M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Devant un tel élan de générosité, je regrette de ne pas avoir déposé un amendement tendant à permettre aux dirigeants d’entreprise dont le salaire s’élève à un certain nombre de fois le SMIC de faire un don à leur entreprise pour aider les salariés. Vous l’auriez certainement tous accepté, n’est-ce pas ?…
On demande toujours aux mêmes de payer ! Nous en avons ri, avec ma collègue Laurence Cohen, tellement c’est ubuesque. La souplesse, c’est formidable, mais c’est toujours pour les mêmes ! On incite toujours à la grande générosité des autres, c’est-à-dire des salariés. Pensons plutôt à une autre répartition des richesses et sortons de cet état d’esprit.
Mme Monique Lubin. Tout à fait !
Mme Esther Benbassa. Évitons que le jour d’après ne soit pire que le jour d’avant !
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er bis A.
Article 1er bis B
(Non modifié)
Afin de faire face aux conséquences des mesures prises pour limiter la propagation de l’épidémie de covid-19, les fédérations sportives délégataires et les ligues professionnelles constituées en application de l’article L. 132-1 du code du sport peuvent prendre, à compter de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2020, toute mesure ou décision visant à :
1° Adapter les règles édictées, notamment en application des 1° à 3° de l’article L.131-16 du même code, pour les compétitions sportives qu’elles organisent et à l’issue desquelles sont délivrés les titres nationaux, régionaux ou départementaux ;
2° Adapter les règles et critères leur permettant de procéder aux sélections correspondantes.
Ces mesures peuvent être prises par les instances dirigeantes de la fédération sportive délégataire ou, le cas échéant, de la ligue professionnelle, dans le respect de leurs dispositions statutaires. Ces instances peuvent prévoir qu’elles sont d’application immédiate ou rétroactive.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, sur l’article.
M. Claude Kern. Je souhaite revenir sur la décision, annoncée à l’occasion de la présentation de la stratégie nationale de déconfinement du 28 avril dernier, d’arrêter la saison 2019-2020 pour les sports professionnels, notamment pour le football.
Pourquoi avoir pris une décision aussi rapide, sans aucun échange avec les acteurs concernés ? Pourquoi des pays européens qui ont un championnat de football majeur, tels que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, ont-ils au contraire décidé de reprendre ? Pourquoi ne pas avoir attendu de connaître l’évolution de la situation sanitaire fin mai ? Au regard des informations dont nous disposons et de l’évolution de la situation sanitaire, d’autres schémas de reprise auraient pu être imaginés.
L’ampleur de la situation incite certes à la prudence et nécessite des prises de décisions rapides. Toutefois, cette décision est désormais lourde de conséquences à long terme et risque d’affaiblir un peu plus la place du sport, particulièrement du football français sur la scène européenne et de le rendre ainsi plus vulnérable face à la concurrence des grands championnats voisins.
Les enjeux sont multiples, notamment économiques. La perte est estimée à plus de 700 millions d’euros. Cette décision provoque donc une certaine incompréhension, d’autant plus que plusieurs pays européens ont fait des choix radicalement différents.
Un sportif de haut niveau a besoin de cinq à six semaines d’entraînement intensif pour être en forme physiquement. Par ailleurs, pour éviter une chute trop brutale du nombre de licenciés, il faut travailler sur des protocoles de reprise par discipline. Permettre à nos jeunes de pratiquer leur activité sportive favorite nous évitera d’assister à des organisations sauvages regroupant illégalement des centaines de personnes comme on a pu le voir ce week-end.
Pour en revenir à l’économie du sport, si le plan Tourisme dévoilé par le Premier ministre le 14 mai dernier comprend un certain nombre de mesures utiles et bienvenues à la préservation de la filière sport, celles-ci doivent cependant être renforcées pour éviter qu’un trop grand nombre de clubs ne soient menacés.
