M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie tout d’abord tous ceux qui se sont exprimés dans cette discussion générale, qui a été très riche. Nous avons pu mesurer la préoccupation de chacun que ce second tour des élections municipales, le 28 juin prochain, puisse avoir lieu dans des conditions permettant de faciliter la participation au vote de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d’État, si vous avez des doutes sur le caractère législatif d’un certain nombre de dispositions, je suis à votre disposition pour que nous en parlions lors de l’examen de ce texte. (Sourires.)
Historiquement, le Parlement a tendance à ériger en dispositions législatives de nombreuses règles qui pourraient certainement être de nature réglementaire. Ce fut encore le cas récemment sur la durée des campagnes électorales ou sur les caractéristiques des bulletins de vote, pour interdire par exemple des photographies sur les bulletins de vote ou la représentation d’un animal.
Tout cela aurait pu être considéré comme des dispositions d’ordre réglementaire, mais le Parlement se reconnaît une petite liberté dans l’appréciation de ce qui est réglementaire ou de ce qui ne l’est pas, étant entendu que les termes de l’article 34 de la Constitution sont assez généraux : en tant que législateurs, nous n’hésitons pas à inscrire dans la loi tout ce qui constitue à nos yeux une garantie importante pour l’électeur.
Quand il s’agit de mesures impliquant des dispositions financières dont nous voulons garantir qu’elles soient mises en œuvre de manière effective, il arrive que nous les mentionnions dans la loi. C’est le cas pour la prise en charge des masques, mais, monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez pleinement rassurés en déclarant que l’État entendait bien le faire.
Discutons article par article sur ces points, nous verrons bien ce qu’il en ressortira. Vous avez reconnu que le régime des procurations constituait le cœur du dispositif. Vous n’avez pas de doute sur le caractère législatif des dispositions que nous proposons ; nous n’avons pas non plus de doute sur le fait que créer un droit au recueil des procurations à domicile pour l’électeur relève également de la loi.
Il nous semble que, pour l’essentiel, les dispositions que nous vous proposons peuvent figurer, sans préjudice pour l’étendue du pouvoir réglementaire, dans un texte législatif.
Par ailleurs, si je comprends bien, le problème, c’est le choix du texte législatif. Vous avez prononcé le mot « vecteur », monsieur le secrétaire d’État, et vous considérez qu’il en existe un meilleur que le nôtre. Soit. Mais dans ces conditions, j’aimerais que vous puissiez nous expliquer en quoi il pourrait être plus rapide et plus adapté.
En effet, le vecteur dont vous nous parlez a pour objet – vous ne l’avez pas rappelé – d’annuler le second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, etc., et d’organiser un nouveau scrutin, qui pourrait se dérouler jusqu’au 31 janvier 2021 pour pourvoir les sièges de conseillers municipaux qui n’ont pas été définitivement attribués le 15 mars dernier.
Dois-je comprendre que vous suggérez de faire figurer des dispositions relatives au régime des procurations pour les élections du 28 juin dans un texte visant à annuler ces mêmes élections à cette date ? Si tel est le cas, monsieur le secrétaire d’État, me voilà plongé dans un profond désarroi…
Qui plus est, je ne suis pas du tout certain que ce texte pourra aboutir plus rapidement que celui que nous vous avons présenté, quand bien même vous auriez décidé d’engager la procédure accélérée. Vous le savez, il est bien rare que le Parlement réclame lui-même l’engagement de la procédure accélérée : en général, il ne se résigne à l’observer que contraint et forcé.
Toutefois, nous nous étions dit que le Gouvernement, au fond, devait être quelque peu reconnaissant au Sénat comme à l’Assemblée nationale d’avoir adopté en quatre jours la loi du 23 mars 2020 créant l’état d’urgence sanitaire et en cinq jours la loi le prorogeant.
À partir du moment où cette coopération entre le Gouvernement et le Parlement, notamment le Sénat de la République, s’était enclenchée, nous avons eu l’illusion – oserais-je dire la naïveté ? – de penser que, pour des raisons d’intérêt supérieur, le Gouvernement utiliserait non pas un vecteur inapproprié et qui n’aboutira pas à temps, mais un vecteur qui a toutes les chances d’arriver au port suffisamment à l’avance pour que les procurations puissent être enregistrées.
