Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte est inédit pour le monde agricole, particulièrement sollicité par la crise sanitaire. En effet, alors que l’agribashing prospérait assez facilement dans les esprits dans les années 2018-2019, cette crise a rendu à nos agriculteurs toute l’importance qu’ils méritent et a consacré la reconnaissance de leur savoir-faire.
Si l’épidémie et ses conséquences ont mis à l’arrêt notre économie, l’activité du domaine agricole, elle, n’a pas été stoppée. À l’exception des professionnels de l’agritourisme et de l’horticulture, les agriculteurs font partie de ceux qui ont continué le travail tout au long du confinement afin de nourrir les Français, en général avec fierté et responsabilité.
Tous les jours, ou presque, nous le voyons notamment sur les réseaux sociaux, les Français prennent de plus en plus de plaisir à bien s’alimenter, à rechercher le meilleur. Cette appétence pour la bonne cuisine et pour les produits frais et locaux a permis à notre pays de mieux vivre ces moments d’angoisse et d’incertitude.
La recherche de la qualité de notre alimentation passe par une exigence citoyenne envers nos produits, tant en aval de la chaîne de production, à l’égard de nos réseaux de distribution, parfois tant décriés, qu’en amont, à l’égard de notre agriculture, devenue l’objet de toutes les attentions.
Exigence environnementale, développement des circuits courts, lutte pour le bien-être animal : nul ne pouvait imaginer, il y a encore quelques années, que l’alimentation deviendrait un sujet de société, voire un enjeu politique.
Ce gouvernement l’a bien compris et le budget qui nous est présenté est à la hauteur de la situation. Il permet de relever les défis qui ont été fixés dès le début du quinquennat, à savoir améliorer les revenus de nos agriculteurs, assurer notre souveraineté économique tout en renforçant notre compétitivité, enclencher un plan Protéines végétales, développer une alimentation saine et durable, relever les défis climatiques qui, d’année en année, menacent nos exploitations.
Ajoutons à ce tableau la reconduction du dispositif TO-DE pour 2021 et 2022.
Au total, au titre de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », une fois pris en compte les crédits de paiement du plan de relance, le budget du ministère atteint 3,5 milliards d’euros en 2021, soit une hausse de 13,6 % par rapport à l’année précédente.
Le plan de relance, parlons-en ! Son volet agricole, alimentaire et forestier est doté d’une enveloppe globale de 1,2 milliard d’euros, et nous nous félicitons que FranceAgriMer ait déjà examiné un premier train de mesures, s’agissant de dispositifs qui seront ouverts d’ici au 1er janvier prochain – je pense notamment à la filière horticole. Ces mesures représentent au total 455 millions d’euros. Dans quelques semaines, plusieurs dispositifs de soutien à l’investissement matériel seront accessibles aux agriculteurs : aide à l’acquisition de matériel plus performant en matière environnementale, soutien à l’investissement pour la prévention des aléas climatiques, appels à projets pour la structuration des filières agricoles.
Quelque 130 millions d’euros seront en outre fléchés pour la modernisation des abattoirs. Ce sujet a alimenté les polémiques médiatiques et a contribué au dénigrement de notre agriculture. Ces polémiques étant vécues comme une profonde injustice par certains agriculteurs, il était temps d’y mettre fin. Ce plan de relance en donne tous les moyens.
Ne pas évoquer le récent succès des négociations relatives à la nouvelle PAC n’aurait pas grand sens. Premier budget européen, capable d’orienter les modes de culture et les paysages, cette nouvelle politique agricole commune permettra à la France et à nos agriculteurs de bénéficier de 66,2 milliards d’euros pour les sept prochaines années.
Ce fonds sera fléché à 80 % vers les aides aux agriculteurs, en contrepartie d’un renforcement de leurs pratiques vertueuses en matière d’environnement. Ces contreparties ont d’ailleurs animé les débats qui ont eu lieu au Parlement européen le mois dernier.
