Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Depuis maintenant une vingtaine d’années que je participe à tous les débats budgétaires – c’est l’avantage d’une certaine expérience politique… –, on nous explique que la France va être vachement performante, parce qu’on baisse sans arrêt les impôts.
M. Philippe Dallier. Sans arrêt ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Oui, sans arrêt les impôts des entreprises !
M. Antoine Lefèvre. Cela a été vrai à une époque !
M. Philippe Dallier. Vous les avez augmentés de 30 milliards !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le CICE, le pacte de Sarkozy, le CIR et j’en passe : tout cela allait créer des millions d’emplois et améliorer notre balance commerciale. Bilan des courses : c’est de moins en moins le cas.
Pendant ce temps-là, comme vous n’avez jamais voulu conditionner une partie de ces aides et de ces baisses de cotisations, la France est l’un des pays où l’investissement est le plus faible. Pour ma part, j’ai toujours pensé qu’une partie des mesures accordées devait être conditionnée à des dépenses d’investissement, pour soutenir celles-ci. Malheureusement, nous sommes un des pays où les efforts de recherche consentis par la puissance publique comme par les entreprises sont les plus faibles : 6 milliards d’euros de CIR tous les ans. Or l’investissement et la recherche, croyez-moi, c’est capital pour la compétitivité.
Nous ne débattons jamais non plus de l’organisation des filières, qui permettrait pourtant une solidarité entre les ETI et les grandes entreprises.
Notre amendement, au-delà de son intérêt écologique, indispensable pour lutter contre l’effet de serre, présente un intérêt de compétitivité, parce que le bilan carbone est une des façons de favoriser la relocalisation.
Il ne vous a pas échappé que notre bilan en matière d’effet de serre s’améliore du fait de ce que nous faisons en France, mais se détériore du fait de ce que nous importons. Et pour cause : on s’arrange pour externaliser les pollutions…
L’avantage du bilan carbone, c’est qu’il prend en compte le transport – les intrants, comme on dit. C’est pourquoi, dans notre amendement, nous proposons de prendre en compte les scopes 1, 2 et 3, c’est-à-dire tous les intrants. Ce dispositif favorisera les entreprises qui choisiront de réduire leurs intrants venant de l’importation ou de relocaliser leur activité.
Mes chers collègues, le bilan carbone devrait être un outil collectif pour notre Nation afin d’éviter la libre concurrence qui conduit à tout délocaliser. Ce débat est central. Si nous tardons, d’autres pays inventeront le bilan carbone et nous l’imposeront !
Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Nos débats sont éclairants : finalement, nous n’arrivons jamais à sortir de l’opposition entre le social et l’écologie. Or je pense qu’il est absolument indispensable d’en sortir.
Monsieur le rapporteur général, vous dites être d’accord avec la cause écologiste. Mais on ne peut pas la traiter à part ! De même, M. le ministre nous répond : ne vous inquiétez pas, tout ce qui concerne la transition écologique est dans le plan de relance. En réalité, il faut intégrer les dimensions de la lutte contre le réchauffement climatique et du maintien de la biodiversité dans l’ensemble de nos politiques publiques. Financer l’hydrogène, c’est bien, mais cela ne suffit pas !
On ne peut pas sans arrêt nous rétorquer : et les emplois ? Car la crise que nous vivons, qui nous a fait perdre 800 000 emplois et qui a mis nos entreprises à terre, d’où vient-elle ? D’une situation dans laquelle le monde animal n’est plus déconnecté du monde humain. Je n’ai pas le temps d’expliquer davantage, mais, vous le savez toutes et tous, cette crise est profondément écologique.
Nous devons prendre en compte ces questions fondamentales dans l’ensemble des politiques publiques que nous menons, y compris celles destinées à aider les entreprises. C’est ainsi que nous accompagnerons la transition écologique de manière profonde, et non pas seulement en finançant tel ou tel projet : cette politique ne suffit plus ! Il nous faut maintenant accompagner en profondeur la transition de tout notre modèle économique.
Bien sûr, cela n’est pas simple. Mais, alors que nous allons déverser 10 milliards d’euros par an, nous pouvons au moins demander un certain nombre de choses, notamment le respect de l’accord de Paris. Cet accord, nous l’avons tous encensé, mais nous ne sommes pas en mesure de le respecter, alors que nous sommes parmi les plus vertueux.
