Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-11 du code civil est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du 3° est ainsi modifiée :
a) Les mots : « À la demande du conjoint qui n’est pas l’auteur des violences » et le mot : « lui » sont supprimés ;
b) Après les mots : « , sur ordonnance spécialement motivée, », sont insérés les mots : « au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences » ;
2° La deuxième phrase du 4° est ainsi modifiée :
a) Les mots : « À la demande du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin qui n’est pas l’auteur des violences » et le mot : « lui » sont supprimés ;
b) Après les mots : « sur ordonnance spécialement motivée, », sont insérés les mots : « au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences ».
La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Le droit à l’éviction du conjoint violent est en théorie reconnu comme un principe de droit commun en matière de mise en sécurité des victimes de violences conjugales. En pratique, il n’est appliqué qu’à titre subsidiaire, et est trop peu sollicité.
Le présent amendement vise à améliorer l’effectivité de ce principe, les victimes n’ayant plus à faire la demande de leur maintien dans le logement. Sauf circonstances particulières, sur ordonnance spécialement motivée, le maintien au domicile de la personne qui n’est pas l’auteur des violences est de droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à clarifier le principe de l’éviction du domicile du conjoint ou du partenaire de PACS violent.
Le droit en vigueur le prévoit déjà, mais la rédaction que vous proposez permet de réaffirmer ce principe.
Avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Là aussi, nous avons déjà eu ces débats lors du vote de la proposition de loi de décembre dernier. Il me semble que nous étions arrivés, à l’époque, à un équilibre satisfaisant en inscrivant clairement dans la loi que le logement du couple est attribué à la personne qui n’est pas l’auteur des violences et que, si le juge souhaite déroger à ce principe – vous vous en souvenez –, il doit satisfaire à une double exigence en justifiant de circonstances particulières et en motivant spécialement sa décision.
Priver le juge de tout pouvoir d’appréciation nous semble en revanche inopportun, voire dangereux. Je vous rappelle qu’un grand nombre de victimes souhaitent rompre avec un passé douloureux, ce qui passe par un déménagement, et qu’en outre de nombreuses victimes ne souhaitent pas être localisées par le défendeur, et ne souhaitent donc pas rester dans le logement qui était celui du couple.
La rédaction adoptée il y a six mois ne nous semble donc pas devoir être déjà modifiée. Cette disposition fera l’objet d’un point particulier dans le cadre du comité de pilotage national des ordonnances de protection dont Mme la garde des sceaux a dû vous annoncer la création plus tôt au cours de ce débat.
Avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Pour éviter toute confusion après l’intervention de M. le secrétaire d’État, je précise que la disposition que nous proposons n’empêche pas le juge d’en décider autrement ; simplement, il y faut des circonstances particulières et une ordonnance spécialement motivée.
Par ailleurs, nous savons que, souvent, les femmes concernées souhaiteraient pouvoir habiter ailleurs. Mais le cas de figure le plus fréquent est celui d’une femme et d’enfants qui voudraient que le conjoint violent soit évincé du logement. La disposition que nous proposons n’est donc aucunement réductrice, pas plus que ne l’est, d’ailleurs, votre état d’esprit, monsieur le secrétaire d’État.
Merci donc à Mme la rapporteure d’avoir jugé cette précision utile.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Pour être tout à fait clair, les mentions de l’« ordonnance spécialement motivée » et des « circonstances particulières » sont déjà dans le droit positif. Nul besoin de les ajouter ici. Je maintiens que l’avis du Gouvernement est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 70 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 515-11 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Se prononcer sur le maintien de l’autorité parentale de l’auteur des violences. Le cas échéant, la décision de ne pas suspendre l’autorité parentale de la partie défenderesse doit être spécialement motivée, et le juge doit se prononcer sur les modalités du droit de visite et d’hébergement au sens de l’article 373-2-9 ; »
2° Au 5° les mots : « sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, au sens de l’article 373-2-9, sur les modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que, le cas échéant » sont remplacés par les mots : « , le cas échéant et y compris si la suspension de l’autorité parentale prévue au 4° bis est prononcée, ».