La concertation entre les acteurs du monde agricole permettra de s’entendre sur la déclinaison de la PAC à l’échelon national, à savoir le plan stratégique national (PSN). Ce plan permettra de donner des marges de manœuvre aux États dans la redistribution des aides européennes.
Concernant la déclinaison du premier pilier de la PAC dans nos territoires ultramarins, nous nous félicitons que l’accord de principe obtenu vendredi dernier et confirmé hier par les États membres assure le maintien à son niveau actuel de l’enveloppe du Poséi, le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, soit 278 millions d’euros.
Outre le volet agricole, la gestion de la forêt est également un immense défi à relever. Quatrième pays européen en termes de superficie forestière, la France a vu son étendue forestière doubler en l’espace de deux siècles, passant de 9 millions d’hectares en 1830 à 17 millions aujourd’hui. Ce reboisement doit s’accélérer, notamment afin d’augmenter encore nos capacités d’absorption de carbone.
Tel est l’objet d’un fonds de 150 millions d’euros, montant historique, compris dans le plan de relance. Il permettra de soutenir les propriétaires forestiers, publics et privés. Ces sommes sont notamment fléchées vers l’ONF, un partenaire essentiel pour notre filière bois, composé d’agents et d’experts passionnés par leur métier.
Pour autant, nous le savons, l’ONF connaît depuis quelques années des difficultés importantes, en matière financière, mais aussi de gestion de ses ressources humaines et de dialogue social.
L’ONF voit aussi ses missions évoluer : longtemps voué à la seule gestion de la production de bois, il doit désormais travailler sur la biodiversité des espaces naturels dont il a la charge, en veillant à maximiser la captation de carbone. En d’autres termes, le « tout productif » fait place à l’exercice par l’Office de missions écologiques qui interagissent avec ses missions stratégiques.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe votera avec beaucoup d’enthousiasme ce budget qui, en alliant modernisation de notre agriculture et transition agroécologique, vient épauler et accompagner nos agriculteurs afin de leur donner toute latitude pour retrouver rendements, ambition et, surtout, beaucoup de fierté pour le travail accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention venant en complément de celle de Jean-Marie Janssens, je concentrerai mes propos sur le volet forestier de ce programme, pour, une fois n’est pas coutume, saluer les efforts du Gouvernement en matière de soutien à la filière. Cet effort est sans précédent depuis la disparition du Fonds forestier national ; il se traduit – cela a été dit – par la mise en place d’un plan de relance de plus de 200 millions d’euros.
Puits de carbone essentiel pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), la forêt est dramatiquement fragilisée depuis quelques années par des changements climatiques très rapides. Elle a donc plus que jamais besoin d’un grand plan de reboisement.
Une enveloppe de 150 millions d’euros lui est consacrée, ainsi que 50 millions d’euros destinés au fonds stratégique de la forêt et du bois, notamment pour assurer la production des plants qui seront nécessaires à ce renouvellement des peuplements forestiers. C’est là un enjeu majeur de ce dossier, monsieur le ministre : notre capacité à fournir les plants dans les essences demandées et dans les temps impartis. Vous avez déjà rendu éligibles à ce fonds les travaux d’amélioration et d’entretien des peuplements jusqu’à 2024. C’était essentiel !
En effet, pour être efficace, ce plan de relance forestière devra s’inscrire dans le temps long de la forêt et accompagner le suivi des jeunes peuplements. Sans perdre de temps, l’ensemble des professionnels se sont d’ores et déjà mobilisés autour de ces objectifs.
Pour autant, certaines problématiques demeurent pendantes et pourraient entraver le bon déroulement de ce plan. Je souhaite donc appeler votre attention sur quelques points.
Concernant les modalités pratiques de mise en œuvre de ce plan, qui vise à adapter durablement la forêt française aux changements climatiques, pourquoi avoir porté l’obligation de mélange d’essences à 10 hectares, alors qu’il est établi que les mélanges, gage de résilience des peuplements, peuvent se faire à partir de 4 hectares ?