Madame la ministre, merci de nous apporter une réponse claire pour rassurer tous les sportifs,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Claude Kern. … les nombreux dirigeants et bénévoles des 360 000 clubs, les 112 000 entreprises du sport et leurs 448 000 salariés.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis, présenté par MM. Kanner, Kerrouche et Marie, Mme Lubin, MM. P. Joly, Sueur et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes de la Gontrie, Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, M. Jomier, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Pendant la période de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et pour faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et répondre aux demandes de mesures prises pour limiter cette propagation, les fédérations sportives mentionnées au chapitre Ier du titre III du livre Ier du code du sport et des ligues professionnelles mentionnées au chapitre II du titre III du livre Ier du même code sont autorisées à procéder à la modification de la réglementation, de la durée et de l’organisation des compétitions et des saisons sportives 2019/2020 et 2020/2021, à compter du 12 mars 2020.
La parole est à M. Patrick Kanner.
M. Patrick Kanner. À la suite de la suppression par l’Assemblée nationale d’une partie de l’ordonnance prévue au i du 2° du I de l’article 1er, le présent amendement a pour objet de combler un vide juridique, en donnant une base légale aux décisions d’annulation des compétitions et d’arrêt des saisons sportives prises par les fédérations.
Alors que la crise a déjà beaucoup fragilisé les ligues et les fédérations, cet amendement vise à les protéger des conséquences juridiques et financières – j’y reviendrai lors de la présentation d’un prochain amendement – de la décision brutale prise le 28 avril par le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’entends vos arguments, monsieur le président Kanner. Il me semble toutefois que l’article 1er bis B du projet de loi satisfait déjà votre demande. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. On ne peut que partager les objectifs visés au travers de cet amendement, mais la rédaction actuelle de l’article 1er bis B sécurise déjà les décisions des fédérations et des ligues professionnelles pour les compétitions des saisons 2019-2020 et 2020-2021.
De plus, sachez que cette rédaction a été élaborée en concertation avec les acteurs du sport et qu’elle apporte des précisions supplémentaires par rapport à la proposition que vous faites, puisqu’elle intègre une modification des règles spécifiques aux manifestations de sport amateur et des règles sur les conditions administratives et financières des clubs.
Je demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Kanner, l’amendement n° 62 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Patrick Kanner. Je suis très heureux de la réponse de Mme la ministre. Puisque cet amendement est satisfait par un texte plus complet, je le retire avec plaisir.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 84 rectifié quater, présenté par MM. Kern, Lozach, Savin et Rambaud, Mme Jouve, MM. Karam et Laugier, Mme Duranton, MM. Gabouty, Janssens, Vaspart, Prince et Danesi, Mme Lavarde, MM. Regnard, Détraigne, Todeschini et Delcros, Mme Sollogoub, M. Chasseing, Mme Joissains, MM. Moga, Frassa, Reichardt, Mizzon, Lefèvre et de Nicolaÿ, Mmes Saint-Pé et Mélot, MM. Lagourgue et Louault, Mmes N. Delattre et Billon, MM. Grosperrin, Henno, Dufaut et Gremillet, Mme Férat, MM. Bouchet et Kennel, Mmes Goy-Chavent et Gatel, MM. Pointereau, Vogel, Chatillon, Wattebled et P. Martin, Mme C. Fournier et M. L. Hervé, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
et à l’issue desquelles sont délivrés les titres nationaux, régionaux ou départementaux
La parole est à M. Claude Kern.
M. Claude Kern. Cet amendement vise à ne pas limiter le champ d’application du présent article aux seules compétitions délivrant des titres, afin d’intégrer notamment des épreuves qualificatives ou de classement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mon cher collègue, la rédaction que vous proposez n’indique pas précisément ce que vous venez d’exposer. En réalité, vous supprimez toute précision. J’avoue ne pas bien saisir les enjeux de votre amendement, qui est beaucoup trop large. J’attends donc avec intérêt l’avis de Mme la ministre des sports. Pour l’heure, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Il s’agit d’un amendement d’ajustement, qui est porté par plusieurs sénateurs qui suivent les questions relatives au sport. La rédaction proposée permettra d’appliquer le dispositif à l’ensemble des compétitions organisées par les fédérations délégataires et les ligues professionnelles, et non simplement à celles à l’issue desquelles sont délivrés des titres de champion. Ce point avait été évoqué lors de la concertation sur le sujet. Cette précision est la bienvenue. Nous y sommes donc favorables.
