Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis de la commission de la culture. Nous avons été nombreux à être sollicités par ces cinq chercheurs, qui étaient encore fonctionnaires jusqu’à la décision du tribunal administratif de l’année dernière. Cette décision date en effet d’il y a un an, mais la procédure judiciaire, du fait du recours, est encore en cours.

Je veux saluer l’ingéniosité de Sylvie Robert et de nos collègues du groupe socialiste pour cet amendement qui, comme l’a dit le président Kanner, est effectivement un peu exotique. Néanmoins, il n’existe pas d’autre vecteur pour mettre fin à ce qui correspond tout de même à une absurdité. Certains ont à leur actif dix années d’exercice à travers des contrats dans différents laboratoires du CNRS, à Nantes ou Lille.

Vous connaissez la valeur de la réussite à un concours extrêmement exigeant. Être, du jour au lendemain, dépossédé de son statut de fonctionnaire par un requérant dont l’initiative est un peu surprenante aboutit à ce genre d’absurdité.

À titre personnel, je m’associe à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. Je m’associe également, de façon très forte, à cet amendement.

Il s’agit de réparer une injustice criante. Les cinq chercheurs n’ont pas mérité cette peine d’indignité nationale qui les frappe. La décision du tribunal administratif montre que la faute du CNRS est lourde, très lourde. Il y a même deux fautes.

La première est qu’il a demandé à un fonctionnaire de faire pression sur l’un des candidats pour qu’il retire sa candidature, ce qui est tout à fait anormal.

La deuxième est que, dans le procès, il n’a pas défendu ses fonctionnaires. Le tribunal administratif dit, très justement, que le CNRS n’a pas produit les témoignages montrant que le jury d’admissibilité aurait fondé son appréciation sur les seuls critères de la valeur scientifique.

Si le CNRS ne défend pas ses fonctionnaires, ce qui est quand même assez catastrophique, c’est à la représentation nationale de le faire. C’est pour cette raison que je voterai cet amendement.

Par ailleurs, madame la ministre, il y a nécessairement une réflexion à mener sur les formes de recrutement des chercheurs au CNRS. Je crois que cet empilage du jury d’admissibilité et du jury d’admission constitue une niche à contentieux et qu’il faudra envisager de revoir l’ensemble de ce dispositif. Je m’amuse en soulignant que, quand il s’agit des chaires juniors dont nous avons parlé à propos de la LPPR, cela ne vous pose aucun problème d’admettre que le premier soit pour le recrutement et le second pour la titularisation. On a donc du mal à comprendre qu’on ne pourrait pas, en l’occurrence, appliquer la jurisprudence, qui est pourtant évidente.

Je vous le dis une nouvelle fois, je voterai cet amendement, parce que ces cinq chercheurs ont droit à un jugement équitable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Frédérique Vidal, ministre. Monsieur le sénateur Ouzoulias, je ne peux pas vous laisser dire que le CNRS n’a pas défendu ses agents. C’est quand même incroyable qu’il faille renverser la charge de la preuve ! Depuis quand doit-on faire la démonstration que le jury de recrutement a été honnête et a utilisé les bons critères ? C’est plutôt l’accusation qui doit montrer qu’il y a eu une erreur. Si, par principe, on considère que tout le monde doit démontrer qu’il n’a pas fait d’erreur, on va avoir un vrai problème.

De plus, on ne peut pas dire que le CNRS n’a pas protégé ses agents. D’ailleurs, comme je vous l’ai dit, il y a une demande de suspension de la mesure de manière à ce qu’ils puissent rester pleinement fonctionnaires.

Le jugement date d’octobre 2020. Comme vous le voyez, nous sommes déjà mobilisés sur ce sujet.

Mme la présidente. Monsieur Kanner, l’amendement n° II-691 est-il maintenu ?

M. Patrick Kanner. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-691.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 38 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Pour l’adoption 252
Contre 92

Le Sénat a adopté.

J’appelle en discussion l’amendement tendant à insérer un article additionnel, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
Santé

Article additionnel après l’article 56 octies

Mme la présidente. L’amendement n° II-994, présenté par M. Rapin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 56 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Entre 2021 et 2030, le Gouvernement remet chaque année au Parlement, avant le 1er novembre, un rapport relatif à la mise en œuvre des mesures issues de la loi n° du de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur.

