M. le président. L’amendement n° 248, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Tout le temps et en toutes circonstances, tout pour l’immigration !
Le chômage explose, mais votre priorité, c’est d’aider les emplois étrangers. Ce n’est plus illogique, cela devient masochiste ! Au contraire, soutenons les agriculteurs qui emploient des Français, grâce à des primes ou l’incitation fiscale ! Les Français sont courageux, ils sont travailleurs. Arrêtez de les faire passer pour des fainéants, comme l’a si bien et si scandaleusement exprimé Emmanuel Macron !
Encourager l’immigration, c’est encourager le regroupement familial et, donc, laisser s’installer chez nous des gens qui vont profiter de notre modèle social. Nous le savons, celui-ci est le plus généreux et, en conséquence, le plus suicidaire du monde.
Où sont les bonnes résolutions du confinement ? Au plus fort de la tempête, quand le Gouvernement sentait la peur d’être submergé par la vague, nous étions en guerre. Ses membres, en guise de testament, venaient se confesser chacun leur tour. On entendait alors parler de patriotisme, de solidarité nationale, de souveraineté nationale. La frontière devenait bienveillante ; la communauté nationale, une réalité.
L’Union européenne a prouvé qu’elle était une chimère, inutile et inefficace, mais, l’été arrivant, la vision du front s’éloignant, vous voilà à chercher de la main-d’œuvre saisonnière au-delà de nos frontières !
L’article que nous examinons prévoit de prolonger de six à neuf mois la durée de séjour et de travail des étrangers titulaires de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention « travailleur saisonnier ». Une seule chose ne m’étonne pas : neuf mois sur douze, c’est 80 % du temps de travail, exactement ce que vous venez de proposer pour les étudiants étrangers à l’article 1er bis, sur lequel je me suis exprimé.
Bref, toujours plus de main-d’œuvre à bas coût, et on ne se donne pas les moyens de remettre en activité des travailleurs français ! Pour vous, ils sont trop chers, trop exigeants et trop protégés par le droit du travail. Mais, que voulez-vous, nos compatriotes souhaitent une rémunération à la hauteur de l’effort fourni. C’est sans doute trop demander pour un certain patronat « en marche » et un système fiscal français devenu le plus socialiste et, donc, le plus confiscatoire du monde. Ou quand on unit le pire de la droite et le pire de la gauche…
La précarité de nombreux Français, accentuée par la crise sanitaire, économique et sociale actuelle, exige que le principe de priorité nationale soit de mise pour le travail saisonnier et que tous les moyens soient employés pour permettre aux travailleurs français en difficulté d’obtenir un emploi. La situation actuelle exige une main-d’œuvre nombreuse dans certains secteurs,…
M. le président. Il faut conclure !
M. Stéphane Ravier. … mais la crise sanitaire nous enseigne aussi l’importance de la solidarité nationale et nous impose le devoir impérieux de revoir notre modèle économique dans ce sens.
M. le président. Il faut conclure, monsieur Ravier !
M. Stéphane Ravier. Merci, monsieur le président, de m’accorder les vingt secondes que vous accordez aux autres !
M. le président. Vous en êtes à quatorze secondes supplémentaires, quinze maintenant…
M. Stéphane Ravier. Il reste une ligne dans mon intervention, si vous me le permettez.
M. le président. C’est trop tard !
M. Stéphane Ravier. Vous êtes si pointilleux avec moi ! Vous avez pris la fâcheuse habitude de m’interrompre !
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.
M. Stéphane Ravier. Vous êtes fidèle à vous-même : la censure !
M. Jean Bizet. On avait déjà compris !
M. Stéphane Ravier. C’est mesquin !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Qu’en est-il de la situation, factuelle, qui justifie l’article dont il est demandé ici la suppression ?
Se trouvent actuellement sur le sol français des travailleurs saisonniers – comme leur nom l’indique, ils viennent faire les saisons –, qui sont étrangers. Ils sont autorisés à travailler six mois, mais, de fait, ils ne peuvent pas repartir et ceux qui, au contraire, voudraient entrer sur notre territoire ne le peuvent pas, car les flux internationaux n’existent plus. Il s’agit donc d’autoriser les travailleurs coincés ici à pouvoir travailler trois mois de plus.
