Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Nous voulons aussi consacrer des moyens aux ministères qui préparent l’avenir. C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale verra ses crédits augmenter, à périmètre constant, de 1,4 milliard d’euros. Le ministère de la transition écologique verra ses crédits augmenter, toujours hors plan de relance, de 1 milliard d’euros. Quant au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, il verra ses crédits augmenter de 500 millions d’euros ainsi répartis : une centaine de millions d’euros au titre du plan de relance, pour soutenir la vie étudiante, et 400 millions d’euros constituant la première tranche des crédits du projet de loi de programmation de la recherche. Ce texte a, lui aussi, fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire : il devrait être bientôt adopté définitivement.
Ce projet de loi de finances traduit d’autres priorités politiques encore. Ainsi, nous augmentons sensiblement les crédits du ministère de la culture – ces fonds progressent de plus de 150 millions d’euros, hors plan de relance. En outre, même si les montants considérés sont évidemment plus modestes, nous avons fait le choix d’augmenter de 40 % le budget du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, sachant que, par définition, ce dernier s’appuie également sur des missions plus transversales.
Le présent texte met en œuvre un second engagement du Gouvernement : la baisse des prélèvements obligatoires. S’il est adopté, et s’il est appliqué, les prélèvements obligatoires auront reculé de 45 milliards d’euros entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2021. Cette baisse concerne pour moitié les ménages et pour moitié les entreprises – j’inclus dans ce calcul les 10 milliards d’euros de baisse d’impôts de production que nous vous proposons avec ce projet de loi de finances.
Nous allons poursuivre sur cette trajectoire, grâce à laquelle le poids des prélèvements obligatoires a déjà été réduit de 45 % à 44 % du PIB, avec une première tranche de diminution de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages qui l’acquittent encore intégralement – depuis le mois dernier, 80 % des ménages en sont exonérés – et avec de nouvelles baisses d’impôt sur les sociétés, conformément à la trajectoire pluriannuelle arrêtée.
D’autres engagements, pris au nom de la sincérité budgétaire, seront tenus. Je pense notamment à la réserve de précaution. Depuis 2018, nous avons fait le choix de fixer le niveau de cette réserve à 3 %, contre 8 % les années précédentes. Je précise qu’il s’agit d’une moyenne : pour l’essentiel des lignes budgétaires, la réserve de précaution s’établit aux alentours de 4 %. En revanche, elle est réduite à 0,5 % pour les lignes dont on sait qu’elles ne sont pas « pilotables », comme les allocations de logement, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou d’autres minima.
Dans le même souci de lisibilité et de sincérité budgétaire, nous poursuivrons deux autres chantiers.
Le premier est la suppression des petites taxes. La marche semble moins haute que les années précédentes, mais j’attire votre attention sur le fait que nombre de suppressions décidées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 prendront effet au 1er janvier 2021. Ainsi, le coût de ce chantier sera plus élevé en 2021 qu’il ne l’est cette année, malgré la diminution du nombre de taxes concernées.
Le second, que l’adoption d’un certain nombre d’amendements permet de continuer, est l’unification et la modernisation du recouvrement de l’impôt.
Enfin, ce projet de loi de finances comporte un certain nombre de mesures relevant de réformes structurelles comme la mise en œuvre – enfin ! diront certains – de la contemporanéisation de l’aide personnalisée au logement (APL). Je pense également à la facturation électronique que nous proposons de rendre obligatoire à compter de 2023, afin d’améliorer nos possibilités de lutte contre la fraude fiscale, notamment en matière de carrousels de TVA.
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Troisièmement, permettez-moi de souligner que le budget que nous vous présentons s’inscrit dans un contexte macroéconomique qui évolue. Le rebond de la crise épidémique nous a amenés à revoir nos prévisions. Comme nous vous l’avons indiqué lors des débats sur le PLFR 4 et à l’occasion de l’actualisation des sous-jacents du PLFSS, nous avons corrigé nos hypothèses macroéconomiques pour 2020.
Nous avons porté nos prévisions de récession à 11 % du PIB – plutôt que 10 %, comme nous l’envisagions au début du mois de septembre –, le niveau du déficit prévisionnel pour 2020 à 11,3 % – plutôt que 10,2 %, comme prévu au début du mois de septembre – et le poids de la dette publique de 117,5 % à 119,8 % du PIB.
