M. Philippe Bonnecarrère. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les dispositions de la loi de 2017, dite loi SILT. Les différentes interventions, en particulier celle de M. le rapporteur, nous ont permis de disposer de tous les éléments d’appréciation. Je ne reprendrai donc pas le contenu de ces dispositions ; je me concentrerai sur deux points.
Premièrement, il conviendrait de s’interroger collectivement sur les raisons pour lesquelles la CMP a été non conclusive. A priori, ce sujet n’aurait pas dû poser de difficulté. Sauf incompréhension de ma part, nous sommes tous d’accord sur le bilan positif de l’application des quatre mesures de la loi de 2017 que sont les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les Micas et les visites domiciliaires.
Que ce soit le Sénat, à travers le suivi qui en a été fait pendant un an et demi, l’Assemblée nationale ou le Gouvernement, chacun reconnaît que ces mesures, dont l’usage n’a pas été excessif, se sont avérées positives et que l’équilibre entre l’action antiterroriste et la préservation des libertés a été correctement trouvé. Le juge administratif a joué son rôle de régulateur sans aucune difficulté et le contrôle parlementaire, comme cela a été évoqué, s’est exercé. Il n’y avait donc pas de difficulté à ce que la CMP soit conclusive.
L’Assemblée nationale a fait le choix de proroger de sept mois les mesures de la loi SILT. Sachant tous que le programme du premier semestre de 2021 sera très chargé, on comprend mal la position de l’Assemblée nationale et surtout celle du Gouvernement. Face à un ordre du jour embouteillé, il privilégie le dépôt d’un texte spécifique dont nous aurions pu faire l’économie. Il y aura peut-être là quelques surprises…
S’agissant des ajustements qui avaient été proposés par le Sénat sur l’information des autorités judiciaires, je ne suis pas sûr que cela change grand-chose. En revanche, l’extension du champ des mesures de fermeture administrative à d’autres lieux dits « connexes » ou l’élargissement des possibilités de saisies informatiques évoqué lors d’un certain nombre d’auditions nous paraissaient être des dispositions plutôt intéressantes au regard de l’ampleur de la menace terroriste.
L’Assemblée nationale et le Gouvernement n’ont pas fait ce choix ; il est permis de le regretter. Le Sénat va rétablir son texte, mais chacun de nous connaît l’issue. Je ne suis pas tout à fait certain que, au-delà d’une forme de querelle de préséance – parce que j’ai l’impression que nous nous demandons qui est à l’origine de quoi –, les conditions de lutte contre le terrorisme en sortiront renforcées. Je ne vois pas l’intérêt pour le Gouvernement de se trouver sous la pression qui va être la sienne au premier semestre compte tenu du calendrier parlementaire.
Deuxièmement, sur la question de la prorogation des trois algorithmes jusqu’à la fin de l’année 2021, nous connaissons bien l’analyse qui est faite par nos services de sécurité. Il nous semble manquer, à ce jour, une analyse comparative entre les besoins de nos services de sécurité et les conséquences à tirer de l’arrêt du 6 octobre 2020 de la Cour de justice de l’Union européenne. C’est un arrêt dont on ne mesure pas totalement les conséquences. A priori, il ne laisse pas de marges, puisqu’il n’autorise pas les dispositions en matière de chalutage et incrimine la conservation généralisée et indifférenciée des données.
À y regarder de plus près, on s’aperçoit que l’arrêt n’autorise pas de dérogation dans le cadre de la lutte contre les infractions en général, ce dont on convient assez volontiers, ou de sauvegarde de la sécurité nationale – je pense en particulier à l’espionnage. Cependant, dans la sauvegarde de la sécurité nationale, doit-on y intégrer les éléments de lutte contre le terrorisme ? Je n’en suis pas tout à fait convaincu. Il me semble donc que cet arrêt nous laisse tout de même un peu de marge, qui justifie un travail vraiment spécifique ; d’habitude, la Cour de justice n’interdit pas les échanges avec elle pour comprendre son point de vue.
