Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous nous avez exposé des arguments que vous aviez déjà avancés dans votre propos liminaire et qui ne répondent qu’imparfaitement à la question. La première tranche a été fermée en février, mais la seconde l’a été en juin. Or elle représentait tout de même une puissance de 900 mégawatts !
Aujourd’hui, que pouvez-vous répondre sur ce que l’on constate, à savoir un recours accru aux moyens thermiques, puisque, comme vous le savez très bien, les moyens intermittents seuls ne peuvent pas suffire pour assurer une production électrique stable ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Certains s’inquiètent aujourd’hui de la survenue d’un blackout énergétique en France. Cependant, un tel scénario ne pourrait se produire qu’en réunissant plusieurs conditions : d’une part, une forte hausse de la consommation d’électricité, elle-même liée à une baisse durable des températures, et, d’autre part, une absence de vent à même d’empêcher le parc éolien de prendre le relais du parc nucléaire. Le risque me paraît donc limité pour le moment, et je compte sur le Gouvernement pour l’éviter.
Cela étant, je souhaite aborder la question du moyen terme.
Des tensions existent déjà au moment des pics de consommation et pourraient bientôt s’amplifier alors que nos capacités de production nationale disponibles lors de ces pointes risquent de diminuer à l’avenir, puisque quatorze réacteurs nucléaires devront être fermés pour atteindre les objectifs fixés par la PPE : une part du nucléaire ramenée à 50 % dans le mix énergétique français d’ici à 2035. Ces fermetures devraient, en principe, être compensées par un recours accru aux énergies renouvelables. Néanmoins, il est douteux qu’il puisse s’agir d’une compensation complète et efficace, car ces sources d’énergie sont par nature intermittentes et produisent moins que le nucléaire.
Ajoutons à cette équation le fait que la RE 2020 restreindra de fait l’utilisation du gaz dans les logements neufs, ce qui conduira au retour du chauffage électrique, au risque de solliciter encore plus nos capacités de production d’électricité.
Par conséquent, madame la secrétaire d’État, comment pensez-vous concilier, demain, la baisse de la ressource électrique disponible au moment des pics de consommation et l’augmentation plus que probable de la demande en électricité, sans risquer des blackouts hivernaux répétés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Saint-Pé, la politique énergétique du Gouvernement permettra de disposer d’un système électrique plus diversifié et donc plus résilient face aux aléas.
La tension sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustre bien le risque que présente un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix est liée au programme de fermeture des réacteurs comme au développement des énergies renouvelables, ambitieux, mais progressif et qui ne met pas en péril la sécurité de l’approvisionnement.
Il s’agit d’un constat appuyé sur des analyses techniques approfondies menées par RTE, intégrant les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un très grand nombre de situations, notamment les aléas météorologiques et ceux qui concernent les moyens de production, comme les retards de maintenance.
S’agissant de la RE 2020, elle s’applique à des logements neufs, dont la consommation est donc faible, car ils sont bien isolés. Nous menons en outre une politique très volontariste de rénovation des bâtiments existants pour limiter les besoins en chauffage et favoriser le développement de solutions peu consommatrices d’énergie, comme les pompes à chaleur. La géothermie et les réseaux de chaleur décarbonés sont évidemment encouragés. Il n’est ainsi pas anticipé d’augmentation de la consommation électrique dans les prochaines années.
Concernant les évolutions au-delà de 2035, le ministère de la transition écologique a demandé à l’AIE et à RTE une étude sur les enjeux liés à l’intégration massive d’énergies renouvelables variables dans le système électrique. Les résultats sont très encourageants et doivent être publiés sous peu. Une analyse plus détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050 doit être publiée à la mi-2021 par RTE, dans le cadre de son bilan prévisionnel de long terme. Ces études permettront de prendre des décisions éclairées sur l’évolution de notre mix après 2035, en toute connaissance de ces différents enjeux, y compris en matière de sécurité d’approvisionnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Le spectre du blackout hante régulièrement les colonnes de nos médias et participe de peurs collectives récurrentes. Pour cette année, le risque semble contenu, même si l’accident demeure toujours possible.
Le rôle du politique, en ces moments d’inquiétude pour l’opinion, n’est pas d’attiser les peurs, mais de tenter d’éclairer nos concitoyens sur la réalité du risque et, surtout, d’œuvrer à une réponse collective.
L’orientation qui tend à réduire de façon significative la part des énergies fossiles dans notre production électrique doit être poursuivie et prolongée, en veillant particulièrement à réduire le CO2, principal responsable du réchauffement climatique. La réduction des énergies fossiles concerne également l’énergie nucléaire, laquelle présente toutefois l’avantage de ne pas émettre de CO2.
On nous dit que le grand carénage en cours des centrales nucléaires, nécessaire pour répondre à l’impératif de sécurité et de sûreté, a pris du retard avec la pandémie. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous fournir des indications plus précises sur le calendrier projeté ?
Je souhaite également revenir sur la RE 2020, laquelle prévoit une sortie rapide des énergies fossiles excluant progressivement les chaudières à gaz et au fioul. Si l’on en croit une étude de RTE et de l’Ademe sur le sujet, cela pourrait conduire à un accroissement significatif de la part de chauffage électrique, générant une tension accrue sur le réseau en période de pointe. Le Gouvernement entend-il avancer dans les voies suggérées par l’Ademe à ce sujet ? Comment réduire sensiblement ce risque accru de tension du réseau avec la montée en charge du chauffage électrique, notamment des pompes à chaleur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Blatrix Contat, vous en appelez à une réponse collective. Je vous en remercie, car il est bon que les objectifs soient partagés.
Nous avons un objectif commun de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est également nécessaire de ne pas recourir aux énergies fossiles davantage qu’actuellement. Par ailleurs, nous devons poser des limites à la production nucléaire. Le calendrier des travaux de maintenance prévus pour 2021-2022 a effectivement glissé du fait des aléas climatiques que nous avons connus cet été et des difficultés liées à la crise sanitaire que nous venons de traverser. Il est toutefois prévu que les visites décennales, dont les calendriers s’étalent sur de grands tableurs que je ne vais pas détailler, retrouvent leur rythme habituel.
Ces tensions sur les réseaux démontrent la nécessité de parvenir à une plus grande sobriété, notamment énergétique – c’est une des clés. Nous y travaillons au travers du grand plan de rénovation énergétique des bâtiments que nous déployons. Celui-ci vise notamment à favoriser des modes de chauffage moins énergivores, plus efficaces et donc plus sobres en termes de consommation énergétique. Ce plan doit nous amener à une consommation relativement stable qui nous permette de déployer ce nouveau mix énergétique en toute sécurité.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger.
M. Christian Klinger. Le 25 novembre dernier, dans le cadre d’une question d’actualité au Gouvernement, j’alertais sur la situation de tension que pourrait rencontrer le réseau électrique cet hiver. Le ministre Jean-Baptiste Djebbari avait assuré à la représentation nationale que la situation était sous contrôle et qu’il n’y aurait pas de coupure d’approvisionnement.
Or, vendredi dernier, RTE a publié un communiqué incitant les Français à réduire leur consommation pour éviter tout risque de coupure d’électricité. Ce communiqué précise qu’en cas de difficultés d’approvisionnement RTE peut avoir recours à des coupures tournantes. Cette situation intervient alors que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont été fermés en 2020, engendrant une perte de 1 800 mégawatts.
Dans son communiqué, RTE indique qu’une économie de 600 mégawatts permet de disposer d’une marge de manœuvre sur le réseau. Or un réacteur de la centrale de Fessenheim produit 900 mégawatts.
D’après les données de RTE, ces derniers jours, nous avons eu recours au charbon de manière accrue, puisque, en moyenne, 3 % de notre production en était issue, et nos importations d’électricité ont été bien plus importantes que la normale.
