Mme Roxana Maracineanu, ministre. Évidemment, monsieur Kanner, que j’assume cette décision d’avoir protégé la santé de nos athlètes, comme celle de tout citoyen français. Les athlètes ont eu à se confiner chez eux comme l’ensemble des Français. Du coup, ils ont perdu en qualités physiques, en capacité d’entraînement. Ils doivent revenir progressivement à la compétition.
Même si nous espérons tous la réouverture des stades et des équipements sportifs, on ne peut pas faire une telle annonce du jour au lendemain. On ne peut pas dire le 3 juin : ça y est, les sportifs ressortent et les événements vont pouvoir reprendre. Vous le savez, vous avez été ministre des sports, du moins ministre de la ville exerçant sa tutelle sur un secrétariat d’État aux sports,…
M. Patrick Kanner. Ministre de la ville, de la jeunesse et des sports !
Mme Roxana Maracineanu, ministre. … il y a des sportifs derrière les événements sportifs. Il faut respecter le processus de montée en puissance de ces sportifs lors des entraînements.
Il faut aussi que les activités sportives reprennent en groupe. Or les sportifs n’ont pas encore accès aux tests. Certains clubs ont certes pris des initiatives, mais celles-ci ne s’inscrivent pas dans la philosophie défendue par le Gouvernement en matière d’utilisation des tests. Il est pourtant indispensable que les sportifs soient en sécurité pour la reprise de l’entraînement en groupe. Par ailleurs, je le répète, ces athlètes ont besoin d’un certain nombre de semaines pour s’entraîner ensemble avant que les compétitions ne puissent reprendre.
Monsieur Savin, nous militons tous pour que les compétitions redémarrent en France aussi, dès le mois d’août. Simplement, ce que vous évoquez, c’est une reprise du championnat 2019-2020, et non le début de la saison 2020-2021. À vos arguments, qui sont d’ordre économique, puisque vous vous demandez si la France est prête à assumer le fait que l’on soutienne des clubs professionnels, je réponds : oui, évidemment !
J’assume aussi le fait qu’on ait aidé les clubs professionnels, qu’on les ait considérés comme des entreprises qui cotisent tout au long de l’année. D’ailleurs, en calculant ces cotisations, on s’aperçoit qu’il était tout à fait normal que les clubs bénéficient du chômage partiel, qu’ils puissent avoir accès aux PGE. La Ligue professionnelle de football a d’ailleurs bénéficié d’un prêt garanti par l’État qu’elle pourra rembourser dès le mois d’août grâce au contrat qui la lie au diffuseur de la nouvelle saison. C’est ce raisonnement qui a été tenu.
Monsieur le sénateur, ces considérants ont bien sûr été pris en compte. La décision du Premier ministre, la mienne ensuite ont évidemment été prises en concertation avec les instances, sous l’autorité du Haut Conseil de la santé publique. Nous n’avons pas décidé dans notre coin, sans consulter personne. Vous avez dû voir tous les guides que le ministère des sports a publiés : ils sont élaborés avec les fédérations et le Haut Conseil de la santé publique.
On ne peut pas se passer de l’avis des scientifiques, parce que nos deux priorités sont la santé des joueurs et la reprise progressive des activités sportives, qui ont subi un grave choc économique à cause de la crise sanitaire. On a envie que ces activités reprennent le plus rapidement possible, mais pas à n’importe quel prix.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Madame la ministre, personne dans cet hémicycle, me semble-t-il, n’a reproché au Gouvernement les mesures qu’il a prises concernant le confinement. Nous avons été tout à fait responsables. C’est le déconfinement que vise l’amendement de Michel Savin.
Je ne comprends pas que vous ne laissiez pas aux instances le choix de reprendre les compétitions. Finalement, vous ne faites pas confiance au mouvement sportif pour mettre fin ou non aux championnats, selon des règles et des possibilités propres à chaque activité sportive.
Il faut quand même faire attention à ne pas mettre en péril ces activités. On a beaucoup parlé de football. Je vais me permettre de parler d’un sport qui résonne davantage avec l’accent du sud-ouest.