Pourquoi ne pas avoir intégré des paramètres relatifs à la densité des peuplements, outil non seulement de résilience face aux déficits hydriques, mais aussi de gestion des plants face aux problèmes de disponibilité déjà évoqués ?
Comment assurer la pérennité de ces reboisements sans organiser une véritable stratégie d’équilibre sylvocynégétique ?
Monsieur le ministre, votre capacité à diffuser ce dispositif sur tout le territoire dans les délais impartis dépendra essentiellement de la mobilisation des forestiers, en particulier des agents de l’ONF et du Centre national de la propriété forestière (CNPF) présents sur le terrain.
L’Assemblée nationale a déjà réajusté les crédits de l’ONF, permettant le maintien de 95 équivalents temps plein.
Dans le même sens, nous vous proposerons un amendement visant à préserver les emplois du Centre national de la propriété forestière. Ses 341 agents interviennent auprès des 3,5 millions de propriétaires forestiers, sur près de 12 millions d’hectares de forêts privées, soit les trois quarts de la forêt française. Pour tous les propriétaires qui ne sont pas adhérents de coopératives, les agents du CNPF sont en effet le principal vecteur de conseils et d’appui au montage des dossiers. Sans leur accompagnement, en l’état actuel des critères d’éligibilité, monsieur le ministre, des milliers de petits propriétaires ne pourront pas avoir accès à votre plan de relance. J’espère donc que vous serez sensible au maintien de ces postes.
Pour conclure, au-delà de ce plan de relance – un certain nombre de mes collègues l’ont souligné –, la question du projet forestier que nous voulons pour la France demeure : un nouveau pacte sociétal autour de la forêt reste à construire.
Vous l’avez indiqué voilà quelques jours devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre : le projet doit précéder le budget, qui n’est que l’outil d’une politique. Quelle politique pour la forêt française ? Quelles perspectives pour les filières de bois-construction, de bois-énergie, de bois-matériaux, qui sont autant de ressources durables et stratégiques pour notre pays ?
L’avenir de l’ONF n’est toujours pas défini ; son déficit grandit et son partenariat avec les communes forestières, via le contrat d’objectifs et de performance qui associait les communes, l’ONF et l’État, est aujourd’hui remis en cause, traduisant l’affaiblissement, voire la disparition, d’une stratégie commune de gestion des forêts publiques.
L’enjeu, vous le savez, est de taille : il est de mieux faire travailler forestiers publics et privés sur les massifs, au plus près des attentes des populations, pour mieux y répondre.
Ce sont là autant de questions qui devront être abordées rapidement pour que votre plan de relance prenne tout son sens et dessine un véritable avenir partagé pour les forêts françaises.
Sous réserve de l’adoption d’un certain nombre d’amendements, le groupe Union Centriste optera majoritairement pour un vote favorable sur les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. Jean Bacci et Louis-Jean de Nicolaÿ applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, apprécié de façon globale, le budget agricole pour 2021 reconduit les crédits de 2020, à l’exception de quelques éléments importants, comme le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le Casdar. La question est donc de savoir comment et à quoi ces moyens vont être utilisés pour répondre aux enjeux et aux difficultés auxquels l’agriculture française est confrontée.
Le budget agricole doit être apprécié à l’aune des questions qui concernent le revenu des agriculteurs et la compétitivité de la « ferme France », l’adaptation aux évolutions climatiques et environnementales et l’évolution du système agricole français, qui s’éloigne toujours davantage du modèle de l’exploitation familiale.
Concernant le revenu, la belle promesse des états généraux de l’alimentation, les EGA, n’a pas été tenue et la loi Égalim n’a eu aucun effet. La baisse à venir du budget de la PAC, de l’ordre de 10 % à euros constants, ne va rien arranger.
À ce stade, mais vous y reviendrez peut-être, monsieur le ministre, rien n’est prévu en matière d’outils novateurs de gestion des risques. Les besoins en eau, qui devraient être considérés comme une grande cause nationale, sont largement insatisfaits pour faire face à l’avenir immédiat.