Pour l’année budgétaire en cours, il décrit, pour chaque programme, l’impact des mouvements de crédits opérés en gestion sur le respect de la programmation budgétaire.

Pour l’année budgétaire à venir, ce rapport justifie les variations par rapport à la trajectoire votée et comporte une analyse des écarts entre les données prévues et constatées.

Il détaille l’emploi des crédits issus de la loi précitée, en précisant notamment le montant des moyens alloués au financement de base des laboratoires publics ainsi qu’à l’Agence nationale de la recherche. Il récapitule l’ensemble des crédits extrabudgétaires alloués à la recherche. Il indique, enfin, la répartition des moyens nouveaux et des créations d’emplois entre les opérateurs de recherche rattachés au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche, et de l’innovation.

Ce rapport, distinct de celui qui est mentionné au III de l’article [X] de la loi précitée, sert de support à l’actualisation périodique de la trajectoire, en application de l’article [X] de cette même loi.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division et de son intitulé ainsi rédigés :

Recherche et enseignement supérieur

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. Cet amendement a pour vertu de demander un rapport. (Sourires.) Je sais bien que l’on n’aime pas les demandes de rapport dans cet hémicycle, mais il s’agit, en l’occurrence, d’un rapport complémentaire.

Vous pourriez me répondre, madame la ministre, que vous allez déjà en faire un tous les ans dans le cadre de la revoyure de la loi de programmation de la recherche. Je considère néanmoins que le rapport complémentaire dans le cadre de la loi de finances permettra de clarifier ce qui a été décrié sur toutes les travées de façon plus ou moins modérée, à savoir l’imbrication entre la LPR, le budget et le plan de relance.

Je demande donc que, chaque année, au mois de novembre, le Gouvernement nous remette un rapport spécifique sur les crédits utilisés et ceux qui vont l’être, afin d’aborder plus sereinement les prochaines éditions des lois de finances consacrées à la recherche.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. C’est un avis très favorable du Gouvernement, puisqu’il est tout à fait normal qu’on puisse avoir cette vision. Je serai d’ailleurs ravie de pouvoir l’évoquer avec vous : il est effectivement important que cette vision consolidée existe.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.

M. Pierre Ouzoulias. En effet, madame la ministre, le Sénat n’aime pas les rapports quand le Gouvernement se conforme à la LOLF. Quand il sort des critères de la LOLF, le seul moyen que nous ayons, nous, parlementaires, de récupérer notre droit constitutionnel d’analyse du budget est de demander un rapport. J’y suis donc extrêmement favorable.

Je crois qu’il faut prévenir le Gouvernement : chaque fois qu’il y aura de l’enfumage budgétaire, il y aura des demandes sénatoriales de rapports spécifiques. C’est peut-être comme cela qu’on reviendra à une pratique un peu plus conforme à la LOLF.

Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.

M. Max Brisson. Je me suis reconnu dans ce que vient de dire le rapporteur spécial, lorsqu’il évoquait des propos pas toujours très mesurés. L’enfumage budgétaire vient d’ailleurs d’être à nouveau dénoncé.

Je suis très heureux, madame la ministre, que vous ayez émis un avis favorable. Ce rapport nous permettra de suivre ces sujets de manière extrêmement rigoureuse, en complément du travail proposé par le président Lafon.

Il s’agit également des dossiers de programmation du financement de la recherche, qui sont essentiels pour le pays.

Nous voterons bien sûr cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-994.

(Lamendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 56 octies.

Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

Santé

Article additionnel après l'article 56 octies - Amendement n° II-994
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2021
État B

Mme le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Santé » (et article 65).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Santé » vont renouer, en 2021, avec une logique de progression, abandonnée lors de l’exercice précédent.

Les crédits de paiement demandés s’élèvent à 1 329 millions d’euros. À périmètre constant, ce montant correspond à une augmentation de 11,4 % par rapport à celui qui avait été inscrit en loi de finances pour 2020.

Cette mission est composée de deux programmes : le programme 204, dédié à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, et le programme 183, consacré à la protection maladie et dont 99,3 % des crédits seront consacrés, en 2021, à l’aide médicale de l’État.

L’AME est désormais le principal poste de dépenses de la mission « Santé », puisque 80 % des crédits demandés en 2021, soit 1,061 milliard d’euros, lui sont dédiés. Les crédits devraient progresser de 15,4 %, quand les crédits alloués à l’aide médicale de l’État de droit commun atteindront 989,5 millions d’euros en 2021, soit une hausse de 12,7 % par rapport à la loi de finances pour 2020. Entre 2012 et 2019, le nombre de bénéficiaires de l’AME de droit commun a déjà augmenté de 32 %, induisant une majoration des dépenses de près de 51 %.

Je rappelle qu’une réforme, adoptée en loi de finances pour 2020, sur l’initiative du Gouvernement, devait limiter le coût de ce dispositif. Notre commission l’avait jugée insuffisante à l’époque. Un an plus tard, c’est une majoration importante des crédits qui nous est proposée.

La réforme prévoyant une obligation de présence physique lors du dépôt d’une demande d’AME ou encore la subordination de certaines opérations à un délai de présence sur le territoire n’est toujours pas appliquée, faute de décrets d’application. Le nombre de bénéficiaires ne fléchit donc pas. Ainsi, 350 000 personnes environ étaient enregistrées à la fin du mois de mars 2020, soit une progression de près de 5 % en trois mois. Une telle évolution annonce, par ailleurs, une exécution délicate pour 2020.

Plus que jamais, le dynamisme des dépenses de l’aide médicale de l’État incite à l’adoption de mesures structurelles réellement efficaces visant le panier de soins, afin de limiter sa progression, répondre à l’impératif de sincérité budgétaire et garantir la soutenabilité de la mission. C’est l’objet de l’amendement que je vous présenterai tout à l’heure.

La part croissante des dépenses d’AME dans la mission « Santé » tend à réduire celle-ci à une enveloppe de financement de ce dispositif. Doit-on, dans ces conditions, maintenir la mission ? Pourquoi ne pas transférer l’aide médicale de l’État à la mission « Immigration, asile et intégration », tant elle constitue un facteur de croissance de l’immigration irrégulière ?

Ne resterait alors que le programme 204, dont la progression des crédits de près de 30 % en 2021 résulte, pour l’essentiel, d’une mesure de périmètre destinée à répondre aux besoins de financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna. Elle n’est donc pas spécifiquement liée à la crise sanitaire, ce qui peut conduire à s’interroger sur l’utilité du programme sur le plan de la santé publique.

Je rappelle que le principal opérateur en matière de santé publique, Santé publique France, qui incarne la lutte contre la pandémie, a été transféré vers le budget de la sécurité sociale l’an dernier. La crise sanitaire souligne encore un peu plus que les missions qui lui sont assignées, comme celles de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ne relèvent pas de la logique contributive que suppose pourtant son rattachement au budget de la sécurité sociale.

Les deux derniers opérateurs de la mission, l’Institut national du cancer (INCa) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), sont quant à eux financés en large partie par les missions « Recherche » et « Agriculture ».

Par ailleurs, 60 % des crédits du programme 204 sont tournés vers le financement de deux sous-actions, à savoir le financement de l’agence de santé de Wallis et Futuna et l’aide aux victimes de la Dépakine, ce qui ne laisse que peu de marges de manœuvre budgétaire pour les autres actions.

Ma dernière observation portera sur les indicateurs de performance. Ceux qui ont été retenus pour l’ensemble de la mission, l’espérance de vie et l’état de santé perçu, s’avèrent insuffisamment renseignés ou peu pertinents. Ceux du programme 204, dont la lutte contre le tabagisme, donnent lieu à des résultats insuffisants et suscitent des interrogations sur l’efficacité de la dépense publique en matière de prévention.

Au regard des éléments que je viens d’évoquer, qui amènent à s’interroger sur la viabilité de la maquette, la commission des finances a décidé de proposer le rejet des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec une augmentation de 18 % de ses crédits pour 2021, la mission « Santé » semble pleine de promesses. Mais une lecture plus attentive douche rapidement les espoirs.

Sur 200 millions d’euros de crédits supplémentaires, plus de 70 % vont à l’aide médicale de l’État et 25 % viennent en soutien à l’agence de santé de Wallis et Futuna.

Consacré à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l’offre de soins, le programme 204 perd chaque année un peu plus de sa substance, en l’absence de véritable vision stratégique.

