M. Patrice Joly. La France a perdu 50 000 agriculteurs au cours des dix dernières années, soit 10 % des exploitations. D’ici cinq ans, on annonce que 200 000 exploitants partiront à la retraite. Dans ces conditions, l’installation et la transmission des exploitations doivent être une priorité.
Or les crédits alloués à l’accompagnement de l’installation sous forme d’aides, de crédits d’impôt ou d’autres dépenses fiscales, au bénéfice notamment des jeunes agriculteurs, baissent globalement. C’est pourquoi nous proposons d’affecter 8 millions d’euros supplémentaires à la dotation jeunes agriculteurs (DJA), pour que les crédits dans ce domaine soient équivalents à ceux de cette année.
On m’objectera peut-être que ces crédits sont sous-consommés. Reste que la baisse proposée n’est pas satisfaisante au regard de la situation dans laquelle nous sommes. Faire de la politique, ce n’est pas accepter les évolutions au fil de l’eau : seuls les poissons morts vont au fil de l’eau… Faire de la politique, monsieur le ministre, c’est lutter contre la fatalité !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. M. Joly connaît déjà ma réponse… Si la politique de l’installation doit relever le défi démographique de l’agriculture, la DJA est actuellement sous-consommée. Au-delà de l’aspect financier, le problème de fond, comme je l’ai souligné dans mon intervention liminaire, est d’assurer un avenir à nos agriculteurs, avec de la valeur ajoutée. C’est donc une action beaucoup plus profonde qu’il convient de mener dans les années à venir. La commission sollicite le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur Joly, je prends appui sur votre amendement pour interpeller M. le ministre, qui n’a pas répondu à la question de mon collègue Henri Cabanel sur l’enseignement agricole technique.
Samedi dernier, Jean-Michel Blanquer n’a pas parlé une seule fois de cet enseignement en vingt minutes d’intervention liminaire, estimant qu’il relevait de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Vous-même, monsieur le ministre, n’étiez pas présent, parce que vous estimez, très justement, qu’il relève de la mission « Enseignement scolaire ». Seulement voilà : votre collègue n’a pas voulu lever les gages sur nos amendements, parce que vous n’étiez pas là.
L’enseignement agricole technique est à l’os : c’est sa survie qui est en jeu ! Alors qu’un plan drastique de réduction des équivalents temps plein s’applique dans les établissements, des enseignements entrent en concurrence. Les moyens manquent, et le rattachement de l’enseignement agricole technique à la mission « Enseignement scolaire » conduit à ce que le sujet soit très mal traité.
Monsieur le ministre, nous vous facilitons la tâche, puisque le Sénat a adopté deux amendements ; il vous suffit de lever les gages… Le premier amendement, présenté par le rapporteur spécial Gérard Longuet, vise à majorer les crédits de l’enseignement agricole technique de 15 millions d’euros. Le second, que j’ai défendu au nom de la commission de l’éducation, porte sur 6 millions d’euros en faveur des maisons familiales rurales (MFR).
Vous avez mis sur la table 10 millions d’euros pour un plan de communication destiné à attirer des élèves dans l’enseignement agricole technique : somme énorme, mais nécessaire, parce que nous avons 200 000 exploitants agricoles à remplacer d’ici à 2026. Nous devons former à mieux produire, transformer, communiquer, dans le contexte du changement climatique.
Aujourd’hui, 800 établissements sont en difficulté, dont certains sont en hyperfragilité.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Nathalie Delattre. Le ministre Blanquer nous a dit que, au débotté, une enveloppe de 10 millions d’euros serait peut-être débloquée. C’est loin des 46 millions d’euros que la crise a fait perdre à nos établissements agricoles… Monsieur le ministre, nous attendons donc votre réponse : levez les gages sur nos amendements !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. J’ai suivi les débats de samedi dernier devant le Sénat.
Vous connaissez mon soutien à l’enseignement agricole technique, à l’enseignement agricole supérieur – dont je suis issu –, et aux directeurs de lycée agricole, ainsi qu’à l’apprentissage et à la formation professionnelle dans ce domaine. L’enseignement agricole est un trésor !
Quel est aujourd’hui le problème qu’il rencontre ? La diminution du nombre des élèves. (Mme Nathalie Delattre le conteste.) Je vous assure, madame la sénatrice : à l’exception du ressaut constaté en 2019, ce nombre baisse depuis des années. Si j’ai fait le choix d’affecter 10 millions d’euros à la campagne de communication dont vous avez parlé, c’est parce que je veux recréer une dynamique en attirant des élèves. C’est par l’attractivité de l’enseignement agricole et par les élèves que nous agirons le plus efficacement.