Je tiens par ailleurs à insister sur l’intérêt majeur de l’article 1er bis B pour le secteur du sport.
Au regard de la situation exceptionnelle que nous vivons, nos fédérations et nos ligues ont été contraintes de mettre un terme définitif à leurs compétitions sportives pour la saison 2019-2020. Environ un tiers des rencontres et des matches qui restaient encore à disputer ont donc été annulés. Au niveau amateur comme professionnel, les ligues et les fédérations ont dû prendre des décisions sur la fin des championnats et sur les dates ou sur les conditions d’accession ou de relégation entre deux divisions, avec des conséquences sportives qui n’ont évidemment pas satisfait tous les clubs, mais aussi des conséquences financières, les financements étant attribués en fonction des classements et du niveau des compétitions.
Ces décisions n’ont pas été faciles à prendre, d’autant que les fédérations ont dû statuer un peu dans l’urgence, sans cadre juridique adapté ni règles prévues d’avance. C’est pourquoi l’objectif de cet article est de sécuriser ces décisions imposées par la crise sanitaire et leurs conséquences pour les fédérations et les ligues.
Je souhaite également lever une ambiguïté, soulevée lors du débat à l’Assemblée nationale, concernant les décisions que les fédérations et les ligues professionnelles pourraient prendre au titre de la saison 2020-2021 et jusqu’au 31 décembre 2020.
Le texte prévoit que leurs instances dirigeantes auront la possibilité de tirer les conséquences d’éventuels forfaits des clubs dans les poules qui seront constituées en début de saison, de tels forfaits pouvant impacter les règles de repêchage ou le format des championnats. En effet, à ce stade, plusieurs clubs, notamment de niveau intermédiaire, sont encore dans l’incertitude quant aux conditions dans lesquelles ils pourront débuter la saison prochaine.
Nous souhaitons laisser la possibilité aux fédérations et aux ligues d’ajuster ces règles en début de saison dans le respect de leur cadre statutaire. La reprise en sera plus simple, et les conséquences, y compris financières, pour les clubs – je ne parle pas là évidemment que du football – en seront moins importantes.
M. le président. L’amendement n° 242 rectifié bis, présenté par MM. Savin et Buffet, Mmes Di Folco et Lamure, M. Forissier, Mme Procaccia, MM. Charon et Brisson, Mme Lopez, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Vanlerenberghe, Henno et Grosperrin, Mmes Billon et Mélot, MM. Lagourgue et Genest, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Wattebled, Longeot, Milon, Rapin et Laugier, Mme Vermeillet, M. Bonne, Mme Chauvin, MM. Houpert, Chatillon et Canevet, Mmes M. Mercier et Gruny, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mme Morhet-Richaud, MM. B. Fournier et Fouché, Mmes Imbert, de Cidrac et Puissat, MM. Roux, Gremillet, Segouin, Pierre, Chasseing et Moga, Mmes Thomas, Chain-Larché, Noël et Guidez, MM. Danesi et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Bouchet, D. Laurent, Détraigne et Panunzi, Mme Vérien, MM. Théophile, Frassa, Sol, Vaspart, Longuet, Kennel, Dallier, Pointereau, Calvet, Vogel et Decool et Mmes Micouleau et Deseyne, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Les fédérations sportives délégataires et les ligues professionnelles peuvent décider de reprendre les compétitions professionnelles afin d’achever la saison 2019-2020, si la situation sanitaire le permet et après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique.
Elles définissent pour ce faire, sous leur responsabilité, et en accord avec l’État, un protocole sanitaire adapté à la reprise des compétitions qui détermine les conditions dans lesquelles les sportifs, les personnels nécessaires et le public peuvent participer à ces compétitions.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Depuis l’annonce du 28 avril dernier du Premier ministre de l’arrêt des championnats professionnels, nous sommes nombreux à nous interroger sur la décision qui a été prise.
Quelles sont les raisons qui ont poussé le Gouvernement à faire le choix d’arrêter totalement les compétitions professionnelles ? Pourquoi avoir pris une décision aussi rapide, sans aucun échange avec les acteurs concernés ? Pourquoi ne pas avoir attendu, comme l’ont fait d’autres pays européens, de connaître l’évolution de la situation sanitaire fin mai ?
La situation incite à la prudence et nécessite des décisions rapides. Nous vous avons interrogée en ce sens, madame la ministre, mais de nombreuses questions restent en suspens.
Le sens de mon amendement est clair : il vise à donner la possibilité d’envisager une reprise de la saison actuelle, sous réserve bien sûr d’un avis du comité de scientifiques ainsi que d’un protocole sanitaire adapté.
Rien n’est imposé à personne, et le pouvoir reste tout entier dans les mains des ligues et des fédérations, dont les décisions sont sécurisées par l’article 1er bis B du projet de loi.
Si, dans quelque temps, en pleine crise économique et sociale, on nous demande de voter des aides de l’État – c’est-à-dire des contribuables – d’un montant de plusieurs centaines de millions d’euros pour sauver le foot français, je veux être sûr et certain que les bonnes décisions auront été prises au bon moment et par les bonnes personnes.
Cet amendement vise simplement à donner aux acteurs la possibilité de revoir les choses s’ils le souhaitent au regard de la situation actuelle et en toute transparence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Cet amendement me semble s’adresser essentiellement au Gouvernement, afin d’obtenir un certain nombre d’explications. Je les attends moi aussi avec impatience. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Monsieur le sénateur, je partage votre souhait d’une reprise rapide des championnats, afin de protéger les intérêts économiques de nos clubs, à condition que les règles sanitaires soient respectées pour protéger la santé des joueurs. Je suis tout à fait d’accord pour soutenir la reprise de la saison 2019-2020 au niveau européen pour les deux clubs qui vont représenter la France en Champions League au mois d’août prochain.
Il va falloir mettre en place les conditions d’une reprise des activités sportives en groupe et des compétitions, en mode dégradé peut-être, c’est-à-dire avec moins de supporters, et ce avant un retour progressif à la normale, on l’espère, dès le mois d’août.
La proposition que le Premier ministre et moi-même avons faite d’arrêter la saison 2019-2020 répondait à une demande des instances. Je ne peux donc pas vous laisser dire qu’il n’y a pas eu de concertation. En tant que ministre, j’ai vocation à parler avec Mme Boy de la Tour, présidente de la Ligue professionnelle de football, avec M. Le Graët, président de la Fédération française de football, mais pas avec les présidents des clubs, même si, évidemment, je les rencontre à d’autres occasions.
C’est bien sûr dans l’intérêt général du football qu’a été évoquée la possibilité d’une reprise du championnat 2019-2020 le 13 juin et d’une fin le 3 août. Nous n’avons fait que répondre aux demandes, après de nombreuses concertations organisées avec l’ensemble des acteurs, y compris les ligues professionnelles et les syndicats de joueurs, qui ont bien sûr été entendus.
Si la compétition doit reprendre au mois d’août, il est clair que les décisions prises par ces instances l’auront été dans l’intérêt général du football. La Ligue, en signant un contrat avec un nouveau diffuseur pour la saison 2020-2021, a cherché à donner des assurances solides à l’ensemble des acteurs du football professionnel, mais aussi à ceux du football amateur, en leur faisant bénéficier d’une manne financière importante, dont ils ont besoin. C’est ce contrat que les instances désiraient sécuriser : elles ne voulaient plus d’un argent qui n’aurait profité qu’à un petit nombre de clubs, sur lequel elles n’auraient eu aucune garantie, et dont le versement aurait pu, comme aujourd’hui pour le championnat 2019-2020, être suspendu par le diffuseur.
Aujourd’hui, je pense que ces considérants n’ont rien à faire dans la loi : c’est au mouvement sportif d’en décider. Ce que nous faisons dans cette loi, c’est de sécuriser les décisions des instances, et non de prendre les décisions à leur place, que ce soit au sujet du déroulement des championnats ou de l’arrêt ou non des compétitions. Les décisions ont été prises de manière démocratique par les instances, et je crois qu’il est de mon devoir, comme du vôtre, de les pérenniser : il est important que les personnes en place, élues selon un processus démocratique, puissent prendre des décisions en toute responsabilité.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Savin, l’amendement n° 242 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Michel Savin. Tout d’abord, madame la ministre, si je vous entends bien, vous êtes d’accord pour soutenir la reprise des compétitions au niveau européen, mais pas au niveau français. C’est un peu surprenant.
Ensuite, il n’est pas question que nous nous immiscions dans les décisions des ligues et des fédérations. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle mon amendement tend à donner la possibilité à ces instances de débattre en interne et de choisir si elles veulent ou non redémarrer les compétitions. Je n’impose rien !
Aujourd’hui, on se focalise sur une ligue qui mobilise l’attention : la Ligue professionnelle de football. On sait que, derrière ce sport, ce sont des millions d’euros qui sont en jeu. Personnellement, je n’ai pas envie que l’argent public serve demain à renflouer le football professionnel – je le dis clairement –, surtout s’il existe d’autres solutions.
M. Jérôme Bascher. Eh oui !
M. Michel Savin. Actuellement, à cause de l’arrêt du championnat, les droits de diffusion ne sont plus versés à la Ligue professionnelle de football. Je ne dis pas que cela pourrait entraîner un arrêt définitif du championnat, mais a-t-on réellement étudié toutes les possibilités pour minimiser l’impact économique de cet événement, qui va peser lourd ?
Les recettes des championnats des autres sports professionnels reposent essentiellement sur la billetterie et le partenariat. Ils ont très peu ou pas de recettes issues des droits télévisés ; ils ne sont donc pas dans la même situation.
Le football disposait, quant à lui, d’une manne financière importante. Or les diffuseurs ont décidé de ne plus verser ces sommes, parce que le championnat s’est arrêté. Je crains – on verra dans quelques semaines si j’ai raison – qu’on ne nous sollicite bientôt collectivement, État et collectivités locales, pour soutenir le football professionnel. C’est pourquoi je propose de nouveau d’offrir aux ligues et aux fédérations la possibilité de décider librement et démocratiquement l’éventuelle reprise des compétitions.
J’aurais retiré mon amendement si vous m’aviez dit que vous proposeriez pour le championnat français ce que vous proposez pour le championnat européen. Dommage…
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour explication de vote.
M. Patrick Kanner. Le sport professionnel est au point mort depuis le 17 mars dernier. Le 28 avril, le Premier ministre aurait pu annoncer qu’il suspendait les compétitions dans l’attente d’une évolution de l’épidémie et de propositions du conseil scientifique, qui, dans cette affaire, n’est manifestement que purement décoratif. Or, comme l’ont dit nos collègues de la majorité sénatoriale ici présents, la décision a été prise d’arrêter l’ensemble des championnats de manière brutale, autoritaire et inconsidérée. C’est regrettable, parce que, aujourd’hui, nos concitoyens n’ont pas d’autre choix que de suivre la Bundesliga à la télévision et, bientôt, les ligues italienne et portugaise.
Si, dans le domaine du sport professionnel, la France est au point mort, vous en portez la responsabilité, madame la ministre. Il faudra l’assumer : c’est un choix que nous paierons cher dans les compétitions à venir !
Dans ces circonstances, la réponse apportée par la majorité sénatoriale consiste à dire qu’il faut tout arrêter et permettre aux fédérations de se remobiliser, autant que de besoin. Nous voterons à contrecœur contre cet amendement, car il est malheureusement déjà trop tard. Comme l’avait fait le CNO, les fédérations nous écrivent aujourd’hui que l’on ne peut plus revenir en arrière et que l’on est dans la seringue. Cette seringue, c’est vous qui l’avez créée, madame la ministre, jusqu’à atteindre un résultat déplorable pour notre pays sur le plan sportif. Vous en porterez la responsabilité devant les 17 millions de nos concitoyens licenciés, les 17 millions de Français qui pratiquent un sport sans être licenciés, tous ceux qui aiment le sport et qui aiment regarder le sport français à la télévision.
En votant contre cet amendement, nous vous ferons peut-être plaisir, madame la ministre, mais nous agissons en conscience, non pour cautionner votre mauvaise décision, mais pour que vous assumiez vos responsabilités.
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. Je veux ajouter à ce que notre collègue Savin a brillamment exposé, mais aussi aux propos du président Kanner, même si je ne partage pas sa conclusion, que la décision du Gouvernement était, me semble-t-il, hâtive. Bien que j’en comprenne les ressorts, en raison des circonstances, cette décision a été prise de façon définitive sans laisser aucune chance de reprise au championnat de France de Ligue 1 dans la période qui s’ouvre.
Le présent amendement a pour objet de trouver une solution permettant cette reprise. Nous voyons que les championnats étrangers recommencent et que la France, pourtant titrée à deux reprises au plan mondial, est à l’arrêt.
Toutes les décisions prises par le Gouvernement l’ont été sur le fondement d’un avis donné par le conseil scientifique – nous le savons, et nous le comprenons d’ailleurs –, sauf en la circonstance. Pourquoi ne pas permettre aux fédérations de consulter ce conseil, dont l’avis pourrait ne pas varier, mais qui pourrait aussi changer et ainsi faciliter, dans des conditions sanitaires parfaites, une reprise du championnat. Cela contribuerait à donner à ce championnat la fin qu’il mérite.
Sportivement, les choses se feront naturellement. Économiquement, il existe un intérêt évident à ce que le championnat reprenne, car il y a des emplois en jeu dans le monde du football. Prêter de l’argent aux clubs et leur garantir des emprunts signifie qu’ils pourront peut-être passer cette période, mais aussi qu’ils devront rembourser cet argent.
Au moment où on nous demande d’aller voter le 28 juin prochain – sans que l’on puisse faire campagne d’ailleurs : pas de réunions publiques, de tractage, ni de marchés –, au moment où on nous annonce – et c’est heureux – un retour aux terrasses des cafés à partir du 3 juin, la réouverture des cinémas et des théâtres, ainsi que la possibilité de partir en vacances à compter du mois de juillet, au moment où on nous dit que les choses s’arrangent finalement, on constate que le Gouvernement a fait un choix définitif et trop hâtif. Rien ne l’y obligeait pourtant – je ne vais pas entrer dans le détail.
Il ne faudrait pas laisser passer cette chance. Avec cet amendement, c’est finalement une possibilité qui est offerte aux instances, qui décideront de s’en emparer ou pas. Laissez la porte ouverte à cette possibilité !
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. J’étais assez tenté de suivre Michel Savin, mais, finalement, je partage la même position que M. Kanner : je crois que l’on ne peut pas revenir en arrière. Aujourd’hui, beaucoup de clubs ont pris acte d’une décision qui, il est vrai, a été brutale. Je pense que ce n’était pas au Premier ministre de faire cette annonce, mais à chaque ligue. Il aurait effectivement pu fixer une orientation sans arrêter de choix.
Aujourd’hui, je le répète, je crois que l’on ne peut plus revenir en arrière. Aussi ne voterai-je malheureusement pas cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.