Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Féret, pour explication de vote.

Mme Corinne Féret. Je me permets de prendre la parole pour explication de vote sur cet amendement, après une longue série d’amendements de M. Ravier sur le thème des étrangers. J’ai bien compris que c’était votre fonds de commerce, monsieur Ravier, et que cela vous a permis, à chaque occasion, d’essayer de nous convaincre. Néanmoins, vous serez déçu, vous ne nous avez pas convaincus avec les arguments que porte votre parti politique…

Je vois que vous ne m’écoutez pas, monsieur Ravier, et c’est bien dommage, parce que vous êtes intervenu plusieurs fois, et je pensais que ce que je voulais vous dire pouvait vous intéresser.

M. Stéphane Ravier. Je vous écoute religieusement !

Mme Corinne Féret. Je ne vous demande pas une écoute religieuse, je vous demande simplement une écoute respectueuse. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. Stéphane Ravier. Religieusement, c’est respectueusement !

Mme Corinne Féret. Je reprends, et je vous prie de m’excuser, madame la présidente, si je dépasse un peu mon temps de parole.

Je voulais intervenir solennellement, parce que, si vos propos et vos amendements relèvent bien évidemment de votre liberté, monsieur Ravier, vous avez proposé – cela ne doit pas nous étonner – un certain nombre d’amendements ayant pour seul objet l’étranger, les étrangers.

M. Stéphane Ravier. C’est dans le texte !

Mme Corinne Féret. Je le répète, c’est votre fonds de commerce, c’est ainsi que vous essayez de nous convaincre, mais, vous serez déçu, vous ne nous avez pas convaincus.

Une fois que j’ai dit cela, j’ai une question à vous poser, monsieur Ravier. Puisque les étrangers sont votre fonds de commerce, vous êtes-vous dit, en rédigeant vos amendements, que vous pourriez, vous aussi, être étranger dans un autre pays, dans un pays lointain ? Vous êtes-vous demandé si, ce que vous proposez au travers de ces amendements, vous l’accepteriez, si vous seriez heureux de vivre dans ce pays lointain, si celui-ci proposait la même organisation de la société, le même vivre ensemble ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 251.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er quater C.

(Larticle 1er quater C est adopté.)

Article 1er quater C (texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Article 1er quater (interruption de la discussion)

Article 1er quater

Le livre III de la troisième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 3312-5 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Par dérogation au I du présent article, l’employeur d’une entreprise de moins de onze salariés dépourvue de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique peut également mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise entre un et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de sa décision. Il en informe les salariés par tous moyens.

« Le régime d’intéressement mis en place unilatéralement en application du présent II vaut accord d’intéressement au sens du I du présent article et au sens de l’article 81 du code général des impôts. Les dispositions du présent titre s’appliquent à ce régime, à l’exception des articles L. 3312-6 et L. 3314-7. » ;

2° Le titre IV est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Intéressement mis en place unilatéralement

« Art. L. 3347-1. – Les dispositions du présent titre en tant qu’elles concernent les accords d’intéressement s’appliquent aux régimes d’intéressement mis en place unilatéralement en application du II de l’article L. 3312-5, à l’exception de celles prévues aux sections 1 à 3 du chapitre Ier et aux articles L. 3344-2, L. 3344-3 et L. 3345-4. »

Mme la présidente. L’amendement n° 206 rectifié, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Gréaume, Assassi et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay, Gontard et P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. L’article 1er quater, inséré dans le projet de loi par l’Assemblée nationale, reprend les dispositions de l’article 43 du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, adopté par le Sénat le 5 mars 2020. Il ouvre la possibilité aux entreprises de moins de onze salariés qui n’ont pas de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique de négocier un accord d’entreprise pour mettre en place un dispositif d’intéressement, par une décision unilatérale de l’employeur.

Nous nous étions déjà opposés à cette disposition, et, dans la continuité de notre position, nous demandons la suppression d’un dispositif qui vise à justifier l’absence de revalorisation des salaires par l’association au résultat de travailleurs et de travailleuses qui ne sont pas décisionnels dans les orientations de l’entreprise.

De plus, ce dispositif est extrêmement coûteux pour la sécurité sociale, puisque, en 2019, la suppression du forfait social a entraîné une perte de recettes de 700 millions d’euros. Vous le voyez, il s’agit d’une source de revenus facile à récupérer.

M. Jérôme Bascher. Bah voyons !

Mme Laurence Cohen. Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. Cet amendement de suppression va à l’encontre de la position de la commission. Nous sommes assez partisans du développement de l’intéressement, de la façon la plus simple possible. La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 206 rectifié.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 234 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Requier, Arnell, Artano, Bonnecarrère, Cabanel, Cadic, Chasseing, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Canevet, Capus, Danesi, Decool, Delcros, Gold et Guerriau, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mmes Laborde et Lamure, MM. Le Nay et Longeot, Mme Loisier, MM. Kern, Moga et Maurey, Mmes Gatel et Pantel, M. Roux, Mme Joissains et M. Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

onze

par le mot :

cinquante

et le mot :

cinq

par le mot :

deux

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Une large majorité de notre assemblée, me semble-t-il, et le Gouvernement sont favorables au développement de l’intéressement, y compris dans les PME et les TPE.

Cet amendement a pour objet d’étendre le bénéfice de l’intéressement par décision unilatérale de l’employeur, dans les conditions restrictives citées par Mme Cohen – pas de délégué syndical, de délégué du personnel ou de représentant au comité social et économique –, aux entreprises de moins de cinquante salariés, au lieu de onze. En outre, pour le délai d’absence d’accord d’intéressement, il s’agit de prévoir une durée de deux ans au lieu de cinq.

Les dispositions de la loi Pacte relatives à l’intéressement avaient pour objectif de favoriser la conclusion de contrats d’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés – au-dessus de cinquante salariés, il y a d’autres dispositifs obligatoires –, en supprimant le forfait social. L’impact, sur la progression du nombre de contrats conclus, de cette mesure favorable aux entreprises qui avaient déjà mis en place l’intéressement n’a pas encore pu être évalué. Le but affiché de la suppression du forfait social était l’incitation, mais on n’a pas encore assez de recul pour en connaître les conséquences. Pour ma part, j’avais émis quelques réserves quant à l’efficacité d’une mesure simplement incitative.

Le présent projet de loi représente, selon moi, une excellente occasion pour inciter les PME de dix à cinquante salariés à s’orienter vers une adhésion durable au régime d’intéressement, en permettant à ces entreprises de bénéficier, pendant trois ans, du dispositif dérogatoire mis en place par décision unilatérale.

Cet amendement respecte tant la position de la commission des affaires sociales – cela ne change strictement rien pour ce qui concerne les entreprises de moins de onze salariés, cela étend simplement le dispositif aux entreprises comptant onze à cinquante salariés – que les limites proposées par le Gouvernement, puisque l’on renvoie, pour le renouvellement au bout de trois ans, au régime général sur l’accord d’intéressement.

Mme la présidente. L’amendement n° 235 rectifié bis, présenté par MM. Gabouty, Requier, Arnell, Artano, Bonnecarrère, Cabanel, Cadic, Canevet, Capus, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Danesi, Decool et Gold, Mme Loisier, MM. Chasseing et Kern, Mme Gatel, MM. Guérini et Guerriau, Mme Lamure, M. Le Nay, Mme Joissains, MM. Delcros, Longeot, Maurey et Moga, Mmes Guillotin et Laborde, M. Labbé, Mme Jouve, M. Jeansannetas, Mme Pantel et MM. Roux et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

deux

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Le délai de cinq ans, qui figure dans le texte, séparant, d’une part, la date d’effet de mise en place par décision unilatérale et, d’autre part, la dernière conclusion ou même l’application d’un contrat d’intéressement, ne semble pas justifié.

Faisons le calcul : la durée d’un contrat d’intéressement étant de trois ans, cela reviendrait à priver de ce dispositif les entreprises ayant conclu un contrat d’intéressement au cours des huit dernières années, ce qui paraît tout à fait excessif. En effet, l’application d’un contrat d’intéressement au cours des cinq dernières années signifie – un contrat étant signé pour trois ans – que l’on revient huit ans en arrière. Ainsi, si une entreprise a conclu, il y a sept ans et demi, un contrat d’intéressement pour trois ans, elle ne sera pas éligible au dispositif proposé.

Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?

M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis. L’article 1er quater permet aux très petites entreprises, celles de moins de onze salariés, de mettre en place des dispositifs d’intéressement par voie unilatérale lorsqu’elles ne disposent pas de délégué syndical ou d’élu au comité social et économique. Il est en effet particulièrement difficile à ces entreprises de négocier des accords d’intéressement.

L’amendement n° 234 rectifié bis vise, d’une part, à élargir aux entreprises de moins de cinquante salariés la possibilité de mettre sur pied un accord d’intéressement de façon unilatérale et, d’autre part, à abaisser le délai de carence de cinq à deux ans.