Sachant que les travailleurs qui devaient entrer en France pour commencer leur travail saisonnier ne peuvent pas le faire, la décision me semble assez équilibrée, encore une fois pragmatique et de nature à répondre à une situation ponctuelle, engendrée par l’urgence sanitaire.
L’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. On n’est jamais ni surpris ni déçu par les arguments que vous développez, monsieur le sénateur Ravier.
M. Stéphane Ravier. C’est déjà ça !
M. Marc Fesneau, ministre. Certes, mais il faut rappeler la réalité, comme vient très bien de le faire votre rapporteur.
Des travailleurs saisonniers sont présents à l’intérieur de nos frontières et ne peuvent pas en sortir. Parallèlement, des secteurs ont besoin, comme chaque année, de main-d’œuvre saisonnière pour des raisons de structure de l’emploi ou d’activité économique – ce n’est pas une nouveauté et cela ne vaut pas moins dans votre département que dans d’autres départements de France. Les travailleurs saisonniers auxquels ils avaient l’habitude de recourir ne peuvent pas entrer en France du fait de la fermeture des frontières.
Autrement dit, nous avons des travailleurs saisonniers qui ne peuvent pas repartir, des travailleurs saisonniers qui ne peuvent pas venir et des exploitations qui ont besoin de main-d’œuvre. Nous répondons simplement à cette exigence, en permettant que des personnes qui pourraient travailler ne soient pas empêchées de le faire par le dispositif légal, afin d’occuper des postes difficiles à pourvoir.
Il ne s’agit pas de stigmatiser les uns ou les autres, de prétendre quoi que ce soit s’agissant des Français. Nous savons que certains secteurs – il y en a des tas – peinent à trouver de la main-d’œuvre. Ce dispositif vient simplement, de manière temporaire, proroger jusqu’à neuf mois l’autorisation de travail de personnes qui ne peuvent pas sortir de nos frontières, pour apporter des réponses à des problématiques économiques.
Je suis sûr, monsieur Ravier, qu’il y a dans votre département des producteurs agricoles qui s’inquiètent de savoir comment ils vont procéder à la récolte. Nous essayons de résoudre leur problème, tout en traitant la situation des travailleurs saisonniers. C’est aussi simple que cela !
L’avis est défavorable.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de l’article 1er ter.
Article 1er ter (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 197, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au second alinéa de l’article L. 313-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « six » est remplacé par le mot : « neuf ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La pandémie que connaît notre pays affectera durablement notre économie. D’ores et déjà, certains secteurs sont fortement touchés et tournent au ralenti. C’est le cas, notamment, du monde agricole, qui souffre actuellement d’une pénurie de main-d’œuvre, le nombre de travailleurs saisonniers ayant fortement chuté en raison de l’épidémie.
Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a décidé d’allonger de six à neuf mois la durée pendant laquelle des travailleurs saisonniers étrangers peuvent exercer une activité professionnelle sur notre territoire, et ce à titre dérogatoire, tant que l’état d’urgence sanitaire sera de mise. Nous aurions pu nous réjouir de cette mince avancée pour les travailleurs étrangers saisonniers, si celle-ci n’était pas due à une simple question conjoncturelle.
Pour l’exécutif, le droit des personnes étrangères est uniquement une variable d’ajustement, n’ayant vocation à évoluer qu’en fonction des situations. Le Gouvernement ne fait que peu de cas de cette population migrante, simplement considérée comme de la main-d’œuvre susceptible d’amortir les répercussions de la pandémie sur notre économie.
Si des droits sont accordés, ils doivent être durables, et non conditionnés à l’urgence sanitaire. La rédaction de l’article 1er ter n’est donc pas satisfaisante, puisque le dispositif proposé ne revêt qu’un caractère temporaire. Ainsi, afin de reconnaître davantage la valeur des travailleurs saisonniers étrangers, le présent amendement vise à modifier le Ceseda de manière pérenne et à faire en sorte que les nouveaux droits accordés le soient sans limitation dans le temps.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je rappelle la situation actuelle des travailleurs saisonniers étrangers : ceux qui sont présents ne peuvent pas quitter le territoire et ceux qui devaient venir ne peuvent pas entrer en France. C’est la conjonction de ces deux facteurs qui conduit à proposer aux travailleurs saisonniers présents de pouvoir travailler plus qu’ils n’ont le droit de le faire.