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Le présent amendement est inspiré des recommandations des associations d’accompagnement des femmes victimes de violences et de leurs enfants. Partant du principe qu’un conjoint violent n’est pas un bon père, ses auteurs souhaitent prévoir l’examen systématique, dans le cadre de l’ordonnance de protection, de la suspension de l’autorité parentale de l’auteur des violences, en complétant le 4° et en modifiant le 5° de l’article 515-11 du code civil.
Il est prévu que le juge doive se prononcer sur le maintien de l’autorité parentale de la partie défenderesse, puis sur les modalités du droit de visite et d’hébergement. La suspension de l’autorité parentale n’entraîne toutefois pas automatiquement la cessation de la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, ni celle de l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un PACS, ni celle de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, comme le prévoit actuellement l’article 515-11 ; d’où les modifications prévues par le présent amendement au 5° dudit article, en cohérence avec le dispositif prévu au 1° de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement vise à obliger le JAF à se prononcer sur la suspension de l’autorité parentale dans le cadre d’une ordonnance de protection.
Le JAF peut – je le rappelle – se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, ce qui permet de protéger l’enfant et le conjoint victime.
Lui confier un pouvoir de suspension de l’autorité parentale dans le cadre de l’ordonnance de protection ne nous semble pas opportun. Nous avons voté, il y a à peine quelques mois, un autre mécanisme, de suspension de l’exercice de l’autorité parentale, et non pas de l’autorité parentale elle-même – c’est à cette distinction qu’il faut être très attentif : je me permets d’être précise –, pour six mois, pour les personnes poursuivies ou condamnées, même non définitivement, pour un crime sur l’autre parent.
Je rappelle qu’en outre les parents violents peuvent se voir retirer totalement l’autorité parentale, en dehors de toute condamnation pénale, par le tribunal judiciaire.
Il serait bon de mettre à l’épreuve ce système que nous venons de voter avant de le modifier à nouveau.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 70 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l’adoption | 113 |
Contre | 225 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° bis de l’article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Autoriser la partie demanderesse à dissimuler le ou les lieux de scolarisation de son ou ses enfants ; ».
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je n’exclus pas que Mme la rapporteure me dise que nous en avons déjà parlé au moment de l’examen de la PPL Pradié… J’en suis désolée, ma chère collègue : effectivement, nous reprenons des amendements que nous avons déjà présentés et rouvrons des débats que nous avons déjà eus, parce que les sujets dont nous traitons aujourd’hui sont les mêmes et parce qu’un certain nombre d’entre nous avions considéré, à l’époque de sa discussion, que la PPL Pradié ne constituait pas un travail totalement achevé sur l’ensemble des sujets relatifs à la prévention des violences faites aux femmes.
Surtout, ce qui a changé depuis décembre dernier, c’est que notre connaissance commune des mécanismes qui sont ceux des violences faites aux femmes et des féminicides a progressé. Ce que nous savons tous désormais, c’est que, en matière de féminicides, la séparation est la première cause de passage à l’acte, et que, le cas échéant, les enfants sont, pour le parent qui refuse la séparation, un moyen de pression à l’endroit de l’autre parent. Des dossiers formidables ont été publiés dans Le Monde et dans plusieurs journaux : tout cela est parfaitement bien décrit via les cas exposés dans la presse.
La question de l’école où les enfants sont scolarisés est très importante : c’est le moyen pour un ex-conjoint et père qui a fait l’objet d’une mesure d’éviction du domicile et d’une mesure d’éloignement, mais qui conserve le droit, parce qu’il a et exerce l’autorité parentale, de savoir où ses enfants sont scolarisés, de retrouver les enfants et la mère, et de poursuivre cette dernière de sa vindicte, de sa haine et de sa rancœur. C’est à ce moment-là que se produisent les féminicides.