Dans le cadre du Grenelle de l’éducation, j’ai veillé avec Jean-Michel Blanquer à ce que l’enseignement agricole soit traité en tout point comme les autres enseignements.
Une question se pose, en effet, sur la trajectoire des équivalents temps plein ; vous en avez abondamment parlé.
S’agissant enfin de l’aide aux établissements, nous assurons un suivi au cas par cas.
Je le répète : je suis profondément attaché à l’enseignement agricole et je me battrai en sa faveur ; pour cela, je fais le choix politique d’agir par la dynamisation du nombre d’élèves.
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous prie de ne pas trop vous écarter du sujet en discussion : la dotation jeunes agriculteurs. (Mme Sophie Primas applaudit.)
La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’appuie l’intervention de Nathalie Delattre à la suite de la discussion de samedi dernier, à laquelle j’ai également participé.
La réalité, c’est qu’il y a des étudiants dans la filière agricole. On lui fait de grandes déclarations d’amour, mais elle aujourd’hui en grande difficulté ! J’étais voilà huit jours dans une MFR : elle a subi une perte de recettes de 10 %…
Monsieur le ministre, il y a une concurrence entre l’éducation nationale et votre ministère : il faut éclaircir la situation, parce que les enseignants, les directeurs et les élèves ne s’y retrouvent pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote – et pour finir de faire passer le message à M. le ministre…
Mme Céline Brulin. Admettez, madame la présidente, que nous consacrions quelques instants à ce sujet important.
Nul ne conteste, monsieur le ministre, que vous mobilisiez des moyens pour valoriser et promouvoir l’enseignement agricole. Au contraire, tout le monde peut vous rejoindre à cet égard. En revanche, nous vous alertons sur le fait que l’enseignement agricole, comme Nathalie Delattre l’a très bien expliqué, joue aujourd’hui sa survie !
Entre 2019 et 2022, près de 300 postes auront été supprimés. Si l’on appliquait la même trajectoire à l’éducation nationale, elle serait complètement décimée…
Sur toutes les travées, nous nous sommes rassemblés pour proposer des crédits et reconstituer le stock, si je puis dire, d’enseignements nécessaires. Le ministre de l’éducation nationale nous a expliqué qu’il ne pouvait pas s’engager sans votre aval, ce que l’on peut comprendre.
Dans l’enseignement agricole public, celui qui recrute le plus – il ne perd pas d’élèves cette année –, des établissements censés mettre en place des « doublettes » de matières dans le cadre de la réforme du baccalauréat ne peuvent pas le faire, ou le font au détriment d’autres options. Lorsqu’on ouvre une classe à un endroit, il faut obligatoirement en fermer une autre ailleurs. C’est un désastre pour l’attractivité de nos lycées agricoles et des territoires qui les accueillent.
Monsieur le ministre, entendez notre alerte ! (Mme Nathalie Delattre applaudit.)
Mme la présidente. Ces alertes ayant été bien perçues par le ministre, je mets aux voix l’amendement n° II-921.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-675 rectifié bis, présenté par MM. Gremillet et Cuypers, Mme Deromedi, MM. Rietmann, Perrin, Panunzi, Bascher et D. Laurent, Mmes Belrhiti, Joseph, Chauvin et Drexler, MM. Laménie, Bacci et Cambon, Mme Ventalon, M. Darnaud, Mmes Lassarade et Richer, MM. Babary et Lefèvre, Mme L. Darcos, M. Bonne, Mme Puissat, M. Reichardt, Mme Gruny, MM. E. Blanc, Sido et Chaize, Mme M. Mercier et MM. de Nicolaÿ, Savary, Chatillon et Guené, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
6 000 000 |
6 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
||||
TOTAL |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
6 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Il s’agit de prolonger l’action menée sur les territoires pour gérer la situation de crise, notamment en ce qui concerne le bois scolyté.
Monsieur le ministre, vous avez déjà mobilisé 6 millions d’euros, qui ont été vraiment nécessaires à l’écoulement des surproductions de bois scolytés vers des régions épargnées, de manière à ne pas perdre la matière ; cela concerne les régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes – notamment la Savoie et la Haute-Savoie.
En complément des mesures que nous avons votées précédemment, il est absolument nécessaire d’abonder les moyens financiers pour l’évacuation de bois scolytés qui ont souvent un demi-siècle, voire plus, vers des régions où les scieries ou les papeteries ont besoin de bois. Sinon, nous assisterons à un immense gâchis !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. Cet amendement entre en résonance avec celui adopté il y a quelques instants. Au regard des besoins identifiés, 6 millions d’euros n’apparaissent pas illégitimes. Néanmoins, la commission des finances a formulé un avis de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur Gremillet, je vous remercie pour vos propos sur le dispositif existant. Nous l’avons étendu jusqu’à l’été prochain et, à ce stade, mes équipes m’indiquent qu’il n’y a pas de problème de financement. Si malgré tout un financement s’avère nécessaire en cours d’année pour maintenir cette organisation régionale, nous trouverons une solution, par exemple par redéploiement de crédits. Je demande donc le retrait de l’amendement.
Mme la présidente. Monsieur Gremillet, l’amendement n° II-675 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Daniel Gremillet. Les engagements du ministre sont clairs. Je lui fais confiance et je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-675 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° II-635 rectifié, présenté par MM. Canevet et Capo-Canellas, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Cadic, Mmes Dindar, N. Goulet, C. Fournier et Sollogoub, MM. Mizzon, Vanlerenberghe, Chauvet, P. Martin et Kern, Mme Billon, MM. Longeot, L. Hervé et Le Nay et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
||||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Nous avons beaucoup parlé d’agriculture, et c’est essentiel ; beaucoup parlé de forêts, et c’est important. Mais votre périmètre, monsieur le ministre, comprend aussi la pêche : il est donc important que nous nous occupions également des problèmes de la pêche, en faveur de laquelle je ne sens pas dans ce budget un véritable enthousiasme – j’espère m’être trompé…
La pêche rencontre deux types de problèmes. Le présent amendement vise à répondre au premier problème : le renouvellement de la flottille de pêche. Il est important que nos marins-pêcheurs travaillent dans des conditions de sécurité optimales et avec des outils performants. C’est ainsi que notre secteur maritime sera plus efficace.
C’est pourquoi nous proposons de transférer des crédits vers les plateformes d’initiative locale et d’autres opérateurs susceptibles d’apporter des quasi-fonds propres. Les interventions directes en subventions étant interdites par la réglementation européenne, il faut trouver d’autres moyens d’action. La mesure proposée en est un, qui permettra d’engager une véritable politique de renouvellement de la flottille de pêche. (Mme Nadia Sollogoub applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. Cet amendement vise à soutenir la pêche, confrontée au vieillissement de ses embarcations. Ses auteurs sous-estiment vraisemblablement les besoins, surtout si l’hypothèse d’un Brexit sans accord doit se concrétiser. On peut considérer qu’il s’agit d’un amendement d’appel, destiné à soulever un enjeu qui doit être traité et à l’égard duquel des perspectives doivent être ouvertes. Dès lors, la commission a formulé une demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Monsieur le sénateur, soyez rassuré : je suis un adepte de la pêche et un grand défenseur des pêcheurs. Mais la pêche n’est pas dans mon périmètre ministériel – c’est la raison pour laquelle je n’en ai pas parlé, quelle que soit ma passion pour elle… Plus exactement, la production de coquillages et la transformation du poisson sont dans mon périmètre, mais les pêcheurs en mer relèvent d’Annick Girardin.
Sous réserve des explications de ma collègue, je vous signale que les aides à l’installation et au renouvellement de la flotte sont très encadrées, notamment pour l’utilisation des crédits européens. Il me semble que l’aide est possible pour un jeune pêcheur qui s’installe, mais très compliquée en ce qui concerne le renouvellement. J’en parlerai à Annick Girardin, pour qu’elle vous réponde de manière détaillée.
Mme la présidente. Monsieur Canevet, l’amendement n° II-635 rectifié est-il maintenu ?
M. Michel Canevet. En l’absence de mission relative à la mer, il me semble bien, monsieur le ministre, que les questions de pêche relèvent de la mission que nous examinons cet après-midi. Or, pour pêcher, il faut des bateaux… Si nous ne saisissons pas ce moment pour nous préoccuper des bateaux de pêche, je ne sais pas quand nous le ferons ! Ayant attiré votre attention sur la question, je retire l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° II-635 rectifié est retiré.
L’amendement n° II-724, présenté par MM. P. Joly, Montaugé, Tissot et Kanner, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
||||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
5 000 000 |
5 000 000 |
||
TOTAL |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
5 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Patrice Joly.
M. Patrice Joly. Il s’agit d’ouvrir des crédits à hauteur de 5 millions d’euros pour renforcer le contrôle des structures en matière de foncier agricole, afin de favoriser la transmission et le renouvellement des générations.