A contrario, ma chère collègue, vous sollicitez une transformation d’un travail saisonnier en travail quasi permanent. Or il ne s’agit pas ici de modifier les règles de fond instaurées par le Ceseda. Dès lors, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Faut-il un dispositif pérenne, comme vous nous le suggérez, madame la sénatrice Benbassa ? La réponse du Gouvernement est clairement non, pour les raisons précédemment invoquées sur d’autres dispositions.
La mesure proposée n’a pas de lien avec la crise sanitaire et une telle modification pérenne des règles d’immigration en France n’a pas sa place dans le présent texte.
Notre pays a fait le choix, partagé par plusieurs autres États membres, de fixer la durée maximale annuelle de séjour en France des travailleurs saisonniers à six mois, pour s’assurer que leur résidence dans leur pays d’origine conserve bien sa qualité de résidence habituelle. L’extension à neuf mois doit rester ponctuelle, comme prévu dans la mesure qui vous est proposée.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Au premier alinéa de l’article L. 313-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. L’état d’urgence sanitaire, nous l’espérons, durera moins de quatre mois. Ce n’est donc pas la raison pour laquelle on augmente de six à neuf mois la durée maximale pendant laquelle des travailleurs saisonniers étrangers peuvent exercer une activité professionnelle sur notre territoire : c’est parce que l’on a bien vu combien il était difficile, sans liberté de circulation, de soutenir certains secteurs d’activité et combien ces travailleurs saisonniers étaient indispensables au fonctionnement de notre économie, y compris quand elle fonctionne au ralenti.
Compte tenu de cette observation sur l’importance des travailleurs saisonniers, observation tirée des événements des dernières semaines, nous proposons deux modifications du Ceseda. Si vous le permettez, madame la présidente, je vais les exposer conjointement, et donc présenter également l’amendement n° 23.
Mme la présidente. J’appelle donc en discussion l’amendement n° 23, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.… – Au 1° de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la référence : « L. 313-23, » est supprimée.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. L’amendement n° 22 vise à mettre fin à une situation illogique : la limitation à trois ans de la carte pluriannuelle portant la mention « salarié saisonnier ». Nous proposons de porter cette limite à quatre ans, ce qui correspond à la durée de droit commun de toute carte pluriannuelle.
L’amendement n° 23 vise, quant à lui, à ce que la carte pluriannuelle portant la mention « salarié saisonnier » ne soit plus exclue des titres de séjour pouvant déboucher sur l’obtention d’une carte de résident.
Ces deux propositions constituent, certes, des modifications du Ceseda sur le long terme, mais elles sont motivées par un constat tiré des dernières semaines : ces travailleurs saisonniers, dont nous souhaitons qu’ils restent des travailleurs saisonniers, sont indispensables à l’économie française. Par conséquent, nous devons leur accorder autre chose qu’un statut d’utilité et de précarité.
Mme la présidente. Puisque vous avez déjà défendu l’amendement n° 23, monsieur Leconte, j’appelle également l’amendement n° 24, ces deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 24, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Kerrouche, Marie, Sueur, Kanner et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daudigny, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais, Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte et Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly et Jomier, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mmes Meunier et Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini, Mme Van Heghe, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Par dérogation au 1° de l’article L. 314-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les étrangers mentionnés au premier alinéa du présent article sont considérés comme ayant leur résidence régulière en France.
Vous avez la parole pour présenter cet amendement, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. En fait, j’essayais d’échapper à la décision de la direction de la séance de mettre les amendements nos 23 et 24 en discussion commune, le second étant un amendement de repli.
Connaissant l’attachement de la rapporteure à ne pas modifier le Ceseda – même si elle a donné certains avis favorables en d’autres endroits du texte –, je propose une prise en compte de la carte pluriannuelle pour l’obtention de la carte de résident, au moins pour les travailleurs saisonniers qui, compte tenu de la situation, auront travaillé neuf mois en France cette année.