À ces points problématiques s’ajoute la question du devenir productif de pans entiers du territoire agricole, les terroirs naturellement peu favorisés en termes de qualité agronomique des sols, de conditions pédoclimatiques d’exploitation et, souvent, de topographie.
Monsieur le ministre, j’ai compris que vous y étiez favorable : il nous faut donner un contenu à la notion de « zones intermédiaires ». Ce qui est en jeu, ce sont les systèmes de polyculture-élevage, qui étaient adaptés à ces terroirs et permettaient aux agriculteurs qui s’y sont succédé des générations durant de vivre correctement.
Ce n’est plus le cas et je ne compte plus, chez moi dans le Gers, les exploitants qui disent que tout ou partie de leurs terres ne seront pas reprises. Nos paysages vont se refermer, la nature va reprendre ses droits et nous connaîtrons des problèmes de sécurité publique, comme les incendies ou la prolifération de la faune sauvage.
Cette question concerne la Nation dans son ensemble, toutes les composantes de la société, rurales comme urbaines ou métropolitaines. Il faut reconnaître ce que les agriculteurs apportent de positif et les rémunérer par la mise en œuvre de paiements pour services environnementaux, ou PSE. Ce dispositif doit être au cœur du futur plan stratégique national, le PSN, et de l’écoschéma français.
Je vous soumets aussi l’idée de mettre en place des aides directes qui seraient pondérées en fonction des rendements historiques de référence. Je constate que, dans le budget, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, sont en baisse et que des terroirs ont été exclus de leur bénéfice, sans explication claire de l’État à ce jour.
Le plafonnement des aides devra également être débattu.
La compétitivité de notre agriculture se dégrade, mais il faut garder ou retrouver une ambition haute. Cela doit se faire sans sacrifier la qualité de nos produits et en étant extrêmement strict sur la réciprocité des échanges agroalimentaires, comme certains orateurs précédents l’ont souligné. Le statu quo actuel fragilise notre position en Europe et dans le monde. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire sur ce point avec les moyens alloués en 2021 ?
Il faudra aussi que votre ministère approfondisse l’orientation agroécologique. À cet égard, nous ne comprenons pas le sort qui est fait au Casdar et la volonté manifeste de le faire disparaître par intégration dans le budget général, année après année, alors que nous n’avons jamais eu autant besoin de financer des recherches pour sortir de l’usage des produits phytosanitaires. En 2019, 65 millions d’euros du Casdar n’étaient pas utilisés. De deux choses l’une : ou il n’y a pas de volonté d’accélérer la recherche, ou – et c’est sans doute l’explication – les moyens humains de recherche figurant au budget sont insuffisants.
Pour terminer, j’appelle votre attention sur la nécessité d’engager un processus législatif concernant la gestion du foncier. Ce qui se joue là, c’est la nature même de notre système agricole.
D’année en année, on voit se développer des formes sociétaires, avec des investisseurs, des financiers et une population d’actifs agricoles qui se transforment petit à petit en exécutants. Ce modèle est-il le bon pour le monde paysan ? Est-il gage de vitalité pour les territoires ruraux français ? Je ne le crois pas, et une grande loi foncière serait nécessaire pour traiter cette question d’intérêt national.
Au regard des enjeux que je viens d’évoquer, monsieur le ministre, votre action dans les mois à venir nous permettra de porter une appréciation fondée sur votre politique agricole effective. En l’état, nous ne pourrons pas approuver les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du Casdar. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’aborderai que trois points.
Le premier point concerne le cœur de l’action dans nos territoires, à savoir les investissements en agriculture. Monsieur le ministre, nous sommes en train d’examiner le budget pour 2021 ; en ce début du mois de décembre, ce sont des centaines de dossiers qui n’ont pas trouvé de réponse, faute de financement de l’État pour accompagner les investissements demandés par les agriculteurs sur nos territoires.