Si d’aventure vous parvenez à faire aboutir votre texte aux alentours 20 juin – c’est la meilleure hypothèse –, sans recours devant le Conseil constitutionnel, imaginez-vous que l’on puisse organiser un nouveau régime de procuration, et éventuellement de vote par correspondance, entre le 20 et le 28 juin ? Pour ma part, je ne trouve pas cela raisonnable.
Je le dis sans acrimonie ni véhémence, et mes propos n’ont absolument rien de personnel : je ne comprends pas la position du Gouvernement. Pour rendre applicable en temps utile le nouveau régime de procuration, il fallait faire vite. Désormais, j’en suis désolé, j’ai bien peur que l’on n’y arrive pas !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Monsieur le président Bas, comme vous l’avez relevé vous-même, nous reviendrons sur ces questions article par article : pour ne pas alourdir le débat, je me contenterai, à ce stade, de formuler deux remarques.
Premièrement – il est bon de le rappeler –, le projet de loi que nous avons déposé porte également organisation d’un nouveau scrutin.
Deuxièmement – vous le savez très bien –, en la matière, une seule disposition relève de la loi stricto sensu : le nombre de procurations pouvant être établies. En vertu du régime actuel, on peut établir deux procurations, dont une en France. Il est précisément question de rehausser ce plafond. Les autres dispositions, que le présent texte modifie pour partie, relèvent d’un décret en Conseil d’État, lequel sera bien entendu adopté ; il contiendra un certain nombre de mesures, que je rappellerai au cours de la discussion.
Que les choses soient bien claires : je n’ai pas dit que l’ensemble du régime régissant les procurations est d’ordre réglementaire.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je n’ai pas dit le contraire !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Certes, mais, pour ces dispositions, la question des délais est moins pressante. De surcroît, au titre de notre projet de loi, divers amendements visant à rehausser le plafond du nombre de procurations sont en préparation, me semble-t-il.
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020
Article 1er A (nouveau)
I. – Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, la présente loi s’applique au second tour de l’élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, organisé en juin 2020.
Elle s’applique sur l’ensemble du territoire de la République.
II. – Au plus tard quinze jours avant l’élection, le comité de scientifiques mentionné à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique se prononce sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du scrutin.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er A.
(L’article 1er A est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er A
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 49, il est inséré un article L. 49-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 49-1 A.- L’utilisation de tout ou partie des listes d’émargement du premier tour afin de démarcher les électeurs est interdite. » ;
2° Après l’article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-… ainsi rédigé :
« Art. L. 90-….- Toute infraction aux dispositions de l’article L. 49-1 A est punie d’une amende de 75 000 euros. » ;
3° Le II de l’article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, de l’accès à tout ou partie des listes d’émargement du premier tour de scrutin afin de démarcher des électeurs. »
La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Cet amendement tend à interdire tout démarchage visant à obtenir une procuration. Certains candidats ont pris l’habitude de solliciter les électeurs en ce sens, notamment les personnes âgées, ou encore les personnes qui se sont abstenues au premier tour du scrutin.
Il convient d’interdire ces abus manifestes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Un tel démarchage est déjà interdit – heureusement, d’ailleurs ! La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Le code électoral interdit déjà ces pratiques : le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. M. Masson a beaucoup plus d’expérience que moi en tant que parlementaire, à l’Assemblée nationale comme au Sénat : il ne peut donc pas ignorer que les listes d’émargement du premier tour sont communicables. D’ailleurs, si un doute persistait à ce titre, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) s’empresserait de le lever.