En résumé, monsieur le président de la commission des lois, au-delà du vote, pour lequel notre groupe suivra le point de vue majoritaire du Sénat, compte tenu des motifs que j’ai décrits, il pourrait être intéressant, dans les mois qui suivent, peut-être dans le cadre des missions confiées à M. Daubresse ou selon une autre modalité – ce sera à vous d’apprécier –, d’anticiper cette discussion qui rebondira forcément durant l’année 2021, pour voir quelles sont les marges de manœuvre qui nous sont laissées par l’arrêt du 6 octobre 2020. (M. François Bonneau applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en première lecture, nous étions invités à nous prononcer sur deux prorogations : d’une part, les mesures de la loi SILT relatives aux périmètres de protection, aux visites domiciliaires – anciennement appelées perquisitions –, aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance – anciennement les assignations à résidence – et aux fermetures de lieux de culte ; d’autre part, l’usage d’algorithmes permettant d’analyser le flux de données en vue de détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Je rappelle que ces mesures ont été adoptées en 2015, prorogées en 2017 et arriveront à échéance à la fin de l’année.
Compte tenu du contexte terroriste, il est déplorable que nous n’ayons pu parvenir à un accord en CMP, mais la situation est peut-être un peu plus compliquée que ce que prétendent certains membres de la majorité sénatoriale. Il s’agit non pas de déterminer si ces mesures sont bonnes ou mauvaises, mais de savoir si, au jour le jour, elles sont correctement appliquées. Il est d’ailleurs paradoxal de constater que c’est le Sénat qui, en 2017, a mis en place ce dispositif qui s’autodétruit en 2020.
La transmission au Parlement d’une copie de tous les actes administratifs pris en vertu des dispositions votées et la remise aux deux assemblées d’un rapport annuel d’évaluation étaient indispensables, car, encore une fois, il ne s’agit pas de savoir, monsieur le rapporteur, si ces mesures sont bonnes ou non, mais il s’agit de savoir comment elles sont appliquées au quotidien. Le fait qu’elles puissent être largement attentatoires aux libertés mérite bien le contrôle du Parlement. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas voter la pérennisation de ces mesures sans être assurés, au minimum, d’un contrôle parlementaire renforcé.
Compte tenu de l’accord sur l’article 2 du projet de loi initial, nous n’aurons plus à nous prononcer sur la question des algorithmes. Permettez-moi cependant, en prévision d’une loi plus importante sur le renseignement qui nous est annoncée pour l’année prochaine, de formuler quelques remarques, car il s’agit à la fois de contraintes et d’enjeux européens et de la crédibilité de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Premièrement, la loi sur le renseignement prévoyait, à l’article L. 863-2 du code de la sécurité intérieure, qu’un décret en Conseil d’État soit pris pour définir les conditions d’échange entre les différents services de sécurité et les administrations de toutes les informations en matière de données de connexion qui pourraient être récupérées. Or ce décret n’a jamais été pris, et nous ne disposons toujours pas d’un cadre sur la façon dont fonctionnement ces échanges.
Deuxièmement, au sein de la loi de finances, en totale contradiction avec la LOLF, a été adopté un dispositif de contrôle des demandes de données de connexion, spécifiquement dédié à délivrer des autorisations à la DGFiP. Cela pose un problème : d’un côté, on crée une CNCTR qui doit centraliser les demandes et rendre des avis au Premier ministre sur les demandes de données de connexion des services et, de l’autre, pour des questions fiscales, on crée une autre structure pour aller plus vite, alors même que l’on ne cadre pas les échanges entre les différents services.
Les rapports de la CNCTR ont déjà souligné le besoin d’améliorer l’accès aux fichiers de souveraineté, pour que le contrôle de cette dernière soit complet sur l’ensemble des dispositions et des pouvoirs des services de renseignement. Il faut que nous puissions avoir confiance en l’action des services de renseignement, eu égard aux prérogatives qui leur sont données pour garantir la sécurité des Français, en étant assurés qu’elles soient mises en œuvre dans des conditions respectant les libertés et l’intimité de chacun.
La CNCTR doit donc être au cœur de nos préoccupations si nous souhaitons pouvoir garantir les libertés. Or un certain nombre de choses ne sont aujourd’hui pas parfaites de ce point de vue et mériteront d’être évoquées lors de la prochaine loi sur le renseignement – nous avions déjà déposé certains amendements sur le sujet.
Enfin, il y a la question de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2020, sur renvoi du Conseil d’État. Ce n’est pas nouveau, il y avait déjà eu l’arrêt Tele2 en 2016. Il est paradoxal de constater que la Cour de justice a rendu son arrêt sur le fondement de la compétence de l’Union européenne, alors que l’article 4.2 du traité sur l’Union européenne prévoit pourtant que les questions de sécurité nationale ne relèvent pas des compétences de l’Union. Il serait peut-être nécessaire que la sécurité nationale puisse, dans une certaine mesure, devenir une compétence partagée, sans quoi cela poserait problème. Il faut donc probablement réfléchir à une évolution du droit européen, car nous pouvons regarder comment les choses peuvent se faire à droit européen constant, même s’il n’est pas évident que cela soit possible.
Sur ce qui reste en discussion, vous l’avez compris, nous soutiendrons des dispositions qui assurent le fait que les mesures actuelles puissent perdurer, en particulier parce qu’elles répondent aux besoins de contrôle des individus sortant de prison, mais nous refuserons que cela se fasse sans un contrôle parlementaire renforcé. Tel est ce que nous demanderons à travers nos amendements.
M. le président. Il faut conclure !
M. Jean-Yves Leconte. De l’adoption de ces amendements dépendra le sens de notre vote. (M. Guy Benarroche, Mme Esther Benbassa et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Dany Wattebled.
M. Dany Wattebled. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme beaucoup de pays en Europe, la France fait face depuis de nombreuses années à une menace terroriste d’une particulière gravité. Nos forces de sécurité sont à pied d’œuvre pour empêcher la réalisation de cette menace, nous saluons leur engagement. Malheureusement, et malgré leur travail, le risque ne peut jamais être totalement éliminé. Dernièrement, la France a ainsi été frappée à Conflans-Sainte-Honorine et à Nice. Nous saluons la mémoire des victimes.
La vague de haine qui a traversé certains pays à l’occasion de la publication des caricatures laisse penser que cette menace terroriste ne va pas diminuer avec le temps, bien au contraire. Pour assurer la sécurité des Français, nous devons nous attaquer aux multiples racines de la mouvance terroriste. Le projet de loi confortant le respect des principes de la République sera l’occasion d’apporter une réponse aux aspects idéologiques de la menace.
Le texte que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture participe ainsi à la lutte contre le terrorisme. Il consiste en effet à proroger plusieurs dispositions, intéressant notamment nos services de renseignement. Si elles sont jugées utiles par ceux qui en font usage, ces mesures suscitent néanmoins des inquiétudes s’agissant des risques qu’elles sont susceptibles de faire peser sur les libertés individuelles et publiques. Ces dispositions ont donc été assorties d’un caractère temporaire, afin que leur maintien dans le droit commun soit réexaminé. Le délai fixé à cette occasion expire à la fin du mois.
Nous regrettons que la commission mixte paritaire n’ait pas pu aboutir, dans la mesure où les positions défendues par chacune des deux assemblées du Parlement sont proches. Un consensus sur l’utilité des mesures en cause semble en effet se dessiner. La commission des lois a ainsi pu rappeler que, malgré l’échec de la commission mixte paritaire, le Sénat et l’Assemblée nationale n’ont pas de divergence sur le fond. La question qui demeure est celle de savoir s’il convient d’envisager une simple prorogation de ces dispositions ou bien s’il convient de les entériner sans attendre.