Madame la secrétaire d’État, au vu de l’ensemble de ces éléments, le Gouvernement n’a-t-il pas fermé la centrale de Fessenheim trop tôt, c’est-à-dire avant la mise en route de l’EPR de Flamanville ?
En février, la France devrait connaître une vague de froid. Pouvez-vous de nouveau nous assurer que nous serons capables de faire face à cet hiver et aux hivers prochains ?
Estimez-vous que votre stratégie énergétique est durable alors que nous émettons beaucoup plus de CO2 en ayant recours au charbon, au fioul et au gaz ? Ne pensez-vous pas que votre stratégie, qui conduit à un recours accru aux importations d’électricité, notamment produite avec du gaz et du charbon, remet en cause l’indépendance énergétique de la France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Klinger, dans le cadre des lois adoptées en 2015 et 2019, nous avons fixé des objectifs de décarbonation, d’efficacité énergétique et de diversification du mix énergétique avec les EnR. À terme, en 2035, notre production d’électricité sera issue pour environ 40 % des EnR et pour 50 % du nucléaire, ce qui conduira à la fermeture de certains réacteurs parmi les plus anciens.
Comme vous l’avez rappelé, les deux réacteurs de Fessenheim ont été fermés en février puis en juin 2020 dans le cadre d’un processus qui avait été engagé en 2019 et qui était absolument irréversible, puisque les travaux de sûreté n’avaient pas été effectués et qu’EDF ne disposait pas du combustible nécessaire.
La situation que nous connaissons aujourd’hui résulte d’abord d’une disponibilité moindre du parc nucléaire du fait de différents problèmes de maintenance liés notamment à la crise sanitaire.
Vendredi dernier, alors même que les températures étaient inférieures de quatre degrés aux normales saisonnières, nous avons in fine consommé seulement 87 gigawatts, soit beaucoup moins que prévu. Autrement dit, nous étions loin d’activer les mesures exceptionnelles que j’ai précédemment évoquées. Nous agissons donc en toute sérénité quant à ce risque de rupture d’approvisionnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Il est vrai que les consommations sont moindres que celles qui étaient prévues. Or vous n’êtes pas sans savoir que la France connaît une situation économique particulière : les entreprises ne tournent pas à plein régime, ceci expliquant cela…
Pour rester très factuel, le site « éCO2mix » de RTE – vous le connaissez aussi bien que moi – indique que nous consommons actuellement 1 981 mégawatts produits par le charbon. Si les réacteurs de Fessenheim étaient encore ouverts, nous en aurions fait l’économie en produisant autant d’électricité décarbonée.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Christian Klinger. Les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Stéphane Piednoir. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. En novembre dernier, en plein confinement, Mme la ministre de la transition écologique affirmait dans les médias qu’il n’y aurait pas de blackout énergétique cet hiver, en prenant soin toutefois de préciser que des mesures de régulation étaient prévues. Elles sont très simples : les Français vont devoir se rationner. C’est ce que RTE a annoncé jeudi dernier face à la vague de froid qui touche notre pays et à la hausse attendue de la consommation d’électricité.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer ce que nos concitoyens doivent faire lorsqu’ils ont besoin à la fois de se chauffer et de télétravailler ? Comment doit s’effectuer leur choix ?
En vérité, cette situation n’est que le résultat de l’imprévoyance du Gouvernement, qui s’apprête à fragiliser notre souveraineté énergétique avec son projet Hercule.
Les épisodes de confinement qui ont marqué l’année 2020 et qui menacent de se poursuivre encore en 2021 ont fortement sollicité le secteur énergétique. Si le premier confinement a entraîné une baisse relative de la consommation électrique en raison de la saison et de la baisse d’activité globale, une hausse de 4 % de la consommation électrique des ménages a été enregistrée durant celui de novembre.
Ces épisodes ont par ailleurs considérablement retardé les opérations de maintenance des centrales nucléaires d’EDF. Je rappelle que, si la France a pour objectif louable de diversifier son mix énergétique, les énergies renouvelables sont encore trop intermittentes pour remplacer le nucléaire, qui assure 70 % de nos approvisionnements énergétiques. Or l’année 2020 a vu sa production chuter drastiquement pour la première fois depuis trente ans. EDF avait prévenu au printemps que ce retard pourrait fragiliser notre production d’électricité pour certains mois de l’année. Nous y sommes, précisément. Comme cela est devenu habituel avec ce gouvernement, la seule solution envisagée est de faire payer aux Français le prix de son imprévoyance en exigeant d’eux qu’ils réduisent leur consommation.
Risque de surconsommation électrique, d’augmentation du coût des énergies, de conséquences sociales importantes pour les populations déjà durement touchées par le chômage partiel ou la cessation d’activité : quels dispositifs avez-vous prévus pour répondre à tous ces enjeux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, restons mesurés : il n’est bien sûr pas question de rationner les ménages. Cela étant dit, il est tout à fait imaginable que certains d’entre nous choisissent en conscience d’observer une forme de sobriété.
M. Fabien Gay. Oui, les plus pauvres…
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Toutefois, la précarité énergétique peut entraîner de réelles difficultés. Comme vous le savez, nous proposons de nombreux dispositifs pour aider les ménages concernés à se chauffer et à bénéficier d’un habitat digne. Ces aides existent.
Je crois que nous partageons le souci de la nécessaire maîtrise de notre dépense énergétique. S’il n’est évidemment pas question de priver les Français d’un quelconque confort énergétique, chercher à se rassurer en surdimensionnant notre approvisionnement quand cela n’est pas nécessaire aurait des effets néfastes au plan tant environnemental qu’économique. Or, pour l’heure, ces craintes sont infondées.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. J’ai du mal à être convaincu par vos arguments, madame la secrétaire d’État. Si le Gouvernement s’était montré prévoyant, RTE n’aurait pas besoin d’exiger un rationnement de la part des consommateurs. Dans un contexte aussi dur socialement et économiquement que celui que nous traversons, il est injuste de réclamer encore de nouveaux sacrifices aux Français, surtout lorsque ces sacrifices concernent les droits élémentaires à se chauffer et à travailler.
À cet égard, le projet Hercule est une épée de Damoclès qui fragilisera et déstructurera notre modèle énergétique, ce qui, au regard des enjeux en termes de souveraineté, n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont.
Mme Françoise Dumont. Le 19 novembre dernier, la ministre de la transition écologique évoquait la possibilité de très courtes coupures de courant durant l’hiver en cas de grosse vague de froid. Elle ne possède pourtant pas de boule de cristal… Elle anticipait simplement son annonce suivante en date du 24 novembre lors de la présentation des principales orientations de la nouvelle réglementation pour la construction des bâtiments neufs, la RE 2020, à l’occasion de laquelle elle indiquait en filigrane la disparition à moyen terme du chauffage au gaz pour les constructions neuves en fixant un seuil d’émissions de CO2 tellement bas qu’il rendrait presque impossible son installation dans les maisons individuelles à partir de l’été 2021 et pour les logements collectifs à partir de 2024.
Ce sont donc désormais presque uniquement des systèmes de chauffage électrique qui seront installés dans tous les futurs logements neufs, accentuant ainsi la tension sur notre système de production d’électricité durant les mois d’hiver. Cela alors qu’il y a presque un an, comme nous le rappelait justement notre collègue Christian Klinger, le Gouvernement fermait la centrale nucléaire encore opérationnelle de Fessenheim, ce qui se traduit désormais par l’émission de 10 millions de tonnes de CO2 supplémentaires en Europe par an.
Mais rassurons-nous, mes chers collègues, le 4 décembre, le Président de la République assurait lors de son interview à Brut : « Moi, j’assume à fond. Je crois dans l’écologie, je suis pour qu’on soit parmi les champions de la lutte contre le réchauffement climatique. Si on veut réussir, ça veut dire qu’on doit être meilleur encore sur le nucléaire. » Une position réaffirmée le 8 décembre sur le site de Framatome au Creusot.
« Il faut que nous considérions un homme non pas tel qu’il se fait voir par ses discours mais tel qu’il se montre par ses actes », disait Saint-Hilaire. Je vous laisse seuls juges, mes chers collègues.
Madame la secrétaire d’État, comment pouvez-vous assurer clairement à la représentation nationale qu’il n’y aura pas à l’avenir de blackout énergétique en France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Dumont, l’analyse de l’équilibre offre-demande qui est effectuée de manière prospective par RTE au travers de ses bilans prévisionnels n’indique pas – je le répète – de risque de blackout.
Plusieurs mesures sont par ailleurs à la disposition du gestionnaire de réseau RTE pour répondre aux pics de consommation que nous pouvons connaître du fait des aléas, notamment climatiques. Le Gouvernement a pris différentes mesures pour accroître leur disponibilité, qu’il s’agisse de l’effacement ou de l’interruptibilité.
Pour le long terme, des études sont en cours, entre autres avec l’AIE et RTE, pour fixer les enjeux de notre mix après 2035 – les parlementaires y seront bien évidemment associés –, ce qui permettra de définir des stratégies d’investissement dans la production, le réseau, le stockage sans oublier la maîtrise de la demande, en tenant compte des enjeux de sécurité d’approvisionnement.
Concernant la RE 2020, un travail fouillé est conduit pour affiner les détails des obligations – leur niveau et leur date d’entrée en vigueur. L’amélioration de la performance des bâtiments permettra de déployer des dispositifs de chauffage moins carbonés comme les pompes à chaleur hybrides au gaz et les réseaux de chaleur décarbonés. Il n’est pas question de déployer les grille-pain que nous avons pu connaître en d’autres temps. L’étude menée par l’Ademe et RTE montre qu’avec des bâtiments neufs ou existants bien isolés équipés de pompes à chaleur nous parvenons tout à fait à passer ces pics de consommation.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Dans la loi Énergie-climat, le Parlement a voté la fermeture des centrales à charbon à l’horizon de 2022. Or, depuis le mois de septembre, la France a relancé la production de ses quatre centrales à charbon fortement émettrices de CO2 pour compenser en partie l’arrêt des réacteurs de Fessenheim et le manque de vent pour les éoliennes. Depuis septembre aussi, du fait de l’arrêt de cette centrale nucléaire, il arrive à EDF de devoir importer très cher de l’électricité produite au gaz ou au lignite en Allemagne. Ainsi, hier, pendant vingt-quatre heures, la France a importé l’équivalent de six tranches nucléaires.
Ces mesures successives et l’intermittence hivernale de l’éolien et du solaire, presque absents de la production électrique française, mettent en danger notre réseau. S’ajoutant à l’incapacité d’EDF de tenir les délais de livraison du futur réacteur de Flamanville, ces difficultés fragilisent la sécurité de l’approvisionnement électrique.
Jeudi dernier, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, RTE, a demandé aux Français de réduire leur consommation d’électricité face à un risque de tension sur notre réseau. Le risque de coupure chez les particuliers n’est pas un acte banal : la France ne saurait s’y habituer.
Face au risque d’instabilité de notre réseau électrique dû à notre dépendance envers les autres pays européens et à nos orientations énergétiques, quel est le nouveau calendrier pour la mise en service du futur réacteur de l’EPR de Flamanville ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Sido, le Gouvernement porte une attention particulière au calendrier de mise en service de ce réacteur.
Les essais à chaud se sont terminés en février 2020. Les premiers assemblages de combustible ont été approvisionnés en octobre pour être entreposés, et le processus de remise à niveau des soudures situées sur le circuit secondaire se poursuit, le scénario de reprise des soudures de traversées de l’enceinte étant en cours d’examen par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire).
Malgré la crise sanitaire, EDF n’a pas fait connaître de modification de son objectif de chargement de combustible fin 2022. Selon toute vraisemblance, l’EPR devrait être opérationnel en 2023.
M. François Bonhomme. Félicitations !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais, à vrai dire, dans le raisonnement que vous avez développé depuis le début de ce débat et dans toutes les réponses que vous avez données, vous faites comme s’il n’y avait jamais d’incident. Permettez-moi de rappeler que, dans la soirée du 4 novembre 2006, 15 millions de foyers ont été privés d’électricité, dont 5,6 millions en France, du fait d’un incident en Allemagne. Cela a conduit le Sénat à constituer une mission commune d’information, que j’ai présidée, sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Je vous invite à relire l’intéressant rapport qui a été rédigé, en particulier les propositions très concrètes qui y sont formulées afin d’éviter ce type d’incident.
Les accidents sont par définition rarement prévisibles. Or si nous avons surmonté cette crise en 2006, c’est parce que nous avions des capacités disponibles pour y répondre. Aujourd’hui, nous n’en avons plus. Comment ferez-vous en cas d’incident ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Je souhaite tout d’abord saluer notre collègue Daniel Gremillet, qui a demandé la tenue de ce débat, pour sa perspicacité. En effet, après les événements de la fin de la semaine dernière, ces échanges arrivent à point nommé.
Nous partageons tous l’objectif de consommer moins d’énergie et de la consommer mieux, en particulier quand elle est d’origine fossile. Si la demande faite aux Français de réduire leur consommation était sans doute nécessaire compte tenu des ressources disponibles, elle résonne avant tout comme un aveu d’échec, ou en tout cas d’impuissance à réguler les flux de notre mix énergétique au sujet duquel les orateurs précédents sont intervenus.
Au moment où nous nous orientons fortement et positivement vers une économie décarbonée reposant sur le tout-électrique – dans les transports, dans le bâtiment et pour faire face aux besoins croissants du numérique, comme nous le verrons dans quelques minutes lors de l’examen de la proposition de loi de Patrick Chaize –, il me paraît nécessaire d’aborder sans dogmatisme la question de l’origine de l’énergie indispensable au fonctionnement de notre pays dans tous ses usages.
Les Françaises et les Français n’ont pas à subir les atermoiements successifs des décideurs publics et les conséquences des décisions arbitraires – parfois démagogiques – qui nous ont conduits à cette situation potentielle. Cela ne serait pas digne d’un grand pays comme le nôtre. Du bon sens, du réalisme, du pragmatisme, une vision : tel est mon vœu à l’aube de cette nouvelle année, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Mandelli, je partage votre vœu de résilience, de sobriété et d’intelligence dans la construction de nos réponses. Celles-ci ne sont sans doute pas uniformes. En tout cas, leur construction requiert notre travail collectif, car nous avons la responsabilité de trouver des solutions pour les générations futures.
La politique énergétique du Gouvernement permettra un système électrique plus diversifié. C’est une des clés de la résilience face aux aléas que nous ne connaissons malheureusement que trop aujourd’hui. Les tensions sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustrent le risque d’un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix passe en particulier par le programme de fermeture de réacteurs nucléaires et le développement d’énergies renouvelables. Ces mesures doivent être ambitieuses mais progressives afin de ne pas mettre en péril la sécurité d’approvisionnement à laquelle nous sommes attachés.
Ce constat s’appuie sur des analyses techniques approfondies, menées notamment par RTE, qui intègrent les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un grand nombre de ces situations. Au-delà de 2035, une étude menée par l’AIE et par RTE devra nous éclairer sur les investissements que nous devrons envisager.
Les perspectives sont plutôt encourageantes. L’analyse détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050, qui sera publiée dans le courant de l’année 2021 par RTE dans le cadre de son bilan prévisionnel, doit nous donner les grands axes de sécurisation de ce mix énergétique et de notre sécurité d’approvisionnement.
Concernant la question essentielle de la décarbonation, RTE a estimé que le parc solaire et éolien a permis d’éviter en 2019 l’émission de 22 millions de tonnes de CO2 au niveau européen, soit les émissions annuelles d’environ 12 millions de véhicules. Le développement des EnR nous permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre.