Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Aucune n’avait bénéficié des libérations anticipées des derniers mois. Il est très important de ne pas faire d’amalgame ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
emploi des jeunes et valorisation de l’artisanat
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Perrot, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Évelyne Perrot. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Madame la ministre, nous ne mesurons pas encore toutes les incidences de cette crise sanitaire, malgré les aides qui ont été annoncées. Il faut pourtant savoir qu’à cette période de l’année beaucoup de nos jeunes jouent leur avenir professionnel.
Vous affirmez vouloir relancer l’industrie dans notre pays et y faire revenir des activités de fabrication. Voilà plusieurs années que la filière de l’apprentissage rencontre des difficultés de recrutement. Nous devons nous repositionner et ouvrir les portes des centres de formation d’apprentis (CFA) afin de valoriser les métiers manuels, revoir le coût d’un apprenti, reconsidérer la répartition entre temps en CFA et temps en entreprise, communiquer et innover.
Les métiers manuels n’attirent plus, alors que les artisans sont en demande. Ce type de formation ne doit plus être considéré comme une voie de garage lors de l’orientation scolaire. L’éducation nationale a un rôle immense à jouer pour que le collège oriente davantage vers les métiers manuels.
Nos artisans ont façonné notre patrimoine, qu’il soit bâti, culinaire ou créatif. Pourtant, leurs métiers perdent peu à peu de leur attractivité, malgré les efforts des CFA et autres structures de formation. Nous devons revaloriser les CAP : combien de PME ont été créées par des hommes ou des femmes ne possédant que ce diplôme ? N’oublions pas que l’artisanat est la plus grande entreprise de France !
Cette crise a mis en difficulté toute notre économie. Les centres de formation s’inquiètent pour l’avenir : les entreprises seront-elles au rendez-vous ? Vous avez pris des mesures importantes pour inciter les chefs d’entreprise à embaucher des apprentis ; je vous en remercie. Le Gouvernement va-t-il aider l’artisanat à retrouver la place qu’il mérite et développer les valeurs de l’apprentissage afin d’attirer les élèves vers des études manuelles ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Évelyne Perrot, nous partageons une conviction : l’apprentissage est une voie d’excellence et d’avenir, tant vers l’emploi salarié que vers l’entrepreneuriat. Ainsi, la moitié des artisans ont été un jour apprentis et un tiers des jeunes ayant suivi cette filière créent ou reprennent une entreprise.
C’est pourquoi nous avons engagé toutes nos forces dans la réforme de l’apprentissage. Avec près de 500 000 apprentis en février, soit une augmentation de 16 %, des chiffres historiques, que l’on n’avait jamais connus en France, on pouvait parler d’engouement, y compris du côté des jeunes.
M. Bruno Retailleau. Grâce aux régions, pas à l’État !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. La bonne nouvelle dans les difficultés actuelles, c’est que le ministre de l’éducation nationale, la ministre de l’enseignement supérieur et moi-même avons inclus l’apprentissage dans Affelnet et Parcoursup. C’est une première, et l’on constate une demande très forte des jeunes.
Le ministre de l’éducation nationale a en outre changé les règles pour le collège en mettant sur le même plan toutes les filières, ce qui joue beaucoup sur le conseil aux parents et aux jeunes.
Il ne faut pas perdre la dynamique enclenchée grâce à la réforme, à un moment où toute une jeunesse craint pour son avenir. C’est dans cette optique que nous avons instauré la prime à l’embauche en apprentissage et maintenu le cocontrat pendant toute la crise pour les centres de formation d’apprentis, financé des développeurs de l’apprentissage, permis aux jeunes en situation de handicap d’entrer en apprentissage.
Depuis quelques jours, grâce à une plateforme commune, nous connaissons nominativement tous les jeunes qui veulent entrer en apprentissage et nous allons pouvoir, avec les recteurs, les préfets et les organisations professionnelles, vérifier tous les mois, à l’échelon départemental, que chaque jeune voulant entrer en apprentissage a une chance.
Parmi les mesures que nous avons prises de façon très rapide voilà quelques jours, nous avons aussi décidé qu’un centre de formation d’apprentis pourra accueillir jusqu’à six mois un jeune désirant entrer en apprentissage sans avoir encore tout à fait acquis les codes de l’entreprise ou trouvé de contrat d’apprentissage.
Dans notre démarche pour l’emploi des jeunes, qui fait l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux, l’une des grandes priorités sera l’apprentissage. Nous avions réussi, il faut continuer pour notre jeunesse. (M. François Patriat applaudit.)
élections régionales
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le ministre de l’intérieur, quoi qu’il vous en coûte, l’autorité de l’État est malmenée, malgré la brillante tirade de M. le Premier ministre en réponse à l’intervention édifiante de Roger Karoutchi. L’autorité républicaine est malmenée par la violence, par le mépris des forces de l’ordre, mais aussi par des comportements qui substituent la tambouille électorale au respect des principes démocratiques.
Ce n’est pas la règle qui doit vous tenir ; c’est à vous de tenir la règle. Il n’y a de démocratie que si les élections se tiennent à des dates fixes et régulières. Alors que les élections régionales sont prévues au mois de mars 2021, les raisons annoncées d’un report de plus d’un an laissent perplexe, inaugurant la fixation de la date d’élections pour convenance personnelle, au mieux, pour convenance de La République En Marche, au pire.
Selon la presse, le Président de la République, descendant du grenier à la cave, se serait livré à des tractations de marchands de tapis avec les présidents de région : « Je vous aide financièrement si vous m’aidez à reporter les régionales après la présidentielle, car j’ai des opposants politiques parmi vous. Je ne vais pas donner de l’argent à mes adversaires, » aurait-il déclaré.
M. Julien Bargeton. Cela a été démenti !
M. Jérôme Bascher. On apprend que le Président de la République a des adversaires, et n’est donc pas le président de tous les Français, considérant que l’argent public des régions est le sien et que, du fait du prince, il peut le distribuer à qui bon lui semble. Comme le disait Xavier Bertrand, « derrière les élections, il y a le peuple, et le peuple, on le respecte ».
Monsieur le ministre, allez-vous renoncer à cette manœuvre grossière ? Allez-vous travailler avec toutes les régions élues démocratiquement et dont une compétence légitime est le développement économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur les élections régionales. Permettez-moi une considération très personnelle : être républicain, c’est préserver la République, en faisant en sorte, pour ce qui me concerne, que soit élu, dans ma région, un président Les Républicains. Je sais ne pas me tromper de combat ! (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)
Dans le même esprit, monsieur le sénateur, il convient certainement d’écouter l’actuel président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, M. Renaud Muselier, qui a démenti les paroles que vous avez prêtées au Président de la République. (M. Jérôme Bascher le conteste.)
Je nous invite à en rester à l’essentiel. L’essentiel, ce n’est pas ce qui a été rapporté par la presse, c’est votre conclusion, que je rejoins pleinement : les collectivités locales, en particulier les régions, exercent une compétence économique majeure.
À cet égard, le Président de la République a énoncé, dimanche dernier, deux priorités : la relance économique et sociale de notre pays – je sais que vous êtes engagé sur ce sujet – et un nouveau partage territorial des compétences et des pouvoirs. Il faut savoir s’appuyer sur l’action des collectivités locales dans le domaine économique. Il a évoqué ces questions avec deux présidents de région, dont le président de Régions de France : telle est la réalité.
Si nous franchissons cette nouvelle étape dans la décentralisation, il n’est pas illégitime de discuter avec les présidents de région de la meilleure façon de les accompagner dans la mise en œuvre concrète de leur action pour défendre l’économie de nos territoires et relancer l’emploi partout où c’est nécessaire, ainsi que du bon moment pour mettre en place, le cas échéant, une réforme en profondeur.
Il n’y a qu’un seul objectif, monsieur le sénateur : ne pas empêcher l’action et la relance économiques par des élections régionales. Il est légitime que ces discussions puissent avoir lieu avec les présidents de région. On ne saurait qualifier cela de « tambouille ». Il s’agit au contraire d’un dialogue démocratique et républicain.
M. le président. Il faut conclure !
M. Christophe Castaner, ministre. Il est important que nous le posions tous ensemble, sans arrière-pensées. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.
M. Jérôme Bascher. En cette veille du 18 juin, je vous invite à ne pas capituler sur la démocratie. Je vous rappelle à ce triptyque historique pour gouverner la France : l’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la patrie.
M. Jérôme Bascher. Il est vrai que n’est pas le général de Gaulle qui veut ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
plans de relance sectoriels, notamment pour les filières bière et pommes de terre
M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Frédéric Marchand. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Nous connaissons une crise sanitaire sans précédent, qui a remis sur le devant de la scène le plus vieux sujet du monde, celui de l’alimentation, dont les acteurs sont durement éprouvés. Nombre de filières agricoles, partout dans notre pays, sont particulièrement touchées par la crise sanitaire et économique du Covid-19. Il conviendra d’ailleurs de tirer les leçons de cette crise pour retrouver ce que la FNSEA et bien d’autres appellent une souveraineté alimentaire solidaire, qui devra associer – c’est un préalable indispensable – tous les acteurs publics et privés et s’appuyer sur une logique d’alimentation durable et locale.
Je sais que le Président de la République, le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, en faites une priorité dans le cadre de la relance, placée sous le signe de la transition écologique.
Cette crise, sans précédent disais-je, n’a pas épargné un seul secteur, les cours des matières premières agricoles étant notamment profondément perturbés en raison de la fermeture des restaurants, des hôtels, des cantines et autres lieux de convivialité à la française. Nous pouvons collectivement nous féliciter que l’État ait été au rendez-vous de la solidarité avec nos filières, au travers de mécanismes financiers et de dispositifs visant à passer au mieux cette épreuve. J’en veux pour preuve les décisions prises et les moyens mis en place en faveur de la pêche et de l’aquaculture, de la viticulture ou de l’horticulture.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien le département du Nord pour vous y être rendu à plusieurs reprises. Terre de labeur, c’est aussi un grenier d’abondance pour le pays tout entier. J’évoquerai ici deux filières essentielles pour notre économie nationale qui ont été terriblement touchées par cette crise. Les surplus de pommes de terre sont aujourd’hui estimés à plus de 450 000 tonnes, sans aucun débouché en perspective. Quant au marché de la bière, il devrait reculer d’au moins 30 % à 40 % cette année en France, en raison de la fermeture – heureusement levée désormais – des lieux de consommation hors domicile.
Vous le savez, les pommes de terre et la bière sont deux marqueurs forts de notre identité départementale, mais aussi nationale. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si l’État sera au rendez-vous pour sortir ces deux filières de l’ornière et préparer l’avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Frédéric Marchand, je crois que, pour ce qui concerne l’agriculture, le Gouvernement a été au rendez-vous durant cette crise. Mais ceux qui ont été au rendez-vous, ce sont surtout les femmes et les hommes de la deuxième ligne, les agricultrices et les agriculteurs qui ont travaillé sans relâche pour produire et alimenter nos concitoyens, les entreprises de l’agroalimentaire, les coopératives agricoles, les transformateurs qui maillent le territoire national et ont travaillé parfois dans des conditions difficiles pour faire en sorte que la chaîne alimentaire tienne. Ce sont aussi les distributeurs, les femmes et les hommes qui tiennent les caisses, qui mettent les produits en rayon et ont travaillé sans cesse, dès le début de la crise, pour que les Françaises et les Français puissent manger.
La chaîne alimentaire a tenu parce qu’elle a été soutenue. Le Gouvernement a immédiatement pris des mesures pour toutes les entreprises françaises. Celles de la chaîne alimentaire ont pu avoir accès à l’ensemble des mesures transversales : chômage partiel, fonds de garantie, etc.
Par ailleurs, nous avons spécifiquement essayé de répondre aux demandes des filières qui ont beaucoup souffert, notamment du fait des conséquences des arrêtés liés à l’état d’urgence sanitaire, telles que la fermeture des cafés, hôtels, restaurants. Nous les avons aidées directement, en particulier l’horticulture et la viticulture. À l’échelon européen, nous avons obtenu des mesures de marché.
Le Gouvernement a également souhaité aider directement les deux filières que vous avez évoquées. Pour celle de la pomme de terre industrielle, durement touchée par la fermeture des restaurants rapides et des cantines, nous avons mis en place une mesure de marché spécifique. De même, une aide spécifique a été allouée à la filière brassicole, qui pâtit de l’annulation des grands festivals et de la fermeture de nombreux lieux de consommation.