La crise sanitaire a bouleversé le calendrier parlementaire : le projet de loi sur les mesures de lutte contre le terrorisme n’a pas pu être présenté au Parlement l’été dernier. Si la crise sanitaire bouleverse le calendrier parlementaire, elle ne freine cependant pas la menace terroriste, comme l’a tristement rappelé l’actualité récente. C’est en ce sens qu’il nous apparaît important de soutenir la position défendue par notre rapporteur. Le groupe Les Indépendants considère en effet que l’urgence de la menace nous commande d’intégrer les ajustements proposés par le texte de la commission.
Nous attendons avec impatience de pouvoir examiner, dans les meilleurs délais, un texte plus complet sur les mesures de lutte contre le terrorisme. Ces sujets sont cruciaux pour la sécurité de nos concitoyens, mais aussi pour leurs libertés.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’objectif de ce texte est, dans la continuité de la loi SILT de 2017, de proroger dans le droit commun des mesures d’exception, actuellement appliquées à titre expérimental.
Ces dispositions, attentatoires aux libertés individuelles, ainsi qu’au respect de la vie privée, revêtaient pour l’heure un caractère temporaire. En 2017, le législateur avait ainsi estimé raisonnable de limiter leur application au 31 décembre 2020. L’échéance arrivant à son terme, l’exécutif s’est tout naturellement saisi de cette question. Deux choix s’offraient à lui : l’abrogation, si la représentation nationale estimait que ces dispositifs n’avaient pas fait leurs preuves ; leur pérennisation si, au contraire, l’efficacité de telles mesures pour la sûreté de nos concitoyens avait été démontrée.
À ces options légitimes, le Gouvernement a préféré une troisième voie, la prorogation de ces dispositifs, estimant que la crise sanitaire pourrait être de nature à biaiser les discussions parlementaires. Le Gouvernement ayant décidé d’engager la procédure accélérée, il a de fait privé le législateur d’un débat parlementaire sérieux et éclairé.
Ainsi est-il proposé à l’article 1er de proroger de sept mois les dispositions de la loi SILT conférant à la police administrative des pouvoirs selon nous trop importants, notamment ceux de déclarer la fermeture temporaire des lieux de culte, d’ordonner des mesures individuelles de contrôle et de surveillance, ainsi que de réaliser des visites domiciliaires.
Dans son article 2, le projet de loi prévoit une prorogation similaire de l’expérimentation des algorithmes votée en 2015 et prolongée en 2017. Ceux-ci permettent notamment de détecter les menaces terroristes via les réseaux internet et de téléphonie mobile.
En première comme en nouvelle lecture, le Sénat a souhaité non pas proroger, mais pérenniser les mesures prévues à l’article 1er. Cette décision n’a semble-t-il pas fait l’unanimité en commission mixte paritaire, puisque celle-ci n’a pas été conclusive. Pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, ni la pérennisation, par ailleurs rétablie en commission des lois par M. le rapporteur, ni la prorogation ne sont des solutions dans la mesure où nous nous opposons à l’intégration dans le droit commun de ces mesures de police administrative, qui ne sont pas anodines.
Comment accepter que la loi française bascule dans une dimension si sécuritaire, faisant la part belle au soupçon, à l’arbitraire, aux dérives, à la stigmatisation par l’administration, au détriment de tout contrôle du juge judiciaire ?
Comment accepter le recours aux algorithmes, alors que, entre 2017 et 2018, ceux-ci n’ont permis d’identifier que dix personnes à risque et alors qu’aucune d’elles ne présentait un danger sérieux pour la sécurité nationale ?
En l’attente de dispositifs algorithmiques plus sophistiqués, susceptibles de nous apporter des résultats plus probants, il est préférable que nous privilégiions la dotation massive de nos services de renseignement en moyens humains et financiers.
Alors que ces mesures n’ont fait l’objet ni d’un réel débat démocratique ni de bilans sérieux, elles ne sauraient être ni prorogées ni pérennisées. Pour ces raisons, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera, comme en première lecture, contre ce texte. (Mme Éliane Assassi et M. Guy Benarroche applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sur proposition de notre rapporteur, nous sommes réunis aujourd’hui dans l’objectif de rétablir le projet de loi qui nous est soumis dans sa version adoptée par le Sénat en première lecture. En effet, la mission de contrôle et de suivi de mise en œuvre de la loi SILT créée ici au Sénat a révélé tant la pertinence que l’efficacité des dispositions issues de cette loi dès le mois de février dernier. Or les députés ont fait le choix de se limiter à une prorogation sèche de ces mesures. Les derniers attentats perpétrés sur notre sol montrent pourtant que l’urgence demeure vive en la matière. De nos lieux de culte à nos écoles, il n’existe plus de sanctuaire à l’abri de la menace islamiste.
Selon les dernières données du ministère de l’intérieur, 294 mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance ont été prises jusqu’au mois de juin dernier, dont 63 sont aujourd’hui en vigueur. Par ailleurs, 167 visites ont été réalisées depuis le 1er novembre 2017. Ces chiffres témoignent du niveau encore élevé de la menace. De plus, quelque 60 % des Français partis faire le djihad entre 1986 et 2011 en Afghanistan, en Bosnie ou en Irak ont récidivé à leur tour, selon une récente étude du Centre d’analyse du terrorisme.
Mes chers collègues, un islamiste engagé dans une action violente a toutes les chances de récidiver, nous le savons tous maintenant. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que le Gouvernement est en train de perdre une occasion d’aller plus loin et d’agir plus fortement dans la lutte contre le terrorisme islamiste alors même que nous n’avons pas de divergences de fond.
Concernant la prorogation des dispositions de l’article 1er à l’article 4 de la loi SILT, en lieu et place de la pérennisation que notre rapporteur propose depuis le départ, nous nous disons aujourd’hui encore que, face à un phénomène jusqu’alors inconnu, nous devons utiliser les armes qui ont démontré toute leur pertinence.
Par ailleurs, la reconduction de l’expérimentation de la technique de l’algorithme, dans la perspective d’une réforme plus globale de la loi relative au renseignement, nous semble bienvenue. Le report est justifié par plusieurs décisions récentes de la Cour de justice de l’Union européenne relatives au régime de conservation des données par les opérateurs. L’exécutif a fait savoir que les conséquences de ces décisions n’auraient pas encore été tirées dans le droit national.
Ce report ne doit pas retarder notre lutte en matière antiterroriste. Ne manquons pas l’occasion de donner à ceux qui nous protègent des moyens d’action efficaces. Nous le devons à nos services de renseignement, à nos forces de sécurité intérieure et à l’ensemble des Français.
Pour conclure, je tiens, au nom de tout notre groupe, à remercier notre rapporteur, Marc-Philippe Daubresse, pour l’excellente qualité de son travail.
Pour toutes les raisons évoquées, et en dépit du fait qu’il aurait mieux valu pérenniser dans la loi les mesures plutôt que de les prolonger temporairement, les sénateurs du groupe Les Républicains voteront ce projet de loi, tel qu’il a été amendé par la commission des lois en nouvelle lecture. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
projet de loi relatif à la prorogation des chapitres vi à x du titre ii du livre ii et de l’article l. 851-3 du code de la sécurité intérieure
Article 1er
I. – Le chapitre X du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est abrogé.
II. – Le II de l’article 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme est abrogé.
III. – À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « responsabilité », sont insérés les mots : « et le contrôle effectif ».
III bis. – Après le sixième alinéa de l’article L. 226-1 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La mise en œuvre de ces vérifications ne s’opère qu’en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes. »
IV. – Au premier alinéa de l’article L. 227-1 du code de la sécurité intérieure, après le mot : « culte », sont insérés les mots : « ainsi que des lieux gérés, exploités ou financés, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale gestionnaire d’un lieu de culte qui accueillent habituellement des réunions publiques, ».
V. – L’article L. 228-6 du code de la sécurité intérieure est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions du ministre de l’intérieur mentionnées au premier alinéa du présent article sont précédées d’une information du procureur de la République antiterroriste et du procureur de la République territorialement compétent, qui sont destinataires des éléments permettant de la motiver. Elles sont communiquées, ainsi que les décisions de renouvellement prises sur le fondement du cinquième alinéa, au procureur de la République antiterroriste et au procureur de la République territorialement compétent. »
VI. – Après le I de l’article L. 229-5 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Lorsque les personnes mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 229-2 font obstacle à l’accès aux données présentes sur un support informatique ou sur un équipement terminal présent sur les lieux de la visite, à leur lecture ou à leur saisie, mention est faite au procès-verbal mentionné au même article L. 229-2.
« Il peut alors être procédé à la saisie de ces données, dans les conditions prévues au I du présent article. »
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Par la loi SILT de 2017, le législateur a introduit dans le droit commun des mesures administratives relevant à l’origine de l’état d’urgence. Quatre d’entre elles relevaient d’un régime temporaire : la définition des périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance et les visites domiciliaires.
Ces mesures arrivant à échéance le 31 décembre 2020, un débat parlementaire aurait normalement dû se tenir afin d’évaluer leur pertinence et leur proportionnalité. Faisant fi des principes démocratiques et du devoir d’information du Parlement, le Gouvernement a décidé de proroger ces dispositions, sans véritable évaluation de fond en la matière. La droite sénatoriale est allée encore plus loin, puisqu’elle a décidé, en commission, en première comme en nouvelle lecture, de pérenniser ces mesures en les incorporant définitivement dans le droit commun.
Mes chers collègues, nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle décision. Les dispositifs introduits par la loi SILT donnent à l’administration des pouvoirs exorbitants, qui bafouent les droits de la défense et contournent le contrôle du juge judiciaire.
La sécurité de nos concitoyens est primordiale, mais la lutte contre le terrorisme ne saurait être assurée par le biais de procédures administratives attentatoires aux libertés publiques et individuelles. Cet amendement tend donc à prévoir la suppression de l’article 1er de ce projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement est contraire à la position de la commission, puisque son adoption entraînerait la suppression dans notre ordonnancement juridique des dispositions de la loi SILT, lesquelles, vous le savez, s’autodétruiront à la fin de l’année si nous ne prenons pas de mesures.
Après deux ans de pratique, tous les acteurs que nous avons entendus, qu’ils soient judiciaires ou administratifs, s’accordent sur l’efficacité de ces mesures. Je rappelle par ailleurs à Mme Benbassa que le Conseil constitutionnel a confirmé leur conformité à la Constitution et considéré qu’elles ne portaient pas une atteinte disproportionnée aux droits et aux libertés.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Madame la sénatrice Esther Benbassa, vous proposez de supprimer des mesures qui sont, à notre sens, essentielles pour lutter contre le terrorisme.
Le législateur a veillé à ménager un réel équilibre entre la nécessaire préservation de la sécurité publique face à la menace terroriste et les libertés fondamentales, que vous avez rappelées. Le Parlement y a d’ailleurs scrupuleusement veillé. Le Conseil constitutionnel l’a confirmé et l’utilisation qu’en a fait le Gouvernement l’a démontré. Les autorités de police administrative font un usage de ces mesures qui est adapté et, nous semble-t-il, proportionné à la menace à laquelle nous sommes confrontés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2, présenté par M. Leconte, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Marie, Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au II de l’article 5 de la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, l’année : « 2020 » est remplacée par l’année : « 2021 ».
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.