M. Jérôme Bascher. Quelle arnaque !
Mme Sophie Taillé-Polian. Mon cher collègue, vous aussi intervenez régulièrement dans ce débat. Pardonnez-moi, mais je crois parler de choses un peu importantes !
M. Jérôme Bascher. Moi aussi ! Mais mentir aux gens, c’est grave !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je n’ai pas la longue expérience de Marie-Noëlle Lienemann, mais je crois que c’est mon dix-septième projet de loi de finances dans cet hémicycle…
M. Antoine Lefèvre. Ça compte ! (Sourires.)
M. Philippe Dallier. Quand je l’entends nous dire que, depuis vingt ans, nous ne faisons que baisser les impôts, je me dis que j’ai dû beaucoup dormir pendant les débats, ce qui n’est pourtant pas mon habitude !
Après la crise de 2008, nous avons augmenté les impôts de 15 milliards à 20 milliards d’euros. Vous en avez rajouté 30 milliards d’euros en 2012. Franchement, je veux bien tout entendre, mais pas que les impôts ne font que baisser depuis vingt ans !
Quand on prête attention aux mots, on comprend mieux les choses. À propos des baisses d’impôt, vous parlez souvent d’aides. Or il ne s’agit pas d’accorder une aide, avec une éventuelle contrepartie : il s’agit de baisser les impôts, parce que nous sommes au top des pays de l’OCDE pour la pression fiscale ! À une aide, on peut, en effet, prévoir une contrepartie. À une baisse d’impôt, franchement, non. Vous pouvez être pour ou contre, mais utilisez les bons termes ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Emmanuel Capus applaudit également.)
Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour explication de vote.
M. Pascal Savoldelli. Monsieur Dallier, je n’ai aucun doute sur la qualité de votre expérience : vous avez un vrai parcours politique. Mais votre propos se situe dans le cadre de l’alternance : on fait un pas d’un côté, puis un pas de l’autre – et, finalement, on ne change pas grand-chose. Avec le covid, qui accélère un certain nombre de choses, se pose la question d’une alternative.
L’accord de Paris, c’est l’engagement de la France. On peut ne pas être d’accord, mais il faut respecter l’engagement pris, l’engagement du Président de la République, même quand on est, comme moi, dans l’opposition.
Or 148 millions d’euros de prêts garantis par l’État ont été accordés à 204 entreprises dans le secteur des industries extractives. On voit bien que ça ne fera pas le compte… Comme l’a expliqué Marie-Noëlle Lienemann, ce n’est pas ainsi que nous serons compétitifs. Soyons sérieux : une partie de l’Europe centrale va nous manger sur les industries productives d’extraction !
Par ailleurs, M. le rapporteur général nous dit : attention à l’emploi. Mais que pense-t-il de l’autorisation administrative de licenciement ?
Depuis le début de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, vous l’aurez remarqué, nous ne taxons jamais l’entreprise de quoi que ce soit. C’est le capital, et non l’entreprise, que nous mettons en question.
Les licenciements, il faut les encadrer. Mes chers collègues, si vous êtes si attachés au fait qu’il n’y en ait pas, acceptons ensemble qu’il y ait une autorisation administrative de licenciement !
Mme le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Je ne serai pas long, car je partage les propos de M. Savoldelli.
On peut appeler ces mesures des baisses d’impôts conditionnées si vous estimez que c’est mieux de les appeler ainsi… J’ai beaucoup entendu parler de la crise sanitaire et de la crise économique. Mais la crise climatique, qui était certes moins présente il y a vingt ans, est aussi bien là, et elle nous coûtera très cher si nous ne faisons rien !
Monsieur le rapporteur général, vous avez fait référence à « nos » objectifs. Or, comme Pascal Savoldelli l’a rappelé, il s’agit des engagements pris par la France dans le cadre des accords de Paris ! Je rappelle que le Président de la République a mandaté la Convention citoyenne pour le climat afin de trouver des solutions pour baisser de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Comment y parviendrons-nous si nous ne conditionnons pas un peu ces aides en vue de les flécher sur des orientations à la fois environnementales et sociales ?
J’ajoute que ce serait une manière de rendre nos entreprises plus compétitives et de favoriser la création d’emplois. Il me paraît évident que nous avons tout à y gagner.
Mme le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-1059 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme le président. L’amendement n° I-892, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Parigi et Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme Poncet Monge et M. Salmon, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
…. – À compter du 1er janvier 2021, le bénéfice de la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et du plafond de la contribution économique territoriale telle que prévue au présent article est subordonné à l’absence de licenciements économiques ou pour motifs personnels sans causes réelles et sérieuses depuis le 1er janvier 2020, et à des écarts de salaires inférieurs à un ratio de 1 à 20.