Les enfants sont donc – c’est terrible à dire – un moyen de lever l’anonymat du domicile de la mère et des enfants. C’est pourquoi nous proposons que, dans l’ordonnance de protection, le juge puisse aussi prévoir que le lieu de scolarisation des enfants n’est pas communiqué au père qui, pour autant, a conservé l’exercice de l’autorité parentale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Comme vous l’avez bien précisé, ma chère collègue, le présent amendement tend à permettre au JAF d’autoriser la victime de violences à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire des enfants dans le cadre d’une ordonnance de protection.
Il s’agit là de retirer à l’un des parents l’exercice de l’un des attributs de l’autorité parentale. Mais les deux sont liés : si et seulement si le juge confie l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des deux parents, alors il est possible de priver l’autre de certaines informations relatives à la vie quotidienne et à l’éducation des enfants. S’il n’a plus l’autorité parentale, il ne saura pas où sont scolarisés les enfants.
Le JAF doit d’ores et déjà se prononcer, dans le cadre de l’ordonnance de protection, sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, ce qui, à notre sens, satisfait le souhait que vous émettez.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il me semble, madame la sénatrice, que les dispositions relatives à la dissimulation d’adresse font l’objet d’une légère confusion. Ces dispositions visent surtout à éviter que le juge ne fasse figurer l’adresse de la personne victime dans la décision de justice, la mention du domicile étant normalement obligatoire. En revanche, bien entendu, l’adresse de l’école ne figure pas et ne doit pas figurer dans l’ordonnance de protection.
Mais si vous visez une dissimulation du nom de l’établissement scolaire en dehors de toute procédure, celle-ci se rattache en réalité à la question de l’exercice de l’autorité parentale telle que Mme la rapporteure vient d’en exposer les termes. Si le juge prononce un exercice exclusif de l’autorité parentale, le deuxième parent n’a pas à participer aux prises de décision qui ont trait à la vie scolaire, ce qui protège le premier parent.
En outre, c’est bien l’interdiction d’entrer en contact avec le parent victime et les enfants et l’interdiction de paraître sur le lieu de l’école qui vont assurer une réelle protection, bien plus que la dissimulation d’adresse elle-même.
Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne retirerai pas cet amendement ; je ne désespère pas, en effet, de me faire comprendre, y compris par M. le secrétaire d’État, sur ce sujet.
Oui, bien sûr, si le juge a organisé l’exercice de l’autorité parentale de telle façon que le père violent n’exerce pas cette autorité pendant la durée de l’ordonnance de protection, on peut effectivement imaginer que, dans ce cas-là, ce dernier n’ait pas connaissance de l’adresse des enfants. Mais la justice, en France, est très réticente à porter atteinte à l’autorité parentale. Elle est fondée sur le principe du maintien du lien – on pourrait discuter longtemps des origines de cet ancrage quasi philosophique de l’institution judiciaire. Le maintien du lien est important, à tel point – nous l’avons tous expérimenté – qu’il a fallu beaucoup de temps pour expliquer qu’un mari violent n’était pas forcément non plus un très bon père.
Les juges ne suspendant pas l’exercice de l’autorité parentale, le père a le droit – c’est un droit – de savoir où sont scolarisés ses enfants. S’il téléphone à la mairie ou au rectorat, il peut le savoir. Autrement dit, on exfiltre une femme et ses enfants, on dissimule son adresse, mais on conserve au père le droit de savoir où les enfants sont scolarisés et, ainsi, on lui conserve ouvert le chemin pour arriver jusqu’à la mère.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Traitant de ces problèmes, nous avons, les uns et les autres, beaucoup de bonnes intentions. Mais, si Mme Rossignol dit vrai et si le juge est réticent à suspendre l’exercice de l’autorité parentale du père, pourquoi serait-il bénévolent là où il s’agira de se saisir de la faculté que vous souhaitez lui accorder ? Il n’est pas plus obligé d’appliquer cette disposition que celle que vous lui reprochez de ne pas appliquer systématiquement.