Or ces investissements concernent l’adaptation des exploitations agricoles en vue de leur donner la compétitivité nécessaire et de permettre l’amélioration des revenus. C’est incompréhensible, monsieur le ministre : on ne peut pas, d’un côté, voter des lois en laissant croire à nos agriculteurs qu’il leur sera possible, grâce à la conquête de valeur, d’obtenir des revenus meilleurs, et, de l’autre, ne pas être au rendez-vous du financement des investissements que ces derniers sont prêts à réaliser sur nos territoires. On parle de plan de relance, mais on n’a même pas été capable d’accomplir ce qui avait été prévu en termes d’accompagnement des investissements en 2019 et 2020 !
Le deuxième point a trait à la forêt. Je ne serai pas aussi optimiste que ma collègue.
D’abord, on n’a pas réellement pris la dimension de notre forêt française, qui représente une véritable richesse par sa diversité. Nous sommes confrontés – vous n’avez pas de chance, monsieur le ministre, il faut le reconnaître – à un certain nombre de crises. La forêt est sinistrée, elle souffre. De mémoire, il y a longtemps qu’autant d’essences n’avaient pas été en perdition, en raison soit du réchauffement climatique, soit de problèmes sanitaires ; je pense par exemple au scolyte.
Ces attaques sont d’une ampleur terrible : des forêts de cinquante ans ou plus sont en train de dépérir, voire de disparaître. Je le dis clairement, monsieur le ministre, la réponse n’est pas à la hauteur. On consacre 200 millions d’euros à la gestion de cette crise, mais nos amis allemands, dont la forêt est d’une surface inférieure à la nôtre, mobilisent des moyens beaucoup plus importants, à la fois pour la replanter, mais aussi pour l’entretenir. (Marques d’approbation sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Je me réjouis du vote de l’Assemblée nationale sur le dossier de l’Office national des forêts, l’ONF. C’est un problème dont on ne parle jamais, mais on ne cesse de confier à l’ONF des missions nouvelles, notamment environnementales, qui n’ont rien à voir avec la gestion forestière, sans lui accorder de moyens supplémentaires. Les communes se trouvent aujourd’hui prises au piège, car elles ont besoin de femmes et d’hommes sur le terrain pour entretenir les forêts.
Monsieur le ministre, si je devais, comme à l’école, porter une appréciation sur votre politique, je dirais « en progrès » – 200 millions d’euros, c’est en effet une somme considérable –, « mais pas encore à la hauteur » des besoins ou des sinistres du secteur forestier. Surtout, votre politique n’est pas à la hauteur de l’ambition de nos territoires en termes de création de valeur ajoutée.
Le troisième point porte sur le Casdar. Il est financé par tous les paysans, monsieur le ministre : ce sont tous les paysans de France qui ont payé le développement agricole – je le dis également à Joël Labbé –, y compris lorsqu’il n’y avait pas encore de bio ! C’est grâce à cette solidarité, à cette mutualisation, que l’on a pu accompagner le développement de la production bio.
Je n’arrive pas à comprendre que, à un moment aussi stratégique d’adaptation de l’agriculture, on refuse au monde paysan d’accéder au progrès payé par lui-même, pour répondre aux exigences sociétales, qu’il s’agisse du bien-être animal ou d’autres thématiques.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Daniel Gremillet. Je partage complètement l’analyse de nos rapporteurs spéciaux et de nos rapporteurs pour avis : ce budget constitue bien un rendez-vous manqué ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Janssens.
M. Jean-Marie Janssens. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année 2020 s’achèvera bientôt, mais la crise sanitaire, économique et sociale est loin d’être terminée.
Mes premiers mots seront pour exprimer mon soutien à nos restaurateurs, particulièrement frappés par deux confinements successifs et qui devront attendre la mi-janvier 2021 pour rouvrir leurs portes. Les professionnels de la restauration et de l’alimentation sont directement liés à nos agriculteurs, éleveurs et producteurs, et devront être soutenus « quoi qu’il en coûte ». L’urgence est de prévenir des drames économiques et humains.
