’information, de rectification et d’opposition ; quelques problèmes, aussi, s’agissant du secret médical.
Mais il y a eu des avancées,…
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est bon de les souligner !
M. Jean-Pierre Sueur. … étant entendu, bien sûr, qu’il y a un pari dans ce texte, celui de la mise en œuvre de ce fichier dans les conditions que vous savez.
Pourquoi ne voterons-nous pas pour, mais contre, ce texte ?
M. Philippe Bas, rapporteur. On se le demande…
M. Jean-Pierre Sueur. Je vais vous le dire, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues : non pas tant en raison de ce que je viens de dire, mais en raison du fait que, s’agissant d’une loi qui proroge les effets de la loi du 23 mars dernier, laquelle porte sur un grand nombre de sujets, nous n’acceptons pas qu’il n’y ait pas une ligne sur le social. L’urgence est sanitaire, oui ; elle est économique, certainement ; mais elle est sociale, aussi, pour tous nos concitoyens qui vivent dans la pauvreté et la précarité.
Mme Laurence Rossignol va développer ce point dans un instant ; il est la raison de notre vote, qui n’exprime que la fidélité à nos convictions.
M. le président. Mes chers collègues, pour que chaque groupe puisse s’y préparer, je vous signale que je suis saisi d’une demande de scrutin public sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès lundi, nos concitoyens retrouveront un peu de liberté après deux mois de confinement. Pour beaucoup, ces moments auront été éprouvants : il est rarement agréable de faire l’expérience des limites de sa liberté. Les mois à venir présenteront à chacun d’entre nous un autre défi : celui de retourner dans les espaces publics et collectifs, où le virus est toujours présent, et d’adopter des gestes barrières irréprochables pour éviter une nouvelle montée en charge des contaminations et une saturation des services de réanimation.
Nous avons été nombreux, sur ces travées, à rappeler notre crainte de voir se pérenniser un droit d’exception – l’une des leçons de l’histoire récente tend malheureusement à étayer cette crainte. Dans le même temps, nous entendons les arguments du Gouvernement, qui souhaite maintenir en place des outils spécifiques tant que nous n’avons pas la certitude d’avoir le contrôle de la situation.
C’est pourquoi, dans notre grande majorité, nous nous rangeons à la décision de prolonger l’état d’urgence pour deux mois supplémentaires et nous satisfaisons que l’Assemblée nationale ait suivi la position du Sénat en retenant la date du 10 juillet.
Nous veillerons à mettre à profit ces deux mois pour poursuivre notre mission de contrôle au service de nos concitoyens. Au moment des ratifications et à la fin de l’état d’urgence, nous serons aussi particulièrement vigilants à ce que la continuité de l’État soit réaffirmée. Aucun arrangement délibéré avec la légalité ne devra être admis.
Pour en revenir aux dispositions précises de ce projet de loi, nous avons été entendus sur quelques points, qui n’ont pas été remis en question par l’Assemblée nationale. En particulier, nous nous félicitons que le retrait de nos concitoyens d’outre-mer du périmètre des mises en quarantaine et à l’isolement systématiques à l’arrivée en métropole, adopté sur notre initiative, et plus spécifiquement sur celle de nos collègues Stéphane Artano et Guillaume Arnell, n’ait pas été remis en question. Compte tenu du faible nombre de cas dans les territoires ultramarins, à l’exception notable de Mayotte, cette disposition portait directement atteinte au principe constitutionnel de l’unité territoriale française.
Nous regrettons que les débats sur l’obligation du port du masque n’aient pas été suffisamment aboutis. De façon générale, nous restons convaincus que la meilleure façon de lutter contre ce virus aurait été d’imposer le port du masque le temps de parvenir à la sortie de crise. De ce point de vue, alors que chacun est en train de s’équiper en masques et thermomètres pour préparer un retour à une vie sociale plus intense, nous regrettons également que notre amendement visant à imposer la transparence des prix contrôlés, destiné à limiter les effets d’aubaine sur la vente d’articles essentiels dans la lutte contre l’épidémie, ne figure pas dans le texte final. Nous le regrettons d’autant plus que nous déplorons conjointement la faiblesse des mesures sociales destinées à accompagner le déconfinement et la suppression de l’amendement relatif aux frais bancaires, qui avait pourtant été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité.
Concernant l’article 6, nous restons partagés entre l’impératif médical d’identifier les malades et les cas contacts pour lutter contre la progression du virus et la difficile application de ces mesures face à la résistance d’une partie du corps médical. Malgré les garde-fous introduits par la Haute Assemblée, beaucoup de médecins pourraient considérer que cette nouvelle mission les place dans une position déontologique difficile.
L’ensemble de nos débats comme les discussions que nous avons encore eues ce matin en CMP montrent à quel point la question de la responsabilité est le nœud des préoccupations de notre société face au risque. Cette responsabilité ne peut être opposée à ceux qui sont chargés de mettre en œuvre le déconfinement, vu le peu de certitudes dont ils disposent.
Je pense en particulier aux maires, qui sont en première ligne tous les jours, et plus encore que d’habitude à l’heure de préparer le retour à l’école. Il est important que chacun, dans la société, prenne la mesure du courage qui est nécessaire à nos élus pour garantir l’exercice des libertés de tous, et adopte une conduite responsable lorsqu’il exerce lesdites libertés.
Comme l’a dit lors des débats précédents ma collègue Françoise Laborde, il n’en reste pas moins que la responsabilité morale est un sujet complexe, qu’il faut prendre en compte. À cette fin, il est essentiel d’apporter une réponse à tous ceux qui, demain, vont se trouver confrontés à des décisions difficiles. Nous aurions préféré préserver l’article 1er dans la rédaction initiale du Sénat, mais le compromis trouvé en CMP paraît acceptable.
Il ne faudra pas que nous oubliions, tous autant que nous sommes, que l’heure n’est pas à la recherche de la responsabilité pour faute ; elle est à la responsabilité devant le défi de construire un nouveau projet collectif autour de cette nouvelle donnée qu’est l’existence du coronavirus. Je ne doute pas de l’inventivité dont les Français sont capables pour y parvenir.
Malgré toutes les réserves émises, sachant que les garde-fous introduits par le Sénat en première lecture ont été dans une grande proportion préservés, à l’article 6 notamment, et dans un esprit de responsabilité, la grande majorité du groupe du RDSE votera pour ce texte. (Mme Françoise Laborde et M. Joël Guerriau applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons donc pu nous mettre d’accord sur une série de dispositions législatives qui nous plaçaient devant de très hautes responsabilités.
Ce travail législatif s’est assorti d’une très forte volonté de perfectionner la loi et de tenir compte de l’ensemble des impératifs d’intérêt général. Et je souhaite souligner la part extrêmement importante et positive qu’a prise Philippe Bas, en sa qualité de rapporteur du Sénat, dans le bon aboutissement de ce travail.
Nous pouvions vois, dès l’entrée dans l’hémicycle, que nous avions tout pour aboutir, puisque n’était annoncé aucun projet d’amendement du Gouvernement. La commission mixte paritaire est le seul moment du processus législatif, dans le système constitutionnel français, où le Gouvernement n’a pas à participer. Lorsque ce moment trouve son terme, le Gouvernement est amené, en quelques minutes, à prendre une décision : l’ensemble cohérent auquel la CMP est parvenue lui convient-il – auquel cas il n’y touche pas –, ou bien demande-t-il une retouche ?
Nous pouvons donc considérer que nous avons bien travaillé, dans un esprit de conciliation et de responsabilité qui remplit l’ensemble des cases de nos devoirs.
Je voudrais revenir un instant sur notre débat relatif à l’article 1er, et notamment à son III, qui précise les conditions dans lesquelles s’exercera le cas échéant la responsabilité pénale de toutes les personnes physiques – nous y mentionnons les autorités locales, en premier nos amis les maires, mais aussi les autorités départementales et régionales, ainsi que les employeurs.
Ce texte maintient les principes essentiels du code pénal et prévoit que, dans un état de crise reconnu par la loi, le juge exerce son appréciation en tenant compte de cette situation de crise.
Deux questions vont se poser dans les jours qui viennent devant le juge constitutionnel.
La première : ce texte présente-t-il un lien direct ou indirect avec l’objet du projet de loi qui nous a été présenté ? Cette question est toujours étudiée avec une grande vigilance par le juge constitutionnel. Je voudrais plaider que le lien est bien direct, puisque l’objet de la loi est de maintenir l’état d’urgence sanitaire, lequel place l’ensemble des détenteurs d’un pouvoir de décision face à une situation dans laquelle les conditions d’exercice de leurs missions sont dégradées et l’ampleur de leurs responsabilités aggravée. Ce point me paraît donc en lien direct avec l’objet du projet de loi qui nous a été présenté.
Deuxième sujet sur lequel se penchera forcément le juge constitutionnel : portons-nous atteinte à la séparation des pouvoirs en expliquant au juge comment il doit juger ? C’est un sujet d’appréciation difficile, sur lequel nous avons souvent l’occasion de débattre. Il me semble que, en prévoyant que le juge doit apprécier la situation en fonction de l’état de crise reconnu par la loi, mais – et c’est là l’apport exact du président Bas – en plaçant les conditions d’exercice de ce pouvoir d’appréciation dans le cadre du code de la santé publique – autrement dit, ces conditions ne sont déclenchées que chaque fois qu’est actionné l’état d’urgence sanitaire, qui est un état d’exception défini par la loi – et en respectant les principes du code pénal, nous obéissons bien à l’impératif de laisser le législateur là où il doit être et le juge là où il doit exercer son office.
Je terminerai, monsieur le président, en soulignant le bon travail qui a été fait sur les deux sujets qui posaient des problèmes de compatibilité entre l’urgence de santé publique et les libertés, à savoir, d’une part, le confinement et la quarantaine, et, d’autre part, le système d’information. Je crois que nous avons, les uns et les autres, été scrupuleux ; nous avons fixé les justes bornes là où elles devaient être pour permettre l’action de la santé publique sans entraver les libertés individuelles plus que nécessaire. Il me semble donc que nous pouvons, avec la conscience tranquille, donner notre approbation à ce projet ainsi modifié et complété. C’est ce que fera la totalité des membres du groupe que je représente. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues – tant présents dans l’hémicycle que suivant nos débats à distance –, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour achever l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.
La situation a beaucoup évolué depuis ces jours de mars dernier durant lesquels nous avions adopté le projet de loi créant le régime de l’état d’urgence sanitaire. Le confinement et les mesures votées ont sauvé de nombreuses vies, donnant à nos soignants le temps nécessaire pour faire face à la première vague de l’épidémie. Et ils y ont fait face, avec un engagement et un dévouement remarquables, que je ne saurais manquer de saluer, une fois de plus, mais certainement pas une fois de trop !
Durant cet intervalle, au-delà des soignants, nombre d’autres Françaises et Français, employés dans les secteurs essentiels, se sont également engagés sans compter. Dans le cadre de la mission de suivi de la commission des lois, nous avons pu identifier toute l’étendue de leur rôle crucial.
Aujourd’hui, le déconfinement est amorcé, en France comme chez nos voisins européens. Il est nécessaire. Néanmoins, à l’heure où le virus demeure trop méconnu, cette fin des mesures de protection les plus strictes devra à tout prix être accompagnée d’une poursuite des mesures de distanciation sociale et du respect le plus strict des gestes barrières. Ce sont les meilleures garanties pour que la propagation du virus ne reprenne pas de plus belle.
Le déconfinement n’est pas tant un retour à la vie normale à un instant t que l’amorce d’un processus de retour à la vie normale.
Pour atteindre ce dernier objectif, que nous partageons tous, le Gouvernement a récemment annoncé un certain nombre de mesures. Le présent projet de loi pérennisera leur mise en œuvre dans le cadre d’un état d’urgence sanitaire prorogé jusqu’au 10 juillet. Et il permettra la création des outils informatiques destinés à la lutte contre la maladie à l’heure où le confinement cesse graduellement.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points de ce projet de loi, qui ont pour la plupart été abondamment discutés, malgré le calendrier d’examen extrêmement resserré d’un texte qui, je le souligne, a été présenté en conseil des ministres il y a tout juste une semaine. Permettez-moi cependant de m’arrêter sur trois des sujets qui me semblent les plus importants.
Le premier de ces sujets était paradoxalement absent du texte initial. Il s’agit naturellement de la question de la responsabilité en temps d’épidémie de Covid-19. Cette question a fait l’objet de débats juridiques et politiques abondants parmi nous, ainsi que chez nos collègues députés.
Face à une situation exceptionnelle, qui justifiait l’octroi au Gouvernement de pouvoirs exceptionnels, il aurait été inenvisageable de prétendre que la responsabilité d’un maire, d’un chef d’entreprise, d’un directeur d’école ou du directeur des services d’une collectivité ne doive pas être clarifiée.
Le Sénat a proposé, sur l’initiative du président de la commission des lois, un dispositif qui avait le mérite de donner aux acteurs de terrain les garanties nécessaires sans organiser l’irresponsabilité, contrairement à ce qui a parfois été prétendu de manière aussi inexacte qu’imprudente. Ce dispositif n’a pas prospéré à l’occasion de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, qui lui a préféré une rédaction qui élargissait l’irresponsabilité.
La commission mixte paritaire de ce matin a permis de discuter les mérites respectifs de chacune de ces rédactions, et d’aboutir à un compromis destiné à guider l’appréciation du juge. Grâce au texte de la CMP, il sera possible de distinguer l’importance respective des responsabilités de chacun en temps de crise, en faisant le départ entre, d’une part, ceux qui fixent le cap de la politique sanitaire et, d’autre part, ceux qui l’exécutent, sans impunité et, bien évidemment, sans blanchiment ni autoamnistie. Les responsabilités de chacun demeureront entières, mais ne pourront pas être appréciées de la même façon selon que la personne visée décide ou exécute.
Je dirai deux mots, ensuite, de la quarantaine.
Le Sénat a pris soin de mieux calibrer les modalités d’organisation des quarantaines pour les personnes entrant sur le territoire ou circulant entre la métropole et l’outre-mer. Il a renforcé les garanties dont bénéficient ces personnes, au nombre desquelles comptent les Français de l’étranger, afin que la quarantaine ne soit jamais plus gênante que strictement nécessaire. Les députés ont d’ailleurs reconnu l’intérêt de ces dispositions.
Quant à l’article 6 du texte, s’il est sans doute celui qui aura fait couler le plus d’encre, c’est à raison, car il y va de la manipulation et du partage de données relevant du secret médical au moyen d’un système informatisé. Je comprends les inquiétudes, très légitimes, que cela peut susciter.
D’une part, l’informatique a évidemment ses faiblesses et ses risques inhérents. Toute mise en œuvre d’un tel système devra faire l’objet, de la part du Gouvernement, de précautions en termes de sécurité des données sur lesquelles nous nous montrerons intraitables.
D’autre part, nous ne devons toucher au secret médical que d’une main légère.
Pourquoi y touchons-nous ? Parce que, en l’absence de vaccin ou de traitement, le suivi des contacts, le fameux contact tracing, est un outil essentiel du déconfinement, qui aidera à casser les chaînes de contamination. Il s’agit bel et bien de sauver des vies, ce qui justifie à nos yeux l’adoption d’un dispositif sortant du droit commun, mais d’application temporaire et soigneusement circonscrit par les travaux de notre assemblée, confirmés en CMP. Par ailleurs, nous avons évidemment fait en sorte d’exclure explicitement que toute application du type StopCovid puisse se fonder sur le présent texte.
L’heure n’est plus à la rhétorique guerrière. Elle est à la reprise prudente, adaptée et graduelle de la vie courante. Ce projet de loi doit permettre d’atteindre cet objectif. Le Sénat, pendant l’examen de ce texte, aura suivi le chemin qui a toujours été le sien dans la gestion de cette crise : exigence et écoute vis-à-vis du Gouvernement. La mission de contrôle de l’action du Gouvernement qui est la nôtre demeure plus que jamais importante.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le président, je salue à mon tour les avancées qui ont été réalisées ce matin au sein de la commission mixte paritaire en direction du texte du Sénat. Pour autant, je rappellerai, au nom de mon groupe et à titre individuel, cette réalité : nous ne sommes pas le Sénat, nous ne nous confondons pas totalement avec lui. De plus, les lois votées par la majorité du Sénat ne sont pas toujours celles que nous voudrions voir adopter.
Dans le texte issu des travaux du Sénat mardi dernier et discuté ce matin en commission mixte paritaire, figuraient certaines dispositions qui résultaient d’une dynamique positive entre la majorité du Sénat et le groupe socialiste, et nous les soutenions ardemment, d’autres qui procédaient d’un ralliement, d’un soutien de la majorité du Sénat à des amendements socialistes, et qui étaient soutenues aussi ardemment, enfin, d’autres dispositions qui ne suscitaient pas notre adhésion, en particulier toutes celles qui n’avaient pas été inscrites dans ce texte d’urgence sanitaire, déposé à la suite d’un projet de loi de finances rectificative, faisant suite lui-même à un premier projet de loi d’urgence sanitaire, tout cela précédant un troisième projet de loi d’urgence sanitaire que le Gouvernement a eu l’indélicatesse, à mon sens, d’adopter en conseil des ministres mercredi dernier, pendant que nous-mêmes ici étions encore en train de discuter de la deuxième loi relative à l’état d’urgence sanitaire, texte par ailleurs soumis au Conseil d’État dès le 16 avril. Cela signifie que, au moment où nous discutions dans l’hémicycle du deuxième projet de loi, le Gouvernement avait déjà préparé le troisième. Pourquoi n’en parlions-nous pas à ce moment-là ?
Ce qui manque à chaque étape du processus, c’est l’urgence sociale. Or nous ne pensons pas qu’il soit possible d’envisager une résorption de la crise sanitaire, une victoire contre l’épidémie, si celle-ci s’accompagne, comme c’est le cas, d’une augmentation de la pauvreté. La pauvreté est un facteur de crise sanitaire, elle est un risque sanitaire supplémentaire.
Je dirai un mot de ce fameux article 6 qui nous a beaucoup occupés. Il faudrait avoir une très grande confiance dans le Gouvernement – confiance que nous n’avons pas, disons-le clairement – pour considérer que nous donnons là un outil qui sera à la fois juste, efficace et indolore. Le point qui suscite la plus forte interrogation est son efficacité : où sont les étrangers en situation irrégulière, les SDF et tous ceux qui ne répondront pas à un coup de téléphone d’un des acteurs de la brigade mobile ? Où sont ces populations dans le dispositif ? Comment seront-elles considérées ? Quelle sera la participation des médecins ? L’avis du Conseil national de l’ordre des médecins qui vient d’être rendu tombe bien mal d’un certain point de vue…
Parce que ce texte ne prévoit ni la suppression des frais bancaires que nous avions votée à l’unanimité, ni la gratuité des masques, ni aucune mesure sur le chômage partiel, nous voterons contre ce texte. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue d’abord sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions
Chapitre Ier
Dispositions prorogeant l’état d’urgence sanitaire et modifiant certaines dispositions relatives à son régime
Article 1er
I. – L’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
II. – Le chapitre VI du titre III du livre Ier de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 3136-2. – L’article 121-3 du code pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait l’auteur des faits dans la situation de crise ayant justifié l’état d’urgence sanitaire, ainsi que de la nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu’autorité locale ou employeur.
III. – L’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 est ainsi modifiée :
1° Le cinquième alinéa de l’article 4 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la détention provisoire d’une personne a été ordonnée ou prolongée sur le motif prévu au 5° et, le cas échéant, aux 4° et 7° de l’article 144 du même code, l’avocat de la personne mise en examen peut également adresser par courrier électronique au juge d’instruction une demande de mise en liberté si celle-ci est motivée par l’existence de nouvelles garanties de représentation de la personne ; dans les autres cas, toute demande de mise en liberté formée par courrier électronique est irrecevable ; cette irrecevabilité est constatée par le juge d’instruction qui en informe par courrier électronique l’avocat et elle n’est pas susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction. » ;
2° Après l’article 16, il est inséré un article 16-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-1. – À compter du 11 mai 2020, la prolongation de plein droit des délais de détention provisoire prévue à l’article 16 n’est plus applicable aux titres de détention dont l’échéance intervient à compter de cette date et les détentions ne peuvent être prolongées que par une décision de la juridiction compétente prise après un débat contradictoire intervenant, le cas échéant, selon les modalités prévues à l’article 19.
« Si l’échéance du titre de détention en cours, résultant des règles de droit commun du code de procédure pénale, intervient avant le 11 juin 2020, la juridiction compétente dispose d’un délai d’un mois à compter de cette échéance pour se prononcer sur sa prolongation, sans qu’il en résulte la mise en liberté de la personne, dont le titre de détention est prorogé jusqu’à cette décision. Cette prorogation s’impute sur la durée de la prolongation décidée par la juridiction. En ce qui concerne les délais de détention au cours de l’instruction, cette durée est celle prévue par les dispositions de droit commun ; toutefois, s’il s’agit de la dernière échéance possible, la prolongation peut être ordonnée selon les cas pour les durées prévues à l’article 16 de la présente ordonnance.
« En ce qui concerne les délais d’audiencement, la prolongation peut être ordonnée pour les durées prévues au même article 16, y compris si elle intervient après le 11 juin 2020.
« La prolongation de plein droit du délai de détention intervenue au cours de l’instruction avant le 11 mai 2020, en application de l’article 16, n’a pas pour effet d’allonger la durée maximale totale de la détention en application des dispositions du code de procédure pénale, sauf si cette prolongation a porté sur la dernière échéance possible.
« Lorsque la détention provisoire au cours de l’instruction a été prolongée de plein droit en application du même article 16 pour une durée de six mois, cette prolongation ne peut maintenir ses effets jusqu’à son terme que par une décision prise par le juge des libertés et de la détention selon les modalités prévues à l’article 145 du code de procédure pénale et, le cas échéant, à l’article 19 de la présente ordonnance. La décision doit intervenir au moins trois mois avant le terme de la prolongation. Si une décision de prolongation n’intervient pas avant cette date, la personne est remise en liberté si elle n’est pas détenue pour une autre cause.
« Pour les délais de détention en matière d’audiencement, la prolongation de plein droit des délais de détention ou celle décidée en application du troisième alinéa du présent article a pour effet d’allonger la durée maximale totale de la détention possible jusqu’à la date de l’audience prévue en application des dispositions du code de procédure pénale.
« Les dispositions du présent article sont applicables aux assignations à résidence sous surveillance électronique. » ;
3° Après l’article 18, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18-1. – Par dérogation à l’article 148-4 du code de procédure pénale, la chambre de l’instruction peut être directement saisie d’une demande de mise en liberté lorsque la personne n’a pas comparu, dans les deux mois suivant la prolongation de plein droit de la détention provisoire intervenue en application de l’article 16 de la présente ordonnance, devant le juge d’instruction ou le magistrat par lui délégué, y compris selon les modalités prévues par l’article 706-71 du code de procédure pénale. Le cas échéant, la chambre de l’instruction statue dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 18 de la présente ordonnance. »
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Article 2
L’article L. 3131-15 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° A Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Réglementer ou interdire la circulation des personnes et des véhicules et réglementer l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ; »
2° Le 5° est ainsi rédigé :
« 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité ; »
3° La première phrase du 7° est ainsi rédigée : « Ordonner la réquisition de toute personne et de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire. » ;
3° bis (Supprimé)
4° Après le 10°, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Les mesures prévues aux 3° et 4° du I du présent article ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement ne peuvent viser que les personnes qui, ayant séjourné au cours du mois précédent dans une zone de circulation de l’infection, entrent sur le territoire national, arrivent en Corse ou dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution. La liste des zones de circulation de l’infection est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. Elle fait l’objet d’une information publique régulière pendant toute la durée de l’état d’urgence sanitaire.
« Aux seules fins d’assurer la mise en œuvre des mesures mentionnées au premier alinéa du présent II, les entreprises de transport ferroviaire, maritime ou aérien communiquent au représentant de l’État dans le département qui en fait la demande les données relatives aux passagers concernant les déplacements mentionnés au même premier alinéa, dans les conditions prévues à l’article L. 232-4 du code de la sécurité intérieure.
« Les mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement peuvent se dérouler, au choix des personnes qui en font l’objet, à leur domicile ou dans les lieux d’hébergement adapté.
« Leur durée initiale ne peut excéder quatorze jours. Les mesures peuvent être renouvelées, dans les conditions prévues au III de l’article L. 3131-17, dans la limite d’une durée maximale d’un mois. Il est mis fin aux mesures de placement et de maintien en isolement avant leur terme lorsque l’état de santé de l’intéressé le permet.
« Dans le cadre des mesures de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement, il peut être fait obligation à la personne qui en fait l’objet de :
« 1° Ne pas sortir de son domicile ou du lieu d’hébergement où elle exécute la mesure, sous réserve des déplacements qui lui sont spécifiquement autorisés par l’autorité administrative. Dans le cas où un isolement complet de la personne est prononcé, il lui est garanti un accès aux biens et services de première nécessité ainsi qu’à des moyens de communication téléphonique et électronique lui permettant de communiquer librement avec l’extérieur ;
« 2° Ne pas fréquenter certains lieux ou catégories de lieux.
« Les personnes et enfants victimes des violences visées à l’article 515-9 du code civil ne peuvent être mis en quarantaine, placés et maintenus en isolement dans le même logement ou lieu d’hébergement que l’auteur des violences, ou être amenés à cohabiter lorsque celui-ci est mis en quarantaine, placé ou maintenu en isolement, y compris si les violences sont alléguées. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’éviction de l’auteur des violences du logement conjugal ou dans l’attente d’une décision judiciaire statuant sur les faits de violence allégués et, le cas échéant, prévoyant cette éviction, il est assuré leur relogement dans un lieu d’hébergement adapté. Lorsqu’une décision de mise en quarantaine, de placement et de maintien en isolement est susceptible de mettre en danger une ou plusieurs personnes, le préfet en informe sans délai le procureur de la République.
« Les conditions d’application du présent II sont fixées par le décret prévu au premier alinéa du I, en fonction de la nature et des modes de propagation du virus, après avis du comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19. Ce décret précise également les conditions dans lesquelles sont assurés l’information régulière de la personne qui fait l’objet de ces mesures, la poursuite de la vie familiale, la prise en compte de la situation des mineurs, le suivi médical qui accompagne ces mesures et les caractéristiques des lieux d’hébergement. » ;
5° Le dernier alinéa est ainsi modifié :
a) Au début, est ajoutée la mention : « III. – » ;
b) Les mots : « des 1° à 10° » sont supprimés.
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Article 3
L’article L. 3131-17 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° du I » ;
3° Après le même deuxième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Les mesures individuelles ayant pour objet la mise en quarantaine et les mesures de placement et de maintien en isolement sont prononcées par décision individuelle motivée du représentant de l’État dans le département sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé. Cette décision mentionne les voies et délais de recours ainsi que les modalités de saisine du juge des libertés et de la détention.
« Le placement et le maintien en isolement sont subordonnés à la constatation médicale de l’infection de la personne concernée. Ils sont prononcés par le représentant de l’État dans le département au vu d’un certificat médical.
« Les mesures mentionnées au premier alinéa du présent II peuvent à tout moment faire l’objet d’un recours par la personne qui en fait l’objet devant le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe le lieu de sa quarantaine ou de son isolement, en vue de la mainlevée de la mesure. Le juge des libertés et de la détention peut également être saisi par le procureur de la République territorialement compétent ou se saisir d’office à tout moment. Il statue dans un délai de soixante-douze heures par une ordonnance motivée immédiatement exécutoire.
« Les mesures mentionnées au même premier alinéa ne peuvent être prolongées au-delà d’un délai de quatorze jours qu’après avis médical établissant la nécessité de cette prolongation.
« Lorsque la mesure interdit toute sortie de l’intéressé hors du lieu où la quarantaine ou l’isolement se déroule, elle ne peut se poursuivre au-delà d’un délai de quatorze jours sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l’État dans le département, ait autorisé cette prolongation.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent II. Ce décret définit les modalités de la transmission au préfet du certificat médical prévu au deuxième alinéa du présent II. Il précise également les conditions d’information régulière de la personne qui fait l’objet de ces mesures. » ;
4° Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « III. – ».
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Article 5
L’article L. 3136-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l’article 21 du code de procédure pénale peuvent constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article lorsqu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête. » ;
2° Avant le dernier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les agents mentionnés aux 4° et 5° du I de l’article L. 2241-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application du 1° du I de l’article L. 3131-15 du présent code en matière d’usage des services de transport ferroviaire ou guidé et de transport public routier de personnes, lorsqu’elles sont commises dans les véhicules et emprises immobilières de ces services. Les articles L. 2241-2, L. 2241-6 et L. 2241-7 du code des transports sont applicables.
« Les agents mentionnés au II de l’article L. 450-1 du code de commerce sont habilités à rechercher et constater les infractions aux mesures prises en application des 8° et 10° du I de l’article L. 3131-15 du présent code dans les conditions prévues au livre IV du code de commerce.
« Les personnes mentionnées au 11° de l’article L. 5222-1 du code des transports peuvent également constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées en application du 1° du I de l’article L. 3131-15 du présent code en matière de transport maritime, lorsqu’elles sont commises par un passager à bord d’un navire. »
Article 5 bis A
I. – Pour l’année 2020, la période mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles et au premier alinéa de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution est prolongée jusqu’au 10 juillet 2020 inclus.
II. – Pour l’année 2020, les durées mentionnées aux articles L. 611-1 et L. 641-8 du code des procédures civiles d’exécution sont augmentées de quatre mois. Pour la même année, les durées mentionnées aux articles L. 621-4 et L. 631-6 du même code sont augmentées de deux mois.
Articles 5 bis et 5 ter
(Supprimés)
Chapitre II
Dispositions relatives à la création d’un système d’information aux seules fins de lutter contre l’épidémie de covid-19
Article 6
I. – Par dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et pour la durée strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus, pour une durée de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, des données à caractère personnel concernant la santé relatives aux personnes atteintes par ce virus et aux personnes ayant été en contact avec elles peuvent être traitées et partagées, le cas échéant sans le consentement des personnes intéressées, dans le cadre d’un système d’information créé par décret en Conseil d’État et mis en œuvre par le ministre chargé de la santé.
Le ministre chargé de la santé ainsi que l’Agence nationale de santé publique, un organisme d’assurance maladie et les agences régionales de santé peuvent en outre, aux mêmes fins et pour la même durée, être autorisés par décret en Conseil d’État à adapter les systèmes d’information existants et à prévoir le partage des mêmes données dans les mêmes conditions que celles prévues au premier alinéa du présent I.
Les données à caractère personnel collectées par ces systèmes d’information à ces fins ne peuvent être conservées à l’issue d’une durée de trois mois après leur collecte.
Les données à caractère personnel concernant la santé sont strictement limitées au statut virologique ou sérologique de la personne à l’égard du virus mentionné au présent I ainsi qu’à des éléments probants de diagnostic clinique et d’imagerie médicale, précisés par le décret en Conseil d’État prévu au présent I.
Le décret en Conseil d’État prévu au présent I précise les modalités d’exercice des droits d’accès, d’information, d’opposition et de rectification des personnes concernées, celles atteintes par le virus ou celles en contact avec ces dernières, lorsque leurs données personnelles sont collectées dans ces systèmes d’information à l’initiative de tiers.
La prorogation des systèmes d’information au-delà de la durée prévue au premier alinéa ne peut être autorisée que par la loi.
II. – Les systèmes d’information mentionnés au I ont pour finalités :
1° L’identification des personnes infectées, par la prescription et la réalisation des examens de biologie ou d’imagerie médicale pertinents ainsi que par la collecte de leurs résultats, y compris non positifs, ou par la transmission des éléments probants de diagnostic clinique susceptibles de caractériser l’infection mentionnés au même I. Ces informations sont renseignées par un médecin ou un biologiste médical ou sous leur responsabilité, dans le respect de leur devoir d’information à l’égard des patients ;
2° L’identification des personnes présentant un risque d’infection, par la collecte des informations relatives aux contacts des personnes infectées et, le cas échéant, par la réalisation d’enquêtes sanitaires, en présence notamment de cas groupés ;
3° L’orientation des personnes infectées, et des personnes susceptibles de l’être, en fonction de leur situation, vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, ainsi que l’accompagnement de ces personnes pendant et après la fin de ces mesures ;
4° La surveillance épidémiologique aux niveaux national et local, ainsi que la recherche sur le virus et les moyens de lutter contre sa propagation, sous réserve, en cas de collecte d’informations, de supprimer les nom et prénoms des personnes, leur numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques et leur adresse.
Les données d’identification des personnes infectées ne peuvent être communiquées, sauf accord exprès, aux personnes ayant été en contact avec elles.
Sont exclus de ces finalités le développement ou le déploiement d’une application informatique à destination du public et disponible sur équipement mobile permettant d’informer les personnes du fait qu’elles ont été à proximité de personnes diagnostiquées positives au covid-19.
III. – Outre les autorités mentionnées au I, le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les équipes de soins primaires mentionnées à l’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique, les maisons de santé, les centres de santé, les services de santé au travail mentionnés à l’article L. 4622-1 du code du travail et les médecins prenant en charge les personnes concernées, les pharmaciens, les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes prévus à l’article L. 6327-1 du code de la santé publique, les dispositifs spécifiques régionaux prévus à l’article L. 6327-6 du même code, les dispositifs d’appui existants qui ont vocation à les intégrer mentionnés au II de l’article 23 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé ainsi que les laboratoires et services autorisés à réaliser les examens de biologie ou d’imagerie médicale pertinents sur les personnes concernées participent à la mise en œuvre de ces systèmes d’information et peuvent, dans la stricte mesure où leur intervention sert les finalités définies au II du présent article, avoir accès aux seules données nécessaires à leur intervention. Les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés dans le cadre de la lutte contre la propagation de l’épidémie peuvent recevoir les données strictement nécessaires à l’exercice de leur mission. Les personnes ayant accès à ces données sont soumises au secret professionnel. En cas de révélation d’une information issue des données collectées dans ce système d’information, elles encourent les peines prévues à l’article 226-13 du code pénal.
III bis. – L’inscription d’une personne dans le système de suivi des personnes contacts emporte prescription pour la réalisation et le remboursement des tests effectués en laboratoires de biologie médicale, par exception à l’article L. 6211-8 du code de la santé publique, ainsi que pour la délivrance de masque en officine.
IV. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par les décrets en Conseil d’État mentionnés au I après avis public conforme de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Ces décrets en Conseil d’État précisent notamment, pour chaque autorité ou organisme mentionné aux I et III, les services ou personnels dont les interventions sont nécessaires aux finalités mentionnées au II et les catégories de données auxquelles ils ont accès, la durée de cet accès, les règles de conservation des données ainsi que les organismes auxquels ils peuvent faire appel, pour leur compte et sous leur responsabilité, pour en assurer le traitement, dans la mesure où les finalités mentionnées au même II le justifient, et les modalités encadrant le recours à la sous-traitance.
IV bis. – Le covid-19 fait l’objet de la transmission obligatoire des données individuelles à l’autorité sanitaire par les médecins et les responsables des services et laboratoires de biologie médicale publics et privés prévue à l’article L. 3113-1 du code de la santé publique. Cette transmission est assurée au moyen des systèmes d’information mentionnés au présent article.
V. – Le directeur général de l’union nationale des caisses d’assurance maladie mentionnée à l’article L. 182-2 du code de la sécurité sociale peut, en tant que de besoin, fixer les modalités de rémunération des professionnels de santé conventionnés participant à la collecte des données nécessaires au fonctionnement des systèmes d’information mis en œuvre pour lutter contre l’épidémie. La collecte de ces données ne peut faire l’objet d’une rémunération liée au nombre et à la complétude des données recensées pour chaque personne enregistrée.
VI. – Il est instauré un Comité de contrôle et de liaison covid-19 chargé d’associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l’épidémie par suivi des contacts ainsi qu’au déploiement des systèmes d’information prévus à cet effet.
Ce comité est chargé, par des audits réguliers :
1° D’évaluer, grâce aux retours d’expérience des équipes sanitaires de terrain, l’apport réel des outils numériques à leur action, et de déterminer s’ils sont, ou pas, de nature à faire une différence significative dans le traitement de l’épidémie ;
2° De vérifier tout au long de ces opérations le respect des garanties entourant le secret médical et la protection des données personnelles.
Sa composition, qui inclut deux députés et deux sénateurs désignés par les présidents de leurs assemblées respectives, et la mise en œuvre de ses missions sont fixées par décret.
Les membres du comité exercent leurs fonctions à titre gratuit.
VII. – L’Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures mises en œuvre par les autorités compétentes en application du présent article.
Ces dernières leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu’elles prennent en application du présent article. L’Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport détaillé de l’application de ces mesures tous les trois mois à compter de la promulgation de la présente loi et jusqu’à la disparition des systèmes d’information développés aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19. Ces rapports sont complétés par un avis public de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Articles 6 bis et 6 ter
(Supprimés)
Chapitre III
Dispositions relatives à l’outre-mer
Article 7
I. – Le livre VIII de la troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 3821-11 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
b) Au premier alinéa du 3°, la référence : « deuxième alinéa » est remplacée par la référence : « second alinéa du I » ;
c) Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° Les sixième et septième alinéas de l’article L. 3136-1 ne sont pas applicables ; »
2° Le chapitre Ier du titre IV est ainsi modifié :
a) L’article L. 3841-2 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après le mot : « française », sont insérés les mots : « dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
– au premier alinéa du 2°, après la référence : « premier alinéa », est insérée la référence : « du I » ;
– au dernier alinéa du même 2°, les références : « 1° à 9° » sont remplacées par les références : « 1°, 2° et 5° à 9° du I » ;
b) L’article L. 3841-3 est ainsi modifié :
– au premier alinéa, la référence : « n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 » est remplacée par la référence : « n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions » ;
– il est ajouté un 4° ainsi rédigé :
« 4° Les septième et huitième alinéas ne sont pas applicables. » ;
3° L’article L. 3845-1 est ainsi modifié :
a) Les références : « , L. 3115-7 et L. 3115-10 » sont remplacées par la référence : « et L. 3115-7 » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 3115-10 est applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, sous réserve des adaptations prévues au présent chapitre. »
II. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711-1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions. »
III. – À l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, après le mot : « ordonnance », sont insérés les mots : « , dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ».
IV. – Par dérogation au troisième alinéa du II de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le représentant de l’État peut s’opposer au choix du lieu retenu par l’intéressé s’il apparaît que ce lieu ne répond pas aux exigences sanitaires qui justifient son placement en quarantaine à son arrivée dans l’une des collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution.
Article 8
Le 4° de l’article 2 et le 3° de l’article 3 entrent en vigueur à compter de la publication du décret mentionné au même 3°, et au plus tard le 1er juin 2020.
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, comme cela a été dit, nous voterons contre la prorogation de l’état d’urgence, car le retour au droit commun, respectueux des libertés publiques et du Parlement, était, selon nous, possible. Or, à l’évidence, ce n’est pas le choix qui a été retenu, pas plus que celui de s’atteler à l’urgence sanitaire et sociale avec des moyens à la hauteur des besoins, particulièrement en faveur des hôpitaux.
Nous le savons bien, la situation ne s’améliorera vraiment que lorsqu’un vaccin aura été trouvé, ce qui malheureusement ne sera pas le cas avant plusieurs mois ; en attendant, puisque le déconfinement a été décidé, la seule solution immédiate est celle des masques.
Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a déjà été dit en la matière, mais j’insiste sur un élément qui me paraît essentiel : les masques doivent être gratuits pour tout le monde, et cette gratuité doit être généralisée aux tests. Les dirigeants à la tête de notre pays ont le pouvoir de faire ce choix, qui sera crucial pour la vie quotidienne de tous nos compatriotes. Le Gouvernement devrait concentrer toute son énergie sur cet impératif et sur l’organisation concrète du retour à la vie sans confinement. Un exemple criant de la désorganisation générale est celui de la situation des écoles, qui fait l’objet de logorrhées contradictoires, qui continuent à être très inquiétantes.
Au lieu d’apporter des éclaircissements sur des sujets aussi cruciaux, vous vous appliquez à mettre en œuvre un système d’information que personne ne souhaite et sur lequel nous demandons un projet de loi spécifique avant sa mise en place effective. De la même manière, nous souhaitons qu’un débat sérieux et respectueux du Parlement ait lieu sur la future application StopCovid, qui, là encore, ne laisse présager rien de bon.
Dans ce contexte de choix aux lourdes conséquences, d’erreurs multiples, de manques d’anticipation manifestes, il n’est pas acceptable de laisser penser une minute que les responsables de la situation actuelle puissent être a priori disculpés. Les maires prennent déjà leurs responsabilités, avec le souci permanent de l’intérêt général. Les chefs d’entreprise, eux, ne peuvent être déresponsabilisés de l’obligation de sécurité qu’ils doivent à leurs salariés.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRCE voteront contre ce projet de loi. (Mme Esther Benbassa applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier, pour explication de vote.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, mes chers collègues, dans deux jours, la France entamera sa sortie progressive d’une période de confinement unique dans son histoire. Pour nos concitoyens, qui aspirent au retour à la vie normale, ce sera un soulagement, même si, comme cela a plusieurs fois été évoqué, le déconfinement n’est pas en lui-même le retour à la normale. Mais c’est un pas dans la bonne direction.
Notre rôle est, là encore, d’accompagner ce pas, de le rendre possible, et de faire en sorte qu’il ne se transforme pas en un saut de haie hasardeux. Le Gouvernement a demandé la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, afin qu’il puisse continuer à utiliser certains des pouvoirs exceptionnels que nous lui avons confiés dans la loi du 23 mars 2020. Il a également sollicité l’autorisation de mettre en place un dispositif inédit de partage de données médicales.
Au regard de la situation du pays, de la persistance du virus, et des conséquences dramatiques en vies humaines que représenterait une « deuxième vague », ces demandes ne nous paraissent pas entièrement illégitimes.
Toutefois, le Sénat ne serait pas le Sénat s’il n’avait pas assorti cette extension des pouvoirs exceptionnels d’un certain nombre de garanties salutaires, d’abord, en ajustant et en améliorant les conditions dans lesquelles se dérouleront les quarantaines, outil déplaisant, mais nécessaire de la lutte contre l’épidémie, ensuite, en consolidant fortement l’armature du système d’information de l’article 6. Cet autre outil est éminemment déplaisant, mais, s’il peut sauver des vies et s’il reste circonscrit au cadre que nous lui avons fixé, demeure acceptable, et ce d’autant plus que la future saisine du Conseil constitutionnel par notre président, Gérard Larcher, permettra une vérification supplémentaire et une solidification de ces dispositions.
Enfin, et ce n’est pas le point le moins important, grâce aux sénateurs de la commission mixte paritaire, et en particulier au président Philippe Bas, qui a accompli un travail considérable et remarquable – je veux ici le remercier, au nom du groupe Les Républicains –, nous avons réussi à aboutir à un compromis satisfaisant avec les députés sur la question de la responsabilité. Lundi 11 mai, les maires, chefs d’entreprise et autres responsables sur le terrain qui font la vie de la Nation, ne seront pas les laissés-pour-compte du déconfinement.
Au regard de ces avancées, nous voterons le texte ; mais nous le ferons sans jamais renoncer à la vigilance de tous les instants dont nous devons faire preuve en cette période exceptionnelle, où le Gouvernement est doté de pouvoirs exceptionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, je n’ajouterai rien à ce qu’a excellemment dit ma collègue Maryse Carrère, ni sur le contenu ni sur le vote du groupe du RDSE. Néanmoins, elle avait tellement peur de dépasser le temps imparti qu’elle n’a pas remercié les présidents de commission, les ministres, les sénateurs, qu’ils siègent en présentiel ou en virtuel, les fonctionnaires et tous ceux que j’oublie dans cette énumération qui s’apparente à un inventaire à la Prévert !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRCE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 104 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Pour l’adoption | 252 |
Contre | 87 |
Le Sénat a adopté.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant de nous séparer, je voudrais vous dire ma satisfaction que le Sénat et l’Assemblée nationale soient parvenus à un accord sur ce texte. Je tiens à remercier tout particulièrement, outre les membres de la commission mixte paritaire, les sénateurs de la commission des lois et de la commission des affaires sociales du Sénat, et leurs présidents respectifs, Philippe Bas et Alain Milon – il suit nos travaux à distance –, sans oublier le président et le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Le compromis consiste toujours avancer les uns vers les autres pour se retrouver.
Nous avons consacré à ce texte seize heures trente, très exactement, de discussion en séance et un temps important en commission. Pour avoir largement participé à ces travaux, avec le soutien de notre collègue Thani Mohamed Soilihi, je peux affirmer que les débats ont toujours été très intéressants, parfois passionnés, dans le sens de ce qui nous anime ici, à savoir la représentation des territoires, et pas simplement de telle ou telle catégorie, à un moment où ceux-ci doivent absolument reprendre vie.
Vous avez eu constamment à cœur de concilier les contraintes imposées par l’urgence sanitaire et la préservation des libertés publiques.
Un devoir de vigilance s’impose à nous en ces temps particuliers, où nous devons lutter contre l’épidémie sans sacrifier nos libertés fondamentales.
Dans cet esprit, je vous confirme que j’ai décidé de saisir dès ce soir le Conseil constitutionnel. Je souhaite m’assurer que le travail que nous avons conduit ensemble repose sur des bases solides, incontestables, et que les mesures que nous mettrons en œuvre pour assurer la victoire sur le virus sont nécessaires et adaptées aux circonstances.
Je voudrais aussi remercier les présidents de groupe, particulièrement malmenés hier par l’agenda parlementaire, avec une série d’ordres et de contre-ordres qui faisaient penser à une autre période. Ils ont su privilégier l’essentiel, mais nous ne pourrons pas répéter à l’infini cette méthode de travail, car il convient de garantir la sérénité des débats propice à l’approfondissement d’un travail auquel nous sommes, les uns et les autres, attachés.
Mme Éliane Assassi. C’est certain ! (M. Jean-Pierre Sueur renchérit.)
M. le président. Demain, nous serons le 10 mai 2020. En cette journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, M. le Premier ministre et moi-même participerons à un moment de recueillement au Jardin du Luxembourg. Je ne peux malheureusement vous y convier tous, car cette cérémonie se déroulera dans un format réduit, assez comparable à celui que le Président de la République avait retenu hier à l’Arc de Triomphe.
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 13 mai 2020 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures quarante-cinq.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication