Mme la présidente. La séance est reprise.
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Inclusion dans l’emploi par l’activité économique
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire sur une proposition de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » (texte de la commission n° 90, rapport n° 89).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 28 octobre dernier, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte commun sur la proposition de loi relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».
Cet accord, qui est le fruit d’échanges nourris avec notre collègue députée Marie-Christine Verdier-Jouclas, auteure et rapporteure du texte pour l’Assemblée nationale, et avec le Gouvernement, devrait nous conduire à adopter, une dernière fois en ce qui nous concerne, cette proposition de loi.
Malgré l’effet de loupe médiatique qui a fait porter l’essentiel des débats sur son titre II, relatif à la prolongation et à l’extension de l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée », le titre Ier, qui vise à appliquer certaines mesures du pacte d’ambition pour l’insertion pour l’activité économique, et le titre III, qui contient diverses mesures d’ordre social, ne sont pas moins importants à mes yeux.
Les apports du Sénat tendant à préciser le cadre de l’expérimentation de l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée » et à renforcer les exigences liées à son évaluation ont été conservés.
Le Sénat s’était opposé à ce que la participation des départements au financement de l’expérimentation soit obligatoire et fixée par décret. Ce point s’est révélé la divergence la plus difficile à surmonter, l’Assemblée nationale souhaitant laisser au Gouvernement la possibilité d’imposer par décret le montant de la participation exigée des départements.
De notre côté, il ne nous avait pas paru acceptable que les départements puissent être tenus de participer financièrement, à hauteur d’un montant encore inconnu, à une expérimentation créée par l’État et résultant de la volonté de territoires. Le compromis auquel nous sommes parvenus consiste à accepter que la participation financière des départements soit déterminée par décret, mais à faire de l’accord du président du conseil départemental un prérequis pour qu’un territoire soit candidat à l’expérimentation.
M. Michel Savin. Très bien !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Sur proposition de l’Assemblée nationale, nous avons plafonné le montant maximal que le décret pourra imposer. Ce plafond est particulièrement élevé, puisqu’il s’établit au niveau du revenu de solidarité active (RSA) pour chaque personne embauchée, qu’elle ait précédemment été allocataire du RSA ou non. Il n’apparaît donc pas à mes yeux comme une garantie et il reviendra à chaque département d’apprécier si la participation à cette expérimentation est cohérente avec sa politique en matière d’insertion.
Par ailleurs, le texte de la commission mixte paritaire permet au Gouvernement de déroger par décret au nombre maximal de territoires pouvant être habilités.
J’ai eu l’occasion de dire que le nombre de soixante territoires était bien plus élevé que le nombre maximal de territoires devant être envisagés par la proposition de loi que préconisait le comité scientifique. Je rappelle que, pour celui-ci, l’entrée dans le dispositif de trente nouveaux territoires constituait un maximum.
J’espère que, si le nombre de soixante territoires expérimentateurs est un jour atteint, les demandes de dérogation qui pourront être adressées au Gouvernement seront examinées avec rigueur s’agissant du respect du principe de non-concurrence entre les entreprises à but d’emploi (EBE) et les entreprises locales, notamment celles de l’économie sociale et solidaire, et que le travail d’évaluation continuera à se poursuivre avec attention et objectivité.
J’en viens au volet relatif à l’insertion par l’activité économique (IAE). Le Sénat, tout en approuvant globalement les mesures pragmatiques proposées par le texte, a apporté des améliorations visant à répondre aux interrogations des acteurs de terrain. Le texte de la commission mixte paritaire reprend l’ensemble de ces apports.
Ainsi, le texte prévoit la possibilité, rétablie par le Sénat, de déroger, à titre exceptionnel, pour les salariés seniors rencontrant des difficultés particulières, à la durée maximale de vingt-quatre mois de renouvellement des CDD au-delà de l’âge de 57 ans, en complément de la faculté de conclure un « CDI inclusion senior », dans les entreprises d’insertion, les ateliers et chantiers d’insertion et les associations intermédiaires. Sur ce point de divergence, nos discussions avec l’Assemblée nationale nous ont permis de rapprocher nos points de vue.
Les précisions apportées à la procédure du « Pass IAE », à l’article 1er, figurent à l’identique dans le texte de la commission mixte paritaire, comme l’équilibre trouvé par le Sénat à l’article 2 ter concernant la possibilité pour le préfet d’accorder des dérogations au plafond de 480 heures de mise à disposition applicable aux associations intermédiaires. À l’article 3 bis, le texte reprend les garde-fous apportés par le Sénat au cadre de l’expérimentation du « contrat passerelle », qui n’était pas accueillie favorablement par les réseaux de l’IAE. Nous avons introduit une condition d’ancienneté de quatre mois dans un parcours d’IAE pour les bénéficiaires, limité la durée de la mise à disposition à trois mois renouvelables et prévu de dispenser de période d’essai le salarié en cas d’embauche par l’entreprise utilisatrice, ce qui semble avoir rassuré les acteurs.
En complément de ce « contrat passerelle » et dans le même objectif de créer des ponts entre la structure d’insertion par l’activité économique (SIAE) et l’entreprise de droit commun, la commission des affaires sociales avait introduit, à l’article 3 ter A, un dispositif de « temps cumulé » visant à permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel. Ce dispositif a également été retenu par la commission mixte paritaire.
L’ensemble de ces mesures doit être envisagé en lien avec l’effort financier important consenti en faveur de l’IAE dans le cadre du plan de relance et de la « stratégie pauvreté » et devrait contribuer à soutenir les initiatives de terrain et à ouvrir le champ des possibles dans ce secteur. Nous saluons ces avancées, notamment sur le plan budgétaire.
J’en viens au titre III et à l’article 7, relatif à l’articulation avec les allégements généraux de cotisations sociales du « bonus-malus » de contributions d’assurance chômage portant sur les contrats courts. Je rappelle que la commission des affaires sociales avait supprimé cet article afin de réaffirmer son opposition au bonus-malus et de tenir compte de la concertation en cours sur la réforme de l’assurance chômage.
Ce dispositif étant déjà inscrit dans le droit et étant prêt pour une entrée en vigueur au début de l’année 2021, il a cependant paru préférable de rétablir l’ajustement proposé, faute de quoi l’application du bonus-malus serait préjudiciable aux entreprises, notamment les plus vertueuses. Cet article prévoit également d’exonérer les contrats d’insertion du bonus-malus, ce qui semble raisonnable.
Il est entendu que cela ne vaut pas approbation du principe du bonus-malus et je demeure convaincue, sur le fond, que ce n’est pas la solution appropriée pour lutter contre les abus du recours aux contrats courts.
À l’article 9 quater, l’expérimentation d’un contrat de professionnalisation « sur mesure », créée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sera bien prolongée de deux ans, comme l’a proposé le Sénat, pour permettre son appropriation par les SIAE.
Enfin, à l’article 9 quinquies, le Sénat avait introduit, sur l’initiative du Gouvernement, une expérience visant, en complément des initiatives existant déjà dans certaines branches, à encourager le dialogue social au sein des SIAE et à permettre une meilleure représentation des salariés en parcours d’insertion. La commission mixte paritaire a retenu une nouvelle rédaction de cet article, qui tend à prévoir, au lieu d’une instance de dialogue social ad hoc, la création d’une commission « insertion » au sein du comité social et économique (CSE), ce qui répond davantage aux attentes des partenaires sociaux. Ce dispositif aura l’avantage d’être moins lourd pour l’employeur, tout en remplissant les mêmes objectifs.
Enfin, je souligne qu’il appartient désormais au Gouvernement de mettre en œuvre rapidement les mesures que nous adoptons aujourd’hui.
Permettez-moi, madame la ministre, de terminer par un petit clin d’œil : en première lecture, j’avais débuté mon intervention, en demandant où en était la rédaction du décret d’application de la loi permettant d’offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l’épidémie de covid-19, que le Gouvernement nous avait demandé d’adopter en urgence l’été dernier.
M. Michel Savin. Eh oui !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. Force est de constater que cette loi n’a pas été mise en œuvre dans les délais utiles et que nous avons travaillé en vain.
Je suis persuadée qu’il n’en sera pas de même sur ce texte ! Dans cette attente, mes chers collègues, je vous invite aujourd’hui, au nom de la commission mixte paritaire, à adopter cette proposition de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Klinkert, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, chargée de l’insertion. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en préambule, permettez-moi d’exprimer à la représentation nationale la solidarité du Gouvernement dans cette nouvelle phase de confinement.
Comme l’a dit le Premier ministre, nous devons redoubler d’attention pour les publics les plus fragiles et les plus éloignés de l’emploi. Pour eux, la solidarité nationale doit continuer à se déployer pleinement. Je pense tout d’abord aux jeunes, mais aussi aux demandeurs d’emploi de longue durée et aux personnes fragiles.
Dans ce nouveau contexte, les deux dispositifs renforcés par cette proposition de loi trouvent plus que jamais leur utilité.
Tout au long du processus parlementaire, un travail constructif a été mené par les députés et les sénateurs de tous les groupes : chacun a pu apporter sa pierre à l’édifice d’ensemble.
Je salue le travail remarquable de Mme le rapporteur de cette proposition de loi au Sénat, Frédérique Puissat, qui a permis un enrichissement très net du texte.
Je sais, madame le rapporteur, combien cette journée est, pour vous, importante à plus d’un titre, et je profite de l’occasion pour vous souhaiter un très bel anniversaire. (Sourires.)
Je note que le texte de la commission mixte paritaire reprend l’ensemble des apports du Sénat.
À son tour, la commission mixte paritaire a travaillé à l’équilibre définitif du texte, pour aboutir à une version qui respecte à la fois le « pacte d’ambition pour l’IAE » et l’esprit des fondateurs de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Les deux chambres ont su aboutir à un texte pragmatique, nécessaire, utile, émanant des acteurs de terrain. Je remercie donc la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 28 octobre dernier d’être parvenue à cet accord.
Nous avons abouti à un texte adapté aux circonstances. Aujourd’hui, son adoption finale est dans l’intérêt de tous et de tous les territoires.
Ce texte est, en effet, un bel objet en faveur de l’emploi pour tous et de l’égalité des chances. Vous le savez, il renforce deux très beaux outils, qui appliquent des méthodes complémentaires pour insérer dans l’emploi les personnes qui en sont les plus éloignées.
Le titre Ier est consacré au renforcement du secteur de l’insertion par l’activité économique. Les structures d’insertion par l’activité économique vont ainsi voir leurs règles de recrutement simplifiées, grâce à la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi, ce qui leur permettra d’embaucher plus rapidement.
Le titre II a pour objet de prolonger et d’étendre l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Cette expérimentation se déploiera désormais dans soixante territoires, cinquante nouveaux venant s’ajouter aux dix premiers, qui sont reconduits.
Je salue le travail et la persévérance de Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée, de Michel de Virville et Patrick Valentin, qui en sont les vice-présidents, ainsi que le travail de Louis Gallois, président du fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée.
Le titre III est quant à lui un titre de coordination et de mise à jour.
Pour chacun des trois titres de cette proposition de loi, la commission mixte paritaire a su apporter des avancées majeures.
Au titre Ier, consacré à l’insertion par l’activité économique, le texte issu de la commission mixte paritaire maintient le « CDI inclusion » destiné aux seniors, lequel apporte une sécurisation du travail de ces personnes jusqu’à leur retraite. Tout salarié d’une structure d’insertion par l’activité économique âgé de plus de 57 ans au moment du renouvellement de son parcours pourra se voir proposer un CDI, si sa situation ne lui permet pas de retrouver un emploi dans le secteur de droit commun.
Conformément à la volonté du Sénat, ce nouveau contrat coexistera avec les contrats à durée déterminée insertion, qu’il est possible de renouveler par dérogation à partir de 50 ans.
Au titre Ier encore, députés et sénateurs ont également su s’accorder pour doser l’encadrement de l’expérimentation du « contrat passerelle ». L’objectif est de permettre une transition progressive entre un contrat d’insertion et un CDI ou un CDD à temps partiel.
Sur ce sujet, nous saluons le travail d’écoute de Mme le rapporteur, qui a su aménager le « contrat passerelle » et introduire un dispositif complémentaire de « temps cumulé », afin de laisser aux acteurs le libre choix des outils.
Concernant le titre II et l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », la commission mixte paritaire a permis plusieurs apports décisifs.
Premièrement, la commission mixte paritaire a rétabli le caractère obligatoire du financement des départements, en revenant au texte de l’Assemblée nationale, mais en ajoutant deux points : la fixation par décret du niveau de cette participation et le plafonnement de celle-ci.
Nous entendons, bien sûr, les inquiétudes sur le niveau de dépenses que devront supporter les départements, raison pour laquelle nous travaillerons avec l’Assemblée des départements de France à la meilleure rédaction possible du décret.
Deuxièmement, la commission mixte paritaire précise que l’accord du président du conseil départemental est requis pour qu’un territoire se porte candidat à l’expérimentation.
Nous saluons l’accord et l’équilibre trouvés. Ils ont d’ailleurs été salués par l’association Territoires zéro chômeur de longue durée elle-même.
Cette solution préserve à la fois l’esprit même du texte et la compétence des départements en tant que chefs de file de la politique d’insertion dans les territoires. D’une part, nul ne pourra imposer aux départements de participer financièrement à une expérimentation qui serait incohérente avec la politique qu’ils définissent librement en matière d’insertion. D’autre part, conformément à leur compétence en matière d’insertion, il est cohérent que les départements participent au financement des expérimentations qui ont lieu sur leur territoire.
Respect de la compétence des départements et engagement de tous les acteurs de l’insertion dans les projets territoriaux : c’est tout l’équilibre qui a été trouvé en commission mixte paritaire, et que je salue.
Troisièmement, une augmentation dérogatoire du nombre de territoires, au-delà des soixante territoires prévus pour la prolongation et l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée », est désormais possible par décret en Conseil d’État.
Conjointement avec le Gouvernement, la commission mixte paritaire est finalement parvenue à trouver une solution juridiquement satisfaisante, en permettant d’élargir le nombre de territoires au-delà de soixante si cela était nécessaire, comme Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, Élisabeth Borne, s’y était fermement engagée à l’Assemblée nationale.
Au titre III a été introduite une avancée majeure pour l’insertion par l’activité économique, à travers la mise en place d’un dialogue social pour les salariés en insertion, sous la forme d’une expérimentation de trois ans.
Les structures d’insertion par l’activité économique pourront mettre en place, au sein du CSE, une commission « insertion », qui débattra des conditions de travail des salariés en insertion et de la qualité des parcours proposés par les structures.
Les salariés en insertion pourront, enfin, prendre part à un véritable dialogue social, avec tous les intérêts que comporte un engagement syndical en termes de reconnaissance et d’émancipation pour la suite de leur parcours professionnel.
Je salue ici l’engagement de Mme le rapporteur Frédérique Puissat, qui a soutenu cette expérimentation lors des discussions en séance publique au Sénat, puis en a amélioré le contenu lors de la commission mixte paritaire.
Ce texte prouve la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de l’emploi pour tous. Il s’inscrit dans une ambition plus large, visant à développer des solutions d’insertion dans l’emploi pour les personnes plus fragiles.
Dans le cadre de « France Relance » est prévue la priorisation de 35 000 places dans l’insertion par l’activité économique au bénéfice des jeunes.
En outre, conformément aux annonces récentes du Premier ministre sur les mesures de prévention et de lutte contre la bascule dans la pauvreté, en date du 24 octobre dernier, est également prévue l’ouverture de 30 000 places supplémentaires dans l’IAE.
Cette volonté politique sans précédent en faveur de l’insertion par l’activité économique est parfaitement complémentaire de cette proposition de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez l’opportunité de voter des outils concrets et adaptés aux circonstances de la crise que traverse la France. Nous nous attacherons à prendre les textes d’application nécessaires.
Au nom du Gouvernement, je renouvelle nos remerciements à l’ensemble des parlementaires et à Mme le rapporteur pour leur travail d’enrichissement du texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, afin d’œuvrer à ce que la relance de notre économie soit la plus inclusive possible, je vous demande une adoption définitive de cette proposition de loi la plus large possible.
Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’inclusion n’est « pas l’affaire des exclus : elle est l’affaire de tous, pour redonner à ceux qui sont devenus des “invisibles” une place à part entière dans la société. » Je reprends ces mots du président du Conseil de l’inclusion dans l’emploi pour introduire mon propos, car j’ai le sentiment qu’ils reflètent parfaitement l’esprit de cette proposition de loi et de l’accord que nous avons trouvé en commission mixte paritaire.
Alors que 4,2 millions de personnes se trouvent éloignées de l’emploi, dont 2,7 millions depuis plus d’un an, la proposition de loi vient apporter une réponse concrète, ambitieuse et innovante dans la lutte contre le chômage de longue durée, véritable fléau de notre société. Elle s’inscrit dans la logique du plan de relance et dans la volonté du Président de la République d’intégrer 140 000 personnes supplémentaires dans les parcours d’insertion et les entreprises adaptées. Elle vient aussi compléter le dispositif de 300 millions d’euros en faveur des structures d’insertion que vous avez annoncé, madame la ministre.
L’insertion par l’activité économique constitue, en effet, une riposte efficace, qui concilie à la fois l’économie, le social et le territorial.
Nous saluons le compromis trouvé, qui préserve l’esprit même du texte en réintégrant notamment l’obligation de financement des départements concernés par l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » et l’absence du préfet dans son copilotage, démontrant ainsi la confiance que nous souhaitons donner aux territoires et aux acteurs locaux.
La lutte contre le chômage de longue durée nécessite de faire preuve de créativité et d’innovation, en s’appuyant sur les territoires et en associant l’ensemble des acteurs : je pense aux entreprises, aux associations et aux collectivités territoriales.
Grâce à ce compromis, nous concrétisons des avancées notables pour lutter contre l’isolement des personnes privées d’emploi en instaurant le « CDI inclusion senior » à destination des personnes de plus de 57 ans.
Au moment où le marché de l’emploi est durement frappé par la crise sanitaire, il est nécessaire de renforcer les dispositifs existants pour favoriser le retour à l’emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Je pense, bien sûr, aux chômeurs de longue durée, mais aussi aux bénéficiaires des minima sociaux, aux personnes en situation de handicap et aux parents isolés.
Les dispositions de cette proposition de loi, telles que l’extension de l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » à cinquante nouveaux territoires, le développement des structures d’insertion par l’activité économique, grâce à la suppression de l’agrément préalable délivré par Pôle emploi, et l’expérimentation du « contrat passerelle », constituent des réponses fortes dans la lutte contre le chômage de longue durée.
Par ailleurs, en permettant à de nouveaux territoires qui souhaitent bénéficier de l’expérimentation d’être habilités par décret, la clause de revoyure constitue, à nos yeux, une avancée notable.
Le groupe RDPI sera attentif aux conclusions du rapport demandé en commission mixte paritaire sur le financement des comités locaux. Ces derniers constituent, en effet, la pierre angulaire du projet sur le territoire et requièrent, à cet égard, des moyens nécessaires à la bonne conduite de leurs missions.
Enfin, nous nous réjouissons de voir aboutir cette proposition de loi et saluons le travail des rapporteurs en vue de la recherche d’un compromis ambitieux.
Nous formons le vœu que cette expérimentation puisse être généralisée sur le long terme, afin de permettre une meilleure insertion à ceux qui demeurent éloignés de l’emploi, grâce au travail des associations, des collectivités et de tous les acteurs de terrain mobilisés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous connaissons depuis le printemps dernier s’accompagne d’une crise économique et sociale chaque jour plus prégnante.
Selon les associations caritatives, cette crise a fait basculer dans la pauvreté 1 million de Français, qui rejoignent ainsi les 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté. Le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire augmente dramatiquement : au mois de septembre dernier, ils étaient 8 millions, contre seulement – si j’ose dire – 5,5 millions en 2019.
Dans ce contexte, s’il est un sujet qui doit faire consensus, c’est bien la lutte contre le chômage ! Notre groupe est convaincu que ce texte apportera les outils nécessaires pour aider les personnes les plus éloignées du monde du travail à retrouver un emploi.
C’est pourquoi nous nous félicitons de ce que la commission mixte paritaire soit parvenue à un accord et nous saluons le compromis ainsi trouvé.
Nous approuvons notamment le maintien du dispositif de « temps cumulé », qui facilitera la transition de l’insertion par l’activité économique vers le secteur marchand. Nous accueillons également très favorablement la mise en place d’une expérimentation visant à encourager le dialogue social au sein des structures d’insertion par l’activité économique.
Nous nous félicitons surtout de ce que la commission mixte paritaire ait ouvert la voie à une augmentation dérogatoire par décret du nombre de territoires concernés par l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». Nous étions très nombreux, dans cet hémicycle, à le réclamer. Nous pensons, en effet, qu’aucun territoire remplissant les conditions pour en bénéficier ne doit être laissé sur le bord du chemin.
Certes, plusieurs études ont pointé du doigt le coût de ce dispositif, mais, comme je l’ai rappelé en première lecture, celui-ci ne doit pas seulement se résumer à son aspect financier.
En permettant à des personnes particulièrement éloignées du monde du travail de retrouver un emploi, cette expérimentation leur permet aussi et surtout de retrouver leur dignité, de reprendre confiance en elles. N’oublions pas que ces personnes sont très souvent « cassées » par des années de chômage, des carrières brisées, des fractures de vie.
En adoptant cette proposition de loi, nous réunissons les conditions nécessaires à la réussite de cette expérimentation, qui repose sur l’implication de chacun et les compétences de tous.
Cette seconde phase va pouvoir s’appuyer sur les dix territoires déjà engagés, qui ont eu un véritable rôle de laboratoires, mettant en lumière les améliorations à apporter : locaux adaptés aux besoins, nécessité de mettre l’accent sur la formation ou encore renforcement des conditions d’habilitation des territoires pour ne laisser partir que les territoires prêts qui se sont donné les moyens de réussir. Les territoires qui postulent pour la seconde phase de l’expérimentation auront été préparés grâce à l’expérience qu’ils auront tirée de la première phase.
Cette proposition de loi intervient dans une période où nous avons plus que jamais besoin d’ouvrir la porte à des méthodes novatrices.
Certains qualifient toujours d’utopique l’expérimentation « zéro chômeur de longue durée ». Je leur rappelle simplement ces quelques mots du président radical Édouard Herriot, « Une utopie est une réalité en puissance », et j’en profite pour saluer mon collègue lyonnais Bernard Fialaire. (Sourires.)
C’est dans cet esprit que le groupe du RDSE apportera naturellement son soutien au texte élaboré par la commission mixte paritaire. (M. Bernard Fialaire applaudit.)