Comme tous nos concitoyens, nos agriculteurs souffrent de cette situation. Pourtant, au milieu de ce contexte exceptionnel et dramatique, le monde agricole semble avoir mieux résisté que d’autres secteurs économiques.
Cela tient notamment à la forte capacité d’adaptation de nos producteurs et au comportement responsable des consommateurs français. Manger bien et local est une réelle priorité pour nos concitoyens et pour notre économie. L’avenir de notre agriculture réside dans cet équilibre entre qualité et proximité.
Le projet de loi de finances pour 2021 consacre un budget stable pour notre agriculture.
À ce titre, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » comporte 2,97 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 1,1 % de plus qu’en 2020. C’est une nouvelle rassurante pour un secteur essentiel de notre économie et pour l’avenir de nos agriculteurs français.
Le programme 149 est d’importance majeure, puisqu’il comprend plus de la moitié des crédits de la mission, soit 1,7 milliard d’euros. Ce programme est particulièrement stratégique. En effet, il a pour objet de structurer et de soutenir les filières, de moderniser et de renouveler les exploitations agricoles et de mettre en place les mesures en faveur de la promotion de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de la biodiversité.
Il est à souligner que le projet de loi de finances pour 2021 alloue une enveloppe de 126 millions d’euros au compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », contre 136 millions d’euros depuis plusieurs exercices.
Cette baisse a pour conséquence directe une diminution des budgets des chambres d’agriculture, des instituts techniques agricoles et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale. Nous refusons cette baisse. Aussi défendrai-je avec plusieurs sénateurs du groupe Union Centriste un amendement visant à stabiliser ces budgets de recherche essentiels pour notre agriculture.
Les crédits pour l’année 2021 semblent globalement adaptés aux enjeux de notre agriculture et de ses évolutions. Cependant, il est nécessaire de souligner que l’action menée en faveur de l’agriculture française s’appuie en grande partie sur la politique agricole commune.
Or, si la France a obtenu une stabilisation des aides européennes pour notre agriculture, à hauteur de 66,4 milliards d’euros sur la période 2021-2027, des inquiétudes fortes et légitimes planent sur les finalités de cette nouvelle PAC, notamment en matière de souveraineté alimentaire, de simplification et de concurrence.
La politique agricole commune doit servir la qualité, la proximité, la biodiversité, et garantir des revenus justes pour nos agriculteurs. Aussi paraît-il primordial de veiller à ce que la PAC 2021-2027 garde ce cap. Le budget que l’État consacre à l’agriculture française n’aura de sens et d’efficacité que s’il s’appuie sur une politique agricole commune bien conçue et bien articulée avec notre ambition nationale.
Le Sénat jouera pleinement son rôle de contrôle et sera particulièrement vigilant et attentif à la mise en œuvre d’une PAC juste et véritablement bénéfique pour les agriculteurs français. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Sebastien Pla. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Sebastien Pla. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire n’a pas épargné le monde agricole, qui en sort plus que jamais fragilisé. Inutile de se voiler la face toutefois, l’agriculture française était déjà en souffrance avant même la crise sanitaire.
Il en est ainsi de la filière viticole dont je suis issu. Victimes collatérales du conflit sur l’aéronautique entre l’Europe et les États-Unis, ses exportations vers ce pays ont diminué de 35 %. Les restaurants sont fermés, tous les salons sont annulés, les ventes sont à l’arrêt et les pertes financières sont colossales.
Ce secteur d’excellence est à genoux. L’aide pour la distillation de crise n’a pas été assez importante, monsieur le ministre.
Or, à l’inverse de nombreux secteurs économiques, les entreprises viticoles et agricoles dans leur ensemble n’ont pas eu recours au chômage partiel, étant obligées d’assurer la continuité de la conduite de leur exploitation. Les prêts garantis par l’État souscrits ne pourront être remboursés à court terme.