La survie du Top 14 est en jeu si vous ne montrez pas davantage de souplesse et si vous ne faites pas davantage confiance aux responsables du rugby, confrontés à de graves difficultés. J’entendais récemment le président d’un club de rugby de mon département, la section paloise, dire que, dans le cadre actuel, son équipe ne pourrait jouer que trois matches et pas davantage. Un véritable péril plane sur un sport qui ne bénéficie pas des mêmes droits de télévision que le football.
Si vous ne vous adaptez pas aux réalités de chaque ligue et de chaque fédération, l’avenir du sport en France est en grand péril : faites confiance au mouvement sportif ! En ce qui me concerne, j’espère que Michel Savin maintiendra son amendement, car je veux le voter.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 242 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Savin et Kern, Mme Procaccia, MM. Charon et Brisson, Mme Lopez, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Vanlerenberghe, Henno et Grosperrin, Mmes Billon et Mélot, MM. Lagourgue et Genest, Mmes Dumas et Deromedi, MM. Wattebled, Longeot, Milon, Rapin et Laugier, Mme Vermeillet, M. Bonne, Mme Chauvin, MM. Houpert, Chatillon et Canevet, Mmes M. Mercier et Gruny, MM. de Nicolaÿ et Mouiller, Mmes Di Folco et Morhet-Richaud, M. B. Fournier, Mme Lamure, M. Fouché, Mmes Imbert, de Cidrac et Puissat, MM. Roux, Gremillet, Pierre et Moga, Mmes Thomas, Chain-Larché, Jouve, Noël et Guidez, MM. Danesi et Lefèvre, Mme Goy-Chavent, MM. Mandelli, Bascher, Bouchet, D. Laurent, Détraigne et Panunzi, Mme Vérien, M. Théophile, Mme Berthet, MM. Forissier, Frassa, Sol, Vaspart, Longuet, Kennel, Dallier, Pointereau, Calvet, Vogel et Decool et Mmes Micouleau et Deseyne, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Au plus tard le 30 juin 2020, le comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique remet un avis sur les risques sanitaires attachés à la reprise des compétitions sportives professionnelles et amateurs pour la saison sportive 2020/2021.
Le comité de scientifiques examine également les risques sanitaires et les précautions à prendre pour l’organisation matérielle des compétitions et l’accueil du public.
La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Cet amendement prolonge l’intervention que vient de faire à l’instant Max Brisson. Il tend à prévoir, au plus tard le 30 juin, la remise d’un avis du comité de scientifiques sur la reprise des compétitions sportives tant professionnelles qu’amateurs, afin d’envisager sereinement le cadre dans lequel cette reprise pourrait se dérouler.
Certaines ligues ou fédérations ont d’ores et déjà annoncé des dates de reprise pour leurs championnats. C’est une bonne chose, mais sur quels fondements ces annonces reposent-elles ? Je n’ai pas entendu parler d’un quelconque avis scientifique sur le sujet, ce qui, au regard de l’enjeu, me semble très important.
L’avis du comité de scientifiques concernera également l’accueil du public dans les enceintes sportives. Le public est un élément central en termes d’ambiance dans les stades, bien sûr, mais également en termes économiques, notamment pour toutes les fédérations et ligues qui ne bénéficient pas ou de très peu de droits de diffusion – je pense aussi au sport féminin. On ne pourrait que regretter que la saison 2020-2021 se joue à huis clos ; mais si les conditions sanitaires l’exigent, nous devrons nous y plier.
Depuis plusieurs jours, les représentants de certaines disciplines font état des très graves difficultés que provoquerait le déroulement des compétitions à huis clos, du fait d’un modèle économique fondé essentiellement sur la billetterie. C’est pourquoi, au regard des enjeux sanitaires et économiques, il me semble déterminant que les décisions du Gouvernement en la matière fassent l’objet d’une véritable analyse scientifique et d’une véritable concertation avec les acteurs concernés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roxana Maracineanu, ministre. Je veux encore une fois vous rassurer sur le fait que nous consultons les acteurs semaine après semaine et même jour après jour : les fédérations nous proposent des guides, que nous validons avec le HCSP. Je suis devenue leur meilleure amie, je les connais par cœur ! Chaque décision que je prends est aujourd’hui entérinée par le HCSP.
Ce sont bien entendu les scientifiques qui donneront leur avis. Je serai même encore plus optimiste que vous : dès le 2 juin, les annonces concernant la réouverture des équipements sportifs seront faites en concertation avec les fédérations, les ligues professionnelles, les clubs professionnels de tous les sports et, évidemment, le Haut Conseil de la santé publique. Avant le 30 juin, nous aurons donc un avis de ce Haut Conseil ; nous recueillerons aussi l’avis de tous ces intervenants pour que les compétitions puissent redémarrer.
Comme vous l’avez dit, les activités reprendront dans des conditions dégradées, parce que l’on ne pourra pas tout de suite remplir les stades comme avant. Progressivement, nous essaierons de tendre vers ce chiffre de 4 999 personnes présentes dans une même enceinte, parce que, dans un stade de football, il est possible de gérer les flux, de suivre le parcours des spectateurs, depuis leur domicile jusqu’au moment où ils s’assoient dans l’enceinte sportive.
Notre objectif, c’est la reprise des compétitions. Nous savons bien que de nombreuses entreprises travaillant dans le secteur événementiel sont gravement touchées par la crise sanitaire et que l’activité doit être relancée, mais nous redémarrerons selon les capacités qui sont les nôtres et en fonction de ce que nous imposera le HCSP. Il faudra veiller attentivement à la santé des uns et des autres et favoriser une reprise progressive de l’activité compte tenu du risque de transmission du virus lors de ces événements, qui rassemblent du monde.
Quant à la reprise du championnat 2020-2021, je vous l’ai dit, c’est notre objectif, ainsi que celui des instances fédérales et professionnelles, d’une part, parce qu’elle conditionne la signature d’un contrat économique primordial – on croise tous les doigts pour ce contrat puisse être honoré comme il se doit – et, d’autre part, parce que ce contrat contribue aussi à financer le sport amateur. Je sais que vous êtes attentif à la survie des associations du sport amateur, du football amateur en particulier, qui bénéficieront d’un pourcentage non négligeable des sommes perçues en vertu de ce contrat.
La reprise de la saison 2020-2021 est notre priorité, mais, encore une fois, elle ne se fera pas à n’importe quel prix : nous ne voulons pas mettre en danger la santé des supporters, qui ont évidemment envie de revenir dans les stades. Je sais aussi que le public a envie de revoir du football ou du rugby à la télévision. Les compétitions vont repartir, mais à la vitesse à laquelle elles le peuvent.
Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, parce qu’il est en réalité déjà satisfait ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Monsieur Savin, l’amendement n° 243 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Savin. J’en suis désolé, madame la ministre, mais je vais le maintenir.
L’avis du comité de scientifiques est, vous l’avez dit, nécessaire. Inscrire cette mesure dans la loi rassurera l’ensemble des présidents de club, de fédération et de ligue. Vous le savez bien, chaque instance fonctionne différemment, et on ne peut pas traiter le foot, qui se joue dans un stade, comme le basket ou le handball, qui se pratiquent dans des salles fermées, dans lesquelles les spectateurs sont très proches du terrain. Chaque sport doit avoir une réglementation bien spécifique.
La crainte de beaucoup de fédérations et de ligues, c’est que le huis clos tombe comme une sentence. Jouer les compétitions à huis clos serait préjudiciable et catastrophique en termes économiques pour certains sports. C’est la raison pour laquelle le comité de scientifiques doit donner un avis, discipline par discipline, capacité d’accueil par capacité d’accueil.
Si je souhaite maintenir mon amendement, ce n’est pas parce que je doute de vos intentions, c’est parce que, je le répète, je préfère inscrire ce dispositif dans la loi. Ainsi, on s’assure que l’ensemble des fédérations et des ligues en auront connaissance. Elles sont très inquiètes sur les conditions de la reprise et doivent être rassurées.
M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour explication de vote.
M. Claude Kern. Cette fois-ci, je suivrai Michel Savin, parce que son amendement permettra effectivement de rassurer les ligues, les fédérations et les clubs, qui en ont grandement besoin.
M. le président. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Michel Savin m’ayant passé le ballon avec maestria (Sourires.), je vais tenter de le faire rebondir, même si j’ai beaucoup moins de talent que lui.
Mon collègue l’a dit, pour les fédérations et les ligues de certains sports professionnels, comme le rugby, le huis clos entraînera la mort des clubs les plus fragiles. Il faut mettre en place des protocoles pour que chaque ligue et chaque fédération, dans le respect des mesures sanitaires nécessaires, puissent s’organiser.
Dans le monde du rugby, un tiers des recettes provient de ce qu’on appelle les recettes de convivialité. On serait quand même dans une situation surprenante si les restaurants, les cafés, les plages – c’est le cas dans mon département –, les lieux de convivialité rouvraient, mais pas les stades, d’autant que, pour les clubs de rugby, l’essentiel des recettes résulte des ventes dans les stades – elles sont même supérieures au montant des droits de diffusion.
Comme l’a très bien dit Michel Savin, il faut le plus possible laisser les ligues s’organiser, en concertation avec vous, bien sûr, madame la ministre, et en fonction des réalités de chaque sport. Voilà pourquoi je voterai son amendement.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roxana Maracineanu, ministre. J’ai l’impression que c’est une méthode que vous voulez inscrire dans la loi. Or, je tiens à vous rassurer, c’est exactement cette méthode que nous employons, puisque nous émettons un avis différencié en consultant le HCSP et nous donnons un avis circonstancié à chaque proposition fédérale. Derrière, nous défendons ces positions au sein de la cellule interministérielle présidée par Jean Castex, qui, je le rappelle, est également président de l’Agence nationale du sport. Il est donc très au fait de tous ces sujets, ce qui n’est pas le cas du HCSP.
J’ai peur qu’il ne soit contre-productif d’inscrire dans la loi la nécessité de suivre à la lettre les avis du Haut Conseil. Le risque est justement d’être obligé de jouer à huis clos jusqu’à fin septembre ou fin octobre. Au contraire, nous avons pris la décision, en responsabilité, de demander au mouvement sportif de nous faire part de ses contraintes, de demander aux responsables des équipements sportifs de prévoir la possibilité de gérer des flux de spectateurs à l’intérieur des installations sportives et d’organiser au mieux ces flux.
À la limite, on préférerait ne pas avoir à travailler sur des jauges : on aimerait sortir de ce qui a été préconisé pendant le confinement et dans l’urgence. Aujourd’hui, on aimerait accueillir les personnes en tenant compte de la capacité des installations sportives et en faisant en sorte que les distances entre les spectateurs puissent être respectées.
En fait, on aimerait apporter notre savoir-faire, qui s’appuie sur les connaissances bien précises des fédérations, au HCSP, et non lui laisser la liberté de décider. On a respecté 98 % de ses préconisations jusqu’ici, mais il y a quand même les 2 % restants. Si on lui avait laissé les mains libres, peut-être qu’on ne serait pas là à discuter de la possibilité d’une reprise des compétitions. Il faut effectivement écouter les préconisations, mais le ministère doit aussi pouvoir garder une marge de décision et de proposition.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis B, modifié.
(L’article 1er bis B est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Jusqu’à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur, l’étranger présent en France à la date du 16 mars 2020 et titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » prévue à l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est autorisé, de manière dérogatoire, à exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 80 % de la durée de travail annuelle.
M. le président. L’amendement n° 247, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Revenons à la raison d’être de ce texte : habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour répondre au caractère urgent d’une crise sanitaire exceptionnelle. Le reste, c’est du hors sujet ou, en tout cas, il devrait en être ainsi.
Les étrangers ayant une carte de séjour portant la mention « étudiant » continuent à être assistés par les aides de notre pays, qui sait se montrer si généreux avec les autres, sacrifiant trop souvent les siens. Il est de notoriété publique que la précarité étudiante s’aggrave de jour en jour, et pas seulement pour les étudiants étrangers.
Cependant, quand le marché entend le mot « étudiant » ou encore le mot « étranger », il entend « main-d’œuvre à bas coût ». Ainsi, vous voudriez permettre aux étudiants étrangers d’exercer une activité professionnelle salariée dans la limite de 80 % du temps de travail annuel : il s’agit véritablement d’une filière déguisée pour le travail saisonnier étranger et une concurrence de l’intérieur imposée à nos compatriotes.
Cela va peut-être vous surprendre, mais la raison d’être d’un étudiant est d’étudier ! Plutôt que de leur donner le droit de travailler en France, il serait préférable de faire en sorte que les étudiants étrangers obtiennent un diplôme ou une formation leur permettant de travailler dans leur pays et de participer, ainsi, à son développement.
Ce dispositif, soutenu par la droite libérale, constitue une dérégulation supplémentaire du droit du travail, qui vise à faire avancer l’agenda politique de la majorité présidentielle. Sans rapport avec la crise sanitaire, il n’a rien à faire dans ce texte d’urgence. Je demande donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je voudrais d’abord rappeler les circonstances dans lesquelles s’inscrivent les mesures que le Gouvernement a intégrées dans le texte s’agissant de l’immigration.
La crise a engendré plusieurs cas de figure.
Il y a, sur notre territoire, des étrangers en situation régulière qui voudraient, soit repartir chez eux parce qu’ils bénéficient, par exemple, d’un visa de court séjour, soit renouveler leur titre de séjour de façon régulière. Les premiers ne peuvent pas partir du fait de l’arrêt des transports internationaux ; les seconds ne peuvent pas se rendre dans les préfectures, car celles-ci sont fermées.
Il y a aussi des étrangers en situation irrégulière. Qu’ils veuillent ou non rentrer chez eux, le Gouvernement doit normalement les y inviter avec beaucoup de fermeté, jusqu’à l’expulsion. Or on ne peut pas le faire non plus, puisque ces étrangers, présents de fait sur le territoire national, ne peuvent pas repartir, à nouveau faute de transports internationaux.
Ces situations exigent que l’on prenne un certain nombre de décisions, ayant vocation à gérer l’urgence.
En l’occurrence, que propose le Gouvernement ? Pour les étudiants, déjà autorisés à travailler à hauteur de 60 % de la durée de travail annuelle, il propose, alors que les facultés sont fermées et que ces étudiants sont obligés de rester sur le territoire national, de leur assurer des moyens de subsistance en leur permettant de travailler un peu plus – à hauteur de 80 % de la durée de travail annuelle – jusqu’à la reprise des cours. En réalité, on essaie de traiter une situation transitoire, dans laquelle des étudiants se retrouvent désœuvrés et ne peuvent plus rentrer chez eux, même s’ils le souhaitent.
La proposition du Gouvernement m’apparaissant relativement équilibrée, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Je précise que ce dispositif a été introduit par les députés pour les motifs tout juste évoqués par votre rapporteur.
En définitive, monsieur Ravier, on ne fait rien d’autre que de chercher des solutions à des situations concrètes : certaines personnes venues étudier en France souhaiteraient repartir dans leur pays d’origine, mais elles ne le peuvent pas compte tenu des difficultés – elles ne vous auront pas échappé – à se déplacer par-delà les frontières.
Vous ne pouvez pas, à la fois, reprocher que l’on mette les gens en situation d’assistanat – je n’aime pas ce terme, je vous le dis tout de suite – et empêcher par cet amendement la mise en place d’un dispositif permettant à ceux qui connaissent des difficultés de pouvoir travailler un peu plus durant cette période. D’ailleurs, je rappelle que le dispositif est encadré temporellement. Il y a, dans votre argumentation, quelque chose d’assez antinomique. L’avis est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Une fois n’est pas coutume, le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale nous semble équilibré. Il tient effectivement compte de la situation très particulière que rencontrent les étudiants étrangers cette année – d’ailleurs, c’est toute l’année qui a été particulièrement compliquée pour eux, et ceux qui découvraient notre pays dans le même temps ont été assez étonnés depuis le début…
Compte tenu de la détresse de nombre de ces étudiants, et alors même qu’ils continuent à étudier à distance et poursuivent leur cursus dans des conditions parfois très complexes, il est important de leur permettre d’avoir quelques moyens complémentaires de subsistance. J’ajouterai que c’est la première année où nombre d’étudiants étrangers ont dû faire face à des frais de scolarité supplémentaires.
Si certains considèrent, à raison, qu’un étudiant doit étudier, accepter uniquement des étudiants étrangers dont les familles sont en mesure de financer l’ensemble de leur séjour sans complément de revenus reviendrait à faire une sélection par l’argent encore pire que celle qui prévaut actuellement. C’est une problématique prégnante de par le monde quand on songe à faire des études en France, même si notre pays est loin d’être le pire en la matière.
Compte tenu de la situation particulière cette année, l’équilibre trouvé dans le présent texte mérite, me semble-t-il, d’être soutenu.
M. le président. L’amendement n° 219, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
À la première phrase du troisième alinéa du I de l’article L. 313-7 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 80 % ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article L. 313-7 du Ceseda prévoit actuellement qu’un étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant » est autorisé à travailler à 60 % de la durée de travail annuelle. Par cet article 1er bis, le Gouvernement nous propose d’augmenter cette durée de travail à 80 % de manière dérogatoire jusqu’à la date de reprise effective des cours dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur.
Nous ne pouvons, hélas, nier la situation de nombre d’étudiants étrangers. Leur quotidien est précaire et leurs ressources particulièrement faibles.
Ce dispositif est à double tranchant : certes, il pourrait constituer un complément de revenus non négligeable pour les étudiants étrangers, mais il est également représentatif de la manière dont le Gouvernement aborde la question des migrants sur son territoire.
Pour l’exécutif, l’étranger ne saurait bénéficier de véritables droits. Ceux-ci devraient donc être dérogatoires, partiels, temporaires, conditionnés à une conjoncture spécifique et utiles à l’économie française. Nous estimons au contraire que l’État devrait être garant de toutes les personnes touchées par la précarité. Il est donc de son devoir de sécuriser les droits des étudiants étrangers et de ne pas les conditionner à l’urgence sanitaire.
Nous souhaitons, par cet amendement, faire en sorte que le dispositif ici présenté n’ait pas une application limitée dans le temps, mais soit inscrit de manière pérenne et durable dans le Ceseda.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous parlons ici d’une dérogation ponctuelle, liée au fait que les étudiants se retrouvent désœuvrés à la suite de la fermeture des universités. Sans cela, effectivement, ils devraient étudier. L’équilibre trouvé, qui leur permet d’étudier tout en travaillant, mais dans une proportion de la durée annuelle de travail raisonnable, ne doit pas être modifié durablement. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Effectivement, il n’est pas question pour nous de changer le droit tel qu’il est aujourd’hui. La seule chose qu’il nous revient de faire, c’est de résoudre les situations d’urgence rencontrées par un certain nombre de personnes – ici, il s’agit des étudiants étrangers, mais nous traiterons d’autres cas ultérieurement, comme nous en avons évoqué d’autres en début d’après-midi –, et ce pour ne pas les plonger dans la précarité.
L’équilibre actuellement défini entre temps consacré aux études et temps consacré au travail nous semble le bon. Nous n’avons pas l’intention de le modifier. C’est pourquoi l’avis est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er bis.
(L’article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Durant l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 et prorogé par l’article 1er de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, et dans les six mois à compter du terme de cet état d’urgence sanitaire, l’étranger présent en France à la date du 16 mars 2020 et titulaire de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier » prévue à l’article L. 313-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est autorisé, de manière dérogatoire, à séjourner et à travailler en France pendant la ou les périodes fixées par cette carte et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de neuf mois par an.