Oui, monsieur le sénateur, le Gouvernement a été au rendez-vous pour aider les filières agricoles à assurer une alimentation saine, sûre et durable et travailler à notre souveraineté alimentaire. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
manifestations des personnels de santé
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
L’hôpital public est en crise. Les soignants souffrent. Le Ségur de la santé doit permettre de répondre à ces difficultés. Le Président de la République a promis un système plus souple, plus simple, plus proche, revalorisant le collectif, le sens de l’équipe et l’initiative des professionnels.
L’ouverture de ce chantier s’imposait, mais, trois semaines après cette excellente nouvelle, nous éprouvons quelques inquiétudes majeures : le Gouvernement est absent de la table des négociations et les syndicats d’infirmiers n’étaient même pas conviés… Le doute gagne de très nombreuses organisations syndicales, qui déplorent des sujets escamotés et craignent que les arbitrages ne soient déjà réalisés. Elles redoutent un simulacre de concertation destiné à calmer leur colère. « Grande foutaise » selon certains urgentistes, le Ségur de la santé suscite l’hostilité de tous les soignants qui manifestaient partout en France hier.
Les soignants attendent des garanties, financières bien sûr, mais pas seulement. Ils attendent des garanties sur les conditions de travail, sur la question des effectifs hospitaliers, sur la formation et la recherche médicale, qui doivent être liées aux soins pour préparer nos soignants aux métiers de demain. Il faut de telles garanties pour refaire de la France un pays leader en matière de prévention et de soin. Il faut des garanties quant à la place qu’occuperont les territoires dans la direction des soins, la médecine de ville, les agences régionales de santé (ARS), les centres hospitaliers universitaires (CHU) ou encore l’hôpital privé.
Si l’on ne rompt pas avec le fléau bureaucratique, la centralisation de la décision, le cloisonnement des structures, l’augmentation des salaires soulagera momentanément la douleur sans soigner le mal profond.
Le Gouvernement entend-il enfin adopter une méthode de réelle concertation, qui s’appuie sur les territoires et sur les soignants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Cédric Perrin, les manifestations qui ont eu lieu hier reflètent ce qu’attendent l’ensemble des soignants et ce qu’ils ont pu vivre durant la crise. C’est pourquoi le Président de la République et le Premier ministre se sont exprimés et engagés à travailler à la revalorisation, surtout salariale, des personnels du secteur hospitalier, mais aussi du secteur médico-social, notamment par le biais des Ehpad.
Si, après les crises qu’il a vécues depuis plusieurs années, notre système de santé a tenu face au Covid-19, c’est grâce aux soignants et à des coopérations sans précédent entre hôpital public et hôpital privé, entre médecine de ville et hôpital. Des lourdeurs ont pu être levées grâce à l’instauration d’un dialogue répondant à un seul objectif : soigner et sauver nos concitoyens.
C’est dans ce cadre que le Ségur de la santé a été lancé par le Premier ministre et le ministre des solidarités et de la santé. Cette concertation, nous la voulons rapide, parce que les réponses doivent être apportées rapidement. C’est une demande des soignants, c’est une nécessité pour l’ensemble du système de santé. Les consultations sont en cours. De premières propositions seront avancées mi-juillet. Près de 300 acteurs, y compris des représentants des infirmiers, sont réunis autour de la table. Des groupes de travail sur quatre grandes thématiques, dont celle de la revalorisation, ont été constitués. Un temps spécifique a été laissé aux territoires, pour faire remonter les bonnes pratiques de gestion de la crise du Covid-19. (M. François Patriat applaudit.)
inégalités scolaires
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Angèle Préville. Longtemps, l’école de la République fut notre fierté, un levier puissant d’ascension sociale. Mais les classements de l’OCDE font l’effet d’une douche froide, année après année, en nous amenant à constater que le niveau des élèves n’est pas à la hauteur de nos espérances, notamment en termes d’autonomie, et que les inégalités scolaires sont fortement liées aux origines sociales.