…. – La liste des entreprises concernées par le présent article recevant des aides établies au I du présent article est rendue publique au plus tard un mois après la promulgation de la présente loi.
…. – En cas de non-respect des obligations prévues par le présent article, une sanction financière d’un montant égal à 4 % du chiffre d’affaires annuel total s’applique. Toute personne intéressée peut demander au président du tribunal compétent statuant en référé d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, à la société concernée de s’y conformer.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Il nous est difficile de constater que tant de milliards sont déversés alors que nous allons dans le mur. D’où cet amendement, l’un des deux derniers amendements tendant à introduire une conditionnalité.
Monsieur le ministre, vous indiquiez que ces aides avaient été calibrées pour bénéficier davantage aux petites et moyennes entreprises. En conditionnant les baisses d’impôts aux écarts de salaires, le calibrage que nous proposons poursuit le même objectif.
En France, la différence moyenne de rémunération entre les dirigeants et les salariés est de 104 contre 1, alors qu’elle est de 84 contre 1 au Royaume-Uni et de 67 contre 1 au Japon. Nous sommes donc « au top » ! Peut-être pourrions-nous chercher à converger avec ces pays qui font mieux que nous sur le plan social ?
En effet, les salaires des grands patrons ont augmenté de 45 % entre 2009 et 2016, soit deux fois plus rapidement que ceux de leurs salariés. Les écarts de salaires des PME n’étant pas de cet ordre, la conditionnalité que nous proposons permettra de flécher ces aides vers ces entreprises.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. L’amendement n° I-653, présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Le Gouvernement remet un rapport au Parlement dans les six mois à compter de la promulgation de la présente loi, détaillant les caractéristiques des entreprises bénéficiaires des mesures du présent article, la répartition des gains fiscaux, l’impact sur la compétitivité des entreprises et en termes de création d’emplois.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Au risque de susciter de nouveau le courroux de notre rapporteur général et de beaucoup d’autres collègues, le présent amendement a pour objet de demander la remise d’un rapport. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Parlement ne peut tout de même pas abdiquer son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement ! On me rétorquera que certains rapports ne sont jamais écrits et que ceux qui sont écrits ne sont lus par personne… Peut-être, mais chacun doit prendre ses responsabilités.
La suppression de la CVAE est censée renforcer la compétitivité des entreprises et favoriser la création d’emplois. Nous demandons des preuves de cela car, comme Saint-Thomas, nous ne croyons que ce que nous voyons. Engels disait, quant à lui : la preuve du pudding, c’est qu’on le mange ! (Sourires.)
Nous avons apporté des preuves qu’il n’y avait pas de lien effectif entre la fiscalité économique locale et la compétitivité. Les études précitées par Fabien Gay démontrent que les entreprises s’implantent en fonction du cadre de vie, du niveau de qualification de la main-d’œuvre, de ses savoir-faire, mais aussi du coût de l’énergie.
Il y a dix ans, l’entreprise Toyota s’est implantée à Onnaing, dans le Valenciennois. À l’époque, la taxe professionnelle existait encore, mais ce territoire du Nord réunissait l’ensemble des critères requis : la main-d’œuvre, le cadre de vie, les équipements financés par les collectivités et le coût de l’énergie. L’énergie est moins chère en France qu’ailleurs – je n’entre pas dans le débat sur sa production –, et c’est un élément qui compte.
La CVAE ne concerne que les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 500 000 euros. Certaines sont certes très petites, comme l’indiquait Philippe Dallier précédemment, mais nous savons que 26 % de ces réductions d’impôts bénéficieront aux plus grandes entreprises, et que 1,66 % d’entre elles enregistreront 66 % des gains. Il est de notre responsabilité de parlementaires de vérifier ces faits.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le sénateur, vous ne subirez aucun courroux de ma part ; je suis d’ailleurs rarement courroucé… (Sourires.)
M. Éric Bocquet. C’est vrai !
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il appartient au Parlement, plutôt que de demander un rapport, de s’emparer de son pouvoir de contrôle et de l’exercer le plus tôt possible. Nous disposons des moyens pour le faire, et cela fait partie de nos missions.