Ces chiffres sont, aux yeux d’autres analystes, particulièrement prudents, la Banque de France et l’Insee considérant dans leurs propres travaux que les hypothèses de récession pourraient être moins mauvaises. Ils avaient, en effet, évalué la récession attendue entre 9,5 % et 10 % du PIB.
Depuis le début du quinquennat, nous avons constamment fait le choix de la prudence pour nos hypothèses. Le Haut Conseil des finances publiques a toujours qualifié les hypothèses de travail du Gouvernement de « plausibles et prudentes » ou de « plausibles, mais prudentes ».
Nous avons donc à réviser un certain nombre de sous-jacents des textes que nous vous présentons. Vous avez accepté de le faire par l’adoption d’un amendement à l’article 7 du PLFSS pour l’année 2021 ; j’aurai l’occasion, après la discussion générale, de vous proposer un amendement pour actualiser les sous-jacents pour l’année 2020 de l’article liminaire du présent projet de loi de finances, et je reviendrai, dans un instant, sur la prévision pour 2021 au sujet de laquelle nous travaillons.
Nous vous proposons une actualisation des lois de financement de l’État et de la sécurité sociale « au fil de l’eau », en fonction des avis du Haut Conseil des finances publiques et de l’évolution de nos travaux de prévision.
Avant de conclure, permettez-moi d’évoquer deux points : tout d’abord, les évolutions du texte entre le moment où j’ai eu l’occasion de vous le présenter en commission des finances et aujourd’hui, c’est-à-dire après le débat à l’Assemblée nationale ; ensuite, les chantiers qui nous attendent.
Premièrement, le texte a évidemment évolué lors de son examen par l’Assemblée nationale et, si le temps ne me permet pas de revenir en détail sur chacune des dispositions initialement prévues, je tiens à souligner que l’Assemblée nationale l’a enrichi de nombreux amendements, près de 400 ayant été adoptés.
À la suite d’un travail transpartisan réunissant les députés et les sénateurs représentant les Français de l’étranger autour d’un rapport remis par le Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi adopté le maintien, pour les non-résidents, de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire.
Elle a également adopté le relèvement à 10 millions d’euros – au lieu de 7 630 000 euros – du plafond de chiffre d’affaires pour l’application taux réduit de l’impôt sur les sociétés en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) ; le maintien de la différence de taxation entre l’E5 et l’E10 au titre de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) ; la neutralisation des incidences de la crise sanitaire sur la détermination des fractions de TVA revenant aux collectivités territoriales ; un abondement de 60 millions d’euros du fonds de péréquation horizontale des départements pour le maintenir à son niveau actuel de 1,6 milliard d’euros concernant les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ; le maintien de la méthode actuelle de revalorisation des bases des locaux industriels pour garantir aux collectivités une évolution dynamique de celles-ci et, enfin, la mise en œuvre d’un protocole d’accord avec le réseau des chambres de commerce et d’industrie (CCI) par la fixation à 349 millions d’euros du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises en 2021 et à 299 millions d’euros en 2022.
Deuxièmement, les députés ont adopté en seconde partie un régime de révision des contrats photovoltaïques pour les 800 plus important d’entre eux, dans le but de mettre un terme à la surrentabilité constatée ; la prolongation jusqu’au 30 juin 2021 du prêt garanti par l’État ; la rénovation du dispositif de péréquation régionale conformément à l’accord signé par le Premier ministre avec les présidents de région le 28 septembre dernier ; la modification des critères d’attribution du fonds de stabilisation pour les départements, pour qu’il puisse bénéficier à une cinquantaine de départements au lieu de trente auparavant, et alors qu’il est porté à 200 millions d’euros au lieu de 115 millions habituellement. L’Assemblée nationale a, enfin, adopté les amendements visant à faciliter la mise en œuvre du plan de relance, notamment en permettant des dépenses anticipées sur un certain nombre de sujets.
En matière de dispositions fiscales, les députés ont complété le malus CO2, lui-même modifié par le texte, par l’ajout d’une composante liée au poids des véhicules. Ils ont prorogé les dispositifs en faveur du logement, dits « Pinel » et PTZ, en prévoyant des modifications de leurs paramètres pour les rendre plus justes et plus efficients.
Enfin, en cohérence avec la proposition du Gouvernement que j’ai évoquée, ils ont créé un dispositif de soutien aux entreprises locataires de moins de 5 000 salariés pour leur permettre de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Il permet la prise en charge par l’État d’une partie des loyers, sous la forme d’un crédit d’impôt accordé aux bailleurs égal à 50 % des loyers abandonnés normalement dus au cours de la période d’application des mesures de confinement pour les entreprises de moins de 250 salariés, et à 33 % pour les entreprises d’une taille supérieure.
L’ensemble des amendements adoptés par l’Assemblée nationale conduit évidemment à une dégradation du solde budgétaire de 344 millions d’euros par rapport au point d’entrée en discussion. Ce solde budgétaire s’établirait à 153,1 milliards d’euros en 2021, représentant un déficit exceptionnellement élevé qui traduit l’impact de la crise sur les finances publiques et la mise en œuvre du plan de relance.
Pour conclure, nous proposons, comme je vous l’ai dit, une révision des hypothèses macroéconomiques au fil de l’eau, avec un objectif de sincérisation des textes et d’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances pour 2020 avec les mêmes hypothèses, les mêmes sous-jacents et la même trajectoire macroéconomique. Nous sommes en mesure de le faire pour 2020 et nous vous proposons de faire de la même manière pour 2021.
Nous proposerons au Parlement d’ouvrir, lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances, les crédits de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » pour 2021. Nous aurons alors plus de visibilité sur les conditions de sortie du confinement et sur les moyens qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour accompagner la sortie du confinement.
Nous avons saisi le Haut Conseil des finances publiques de notre prévision de croissance pour 2021. Nous escomptions, initialement, un rebond de l’activité de 8 % par la levée des contraintes sanitaires grâce à un tissu productif et un potentiel de reprise relativement fort, facteurs qui ont d’ailleurs expliqué la forte reprise du troisième trimestre. Toutefois, la recrudescence de l’épidémie cet automne montre que sa maîtrise sera plus exigeante cet hiver. Aussi avons-nous intégré à nos projections de croissance des comportements plus prudents de la part de tous les acteurs.
Nous avons ainsi proposé au Haut Conseil des finances publiques de chiffrer le rebond de l’activité l’année prochaine à 6 % au lieu de 8 %, toujours mobilisés par la mise en œuvre du plan de relance que nous sommes en train de déployer. La révision du scénario macroéconomique et cette hypothèse de croissance à 6 % auront naturellement des conséquences sur les grands chiffres et les équilibres des finances publiques, notamment le déficit que nous estimons, dans ce projet, à 6,7 % du PIB. Conformément à la loi organique, je vous propose toutefois d’attendre que nous disposions de l’avis du Haut Conseil des finances publiques pour tirer les conséquences de cette révision dans le PLF et modifier l’article liminaire pour la prévision relative à 2021. Mais nous le ferons, si vous en êtes d’accord, dans un instant, pour la prévision concernant 2020.
L’année 2020 se termine donc avec des finances publiques évidemment dégradées par la réponse à la crise, la diminution des recettes étant liée, elle aussi, à la crise et à l’arrêt de l’activité économique pendant plusieurs semaines.
L’année 2021 s’ouvrira avec un déficit prévisionnel en diminution, mais à un niveau qui restera exceptionnellement élevé. Le niveau d’endettement sera, lui aussi, exceptionnellement élevé. Nous aurons à chercher et à trouver les bonnes solutions en matière de gouvernance, de définition de trajectoire pluriannuelle des finances publiques, de maîtrise et de cantonnement de la dette, d’amélioration des processus d’élaboration de la décision budgétaire et, peut-être, de perspectives pluriannuelles en la matière.
Cela fera l’objet d’un groupe de travail propre au Gouvernement que je mettrai prochainement en place. Nous nous appuierons sur l’intégralité des propositions des parlementaires, qu’elles soient déjà faites et formalisées dans différents rapports – en matière de gouvernance notamment –, ou à venir, dans le cadre des réflexions et des concertations sur la manière dont nous allons affronter cette crise et sortir de la période que nous vivons.