Il faut se dire que c’est en conscience, pour protéger la femme et l’enfant, et en examinant bien les choses, que le juge qui prononce l’ordonnance de protection prendra les mesures qui lui paraîtront nécessaires en l’espèce, et ne prendra pas celles qui ne lui paraîtront pas nécessaires.
Je vous rappelle en outre, point très important, que l’ordonnance de protection n’est pas un jugement. L’ordonnance de protection ne présente pas les mêmes garanties qu’un jugement : on va vite parce qu’on croit qu’il y a un danger ; on est convaincu qu’il vaut mieux prendre le risque de se tromper en protégeant cette femme contre un danger présumé que de prendre le risque de ne pas la protéger. Mais quand on en arrive à des mesures plus complètes, alors il faut respecter le contradictoire. Il ne suffit pas d’alléguer des violences pour déclencher des décisions de justice de manière systématique, sans respect des droits de la défense.
Faites attention, je vous en conjure : à vouloir multiplier les réglages textuels de pure procédure, vous n’améliorerez en rien la protection des femmes ! Quand le juge veut prendre des mesures protectrices, il a à sa disposition tout un arsenal de mesures à prendre. En l’occurrence, pour ne pas donner l’adresse de l’école des enfants, il a déjà tout ce qu’il faut.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je veux simplement dire au président Bas que ce n’est pas parce que c’est une ordonnance qu’il n’y a pas de contradictoire. Nous en avons d’ailleurs parlé longuement : c’est justement pour ce motif de respect du contradictoire que le délai de six jours est si compliqué à respecter. J’indique d’ailleurs qu’il est possible de faire appel.
Nous ne sommes pas d’accord : certains pensent que, pour protéger une femme, une mère, il faut, dans certaines circonstances que seul le juge peut apprécier, que le lieu de scolarisation de l’enfant ne soit pas connu du père violent ; d’autres ne le pensent pas. Mais ne cherchons pas des arguties procédurales pour écarter cette possibilité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens cet amendement. Dans la vraie vie – nous en avons malheureusement eu des exemples, lors des auditions menées par la délégation aux droits des femmes du Sénat notamment –, des drames ont précisément lieu dans ces circonstances-là. Je suis dès lors quelque peu dubitative s’agissant des arguments donnés par M. le président de la commission des lois. Tout l’arsenal existe, dit-il. Mais on voit bien qu’il y a des manques, des trous, des vides ! Si l’on suit son raisonnement jusqu’au bout, cela voudrait dire qu’il n’y a nul besoin de renforcer la loi – tout y est, en quelque sorte.
Or on voit bien que, dans la vraie vie, il y a des choses qui ne fonctionnent pas. D’où l’importance de renforcer la loi et de donner aux juges des outils supplémentaires pour qu’ils puissent l’appliquer pleinement et ainsi protéger les femmes. Il y a en effet des exemples de mises en danger, voire de drames, qui se passent dans ces circonstances-là, parce que l’adresse de l’école est connue.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ces sujets sont difficiles : sur ce genre de textes, nous sommes vraiment dans l’émotion. Mais soyons réalistes : même si cette mesure est votée, le JAF ne la prendra pas, puisqu’il n’aura pas pris la précédente.
Mme la présidente. L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Préville, M. Daudigny, Mmes Meunier, Conconne, Féret et Blondin, M. Devinaz, Mmes Tocqueville et Jasmin et MM. Tourenne, P. Joly et Tissot, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 6° bis de l’article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À sa demande, la partie demanderesse peut poursuivre la dissimulation de son domicile ou de sa résidence ou du lieu de scolarisation de ses enfants prévue par les alinéas précédents à l’expiration de l’ordonnance de protection. »
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Il s’agit de permettre au juge de poursuivre la décision de dissimuler le domicile au conjoint violent après la fin de l’ordonnance de protection.
L’amendement est défendu – tout le monde comprend.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Tout le monde comprend, certes ; je vais quand même ajouter mon explication.