Les mesures de soutien à la filière que vous avez prises n’ont pas atteint correctement leur cible.
Il aura fallu l’unanimité des groupes, sur les bancs de l’Assemblée nationale et sur les travées du Sénat, pour faire adopter un amendement relatif à l’exonération de charges patronales pour les salariés du secteur viticole que le Gouvernement a refusé. Pourquoi s’y être opposé ? Pourquoi avoir refusé d’étendre cet allégement de charges à l’ensemble des filières agricoles ?
Dans ce contexte, le budget pour 2021 était très attendu par la profession, car elle nous demandait des réponses précises, des moyens mobilisables immédiatement. Or les démarches administratives pour l’accès aux aides agricoles sont d’une sombre complexité. Que comptez-vous faire pour les simplifier, monsieur le ministre ?
Le monde paysan est en grande souffrance. Un agriculteur sur cinq n’a pas de revenu, les jeunes sont endettés jusqu’au cou et les retraités vivent avec des pensions honteuses. Allons-nous continuer à accepter que, chaque jour, un agriculteur se suicide en France ? C’est inadmissible !
N’avons-nous pas été touchés au cœur par le film Au nom de la terre, qui a rendu publique la détresse des paysans enfermés dans un système obsolète, que vous avez et que nous avons tous ensemble, ici, la responsabilité de faire évoluer ?
Est-il normal que, plutôt que de leur transmettre leurs exploitations, les agriculteurs incitent leurs enfants à changer de métier, laissant place à la spéculation foncière et à la financiarisation de l’agriculture ?
La souveraineté alimentaire de la France est mise à mal, la moitié de ce que nous mangeons est importé. La « ferme France » doit évoluer structurellement. Autant vous dire, monsieur le ministre, que nous en sommes encore loin.
Répondre à l’urgence est une priorité dans la période actuelle. De ce point de vue, je veux le souligner, votre investissement est très important pour les filières.
Le constat est implacable : pandémie, réchauffement climatique, épuisement des ressources, effondrement de la biodiversité… L’heure est grave !
Or, avec les accords de libre-échange, vous engagez nos exploitants sur la voie d’un dumping tarifaire déloyal. Pour compenser la baisse des prix, ils doivent produire toujours plus, dégradant la fertilité des sols et la qualité nutritive des productions. Les ventes de pesticides ont bondi de 25 % l’année dernière et la biodiversité s’effondre.
En dix ans, deux tiers des insectes ont déserté les champs, ce qui a un impact à la fois sur la pollinisation et sur la régulation des parasites, nécessaire à la protection des plantes contre des ravageurs et autres maladies.
Monsieur le ministre, profitons de la crise sanitaire pour élaborer un nouveau paradigme agricole. Sortons des incantations, passons aux actes !
L’agriculture de demain sera celle du vivant, elle sera une agriculture résiliente, qui permettra une plus juste rémunération de nos paysans. La loi Égalim, censée nous permettre d’atteindre ces objectifs, déçoit pour l’instant.
Ce changement que nous appelons de nos vœux devra permettre également aux exploitants de trouver des solutions de remplacement soutenables économiquement. J’ai du mal à le percevoir dans ce budget.
Les crédits du Casdar baissent, comme ceux de la PAC, et l’agroécologie ne se verra allouer que 494 millions d’euros au titre des contreparties de la PAC. Cela étant, les 1,2 milliard d’euros prévus dans le plan de relance sont une très bonne nouvelle, monsieur le ministre, mais je crains que ce ne soit du one shot !
Pour réussir la transition, il faut du temps. Or, une fois le coup de pouce du plan de relance passé, les efforts risquent de retomber comme un soufflé.
Pour conclure, je vous propose de faire de la transition agroécologique un outil de souveraineté alimentaire en investissant prioritairement dans la recherche et l’innovation, afin de repenser nos systèmes agricoles et de protéger la santé des agriculteurs, des consommateurs et de notre planète. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)