En outre, le terme « démarchage » est ambigu : pour un candidat, les dérives redoutées par les auteurs de cet amendement ne seraient pas une bonne publicité… En parallèle, la relation entre les électeurs et les candidats fait partie intégrante de la campagne électorale : pourquoi les premiers et les seconds n’entreraient-ils pas en contact, y compris par le biais des listes d’émargement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 7, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 52-1, il est inséré un article L. 52-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 52-1-1.- Le démarchage d’un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. » ;
2° Après l’article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-… ainsi rédigé :
« Art. L. 90-…. – Toute infraction aux dispositions de l’article L. 52-1-1 est punie d’une amende de 75 000 euros. » ;
3° Le II de l’article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, du démarchage afin d’obtenir des procurations. »
La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Cet amendement tend à modifier la partie du code électoral consacrée aux procurations de vote, afin d’interdire tout démarchage destiné à solliciter une procuration de la part d’un électeur.
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 72-1 du code électoral, il est inséré un article L. 72-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 72-2.- Le démarchage d’un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. » ;
2° Après l’article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-… ainsi rédigé :
« Art. L. 90-…. – Toute infraction aux dispositions de l’article L. 72-2 est punie d’une amende de 75 000 euros. » ;
3° Le II de l’article L. 113-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aura bénéficié, sur sa demande ou avec son accord exprès, du démarchage afin d’obtenir des procurations. »
La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Cet amendement a pour objet d’interdire l’utilisation des listes d’émargement du premier tour pour démarcher les électeurs. Cette mesure est d’autant plus importante que les maires sortants ont accès aux listes d’émargement et sont les seuls à pouvoir utiliser ces documents pour solliciter des procurations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je l’ai relevé à l’instant : heureusement, des règles existent déjà en la matière. Ces amendements sont donc satisfaits.
Aussi, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Pour les raisons que M. le président de la commission vient d’exposer, j’émets moi aussi un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour explication de vote.
M. Cédric Perrin. Les candidats consultent souvent les listes électorales entre les deux tours : c’est une pratique courante, il suffit d’être bien organisé. Les préfectures mettent même des photocopieurs à la disposition des candidats pour qu’ils puissent imprimer une copie de ces listes.
Je suis donc assez surpris d’entendre que seuls les maires auraient accès à ces documents. C’est complètement faux !
M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. J’y insiste, le terme « démarchage » est tout à fait étonnant.
Tout d’abord, il suffit d’avoir la qualité d’électeur pour consulter ces listes. Ensuite, les préfectures les communiquent sans difficulté. Enfin, pour un maire, de telles pratiques seraient une très mauvaise publicité : je ne comprends pas du tout ces amendements !
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par M. Masson et Mmes Herzog et Kauffmann, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 66, il est inséré un article L. 66-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 66-1.- Avant l’élection, sont interdits tout collationnement du nom des abstentionnistes lors du premier tour et toute reproduction totale ou partielle, de la liste d’émargement. » ;
2° Après l’article L. 90-1, il est inséré un article L. 90-… ainsi rédigé :
« Art. L. 90-… – Toute infraction aux dispositions de l’article L. 66-1 est punie d’une amende de 75 000 euros. »
La parole est à Mme Christine Herzog.
Mme Christine Herzog. Cet amendement vise à interdire le recensement des électeurs qui se sont abstenus au premier tour d’un scrutin : ainsi, l’on empêcherait leur démarchage par certains candidats peu scrupuleux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. La consultation des listes d’émargement après le premier tour est un droit fondamental, prévu par l’article L. 68 du code électoral.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 9.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
Le mandataire est informé de la demande d’établissement d’une procuration et des conditions d’organisation du vote. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.
M. le président. L’amendement n° 11, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Éric Kerrouche.
M. Éric Kerrouche. Cet article réintroduit dans la loi le principe, supprimé en octobre 2006, de l’information du mandataire.
Certes, les mandants oublient parfois d’informer leurs mandataires, ce qui peut entraîner certaines difficultés. Mais, telle qu’elle est formulée, cette mesure entre en contradiction avec la volonté que traduit cette proposition de loi dans son ensemble : alléger les contraintes pesant sur le droit de vote.
Nous proposons donc la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Au contraire, la commission souhaite le maintien de cet article : en conséquence, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Je l’ai rappelé dans mon propos liminaire, les dispositions de cet article sont du domaine réglementaire ; elles ont d’ailleurs été abrogées par décret, il y a quinze ans.
En outre, elles feraient peser une charge supplémentaire sur l’administration. Or les magistrats, ainsi que les officiers et agents de police judiciaire, sont déjà largement mis à contribution dans le contexte sanitaire que nous connaissons.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Perrin, Raison, Milon, B. Fournier, Saury et Bouchet, Mme M. Mercier, M. Piednoir, Mme A.M. Bertrand, M. Lefèvre, Mme Lassarade, M. Bouloux, Mme Lopez, MM. Pierre et Brisson, Mme Estrosi Sassone, M. Bonne, Mmes L. Darcos, Micouleau et Puissat, MM. Bascher et D. Laurent, Mme Gruny, MM. Grosperrin et Mandelli, Mme Imbert, M. del Picchia, Mmes Deromedi, Lamure, Canayer et Bruguière, M. Duplomb, Mme Garriaud-Maylam, MM. Vogel, Rapin et Bonhomme, Mme Bories, MM. Chaize et Charon, Mmes Berthet et Raimond-Pavero et MM. Sido et Darnaud, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. - Les autorités compétentes pour établir la procuration en informent, par voie électronique, la préfecture de département du mandant. Cette dernière en informe, également par voie électronique, la commune du mandant.
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Cette proposition de loi a pour objet d’améliorer au maximum les procédures, afin que les électeurs s’expriment et, ce faisant, que le taux d’abstention ne soit pas si élevé que la dernière fois.
À cette fin, il nous paraît important de déployer une chaîne de transmission, pour que l’information soit transmise dans les temps. Si ce véhicule législatif arrive à son terme, il faudra sans doute un certain délai pour que les électeurs soient informés des nouveaux droits dont ils disposent, comme celui d’établir deux procurations.
Aussi, les préfectures doivent pouvoir être informées par l’autorité compétente établissant la procuration. C’est extrêmement simple : il suffit d’inscrire l’adresse électronique de la préfecture du département du mandataire sur le formulaire de procuration. Puis, la préfecture se chargera d’informer la commune : ce sera un grand gain de temps.
Pendant la crise du Covid-19, nous avons tous pu constater les défaillances de La Poste. Aujourd’hui, ce service n’est pas en mesure d’acheminer une procuration dans les délais impartis, par exemple s’il ne reste qu’une semaine avant le scrutin.
En conséquence, il faut informer la préfecture, qui elle-même informera la mairie. Certes – vous l’avez dit il y a quelques instants, monsieur le secrétaire d’État –, cette procédure administrative dématérialisée peut sembler un peu lourde, mais elle est tout à fait acceptable.
Mes chers collègues, plusieurs d’entre nous ont été maires par le passé : nous avons tous eu connaissance de difficultés, pour un certain nombre de nos électeurs, à recevoir ou à transmettre une procuration dans les temps. Nous avons tous en tête des exemples de procurations perdues à cause des retards de La Poste.
Cette disposition pourra se révéler très utile, et elle ne coûtera absolument rien à l’administration. Il faudra simplement que l’autorité chargée d’établir la procuration informe la préfecture, ce qui est parfaitement possible !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Monsieur Perrin, évidemment, nous tous ici présents souhaitons simplifier le processus d’établissement des procurations. De plus, comme vous le signalez, des procurations établies tardivement – la veille du scrutin, voire le jour même du vote – sont prises en compte trop tard pour que le mandataire puisse exprimer le suffrage du mandant.
Nous communiquons et communiquerons largement pour que les électeurs qui le souhaitent puissent établir leur procuration en amont du scrutin. En revanche, la disposition que vous proposez, qui est, de surcroît, de nature réglementaire, risque d’ajouter de nouvelles étapes et un nouvel acteur à la chaîne, déjà longue, de l’établissement d’une procuration. À rebours du but visé, elle pourrait allonger les délais et, in fine, accroître les risques de non-prise en compte.
Selon nous, mieux vaut renforcer l’effort de communication. En conséquence, je vous suggère de retirer votre amendement ; sinon, j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Perrin, l’amendement n° 3 rectifié est-il maintenu ?