Cette exception devrait pouvoir convenir à Mme la rapporteure, dans l’hypothèse où elle ne souhaiterait pas reconnaître l’exigence qu’il y a à sortir de la précarité un certain nombre de travailleurs saisonniers étrangers.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Notre collègue Leconte m’a enlevé les mots de la bouche : oui, il ne faut pas modifier les règles de fond du Ceseda ! Je ne pense pas l’avoir fait pour d’autres dispositifs.
Il est demandé de modifier la durée de validité de la carte pluriannuelle portant la mention « salarié saisonnier », en la faisant passer de trois à quatre ans. Il m’apparaît essentiel, dans ce projet de loi, d’en rester à des mesures ayant un lien avec la crise sanitaire, ce qui, pour moi, n’est pas le cas ici. L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 22.
S’agissant des amendements nos 23 et 24, nous retrouvons la même logique que précédemment, consistant à transformer un travailleur saisonnier en travailleur permanent.
Le statut de travailleur saisonnier, je le rappelle, n’existe que parce que ce dernier peut justifier le maintien de son domicile habituel à l’étranger. Avec une telle mesure, nous sortirions donc du dispositif de travailleur saisonnier. Il en existe d’autres : les cartes de séjour salarié ou travailleur temporaire. Il est parfaitement possible de solliciter ces titres de séjour, mais, dans ce cas, le travailleur ne sera plus considéré comme un travailleur saisonnier.
Il ne me paraît pas raisonnable de permettre, ainsi, un glissement insensible d’un statut à un autre, sans différenciation possible à l’avenir, d’où un avis défavorable sur l’amendement n° 23.
Je suis également défavorable à l’amendement n° 24, toujours pour les mêmes motifs. Nous ne devons pas, dans le cadre d’un travail saisonnier, ouvrir la porte à un séjour durable. Encore une fois, celui-ci est possible en sollicitant d’autres titres de séjour, avec des garanties différentes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. L’article 1er ter a pour objet de permettre à des travailleurs saisonniers présents en France à la date du 16 mars – et uniquement à ceux-ci – de travailler et séjourner plus longtemps, compte tenu de la situation actuelle, dans laquelle, comme nous l’avons indiqué précédemment avec Mme la rapporteure, ils ne peuvent pas organiser à court terme leur retour au pays et peuvent répondre aux importants besoins de main-d’œuvre constatés dans le secteur agricole, du fait de l’impossibilité rencontrée par d’autres travailleurs saisonniers de venir en France.
Il ne s’agit pas de permettre à ces travailleurs de revenir travailler une année de plus en France avec le même titre de séjour. Une telle mesure ne répond pas aux enjeux actuels du séjour et du travail de ces personnes.
En outre, et ce n’est pas le moindre des problèmes posés par l’amendement n° 22, la différenciation de la durée des titres de séjour au bénéfice d’une partie des travailleurs saisonniers – seulement ceux qui étaient présents en France au 16 mars – introduit une complexité inutile dans la gestion du droit au séjour.
D’autres mesures que celles qui sont proposées par le Gouvernement ont été mises en place pour ces travailleurs, en particulier une simplification des démarches à effectuer pour bénéficier d’une autorisation provisoire de travail pour prolonger un contrat de travail ou en exécuter un nouveau.
S’agissant de l’amendement n° 23, comme je l’ai indiqué précédemment, l’objet du présent projet de loi n’est pas de mettre en place une réforme pérenne des règles de séjour en France.
En outre, la proposition, portée par cet amendement, d’intégrer la durée de séjour passé sous couvert de la carte de séjour pluriannuelle réservée aux travailleurs saisonniers dans la durée de séjour nécessaire pour donner accès à la carte du résident de longue durée est contraire, et c’est aussi simple que cela, à la directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003 relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée, harmonisant les conditions de délivrance de la carte de résident de longue durée par les autorités de chaque État membre. Son article 3 dispose que les ressortissants de pays tiers qui séjournent en tant que travailleurs saisonniers sont exclus de son champ.
Un dispositif tel que celui qui est proposé à l’amendement n° 23 serait donc contraire au droit communautaire.