Le présent amendement vise à permettre la poursuite de la dissimulation du domicile de la victime à l’issue – à la fin – de l’ordonnance de protection.
Je n’y suis pas favorable, car les mesures de l’ordonnance de protection sont nécessairement provisoires. Par principe, une ordonnance de protection protège pendant un certain temps – c’est le but. En outre, il n’est ici prévu aucun délai limite, alors que l’ordonnance de protection peut être renouvelée après son expiration.
Si le danger persiste – cela peut bien entendu arriver –, il faut passer à la voie pénale pour réprimer efficacement les auteurs d’infractions, qui sont de mauvaises personnes.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 25 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 44 rectifié, présenté par Mmes Rossignol et de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 7° de l’article 515-11 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le contrat de location du logement d’une personne qui n’a pas commis de violences, et au bénéfice de qui a été attribuée la jouissance du logement commun ou conjugal, ne peut être rompu ou résilié qu’avec son accord exprès. »
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Lorsque la victime de violences obtient le bénéfice d’une ordonnance de protection, le conjoint ou ex-conjoint auteur des violences peut être exclu du logement à ce titre.
Or, actuellement, dans l’hypothèse où l’auteur des violences est titulaire du bail de location du logement commun, il peut demander au propriétaire, et ce de manière unilatérale, la résiliation ou la rupture du contrat de bail.
Cette situation n’est que trop fréquente. Cet amendement vise à s’assurer, d’une part, que le conjoint ou ex-conjoint violent ne puisse dénoncer le contrat de bail, et, d’autre part, que le bailleur ne puisse le rompre qu’avec l’accord exprès de la victime qui occupe le logement.
Ainsi, l’ordonnance de protection produirait des effets opposables au propriétaire bailleur du logement occupé par la victime.
Nous sommes là dans la continuité de nos demandes précédentes, qui visent à protéger les femmes victimes de violences, s’agissant, en l’espèce, du droit à rester dans leur logement. On sait qu’en plus d’être confrontées aux violences elles doivent très fréquemment aller s’abriter ailleurs – on ne sait jamais bien où.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Cet amendement tend à empêcher le conjoint violent unique titulaire du bail de le résilier si le logement a été attribué à la victime par le JAF.
Votre amendement pose plusieurs difficultés.
Le dispositif proposé fait mention du logement commun ou conjugal. Or les époux sont automatiquement cotitulaires du bail ; dans cette hypothèse, aucune résiliation unilatérale du bail n’est possible.
Les partenaires d’un PACS peuvent également être cotitulaires du bail, s’ils l’ont demandé ; mais, cette fois, ce n’est pas automatique.
La disposition que vous proposez ne saurait être applicable à l’endroit du bailleur : celui-ci n’a pas connaissance des décisions judiciaires et, surtout, il n’a aucune relation contractuelle avec la personne qui n’est pas titulaire du bail – il ne la connaît même pas.
En tout état de cause, une personne victime de violences à laquelle le JAF attribuerait la jouissance du logement ne pourrait pas être expulsée de ce logement, une telle mesure ne pouvant être prononcée que par un juge. La victime bénéficiaire d’une ordonnance de protection ne serait pas considérée comme sans droit ni titre, et il n’est pas imaginable qu’un juge prononce l’expulsion dans ce cas-là.
Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’émettrai exactement le même avis : défavorable.
Je rappelle que, dans la loi du 28 décembre 2019, nous avons pris toute une série de dispositions en faveur de l’attribution des logements en urgence aux personnes qui sont victimes de violences. Ce n’est pas le sujet que vous évoquez, madame la sénatrice, mais c’est tout de même un point important dans la gestion de ces questions de logement.
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie et Rossignol, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier, Harribey, Artigalas, Lepage, Monier, M. Filleul, Lubin et Blondin, MM. Fichet, Houllegatte et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au dernier alinéa de l’article 515-11 du code civil, les mots : « en raison de violences susceptibles de mettre en danger un ou plusieurs enfants » sont supprimés.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.