Alors que le financement des opérateurs sanitaires concentrait près de 48 % de ses crédits en 2014, il en représente désormais moins du quart.

De plus, le transfert du financement des agences à l’assurance maladie autorise le Gouvernement à fixer le montant des dotations des opérateurs sanitaires par arrêté, sans possibilité pour le législateur d’en prendre connaissance lors de l’examen du PLFSS. La crise sanitaire actuelle a pourtant démontré que la veille et la sécurité sanitaires constituaient des missions plus que jamais régaliennes. C’est pourquoi la commission des affaires sociales réclame le rapatriement des crédits de Santé publique France et de l’ANSM au sein du budget de l’État.

Enfin, je veux m’attarder sur l’aide médicale de l’État, dont la dépense devrait franchir le seuil symbolique de 1 milliard d’euros en 2021. Depuis plusieurs années, le Sénat plaide pour une réforme structurelle du dispositif qui sécurise sa soutenabilité et le recentre sur sa vocation. Or l’AME continue de faire l’objet de détournements.

Le rapport établi en 2018 par les inspections confirme le vécu de nombreux professionnels sur le terrain : il existe bien un phénomène de tourisme médical, en vertu duquel des personnes qui se font diagnostiquer dans leur pays viennent poursuivre leur traitement en France. À cela s’ajoutent des mécanismes de fraude organisée qui se manifestent notamment par la « mégaconsommation » de psychotropes et de stupéfiants ou encore par l’attribution de fausses attestations de résidence.

L’encadrement des conditions d’accès à l’aide médicale de l’État, introduit par le Gouvernement à la fin de l’année 2019, ne constitue qu’un ensemble de demi-mesures qui ne permettront pas de juguler ces abus.

C’est la raison pour laquelle notre commission a souhaité recentrer le panier de soins de l’AME sur sa vocation initiale, à savoir la prise en charge des soins urgents et la prévention, dans le cadre d’un dispositif renommé « aide médicale de santé publique ». Elle entend également favoriser l’accès à cette aide pour les personnes qui en ont véritablement besoin, par la création d’un programme de soutien aux initiatives permettant d’aller à leur rencontre pour leur proposer des soins de prévention.

Dans ces conditions, sous réserve de l’adoption de ses deux amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2021. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Mme le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons les crédits de la mission « Santé » du PLF pour 2021. La situation que notre pays connaît cette année est particulièrement grave. Les débats que nous avons eus dans cet hémicycle lors de l’examen du PLFSS ont démontré les besoins urgents du secteur de la santé en 2021, mais aussi, malheureusement, un déficit important de la sécurité sociale, dû aux dépenses occasionnées par le covid et à la perte de recettes.

Les crédits de la mission que nous étudions connaissent une hausse de 17 % : ils s’élèvent à 1,3 milliard d’euros. Ce montant se répartit sur deux programmes.

Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui regroupe environ 20 % des moyens alloués à la mission, enregistre une augmentation de près de 30 %, mais la majeure partie des crédits se concentre sur l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna et sur les indemnisations des victimes d’accidents médicaux, notamment liés à la Dépakine.

Le reste des efforts du programme 204 porte sur les agences sanitaires que sont l’INCa et l’Anses. Ce programme consacre aussi des crédits peu importants à la prévention sanitaire, qui est un point clé que nous devons renforcer.

Enfin, je veux dire que je trouve ce programme assez compliqué à comprendre et, finalement, peu lisible, alors que nous aurions besoin de plus d’homogénéité pour assurer une efficacité réelle.

Le programme 183 regroupe 80 % des crédits de la mission « Santé ». Ces crédits d’intervention s’établissent à plus de 1 milliard d’euros. Je note que ces crédits s’accroissent, de 51 % depuis 2012. De même, le nombre des bénéficiaires, auparavant stable, a augmenté de 5 % en 2019.

Comme vient de le dire Mme le rapporteur pour avis, l’aide médicale de l’État est le principal bénéficiaire de ce programme.

L’inspection générale des affaires sociales et l’inspection des finances ont mis en évidence, dans plusieurs domaines, des abus et des fraudes. Je partage donc l’avis de la commission quant à la nécessité de renforcer le travail effectué par le Gouvernement et de poursuivre les contrôles pour maîtriser le coût de l’AME, en la réservant à l’urgence, surtout, et à la prévention.