Pour toutes ces raisons, l’avis est défavorable sur les amendements nos 22 et 23, ainsi que sur l’amendement n° 24, dont j’ai compris qu’il était un amendement de repli.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Compte tenu des explications données – madame la rapporteure, nous reviendrons sur le sujet des modifications de fond du Ceseda, car vous en avez acceptées sur d’autres dispositions –, je vais retirer les deux premiers amendements.
En revanche, concernant le dernier, si l’on autorise des personnes à rester travailler neuf mois en France, il faut en tirer les conséquences en termes de droit au séjour. C’est simplement ce que nous proposons, et c’est une disposition exceptionnelle, au regard d’une année où, contrairement à l’usage, les travailleurs saisonniers seront restés neuf mois en France, et non la moitié de l’année en France et l’autre dans leur pays d’origine.
Par conséquent, je retire les amendements nos 22 et 23, mais je maintiens l’amendement n° 24, qui me semble être la suite logique des dérogations accordées cette année, compte tenu des circonstances.
Mme la présidente. Les amendements nos 22 et 23 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er ter.
(L’article 1er ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 1er ter
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 198, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat, Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste communiste républicain citoyens et écologistes, est ainsi libellé :
Après l’article 1er ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La perte d’un emploi liée aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 ne peut être opposée au renouvellement du titre de séjour mention « travailleur temporaire », pendant l’état d’urgence sanitaire et dans un délai de six mois à compter de la fin de celui-ci.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Actuellement, les personnes étrangères titulaires d’un CDD bénéficient d’un titre de séjour portant la mention « travailleur temporaire ».
Malheureusement, la pandémie liée au Covid-19 a rudement éprouvé notre économie. De nombreuses entreprises ont dû cesser leur production, faute d’activité.
Comme tous les salariés en France, les travailleurs étrangers ont également été impactés. Or, pour ces populations, leur présence sur le sol français est conditionnée au maintien dans l’emploi. Sans activité professionnelle, il est à craindre que leur titre de séjour mention « travailleur temporaire » ne soit considéré comme caduc par les autorités françaises.
Une telle situation serait injuste pour ces travailleurs dont la perte d’emploi ne serait due qu’aux circonstances sanitaires et non à un manque de compétences. Il est essentiel que, pour les travailleurs étrangers présents légalement sur notre territoire, la peur de l’expulsion et du chômage ne s’ajoute pas à l’anxiété engendrée par la pandémie.
Ainsi, il est proposé à travers cet amendement que la perte d’un emploi en raison de l’épidémie de Covid-19 ne puisse être opposée au renouvellement du titre de séjour des travailleurs temporaires pendant l’état d’urgence sanitaire, et dans un délai de six mois à compter de la fin de celui-ci. Une telle proposition devrait permettre de sécuriser la situation des salariés étrangers présents actuellement en France.
Mme la présidente. L’amendement n° 172 rectifié bis n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous passons du travailleur saisonnier au travailleur temporaire étranger, dont je rappelle que l’obtention de son titre de séjour est conditionnée à la délivrance d’une autorisation de travail. De la sorte, s’il n’a plus de travail, ce peut être source de difficulté, comme l’a expliqué notre collègue Benbassa.
Outre que la rédaction de l’amendement n° 198 est assez large – que faut-il entendre par « perte d’un emploi liée aux conséquences de l’épidémie de Covid-19 » ? –, il me semble surtout que le projet de loi permet de régler de façon satisfaisante la situation des travailleurs confrontés à cette difficulté – passagère – que constitue la perte de leur emploi, dans la mesure où la prolongation de tous les titres de séjour est de plein droit pour six mois à compter du 16 mars dernier.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Fesneau, ministre. Je rejoins absolument ce que vient de dire Mme la rapporteure.
Par ailleurs, cet amendement aboutit à une prescription formulée de manière trop générale et dont les contours sont insuffisamment précis, ce qui donnerait lieu et matière à de nombreux contentieux.
Dans le contexte de l’épidémie, et compte tenu de ses effets sur l’économie, il est évidemment attendu de l’administration, dans le cadre de l’examen de l’ensemble de la situation d’un étranger confronté à ce problème, qu’elle regarde, à l’occasion du renouvellement de son titre de séjour, les conditions et les circonstances dans lesquelles il a perdu son emploi.
Il nous semble qu’il faut en rester au droit en vigueur. L’avis est donc défavorable.