M. le président. L’amendement n° 228, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize » ;
II. – Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
…. – L’article L. 952-11 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Au début, sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’éméritat est le titre qui permet à un professeur des universités admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l’article L. 123-3.
« L’exercice de ce concours intervient à titre accessoire et gracieux. Les professeurs émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections de l’établissement, et ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d’aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l’établissement.
« Les conditions de la présence du professeur émérite au sein de l’établissement sont fixées par une convention de collaborateur bénévole.
« Les professeurs émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du même code pour les logiciels et inventions à la création ou à la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat. » ;
b) À la dernière phrase du premier alinéa, le mot : « alinéa » est remplacé par le mot : « article ».
…. – L’article L. 422-2 du code de la recherche est ainsi rédigé :
« Art. L. 422-2. – L’éméritat est le titre qui permet à un directeur de recherche admis à la retraite de continuer à apporter un concours aux missions prévues à l’article L. 411-1.
« L’exercice de ce concours est à titre accessoire et gracieux. Les directeurs de recherche émérites ne peuvent être électeurs et éligibles aux élections des conseils et instances des établissements, ils ne peuvent ni être soumis à aucun lien de subordination, ni assumer aucune fonction de direction, ni disposer d’aucune autorité, ni délégation de gestion sur les moyens humains, matériels et financiers de l’établissement.
« Les conditions de la présence du directeur de recherche émérite au sein de l’établissement sont fixées dans une convention de collaborateur bénévole.
« Les directeurs de recherche émérites sont assimilés aux fonctionnaires et agents publics pour l’application des dispositions du code de la propriété intellectuelle ; ils sont notamment soumis aux dispositions des articles L. 113-9 et L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle pour les logiciels et inventions à la création ou la découverte desquels ils ont contribué dans le cadre de leur éméritat.
« La durée de l’éméritat et les droits attachés au titre sont fixés par décret en Conseil d’État. »
…. – Au dernier alinéa de l’article 1er de la loi n° 75-1280 du 30 décembre 1975 relative à la limite d’âge des fonctionnaires de l’État, les mots : « reste fixée à soixante-dix » sont remplacés par les mots : « est fixée à soixante-treize ».
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’âge de départ à la retraite des professeurs du Collège de France a toujours fait l’objet de dispositions spécifiques.
En l’espèce, il s’agit de repousser cette limite d’âge de départ à 73 ans, afin de permettre à ces professeurs de conserver l’écart avec les professeurs des universités. Traditionnellement fixé à cinq ans, celui-ci a été réduit à trois ans en 2010, voire à deux ans, compte tenu du maintien en activité en surnombre d’un an dont certains professeurs peuvent bénéficier.
Le rétablissement de ce différentiel de cinq ans, au moins, avec les professeurs des universités permettra de prendre de nouveau en compte les spécificités des missions du Collège de France.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cet amendement vise à reporter à 73 ans l’âge limite de départ à la retraite des professeurs du Collège de France, actuellement fixé à 70 ans.
Cette disposition concerne un nombre très limité d’enseignants – moins de 50 –, les plus éminents dans leur spécialité, dont l’aura est internationale. En plus d’une recherche de haut niveau, ces derniers assurent, depuis 1530, la diffusion de la culture scientifique auprès d’un large public, récemment par le biais de podcasts très populaires.
En conséquence, ce report de l’âge de départ à la retraite, permettant de conserver le différentiel de cinq ans avec les professeurs d’université qui existait jusqu’en 2010, paraît justifié. L’avis de la commission est favorable.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Si vous en êtes d’accord, monsieur le président, je défendrai également l’amendement n° 95, ce qui nous fera gagner un peu de temps.
Pour ma part – je vais vous surprendre, mes chers collègues – je suis très favorable à ce dispositif… comme je suis favorable au statut de sénateur à vie ! (Sourires.) Les élections sont un moment pénible et reviennent trop souvent – tous les six ans, c’est trop ! Par conséquent, le fait que les professeurs du Collège de France deviennent, en quelque sorte, des professeurs perpétuels me paraît aller dans le bon sens, celui de la démocratie et du rapprochement avec la population.
Soyons sérieux ! Vous le comprendrez bien, il me semble très difficile de légiférer pour permettre la continuation de la carrière de quelques-uns de mes collègues du Collège de France, même si j’adore cette institution !
En outre, je reviens à la métaphore politique. Nous savons très bien, en tant qu’acteurs du domaine politique, que les transitions non préparées dans le cadre d’un mandat électif sont en général catastrophiques et se passent très mal. La meilleure chose que nous pourrions proposer, en connaissance de cause, aux professeurs du Collège de France, c’est de préparer leur succession ! Le report indéfini de l’âge de la retraite, comme pour les élus, n’est pas une bonne chose : cela finit toujours mal !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 229, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Après les mots : « d’âge », sont insérés les mots : « ou à l’issue des reculs de limite d’âge fixés par la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté » ;
II. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
de trois ans
par les mots :
d’un an
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. La rédaction actuelle de l’article 9 découle de l’adoption, en commission du Sénat, d’un amendement ayant pour objet de maintenir le bénéfice du surnombre d’une durée d’un an pour tous les professeurs de l’enseignement supérieur, qu’ils bénéficient, ou non, d’un recul de limite d’âge pour motif familial. Ce surnombre permet aux professeurs d’être maintenus en activité après la limite d’âge et de continuer à acquérir des droits à pension.
Le présent amendement du Gouvernement vise à rétablir une durée homogène d’un an de surnombre pour tous les professeurs de l’enseignement supérieur : il est prévu que ce surnombre prendra effet à la limite d’âge ou à l’issue d’éventuels reculs de limite d’âge.
M. le président. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par Mmes Monier et S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mme Lepage, MM. Lozach, Magner et Stanzione, Mme Van Heghe, M. Montaugé, Mme Artigalas, MM. Devinaz, Gillé, P. Joly et Merillou, Mme Préville, MM. Redon-Sarrazy, Sueur, Kerrouche, Pla, Michau et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
de trois ans
par les mots :
d’un an
II. – Alinéa 6
Remplacer les mots :
de cinq ans
par les mots :
d’un an
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier.
Mme Marie-Pierre Monier. Conformément à l’article L. 952–10 du code de l’éducation, les professeurs des universités ont une carrière longue : ils peuvent partir à la retraite à 67 ans, cette limite pouvant être prorogée jusqu’au 31 août de l’année où ils atteignent 68 ans.
L’adoption d’un amendement en commission a fait passer cet âge limite à 70 ans, alignant ainsi toute carrière de professeur sur celle des professeurs du Collège de France, et ce sans motif justifiant ce recul d’âge de départ.
Par ailleurs, le présent projet de loi prolonge potentiellement de cinq ans la carrière des professeurs responsables d’un projet lauréat. Ceux-ci pourraient ne faire valoir leurs droits à la retraite qu’à l’âge de 72 ans.
On s’interrogera sur la notion même d’équipe portant un tel projet et sur la nécessité d’une transmission et d’une passation de pouvoir à un autre membre de l’équipe, lesquelles ne nécessitent assurément pas une durée de cinq ans pour qui est déjà associé à des travaux !
Notre amendement tend ainsi à reculer au maximum d’un an la date de départ à la retraite, indépendamment du motif de retard de ce départ. Ce faisant, nous reviendrions sur le recul à 70 ans de la limite d’âge, sans motif, pour le départ à la retraite des professeurs et maintiendrions la limite actuelle de 68 ans, y compris pour les lauréats de projet, qui, en un an, auront amplement le temps de transmettre le flambeau et de former leur équipe si nécessaire.
M. le président. L’amendement n° 95, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
peuvent être maintenus en activité au-delà de cette date jusqu’à l’achèvement du projet de recherche et de développement technologique pour lequel ils ont été lauréats et pour une durée de cinq ans au plus
par les mots :
doivent désigner un collaborateur pour leur succéder dans la direction du projet. Ils ou elles sont éligibles de droit pour l’obtention de l’éméritat jusqu’à l’échéance du projet financé
Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. L’amendement n° 229 du Gouvernement apporte des précisions utiles à une disposition adoptée par la commission. Celle-ci émet un avis favorable.
S’agissant de l’amendement n° 46 rectifié, si son I corrige à juste titre une erreur matérielle, l’amendement n° 229 y procède également, tout en apportant une amélioration supplémentaire. La demande est donc satisfaite.
Quant au II, les projets ayant été retenus à l’issue d’appels d’offres internationaux se déroulent parfois sur plusieurs années. La durée de cinq ans a par conséquent été choisie à dessein, afin de ne pas remettre en cause le bon déroulement de ces projets lauréats.
Pour ces deux raisons, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié.
Enfin, le report possible de la limite d’âge prévu à l’article 9 vise à ce que les financements attribués de manière individuelle au lauréat d’un appel à projets puissent continuer à être versés, même dans le cas où celui-ci aurait atteint cette limite. Il s’agit d’un cas très circonscrit, qui doit seulement permettre que la conduite des projets concernés ne soit pas remise en cause. L’avis de la commission est donc défavorable sur l’amendement n° 95.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. J’émets aussi deux avis défavorables sur les amendements nos 46 rectifié et 95.
Je tiens à confirmer les propos de Mme la rapporteure. Être titulaire d’un programme du Conseil européen de la recherche, dit ERC, c’est l’être à titre personnel, avec une portabilité. Ce qui se passe actuellement, c’est que les chercheurs concernés gardent leurs droits ainsi acquis et partent s’installer dans un autre pays européen.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 46 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 95.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 72 rectifié, présenté par Mme Paoli-Gagin, MM. Guerriau, Chasseing, Capus, A. Marc, Menonville, Wattebled et Decool, Mme Mélot et M. Lagourgue, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur
par les mots :
après avis de la commission de la recherche mentionnée à l’article L. 712-5 réunie en formation restreinte
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement a pour objet de préciser la procédure d’autorisation à rester en fonction au-delà de la limite d’âge pour continuer d’exercer la responsabilité d’un projet lauréat d’un appel à projets, à l’instar de la procédure d’attribution de l’éméritat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Cette procédure de maintien en fonction étant exceptionnelle, elle doit être autorisée par un acte réglementaire de niveau ministériel, et non par un simple avis d’une commission interne à l’université. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 9, modifié.
(L’article 9 est adopté.)
TITRE III
CONSOLIDER LES DISPOSITIFS DE FINANCEMENT ET D’ORGANISATION DE LA RECHERCHE
Article 10 A (nouveau)
L’article L. 952-2 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ils sont tenus de respecter les principes et les règles de l’intégrité scientifique. » – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 10 A
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 231, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la recherche est ainsi modifié :
1° L’article L. 111-6 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche sont arrêtées par le ministre chargé de la recherche, après avoir consulté les ministres chargés des politiques publiques et des stratégies et plans nationaux impliquant des enjeux de recherche et d’innovation, et après une consultation de la communauté scientifique et universitaire, des partenaires sociaux et économiques et des représentants des associations et fondations reconnues d’utilité publique, et des collectivités territoriales, en particulier les régions. Certaines de ces orientations prioritaires font l’objet de programmes prioritaires de recherche mis en œuvre dans le cadre des programmes d’investissement d’avenir, sur proposition conjointe du ministre chargé de la recherche et des ministres concernés. Le ministre chargé de la recherche veille à la cohérence de ces orientations et programmes prioritaires avec la stratégie de recherche et d’innovation élaborée dans le cadre de l’Union européenne.
« Le ministre chargé de la recherche organise tous les cinq ans une consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. » ;
b) La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :
- les mots : « La stratégie nationale de recherche » sont remplacés par les mots : « Les orientations et les programmes prioritaires » ;
- le mot : « sa » est remplacé par le mot : « leur » ;
c) Le quatrième alinéa est ainsi modifié :
- après les mots : « publics de la recherche », sont insérés les mots : « notamment les programmes d’investissement d’avenir » ;
- les mots : « de la stratégie » sont remplacés par les mots : « des orientations prioritaires de la politique » ;
d) Le cinquième alinéa est supprimé ;
2° L’article L. 120-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « Premier ministre » sont remplacés par les mots : « ministre chargé de la recherche » ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont ainsi rédigés :
« Le Conseil stratégique de la recherche peut être consulté par le ministre chargé de la recherche sur toute question concernant les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche. En particulier, il conseille le ministre pour l’organisation et la mise en œuvre de la consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique nationale de recherche prévue à l’article L. 111-6 du présent code. Il propose des actions visant à renforcer la place de la science dans la société.
« Le Conseil stratégique de la recherche est présidé par le ministre chargé de la recherche. »
La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’élaboration de la stratégie nationale de recherche en 2014 a permis une consultation large et une expression claire des grands enjeux, mais sans dégager de réelles priorités nationales qui puissent se traduire dans une programmation opérationnelle. De façon récurrente, dans le champ de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, une stratégie nationale aboutit très souvent à un texte dans lequel chaque discipline et chaque thème est évoqué sans réelle différenciation.
Il s’agit donc de remplacer l’objet que constitue la « stratégie nationale de la recherche » par des orientations prioritaires de la politique nationale de recherche, qui seraient mises en œuvre par contractualisation avec les établissements, déploiement de programmes prioritaires de recherche ou programmations de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et ce tout en conservant le principe d’une consultation de la société civile, une fois tous les cinq ans, sur ces orientations prioritaires.
Par ailleurs, le Conseil stratégique de la recherche ne s’est plus réuni depuis quatre ans. Durant les quelques années au cours desquelles il a fonctionné, on a constaté une réelle difficulté à faire émerger des priorités thématiques claires et différenciées, difficulté liée, notamment, au nombre élevé de ses membres – il en compte 26 –, qui ont eu une large tendance à se considérer principalement comme des défenseurs de leur domaine.
Il s’agit par conséquent de placer le Conseil stratégique de la recherche auprès non pas du Premier ministre, mais du ministre chargé de la recherche et de permettre à ce dernier de le consulter directement sur toute question concernant les orientations prioritaires. C’est également le Conseil stratégique de la recherche qui conseillera ledit ministre pour l’organisation et la mise en œuvre de la consultation de la société civile sur les orientations prioritaires de la politique de la recherche. Sa composition sera réduite à dix membres : le ministre, six scientifiques, un député, un sénateur et un représentant de Régions de France.
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié, présenté par MM. Ouzoulias et Bacchi, Mme Brulin et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l’article L. 111-6 du code de la recherche est ainsi modifiée :
1° Le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « sept » ;
2° Les mots : « en concertation avec la société civile » sont remplacés par les mots : « et sur proposition du conseil stratégique de la recherche ».
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Nous nous trouvons au cœur d’un problème qui montre bien les limites de votre stratégie, madame la ministre.
Il est indiqué dans l’objet de votre amendement que la stratégie nationale de recherche n’a pas permis d’élaborer de réelles priorités nationales. Comment le pourrait-elle quand la majorité des financements transitent par une agence de moyens ? L’ANR ne définit pas de priorités, ou elle en définit peu, lorsqu’elle élabore des appels à projets et les chercheurs, lorsqu’ils lui soumettent des projets, ne le font pas en fonction de la stratégie nationale de recherche.
Du fait d’un recours systématique et croissant aux appels à projets – il est encore développé dans le cadre de ce projet de loi –, l’État se prive de tout l’intérêt d’une programmation scientifique. C’est là un problème structurel.
Vous êtes donc face à une alternative : conserver le système que nous connaissons depuis le début de la Ve République – l’État choisit des programmes scientifiques forts et leur accorde les moyens nécessaires pour permettre aux chercheurs de travailler – ou opter pour une agence de moyens – mais, dans ces conditions, l’État perd toute possibilité de programmation. Entre les deux, la voie médiane est très difficile à trouver.
De surcroît, je regrette vivement que, au sujet de ce projet de loi de programmation de la recherche, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) n’ait jamais été consulté. Pour tous les textes équivalents, son avis avait été recueilli systématiquement : en tant que membre de l’Opecst, je ne me souviens pas d’avoir débattu du présent texte et encore moins de la stratégie nationale dont il s’agit. Pourtant, cet organe interparlementaire aurait certainement eu des choses à dire.
Madame la ministre, avec cette réforme, c’est toute la collégialité qui disparaît au profit d’un système extrêmement vertical : désormais, le Premier ministre choisira à peu près à sa guise les personnes qu’il consultera.
Enfin, je ne sais pas ce qu’est la « société civile ». Je connais la société ; je comprends le sens du mot « civil » ; je vois aussi ce qu’est la société ecclésiastique, même si je n’y appartiens pas. Au demeurant, je n’ai pas non plus le sentiment d’appartenir à la société civile.
Il serait bon de préciser qui sera consulté au nom de la société civile. En première analyse, il serait également bon d’entendre les chercheurs et la représentation nationale !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Laure Darcos, rapporteure. Avec l’amendement n° 231, le Gouvernement propose une réforme structurante de la stratégie nationale de recherche, laquelle n’a pas eu, jusqu’à présent, les effets escomptés.
Le ministre ne se contenterait pas de coordonner cette stratégie : il arrêterait des orientations prioritaires après une large consultation des acteurs concernés. À cette fin, il bénéficierait de l’expertise du Conseil stratégique de la recherche, le CSR. Cette instance, qui compterait dix membres contre vingt-six actuellement, serait désormais placée sous son autorité.
Monsieur Ouzoulias, si le Gouvernement n’avait pas déposé son amendement, lequel nous est parvenu tardivement, j’aurais volontiers accédé à votre demande, qui me paraît très intéressante. Mais, à présent, je suis conduite à donner un avis favorable à l’amendement n° 231, qui vise à mener une refonte plus globale de cette stratégie.
En conséquence, je vous demande de retirer l’amendement n° 108 rectifié – même si ce n’est sans doute pas ce que vous ferez. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 108 rectifié ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme Mme la rapporteure, je demande le retrait de cet amendement.
Monsieur Ouzoulias, nous avons effectivement voulu une refonte complète du système. J’entends bien ce que vous dites ; mais, depuis trois ans, nous lançons des programmes prioritaires de recherche dans le cadre de grandes stratégies nationales. Il serait intéressant d’intensifier ce travail grâce à un CSR renouvelé.
J’ajoute que la consultation de l’Opecst me paraît un peu compliquée, eu égard à la séparation des pouvoirs. (M. Pierre Ouzoulias manifeste son étonnement.) Cela étant, j’aurais pu répondre à l’invitation de cet office, s’il avait sollicité ma venue. Enfin, j’ai communiqué le texte du Gouvernement au président de l’Opecst, à titre personnel, ne doutant pas qu’il en discuterait avec les autres membres de cette instance.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, je tiens à revenir un instant sur la crise pandémique actuelle. La commission de la culture vous l’a indiqué, y compris par écrit : à aucun moment vous n’avez eu recours aux services du Conseil stratégique de la recherche pour faire face à la pandémie, en particulier pour mettre en place une stratégie de riposte scientifique ! (Mmes Marie Mercier et Sophie Primas applaudissent.)
Vous nous dites aujourd’hui que cet organe est inutile et qu’il faut le réformer. S’il est inutile, c’est parce que le Président de la République – il s’agit encore d’une décision prise par lui, et par lui seul – a décidé de créer, à côté du Conseil stratégique de la recherche, instance définie par la loi, ses propres comités scientifiques.
Mme Marie Mercier. Tout à fait !
M. Pierre Ouzoulias. À cette fin, il a créé deux organes, dont il a défini lui-même la composition et l’organisation. D’ailleurs, personne n’a compris à quoi l’un des deux servait, pas même les chercheurs qui en sont membres !
Il faut que cela cesse : quand de telles crises surviennent, on ne peut pas bricoler dans l’urgence des solutions qui sortent complètement de la loi. (M. Éric Kerrouche opine.) C’est un défaut majeur de votre gouvernement : vous ne prenez jamais le temps de consulter la représentation nationale et d’agir dans le cadre des lois. Vous préférez systématiquement réunir des commissions ad hoc, dont vous définissez vous-mêmes la composition et les attributions.
De telles méthodes posent un grave problème démocratique, qu’il s’agisse de la « société civile » en général, pour utiliser vos termes, ou encore de la recherche. On ne peut pas procéder ainsi : les cadres légaux doivent être respectés par tout le monde ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)