Voilà ce que je souhaitais vous dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en ouverture de la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2021. J’ai la conviction que les échanges qui vont nous réunir pendant plusieurs jours constitueront autant d’occasions de continuer à améliorer ce texte et, je l’espère, à trouver de grandes convergences. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, INDEP et RDSE. – Mme Nathalie Goulet et M. Yves Détraigne applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Vincent Capo-Canellas et Pascal Martin applaudissent également.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an dernier, nous étions à la moitié du mandat du Président de la République et mon prédécesseur pointait le manque d’efforts réalisés par le Gouvernement pour redresser les comptes publics. Il s’agissait, alors, de retrouver des marges de manœuvre budgétaires, tant que les indicateurs économiques étaient au vert, pour se préparer à l’éventualité d’une nouvelle crise.
Eh bien, malheureusement, nous y sommes ! L’épidémie de covid-19 a tout bouleversé sur son passage : trois lois de finances rectificatives, bientôt quatre, ont été votées, y compris, en responsabilité, par le Sénat, pour que les entreprises, les ménages et les collectivités territoriales soient soutenus pour traverser cette terrible période.
Il y a quelques semaines encore, le PLF pour 2021 devait être celui de la relance, mais avec le rebond de l’épidémie et la décision de reconfinement national, les priorités ont de nouveau changé.
Nous venons ainsi d’apprendre que le Gouvernement prévoit de réviser le taux de croissance pour 2021 de 8 % à 6 % et que les dispositifs d’urgence devraient évoluer d’ici quelques semaines, pour être intégrés dans le projet de loi de finances. Autrement dit, nous discutons d’un texte qui pourrait, sous peu, ne plus ressembler à ce qu’il est aujourd’hui. Par respect pour la représentation nationale, je regrette, monsieur le ministre, que vous attendiez le retour du texte à l’Assemblée nationale pour acter ces changements, comme le laisse penser Bruno Le Maire dont je souligne et regrette l’absence au nom de notre assemblée. En pareilles circonstances, ce manque de respect est une faute ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Revenons-en au texte qui nous est transmis. L’économie française a bien résisté au choc du premier confinement, grâce, notamment, aux mesures de soutien que nous avons adoptées et qui ont pu à la fois préserver les revenus des ménages et, dans une moindre mesure, des entreprises. Le rebond en sortie de confinement a été rapide, avec une hausse du PIB de 18,2 %.
Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé, au début du mois de septembre, un plan de relance indispensable pour aider l’économie à surmonter la crise. Ce plan de relance me paraît bien calibré en termes de montant, même s’il faut relativiser les 100 milliards d’euros annoncés, puisque, en particulier, sont pris en compte 15 milliards d’euros de mesures déjà engagées en 2020, que le montant de la baisse des impôts de production y est compté deux fois et sans tenir compte de l’« effet retour » de l’impôt sur les sociétés.
Si le montant global est donc satisfaisant, les mesures et le calendrier retenus ne répondent en revanche que très imparfaitement aux critères d’efficacité d’un « bon » plan de relance.
En effet, pour être efficace, un plan de relance doit être mis en œuvre rapidement, composé de mesures temporaires et avoir un fort effet multiplicateur sur l’activité à court terme. Aucun de ces trois critères n’est véritablement rempli.
Le plan de relance est avant tout trop tardif, comme l’illustre la comparaison avec l’Allemagne. Si le montant des deux plans est comparable, la quasi-totalité du plan de relance allemand devrait avoir été déployée d’ici à la fin de l’exercice 2021, contre, à la même époque, seulement la moitié du plan français.
Ce plan de relance aura par ailleurs un effet modéré sur la croissance en 2021, estimé entre 1,1 et 1,2 point selon les estimations.
De même, un cinquième du plan de relance correspond à des mesures permanentes qui pèseront durablement sur les comptes publics, ce qui, là encore, est problématique. Je souligne et regrette les grandes insuffisances du plan de relance initial à l’égard des plus fragiles qui sont les grands oubliés, notamment en comparaison avec le plan Sarkozy adopté lors de la crise de 2009.
Si le plan de relance initial me semblait donc déjà mal calibré, le reconfinement va naturellement imposer de renforcer la logique de soutien. De ce point de vue, nous souhaitons que le plan de relance comprenne davantage de mesures de renforcement des fonds propres des entreprises et de soutien aux personnes précaires, comme aux collectivités territoriales.
Une nouvelle fois, votre plan est trop administré depuis Paris, malgré vos tentatives de déconcentration. Monsieur le ministre, appuyez-vous sur les élus locaux qui savent, mieux que d’autres, mobiliser les énergies pour relancer l’activité sur leurs territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) En tout état de cause, votre scénario budgétaire pour 2021 apparaît sérieusement compromis par le reconfinement.
Dans un scénario intermédiaire fondé sur une croissance de 6 % et 15 milliards d’euros de soutien supplémentaire, nous estimons que le déficit atteindrait 8,6 % du PIB et la dette 122,3 % du PIB à l’issue de l’exercice 2021. Le Gouvernement espérait initialement diminuer le déficit et la dette à respectivement 6,7 % du PIB et 118,3 % du PIB.
Mais au-delà de l’évolution de court terme de la trajectoire budgétaire, il ne faut pas perdre de vue l’impact qu’auront ces décisions sur l’état de nos finances publiques à moyen terme. Or, de ce point de vue, la cote d’alerte est atteinte et il faut impérativement privilégier les mesures temporaires, puissantes et bien ciblées, pour favoriser la sortie de crise.
En effet, celle-ci s’accompagne, avec votre budget, de hausses de dépenses et de baisses de recettes pérennes que nous estimons à 45 milliards d’euros sur la période 2020-2024. Au total, le déficit structurel français devrait dépasser 5 % du PIB en sortie de crise. (M. Bruno Sido s’exclame.)
Concrètement, il faudra déjà réaliser environ 75 milliards d’euros d’économies en sortie de crise, uniquement pour ramener le déficit structurel à son niveau de 2019, ce qui est encore trop élevé pour réduire significativement l’endettement que notre pays porte comme un fardeau trop encombrant.
Une fois la crise surmontée, la France devra retrouver des marges de manœuvre budgétaires, afin d’éviter que la faiblesse de la croissance, conjuguée à une hausse du coût de financement, ne fasse basculer l’économie dans une spirale négative, comme en Italie.
Ramener l’endettement autour de 100 % du PIB d’ici à 2030 pourrait ainsi constituer un objectif central, dès lors que l’on compte une crise tous les cinq à dix ans en moyenne.
S’agissant du budget de l’État proprement dit, le déficit est pour le moment prévu à 153 milliards d’euros dans le projet de loi de finances, en baisse par rapport à 2020. Quels en sont les déterminants ?
Tout d’abord, les dépenses du plan de relance en 2021 seraient moins élevées que celles du plan d’urgence en 2020. Ensuite, les recettes rebondiraient après leur chute de cette année et le budget bénéficierait des premiers versements du plan de relance européen. Mais tout ceci est encore bien incertain…
Certes, la charge de la dette reste à un niveau historiquement bas, mais ne nous y trompons pas : l’État doit à la fois payer les dépenses budgétaires de l’année et renouveler une dette considérable qui vient de dépasser le seuil des 2 000 milliards d’euros par l’accumulation de quarante-cinq années de déficits. Soulignons que l’État se finance désormais autant par l’endettement que par l’impôt. Si les taux remontaient, l’impact serait considérable et durable, et l’effort pourrait devenir insurmontable.
Je ne commenterai pas le niveau attendu des recettes, car il est, à l’heure actuelle, trop incertain, les hypothèses du projet de loi de finances étant déjà dépassées. Je rappellerai simplement les transformations importantes qu’elles connaissent une nouvelle fois cette année, compte tenu des réformes des impositions locales qui entraînent l’affectation de nouvelles parts de TVA aux collectivités.
Les dépenses de l’État progressent fortement sans qu’elles soient toutes nécessairement liées à la crise. De votre vaste programme de réformes de structure intitulé Action publique 2022, il ne reste presque plus rien, en particulier en matière de réduction de l’emploi public.
Mais soyons clairs, les crises, qu’elles soient sanitaires, sociales, comme celle des « gilets jaunes », ou environnementales, risquent de se renouveler avec un possible effet amplificateur. Loin d’attendre un retour hypothétique à la normale, il faut que l’économie soit capable de s’adapter à ce monde nouveau.
À ce titre, la réponse à la crise environnementale devient urgente et nécessitera une prise en compte et des décisions fortes et courageuses s’inscrivant dans le long terme. La relance de l’économie doit être mise à profit pour insuffler un renouveau, un changement profond des paradigmes de nos modèles de production et de développement, s’appuyant, pour en faire autant de chances et d’atouts, sur certaines contraintes écologiques et environnementales.
Pour être acceptées, les politiques environnementales doivent intégrer et traiter les situations de précarité sociale, économique et territoriale. Je rappelle que les ménages modestes, de même que ceux qui vivent en zone rurale ou en périphérie des zones urbaines, bien plus que les autres ménages, consacrent une part importante de leurs revenus non seulement aux dépenses énergétiques – ce qui est bien connu –, mais aussi à la fiscalité sur les produits énergétiques. Nous devons donc aider les ménages à adapter leur comportement !
Au-delà du plan de relance et de la réforme des impôts de production, le projet de loi de finances compte finalement assez peu de mesures d’ampleur. Quels changements souhaitons-nous apporter à ce texte ?
En ce qui concerne la réforme des impôts de production, qui constitue la principale mesure de ce PLF, je souhaite, d’ores et déjà, indiquer que, si la commission des finances n’a pas globalement remis en cause les réductions d’impôts locaux proposées, c’est parce que les entreprises, en particulier dans le secteur industriel, doivent voir leur niveau d’imposition se réduire pour rester compétitives.
Mais il importe aussi d’assurer une juste et pérenne compensation aux collectivités territoriales. À ce titre, la commission des finances proposera que l’État compense, comme pour les régions, la perte de recettes de la cotisation sur la valeur ajoutée des départements et du bloc communal.
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat s’oppose également à la modification des règles de calcul et d’évolution des fractions de TVA versées aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en compensation des pertes de recettes résultant de la réforme de la taxe d’habitation.
Vous y voyez un effet d’aubaine, nous y voyons un État qui revient sur sa parole, alors que cette mesure permet de couvrir les pertes de recettes et les hausses des dépenses des collectivités.
La commission souhaite également, au nom de la solidarité nationale, que les assureurs versent une contribution exceptionnelle adossée à l’assurance dommages, compte tenu du faible taux de sinistralité enregistré pendant le confinement.
M. Bruno Sido. Exactement !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Nous réfléchissons aussi à mettre en place une taxation exceptionnelle des grandes plateformes de la vente à distance, compte tenu de l’incroyable aubaine qui s’est offerte à elles avec la fermeture des commerces physiques et le confinement.
Nos amendements complèteront également votre plan de relance pour qu’il puisse davantage porter ses fruits à court terme. Nous proposerons, notamment pour les entreprises, le report en arrière des déficits dans la limite de 5 millions d’euros, l’amélioration des coefficients d’amortissement dégressif, ainsi que des dispositifs spécifiques de suramortissement. Il faut aider les entreprises qui le peuvent à réaliser rapidement leurs investissements. Nous renforcerons par ailleurs la réduction d’impôt sur les sociétés prévue pour les PME par l’Assemblée nationale.
Il convient, en outre, de soutenir nos compatriotes qui sont plus particulièrement touchés par la crise. Je pense tout d’abord aux travailleurs indépendants, à ces petites entreprises qui, même si leur activité n’a pas subi une fermeture, ne parviennent pas à garder la tête hors de l’eau avec ce second confinement. Monsieur le ministre, l’aide du fonds de solidarité doit être repensée pour eux, afin de couvrir le coût des charges fixes.
Il faut également penser aux étudiants qui entrent sur le marché du travail, aux jeunes comme aux travailleurs plus âgés qui peinent à trouver un emploi. Les entreprises voudraient recruter, mais le contexte est difficile. Pour cela, nous proposons de prolonger le dispositif de prime à l’embauche pour six mois, en prévoyant qu’il s’applique aux PME pour les postes rémunérés jusqu’à 1,6 SMIC ou l’emploi de jeunes sans condition relative au salaire et avec une bonification.
Enfin, il faut inciter les ménages et les entreprises à faire le pas de la transition écologique, sans tomber, bien sûr, dans la fiscalité punitive. C’est pour cela que je vous proposerai d’étaler sur cinq ans la hausse du malus automobile, tout en renforçant la prime à la conversion.
Les entreprises doivent être soutenues dans cette démarche ; c’est pour cela que la commission des finances propose de faire passer d’un an à deux ans la durée du nouveau crédit d’impôt pour les travaux énergétiques dans les bâtiments tertiaires des PME.
En conclusion, mes chers collègues, la commission des finances vous demande d’adopter les amendements qu’elle vous propose en attendant de savoir quelles seront les évolutions apportées à ce texte par le Gouvernement au cours des prochaines semaines. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe INDEP.)