La commission estime que la dérogation au principe de la mise en œuvre de l’intéressement par accord n’est justifiée que pour les très petites entreprises. De fait, même si des progrès sont possibles, la part des salariés couverts par un accord d’intéressement est trois fois plus importante dans les entreprises comptant de onze à quarante-neuf salariés que dans les entreprises de moins de onze salariés. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’amendement de repli n° 235 rectifié bis ne concerne que les délais de carence. On peut considérer que, si un accord a pu être conclu dans un passé récent, il n’est pas impossible de trouver à nouveau les interlocuteurs nécessaires pour en négocier un nouveau. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Marc Fesneau, ministre. Je vais prendre un peu temps pour répondre aux questions soulevées par ces deux amendements, qui préoccupent un certain nombre de personnes.

Au travers de votre premier amendement, monsieur Gabouty, vous proposez que la mesure puisse s’appliquer aux entreprises de moins de cinquante salariés au lieu de onze et de réduire de cinq à deux ans la période entre la dernière conclusion d’un accord et la date d’effet de mise en place, par décision unilatérale, d’un nouvel intéressement.

L’intéressement est un dispositif facultatif d’épargne salariale, qui fait l’objet d’une négociation collective par les partenaires sociaux, à l’échelon de l’entreprise, entre la direction et les représentants du personnel ou, par référendum, directement avec le personnel, l’accord, étant dans ce cas, ratifié à la majorité des deux tiers des salariés. Il est bon, je pense, de rappeler le dispositif. Or cette dernière possibilité ne permet pas d’avoir une couverture suffisante des entreprises concernées. C’est d’ailleurs pour cela que la mesure avait été initialement proposée. En effet, seulement 3,2 % des salariés des entreprises de un à neuf salariés étaient couverts par un accord d’intéressement en 2017, contre plus de 10 % dans les entreprises de dix à quarante-neuf salariés et environ 70 % dans les entreprises de plus de 1 000 salariés.

Bien que le taux de couverture de l’intéressement demeure relativement faible dans les entreprises de dix à quarante-neuf salariés, il n’en demeure pas moins qu’il est trois fois supérieur à celui des entreprises de moins de onze salariés. C’est pourquoi nous avons ciblé ces entreprises au travers de l’article 1er quater.

Par ailleurs, il convient de noter que, pour inciter les PME de onze à cinquante salariés à mettre en place l’intéressement, des mesures ont été prévues par la loi Pacte, notamment la mise en place d’accords types par branche professionnelle, auxquels elles peuvent adhérer par décision unilatérale. Pour les entreprises qui ne sont pas couvertes par des accords de branche, des accords types d’intéressement ont également été créés par le Gouvernement, afin de faciliter la négociation et la conclusion des accords.

La mesure doit également être limitée à la mise en place de l’intéressement pour la première fois, ce qui conduit à fixer une période d’absence préalable d’accord. Par conséquent, le délai de deux ans au lieu de cinq que vous proposez ne paraît pas constituer un délai suffisant pour considérer qu’il s’agit d’un premier accord, dans la mesure où la durée légale d’un accord d’intéressement est de trois ans. En effet, cela signifierait qu’une entreprise pourrait avoir conclu, il y a cinq ans, un accord échu et non renouvelé il y a deux ans et pouvoir remettre en place ce dispositif, mais, cette fois, par décision unilatérale ; cela serait paradoxal.

En outre, les entreprises qui ne rempliront pas la condition de délai de cinq ans auront toujours la possibilité de conclure un accord selon les modalités de droit commun. Elles ne seront donc pas privées de l’accès à l’intéressement.

Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Vous proposez, au travers de l’amendement n° 235 rectifié bis, de réduire à deux ans la période de carence. Pour les mêmes raisons que précédemment, cette mesure ne peut bénéficier d’un avis favorable du Gouvernement. La possibilité de mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale est une mesure d’amorçage et doit donc être limitée à la mise en place de l’intéressement pour la première fois. Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.

M. Michel Canevet. Je regrette un peu les positions du rapporteur pour avis et du Gouvernement.

Selon moi, on a intérêt à avancer sur cette question de l’intéressement et de la participation aux fruits de l’expansion de l’entreprise, parce que la question de la juste répartition des richesses se pose, et il faut, pour les entreprises de petite taille, des dispositifs permettant d’avancer de façon significative.

Or les propositions de Jean-Marc Gabouty en la matière sont justement de nature à faire progresser, dans notre pays, l’intéressement et la participation aux fruits de l’expansion de l’entreprise. Il est donc dommage que ces positions, un peu administratives, soient défendues.

Il me semble au contraire que, eu égard notamment au contenu du dernier rapport de la Cour des comptes, qui évoquait la surcharge de travail de l’administration du travail, il serait utile de dispenser les accords d’intéressement de la validation de la Direccte et de l’inspection du travail.

Pourquoi, finalement, tout cela ne pourrait-il pas être suffisamment encadré par la loi, de telle façon que l’on se dispense de ces validations et que les agents de cette administration puissent se consacrer à autre chose, à leur cœur de métier, le contrôle du travail ? Ce personnel est accaparé par des charges administratives extrêmement importantes, et cette question de l’intéressement en est une illustration.

Il faut donc se poser la question de savoir s’il est pertinent de continuer ainsi.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.

M. Philippe Mouiller. Je veux apporter tout mon soutien à ces amendements, certes techniques, mais qui correspondent réellement à l’actualité et au vécu des entreprises.

J’ai entendu votre argumentation, monsieur le ministre, et je l’approuve, mais il y a une différence notoire : nous sommes dans une situation d’état d’urgence. On ne s’inscrit donc pas dans la durée, avec la gestion et la volonté d’avoir le bilan de la loi Pacte, puisque c’est trop court pour l’instant. Nous sommes dans une situation de crise, dans laquelle des entreprises doivent parfois trouver, lorsqu’elles ne peuvent verser des primes, des outils d’intéressement, de mobilisation ou de retour, en contrepartie de l’implication des salariés au cours de cette période extrêmement difficile.

Or comment faire lorsque l’on n’est pas certain de son résultat en fin d’année, parce que l’on est quand même dans une période de perturbation économique ? La mise en place de l’outil de l’intéressement, dans ce contexte particulier, est un bon outil. En revanche, il nécessite un aménagement lié à la crise ; c’est l’esprit même de l’amendement proposé.

Je soutiens donc complètement vos arguments, monsieur le ministre, mais cet amendement est typiquement adapté à cette période extrêmement particulière. Il faut avoir ce regard.

Il s’agit d’un amendement qui correspond réellement aux réalités de terrain. Lorsque l’on est, comme moi, un élu de la ruralité, avec plein de PME et de petites entreprises, on a des retours des salariés. Ces derniers sont prêts à s’impliquer, à travailler malgré la crise, mais ils ont besoin d’un retour et ils comprennent que le système de primes n’est pas forcément adapté, parce qu’il faut disposer de temps et de la capacité d’en verser, au regard des résultats.

Pour les mobiliser, dans l’esprit que la droite a toujours soutenu, l’intéressement est l’outil fondamental. Il faut envisager cet amendement dans le contexte de l’état de crise. J’appelle donc tous mes collègues à le soutenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.

M. Jérôme Bascher. Quand on parle d’intéressement ou de participation, on pense évidemment à Serge Dassault, à qui il est arrivé, ici, d’évoquer le sujet…

C’est d’abord une idée profondément gaulliste. « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples », disait le général de Gaulle. Pour l’intéressement, c’est exactement l’inverse : voilà une idée simple dont l’administration française a fait quelque chose de compliqué ! On voit bien à quel point Jean-Marc Gabouty a dû triturer les textes pour arriver à une proposition de bon sens. C’est quand même un peu dommage.

Comment voulez-vous résoudre le problème du pouvoir d’achat en France avec des mesures aussi technocratiques ? On a totalement dénaturé des principes fondamentaux et de bon sens, répondant aux aspirations des Françaises et des Français aujourd’hui, pour en faire un « machin » technocratique ! C’est absolument insupportable !

On va encore en rajouter une couche au nom du bon sens. Monsieur le ministre, le bon sens voudrait qu’une loi simplifie véritablement la distribution de l’intéressement et de la participation. Voilà ce que nous attendons ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote.

M. Franck Menonville. Comme j’ai pu l’indiquer lors de la discussion générale, nous sommes favorables à ces amendements de justice et de bon sens défendus par notre collègue Jean-Marc Gabouty.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.

M. Jean-François Husson. Comme Franck Menonville vient de le dire, ces amendements sont justes.

Monsieur le ministre, je pense qu’il faut prendre en compte les efforts consentis, en cette période, par les salariés des entreprises. On a beaucoup parlé du personnel soignant, mais, pour que la France active exprime toute sa puissance, il faut que, dans toutes les entreprises, des femmes et des hommes donnent de leur temps : ils doivent pouvoir bénéficier d’un juste retour.

Dans son discours du 13 mars dernier, le Président de la République déclarait qu’il faudrait modifier complètement le dispositif, « quoi qu’il en coûte ». Monsieur le ministre, il faut peut-être aussi écouter celles et ceux qui vous soutiennent au Sénat. Je crois que la mesure proposée est placée sous le signe de la justice. Faites montre ici de l’esprit de concorde et d’unité nationale que vous appelez de vos vœux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, voici une idée très simple, qui est partagée par l’ensemble des Françaises et des Français : quand, à l’instar des soignants, on donne de son temps, dans des conditions de travail parfois difficiles, notamment en cette période de Covid-19, on attend avant tout des augmentations de salaires !

M. Michel Canevet. Justement !

Mme Laurence Cohen. Plutôt que d’invoquer l’intéressement, augmentez les salaires et arrêtez de voter des budgets de misère !

M. Michel Canevet. Ce n’est pas du tout la même chose !

M. Jean Bizet. Ça ne marche pas comme ça !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.

M. Éric Kerrouche. Puisque nous en sommes aux grands débats gauche-droite, je dirai que ce n’est pas une mesure juste : c’est juste une mesure, qui, en l’espèce, ne répond absolument pas aux exigences des salariés…

M. Éric Kerrouche. Avec un salaire médian proche de 1 800 euros, le plus important, c’est d’augmenter les salaires dans le temps, sachant que la caractéristique principale de l’intéressement est d’être variable. Il faut accroître le pouvoir d’achat de façon pérenne, raison pour laquelle nous ne soutiendrons pas ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Je remercie mes collègues d’avoir excellemment plaidé en faveur de mes amendements.

Il ne faut pas opposer intéressement et salaire, parce que l’intéressement est pris sur le résultat de l’entreprise, avant impôt et distribution de dividendes. (M. Michel Canevet applaudit.)

M. André Reichardt. À condition qu’il y en ait…

M. Jean-Marc Gabouty. Finalement, l’intéressement est donc pris sur les dividendes et, en partie, sur l’État, via l’impôt sur les sociétés. Il représente 17 milliards d’euros versés aux salariés chaque année, ce qui ne me paraît pas négligeable. Cela n’empêche pas, ensuite, les négociations salariales au niveau des branches, etc. C’est un complément.

Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur le ministre, que, dans les entreprises de dix à cinquante salariés, la conclusion d’un accord d’intéressement était trois fois plus fréquente que dans les entreprises de moins de dix salariés, mais on ne saurait se satisfaire d’un taux de 10 %… Le ministre de l’action et des comptes publics, s’exprimant dimanche soir à titre personnel, s’est montré plus ambitieux en la matière : il s’est déclaré très favorable au principe de l’intéressement, dans la perspective d’un partage de la richesse. Je précise que je ne me suis pas inspiré de ses propos : mes amendements ont été rédigés bien avant ! (Sourires.)

Enfin, vous dites qu’un délai de deux ans est trop court, mais il y a une ambiguïté dans la rédaction du texte, qui fait référence à la fois à la conclusion et à l’application d’un contrat d’intéressement. Il faut soit modifier le texte, soit changer la durée de carence.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je crois que nous sommes parvenus à un point crucial du débat, puisque ces amendements ont trait aux attentes fondamentales de nos concitoyens au sortir de la crise sanitaire.

L’intéressement présente des caractéristiques très particulières, qui ont conduit ses inventeurs, voilà maintenant près de soixante ans, à prendre un certain nombre de précautions pour trouver un bon équilibre.

Je rejoins la préoccupation qu’a exprimée Mme Cohen : il ne faut évidemment pas que l’intéressement dissuade l’employeur d’augmenter les salaires. Or l’employeur n’a pas à acquitter de cotisations sociales sur les sommes versées aux salariés au titre de l’intéressement. Par conséquent, dans le régime de l’intéressement, des conditions particulières pouvant justifier cette dérogation à la distribution de revenus aux salariés ont été prévues : traditionnellement, un accord de branche ou d’entreprise est requis.

Le texte prend acte du fait que, dans les entreprises comptant peu de salariés, il y a peu d’accords, car il y a peu de représentants du personnel et de délégués syndicaux pour en négocier.

Compte tenu de l’extrême gravité de la crise économique que nous traversons et de la difficulté, pour les employeurs, d’augmenter les salaires, ne faudrait-il pas faire bouger davantage que ne le prévoit le texte qui nous est soumis les lignes de partage entre ce qui peut relever de l’intéressement et ce qui doit relever du salaire ? Telle est la question que nous nous posons. Nous ne voulons évidemment pas hypothéquer les possibles hausses de salaires à venir, mais nous entendons tout de même permettre ici et maintenant aux salariés de notre pays qui n’ont pas la chance de bénéficier d’un accord d’entreprise d’avoir accès à l’intéressement.