M. Cédric Perrin. Monsieur le secrétaire d’État, j’entends vos arguments. Mais, par définition, un courriel a le mérite d’être instantané ! Certes, la procédure sera un peu plus lourde pour l’autorité habilitée à établir la procuration, mais elle ne prendra pas beaucoup plus de temps qu’aujourd’hui.
Nous proposons que cette autorité alerte, non la mairie – il serait difficile pour elle de s’y retrouver parmi 36 000 adresses électroniques –, mais la préfecture du département : la liste sera beaucoup plus courte. Ensuite, la préfecture alertera la mairie, dont, sauf exception, elle possède le courriel. C’est extrêmement rapide : c’est même instantané !
Cette procédure ne créera aucune difficulté. Au contraire, elle permettra de prendre en compte un certain nombre de procurations qui sont perdues dans le système actuel. Vous le savez très bien : si l’électeur n’établit pas sa procuration, au plus tard huit jours avant le scrutin, lorsqu’il se trouve hors de sa commune, la mairie ne reçoit pas la procuration. Je pourrais vous citer des exemples à foison ! Sincèrement, j’ai du mal à comprendre votre avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le secrétaire d’État, le dispositif proposé par M. Perrin me semble tout à fait pertinent : nous sommes dans une situation d’urgence, même si, malheureusement, tout le monde ne l’a pas compris…
Vous allez communiquer auprès de nos concitoyens, pour les inviter à donner procuration au plus vite : formidable ! Vous toucherez ceux qui en avaient déjà l’intention. Mais la valeur et la force d’une chaîne dépendent du maillon le plus faible. Or, en l’occurrence, le maillon le plus faible, c’est la personne qui n’a pas reçu les nouvelles.
À l’heure actuelle, La Poste est censée faire parvenir les procurations aux mairies. Mais, dans le département dont je suis l’élue, telle ou telle ville de 10 000 habitants ne dispose que d’un bureau de Poste, ouvert deux jours par semaine. Et, par définition, le courrier n’est pas distribué le dimanche !
Enfin, nous nous trouvons dans un contexte tout à fait particulier. J’en suis persuadée, vous avez la volonté de favoriser les procurations, et vous allez susciter une forte mobilisation en ce sens, mais vos efforts resteront lettre morte. Le dimanche, dans les bureaux de vote, nous verrons des électeurs courroucés, dont les efforts se révéleront vains, et des maires désolés d’expliquer qu’ils n’ont pas reçu la procuration qui leur a été confiée. Et nos concitoyens diront : « Je ne comprends pas. Ce n’est pas normal ! »
Monsieur le secrétaire d’État, soyez attentif à ce point : il y a un maillon faible dans votre chaîne. Vous devez vous adresser à lui ; mais encore faut-il qu’il puisse entendre !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Je souscris pleinement à l’amendement de M. Perrin. En tant que maire, j’ai présidé des bureaux de vote pendant un certain nombre d’années : si je ne m’abuse, une circulaire ministérielle permettait à l’époque de recevoir un fax dans le bureau de vote, pour vérifier telle ou telle procuration en dernier recours. C’est d’ailleurs toujours possible, par fax ou par courriel.
Mme Françoise Gatel. Absolument !
M. Jean-François Rapin. Monsieur le secrétaire d’État, le scrutin du 28 juin prochain ne s’annonce pas facile à organiser. Dans un tel contexte, mieux vaut prévenir que guérir : un courriel d’information préalable à toutes les préfectures et, à travers elles, à toutes les mairies, permettrait de résoudre un certain nombre de problèmes.
Ma commune compte de nombreuses résidences secondaires : je me souviens d’un scrutin auquel un cluster de Parisiens voulait participer… (Sourires.) Nous avons joint un commissariat de la capitale, qui, pour une raison indéterminée, avait failli, et nous avons pu obtenir toutes les procurations par fax. Il s’agit donc d’un très bon amendement !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est quoi, un « cluster de Parisiens » ?…
M. Jean-François Rapin. Des touristes ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Segouin, pour explication de vote.