La crise sanitaire n’a rien arrangé : nous avons perdu beaucoup trop d’élèves. Certes, monsieur le ministre, la communication sur les vacances apprenantes va bon train, laissant croire que tout est sous contrôle, mais quelle sera l’ampleur de ce dispositif ? Touchera-t-il tous les élèves qu’il faudrait, alors que, dans le même temps, la mesure exceptionnelle du 22 mars dernier, consistant à accorder un crédit d’impôt de 50 % pour les cours privés à distance, permettait déjà aux familles aisées d’assurer un accompagnement de leurs enfants pendant le confinement ?
L’école est gratuite et obligatoire, et elle doit le rester. Elle doit être la même pour tous et permettre à tout enfant de France de devenir ce qu’il peut devenir, c’est-à-dire de déployer tous ses talents. C’est votre devoir et votre responsabilité qu’il en soit ainsi, monsieur le ministre.
Le confinement, s’il a été difficile pour tout le monde, l’a été encore plus pour certains. Je pense aux mères au foyer n’ayant d’autre équipement numérique qu’un simple téléphone portable. S’ajoute à cela l’illectronisme, qui concerne 13 millions de Français. La fracture sociale est en train de devenir un gouffre béant.
Gouverner, c’est anticiper et prévoir. Ma question, que je pose au nom du groupe socialiste et républicain, porte sur la rentrée scolaire de septembre, cruciale comme jamais. Quelle est votre stratégie face à l’urgence absolue ? Quelles dispositions spécifiques seront prises concrètement afin de remédier au creusement des inégalités scolaires et numériques intervenu durant la crise et de permettre à tous les jeunes en âge scolaire de reprendre le chemin de l’école sans souffrir de retards irrécupérables ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice Préville, je fais un rêve, celui d’une unité nationale autour de l’école de la République, de façon à tracer ensemble, sans noircir le tableau, des chemins qui peuvent être communs, puisque nous voulons tous la même chose, à savoir la hausse du niveau général et la justice sociale.
Il est exact que, telles que mesurées par les classements de l’OCDE, les performances de la France n’ont pas été extraordinaires ces dernières années. Toutefois, il est important de souligner aussi les facteurs d’espoir. Ainsi, les récentes évaluations de CP et de CE1 montrent que nos élèves sont sur une voie de progrès, en particulier dans les territoires les plus en difficulté, où 300 000 enfants bénéficient du dispositif de dédoublement des classes de CP et de CE1. Ces mêmes 300 000 enfants ont pu retourner en classe prioritairement depuis le 11 mai dernier, puisque leurs classes comptent douze élèves. Au début, ils étaient peu nombreux, car ce sont les enfants des milieux sociaux les plus défavorisés que l’on a eu le plus de mal à faire revenir à l’école, mais près de 60 % d’entre eux sont aujourd’hui présents en classe, contre 30 % le 11 mai ; j’espère que ce taux dépassera 80 % d’ici à la fin du mois.
Des efforts sont donc accomplis pour la justice sociale. Je pourrais vous citer mille actions que nous avons entreprises à ce titre. Par exemple, pendant le confinement, 150 000 élèves ont bénéficié d’une aide personnalisée au cours des vacances de printemps. Attendons les résultats des comparaisons européennes en matière éducative, sur l’enseignement à distance ou l’accueil des enfants de personnels soignants : nous n’aurons pas à en rougir.
Oui, le confinement a provoqué des dégâts sociaux. C’est bien pourquoi j’ai été l’avocat, le militant d’un déconfinement scolaire pour lequel le Président de la République et moi-même avons été tant critiqués il y a à peine plus d’un mois, alors que tout le monde voit bien maintenant que c’était ce qu’il fallait faire, au point que l’on nous demande aujourd’hui d’aller plus vite et plus loin.
Nous préparons en ce moment même la rentrée scolaire dans la concertation avec toutes les organisations syndicales. Dans dix jours, la circulaire de rentrée sera publiée. Elle ira dans le sens que vous souhaitez, celui de la justice sociale et du rattrapage pour les élèves qui ont le plus de difficultés. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour la réplique.
Mme Angèle Préville. Monsieur le ministre, merci de votre réponse. Vous pouvez compter sur l’engagement de toute la communauté éducative, en particulier les professeurs. Il faudra peut-être mettre l’accent sur l’autonomie, la confiance en soi et le développement cognitif des enfants, de façon qu’ils s’épanouissent le mieux possible.
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 24 juin, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.