À titre personnel, je suis favorable au recentrage de l’aide médicale de l’État sur ces critères. Je salue donc la proposition de Mme le rapporteur pour avis consistant en un nouveau programme de prévention et de sensibilisation auprès des personnes en situation régulière, que l’on ne voit pas, avec un travail impliquant les associations pour détecter les urgences et les préventions à réaliser sur une population qui est à l’écart. Je souscris à son analyse, à ses conclusions et à ses propositions de prise en charge juste pour les populations visées par l’AME.

Le groupe Les Indépendants votera les crédits de cette mission.

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec cette mission « Santé » du projet de loi de finances, comme avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le compte n’y est pas.

Allocution après allocution, le Président de la République souligne l’importance de notre système de santé. Dernièrement, il se félicitait d’avoir transformé l’hôpital public et notre système de soins. Permettez-nous d’en douter. Texte après texte, le Gouvernement maintient la même trajectoire, alors que tout indique que les engagements devraient être bien supérieurs.

Nous approuvons Mme la rapporteure pour avis lorsqu’elle souligne que les augmentations de crédits sont loin d’être à la hauteur du nécessaire renouveau stratégique de la mission « Santé ». J’y vois une illustration du refus de la majorité présidentielle de tirer les enseignements de la crise sanitaire.

Certes, la mission marque quelques avancées, comme le plan d’investissement pour l’agence de santé de Wallis et Futuna, mais il s’agit là d’un des rattrapages du Ségur de la santé.

En revanche, la prévention en santé comme la santé environnementale restent les parents pauvres de la mission « Santé ».

Pour ce qui concerne la santé environnementale, la commission relève le risque de saupoudrage créé par la fragmentation en de multiples actions sous-budgétées.

Ainsi, il n’y a nulle trace du plan Chlordécone IV 2021-2027 dans le PLF pour 2021. On n’y voit que la trace des mesures du plan précédent, qui devait s’achever en 2020. La consultation citoyenne en cours ne se traduirait donc par aucun engagement du nouveau plan d’action, alors que les conséquences dramatiques sur la santé des populations du scandale que constitue la pollution au chlordécone obligeraient à un engagement financier inédit, à la hauteur de la catastrophe.

Comme lors de l’examen du PLFSS, nous réaffirmons que les crédits de Santé publique France doivent être réintégrés dans la mission « Santé », en tant que mission régalienne de sécurité sanitaire.

Enfin, nous souhaitons revenir sur l’aide médicale de l’État, dont l’augmentation des crédits a fait débat à l’Assemblée nationale.

D’abord, soulignons que cette hausse est en trompe-l’œil, car elle est impactée par le durcissement, en 2019, de l’accès au dispositif de la protection universelle maladie.

Ensuite, rappelons que la moitié des personnes éligibles à l’AME n’en disposent pas, alors qu’elles sont les plus exposées aux risques de santé.

Les auteurs de nombreux amendements entendent financer les mesures qu’ils proposent par la lutte contre les détournements de l’AME. Il convient de leur rappeler qu’une action déterminée pour l’accès aux droits suppose des moyens bien supplémentaires que ceux que l’on pourra tirer de la lutte contre la fraude. Mais il faudrait pour cela que les enjeux de santé publique soient au cœur de la stratégie de santé…

Les économies à attendre d’un meilleur accès aux droits se traduiraient en coûts évités – invisibles et résultant d’une construction – : ceux des soins tardifs devenus urgents qui sont administrés aux personnes arrivant, en majorité, à l’hôpital, alors qu’elles auraient dû être traitées bien avant en ville. Je vous invite donc, mes chers collègues, à raisonner en coûts évités par une politique de prévention et d’accès aux droits, pour trouver de vraies sources d’économies. Il est vrai que cela oblige à changer de logiciel !

Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, il est temps de construire une politique de santé à la hauteur des enjeux de santé publique et respectueuse de la dignité humaine. Dans cette attente, nous voterons contre ces crédits. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Martin Lévrier.

M. Martin Lévrier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Santé » porte en elle et dans les lignes budgétaires qu’elle contient des valeurs chères à la France.

Derrière ces chiffres nous parlons, en réalité, de l’assistance pour soigner dignement ceux qui en ont besoin, du soutien à l’investissement dans nos territoires et enfin, de la prévention et de la sécurité sanitaires, si essentielles dans la situation actuelle.

Certaines données doivent être rappelées. Les crédits alloués à la mission dans le PLF pour 2021 s’établissent à 1 329,2 millions d’euros en crédit de paiement et à 1 323,9 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit un montant en hausse d’environ 200 millions d’euros par rapport à 2020.

Cette mission repose sur deux programmes.

Les crédits du programme 183, « Protection maladie », dédiés à la gestion de l’aide médicale de l’État et, dans une moindre mesure, au financement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, s’établissent à 1,069 milliard d’euros et sont en croissance d’environ 140 millions d’euros par rapport à 2020.

Pour être précis, les crédits de paiement demandés pour 2021 pour l’action n° 02, concernant l’AME, augmentent de 15,4 % par rapport à l’année dernière, ce qui représente 141,6 millions d’euros de crédits supplémentaires.

Au vu de ces chiffres, certains diront que le coût prévisionnel de l’aide médicale de l’État continue de croître et que la réforme engagée en 2020 n’a pas permis de maîtriser cette dépense.

Il faut faire preuve de bon sens et reconnaître que les effets des réformes visant à mettre en place des projets de centralisation de l’instruction des demandes d’AME et de traitement des factures de « soins urgents » ne se font sentir qu’à moyen terme. Il faut aussi comprendre que cette hausse attendue des dépenses de l’aide médicale de l’État s’explique par une volonté de sincérité budgétaire, à mettre en regard des sous-budgétisations passées. Enfin, il faut la lier au contexte sanitaire, qui implique des rattrapages de soins et entraîne mécaniquement une augmentation du nombre de bénéficiaires.

Pourtant, mes chers collègues, certains d’entre vous ont la conviction que l’AME est un coût pour l’État.

Je leur rappelle que cette aide touche 300 000 personnes et représente 0,5 % de l’ensemble des dépenses de santé de la population. Les maladies contagieuses ne choisissent ni leur pays ni l’origine de celui qu’elles contaminent !

À défaut de voir l’aide médicale de l’État comme une démarche humanitaire, nous pouvons nous dire que ne pas soigner les personnes concernées, c’est faire courir un risque à autrui. La covid, à l’instar de la tuberculose, ne s’interroge ni sur l’hôte contaminé, ni sur son parcours de vie, ni sur sa nationalité ou sa protection santé : chaque humain est un vecteur de transmission, ni plus ni moins ! Chaque humain peut tomber malade.

Au reste, nous savons que la prise en charge tardive d’une maladie est systématiquement plus coûteuse qu’une prise en charge à temps par la médecine de ville. Une réforme trop stricte de l’aide médicale de l’État risquerait d’engorger les urgences. Dans cette perspective, l’AME demeure un outil clé, dont les mesures visant à réduire le panier de soins ou à obliger les assurés à une participation financière pourraient mettre en péril le rôle pour la santé publique de notre pays.

La mission « Santé » comporte également le programme 204, qui soutient notamment la politique de modernisation de l’offre de soins, le pilotage de la politique de santé publique et des mesures de prévention. Ses crédits s’établissent à 260 millions d’euros, en raison principalement de l’engagement d’un plan d’investissement pour l’agence de santé du territoire des îles Wallis et Futuna, à hauteur de 45 millions d’euros. Nous nous en félicitons.

Les crédits que nous examinons financent également le développement des systèmes d’information de santé publique, dépense attachée à la crise sanitaire, à hauteur 4,4 millions d’euros ; l’Académie de l’Organisation mondiale de la santé, avec 2 millions d’euros supplémentaires ; la hausse des crédits en faveur de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Par ailleurs, le programme 204 a été marqué par la gestion de la crise sanitaire, avec un relèvement de 5 millions d’euros lors de la loi de finances rectificative pour financer le dispositif d’indemnisation des professionnels de santé libéraux contaminés par la covid.

Comme nous le voyons, au-delà des chiffres que nous citons, ce budget marque des évolutions concrètes pour les citoyens de notre territoire. Les financements présentés nous semblent sincères, cohérents et mesurés, raison pour laquelle notre groupe votera ces crédits.