J’émets donc un avis défavorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Le Gouvernement, de par la loi et parce que c’est son devoir, répond à toutes les demandes d’informations des parlementaires, mais il s’oppose par principe à toute demande de rapport.
J’émets donc un avis défavorable sur cette première demande de rapport émise dans le cadre du présent projet de loi de finances.
Mme le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 3
Mme le président. L’amendement n° I-628 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano, Corbisez, Requier, Roux, Cabanel, Guiol et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Guérini et Mmes Guillotin et Pantel, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 5 bis de l’article 38 du code général des impôts, il est inséré un 5 … ainsi rédigé :
« 5 …. Sont déductibles à hauteur de 150 % de leur montant les dépenses engagées pour l’acquisition de matériels destinés à une économie de la fonctionnalité. La liste des matériels pouvant bénéficier de cette disposition est définie par décret en Conseil d’État. »
II. – Le I s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Stéphane Artano.
M. Stéphane Artano. L’économie de la fonctionnalité privilégie l’usage d’un bien plutôt que son achat. Elle favorise une gestion optimale du cycle de vie des produits et participe à la préservation de nos ressources naturelles. Il s’agit ainsi de mettre un frein à la surproduction et à la surconsommation de biens en s’adaptant aux besoins réels des personnes, des entreprises, des collectivités et des territoires.
Les entreprises ont un rôle important à jouer en matière d’économie circulaire, car leurs comportements sont de plus en plus vertueux. Il nous semble nécessaire de les accompagner par des mesures fiscales incitatives.
Le présent amendement, présenté par Éric Gold et préparé en lien avec l’Institut national de l’économie circulaire (INEC), vise ainsi à étendre le système de suramortissement à l’acquisition des matériels destinés à une économie de la fonctionnalité. Ces matériels seraient alors déductibles à hauteur de 150 % de leur montant d’acquisition.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le sénateur, permettez-moi de citer la définition de l’économie de la fonctionnalité retenue par ce bel organisme qu’est l’Ademe : « nouveau modèle économique [qui] constitue un véritable changement de culture consistant à sortir de la logique transactionnelle immédiate entre un fournisseur de produits et son client pour passer à un contrat de confiance évolutif et sur le plus long terme, nécessitant une véritable relation personnalisée et de proximité avec le bénéficiaire ». (Rires sur plusieurs travées.)
M. Vincent Éblé. Et en français ? (Sourires.)
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Vous l’aurez compris, dans l’attente d’une traduction, j’émets un avis défavorable sur cet amendement. (Nouveaux sourires.)
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Comme M. le rapporteur général l’a souligné à sa manière, les champs de l’économie de la fonctionnalité gagneraient certainement à être précisés par des travaux ultérieurs… (Sourires.)
Si la notion d’économie de la fonctionnalité figure dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, elle doit être encore précisée pour devenir opérationnelle. Pour l’heure, il paraît difficile de mettre en œuvre une déduction fiscale sur un champ aussi compliqué à définir, et certainement évolutif.
L’avis est donc défavorable.
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° I-311, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé
I. – Après l’article 39 decies G, il est inséré un article 39 decies… ainsi rédigé :
« Art. 39 decies …. – Les petites et moyennes entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur des frais de déménagement des sièges sociaux vers des territoires en France ruraux ou périurbains. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Dans ses propositions pour le plan de relance, l’UDI a souligné la nécessité d’entériner une nouvelle dynamique de décentralisation afin de réinvestir les territoires ruraux en déclin. Le ministère de l’économie, des finances et de la relance a pour sa part proposé de relocaliser certains services des finances publiques dans les territoires.
Dans la même ligne, le présent amendement vise à instaurer une incitation fiscale pour les entreprises qui souhaitent déménager leurs sièges sociaux vers des territoires ruraux ou périurbains.
Mme le président. L’amendement n° I-151 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-311 ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends les enjeux d’aménagement du territoire, notamment pour les territoires ruraux et les zones de revitalisation rurale (ZRR), mais j’estime que la déduction de 40 % des frais engagés pour déménager les sièges sociaux vers quelque territoire que ce soit n’est pas la solution. Vous le savez, madame la sénatrice, l’enjeu est d’abord l’attractivité.
De plus, le cadre est assez mal défini. Vous proposez une déduction de 40 % du coût de déménagement, mais que comprend ce coût ? C’est un peu la loi de la jungle…
J’estime, pour ma part – mais c’est un autre débat –, que nous devons trouver des moyens pour redonner de l’attractivité à nos territoires. Cela suppose certes des moyens financiers, mais surtout des moyens humains et des projets partagés aux bonnes échelles. Il faut que territoires urbains et ruraux coopèrent sur des espaces de taille suffisante pour retrouver de l’attractivité.
Je demande le retrait de cet amendement.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, ministre délégué. Je saisis l’occasion de l’examen de cet amendement pour confirmer que le ministère de l’économie, des finances et de la relance, et notamment mes services chargés des comptes publics, ont engagé un processus de « métropolisation » – pardonnez-moi ce barbarisme – visant à installer 2 500 agents actuellement employés à Paris ou en petite couronne dans d’autres départements.
Nous avons sélectionné cinquante communes, et nous en sélectionnerons bientôt une quinzaine de plus. Ces communes de 10 000, 15 000 ou 20 000 habitants accueilleront entre trente et soixante-cinq agents. Nous souhaitons ainsi revitaliser les centres-villes tout en offrant à de jeunes agents, notamment ceux qui sortent de l’école, des conditions de vie plus favorables qu’en petite couronne ou à Paris.
Je demande, également, le retrait de l’amendement.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. Je souhaite apporter un soutien de principe à l’amendement de notre collègue, car l’aménagement du territoire est un vrai problème.
Une action symbolique et forte de l’État est absolument nécessaire afin de diffuser la dynamique économique de la manière la plus harmonieuse à l’échelon national, mais aussi à l’échelon régional. En région Occitanie, 90 % des nouveaux emplois sont créés dans les aires urbaines de Toulouse et de Montpellier. C’est dire l’importance de l’aménagement du territoire à dans les régions !
Monsieur le ministre, on ne peut que soutenir l’action de déconcentration des moyens de l’État que vous avez engagée. Permettez-moi toutefois d’indiquer que nous avons fait des propositions afin de « diffuser » des agents des services de votre ministère dans des petites communes de secteurs ruraux.
Dans le département du Tarn, nous avions notamment proposé d’accueillir une dizaine d’agents dans le secteur de Lacaune, classé en ZRR. À ce jour, nous n’avons pas été entendus. Je regrette que les sollicitations des élus locaux et de l’ensemble des forces vives des territoires n’aient pas eu de réponse. J’espère que les choses pourront évoluer après cette interpellation.
Nous savons bien qu’une très grande entreprise n’installera pas son siège social au cœur de nos ruralités. C’est pourquoi l’État doit envoyer de forts signaux d’exemplarité.
Mme le président. Madame Goulet, l’amendement n° I-311 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Non, je le retire, madame le président. Je le retravaillerai en vue de la discussion de la mission « Plan de relance ».
Mme le président. L’amendement n° I-311 est retiré.
L’amendement n° I-738 rectifié, présenté par MM. Henno et J.M. Arnaud, Mme Billon, MM. Canevet, Cazabonne, Chauvet et S. Demilly, Mme Doineau, M. Duffourg, Mmes C. Fournier et Guidez, MM. L. Hervé, Kern, Lafon et Le Nay, Mme Létard, MM. Louault et Moga, Mmes Perrot et Sollogoub, M. Vanlerenberghe et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 39 decies B du code général des impôts, il est inséré un article 39 decies -… ainsi rédigé :
« Art. 39 decies -…. – I. – Les petites et moyennes entreprises de commerce de détail soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent déduire de leur résultat imposable une somme égale à 40 % de la valeur des dépenses affectées à une activité commerciale, lorsque ces dépenses concernent des investissements qui relèvent de l’une des catégories suivantes :
« 1° Investissements affectés à l’embellissement de leur magasin ;
« 2° Investissements affectés à l’amélioration de l’expérience client ;
« 3° Investissements affectés au réaménagement de leur magasin.
« La déduction est applicable aux dépenses effectuées à compter du 1er janvier 2021 et jusqu’au 31 décembre 2021.
« Elle s’applique également aux dépenses effectuées à compter du 1er janvier 2022, sous réserve que les biens et services mentionnés aux 1° à 3° aient fait l’objet à compter du 1er janvier 2021 et jusqu’au 31 décembre 2021 d’une commande assortie du versement d’acomptes d’un montant au moins égal à 10 % du montant total de la commande.
« II. – Le présent article s’applique aux petites et moyennes entreprises au sens de l’annexe I du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
« III. – Le bénéfice de la déduction est subordonné au respect de l’article 17 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 précité. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.