Dans cette perspective, il est nécessaire de renforcer la régulation des marchés pour rendre possible la liberté d’entreprendre pour tous et garantir l’usage du foncier comme celui d’un bien commun dans la durée.
Une politique des structures responsable doit privilégier le facteur humain aux dépens du jeu des capitaux et favoriser la diversité au détriment des monopoles : c’est le sens du pacte financier qui, depuis les années 1960, établit un équilibre entre la propriété et le travail et unit la France à son terroir. Fondée sur la dérive individualiste de la course à l’agrandissement, un relâchement du contrôle, des failles législatives et, depuis 2008, l’arrivée de fonds spéculatifs, une libéralisation est toutefois à l’œuvre dans notre pays depuis des décennies.
Il n’y aura pas d’agroécologie sans relève, et une relève est impossible sans une politique foncière juste ! Ce qui rend nécessaire une loi foncière, annoncée puis reportée, mais qui est une priorité et une urgence pour les années à venir, si nous voulons une agriculture conforme aux intérêts les plus globaux de la société. Commençons par renforcer les contrôles, comme nous vous y invitons par cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. Demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° II-633 rectifié bis, présenté par MM. Canevet et Capo-Canellas, Mme Loisier, MM. Bonnecarrère et Cadic, Mmes N. Goulet, C. Fournier, Billon et Sollogoub, MM. Mizzon, Chauvet, P. Martin et Kern, Mme Saint-Pé, MM. Longeot, L. Hervé et Le Nay et Mme Vermeillet, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation |
3 000 000 |
3 000 000 |
||
dont titre 2 |
1 700 000 |
1 700 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
||||
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Michel Canevet.
M. Michel Canevet. Il est des calamités qui entravent le bon fonctionnement de l’activité agricole et sapent le moral de nombreux agriculteurs. En Bretagne, nous subissons les dégâts occasionnés par les choucas des tours. Ce n’est pas propre à la Bretagne, puisque les choucas des tours posent aussi un vrai problème aux agriculteurs dans la Manche et en Normandie. C’est dire s’il importe de trouver des solutions.
Monsieur le ministre, je sais que votre ministère et celui de la transition écologique, en charge de la biodiversité, travaillent sur ce sujet. Ce matin, lors d’une visioconférence, de nombreux parlementaires ont unanimement dénoncé les dégâts occasionnés par cette espèce protégée.
Il faut apporter des réponses à ces dégâts. Des études sont menées pour recenser la population de choucas des tours et évaluer son évolution. Mais nous observons de visu l’augmentation du nombre d’individus de cette espèce par les nombreux dégâts qu’ils causent dans les cultures.
L’année dernière, dans le seul département du Finistère, 330 déclarations de dégâts ont été enregistrées, pour un montant total de 680 000 euros. Cette année, ce montant s’élèvera certainement à plus de 1,2 million d’euros.
En attendant que des solutions puissent être trouvées, il importe d’indemniser les agriculteurs. Comme vous le savez, monsieur le ministre, du fait de la faible rémunération qu’ils tirent de leur travail, les producteurs de lait et les producteurs porcins peinent déjà à équilibrer leurs comptes. Imaginez la difficulté dans laquelle ils se trouvent lorsque, en plus, les cultures qu’ils sèment sont totalement dévastées par les choucas ! Cela appelle une réaction forte et immédiate du Gouvernement. Il faut que ces dégâts soient compensés tant que d’autres solutions ne sont pas trouvées.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, le présent amendement a pour objet de doter le Fonds national de gestion des risques en agriculture des moyens lui permettant d’intervenir. Il importe d’affirmer officiellement que les dégâts causés par les choucas des tours peuvent faire l’objet d’indemnisations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. Demande de retrait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Julien Denormandie, ministre. Même avis, madame la présidente, mais je souhaite apporter quelques éléments de réponse, car je suis ce sujet important depuis de longs mois.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la jurisprudence du Conseil d’État retient trois espèces de prédateurs dont les dégâts peuvent faire l’objet d’une indemnisation : le loup, l’ours et le lynx. Les prédateurs sont nombreux, et si, chaque fois qu’un prédateur s’attaquait à un nouveau type de culture, les dégâts occasionnés étaient indemnisés, la liste serait bien longue.
Que pouvons-nous donc faire ? La protection des élevages – vous l’avez évoquée – est une solution qui s’inscrit dans le cadre du plan de relance – nous y reviendrons –, mais elle ne suffit pas.
Les choucas sont comme de petits corbeaux dont l’intelligence n’a d’égale que la fidélité – c’est chose peu connue, mais lorsqu’un choucas perd sa moitié pendant une année, il ne se remet pas en couple. La compréhension de l’habitat du choucas est d’autant plus difficile que cette espèce est intelligente, mais elle seule nous permettra d’améliorer la gestion de l’espèce, et ainsi, de résoudre le problème. Si on indemnise les agriculteurs sans agir sur la gestion de l’espèce, les agriculteurs ne pourront pas ressemer.
Il faut donc comprendre l’habitat du choucas afin de réguler cette espèce par des tirs de dispersion et des dispositifs de prévention et de captation.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour explication de vote.
M. Laurent Duplomb. Des indemnisations soulageraient certes les agriculteurs pour les pertes qu’ils ont subies, cher Michel Canevet, mais j’estime comme M. le ministre que ce n’est pas la réponse à ce problème. En effet, si nous ne traitons pas les causes profondes, nous devrons indemniser les agriculteurs ad vitam aeternam. La réalité, c’est qu’il faut sortir du dogme de la protection de certaines espèces et s’engager dans un processus de régulation. C’est aussi simple que cela !
C’est qui est vrai pour le choucas l’est d’ailleurs aussi pour les corbeaux ou les corneilles. Il faut voir ces oiseaux arracher les cultures de maïs. C’est impressionnant, et cela doit nous conduire à nous poser les bonnes questions : si ceux qui nous ont précédés ont trouvé des solutions pour réguler certaines espèces, c’est parce qu’ils subissaient les mêmes dégâts. La réalité, c’est que ce ne sont pas de jolis oiseaux tout noirs qui volent et qui ne font pas de mal.
Il faut avoir le courage politique de réaffirmer des vérités, et donc, de revenir sur des arrêtés préfectoraux qui interdisent certaines pratiques. Il convient également de déclasser des espèces qui étaient protégées parce qu’elles étaient menacées, mais qui ne le sont plus, et qui nécessitent au contraire une régulation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Canevet, pour explication de vote.
M. Michel Canevet. J’ai bien entendu vos observations, monsieur le ministre, et je vous rejoins sur la nécessité d’objectiver les choses. C’est le sens des études qui sont menées actuellement, mais elles prendront du temps – on nous a dit ce matin que, du fait de la covid, les études seraient prolongées encore quelque temps.
En attendant, la situation devient impossible sur le terrain. Devant la prolifération des dégâts qui sont occasionnés par les choucas des tours, les agriculteurs ne tiennent plus.
On ne demande pas une indemnisation ad vitam aeternam, mais seulement, comme cela se pratique pour les dégâts occasionnés par d’autres espèces, le temps de trouver des solutions, car des solutions existent et nous les trouverons.
Monsieur le ministre, je comprends que vous soyez contraint par la jurisprudence du Conseil d’État. Mais il y a une solution très simple : il suffit que la loi définisse les conditions dans lesquelles l’indemnisation est versée. Le Conseil d’État ne pourra que s’incliner devant la loi. Si nous inscrivons dans la loi que les dégâts occasionnés par les choucas des tours font l’objet d’une indemnisation, le problème sera réglé. Il nous suffit de voter cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° II-633 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° II-475, présenté par M. Duplomb, Mme Férat et M. Tissot, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Modifier ainsi les crédits des programmes :
(En euros)
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation dont titre 2 |
2 000 000 |
2 000 000 |
||
Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture dont titre 2 |
||||
TOTAL |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
2 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à ouvrir 2 millions d’euros de crédits supplémentaires, mais il s’agit aussi d’un amendement d’appel visant à attirer l’attention sur l’un des maillons les plus importants de notre économie agricole, à savoir le maillon de départ constitué par les pépiniéristes, les accouveurs – de pigeons, de cailles, etc. – et tous ceux qui se trouvent à l’origine d’une filière.
Depuis le mois de mars, 4 millions d’œufs ont été détruits parce que la filière était complètement engorgée du fait de la fermeture des restaurants, etc.
Au-delà de l’indemnisation du travail de ces producteurs, il est important de prendre en compte les enjeux que constituent le maintien d’un potentiel génétique et celui d’un potentiel de production. Si nous n’apportons pas d’aides spécifiques à ces producteurs, les filières ne pourront pas reprendre leur activité quand l’économie redémarrera.
Monsieur le ministre, même si nous estimons que la jauge est bonne, ces 2 millions d’euros sont d’abord un appel à la vigilance, car l’avenir de certaines filières dépendra de ces producteurs.
La production de pigeons, par exemple, est destinée à 100 % à la restauration hors foyer. Cette filière ne pourra pas redémarrer sans les accouveurs.