Sommaire
Présidence de Mme Laurence Rossignol
Secrétaires :
Mmes Esther Benbassa, Jacqueline Eustache-Brinio.
3. Risque de blackout énergétique. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains
M. Pierre Médevielle ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Pierre Médevielle
M. Thomas Dossus ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Thomas Dossus
Mme Nadège Havet ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
5. Risque de blackout énergétique. – Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Débat interactif (suite) :
M. Jean-Claude Requier ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Fabien Gay ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Jean-François Longeot ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Franck Montaugé ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Franck Montaugé.
Mme Christine Lavarde ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; Mme Christine Lavarde.
Mme Denise Saint-Pé ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
Mme Florence Blatrix Contat ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Christian Klinger ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Christian Klinger.
M. Christian Redon-Sarrazy ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Christian Redon-Sarrazy.
Mme Françoise Dumont ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité.
M. Bruno Sido ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Bruno Sido.
M. Didier Mandelli ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Didier Mandelli.
M. Philippe Mouiller ; Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité ; M. Philippe Mouiller.
M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains
6. Montagne. – Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains
M. Guillaume Gontard ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Guillaume Gontard.
M. Bernard Buis ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Bernard Buis.
M. Jean-Yves Roux ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Cécile Cukierman ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Loïc Hervé ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Loïc Hervé.
Mme Viviane Artigalas ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Viviane Artigalas.
Mme Dominique Estrosi Sassone ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Dominique Estrosi Sassone.
M. Pierre Médevielle ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Pierre Médevielle.
M. Jean-Michel Arnaud ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Jean-Jacques Michau ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; M. Jean-Jacques Michau.
M. Laurent Duplomb ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Florence Blatrix Contat ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Sylviane Noël ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité ; Mme Sylviane Noël.
M. Cédric Vial ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
Mme Martine Berthet ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Michel Savin ; M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité.
M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains
Suspension et reprise de la séance
7. Réduction de l’empreinte environnementale du numérique. – Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
Clôture de la discussion générale.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire
Amendement n° 46 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 4 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 47 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Amendement n° 25 de M. Guillaume Gontard. – Rejet.
Adoption de l’article.
8. Modification de l’ordre du jour
Suspension et reprise de la séance
9. Réduction de l’empreinte environnementale du numérique. – Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Articles additionnels après l’article 3
Amendement n° 29 rectifié de Mme Florence Blatrix Contat. – Rejet.
Amendement n° 45 de M. Jacques Fernique. – Rejet.
Amendement n° 48 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article additionnel après l’article 4
Amendement n° 28 de Mme Florence Blatrix Contat. – Rejet.
Amendement n° 61 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 5 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Adoption de l’article.
Amendement n° 49 rectifié de M. Éric Gold. – Rejet.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 11
Amendement n° 19 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 22 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Retrait.
Amendement n° 21 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 18 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 60 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 11 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 12
Amendement n° 43 de M. Jacques Fernique. – Retrait.
Amendement n° 32 de M. Hervé Gillé. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 6 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.
Adoption de l’article.
Amendement n° 7 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.
Adoption de l’article.
Articles additionnels après l’article 14
Article 14 bis (nouveau) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 14 bis
Amendement n° 30 de Mme Florence Blatrix Contat. – Rejet.
Amendement n° 20 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 3 de M. Ronan Dantec. – Rejet.
Amendement n° 27 rectifié bis de Mme Nadia Sollogoub. – Rejet.
Adoption de l’article.
Amendement n° 2 de M. Cédric Perrin. – Rejet.
Amendement n° 54 rectifié de M. Hervé Maurey. – Rejet.
Amendement n° 59 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 1 de M. Cédric Perrin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 16
Amendement n° 38 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 39 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 40 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 35 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 34 de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Amendement n° 52 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Retrait.
Amendement n° 13 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 17
Amendement n° 55 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – Rejet.
Amendement n° 14 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 16 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel avant l’article 21
Amendement n° 17 de Mme Marie-Claude Varaillas. – Rejet.
Amendement n° 50 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Adoption.
Amendement n° 26 rectifié bis de Mme Nadia Sollogoub. – Retrait.
Amendement n° 23 de M. Cédric Perrin. – Rejet.
Adoption de l’article modifié.
Article 21 bis (nouveau) – Adoption.
Amendement n° 51 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Amendement n° 51 de Mme Anne-Catherine Loisier. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 24
Articles 25 et 26 (nouveaux) – Adoption.
Articles additionnels après l’article 26
Amendement n° 9 rectifié de M. Éric Gold. – Retrait.
Amendement n° 33 de M. Franck Montaugé. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié de M. Gilbert-Luc Devinaz. – Rejet.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Laurence Rossignol
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Esther Benbassa,
Mme Jacqueline Eustache-Brinio.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 17 décembre 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Décès d’anciens sénateurs
Mme la présidente. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues Paul Loridant, qui fut sénateur de l’Essonne de 1986 à 2004, et James Bordas, qui fut sénateur d’Indre-et-Loire de 1992 à 2001.
3
Risque de blackout énergétique
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur le risque de blackout énergétique.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Daniel Gremillet, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Daniel Gremillet, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes meilleurs vœux pour 2021.
Vendredi dernier, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité, dont l’une des missions est d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité, a activé « le signal rouge » au niveau national. RTE a incité les Français « à réduire leur consommation d’électricité en appliquant des éco-gestes ».
Cet épisode témoigne de la grande vulnérabilité dans laquelle nous nous trouvons cet hiver. En réalité, il n’a rien d’étonnant ! Il est d’ailleurs probable qu’il se réitère, avec des conséquences peut-être plus graves, d’ici à la fin mars. Pourtant, si le Sénat avait été entendu plus tôt, cet épisode aurait sans doute pu être évité.
Depuis bientôt un an, le secteur de l’énergie, et singulièrement le marché de l’électricité, est entré dans une véritable zone de turbulences. Au-delà de son impact sanitaire, la crise de la covid-19 a de graves répercussions sur notre système énergétique. Cette crise affecte lourdement nos énergéticiens, en particulier EDF, car elle réduit le niveau de la demande et des prix des énergies ainsi que la disponibilité des moyens de production. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), « la crise de la covid-19 et les mesures de confinement qui en ont résulté ont un impact hors du commun sur le système énergétique ».
Dans ce contexte, dès le 11 juin dernier, RTE a anticipé « une situation de vigilance particulière » pour l’hiver 2020-2021. Cette situation sera d’autant plus critique que les conditions météorologiques seront rigoureuses. Elle s’explique essentiellement par « une disponibilité historiquement basse du parc nucléaire ».
Sur les cinquante-huit réacteurs de ce parc, neuf seront arrêtés en février et cinq le seront en mars prochain. En effet, la crise de la covid a entraîné des reports dans le programme d’arrêts de tranche d’EDF, c’est-à-dire des opérations de maintenance des centrales. Par ailleurs, certains réacteurs sont indisponibles pour des raisons liées à leur sûreté : Flamanville, Paluel et le Bugey. Pis, d’autres réacteurs ont été arrêtés pour des considérations politiques : avec la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, en mars et en juin derniers, le Gouvernement a privé la France d’une puissance de production de 1,8 gigawatt, ce qui représente 1 800 éoliennes de 1 mégawatt ou 15 centrales thermiques de 150 mégawatts. Nous n’avons pas fini d’en payer les conséquences !
Cette situation de « vigilance particulière » sera très sensible aux mois de février et de mars prochains, de même que dans le Grand Ouest. Je pense en particulier à la région Bretagne, véritable « péninsule électrique » : le déploiement de la centrale nucléaire de Flamanville n’a pas succédé à l’extinction de la centrale à charbon de Cordemais.
Cette situation perdurera au moins jusqu’en 2023. Notre parc de production d’électricité est désormais « sans aucune capacité supplémentaire ». En effet, avec les fermetures de centrales nucléaires et thermiques, nos moyens de production se sont réduits, sans être compensés par l’essor des énergies renouvelables (EnR) ou des effacements de consommation.
Cette situation se traduira par un recours accru aux centrales thermiques en France, mais aussi à l’étranger. Nous allons dépendre des imports d’énergie de nos voisins européens, à commencer par l’Allemagne, dont – je le rappelle – 40 % de la production d’électricité est de source fossile. C’est regrettable pour notre indépendance énergétique, lorsqu’on sait que la France fut traditionnellement exportatrice d’électricité. C’est regrettable pour nos engagements climatiques, lorsqu’on sait que les trois quarts de notre production d’électricité sont entièrement décarbonés.
Cette situation ne conduira pas à un complet blackout, c’est-à-dire à une coupure d’électricité à l’échelle nationale, mais elle nécessitera l’activation de mécanismes dits « post-marché », comme l’interruption des consommateurs industriels, la baisse de tension sur le réseau et l’appel aux gestes citoyens. Surtout, RTE n’exclut pas des coupures d’électricité « séquencées et contrôlées ». Les Français n’ont donc pas fini d’être sollicités par des appels aux gestes citoyens.
Madame la secrétaire d’État, ces gestes sont sans doute appréciables, mais ils ne font pas une politique énergétique. Les Français sont en droit d’attendre, de la part de leur gouvernement, un diagnostic lucide, des objectifs réalistes et des mesures fortes.
Tout d’abord, le Gouvernement doit poser un diagnostic lucide sur la situation que nous traversons.
Lors de son audition devant la commission des affaires économiques, en novembre dernier, Mme la ministre Barbara Pompili avait indiqué que notre vulnérabilité en matière de sécurité d’approvisionnement était liée à la prépondérance de l’énergie nucléaire dans notre mix électrique. Elle avait affirmé que « 75 % de notre électricité est produite à partir du nucléaire », avant d’ajouter : « Quand il y a un raté sur le nucléaire, on en subit les conséquences. C’est la raison pour laquelle il faut diversifier notre mix électrique, afin d’être moins à la merci de ce genre d’aléas en pouvant faire appel à d’autres types de production d’énergie. »
Pour ma part, je fais le constat exactement inverse : c’est bien plutôt parce que nous n’avons pas suffisamment investi dans l’énergie nucléaire que nous en sommes arrivés à cette situation.
Si les énergies renouvelables doivent être promues – j’en suis le premier convaincu –, elles ne sont pas d’un grand secours pour faire face à la pointe de consommation hivernale, compte tenu de leur intermittence.
Faute d’un soutien suffisant à la filière nucléaire, ce sont aujourd’hui des centrales thermiques, de surcroît étrangères, qui tournent à plein régime, non des panneaux solaires ou des éoliennes, soumis aux aléas climatiques.
Ensuite, le Gouvernement doit fixer des objectifs réalistes pour sécuriser notre approvisionnement.
Dès l’examen du projet de loi Énergie-climat, dont je fus le rapporteur, j’avais regretté le manque d’« anticipation des conséquences de la politique énergétique menée ». Je continue de penser que la fermeture de quatre centrales à charbon, d’ici à 2022, et de quatorze réacteurs nucléaires, d’ici à 2035, aurait dû être davantage évaluée par le Gouvernement, au regard notamment de son impact sur la sécurité d’approvisionnement. En outre, sur l’initiative de la commission des affaires économiques du Sénat, le législateur a adopté un objectif d’au moins 6,8 gigawatts de capacité d’effacement d’ici à 2028, mais le compte n’y est pas : aujourd’hui, cet objectif n’est atteint qu’à un tiers et les capacités ouvertes par les derniers appels d’offres n’ont été remplies qu’au quart.
Ce même souci d’anticipation, pour lequel je plaide, devra présider à l’examen du projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat : il faut se défier des mesures n’ayant pas fait l’objet d’une complète étude d’impact. Ce sujet nous en donne la preuve, et il est essentiel de garder cette réalité à l’esprit. À cet égard, l’interdiction de facto des chaudières à gaz dans les logements neufs, à compter du 1er juillet prochain, issue de la réglementation environnementale 2020, me semble tout à fait prématurée, car insuffisamment évaluée.
Enfin, le Gouvernement doit prendre des mesures fortes en faveur de la sécurité d’approvisionnement.
La commission des affaires économiques n’a cessé d’avancer des solutions, afin que nous puissions maîtriser la consommation d’énergie : l’intensification des appels d’offres en matière d’effacement, le rehaussement du chèque énergie pour les ménages en situation de précarité énergétique, ou encore le renforcement des dispositifs de soutien à la rénovation énergétique, notamment en matière de régulation et de programmation.
Nous avons fait adopter des amendements en ce sens dès le premier collectif budgétaire en mars 2020, mais le Gouvernement n’a conservé aucune de ces solutions de bon sens. Nous avons aussi demandé que le Parlement soit associé aux travaux stratégiques de l’exécutif s’agissant des réformes du marché de l’électricité – je pense en particulier à celles de l’Arenh et du groupe EDF –, mais le Gouvernement nous a opposé une fin de non-recevoir.
Au total, je suis convaincu que l’énergie est un domaine trop important pour être laissé à des décisions hasardeuses et mal calibrées, car mal évaluées : le risque de blackout que nous subissons nous le rappelle aujourd’hui cruellement.
La production d’énergie nucléaire est, en France, un service public, une mission régalienne. En dépendent tout à la fois notre vie sociale, notre vie économique et notre transition écologique. Sans elle, il est illusoire d’espérer atteindre la neutralité carbone à l’horizon de 2050.
Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour garantir la sécurité d’approvisionnement cet hiver et, au-delà, l’avenir d’EDF et du nucléaire dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de vous présenter à mon tour mes meilleurs vœux pour 2021 : nous souhaitons tous que cette année soit celle de la résilience et de l’apaisement pour tous les Français.
Notre pays risque-t-il le blackout électrique ? Notre système de production et d’acheminement d’électricité est-il en mesure de répondre aux pointes de consommation hivernales ? La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim met-elle en danger notre capacité à fournir de l’énergie à toute heure et en tout lieu ? Allons-nous avoir recours aux centrales à charbon pour passer le cap hivernal ? Ce sont autant de questions que les élus du groupe Les Républicains nous invitent à examiner aujourd’hui. Il s’agit là d’un débat légitime ; nous ne faisons pas forcément nôtre leur inquiétude, mais, en tout cas, cette dernière appelle notre attention.
Tout en saluant la tenue d’un tel débat dans cet hémicycle, je ne crois pas – et je vais vous préciser pourquoi – que nous risquions un blackout. Je ne crois pas non plus que la fermeture de Fessenheim menace la stabilité de notre système électrique. Au contraire, je crois que l’accroissement des énergies renouvelables contribue à sécuriser notre approvisionnement électrique et que nous utiliserons de moins en moins nos centrales à charbon. Certes, la situation actuelle exige une vigilance particulière, mais nous sommes prêts à faire face au pic de consommation que nous connaissons.
La vigilance dont il s’agit s’explique, avant tout, par l’impact de la pandémie. Vous le savez, en temps normal, le calendrier de maintenance du parc nucléaire, qui fournit 70 % de notre électricité, est organisé pour maximiser la disponibilité des réacteurs en hiver. Or la crise sanitaire a contraint EDF à revoir le calendrier de certaines opérations de maintenance.
À notre demande, EDF a révisé la planification des arrêts de réacteurs, afin d’améliorer autant que possible la disponibilité du parc en hiver, malgré ces décalages.
En outre, nous avons demandé à RTE de mener des analyses prévisionnelles pour évaluer la sécurité de l’approvisionnement électrique au cours des prochains mois. Les conclusions de ces analyses ont été rendues publiques – vous en avez pris connaissance, j’en suis persuadée – et elles sont rassurantes.
Cet hiver, la situation est plus favorable que nous ne l’escomptions au printemps, du fait de l’optimisation du planning d’arrêt des réacteurs, de la gestion prudente de la production hydroélectrique au cours des derniers mois, qui a permis de constituer un stock supérieur à celui des dernières années, et d’une consommation électrique largement en deçà du niveau habituel à la même époque, en répercussion, malheureusement, des difficultés économiques que traverse notre pays. Je peux donc vous l’assurer : les Français et les Françaises seront approvisionnés sans difficulté. Nous ne risquons aucun blackout. C’est sur le fondement des prévisions de RTE que nous pouvons l’affirmer.
À ce titre, je tiens à saluer l’implication des agents d’EDF et de RTE, qui sont à pied d’œuvre pour que nous soyons correctement approvisionnés. (M. Fabien Gay proteste.) Monsieur le sénateur, je vous certifie que tel est le cas ! C’est seulement dans l’hypothèse d’une vague de froid particulièrement rigoureuse, si les températures devenaient sensiblement inférieures aux normales de saison, de plusieurs degrés en moyenne et pendant plusieurs jours consécutifs, qu’un point de vigilance subsisterait. Même dans ce cas, plusieurs leviers peuvent être actionnés pour assurer la continuité de l’approvisionnement.
Tout d’abord, en collaboration avec certaines entreprises, la consommation peut être réduite : il s’agit de la méthode dite « de l’effacement », utilisée jeudi dernier. À ce titre, le volume disponible est doublé grâce aux mesures mises en œuvre cette année.
Ensuite, la consommation de certains industriels peut être momentanément arrêtée : c’est l’interruptibilité, un dispositif auquel les intéressés souscrivent et pour lequel ils sont rémunérés.
Si cela ne suffit pas, RTE peut diminuer de 5 % sur de courtes périodes la tension sur les réseaux : les effets d’une telle mesure sont quasiment imperceptibles pour les consommateurs.
Enfin – un tel cas de figure reste tout à fait improbable –, en dernier recours, parce que nous sommes aussi préparés aux situations exceptionnelles, nous pourrions tout à fait procéder à des opérations de délestage temporaire du réseau. Il s’agirait alors, en prévenant en amont les personnes concernées, de couper l’alimentation électrique d’un nombre limité de foyers, pour une durée maximale de deux heures, pour protéger l’ensemble du réseau.
Nous ne serons donc en aucun cas confrontés à des situations de blackout, c’est-à-dire à des coupures massives et non contrôlées sur le réseau. La sécurité de notre approvisionnement électrique est tout à fait garantie. (M. Fabien Gay proteste.)
J’en viens à la part du nucléaire dans notre mix électrique.
Monsieur Gremillet, je ne crois pas non plus que la fermeture de Fessenheim augmente le risque pesant sur le réseau électrique.
À cet égard, vous avez évoqué les études d’impact.
Il s’agit bien d’une décision pour partie politique. J’ajoute que le but est d’accroître la résilience de notre mix en garantissant un meilleur équilibre. D’ailleurs, ce sont bien les perturbations du programme de maintenance nucléaire, résultant, soit de la crise sanitaire actuelle, soit des périodes de canicule qui sont la conséquence du réchauffement climatique, qui expliquent le surcroît de vigilance dont nous faisons preuve. À certaines périodes de l’automne, entre cinq et dix réacteurs supplémentaires étaient à l’arrêt par rapport à l’année dernière. Il en sera de même pendant certaines périodes cet hiver.
Les deux réacteurs de Fessenheim n’auraient pas suffi, à eux seuls, à changer la donne. En outre, vous le savez, pour continuer à fonctionner de manière sûre au-delà de cette année, cette centrale aurait exigé des investissements massifs. De lourdes dépenses, pour une contribution faible à l’approvisionnement, auraient donc été engagées au détriment du déploiement d’autres capacités de production et de puissance bien plus importantes.
Le nucléaire demande de la planification – c’est ce qui a présidé à l’arrêt de cette centrale –, et nous poursuivrons en ce sens.
En parallèle, nous utilisons de moins en moins nos centrales à charbon. Les dernières d’entre elles seront arrêtées à l’horizon de 2022, conformément à nos engagements. Nous les employons encore à la marge, comme source d’appoint, pour faire face à des pics de consommation.
Pour la période 2019-2020, l’utilisation de ce moyen de production a été sensiblement plus basse que lors de la période 2015-2018. Ainsi, pendant les mois de septembre et d’octobre 2020, cette production a été deux fois plus faible que pendant les années passées. De plus, pendant la période 2012-2018, nous avons fermé 10 gigawatts de capacités de production à base de charbon et de fioul.
En aucun cas, la fermeture de Fessenheim ne nous conduit à augmenter notre utilisation du charbon. Notre électricité reste, de fait, la plus décarbonée d’Europe, grâce à notre parc nucléaire, grâce au parc hydraulique et au développement des autres énergies renouvelables.
L’épisode actuel nous montre, plus que jamais, la nécessité de diversifier notre mix électrique pour ne pas dépendre d’une seule source d’énergie et pour renforcer la résilience du réseau : tel est notre objectif au travers du développement des énergies renouvelables. C’est tout le sens de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), en vertu de laquelle la part du nucléaire dans notre mix électrique doit être abaissée à 50 % d’ici à 2035.
J’y insiste, les énergies renouvelables contribuent à la sécurité de notre système électrique – les bilans prévisionnels de RTE le confirment – et elles doivent constituer une part croissante de notre mix électrique. L’énergie éolienne a ainsi pu représenter jusqu’au tiers de la production électrique – ce fut le cas le 27 septembre dernier. J’ajoute que cette production est en moyenne plus élevée en hiver, puisque les conditions climatiques s’y prêtent, alors même que la consommation est plus importante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le voyez, nous sommes prêts, et sans crainte, à faire face à cette période hivernale. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. En vertu du cap fixé, la part du nucléaire dans notre mix électrique doit être portée à 50 % en 2035. Qu’il s’agisse d’un véritable changement de stratégie ou d’un simple effet de communication, cette décision ne doit pas nous mener à rouvrir des sites de production d’énergies polluantes ou à importer une énergie carbonée de pays voisins en cas de manque sur notre propre réseau. Le nucléaire fait partie des énergies les moins carbonées et reste la plus stable à notre disposition, même si je crois beaucoup aux possibilités qu’offrent les énergies renouvelables, notamment quand elles sont couplées à un stockage par batterie, comme le solaire le prouve.
Cette décision ne doit pas non plus fragiliser notre réseau face aux nouvelles consommations électriques. À titre d’exemple, en 2035, plus de 15 millions de véhicules électriques pourraient circuler dans l’Hexagone. J’espère que les véhicules à hydrogène bénéficieront alors, eux aussi, d’un maillage suffisant. D’après les chiffres de la Commission de régulation de l’énergie et de RTE, ces millions de véhicules électriques représenteront une consommation annuelle estimée autour de 35 tonnes wattheures, soit environ 7 % de la consommation française globale.
Fort heureusement, ces besoins nouveaux sont compensés par des innovations permettant de réduire la consommation électrique. Néanmoins, il faut aller plus loin : qu’en sera-t-il en cas de pic de consommation et donc de risques de tensions importantes sur le réseau pouvant entraîner un blackout ?
Les véhicules électriques doivent être la solution d’une gestion intelligente du réseau. Ce qu’on appelle le procédé vehicle to grid, autrement dit « de la voiture au réseau », est en train d’émerger. La perspective de piloter la recharge des véhicules électriques est source d’espoir et d’efficacité du réseau.
Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous de faciliter l’expérimentation et le développement du pilotage de la recharge des véhicules électriques, dont le potentiel d’innovation pourrait rendre notre réseau plus flexible et prévenir d’éventuels blackouts sur le long terme ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Médevielle, pour ce qui concerne le mix électrique à l’horizon de 2035 et au-delà, notre politique tiendra compte des besoins nouveaux, qu’il faudra bel et bien gérer intelligemment. D’ailleurs, les véhicules électriques font déjà l’objet d’expérimentations : certaines d’entre elles m’ont été présentées, en tant que Haut-Marnaise.
Il s’agit là de perspectives extrêmement intéressantes, car – j’insiste sur ce point –, face aux variations que connaît notre production d’électricité, notre mix énergétique doit absolument être diversifié. À cet égard, toute mesure susceptible de favoriser de nouveaux process de stockage de l’énergie, notamment au titre des mobilités, mérite d’être étudiée. Nous accorderons donc une attention toute particulière au système que vous évoquez.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Madame la secrétaire d’État, je partage votre optimisme quant à ces nouvelles solutions, qui permettront d’accroître l’intelligence du réseau.
Certes, le stockage de l’énergie est un problème persistant, mais, sur ce sujet, nous avançons : dans certains territoires où la demande n’est pas trop forte, comme la Nouvelle-Calédonie, on parvient presque à l’autonomie, grâce à des unités de cellules photovoltaïques couplées à des batteries. Ainsi, l’électricité est délivrée à certains horaires : qu’il s’agisse des véhicules ou d’autres appareils, ce système ouvre de nouvelles perspectives. Nous faisons confiance au génie français pour développer ces solutions.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus.
M. Thomas Dossus. RTE a activé son dispositif d’alerte rouge Ecowatt vendredi dernier. La tension dans l’approvisionnement électrique provient certes de l’augmentation de la consommation liée à la vague de froid, mais elle questionne évidemment le choix du tout-nucléaire dont, encore à l’instant, on nous a vanté la prétendue robustesse. Or la crise du covid a révélé, une nouvelle fois, nos vulnérabilités, cette fois-ci en matière énergétique : elle a décalé la tenue de plusieurs travaux, et quatre réacteurs sur dix se sont ainsi retrouvés à l’arrêt.
Notre parc nucléaire, qui va bientôt fêter ses quarante ans, représente 77 % du mix électrique français. La voilà, la fragilité de notre modèle, loin des discours rassurants et optimistes : c’est celle d’une énergie coûteuse, fragile, dangereuse et dépassée, qui n’est pas à la hauteur des enjeux de notre siècle !
Néanmoins, le génie français ne serait rien sans son entêtement. Alors que de nombreux pays ont fait le choix de la diversification, nous avons décidé d’investir dans des EPR, comme celui de Flamanville, qui affiche déjà dix ans de retard et dont les coûts sont passés de 3 milliards à 19 milliards d’euros. Quand j’entends que l’on n’a pas encore assez investi dans le nucléaire, j’éprouve quelques doutes…
La peur du blackout doit permettre à certains d’ouvrir les yeux sur notre mix énergétique : il est urgent de le diversifier pour le rendre plus résilient. Mais la production n’est que la moitié du problème : il faut aussi se pencher sur la consommation et donc sur notre sobriété.
Le secteur du bâtiment, résidentiel et tertiaire, représente aujourd’hui 45 % de la consommation finale d’énergie en France. La part immense du chauffage électrique, couplée à une grande quantité de passoires thermiques, représente une immense marge de manœuvre pour faire baisser notre consommation électrique.
Au-delà de ces réserves d’énergie, il est indispensable de débattre des nouveaux usages. À ce titre, le rapport que le Haut Conseil pour le climat a consacré à la 5G est édifiant : il prévoit ni plus ni moins qu’une explosion de la consommation.
Madame la secrétaire d’État, ma question est la suivante : quel est votre scénario concret de réduction de la consommation électrique française et quelle est votre stratégie en matière de sobriété ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Dossus, les clés sont effectivement dans l’efficacité énergétique et dans la maîtrise de la demande.
La loi prévoit une diminution de la consommation d’énergie finale de 20 % à l’horizon de 2030 par rapport à 2012 et une consommation d’électricité stable à cet horizon par rapport à aujourd’hui. En effet, l’électrification croissante des usages doit être compensée par une plus grande efficacité énergétique.
À cette fin, nous mettons en œuvre un certain nombre de dispositifs, à commencer, bien sûr, par la rénovation thermique des bâtiments. Il s’agit là d’un élément essentiel, comme le renouvellement des modes de chauffage, qui sont aujourd’hui moins carbonés et plus efficaces. Ainsi, nous disposons des certificats d’économies d’énergie (CEE), du dispositif MaPrimeRénov’, qui monte en puissance – vous l’avez vu –, et des aides de l’ANAH, qui constituent le cœur des aides à la rénovation.
Les certificats d’économies d’énergie ont été renforcés au printemps 2020 pour la rénovation des logements et locaux tertiaires chauffés au fioul et au gaz notamment, et l’ambition de la cinquième période d’obligation, qui s’ouvrira le 1er janvier 2022, est en cours de définition.
Par ailleurs, les études montrent que, en renforçant l’isolation des bâtiments, le remplacement à grande échelle du chauffage au fioul par des pompes à chaleur n’entraîne pas d’augmentation de la consommation.
Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Dossus, pour la réplique.
M. Thomas Dossus. Madame la secrétaire d’État, la sobriété énergétique est un impératif : pourquoi, d’un côté, préconiser de fortes économies d’énergie et, de l’autre, laisser se développer de nouveaux usages entraînant une forte consommation d’électricité ?
La 5G représente une augmentation de 5 % à 13 % de la consommation finale d’électricité du résidentiel et du tertiaire actuels. Si, tout en isolant les bâtiments pour faire des économies, on laisse la consommation énergétique exploser, on n’y gagne rien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet.
Mme Nadège Havet. Je constate que le groupe Les Républicains a choisi d’utiliser l’anglicisme « blackout » énergétique. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Aussi, je rappelle que, en français, il s’agit d’une coupure généralisée de l’approvisionnement en électricité sur tout ou partie d’un territoire. Cette crainte a été largement relayée par les médias en raison des effets de la crise sanitaire et du confinement du printemps dernier, le calendrier de maintenance du parc nucléaire ayant été retardé avec un nombre anormalement haut de réacteurs à l’arrêt.
Le débat de cet après-midi porte donc, d’une part, sur le risque de sous-production par rapport à une demande en forte hausse liée à la chute actuelle des températures et, d’autre part, sur les mesures que prend ou pourrait prendre le Gouvernement pour prévenir un tel phénomène, dans cette période hivernale et de couvre-feu. En France, il est vrai, nous sommes particulièrement consommateurs de chauffage électrique, ce qui peut provoquer une croissance rapide de la demande en énergie au cœur de l’hiver, notamment en début de soirée.
Nos voisins connaissent actuellement des froids glaciaux qui pourraient, selon certains scénarios, atteindre notre pays. En tant que membre du groupe d’amitié France-Espagne, j’ai une pensée particulière pour nos amis espagnols : la tempête Filomena a déjà causé plusieurs décès dans leur pays, où s’abat une vague de froid sans précédent depuis 1956.
Dans ce contexte, pour répondre à une éventuelle surconsommation, des campagnes de sensibilisation sont lancées et des mesures existent en France pour compenser le manque de ressources. La plus connue est l’importation d’électricité auprès des pays frontaliers. Toutefois, la situation risque d’être tendue : l’Allemagne est elle aussi concernée par cette vague de froid et sera également soumise à une forte demande sur son réseau intérieur.
Dans certains cas extrêmes, RTE peut également demander aux différents gestionnaires du réseau de distribution de réaliser des coupures localisées tournantes de deux heures au maximum. La Bretagne et le sud-est de la France seraient particulièrement touchés par le délestage du fait d’un faible niveau de production d’électricité dans ces zones. Cette possibilité est-elle envisageable ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Havet, dans certaines situations exceptionnelles, si la capacité de production est insuffisante au regard de la consommation, des mesures post-marché peuvent en effet être mobilisées afin d’éviter d’avoir recours à des délestages, en particulier l’activation des contrats d’interruptibilité des grands consommateurs industriels, permettant à RTE de couper l’approvisionnement avec un très faible préavis, un service pour lequel ces industriels sont rémunérés.
La baisse de tension sur les réseaux est également possible : une diminution temporaire de 5 % n’emporte que des conséquences quasiment imperceptibles sur la qualité du service.
D’autres réponses existent, comme l’augmentation ponctuelle de nos importations, au-delà du signal donné par le marché, ou l’appel aux gestes citoyens. Ce dernier point fait l’objet du site Ecowatt, développé avec RTE et l’Ademe ; ses alertes permettent une mobilisation dans laquelle tous les Français peuvent trouver du sens afin d’adapter certaines habitudes du quotidien. Le résultat a d’ailleurs été très bénéfique jeudi dernier, et nous pouvons les en remercier.
En dernier recours, et seulement si les leviers que je viens d’évoquer ne sont pas efficaces, RTE prévoit de pouvoir faire appel aux délestages tournants, c’est-à-dire à la coupure temporaire de deux heures de certains clients en variant les zones concernées afin d’anticiper et de maîtriser la situation. Ces coupures épargnent, évidemment, les infrastructures prioritaires, comme les établissements de santé ou les installations indispensables à la sécurité.
Il ne s’agit surtout pas de mettre la France dans le noir, mais bien de maîtriser le délestage ciblé d’une partie des consommateurs afin d’éviter des coupures beaucoup plus importantes. Ces opérations font l’objet d’une annonce la veille du délestage.
C’est donc sur la base de cet effort volontaire de réduction, des éco-gestes et de ces différentes mesures que nous nous garantissons une absence de blackout.
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire
Mme la présidente. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureuse de saluer en votre nom la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de parlementaires libyens conduite par M. Aguila Saleh, président de la Chambre des représentants de Libye. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme la secrétaire d’État se lèvent.)
La délégation effectue une visite au Sénat à l’invitation du président Gérard Larcher ; elle sera reçue en audience par le président du Sénat aujourd’hui. Le président Aguila Saleh s’exprimera également devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La Libye connaît, depuis 2011, une situation politique, économique et sécuritaire complexe, laquelle affecte au premier chef le peuple libyen, mais aussi l’équilibre de la région et, au-delà, celui du continent européen. Pour y faire face et trouver une issue favorable, la France ne ménage pas ses efforts.
La Libye et les Libyens savent qu’ils peuvent compter sur notre appui pour soutenir les efforts de la médiation menée sous l’égide des Nations unies en vue de l’instauration d’un État réunifié, solide, pleinement souverain et de la tenue des élections le 24 décembre 2021. Nous formons le vœu que cette visite conforte les relations entre nos deux pays et contribue à cette sortie de crise en Libye.
Nous souhaitons au président de la Chambre des représentants, M. Aguila Saleh, aux parlementaires et à la délégation qui l’accompagnent la bienvenue au Sénat de la République française, ainsi qu’une agréable et fructueuse visite. (Applaudissements.)
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Risque de blackout énergétique
Suite d’un débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. Dans la suite du débat interactif, la parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. La crise sanitaire a entraîné des retards dans la maintenance des réacteurs nucléaires et donc une moindre disponibilité du parc. Bien que planifiés, la fermeture de Fessenheim en 2020 – qui produisait 1 800 mégawatts – et les arrêts de centrales au fioul et au charbon participeront aux tensions de l’offre. En vérité, la centrale de Fessenheim nous manque !
Si le risque de blackout est maîtrisé cet hiver, il ne peut être écarté à l’avenir, et je remercie les initiateurs de ce débat d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour.
Il est impératif d’anticiper et d’accroître les marges de manœuvre, car il n’est pas acceptable de se satisfaire des capacités d’effacement et de coupures d’électricité, aussi courtes soient-elles, comme cela pourrait être le cas au cours du prochain mois.
Au-delà de la nécessaire maîtrise de la demande par des gains d’efficacité énergétique, il convient de garantir la stabilité du système électrique.
Le développement des capacités de stockage doit s’accélérer, afin d’accompagner les efforts de stabilisation des réseaux. À ce titre, le recours à l’hydrogène constitue un levier de flexibilité pour assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie, ainsi qu’une meilleure intégration des énergies renouvelables. Pour rappel, ces dernières devraient représenter 40 % du mix électrique français en 2030.
La stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène, ambitieuse sur le plan financier, avec les 7 milliards d’euros qui lui seront consacrés, évoque timidement le stockage de l’énergie. Plus que celle de la France, les stratégies américaine et britannique accordent une importance particulière à la résilience des réseaux énergétiques au travers du stockage souterrain de l’hydrogène. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il accélérer le développement du stockage massif de l’hydrogène afin d’accompagner la transition énergétique et de préserver la sécurité d’approvisionnement de notre pays ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Requier, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas un besoin de recours à l’hydrogène pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035. Pour autant, l’objectif prioritaire du développement de l’hydrogène est la décarbonation des usages afin de pouvoir l’utiliser directement, notamment dans l’industrie et la mobilité lourde, de manière complémentaire aux solutions entièrement électriques.
À ce titre, la stratégie française pour le développement de l’hydrogène, annoncée en septembre dernier par le Gouvernement, fixe un objectif de 6,5 gigawatts d’électrolyse à l’horizon de 2030. Nous nous donnons ainsi la possibilité de massifier la production et l’utilisation d’hydrogène, avec une enveloppe de 7 milliards d’euros jusqu’à 2030, dont 2 milliards d’euros ont été inscrits dans le plan de relance. Nous consacrons donc des moyens importants au développement de l’hydrogène.
Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de stockage accru. L’hydrogène pourra alors offrir une solution des plus intéressantes. Plusieurs études prospectives de long terme sont en cours et permettront de quantifier ce besoin et, plus largement, de documenter les enjeux et les leviers de notre futur système électrique, notamment le bilan prévisionnel 2050 de RTE, lequel doit être publié à la mi-2021.
Mme la présidente. La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Depuis deux ans, RTE alerte sur le risque de tension du système électrique durant les hivers à venir et sur les risques de coupure généralisée.
En novembre dernier, Mme la ministre Pompili nous confirmait la possibilité de coupures très courtes en cas de grosses vagues de froid. Pour y remédier, il suffirait, selon elle, d’avoir recours à l’effacement, c’est-à-dire de demander aux industries d’arrêter leur production à certains moments, contre rémunération. Or, demain, ce n’est plus seulement aux entreprises électro-intensives que l’on demandera de s’effacer, mais aussi aux particuliers, grâce aux boîtiers Linky. C’est dans cette logique, semble-t-il, qu’EDF a lancé sa scandaleuse campagne #MetsTonPull, alors que 12 millions de personnes sont déjà en situation de précarité énergétique. Tous ne devront pourtant pas se couvrir et l’hiver ne sera pas rigoureux pour tout le monde, comme pour la famille Mulliez, grâce au développement, via des fonds publics, du boîtier d’effacement Voltalis.
Cette injonction à « mettre son pull », discours paternaliste et infantilisant, présupposant que les Français gaspillent, ne saurait en aucun cas masquer votre inertie à développer une politique industrielle ambitieuse pour répondre aux besoins de la Nation.
Si la crise épidémique a accentué les menaces sur l’approvisionnement, c’est bien la libéralisation du secteur de l’énergie qui en est à l’origine, et cette situation risque fort de devenir structurelle avec le projet Hercule.
Aujourd’hui, des centrales nucléaires et à charbon sont fermées sans que leur apport soit compensé, et les barrages hydroélectriques – les sources d’énergie les plus pilotables et qui permettent d’assurer l’approvisionnement de façon continue, avec le nucléaire – pourraient être confiés, demain, au privé. Nous serions alors pleinement à la merci des actionnaires, qui pourraient bien décider, comme ce fut le cas en Californie dans les années 2000, de couper l’alimentation.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : quand allez-vous mettre un terme à cette politique mortifère de libéralisation du secteur et enfin créer un véritable service public de l’énergie dont la Nation a besoin ? Et puisque vous avez parlé des salariés : cessez de casser leur statut ! Plus que de longs discours, c’est cela qu’ils attendent de vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Gay, les producteurs d’énergie adaptent leur production en fonction des signaux économiques, c’est indéniable. Dans le cas d’un barrage hydroélectrique à réservoir, ils ont une incitation économique à produire lorsque le prix est plus élevé, c’est-à-dire lorsque s’annoncent des pointes de consommation. Ce système contribue donc à la sécurité d’approvisionnement. Quelle que soit l’option retenue pour le renouvellement des concessions hydroélectriques, ce comportement, dicté par une rationalité économique, ne changera pas.
La Commission de régulation de l’énergie, une autorité administrative indépendante, s’assure, par ailleurs, que les acteurs n’abusent pas de leur éventuel pouvoir de marché, et le gestionnaire de réseau de transport d’électricité, RTE, a la responsabilité d’assurer l’équilibre entre l’offre et la demande sur ce réseau et peut faire appel aux moyens de production en cas de risque pour la sécurité d’approvisionnement.
Un scénario à la Enron, dans lequel un acteur avait pu manipuler le système électrique grâce à la possession de lignes à haute tension cruciales pour la Californie et de nombreux moyens de production, n’est donc pas à craindre en France, et nous y veillerons.
M. Fabien Gay. Si on vous laisse faire, c’est ce qui nous arrivera !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Plus largement, ainsi que cela sera évoqué lors du débat dont vous avez demandé l’organisation demain, concernant l’évolution d’EDF, le Gouvernement est très attentif à mettre en place un dispositif dans lequel les concessions hydroélectriques pourront jouer tout leur rôle dans la transition énergétique comme dans la gestion de l’eau – la question des étiages en est un exemple parfait – en développant des approches cohérentes par vallée et en créant des conditions d’investissement nouvelles pour les concessions existantes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot.
M. Jean-François Longeot. Un blackout énergétique traduirait un déséquilibre sur le réseau avec une demande d’électricité supérieure à la capacité de production. À ce jour, un tel déséquilibre ne s’est jamais produit en France. Malheureusement, ce risque ne doit pas être écarté, tant à court terme, avec l’indisponibilité, cet hiver, de centrales nucléaires, qu’à long terme, avec le rééquilibrage progressif du mix énergétique de la France en faveur des énergies renouvelables. Le niveau de ces dernières dans le mix est encore trop faible pour que leur intermittence ait un impact structurel sur le réseau, mais cette problématique devrait se présenter de plus en plus régulièrement à la faveur de leur développement.
Quelles solutions peuvent être alors envisagées ? Deux leviers principaux sont à disposition des pouvoirs publics : le dimensionnement des moyens de production pour faire face à des pics de consommation, d’une part, et la flexibilité du système électrique, d’autre part.
En ce qui concerne ce second point, il nous faudra, bien entendu, améliorer les technologies de stockage de l’électricité renouvelable intermittente. En la matière, madame la secrétaire d’État, quelles solutions vous semblent aujourd’hui les plus avancées ?
Nous considérons que, à long terme, le développement d’une filière d’hydrogène bas-carbone pourrait contribuer à remédier à l’intermittence saisonnière des énergies renouvelables. L’hydrogène produit en période de surplus d’électricité renouvelable, par exemple en été, pourrait être stocké et retransformé en électricité par le biais de piles à combustible ou de turbines à combustion pendant les périodes de faible production éolienne ou solaire.
Le recours au stockage par hydrogène devrait cependant demeurer marginal en France métropolitaine dans les années à venir, en raison du niveau encore modéré des énergies renouvelables dans le mix énergétique. À long terme, quand celles-ci occuperont une part plus ambitieuse de notre mix, ne faudra-t-il pas faire de l’hydrogène un outil de flexibilité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Longeot, à court terme, les analyses de RTE n’indiquent pas de besoin supplémentaire de stockage pour faire face aux pointes de consommation : les sources actuelles de flexibilité sont suffisantes à l’horizon de 2030-2035.
Au-delà de 2035, indépendamment du mix électrique choisi, les études montrent un besoin de flexibilité accru. Plusieurs leviers sont envisageables à cette fin : le développement du stockage, l’amélioration de l’efficacité énergétique ainsi qu’un meilleur pilotage de la demande pour baisser et mieux répartir les pointes de consommation.
En ce qui concerne le stockage, l’hydrogène est une option intéressante. Le Gouvernement a mis en place un plan Hydrogène doté de 7 milliards d’euros à l’horizon de 2030 pour massifier la production et l’utilisation de l’hydrogène.
À court terme, la priorité du développement de l’hydrogène vise à la décarbonation des usages, notamment dans l’industrie et dans la mobilité lourde. D’autres solutions existent pour le stockage, comme le recours aux batteries au sein du système électrique, de plus en plus fréquent et dont les coûts baissent rapidement. À moyen terme, le développement de parcs de batteries pourra donc apporter cette flexibilité.
Le développement des véhicules électriques offre également une opportunité d’améliorer sensiblement la flexibilité du système grâce à des outils de pilotage de recharge. Il est ainsi tout à fait envisageable d’inciter les utilisateurs à charger leur véhicule en milieu de journée, lorsque la production renouvelable est importante, et à restituer en partie cette énergie au réseau le soir, lorsque les besoins sont importants.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. L’évolution de la production d’électricité en France s’inscrit dans le cadre de la PPE révisée et de la stratégie nationale bas-carbone. De 71 % de production d’électricité d’origine nucléaire aujourd’hui, ayant, je le rappelle, un impact minime sur le réchauffement climatique et un coût très compétitif, nous devons passer à 50 % en 2035. La marche est très haute et la faisabilité d’une telle modification pose question.
EDF s’est engagée dans la mise aux normes post-Fukushima et le rallongement de la durée de vie de ses centres de production dans le cadre du grand carénage. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous fournir à la représentation nationale et à la commission des affaires économiques du Sénat la programmation pluriannuelle des investissements et de leur financement traduisant la planification des investissements et des gros entretiens de production, incluant, bien entendu, les énergies renouvelables ?
La situation actuelle du réseau donne à comprendre que le mécanisme de capacité en place ne répond pas à la couverture des risques identifiés ou constatés.
Cette PPI devrait, bien sûr, faire apparaître les investissements planifiés au regard des risques de blackout et des nécessités d’importation en situation de crise de fourniture. Je constate, en outre, que le dernier guide public de RTE relatif à la gestion des blackouts remonte à 2004.
En quoi le projet Hercule du Gouvernement, en démantelant de fait le groupe EDF, second énergéticien au monde et fleuron de notre souveraineté industrielle, va-t-il améliorer la prévention des blackouts ? Comment va-t-il permettre d’améliorer la résilience de la production et des réseaux de transport et de distribution face aux aléas climatiques et technologiques ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Montaugé, nous disposons de ces projections et de ces bilans, qui sont beaucoup plus fréquents que vous ne l’indiquez. Les sénateurs comme les députés, parmi lesquels je siégeais encore il y a quelques mois, ont largement débattu dans le cadre de la loi Énergie-climat comme de la programmation pluriannuelle de l’énergie de ces différents scénarii.
M. Franck Montaugé. Je parle de la PPI !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Les investissements ont évidemment été mis en regard.
Je ne reviens pas sur Hercule, vous en débattrez demain.
Nous avons évoqué les différentes mesures qui permettent d’éviter un blackout, lequel, pour les raisons précédemment avancées, ne constitue ni un risque particulier ni une urgence appelant d’autres mesures.
Enfin, le parc nucléaire a en effet connu une disponibilité historiquement faible durant l’hiver 2020 ; nous en connaissons les raisons. Les fermetures de centrales à charbon envisagées ont pu être préparées et nous avons sécurisé notre approvisionnement par un autre mix énergétique, qui nous permet d’aborder sereinement les prochaines échéances, y compris en cas de pic de consommation.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. S’agissant de l’électricité, il convient de mettre un terme au dogme mortifère, et qui joue contre nos intérêts nationaux, de la libre concurrence non faussée. Seule une organisation adaptée au monopole naturel de ce marché spécifique, à nul autre pareil, permettra la concurrence et l’émergence des énergies renouvelables, c’est-à-dire une entreprise intégrée, de la production à la distribution.
Traiter le projet Hercule par voie d’ordonnance reviendrait à dessaisir les Français du devenir de cette entreprise, laquelle leur appartient pourtant depuis 1946, par décision du Conseil national de la Résistance et de Charles de Gaulle.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la secrétaire d’État, je vais vous poser une question simple : pourquoi avez-vous décidé de fermer la seconde tranche de Fessenheim, quoi qu’il en coûte ? Je vous rappelle que, quand la décision initiale de fermeture de Fessenheim a été prise, l’EPR devait être en service.
M. Bruno Sido. Exact !
Mme Christine Lavarde. Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation de « quoi qu’il en coûte » sur le plan économique. Depuis le premier rapport de RTE, au mois d’avril, sur l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité pour l’hiver 2020-2021, nous savons que notre système électrique pourrait être défaillant. Les actualisations de ce rapport font état d’une situation moins alarmante ; pour autant, dans la version du mois de novembre, il est indiqué que la situation fin janvier et durant le mois de février pourrait être difficile si nous subissions une vague de froid. Cela se traduira par le recours à des mécanismes hors marché, qui emportent des conséquences sur l’activité économique.
Il s’agit également d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » sur le plan des émissions de CO2, car, contrairement à ce que vous nous avez dit précédemment, on ne peut pas vivre uniquement avec des moyens intermittents alors que l’énergie nucléaire est une énergie pilotable et décarbonée. Je cite un seul exemple : le jeudi 10 novembre, 10 % de l’électricité produite l’a été à partir de centrales à gaz, lesquelles émettent quarante fois plus de CO2 que le nucléaire.
M. François Bonhomme. Ah bah bravo, c’est du joli !
Mme Christine Lavarde. La centrale de Cordemais sera en fonctionnement jusqu’en 2024 ou 2026, contrairement à ce qui a été voté, et nous importons de l’électricité depuis les pays voisins, dont le mix énergétique est beaucoup plus carboné que le nôtre.
Il s’agit, enfin, d’une décision de type « quoi qu’il en coûte » pour les consommateurs, si j’en crois un document de consultation de la Commission de régulation de l’énergie, lequel fait état d’une augmentation des tarifs bleus à compter du 1er février, notamment parce que le coût des matières premières est plus élevé : 12 % pour le charbon, 9 % pour le gaz et 20 % pour les quotas de CO2. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. La question est claire ! Qu’en sera-t-il de la réponse ?…
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Lavarde, Fessenheim n’y changerait rien, ainsi que j’ai pu le dire dans mon propos introductif.
La France s’est engagée dans une transition énergétique qui repose sur la sobriété et l’efficacité énergétiques ainsi que sur la diversification des sources de production et d’approvisionnement. Avec la programmation pluriannuelle de l’énergie 2019-2028, nous avions l’ambition, qui se confirme, de réduire la part du nucléaire à hauteur de 50 % à l’horizon de 2035 avec, notamment, la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim en 2020. Le premier a été fermé le 22 février, avant la crise, et le second en juin.
Au début de la crise, le processus de fermeture était, quoi qu’il arrive, déjà engagé de manière irréversible, les travaux nécessaires à la poursuite de l’exploitation n’avaient pas été réalisés et EDF ne disposait pas du combustible nécessaire à l’exploitation de la centrale.
La situation à laquelle nous avons fait face n’est pas la conséquence de la fermeture de ces deux réacteurs, mais de l’arrêt pour maintenance, cet hiver, d’autres réacteurs de centrales en France. Cela confirme les orientations du Gouvernement sur le besoin de diversifier le mix électrique pour en améliorer la résilience, notamment face à des événements extérieurs tels que nous en connaissons actuellement.
Par ailleurs, dois-je vous rappeler le calendrier de l’EPR de Flamanville, dont la mise en service était initialement prévue en 2012 et qui, malheureusement, a pris beaucoup de retard ? Il ne devrait être opérationnel vraisemblablement qu’après la mi-2023.
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour la réplique.
Mme Christine Lavarde. Vous nous avez exposé des arguments que vous aviez déjà avancés dans votre propos liminaire et qui ne répondent qu’imparfaitement à la question. La première tranche a été fermée en février, mais la seconde l’a été en juin. Or elle représentait tout de même une puissance de 900 mégawatts !
Aujourd’hui, que pouvez-vous répondre sur ce que l’on constate, à savoir un recours accru aux moyens thermiques, puisque, comme vous le savez très bien, les moyens intermittents seuls ne peuvent pas suffire pour assurer une production électrique stable ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Mme Denise Saint-Pé. Certains s’inquiètent aujourd’hui de la survenue d’un blackout énergétique en France. Cependant, un tel scénario ne pourrait se produire qu’en réunissant plusieurs conditions : d’une part, une forte hausse de la consommation d’électricité, elle-même liée à une baisse durable des températures, et, d’autre part, une absence de vent à même d’empêcher le parc éolien de prendre le relais du parc nucléaire. Le risque me paraît donc limité pour le moment, et je compte sur le Gouvernement pour l’éviter.
Cela étant, je souhaite aborder la question du moyen terme.
Des tensions existent déjà au moment des pics de consommation et pourraient bientôt s’amplifier alors que nos capacités de production nationale disponibles lors de ces pointes risquent de diminuer à l’avenir, puisque quatorze réacteurs nucléaires devront être fermés pour atteindre les objectifs fixés par la PPE : une part du nucléaire ramenée à 50 % dans le mix énergétique français d’ici à 2035. Ces fermetures devraient, en principe, être compensées par un recours accru aux énergies renouvelables. Néanmoins, il est douteux qu’il puisse s’agir d’une compensation complète et efficace, car ces sources d’énergie sont par nature intermittentes et produisent moins que le nucléaire.
Ajoutons à cette équation le fait que la RE 2020 restreindra de fait l’utilisation du gaz dans les logements neufs, ce qui conduira au retour du chauffage électrique, au risque de solliciter encore plus nos capacités de production d’électricité.
Par conséquent, madame la secrétaire d’État, comment pensez-vous concilier, demain, la baisse de la ressource électrique disponible au moment des pics de consommation et l’augmentation plus que probable de la demande en électricité, sans risquer des blackouts hivernaux répétés ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Saint-Pé, la politique énergétique du Gouvernement permettra de disposer d’un système électrique plus diversifié et donc plus résilient face aux aléas.
La tension sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustre bien le risque que présente un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix est liée au programme de fermeture des réacteurs comme au développement des énergies renouvelables, ambitieux, mais progressif et qui ne met pas en péril la sécurité de l’approvisionnement.
Il s’agit d’un constat appuyé sur des analyses techniques approfondies menées par RTE, intégrant les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un très grand nombre de situations, notamment les aléas météorologiques et ceux qui concernent les moyens de production, comme les retards de maintenance.
S’agissant de la RE 2020, elle s’applique à des logements neufs, dont la consommation est donc faible, car ils sont bien isolés. Nous menons en outre une politique très volontariste de rénovation des bâtiments existants pour limiter les besoins en chauffage et favoriser le développement de solutions peu consommatrices d’énergie, comme les pompes à chaleur. La géothermie et les réseaux de chaleur décarbonés sont évidemment encouragés. Il n’est ainsi pas anticipé d’augmentation de la consommation électrique dans les prochaines années.
Concernant les évolutions au-delà de 2035, le ministère de la transition écologique a demandé à l’AIE et à RTE une étude sur les enjeux liés à l’intégration massive d’énergies renouvelables variables dans le système électrique. Les résultats sont très encourageants et doivent être publiés sous peu. Une analyse plus détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050 doit être publiée à la mi-2021 par RTE, dans le cadre de son bilan prévisionnel de long terme. Ces études permettront de prendre des décisions éclairées sur l’évolution de notre mix après 2035, en toute connaissance de ces différents enjeux, y compris en matière de sécurité d’approvisionnement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Le spectre du blackout hante régulièrement les colonnes de nos médias et participe de peurs collectives récurrentes. Pour cette année, le risque semble contenu, même si l’accident demeure toujours possible.
Le rôle du politique, en ces moments d’inquiétude pour l’opinion, n’est pas d’attiser les peurs, mais de tenter d’éclairer nos concitoyens sur la réalité du risque et, surtout, d’œuvrer à une réponse collective.
L’orientation qui tend à réduire de façon significative la part des énergies fossiles dans notre production électrique doit être poursuivie et prolongée, en veillant particulièrement à réduire le CO2, principal responsable du réchauffement climatique. La réduction des énergies fossiles concerne également l’énergie nucléaire, laquelle présente toutefois l’avantage de ne pas émettre de CO2.
On nous dit que le grand carénage en cours des centrales nucléaires, nécessaire pour répondre à l’impératif de sécurité et de sûreté, a pris du retard avec la pandémie. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous fournir des indications plus précises sur le calendrier projeté ?
Je souhaite également revenir sur la RE 2020, laquelle prévoit une sortie rapide des énergies fossiles excluant progressivement les chaudières à gaz et au fioul. Si l’on en croit une étude de RTE et de l’Ademe sur le sujet, cela pourrait conduire à un accroissement significatif de la part de chauffage électrique, générant une tension accrue sur le réseau en période de pointe. Le Gouvernement entend-il avancer dans les voies suggérées par l’Ademe à ce sujet ? Comment réduire sensiblement ce risque accru de tension du réseau avec la montée en charge du chauffage électrique, notamment des pompes à chaleur ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Blatrix Contat, vous en appelez à une réponse collective. Je vous en remercie, car il est bon que les objectifs soient partagés.
Nous avons un objectif commun de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il est également nécessaire de ne pas recourir aux énergies fossiles davantage qu’actuellement. Par ailleurs, nous devons poser des limites à la production nucléaire. Le calendrier des travaux de maintenance prévus pour 2021-2022 a effectivement glissé du fait des aléas climatiques que nous avons connus cet été et des difficultés liées à la crise sanitaire que nous venons de traverser. Il est toutefois prévu que les visites décennales, dont les calendriers s’étalent sur de grands tableurs que je ne vais pas détailler, retrouvent leur rythme habituel.
Ces tensions sur les réseaux démontrent la nécessité de parvenir à une plus grande sobriété, notamment énergétique – c’est une des clés. Nous y travaillons au travers du grand plan de rénovation énergétique des bâtiments que nous déployons. Celui-ci vise notamment à favoriser des modes de chauffage moins énergivores, plus efficaces et donc plus sobres en termes de consommation énergétique. Ce plan doit nous amener à une consommation relativement stable qui nous permette de déployer ce nouveau mix énergétique en toute sécurité.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger.
M. Christian Klinger. Le 25 novembre dernier, dans le cadre d’une question d’actualité au Gouvernement, j’alertais sur la situation de tension que pourrait rencontrer le réseau électrique cet hiver. Le ministre Jean-Baptiste Djebbari avait assuré à la représentation nationale que la situation était sous contrôle et qu’il n’y aurait pas de coupure d’approvisionnement.
Or, vendredi dernier, RTE a publié un communiqué incitant les Français à réduire leur consommation pour éviter tout risque de coupure d’électricité. Ce communiqué précise qu’en cas de difficultés d’approvisionnement RTE peut avoir recours à des coupures tournantes. Cette situation intervient alors que les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim ont été fermés en 2020, engendrant une perte de 1 800 mégawatts.
Dans son communiqué, RTE indique qu’une économie de 600 mégawatts permet de disposer d’une marge de manœuvre sur le réseau. Or un réacteur de la centrale de Fessenheim produit 900 mégawatts.
D’après les données de RTE, ces derniers jours, nous avons eu recours au charbon de manière accrue, puisque, en moyenne, 3 % de notre production en était issue, et nos importations d’électricité ont été bien plus importantes que la normale.
Madame la secrétaire d’État, au vu de l’ensemble de ces éléments, le Gouvernement n’a-t-il pas fermé la centrale de Fessenheim trop tôt, c’est-à-dire avant la mise en route de l’EPR de Flamanville ?
En février, la France devrait connaître une vague de froid. Pouvez-vous de nouveau nous assurer que nous serons capables de faire face à cet hiver et aux hivers prochains ?
Estimez-vous que votre stratégie énergétique est durable alors que nous émettons beaucoup plus de CO2 en ayant recours au charbon, au fioul et au gaz ? Ne pensez-vous pas que votre stratégie, qui conduit à un recours accru aux importations d’électricité, notamment produite avec du gaz et du charbon, remet en cause l’indépendance énergétique de la France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Klinger, dans le cadre des lois adoptées en 2015 et 2019, nous avons fixé des objectifs de décarbonation, d’efficacité énergétique et de diversification du mix énergétique avec les EnR. À terme, en 2035, notre production d’électricité sera issue pour environ 40 % des EnR et pour 50 % du nucléaire, ce qui conduira à la fermeture de certains réacteurs parmi les plus anciens.
Comme vous l’avez rappelé, les deux réacteurs de Fessenheim ont été fermés en février puis en juin 2020 dans le cadre d’un processus qui avait été engagé en 2019 et qui était absolument irréversible, puisque les travaux de sûreté n’avaient pas été effectués et qu’EDF ne disposait pas du combustible nécessaire.
La situation que nous connaissons aujourd’hui résulte d’abord d’une disponibilité moindre du parc nucléaire du fait de différents problèmes de maintenance liés notamment à la crise sanitaire.
Vendredi dernier, alors même que les températures étaient inférieures de quatre degrés aux normales saisonnières, nous avons in fine consommé seulement 87 gigawatts, soit beaucoup moins que prévu. Autrement dit, nous étions loin d’activer les mesures exceptionnelles que j’ai précédemment évoquées. Nous agissons donc en toute sérénité quant à ce risque de rupture d’approvisionnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Klinger, pour la réplique.
M. Christian Klinger. Il est vrai que les consommations sont moindres que celles qui étaient prévues. Or vous n’êtes pas sans savoir que la France connaît une situation économique particulière : les entreprises ne tournent pas à plein régime, ceci expliquant cela…
Pour rester très factuel, le site « éCO2mix » de RTE – vous le connaissez aussi bien que moi – indique que nous consommons actuellement 1 981 mégawatts produits par le charbon. Si les réacteurs de Fessenheim étaient encore ouverts, nous en aurions fait l’économie en produisant autant d’électricité décarbonée.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Christian Klinger. Les chiffres sont têtus ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.)
M. Stéphane Piednoir. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy.
M. Christian Redon-Sarrazy. En novembre dernier, en plein confinement, Mme la ministre de la transition écologique affirmait dans les médias qu’il n’y aurait pas de blackout énergétique cet hiver, en prenant soin toutefois de préciser que des mesures de régulation étaient prévues. Elles sont très simples : les Français vont devoir se rationner. C’est ce que RTE a annoncé jeudi dernier face à la vague de froid qui touche notre pays et à la hausse attendue de la consommation d’électricité.
Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer ce que nos concitoyens doivent faire lorsqu’ils ont besoin à la fois de se chauffer et de télétravailler ? Comment doit s’effectuer leur choix ?
En vérité, cette situation n’est que le résultat de l’imprévoyance du Gouvernement, qui s’apprête à fragiliser notre souveraineté énergétique avec son projet Hercule.
Les épisodes de confinement qui ont marqué l’année 2020 et qui menacent de se poursuivre encore en 2021 ont fortement sollicité le secteur énergétique. Si le premier confinement a entraîné une baisse relative de la consommation électrique en raison de la saison et de la baisse d’activité globale, une hausse de 4 % de la consommation électrique des ménages a été enregistrée durant celui de novembre.
Ces épisodes ont par ailleurs considérablement retardé les opérations de maintenance des centrales nucléaires d’EDF. Je rappelle que, si la France a pour objectif louable de diversifier son mix énergétique, les énergies renouvelables sont encore trop intermittentes pour remplacer le nucléaire, qui assure 70 % de nos approvisionnements énergétiques. Or l’année 2020 a vu sa production chuter drastiquement pour la première fois depuis trente ans. EDF avait prévenu au printemps que ce retard pourrait fragiliser notre production d’électricité pour certains mois de l’année. Nous y sommes, précisément. Comme cela est devenu habituel avec ce gouvernement, la seule solution envisagée est de faire payer aux Français le prix de son imprévoyance en exigeant d’eux qu’ils réduisent leur consommation.
Risque de surconsommation électrique, d’augmentation du coût des énergies, de conséquences sociales importantes pour les populations déjà durement touchées par le chômage partiel ou la cessation d’activité : quels dispositifs avez-vous prévus pour répondre à tous ces enjeux ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Redon-Sarrazy, restons mesurés : il n’est bien sûr pas question de rationner les ménages. Cela étant dit, il est tout à fait imaginable que certains d’entre nous choisissent en conscience d’observer une forme de sobriété.
M. Fabien Gay. Oui, les plus pauvres…
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Toutefois, la précarité énergétique peut entraîner de réelles difficultés. Comme vous le savez, nous proposons de nombreux dispositifs pour aider les ménages concernés à se chauffer et à bénéficier d’un habitat digne. Ces aides existent.
Je crois que nous partageons le souci de la nécessaire maîtrise de notre dépense énergétique. S’il n’est évidemment pas question de priver les Français d’un quelconque confort énergétique, chercher à se rassurer en surdimensionnant notre approvisionnement quand cela n’est pas nécessaire aurait des effets néfastes au plan tant environnemental qu’économique. Or, pour l’heure, ces craintes sont infondées.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour la réplique.
M. Christian Redon-Sarrazy. J’ai du mal à être convaincu par vos arguments, madame la secrétaire d’État. Si le Gouvernement s’était montré prévoyant, RTE n’aurait pas besoin d’exiger un rationnement de la part des consommateurs. Dans un contexte aussi dur socialement et économiquement que celui que nous traversons, il est injuste de réclamer encore de nouveaux sacrifices aux Français, surtout lorsque ces sacrifices concernent les droits élémentaires à se chauffer et à travailler.
À cet égard, le projet Hercule est une épée de Damoclès qui fragilisera et déstructurera notre modèle énergétique, ce qui, au regard des enjeux en termes de souveraineté, n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumont.
Mme Françoise Dumont. Le 19 novembre dernier, la ministre de la transition écologique évoquait la possibilité de très courtes coupures de courant durant l’hiver en cas de grosse vague de froid. Elle ne possède pourtant pas de boule de cristal… Elle anticipait simplement son annonce suivante en date du 24 novembre lors de la présentation des principales orientations de la nouvelle réglementation pour la construction des bâtiments neufs, la RE 2020, à l’occasion de laquelle elle indiquait en filigrane la disparition à moyen terme du chauffage au gaz pour les constructions neuves en fixant un seuil d’émissions de CO2 tellement bas qu’il rendrait presque impossible son installation dans les maisons individuelles à partir de l’été 2021 et pour les logements collectifs à partir de 2024.
Ce sont donc désormais presque uniquement des systèmes de chauffage électrique qui seront installés dans tous les futurs logements neufs, accentuant ainsi la tension sur notre système de production d’électricité durant les mois d’hiver. Cela alors qu’il y a presque un an, comme nous le rappelait justement notre collègue Christian Klinger, le Gouvernement fermait la centrale nucléaire encore opérationnelle de Fessenheim, ce qui se traduit désormais par l’émission de 10 millions de tonnes de CO2 supplémentaires en Europe par an.
Mais rassurons-nous, mes chers collègues, le 4 décembre, le Président de la République assurait lors de son interview à Brut : « Moi, j’assume à fond. Je crois dans l’écologie, je suis pour qu’on soit parmi les champions de la lutte contre le réchauffement climatique. Si on veut réussir, ça veut dire qu’on doit être meilleur encore sur le nucléaire. » Une position réaffirmée le 8 décembre sur le site de Framatome au Creusot.
« Il faut que nous considérions un homme non pas tel qu’il se fait voir par ses discours mais tel qu’il se montre par ses actes », disait Saint-Hilaire. Je vous laisse seuls juges, mes chers collègues.
Madame la secrétaire d’État, comment pouvez-vous assurer clairement à la représentation nationale qu’il n’y aura pas à l’avenir de blackout énergétique en France ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Dumont, l’analyse de l’équilibre offre-demande qui est effectuée de manière prospective par RTE au travers de ses bilans prévisionnels n’indique pas – je le répète – de risque de blackout.
Plusieurs mesures sont par ailleurs à la disposition du gestionnaire de réseau RTE pour répondre aux pics de consommation que nous pouvons connaître du fait des aléas, notamment climatiques. Le Gouvernement a pris différentes mesures pour accroître leur disponibilité, qu’il s’agisse de l’effacement ou de l’interruptibilité.
Pour le long terme, des études sont en cours, entre autres avec l’AIE et RTE, pour fixer les enjeux de notre mix après 2035 – les parlementaires y seront bien évidemment associés –, ce qui permettra de définir des stratégies d’investissement dans la production, le réseau, le stockage sans oublier la maîtrise de la demande, en tenant compte des enjeux de sécurité d’approvisionnement.
Concernant la RE 2020, un travail fouillé est conduit pour affiner les détails des obligations – leur niveau et leur date d’entrée en vigueur. L’amélioration de la performance des bâtiments permettra de déployer des dispositifs de chauffage moins carbonés comme les pompes à chaleur hybrides au gaz et les réseaux de chaleur décarbonés. Il n’est pas question de déployer les grille-pain que nous avons pu connaître en d’autres temps. L’étude menée par l’Ademe et RTE montre qu’avec des bâtiments neufs ou existants bien isolés équipés de pompes à chaleur nous parvenons tout à fait à passer ces pics de consommation.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido.
M. Bruno Sido. Dans la loi Énergie-climat, le Parlement a voté la fermeture des centrales à charbon à l’horizon de 2022. Or, depuis le mois de septembre, la France a relancé la production de ses quatre centrales à charbon fortement émettrices de CO2 pour compenser en partie l’arrêt des réacteurs de Fessenheim et le manque de vent pour les éoliennes. Depuis septembre aussi, du fait de l’arrêt de cette centrale nucléaire, il arrive à EDF de devoir importer très cher de l’électricité produite au gaz ou au lignite en Allemagne. Ainsi, hier, pendant vingt-quatre heures, la France a importé l’équivalent de six tranches nucléaires.
Ces mesures successives et l’intermittence hivernale de l’éolien et du solaire, presque absents de la production électrique française, mettent en danger notre réseau. S’ajoutant à l’incapacité d’EDF de tenir les délais de livraison du futur réacteur de Flamanville, ces difficultés fragilisent la sécurité de l’approvisionnement électrique.
Jeudi dernier, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, RTE, a demandé aux Français de réduire leur consommation d’électricité face à un risque de tension sur notre réseau. Le risque de coupure chez les particuliers n’est pas un acte banal : la France ne saurait s’y habituer.
Face au risque d’instabilité de notre réseau électrique dû à notre dépendance envers les autres pays européens et à nos orientations énergétiques, quel est le nouveau calendrier pour la mise en service du futur réacteur de l’EPR de Flamanville ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Sido, le Gouvernement porte une attention particulière au calendrier de mise en service de ce réacteur.
Les essais à chaud se sont terminés en février 2020. Les premiers assemblages de combustible ont été approvisionnés en octobre pour être entreposés, et le processus de remise à niveau des soudures situées sur le circuit secondaire se poursuit, le scénario de reprise des soudures de traversées de l’enceinte étant en cours d’examen par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire).
Malgré la crise sanitaire, EDF n’a pas fait connaître de modification de son objectif de chargement de combustible fin 2022. Selon toute vraisemblance, l’EPR devrait être opérationnel en 2023.
M. François Bonhomme. Félicitations !
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Sido, pour la réplique.
M. Bruno Sido. Je vous remercie de votre réponse, madame la secrétaire d’État, mais, à vrai dire, dans le raisonnement que vous avez développé depuis le début de ce débat et dans toutes les réponses que vous avez données, vous faites comme s’il n’y avait jamais d’incident. Permettez-moi de rappeler que, dans la soirée du 4 novembre 2006, 15 millions de foyers ont été privés d’électricité, dont 5,6 millions en France, du fait d’un incident en Allemagne. Cela a conduit le Sénat à constituer une mission commune d’information, que j’ai présidée, sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Je vous invite à relire l’intéressant rapport qui a été rédigé, en particulier les propositions très concrètes qui y sont formulées afin d’éviter ce type d’incident.
Les accidents sont par définition rarement prévisibles. Or si nous avons surmonté cette crise en 2006, c’est parce que nous avions des capacités disponibles pour y répondre. Aujourd’hui, nous n’en avons plus. Comment ferez-vous en cas d’incident ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Je souhaite tout d’abord saluer notre collègue Daniel Gremillet, qui a demandé la tenue de ce débat, pour sa perspicacité. En effet, après les événements de la fin de la semaine dernière, ces échanges arrivent à point nommé.
Nous partageons tous l’objectif de consommer moins d’énergie et de la consommer mieux, en particulier quand elle est d’origine fossile. Si la demande faite aux Français de réduire leur consommation était sans doute nécessaire compte tenu des ressources disponibles, elle résonne avant tout comme un aveu d’échec, ou en tout cas d’impuissance à réguler les flux de notre mix énergétique au sujet duquel les orateurs précédents sont intervenus.
Au moment où nous nous orientons fortement et positivement vers une économie décarbonée reposant sur le tout-électrique – dans les transports, dans le bâtiment et pour faire face aux besoins croissants du numérique, comme nous le verrons dans quelques minutes lors de l’examen de la proposition de loi de Patrick Chaize –, il me paraît nécessaire d’aborder sans dogmatisme la question de l’origine de l’énergie indispensable au fonctionnement de notre pays dans tous ses usages.
Les Françaises et les Français n’ont pas à subir les atermoiements successifs des décideurs publics et les conséquences des décisions arbitraires – parfois démagogiques – qui nous ont conduits à cette situation potentielle. Cela ne serait pas digne d’un grand pays comme le nôtre. Du bon sens, du réalisme, du pragmatisme, une vision : tel est mon vœu à l’aube de cette nouvelle année, madame la secrétaire d’État. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Mandelli, je partage votre vœu de résilience, de sobriété et d’intelligence dans la construction de nos réponses. Celles-ci ne sont sans doute pas uniformes. En tout cas, leur construction requiert notre travail collectif, car nous avons la responsabilité de trouver des solutions pour les générations futures.
La politique énergétique du Gouvernement permettra un système électrique plus diversifié. C’est une des clés de la résilience face aux aléas que nous ne connaissons malheureusement que trop aujourd’hui. Les tensions sur la sécurité d’approvisionnement de cet hiver illustrent le risque d’un système qui reposerait massivement sur une seule technologie. La diversification du mix passe en particulier par le programme de fermeture de réacteurs nucléaires et le développement d’énergies renouvelables. Ces mesures doivent être ambitieuses mais progressives afin de ne pas mettre en péril la sécurité d’approvisionnement à laquelle nous sommes attachés.
Ce constat s’appuie sur des analyses techniques approfondies, menées notamment par RTE, qui intègrent les prévisions d’évolution de la production, de la demande et du fonctionnement du réseau. Pour la production, RTE intègre la modélisation d’un grand nombre de ces situations. Au-delà de 2035, une étude menée par l’AIE et par RTE devra nous éclairer sur les investissements que nous devrons envisager.
Les perspectives sont plutôt encourageantes. L’analyse détaillée de la sécurité d’approvisionnement à l’horizon de 2050, qui sera publiée dans le courant de l’année 2021 par RTE dans le cadre de son bilan prévisionnel, doit nous donner les grands axes de sécurisation de ce mix énergétique et de notre sécurité d’approvisionnement.
Concernant la question essentielle de la décarbonation, RTE a estimé que le parc solaire et éolien a permis d’éviter en 2019 l’émission de 22 millions de tonnes de CO2 au niveau européen, soit les émissions annuelles d’environ 12 millions de véhicules. Le développement des EnR nous permet donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour la réplique.
M. Didier Mandelli. Si nous partageons les objectifs, madame la secrétaire d’État, je suis assez dubitatif quant à la capacité de RTE à mesurer globalement l’évolution de la consommation. Les précédents orateurs ont évoqué les besoins afférents au bâtiment, aux voitures électriques ou au numérique. Je ne suis pas persuadé qu’on ait pris la mesure des évolutions très rapides – que nous observons déjà dans d’autres pays – qu’entraîne l’ensemble de ces nouvelles demandes.
C’est pourquoi je proposerai aux présidents de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques d’auditionner des représentants de RTE afin de mieux connaître les modèles qui servent à établir ces indicateurs et ces perspectives. Je doute en effet que la prise en compte de l’ensemble de ces évolutions aboutisse à cette position qui consiste à dire que tout va bien, que tout est prévu et intégré. Aujourd’hui, nous avons la preuve que nous ne sommes pas réellement prêts.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.
M. Philippe Mouiller. La loi de 2015 relative à la transition énergétique a marqué un tournant dans la politique énergétique française en prévoyant la réduction à l’horizon de 2025 de la part du nucléaire dans la production d’électricité à hauteur de 50 %, objectif reporté à 2035 depuis la loi Énergie-climat car totalement irréaliste. Voilà comment, par dogmatisme, on réduit notre capacité de production électrique pilotable et propre, à savoir le nucléaire, pour la remplacer par des énergies tout aussi propres mais intermittentes et aléatoires, à savoir les énergies renouvelables, avec comme conséquence l’incapacité de couvrir la consommation des ménages et des entreprises en électricité en cas d’hiver rigoureux, et ce peut-être dès cet hiver.
Le Gouvernement veut s’appuyer sur l’électricité d’origine renouvelable pour pallier la réduction de la production d’électricité d’origine nucléaire, mais les voyants sont au rouge : les objectifs de la politique énergétique nationale risquent de ne pas être atteints et le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui assurait le financement des EnR, a été supprimé du budget.
Les dispositifs de soutien aux EnR sont entrés dans une zone de turbulences, puisque la baisse des prix des énergies renchérit les charges de service public de l’énergie qui les sous-tendent. L’hydroélectricité, première source d’énergie renouvelable en France, est menacée par la demande d’ouverture à la concurrence du secteur par Bruxelles. En tout cas, les projets sont à l’arrêt.
Les EnR sont aussi le parent pauvre du plan de relance. Au total, 28 % des objectifs fixés par la PPE d’ici à 2023 ne sont pas réalisés pour les installations photovoltaïques, éoliennes et hydrauliques.
Madame la secrétaire d’État, quelle est donc la stratégie pour le développement des EnR électriques ? Seront-elles un jour suffisantes pour pallier le recul de l’électricité nucléaire dans le mix énergétique et assurer la continuité du service ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Mouiller, la loi fixe des objectifs ambitieux en visant 40 % de la production électrique d’origine renouvelable à l’horizon de 2030. Pour atteindre cet objectif, nous déployons des dispositifs de soutien public en faveur des énergies renouvelables. En 2021, plus de 6 milliards d’euros seront consacrés à ce soutien.
Grâce à cet effort soutenu depuis plusieurs années, la compétitivité des énergies renouvelables, notamment électriques, s’est fortement améliorée. En effet, lors des derniers appels d’offres, le prix du mégawatt était d’environ 60 euros pour l’éolien, et même de 44 euros pour le parc éolien en mer de Dunkerque, alors que la CRE annonce des prix situés entre 48 et 50 euros pour le nucléaire existant et bien au-delà pour le nucléaire à venir. La compétitivité des énergies renouvelables est donc tout à fait évidente aujourd’hui.
Pour rendre crédible l’atteinte des objectifs de la PPE, nous travaillons effectivement sur tous les leviers : nous avons mis en place un calendrier des appels d’offres pluriannuel, qui donne aux acteurs une visibilité leur permettant de développer leurs projets et leur stratégie ; nous soutenons l’innovation par le PIA pour développer les technologies et des appels d’offres spécifiques pour les déployer ; et nous travaillons sur des questions de planification et de délais de raccordement, de qualité de la concertation des projets et de planification jusque dans l’appropriation locale, qui constitue un enjeu fort dans nos territoires.
Les études techniques approfondies qui sont menées par RTE montrent que la diversification du mix électrique prévue par la loi, en particulier dans le cadre du programme de fermetures de réacteurs et du développement des énergies renouvelables, ne met pas en péril la sécurité d’approvisionnement à moyen terme. Ces évolutions seront évoquées dans l’étude qui doit être publiée mi-2021 par RTE, notamment sur cette sécurité d’approvisionnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. J’entends l’ensemble de vos arguments – vous avez lu une fiche vous donnant toutes les explications –, mais, concrètement, il y a un problème d’équilibre entre la volonté de diminuer le nucléaire et la capacité à produire de l’électricité grâce aux énergies renouvelables. Aujourd’hui, nous constatons une vraie difficulté, car les énergies renouvelables ne sont pas toujours maîtrisables. Dès lors que nous ne sommes pas capables de stocker, il faut une évaluation qui soit différente. À mon avis, la situation que nous connaissons aujourd’hui est donc liée à une mauvaise évaluation de notre capacité à réduire la part du nucléaire.
Par ailleurs, en tant que membre d’un syndicat d’énergie, je constate sur le terrain que, entre les contrats administratifs, les politiques financières et la conduite des projets, la capacité à produire rencontre de vrais freins. Il y a un décalage entre votre vision technique à l’échelon national – même si je peux la comprendre – et la réalité. C’est un point essentiel du présent débat.
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comment en est-on arrivé là ? C’est sans doute la question qui est venue à l’esprit d’un certain nombre d’entre nous lorsque RTE a demandé aux Français, vendredi dernier, de réduire leur consommation pour éviter des coupures d’électricité sur le territoire.
Je salue la pertinence de l’initiative du groupe Les Républicains qui a souhaité la tenue de ce débat, et je regrette l’absence de réponse concrète de votre part, madame la secrétaire d’État.
Le 8 janvier dernier, la situation climatique était-elle si rigoureuse et les besoins prévisionnels étaient-ils si exceptionnels que nous devions craindre à ce point un blackout ? En réalité, non ! Les températures affichaient seulement quelques valeurs légèrement négatives et le pic de la demande était estimé à 88 gigawatts, très loin du maximum historique du 8 février 2012 à hauteur de 102 gigawatts. Rien n’était susceptible, a priori, d’effrayer un pays comme la France.
À bien y réfléchir, il est assez inouï que nous nous soyons retrouvés dans une telle difficulté, car il ne s’agit pas d’une énergie fossile, comme le gaz ou le pétrole dont notre sol national est quasiment dépourvu, mais d’une énergie pour laquelle notre pays a savamment construit une stratégie d’autonomie dès les années 1960. Hélas, l’absence de décisions anticipatrices et les renoncements sur l’autel des petits arrangements politiques ont mis à mal cette souveraineté, basée sur une avance technologique reconnue dans le domaine du nucléaire !
Certains, dont la ministre de la transition écologique, évoquent la possibilité de se tourner radicalement vers d’autres sources d’électricité et caressent même l’espoir d’un mix totalement renouvelable à l’horizon de 2050.
D’autres sont nettement plus sceptiques et partagent l’analyse de l’ancien député socialiste Jean-Yves Le Déaut, qui déclarait en 2017, en sa qualité de président de l’Opecst : « Le développement de la puissance éolienne et photovoltaïque installée ne contribue pas à assurer la sécurité d’approvisionnement, en tout cas pas dans la période de pointe la plus critique, celle du soir. »
Les chiffres sont têtus : le 8 janvier dernier, même au meilleur de la journée, ces deux sources de production n’ont jamais excédé 5 % du total d’électricité fournie. Quels que soient les rêves des uns et des autres, la géographie naturelle de la France n’est pas celle de la Norvège. Elle ne permet pas de remplacer notre capacité de production par des sources intermittentes et non pilotables. Au contraire, et il faut avoir le courage de le dire aux Français, nous importons régulièrement de l’énergie très fortement carbonée, en raison notamment de la baisse de notre production d’origine nucléaire, liée à la fermeture des deux réacteurs de Fessenheim.
Certes, plusieurs pistes prometteuses ont été mentionnées au cours de ce débat, des systèmes de stockage par batteries à la production d’hydrogène vert, mais dans le même temps on abandonne le programme Astrid sur les réacteurs nucléaires de quatrième génération, alors que d’autres pays accélèrent leur développement dans cette voie.
Pour atteindre l’équilibre recherché et éviter un blackout, la solution viendrait-elle du côté de la demande ? Malheureusement, non ! J’en veux pour preuve la décision prise par la représentation nationale d’interdire la commercialisation des véhicules émettant des gaz à effet de serre à l’horizon de 2040. Si l’on admet qu’une telle mesure contribue à renforcer la place du véhicule électrique, la consommation d’électricité devrait augmenter de l’ordre de 15 % d’ici à 2040. Les propriétaires ont, en effet, pour réflexe naturel de brancher leur véhicule en rentrant du travail, c’est-à-dire précisément au moment du pic de consommation, et les 30 000 bornes de recharge publiques sont davantage sollicitées en journée.
Autre exemple : le Gouvernement a annoncé en juillet dernier la fin des chaudières fonctionnant au fioul et, plus récemment, la réglementation environnementale 2020 prévue dans la loi ÉLAN a interdit le chauffage au gaz dans les nouvelles constructions immobilières. Ces mesures se traduisent de facto par le développement de solutions consommatrices d’électricité, au premier rang desquelles les pompes à chaleur.
Par ailleurs, une récente étude du cabinet E-CUBE et de l’Institut d’économie de Cologne montre qu’une vague de froid rigoureux en Europe pourrait conduire à un déficit de capacité de production allant de 35 à 70 gigawatts, entraînant des coupures d’électricité de 100 à 250 heures.
Un autre facteur de nature à tendre le réseau durant les vagues de chaleur tient à l’utilisation de climatiseurs, qui peut représenter jusqu’à 70 % de la consommation d’électricité dans le secteur résidentiel, comme on l’a constaté l’été dernier en Californie.
Enfin, les usages numériques continuent de croître de manière importante, qu’il s’agisse des smartphones, du stockage des données sur le cloud, ou encore du télétravail et des visioconférences que le confinement a nettement renforcés.
En résumé, au moment même où la demande suit une « tendance haussière » incontestable et certainement durable, notre pays a choisi de réduire les moyens dont il dispose pour y répondre de manière opérationnelle. Ce sentiment d’absurde me conduit à conclure en citant Jacques Rouxel, le célèbre parolier des Shadoks : « En essayant continuellement, on finit par réussir. Donc plus ça rate, plus on a de chance que ça marche. » (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François Bonhomme. Bonne référence !
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur le risque de blackout énergétique.
6
Montagne
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la montagne.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, le groupe auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Cyril Pellevat, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cyril Pellevat, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 4 décembre dernier – première date à retenir –, le Premier ministre prenait un décret interdisant l’accès du public aux remontées mécaniques. Cette décision n’est pas apparue comme une surprise aux acteurs de la montagne, compte tenu des propos du Président de la République à la fin du mois de novembre 2020. Cependant, ses conséquences sont désastreuses pour le secteur, qui représente environ 18 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects. Déjà fragilisée par la fin brutale de la saison 2019-2020, du fait du premier confinement et d’un été en demi-teinte, la filière de la montagne va subir de nouvelles pertes économiques sèches, ce que reconnaît d’ailleurs le juge des référés du Conseil d’État dans son ordonnance du 11 décembre 2020.
La deuxième date à retenir est celle du 7 janvier, qui avait été fixée pour une éventuelle réouverture. En dépit des données épidémiologiques encourageantes d’autres pays voisins du nôtre qui n’ont pas fait le choix de fermer leurs remontées mécaniques, cette réouverture a été repoussée. Il est maintenant temps d’écouter la demande formulée dès le début par les acteurs de la montagne : qu’une date de reprise d’activité soit fermement fixée et que l’on s’y tienne, ou bien que l’on nous dise si nous allons vers une saison blanche. Il n’est plus possible de continuer à tenir l’ensemble des acteurs économiques de la montagne dans l’obscurité.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous êtes en lien direct avec les professionnels, vous savez quel coup de massue cette décision représente pour les territoires de montagne, qui comptaient énormément sur cette saison hivernale pour tenter de rattraper le retard économique accusé. Opérateurs de remontées mécaniques, commerçants, professionnels de l’immobilier, collectivités territoriales ou travailleurs indépendants comme les médecins ou les pharmaciens, tous sont concernés.
Sans la fréquentation touristique française et étrangère, l’économie de montagne est à l’arrêt. Les taux d’occupation des stations atteignent à peine les 10 % pour les plus touchées, et les domaines skiables ont déjà perdu entre 20 % et 30 % de leur chiffre d’affaires annuel durant la seule période des vacances de fin d’année.
La décision du Gouvernement va donc compromettre durablement les capacités d’investissement de l’ensemble des acteurs de la montagne. La filière d’excellence des sports d’hiver anticipe une baisse des investissements de 50 %. En outre, les aides mises en place par le Gouvernement ne suffiront pas à pallier les difficultés liées à la fermeture des remontées mécaniques si celle-ci continue de s’éterniser.
Pour éviter une catastrophe, il faut à tout prix que le Gouvernement mette en œuvre les propositions pleines de bon sens et de raison au sujet desquelles les acteurs de la montagne et les élus vous sollicitent inlassablement. Rien ne vous empêche d’utiliser les moyens existants pour limiter la propagation du virus et les accidents, mais ne laissez pas à l’abandon cette économie, qui, en raison de ses spécificités, ne pourra pas reprendre une activité normale au printemps ! J’ai transmis dans un courrier au Premier ministre les principales propositions que nous avions formulées. Il est resté sans réponse à ce jour ; je le tiens à votre disposition.
Au nom de l’ensemble des acteurs de la montagne, je vous prie de faire le bon choix et de permettre une reprise d’activité le plus rapidement possible. Deux mesures me paraissent particulièrement intéressantes à mettre en œuvre, sans débourser 1 euro : d’une part, étaler les vacances d’hiver sur six semaines au lieu de quatre, afin de soutenir l’activité des stations sur les « ailes de saison » ; d’autre part, envisager de différencier les restrictions selon les départements, comme c’est le cas actuellement pour le couvre-feu, en observant le taux moyen d’occupation des lits d’hôpitaux. Les stations des départements situés au-dessous d’un certain seuil pourraient alors être autorisées à rouvrir leurs remontées mécaniques. J’espère que vous envisagerez sérieusement ces propositions.
La possibilité de cette différenciation me conduit au second point de mon propos : il faut continuer d’avancer sur le chemin d’une meilleure adaptation des normes législatives et réglementaires aux spécificités des territoires de montagne et des massifs. Ce travail doit commencer dès la conception de ces normes.
On gagnerait aussi à développer une démarche comparable pour améliorer le maillage des services publics. Plusieurs propositions figurent dans le rapport que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté, le 15 juillet dernier. Mes collègues y reviendront, notamment Dominique Estrosi Sassone.
Un premier pas pourrait consister à renforcer les liens avec le Conseil national d’évaluation des normes et le Conseil national de la montagne, ou bien encore à prévoir des expérimentations spécifiques.
Pour répondre à la désertification médicale, il me semble nécessaire de modifier le fonctionnement et la gouvernance des agences régionales de santé, de favoriser le développement de l’offre de stages en ambulatoire dans les zones de montagne, de développer la création de maisons de santé pluriprofessionnelles et de garantir le maintien d’une offre hospitalière de qualité, en proximité.
L’accès territorial au numérique et la lutte contre l’illectronisme sont d’autres sujets prioritaires. Le Gouvernement s’est fixé des objectifs ambitieux, qu’il est plus que jamais nécessaire d’atteindre.
Enfin, des questions d’attribution de compétences se posent, en particulier pour l’eau et l’assainissement. Une proposition de loi a été récemment déposée à ce sujet.
L’adaptation des territoires de montagne au réchauffement climatique remet durablement en cause leur modèle économique. Cette problématique a été peu abordée par les précédentes lois Montagne, alors qu’elle est vitale pour nos territoires, surtout pour les stations de basse et moyenne altitudes. Pour rappel, depuis les années cinquante, les températures annuelles moyennes dans les Alpes ont augmenté de deux degrés.
Si le risque de disparition des sports d’hiver est limité à l’horizon de 2040-2050 pour les stations situées au-dessus de 1 800 mètres d’altitude, elles seront confrontées comme les autres au manque d’enneigement, en particulier sur les « ailes » de la saison hivernale. Cette situation est très préoccupante, car la viabilité d’un domaine skiable suppose une durée minimale d’ouverture de cent jours par an. Certes, des outils existent pour sécuriser l’enneigement, comme la neige de culture. Nous devons cependant trouver des solutions pérennes, écologiques et moins coûteuses pour les stations, notamment les plus petites. Même sans neige, la montagne est et doit rester un espace attractif pour les Français et les touristes étrangers.
Deux pistes principales se dégagent des propositions qui figurent dans le rapport adopté le 15 juillet dernier.
Tout d’abord, il faut accompagner les territoires de montagne dans le développement d’un tourisme « 4 saisons » ou « 2 saisons plus », ainsi que dans la diversification des activités touristiques, qu’il s’agisse du VTT, de la randonnée, de l’escalade, du parapente, des loisirs en eau vive, ou bien d’autres activités qu’il reste à imaginer et à développer. À cet effet, les comités de massif pourront élaborer des plans stratégiques d’adaptation au changement climatique. Il faudra également travailler sur le développement des servitudes estivales. Le concours de l’État et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui dispose depuis peu d’un programme spécifique pour la montagne, sera déterminant pour aider les collectivités à construire et à faire aboutir leurs projets.
Ensuite, cette transition doit être soutenue et accompagnée sur le plan financier. Il est donc nécessaire de créer un fonds spécifique d’adaptation au changement climatique en zone de montagne, pour restructurer les activités économiques face au recul de l’enneigement et financer la réhabilitation énergétique de bâtiments touristiques. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, j’avais proposé un amendement visant à mettre en place ce fonds à hauteur de 15 millions d’euros par an pendant deux ans. Nous pourrions aussi envisager un gel du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales pendant un ou deux ans.
Il serait également bon de prolonger la possibilité de recourir à l’activité partielle pour les remontées mécaniques qui relèvent des régies dotées de la seule autonomie financière. Une expérimentation était prévue dans la loi Montagne II, mais elle a pris fin. Les textes adoptés pendant la crise sanitaire ont apporté une réponse immédiate à cette problématique. Je souhaite qu’elle soit désormais traitée de manière durable.
Monsieur le secrétaire d’État, avant de conclure, je souhaiterais vous poser deux questions : s’agissant de la réouverture des remontées mécaniques, quel horizon pouvons-nous donner à la filière et comment l’État compte-t-il compenser les pertes subies par les professionnels ? Le Gouvernement prévoit-il d’inscrire dans le projet de loi 4D des mesures spécifiques pour le développement des territoires de montagne ?
Nous avons siégé ensemble au Conseil national de la montagne. Je connais donc votre engagement en faveur des territoires de montagne et le soutien que vous leur apportez. Sachez que nous serons à vos côtés quand viendra le jour de plaider de nouveau notre cause auprès des membres du Gouvernement et du Président de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’emblée de remercier Cyril Pellevat d’avoir demandé l’organisation de ce débat sur la montagne, ici, au Sénat, la chambre des territoires. Je suis heureux d’y représenter le Gouvernement en ma qualité de secrétaire d’État chargé de la ruralité, non seulement parce que la politique de la montagne relève de mes attributions, mais aussi parce que je suis un ancien élu de la montagne et que celle-ci reste chère à mon cœur, comme M. Pellevat l’a rappelé.
Depuis 1985, la politique de la montagne vise l’équilibre entre la préservation d’un patrimoine naturel exceptionnel et le développement économique. Elle doit aussi adapter la gouvernance de ces territoires à leurs spécificités. C’est tout l’objet de la loi Montagne, qui a introduit, il y a trente-six ans, dans la législation française, un droit à la différence des territoires. Il concerne environ 5 000 communes, soit un tiers du territoire métropolitain et 15 % de la population. La loi Montagne a été complétée par celle du 28 décembre 2016, dite loi Montagne II, dont M. le sénateur Pellevat a suivi l’application.
En tant qu’ancien élu d’un territoire de montagne, je mesure tous les apports de ce texte. Durant près de trente ans, j’ai été maire de la commune de L’Argentière-La Bessée, dans les Hautes-Alpes. J’ai également occupé les fonctions de coprésident du comité de massif des Alpes, puis du Conseil national de la montagne. Je côtoie les élus de montagne depuis le début de mon engagement dans la vie publique. Nous avons noué entre nous une forme de solidarité transpartisane qui fait notre force.
Les élus de la montagne sont inventifs et ingénieux, de sorte qu’ils trouvent souvent avant les autres des solutions à des problèmes qui se posent sur le reste du territoire. Nous sommes par exemple les premiers à avoir créé les futures maisons de service public pour faciliter l’accès aux services du quotidien. Désormais, les maisons France Services maillent les territoires ruraux et périurbains.
Parce qu’ils œuvrent dans des territoires qui sont soumis à des contraintes naturelles plus fortes qu’ailleurs, les élus de la montagne redoublent de ténacité et de persévérance. Ils savent mieux que quiconque ce que veut dire le proverbe « Aide-toi, le ciel t’aidera », qui est toujours préférable à « Tout ce qui tombe du ciel est béni », car le ciel est souvent un peu trop parisien… (Sourires.)
Vous comprendrez donc aisément que, dans mes fonctions actuelles de secrétaire d’État chargé de la ruralité, j’aie un fort tropisme pour la montagne. Certains esprits malicieux m’avaient d’ailleurs qualifié, dès ma nomination, de « secrétaire d’État à la montagne ». Je ne récuse nullement cette qualité, même si j’ai vocation à traiter tous les sujets de la ruralité et pas seulement ceux où il y a « de la pente » !
Je suis aussi chargé de suivre la mise en œuvre de l’agenda rural, ce grand plan national en faveur de la ruralité, dont les 181 mesures profitent directement aux territoires de montagne.
Cependant, ce débat couvre un champ plus large, car la montagne n’est pas que rurale. Les territoires de montagne se caractérisent par leur grande diversité. Parmi les sujets que nous allons évoquer, beaucoup débordent le périmètre du ministère de la cohésion des territoires auquel mon secrétariat d’État est rattaché. Il s’agit notamment des sujets agricoles ou encore des aides compensatrices des conséquences de la crise de la covid. Je m’efforcerai néanmoins de répondre à toutes les questions, et pour celles qui ne relèvent pas du ministère de la cohésion des territoires ou pour lesquelles je n’aurais pas tous les éléments à ma disposition, je m’engage à vous apporter le cas échéant des compléments par écrit, à l’issue du débat.
Le contexte dans lequel nous débattons est difficile, si ce n’est éprouvant. Le pays tout entier vit dans l’angoisse d’une nouvelle vague, synonyme d’un troisième confinement, mais aussi de la mutation du virus, dont on retrouve une variante britannique sur notre territoire, y compris dans un village des Hautes-Alpes situé à 2 040 mètres d’altitude. Tous nos espoirs reposent désormais sur l’efficacité du vaccin.
De longues semaines de privations sont, hélas, encore à venir. Je sais mieux que quiconque ce que cela implique pour les stations de montagne. Je suis en contact quotidien avec les acteurs du secteur du tourisme. Croyez bien que je joue mon rôle au sein du Gouvernement pour défendre les intérêts de la montagne. Monsieur le sénateur, vous me le demandiez tout à l’heure : je puis vous assurer que je porte la voix des montagnards dans ce gouvernement.
Les exploitants de remontées mécaniques sont particulièrement touchés. Ils réalisent habituellement un chiffre d’affaires de l’ordre de 1,4 milliard d’euros par an, dont l’essentiel dans un intervalle de quatre à cinq mois en période hivernale, alors que les coûts qu’ils supportent sont répartis sur l’ensemble de l’année. Grâce au fonds de soutien, nous leur accordons une aide, tant sur les charges fixes que sur les pertes de recettes. Le Gouvernement a engagé la semaine dernière les échanges nécessaires avec la Commission européenne pour mettre en place ce dispositif, qui doit faire l’objet d’une notification préalable au titre de l’aide d’État. Je précise qu’il sera évolutif au cas où de nouvelles périodes de confinement s’avéreraient malheureusement indispensables. Il faut préserver l’avenir en la matière.
L’ensemble des commerces situés dans les stations de ski et les vallées qui en dépendent a été intégré aux secteurs S1 et S1 bis, qui font l’objet du plan Tourisme. Ils peuvent donc bénéficier d’une aide allant jusqu’à 10 000 euros et de l’activité partielle prise en charge à 100 % par l’État.
La mesure s’applique non seulement dans les communes des stations de ski, mais aussi dans celles des vallées qui en dépendent : communes de montagne, membres de l’EPCI support d’une station de ski et n’appartenant pas une unité urbaine de plus de 50 000 habitants. C’est la première fois qu’une mesure de cette nature est territorialisée. J’y tenais beaucoup. Mon secrétariat d’État a fourni un travail considérable pour définir ces périmètres, grâce auxquels l’acception des pertes économiques est la plus large possible, car les conséquences portent sur toute la vallée, et pas seulement sur la commune qui est support de la station.
Les moniteurs de ski, à titre individuel, peuvent accéder au fonds de solidarité, avec un droit d’option leur permettant une compensation des pertes de recettes allant jusqu’à 10 000 euros ou 20 % du chiffre d’affaires réalisé sur la même période en 2019.
Les autres activités touristiques et les activités hôtelières liées au fonctionnement des stations de sports d’hiver bénéficient déjà d’une aide renforcée du fonds de solidarité, grâce à leur intégration au plan Tourisme.
Enfin, afin de permettre aux professionnels de la montagne de sécuriser les embauches des saisonniers, le Gouvernement a décidé, dès le 30 novembre dernier, d’octroyer le bénéfice de l’activité partielle aux entreprises concernées, jusqu’à la reprise d’activité dans les stations. Cette mesure destinée à protéger l’emploi porte déjà ses fruits, puisque les remontées mécaniques ont embauché 95 % de leurs saisonniers.
Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre appel sur la pérennisation de ce dispositif. À l’époque où nous voulions le mettre en place de manière définitive, nous nous étions heurtés à un avis du Conseil d’État, qui est toujours très vigilant sur ces questions, tout comme il l’est sur les régies thermales. Il nous faut « grignoter » des points petit à petit pour faire comprendre que les modèles économiques varient selon le type de station concerné.
Un récent voyage officiel en Maurienne et en Tarentaise, pendant les vacances de fin d’année, a démontré les bénéfices de la pluriactivité, notamment pour les agriculteurs qui tirent un meilleur revenu des pratiques diversifiées, ou bien pour les médecins de montagne dont l’activité en période touristique est seule à même de solvabiliser les cabinets installés dans les vallées à faible patientèle. Nous avons d’ores et déjà saisi Bercy sur ces sujets.
Je mesure parfaitement que cela ne suffira pas. Plus que des aides, les acteurs de la montagne attendent une perspective claire sur l’avenir et, si possible, une date de réouverture des remontées mécaniques. Croyez bien que nous le désirons tous, et moi le premier. Nous sommes, hélas, contraints à la plus grande prudence, à l’heure où de nombreux pays reconfinent et où l’on ignore encore l’état précis de diffusion de nouveaux variants sur le territoire national.
Les propositions que vous formulez doivent être étudiées. Le Gouvernement doit rester à votre écoute. Il le fera, et je continuerai d’être votre interlocuteur.
Cette crise agit aussi comme un révélateur. Elle met en lumière la forte dépendance de certains territoires à un type d’activité. Nous devons donner aux collectivités qui le souhaitent les moyens d’y remédier et de s’adapter. C’est tout le sens du programme Montagne que nous concevons avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires, l’ANCT. Il s’agit du premier programme national depuis le plan Neige des années 1960-1970. Une consultation des acteurs de la montagne est en cours à ce sujet et se déroule dans le cadre du Conseil national de la montagne, d’une part, et des comités de massif, d’autre part.
Ce programme privilégiera le « cousu main ». Il ne reposera pas sur des appels nationaux à manifestation d’intérêt conçus depuis Paris. L’idée est de construire des projets qui partent des territoires et d’apporter l’aide nécessaire, notamment en matière d’ingénierie.
La contribution du Sénat, au travers de ses travaux et des échanges que nous avons, sera évidemment déterminante. Je n’oublie pas non plus que, dans son rapport public annuel de 2018, la Cour des comptes a appelé les collectivités à faire évoluer rapidement la gouvernance et le fonctionnement des domaines skiables, pour s’adapter suffisamment tôt à un avenir où le ski et les sports de neige ne seront plus leur seule ressource.
Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que nous avons en commun l’amour de la montagne. Il ne s’agit pas seulement d’un sentiment pour nos régions d’origine, mais du devoir républicain qui nous ordonne de garantir l’équité et la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. À l’heure où l’absence de perspectives met les professionnels et les communes de montagne à l’agonie, à l’heure où la région des Alpes du Nord est celle qui se réchauffe le plus en France, à l’heure où notre plus grand réservoir naturel d’eau s’assèche, notre responsabilité à l’égard des territoires de montagne est immense. La crise à la fois économique et écologique que nous traversons a sonné le glas d’un modèle qui voudrait à tout prix maîtriser le développement de la montagne en gommant ses aléas, ses aspérités et ses aménités.
En réalité, cette situation d’exception pourrait offrir l’opportunité de montrer tous les atouts de nos territoires de montagne, dont les capacités de résilience sont considérables. En effet, au-delà d’une aire de jeux, les massifs montagneux constituent d’abord un réservoir de biodiversité extraordinaire et une ressource hydrologique majeure. Or les scientifiques sont formels : d’ici à la fin du siècle, la plupart des glaciers situés au-dessous de 3 500 mètres d’altitude auront disparu.
Agissons pendant qu’il en est encore temps, avant que ces territoires ne deviennent suraménagés ou sanctuarisés ! Parmi les Français, 90 % considèrent que la montagne est un atout pour le pays. La fréquentation inédite des sites de montagne après les périodes de confinement montre leur attachement à la nature et leur besoin de grands espaces. De nombreux touristes ont découvert, cet hiver, la montagne autrement.
Appuyons-nous sur les femmes et les hommes qui participent au quotidien à la vitalité des territoires de montagne, maintiennent les liens de solidarité, construisent un modèle économique plus durable, plus juste et plus respectueux de son environnement !
Il est urgent que nous nous dotions d’une politique de la montagne à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et économiques. Nous ne pouvons pas réduire l’avenir des territoires de montagne à la seule question de la diversification touristique, comme le propose l’ANCT.
Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de bâtir une véritable politique de transition des territoires de montagne avec les moyens consacrés.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Gontard, nous nous connaissons bien et nous connaissons aussi tous les aspects de la politique de la montagne. Elle n’est pas complètement vierge : beaucoup de travaux ont déjà été réalisés sur certains sujets que vous évoquez, qu’il s’agisse de l’agenda 21, des plans Climat, des territoires à énergie positive pour la croissance verte, qui se réalisent aussi en montagne.
Reste que, vous avez raison, nos facultés de résilience doivent se montrer plus importantes dans les territoires qui sont plus fragiles que les autres. C’est la raison pour laquelle nous lançons un programme national Montagne. Nous attendons pour le définir la concertation avec les acteurs des territoires, qui doivent nous proposer un certain nombre de sujets. Sachez cependant que nous avons déjà réuni, le 1er décembre 2020, des représentants du ministère de la transition écologique, du secrétariat d’État au tourisme, du ministère des sports, de la Banque des territoires, ainsi que plusieurs opérateurs de l’État, pour travailler à l’élaboration de ce programme. La méthode est de coconstruction, sur le modèle des politiques d’appui classiques qui sont portées par l’ANCT.
Une contribution importante du ministère de la transition écologique et de l’Ademe a permis d’identifier la nécessité d’accompagner tous les territoires de montagne dans l’adaptation au changement climatique et la transition écologique. Un certain nombre d’entre eux ont accumulé de l’expérience, et des bonnes pratiques se sont développées dans chaque massif, au travers notamment des projets de coopération territoriale européenne. Elles sont bien identifiées et pourront être diffusées dans le réseau des territoires de montagne qui vont bénéficier de l’ingénierie déjà mobilisée.
Notre objectif n’est pas de mettre ces territoires sous cloche, mais d’améliorer la qualité de vie de la population permanente, en donnant à tous les habitants la capacité d’être les pionniers d’un mode de vie plus intégré et plus respectueux de l’environnement particulièrement fragile des zones de montagne.
Nous allons travailler sur l’idée commune d’un fonds de résilience du tourisme en montagne, qui pourrait s’adosser au programme Montagne, de façon à associer relance et transition écologique.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je vous remercie pour cette présentation et ces explications, monsieur le secrétaire d’État. Je n’en attendais pas moins : je connais votre attachement aux territoires de montagne. Permettez-moi quand même de continuer à douter des capacités du Gouvernement à engager les transitions qui s’imposent. Je formule le vœu que nous puissions aller plus avant.
La montagne constitue l’un de nos biens communs les plus précieux. Son avenir dépendra de notre capacité à bâtir un modèle plus soutenable. À ce titre, je vous invite à vous appuyer sur les travaux du Cluster de la transition des territoires de montagne, espace de réflexion pour une montagne vivante, résiliente et inspirante.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. En tant que parlementaire de la Drôme, où les Préalpes constituées par les massifs du Royans et du Vercors s’élèvent sur les contreforts, je me réjouis de ce débat sur la montagne.
Monsieur le secrétaire d’État, la problématique que je soulève concerne le droit de l’urbanisme dans ces communes. Je sais que nombre de maires, souvent de petites communes, attendent votre positionnement et votre vision sur ces territoires.
Aujourd’hui, les documents à l’initiative des municipalités sont la carte communale ou le plan local d’urbanisme. Si ce cadre convient sans doute aux villes et aux communes de plus grande taille, vous savez aussi que ce sont des documents longs à élaborer et avec de forts risques de contentieux, notamment pour les PLU. De plus, la procédure inclut la concertation et la consultation des services associés, ainsi que la vision de l’État, notamment pour ce qui concerne la constructibilité dans des secteurs agricole, forestier ou naturel.
Considérant ces procédures non seulement coûteuses, fastidieuses, mais aussi fragiles juridiquement, le résultat est aussi contraignant pour adopter une vision communale de la constructibilité. C’est pourquoi de nombreuses communes de montagne sont régies par le règlement national d’urbanisme en l’absence d’autres documents arrêtés par la municipalité, et les autorisations d’urbanisme sont signées par les maires au nom de l’État.
Là, nous constatons des disparités d’appréciation. En effet, les services instructeurs se rendent rarement sur site pour apprécier la continuité de construction, et le maire peut être en désaccord sur l’avis rendu. J’ai encore en mémoire le refus de permis de construire distillé par la DDT de la Drôme à la commune de Montclar-sur-Gervanne sur un quartier, pour un pétitionnaire, alors que trois maisons avaient auparavant été construites avec autorisation, la commune ayant déjà assumé la mise en place des réseaux secs et humides, avec logettes et regards installés en bordure des propriétés.
Ne faut-il pas apporter plus de souplesse et de latitude à nos communes de montagne et plus de confiance à leurs élus ? À ce titre, ne pourrions-nous pas enrichir le projet de loi 4D pour adapter le code de l’urbanisme et, ainsi, disposer d’un cadre juridique en adéquation avec les aspirations de ces territoires, qu’il nous faut soutenir collectivement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur Buis, la très grande diversité des communes de montagne et la nécessité de disposer d’outils souples et adaptés aux différentes situations qui se rencontrent.
Même si certaines choses ne sont pas écrites noir sur blanc dans le projet de loi 4D, je rappelle néanmoins que les amendements d’origine parlementaire sont toujours les bienvenus sur ces questions de politique de la montagne. D’ailleurs, je ferai cette même réponse à d’autres intervenants, jugeant nécessaire l’intégration d’un « paquet montagne » – je reprends là ce qu’a dit Cyril Pellevat – dans la loi 4D.
Pour les petites communes, le règlement national d’urbanisme offre des possibilités d’aménager le territoire pour des besoins ponctuels. La continuité de l’urbanisation constitue évidemment un critère essentiel, apprécié, au cas par cas, par les services de l’État.
Comme vous, je suis extrêmement attaché à ce que cet accompagnement puisse se renforcer. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons sanctuarisé l’an dernier les effectifs des directions départementales des territoires.
Nous encourageons aussi le travail des projets en amont, ce qui permet de vérifier le plus tôt possible que la continuité d’urbanisation est bien respectée et, ainsi, d’éviter de s’aventurer dans des projets qui ne seraient pas forcément retenus in fine.
J’ajoute tout de même un point, qui me semble important : en matière d’urbanisme, la mutualisation au niveau de l’intercommunalité a un effet facilitateur. Certes, elle n’est pas toujours évidente à mettre en place – je connais les territoires de montagne ; je sais comment, parfois, on peut considérer son voisin comme un concurrent –, mais il faut à mon sens l’encourager sur un certain nombre de sujets.
Je peux d’ores et déjà annoncer que la possibilité de disposer d’une ingénierie en matière d’urbanisme figure parmi les éléments que je compte renforcer. Ce sera fait dans le cadre du plan Montagne que j’ai évoqué en répondant au sénateur Gontard.
Nous parlons effectivement de projets extrêmement complexes, et je comprends, monsieur le sénateur Buis, que vous puissiez vous faire le porte-parole de ces communes pour demander plus de proactivité de la part du Gouvernement en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Effectivement, il faut apporter des améliorations, car, sans que ce soit forcément La Petite Maison dans la prairie, à Lesches-en-Diois, ma commune de 50 habitants, personne ne souhaite construire sur 300 mètres carrés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. À quelques semaines des vacances de février, qui comptent pour un tiers des déplacements de nos concitoyens à la montagne, je suis inquiet pour les communes des Alpes-de-Haute-Provence et profondément solidaire des préoccupations des montagnards.
Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d’État, il y a des économies touristiques meurtries après ces vacances de Noël, mais surtout des vies quotidiennes locales qui sont bouleversées, sans perspectives réalistes d’ouverture avant quelques mois. Allez-vous nous rassurer ou nous détromper ?
Aujourd’hui, je viens plaider pour cette vie locale, car l’activité montagnarde ne s’arrête pas aux remontées mécaniques.
Nous demandons que les locaux – clubs, écoles, associations – puissent continuer, dans des conditions sanitaires optimales, de pratiquer des activités sportives en montagne.
Nous demandons que les pisteurs puissent continuer à sécuriser les pistes et que le travail des secouristes soit facilité.
Nous demandons que les pharmacies de stations, exclues des entreprises du secteur S1, tel que fixé dans le plan Tourisme d’octobre 2020, puissent elles aussi être aidées à passer ce cap.
Je demande une indemnisation prolongée et une réflexion de moyen terme sur le statut des saisonniers et loueurs, qui pourraient bénéficier de formes coopératives ou de portage salarial.
À côté de ces mesures immédiates, il est sans nul doute indispensable d’accélérer la mutation des stations, afin d’anticiper concrètement les effets du réchauffement climatique sur nos massifs et nos vallées. La montagne doit pouvoir s’apprécier en toutes saisons, ce qui va nécessiter des investissements de long terme. Or nos communes et collectivités, extrêmement dépendantes des ressources touristiques ou du thermalisme, alors qu’elles sont essentielles pour absorber l’onde de choc de 2021 et transformer durablement notre modèle économique et social, n’en ont plus les moyens.
L’article 4 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne dispose que la DGF et le FPIC intègrent « les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ». Comment allez-vous soutenir un effort supplémentaire au bénéfice de collectivités locales aujourd’hui dépourvues de ressources pour entretenir la montagne, notre bien commun, et faire vivre dignement ses habitants au cours de ce premier semestre de 2021 ?
M. Loïc Hervé. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Votre question est très large, monsieur le sénateur Roux. Il se peut donc que je vous réponde partiellement aujourd’hui, mais je compléterai ma réponse par écrit.
Je rappelle tout de même que nous avons financé une partie des charges fixes relatives aux remontées mécaniques, par le biais d’une indemnisation des exploitants, afin que l’on puisse, en toute sécurité, pratiquer un certain nombre d’activités en montagne. Ainsi, la pratique des sportifs de haut niveau, des professionnels et des clubs de ski locaux est parfaitement autorisée. D’ailleurs, les stations de ski ne sont pas fermées ; les remontées mécaniques le sont. C’est une nuance importante, qui a parfois été traduite de façon excessive…
M. Loïc Hervé. Oui ! Au plus haut niveau !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. … par certaines entreprises de remontées mécaniques. Il y a eu des problèmes de compensations demandées à des communes ou à des départements pour pouvoir laisser s’entraîner des jeunes sportifs. Des chasseurs alpins de l’école militaire de haute montagne ont également été empêchés de s’entraîner.
Ce sont des cas rares, mais je les ai signalés à Domaines skiables de France afin que nous revenions à quelque chose de raisonnable et puissions renouveler le dialogue entre les maires et les exploitants de remontées mécaniques. Je propose, à cet égard, que mon secrétariat d’État serve d’intermédiaire et accompagne les élus locaux, avec l’appui des préfets, pour la concrétisation d’une vision partagée sur le terrain. Nous sommes à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur Roux, vous avez cité plusieurs cas pour lesquels les indemnisations ne seront peut-être pas à la hauteur… S’agissant des pharmacies de stations, que vous mentionnez souvent, elles sont inscrites sur la liste S1 bis, ce qui leur permet de prétendre à une indemnisation à laquelle elles n’avaient pas accès précédemment. Il y a également le recours au chômage partiel.
Des éléments complémentaires nous ont été communiqués – j’en ai recueilli dans les Hautes-Alpes, et la sénatrice Martine Berthet m’en a également apporté. Nous allons à notre tour transmettre ces éléments, qui sont extrêmement intéressants, au cabinet d’Alain Griset au ministère de l’économie, afin que nous puissions aboutir à un dispositif à peu près décent.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je m’arrête là, car le temps de parole qui m’est imparti est dépassé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je remercie à mon tour mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir suscité ce débat sur la montagne – sur les montagnes, oserais-je dire, tant sont divers les territoires de montagne et, donc, les communes composant ces différents massifs. Bien évidemment, ces communes ont toutes un point commun : la spécificité de l’altitude. Que celle-ci engendre des handicaps, pour certaines, qu’elle soit valorisée au titre de ses aménités positives, pour d’autres, ce sont en tout état de cause des problématiques à gérer au quotidien pour les élus locaux, non seulement en raison de territoires très en pente, mais aussi d’une grande variété météorologique – étés parfois très chauds, hivers parfois très froids.
Comme je le soulignais lors du débat sur le projet de loi dit « Montagne II », ici même, en 2016, des progrès ont été réalisés. Pour autant, certaines communes sont aujourd’hui en difficulté pour répondre aux défis de demain, notamment en matière de développement de l’emploi, lequel ne se réduit pas à l’emploi touristique.
Hasard du calendrier, c’est un sujet que nous avons évoqué de manière très concrète lors de nos toutes dernières visites communales dans les monts du Forez et Pilat de mon département de la Loire. Comment développer, accompagner et sécuriser l’emploi ? Comment maintenir les services publics et garantir l’accès à l’ensemble de ces services à toute la population, en toutes saisons ?
Je le redis, parce qu’elle se pose peut-être avec plus d’acuité cette année : il y a la question du déneigement et du coût supporté pour cela par les communes. En tout cas, celles-ci font toutes le même constat : elles souffrent d’un manque criant de moyens en termes d’ingénierie pour développer les équipements.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Vous posez également un éventail assez large de questions, madame la sénatrice Cukierman. Je vous répondrai, déjà, sur la problématique de l’ingénierie dédiée aux collectivités.
J’ai eu l’occasion de faire, ici, des annonces s’agissant de la politique d’ingénierie mise en place par l’ANCT. Au titre des politiques spécifiques menées sur certaines intercommunalités, je mentionnerai le lancement des fameux volontaires territoriaux en administration, ou VTA, qui seront à mon avis d’un grand secours dans les zones les plus dépourvues de moyens – certaines intercommunalités ont tout de même quelques moyens ; il y a une montagne pauvre et une montagne riche !
Mme Cécile Cukierman. C’est plutôt pauvre chez moi !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je le sais, madame la sénatrice, je connais bien votre département, ainsi que le département voisin de l’Allier. Je sais ce qui se passe sur les plateaux qui se trouvent un peu plus haut, en limite du mont Forez, et où l’on pratique le ski de fond.
Ce que je voulais vous dire, c’est que l’appui technique sera renforcé dans le cadre du programme national Montagne. En effet, je crois comme vous à l’ingénierie ! Je sais très bien ce que, faute d’ingénierie, on peut ne pas faire ou rater. Les rapports entre un exploitant de remontées mécaniques et une collectivité ne peuvent être sains que si l’on dispose d’une ingénierie permettant de « renforcer » l’équilibre entre les deux parties.
Vous évoquez également la « montagne 4 saisons », qui constitue l’un des éléments du rapport de Cyril Pellevat – et un élément extrêmement important. Là encore, nous avons à travailler à partir de ce rapport pour élaborer le programme national Montagne.
Il ne s’agira pas que d’ingénierie. De nombreux sujets vont être embrassés. Lors de la réunion d’ouverture avec les associations d’élus, les représentants des massifs et des comités de massif, j’ai beaucoup insisté sur le fait que tout ce qui est important doit être intégré. Certains sujets, qui n’avaient pas été prévus, ont d’ailleurs été évoqués, comme la problématique des risques naturels en montagne ou le sujet essentiel des services publics, que vous venez de citer. Comment peut-on concevoir un réseau de maisons France Services, offrant des services réellement adaptés, non pas à partir de Paris, mais en se fondant sur les besoins des territoires ?
Sachez donc que le programme national pour la montagne répondra à ces questions.
Mme la présidente. Vous dépassez systématiquement votre temps de parole, monsieur le secrétaire d’État…
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez la montagne, vous l’aimez, et, en ce sens, il est heureux que vous représentiez le Gouvernement cet après-midi.
Je veux profiter de ce débat initié par le groupe Les Républicains pour vous alerter sur la situation financière des communes et intercommunalités de montagne à l’horizon de 2021 et 2022. Bien sûr, je ne méconnais aucun des efforts consentis par l’État pour maintenir un niveau de ressources aux collectivités territoriales en général. Le Sénat a d’ailleurs pris toute sa part à cet effort.
Les communes touristiques de montagne sont en train de vivre un double traumatisme. D’abord, il y a cet hiver, avec une activité drastiquement réduite et la perspective de voir leur budget fondre comme neige – elle est pourtant abondante cette année – au soleil. Mais, sur un tableur de Bercy, ces communes apparaissent comme ayant un niveau élevé de dépenses, en fonctionnement comme en investissement, pour un nombre d’habitants permanents relativement faible. La spécificité de certaines recettes fiscales ou non fiscales rend la situation encore plus difficile à appréhender. Autrement dit, ces communes aux finances dynamiques sont considérées comme riches. Sauf si vous insistiez, je ne reprendrais pas l’ensemble des arguments m’ayant conduit à proposer la suppression du FPIC lors de la discussion du projet de loi de finances…
Ces collectivités auront besoin d’un suivi individuel et d’un accompagnement spécifique, avec des mesures ad hoc, qui ne peuvent pas être les mesures prévues dans les différents PLFR ou dans le PLF pour 2021. Êtes-vous en mesure d’apporter des réponses de nature à rassurer ces collectivités et les EPCI auxquelles elles appartiennent ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État… pour deux minutes !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Et pas plus ! Je m’y efforce, madame la présidente. (Sourires.)
Comme vous le savez, monsieur le sénateur Hervé, les communes de montagne bénéficient, comme l’ensemble des communes de France, d’un certain nombre de compensations ayant été votées dans les PLFR successifs.
Je rappelle tout de même que le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales, qui vaut en 2020 et en 2021, prend en compte les pertes de taxe de séjour et de taxe sur les remontées mécaniques. Ce dispositif garantit à chaque commune et EPCI à fiscalité propre que ses recettes fiscales et domaniales ne seront pas inférieures, en 2020 ou en 2021, à la moyenne des recettes perçues au cours des trois dernières années. Si les recettes sont inférieures, l’État leur verse automatiquement une dotation jusqu’à atteindre cette moyenne, d’ailleurs sans que les collectivités aient à engager la moindre démarche, ce qui est important pour celles qui ne disposent pas d’une ingénierie suffisante pour le faire.
Je rappelle aussi que, pour la taxe de séjour, la seule année 2019 est prise en compte pour le calcul du filet de sécurité. Je le sais d’autant plus que cette mesure découle d’un amendement que j’avais déposé à l’époque où j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale. J’avais beaucoup insisté sur cette question. Parce que cela favorisait les communes de montagne, me rétorquera-t-on… Mais pas qu’elles ! En fait, il s’agissait de prendre en compte la forte dynamique de cette imposition. Nous avions fait entrer dans l’assiette un certain nombre d’hébergements qui échappaient jusqu’alors à la taxe de séjour, ce qui créait une inégalité dans les territoires.
Ce rattrapage ayant été réalisé en 2019, je tenais à ce que l’on prenne en compte le chiffre de cette année-là, et ce d’autant que l’on avait également remis les pendules à l’heure s’agissant du partage entre communes et intercommunalités en matière de tourisme, pour éviter tout problème ou trou dans la raquette.
Plus de 300 communes de montagne ont donc reçu un acompte en novembre. Le calcul définitif et individualisé pour 2020 aura lieu avant le 31 mai.
Je m’arrête là, sinon je vais dépasser mes deux minutes de temps de parole. (Sourires.)
Mme la présidente. J’apprécie vos efforts, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Il est regrettable que vous n’ayez pas pu aller au bout de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je serai donc particulièrement attentif à la réponse par écrit que vous pourrez m’apporter.
J’y insiste, les collectivités dont je parle – j’en ai rencontré trois cette semaine : Chamonix, Arâches et Megève – m’ont saisi. Je vous ferai passer les courriers des maires évoquant les situations individuelles.
Ce sont des communes entreprises, actives dans la vie économique. Elles ont, pour de nombreuses raisons, des partenariats financiers avec les autres acteurs économiques du territoire, et cela leur permet de dégager certaines recettes, qui ne peuvent pas être compensées par la taxe de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques ou le panier fiscal général accordé à l’ensemble des collectivités du pays. C’est pourquoi j’en appelle à un suivi spécifique et, forcément, à des mesures ad hoc pour pouvoir accompagner ces communes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Dans le département des Hautes-Pyrénées, comme dans les autres territoires de montagne, de nombreux professionnels calquent leur activité sur le rythme des saisons, avec des pics d’embauche durant l’hiver et, à un degré moindre, durant l’été. Cette activité saisonnière est indispensable au bon fonctionnement des entreprises du tourisme, notamment les stations de ski.
Un travail de fond doit être mené pour accompagner ces territoires vers un « tourisme 4 saisons », dans une stratégie globale d’adaptation au changement climatique et de fidélisation des compétences saisonnières.
Le Conseil d’État a sanctionné deux dispositions très contestées de la réforme de l’assurance chômage et mis en avant le caractère profondément injuste de cette réforme. La plus controversée de ces dispositions, pour les demandeurs d’emploi, est le changement du mode de calcul de l’allocation chômage.
Les nouvelles règles de ce régime impacteront fortement les saisonniers et la pérennité économique de nombreux systèmes d’activité de montagne. En effet, c’est en montagne que les activités sont les plus dépendantes des saisons.
Notre groupe demande, depuis son instauration, le retrait de cette réforme.
Avec la crise de la covid-19, c’est plus de 1 million de saisonniers qui ont perdu leur source de revenus et seront, de surcroît, victimes des effets de cette réforme du chômage.
Les pistes envisagées jusqu’à maintenant sont foncièrement insatisfaisantes, alors même que de nombreux Français en difficulté sont déjà très durement touchés par les conséquences de cette crise. De plus, nous ne sommes pas à l’abri que cette situation sanitaire perdure, voire réapparaisse dans un avenir plus ou moins proche.
Les solutions qui s’imposent sont l’adoption d’une année blanche pour les saisonniers, extras et bénéficiaires du contrat à durée déterminée d’usage, et l’abandon de la réforme du chômage. À quand ces annonces, tant espérées dans nos massifs ? À quand une réelle réflexion sur le statut de saisonnier ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Vous posez plusieurs questions, madame la sénatrice Artigalas. La plus essentielle, me semble-t-il, est celle que vous avez soulevée en dernier, celle des saisonniers, d’une manière générale, et des saisonniers du secteur du tourisme, en particulier.
Comme je l’indiquais dans ma réponse au sénateur Pellevat, nous avons fait en sorte que les dispositifs transitoires prévus pour les travailleurs saisonniers liés à des conventions collectives, comme celle des remontées mécaniques, puissent s’appliquer de manière indifférenciée, indépendamment de questions de statut. Car c’était aussi un problème… Les territoires sont plus ou moins riches, plus ou moins pauvres, et l’on s’est retrouvé face à des cas absolument dramatiques, comme celui des stations qui sont en régie sans autonomie juridique et qui, de ce fait, n’ont pas d’existence légale. Nous avons donc mis en place des dispositifs provisoires tirés de la loi Montagne, que nous avons renouvelés par ordonnance au fur et à mesure de la crise du covid. Mais il est vrai que nous devrons trouver des équilibres avec le Conseil d’État, pour assurer une certaine pérennité à ces mesures.
Nous nous sommes également battus – cela vous intéressera, vu le département d’où vous venez – pour que les régies en charge des thermes, également sans personnalité juridique, puissent être prises en compte. Cela a été très difficile, et je vous prie de croire, mesdames, messieurs les sénateurs, que mon cabinet a énormément travaillé sur le sujet. Il nous semblait indispensable que les collectivités portant des établissements thermaux, qui sont souvent fragiles, puissent être indemnisées, et nous sommes parvenus à nos fins !
Votre intervention, madame la sénatrice Artigalas, s’est également élargie à la question globale de la réforme de l’assurance chômage.
Je n’ai bien évidemment pas de réponse précise à vous apporter sur ce point. Mais sachez une chose : dans la crise que nous traversons – et je répète, que ce soit bien clair, que cette fermeture des remontées mécaniques est pour moi un crève-cœur –, nous sommes aujourd’hui en mesure d’apporter des réponses à certains travailleurs saisonniers qui n’étaient plus du tout protégés par les textes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Je sais bien quels ont été les efforts réalisés en faveur des saisonniers, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’est pas suffisant. Cette crise montre bien que la réforme de l’assurance chômage n’est pas la bonne voie à suivre, et je vous demande de le faire savoir au ministre chargé du dossier.
Le Conseil d’État a su prendre la mesure des effets négatifs de cette réforme. Il a mis en avant une atteinte au « principe d’égalité » entre demandeurs d’emploi en emploi continu et demandeurs d’emploi en emploi discontinu. Ce fait reste inchangé ; il a juste été aggravé par la crise.
Je vous demande donc d’aider, aussi, au développement du « tourisme 4 saisons » afin de fidéliser et conserver des compétences sur nos territoires de montagne, en revalorisant et pérennisant ces emplois. Or cette réforme de l’assurance chômage, conjuguée à la crise, met à mal de nombreux professionnels de la montagne, et ce pour longtemps. Vous, comme votre collègue ministre du travail, devez prendre la mesure de cette situation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Ma question porte sur la modification des règles d’urbanisme et de construction pour les communes situées en zone de montagne.
Si les deux lois Montagne ont permis d’élaborer des mesures spécifiques à ces communes, afin de leur permettre une différenciation avec les zones rurales du reste du territoire, il existe actuellement des problèmes en matière de constructibilité, qui nuisent au bénéfice initial établi par le législateur. Le rapport d’évaluation de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur les lois Montagne évoque même une « asphyxie des possibilités de construction en montagne ». Certaines communes ne se voient ainsi délivrer qu’un unique permis de construire par mandat municipal, face à une administration toujours plus tatillonne, alors que des aménagements nécessaires à la vie quotidienne et au développement économique sont attendus.
Je voudrais aussi vous saisir, monsieur le secrétaire d’État, de la problématique concernant les territoires de montagne frappés par des catastrophes naturelles, comme l’ont été les vallées de la Roya, de la Vésubie et de la Tinée dans les Alpes-Maritimes – et j’associe à ces propos mes collègues de ce département présents dans l’hémicycle.
L’exigence de reconstruction à l’identique doit pouvoir être assouplie à l’avenir, en acceptant, par exemple, que la nouvelle construction soit un peu différente de celle qui a été détruite, à travers une surélévation ou encore un déplacement sur la même parcelle pour une situation plus en hauteur.
Ces modifications et assouplissements, allez-vous vraiment les faire vôtres au travers du projet de loi 4D ? C’est là, vous le savez, une forte attente des élus et habitants des communes de montagne, qui veulent pouvoir continuer à les développer. Cela passe par plus de facilités dans les règles de construction et d’urbanisme.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Comme vous l’indiquez, madame la sénatrice Estrosi Sassone, les lois Montagne I et II ont créé un cadre législatif de gestion intégrée et transversale des territoires, en trouvant un équilibre entre développement, protection de la montagne et nécessité de maîtriser l’urbanisation dans ces zones. Ce cadre législatif est fait pour prendre en compte, autant que possible, des contextes et besoins spécifiques à chaque territoire ; en un mot, pour faire de la différenciation. Or la différenciation, c’est un des « D » du projet de loi 4D. C’est le cas pour le principe de base, selon lequel il n’est possible de construire que dans l’urbanisation existante ou en continuité de cette dernière.
La loi définit, par ordre de taille décroissant, trois formes d’urbanisation : les bourgs et villages, les hameaux et les groupes de constructions traditionnelles et d’habitations existants.
Par ailleurs, la loi prévoit tout de même pas mal d’exceptions à ce principe, en particulier s’agissant des unités touristiques nouvelles (UTN), c’est-à-dire de constructions et d’aménagements d’installations liées au tourisme. L’étude de discontinuité, qui est une étude ad hoc incorporée dans le document d’urbanisme, permet de construire ponctuellement en dehors de l’urbanisation existante.
Ces dispositions apportent une première réponse.
Pour les communes soumises aux seules règles du RNU, les marges de manœuvre sont plus limitées, et l’appréciation de la construction en continuité devient alors tout à fait centrale. Je sais votre grande mobilisation sur ce sujet, madame la sénatrice, comme en témoigne la récente proposition de loi que vous avez déposée.
À ce stade, voici les éléments que je peux vous apporter.
À la suite de la circulaire de Jacques Mézard, qui visait précisément à harmoniser cette appréciation, un réseau de correspondants « Montagne et urbanisme » a été constitué. Il se réunit tous les ans, et il convient de le faire vivre et de garantir son efficacité – je m’y engage, d’autant que nous avons un conseiller à l’urbanisme commun avec Jacqueline Gourault.
Se posent en outre un certain nombre de problématiques, notamment celle que vous mentionnez à propos du régime actuel de la reconstruction à l’identique. Dès lors que l’on ne peut pas procéder à une reconstruction à l’identique, dans une zone où les risques sont importants, on est en droit de s’interroger sur l’opportunité de faire jouer le droit à la reconstruction. Ainsi, la jurisprudence refuse toujours la reconstruction à l’identique dans les zones à risque.
Je conviens donc avec vous qu’il faudra travailler plus avant, dans le cadre du groupe de travail précité, pour trouver des solutions pragmatiques et « cousues main » à ce type de situations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, pour la réplique.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Je vous prends au mot, monsieur le secrétaire d’État : j’accepte de participer à un nouveau groupe de travail. Reste que les élus sont lassés de ces groupes de travail. Ils veulent maintenant de véritables outils qui leur permettent – et eux savent quels sont les besoins – de trouver cet équilibre pour leurs habitants entre développement économique, afin d’éviter la désertification du territoire, et protection de l’environnement naturel.
La loi ÉLAN a permis d’assouplir la loi Littoral. Il faut faire de même pour la loi Montagne. Il faut permettre un assouplissement, par exemple en offrant des possibilités de combler les dents creuses, en autorisant les constructions sur des parcelles vides situées entre des bâtiments existants.
Ce qu’on a fait, dans la loi ÉLAN, pour la loi Littoral, il faut le faire, dans la loi 4D, pour la loi Montagne ! En tout cas, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez compter sur le groupe Les Républicains pour travailler en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle.
M. Pierre Médevielle. Élu de Haute-Garonne, territoire sur lequel nous avons la chance de compter de superbes stations de ski – comme dans les Hautes-Pyrénées –, je veux de nouveau alerter sur la situation particulière de mon département, où la crise actuelle s’ajoute à une saison passée déjà calamiteuse.
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, l’activité des stations de ski est source de nombreux emplois saisonniers, dans l’hôtellerie, la restauration ou les commerces. C’est toute une économie et toute une vie pour de nombreuses communes.
La situation est grave. Nous avons besoin de concertation entre les niveaux local et national, de visibilité sur l’ouverture des remontées mécaniques et de solutions dans un futur très proche.
Les territoires de montagne sont sous tension, alors qu’ils sont déjà soumis à des problèmes chroniques d’ampleur.
Nous faisons face à une désertification multiple, notamment médicale. L’accès aux soins ne doit pas être un luxe, surtout dans la situation actuelle.
Nous avons des problématiques liées aux réseaux, qu’ils soient de transports ou de télécommunications.
Nous vivons une autre désertification, moins médiatique, certes, mais aux conséquences importantes sur l’écosystème des territoires de montagne : en matière d’agropastoralisme, nos jeunes ont du mal à s’installer et nos agriculteurs actuels peinent à résister. Nous observons une véritable perte de vocation de berger. C’est un savoir-faire, une filière et des traditions qui risquent de disparaître.
Nous allons vers une crise économique, humaine et écologique. Au cours des vingt dernières années, nous avons perdu 50 % de nos surfaces d’estives et de pâturages. Leur remplacement par des taillis ne fera qu’accroître les risques d’incendie.
Le pastoralisme est un équilibre fragile entre l’homme, l’animal et le milieu ambiant. Quelles mesures incitatives comptez-vous mettre en œuvre, afin de préserver les bienfaits économiques, écologiques et sociaux de ces activités dans nos montagnes ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur un certain nombre de sujets, mais vous insistez plus particulièrement sur la question du pastoralisme. Je crois que la revalorisation de cette activité, tant dans sa dimension agricole, qui est paysagère et environnementale, que dans sa dimension économique ou culturelle, constitue un véritable enjeu. C’est parce qu’elle a ce double aspect que cette activité est vitale pour les territoires de montagne.
Les politiques publiques dans ce domaine sont extrêmement nombreuses, qu’elles relèvent de l’État, de l’Europe, des régions, ou parfois des départements et du bloc communal.
Les situations sont très diverses dans des départements dont les caractéristiques sont pourtant similaires. Je me rendrai d’ailleurs dans deux jours dans l’Aveyron, département qui détient le record du plus grand nombre d’installations de jeunes agriculteurs, lesquels n’en sont souvent pas originaires.
Je voudrais également voir comment on pourrait faire en sorte de reproduire certaines expérimentations menées dans ce département dans le cadre de programmes nationaux, puisque telle est l’idée générale. Réinventer l’eau chaude, alors qu’elle est déjà en production, me semble toujours délicat. C’est la raison pour laquelle je cite l’Aveyron : il me semble que l’on peut réinventer les choses à partir d’excellents exemples comme celui-ci.
Au-delà du dispositif existant, les projets alimentaires territoriaux ont grandement contribué, non seulement à ce que nombre d’agriculteurs puissent s’installer et rester sur des territoires, mais aussi à ce que l’on mette fin à ce que l’on a appelé à tort ou à raison l’agribashing. Dans des régions très urbaines, la proximité d’un espace pastoral et agricole est en effet un plus considérable pour la société.
Les projets alimentaires territoriaux, en plus des mesures que nous mettons en œuvre au niveau des cantines scolaires, nous conduisent, Julien Denormandie et moi-même, à proposer un packaging global, qui, à mon avis, sera très positif et contribuera à la reconquête, si je puis dire, des milieux urbains par l’agriculture. Nous voulons faire en sorte que le pastoralisme ne soit pas considéré négativement : c’est un discours que j’ai également tenu dans le département de Mme Estrosi Sassone à des éleveurs qui avaient été victimes d’un certain nombre de prédations.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Médevielle, pour la réplique.
M. Pierre Médevielle. Monsieur le secrétaire d’État, vous citez un exemple très intéressant, celui de l’Aveyron, département dans lequel j’ai beaucoup d’amis parlementaires. Les élus de l’Aveyron ont mené des politiques très adroites à une époque, puisqu’ils sont parvenus à faire classer tout le département en zone de montagne : ils bénéficient donc des avantages, mais pas de tous les inconvénients de ce zonage. Ce département marche fort : l’élevage ovin profite d’un débouché national grâce au roquefort, ce qui constitue une garantie assez forte en termes de volume de lait de brebis produit.
Pour les zones de montagne dont l’accès est plus difficile, je crois qu’une synergie entre l’échelon national et l’échelon local sera nécessaire pour que cela soit davantage incitatif. J’ai pu observer des photos aériennes : je vous garantis que la perte d’estives, de pâturages nous mènera à une catastrophe écologique – j’insiste sur ce point. Je le redis, certains villages sont déjà entourés par les ronces : il est urgent de se pencher vraiment au chevet du malade.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.
M. Jean-Michel Arnaud. Vous le savez, la montagne est à l’arrêt ; la montagne souffre ; la montagne meurt, et je pèse mes mots. Il y a d’abord eu – on l’a déjà dit longuement – la fermeture des remontées mécaniques. Je regrette l’annonce de sa prolongation par le Premier ministre le 7 janvier dernier. Cette fermeture, compensée par de très maigres dérogations, pénalise tous les acteurs de la montagne.
Dans mon département des Hautes-Alpes, que Joël Giraud connaît bien, l’annonce de la fermeture administrative des remontées mécaniques s’est traduite par une diminution des réservations de près de 71 % par rapport à l’année dernière. Cette situation devient intenable pour les domaines skiables bien sûr, mais aussi pour les commerçants, les hébergeurs, les saisonniers, les entrepreneurs de l’événementiel, pour lesquels les mesures de restriction de l’activité sont extrêmement handicapantes.
Or, nous le savons – et l’ensemble des professionnels de la montagne ont travaillé dans ce sens –, les mesures sanitaires peuvent et doivent être adaptées. Et nous devons continuer à vivre : oui, nous devons apprendre à vivre avec le virus ! Les acteurs de la montagne veulent travailler : laissez-les donc travailler !
Cette volonté est tellement forte qu’une petite station des Hautes-Alpes, Saint-Léger-les-Mélèzes, a décidé de pallier la fermeture des remontées mécaniques en utilisant un cheval de trait, afin d’enseigner le ski de piste aux plus jeunes. Que dire de plus ?
Aussi, je dénonce de nouveau le manque total de visibilité, en particulier en ce qui concerne les vacances de février, période incontournable qui correspond à 40 % à 50 % du chiffre d’affaires pour nos stations et pour le tourisme hivernal.
Le Premier ministre vient à l’instant de déclarer : « Je suis optimiste, mais cela demande confirmation. Je salue le comportement des Français pendant les fêtes. » Alors, monsieur le secrétaire d’État, quel est le calendrier gouvernemental pour les vacances de février ? À ce jour, en effet, vous ne nous avez toujours rien dit à ce sujet, malgré les multiples interrogations à cette tribune ou ailleurs.
Le Gouvernement a pris conscience des périls économiques et sociaux auxquels font face les territoires de montagne, mais certains acteurs restent inéligibles à ces aides. Je pense plus particulièrement aux hébergeurs de montagne ou aux régies publiques de remontées mécaniques, généralement adossées à de petites communes, qui ne semblent pas, à ce jour, éligibles aux mesures de soutien.
Je demande au Gouvernement d’accroître les aides financières en faveur de la montagne et d’élargir les critères d’éligibilité. Joël Giraud nous a annoncé, et je l’en remercie, une « logique valléenne » pour l’accompagnement territorial, mais j’ai aussi entendu que les acteurs de la communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance, par exemple, ne seraient pas éligibles aux aides et seraient donc affectés par la baisse de l’activité.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le sénateur !
M. Jean-Michel Arnaud. Ce sont des mesures à court terme qu’il nous faut face à l’urgence. J’attends donc des réponses concrètes aux différentes questions posées aujourd’hui.
Mme la présidente. J’observe une véritable propension des élus des Hautes-Alpes, tant du sénateur que du secrétaire d’État, à dépasser leur temps de parole…
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Si j’étais dans un hémicycle transalpin, je dirais : non capisco il francese. (Sourires.) C’est mon côté frontalier…
Monsieur le sénateur – j’ai failli dire « Monsieur mon sénateur », puisque vous êtes le sénateur de mon département –, vous m’interrogez sur un certain nombre de sujets importants.
D’abord, je ne reviendrai pas sur la date de réouverture des remontées mécaniques, car je ne suis pas là pour faire une annonce sur ce point. Le Premier ministre s’est déjà clairement exprimé à ce sujet. Le 20 janvier, une annonce interviendra : j’espère qu’elle sera positive, et je ferai tout pour qu’elle le soit, parce que je sais ce qu’est un territoire de montagne.
Je sais aussi, pour citer un cas qui me semble intéressant, celui des médecins de montagne, ce que représente l’absence de clientèle touristique pour les zones de montagne, d’autant que le secteur médical n’est pas forcément aidé à l’heure actuelle. J’ai déjà demandé à Bercy si l’on ne pourrait pas envisager un certain nombre de mesures destinées à ces médecins. J’ai bien conscience du risque que ferait courir une diminution du nombre des médecins dans les cabinets médicaux, qui serait tout simplement causée par la baisse de solvabilité liée au tourisme.
M. Loïc Hervé. Eh oui ! CQFD !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je connais parfaitement le sujet pour l’avoir de nouveau abordé lors de mon déplacement en Savoie, où j’ai rencontré les médecins de montagne. Cela fait partie des problèmes qui incitent à répondre positivement aux demandes de réouverture des remontées mécaniques ou à prévoir un système indemnitaire.
S’agissant des stations, il est faux d’affirmer que l’on fait une différence selon le statut des régies de remontées mécaniques. Comme je le disais précédemment, l’affaire est parfaitement réglée en ce qui concerne la problématique du chômage partiel. Concernant les aides, les choses sont très claires dans mon esprit : celles-ci ont fait l’objet d’une notification à la Commission européenne au titre des aides d’État dans les conditions que j’indiquais dans mon propos liminaire. Ces aides sont donc indépendantes du statut de la station.
À l’heure actuelle, dans la mesure où nous n’avons pas encore de retour de la Commission européenne à ce sujet, je ne peux pas vous répondre que les aides seront précisées dans un décret. Celui-ci ne peut pas être publié tant que la notification de Bruxelles ne nous est pas parvenue. Sachez cependant que vous pouvez compter sur ma totale vigilance pour que, de la même façon que pour le chômage partiel, nous disposions de tous les moyens juridiques pour que les stations de sports d’hiver puissent bénéficier d’aides économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau.
M. Jean-Jacques Michau. L’importance de la préservation du pastoralisme en France n’est plus à démontrer. Ce mode d’élevage joue un rôle essentiel, au niveau tant économique que du maintien des populations rurales, de la biodiversité, des paysages, de l’aménagement du territoire et, bien entendu, du développement de l’économie touristique. Le maintien de montagnes vivantes passe inévitablement par le développement de l’activité économique.
Or, dans certains territoires, notamment dans les Pyrénées, et particulièrement en Ariège, les éleveurs doivent faire face à la présence de prédateurs qui se livrent très régulièrement à des attaques de troupeaux. Ces attaques répétées des ours affectent dramatiquement le quotidien des éleveurs. Cette situation a pour conséquence directe de faire régresser le pastoralisme, souvent par découragement. Les éleveurs transhumants aspirent à pouvoir exercer leur travail dans de bonnes conditions, sans pression extérieure d’un prédateur peu maîtrisé.
Monsieur le secrétaire d’État, nous savons tous que l’ours est une espèce strictement protégée au titre de la convention de Berne et de la directive européenne Habitats-faune-flore. Mais cette convention date de 1979 : à cette époque, l’Europe comptait neuf membres et les ours slovènes étaient en voie de disparition. Aujourd’hui, l’Europe se compose de vingt-huit membres, et alors que la France s’escrime à introduire des ours slovènes à grands frais au risque de voir se réduire l’activité pastorale, la Slovénie abat de son côté plusieurs dizaines d’ours par an. Si vous avez quelques milliers d’euros à dépenser, vous pouvez aller tuer un ours en Slovénie quand, dans les Pyrénées, on s’évertue à grand renfort d’argent à maintenir cette même population slovène délocalisée.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, depuis 1979, les choses ont bien changé. Ne pensez-vous pas qu’il serait opportun de demander aux instances européennes de rediscuter de cette directive et d’envisager la sauvegarde des espèces à l’échelon européen avec un budget dédié ? (M. Jean-Marc Boyer applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, je connais bien votre département pour avoir été membre, il y a fort longtemps, d’une mission d’information sur les prédateurs, dont le champ concernait l’ensemble des massifs. Je me souviens de m’y être rendu à l’époque avec une députée des Hautes-Alpes, Mme Henriette Martinez. En présence du président du conseil général de l’époque, Augustin Bonrepaux, nous avions alors vu in situ ce qui se passait réellement là-bas.
En matière de prédation, deux ministères sont compétents : le ministère de l’agriculture, d’une part, le ministère de l’environnement, d’autre part. Personnellement, je suis plutôt de ceux qui ont toujours suivi la position du ministère de l’agriculture sur ces questions, même si je suis davantage confronté aux problèmes liés au loup qu’à ceux qui sont causés par les ours.
Le nombre des prédations est en augmentation ces dernières années, malgré une stabilisation en 2020. Dans le massif des Pyrénées, si l’on prend les derniers chiffres consolidés sur une année complète, à savoir l’année 2019, ce sont 362 dossiers représentant 1 173 animaux qui ont fait l’objet d’une indemnisation au titre d’une responsabilité non écartée de l’ours – puisque c’est la terminologie qui convient. Et c’est votre département, monsieur le sénateur, qui paie chaque année le plus lourd tribut, avec 80 % du total pour l’ensemble du massif.
Pour répondre à l’inquiétude très forte, j’irai même jusqu’à dire « la colère » des éleveurs de l’Ariège, les ministres de l’écologie et de l’agriculture ont lancé une mission d’audit conjointe entre le Conseil général de l’environnement et du développement durable et l’Inspection générale de l’agriculture pour évaluer la situation sur le terrain et formuler un certain nombre de recommandations, qui se sont traduites par une feuille de route adoptée en juin 2019 et actualisée en juin 2020. Celle-ci intègre désormais les orientations du Président de la République, qui visent une réduction de la prédation des ours sur les troupeaux, une rénovation de la gouvernance locale, avec un certain nombre de mesures que je ne rappellerai pas, parce que je pense que vous en êtes parfaitement informé.
Je ne méconnais donc pas le problème, mais je suis attaché à la mise en œuvre concrète de ce plan et de la feuille de route « pastoralisme et ours », en lien avec les ministres de la transition écologique et de l’agriculture. Nous souhaitons concilier la protection de cette espèce emblématique des Pyrénées et le développement de l’économie locale, notamment du pastoralisme, qui me semble plus qu’indispensable pour votre département.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Michau, pour la réplique.
M. Jean-Jacques Michau. Je suis bien conscient que la perception de nos concitoyens dépend du lieu dans lequel ils résident. En effet, plus on s’éloigne de la montagne, plus l’ours ressemble à la peluche de notre enfance… Pourtant, l’ours est une bête dangereuse : faudra-t-il attendre des drames humains pour que des décisions énergiques et de bon sens soient prises ?
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Duplomb.
M. Laurent Duplomb. Je veux poser une question sur un problème que nous rencontrons malheureusement un peu trop souvent en France, notamment en raison d’une administration un peu trop jacobine, à savoir la non-prise en compte des spécificités de la montagne et, plus généralement, de celles de la ruralité. Très souvent, on se rend compte que les règles édictées par Paris sont totalement verticales et s’appliquent sur la totalité du territoire français, sans que l’on se pose la question de ses spécificités.
Monsieur le secrétaire d’État, je prendrai un exemple très récent, qui peut vous concerner, puisque vous étiez déjà membre du Gouvernement lorsque cette mesure a été prise : je veux parler de l’aide à la relance de la construction durable prévue dans le plan de relance. Cette aide de 350 millions d’euros vise une densification plus importante de l’habitat, avec des objectifs de sobriété foncière ou encore de « zéro artificialisation » des sols.
Pour illustrer la non-prise en compte de la spécificité des territoires que j’évoquais, je vous donnerai un exemple très précis : à côté de chez moi, le maire d’un village de 800 habitants a acheté trois corps de ferme qu’il souhaite réhabiliter pour en faire des logements.
Le premier corps de ferme représentait au départ 60 mètres carrés habitables : cela correspond à l’habitat historique de la ferme avec la grange et l’écurie. À l’intérieur de ce corps de ferme, il compte aménager plus de 180 mètres carrés de logement. Or figurez-vous qu’il ne touchera pas l’aide de 100 euros par mètre carré prévue par le plan de relance, tout simplement parce que, comme je le disais, l’administration ne prend pas en compte les spécificités de la montagne.
En effet, le calcul du coefficient d’intégration fiscale lié à la densification de ces logements est fait sur la base de la surface cadastrale. En zone urbaine, on peut admettre que la surface cadastrale d’une maison correspond à l’emprise de celle-ci.
Mme la présidente. Monsieur Duplomb, je suis désolée…
M. Laurent Duplomb. En revanche, en milieu rural, cette surface cadastrale…
Mme la présidente. Je ne vous impressionne pas du tout, apparemment. (Sourires.)
M. Laurent Duplomb. Pas trop… (Rires.)
Mme la présidente. Je vois…
M. Laurent Duplomb. Pardonnez-moi, madame la présidente, je finis juste mon propos.
En milieu rural, la surface cadastrale de la ferme ne concerne pas que le bâti et tient aussi compte de tout ce qui l’entoure. Par conséquent, nous sommes confrontés à…
Mme la présidente. Vous ne pouvez pas poursuivre votre intervention, monsieur Duplomb !
M. Laurent Duplomb. … ce que je regrettais tout à l’heure, c’est-à-dire à une non-prise en compte des spécificités du milieu rural et de la montagne.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, je me demande si ce n’est pas vous qui avez donné le mauvais exemple dès le départ, en éveillant le goût pour la parole chez tous nos collègues ! (Rires.)
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, puisque nous nous connaissons, vous savez bien que je donne souvent le mauvais exemple, mais c’est toujours pour la bonne cause. (Sourires.)
Monsieur le sénateur, je suis évidemment absolument incapable de vous répondre sur le cas particulier que vous avez évoqué. Je vous invite à me transmettre ce fait avec le plus de détails possible, de sorte que mes services et le ministère concerné vous apportent une réponse précise. À ce stade, je suis bien incapable de vous éclairer, mais je répondrai par écrit à votre interpellation.
En revanche, vous ne pouvez pas dire que le plan de relance exclut absolument les zones de montagne. En effet, la rénovation énergétique des bâtiments privés concerne aussi bien les zones de montagne que le reste du territoire. Ces mesures représenteront 2 milliards d’euros en 2021 et en 2022. De même, l’État investit 4 milliards d’euros pour la rénovation des bâtiments publics, dont 400 millions d’euros confiés aux régions concernées. Le budget consacré à la rénovation énergétique et à la réhabilitation des logements sociaux s’élèvera à 500 millions d’euros par an en 2021 et en 2022. Il y a de surcroît tout un tas d’initiatives qui me semblent intéressantes dans le domaine de l’habitat durable sur le territoire national.
Par ailleurs, il est très clair que l’aide à la relance de la construction durable est une thématique des programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. On a signé à cet effet un certain nombre de conventions avec des partenaires comme l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), qui intègrent les préoccupations qui sont les vôtres.
À l’heure actuelle, on est en train de regarder de manière précise comment faire pour que cet enjeu extrêmement important devienne, non pas un programme spécifique, mais figure en tant que priorité dans un programme national lié à la montagne.
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Élue d’un département, l’Ain, et d’une région, Auvergne-Rhône-Alpes, qui se caractérisent par des massifs montagneux, je suis particulièrement sensible à la tenue de ce débat dans notre enceinte.
Il y a peu, notre assemblée a déjà eu l’occasion de travailler sur ces questions, avec notamment le rapport d’information de notre collègue Cyril Pellevat, qui examinait l’application de la loi Montagne II. Celui-ci souligne justement la nécessité d’assurer le maintien et le développement des activités économiques en zone de montagne, sujet sur lequel je souhaite intervenir.
La crise sanitaire persistante a considérablement frappé l’économie de nos zones de montagne et a mis à mal la saison de cet hiver. Toutefois, il faut se projeter au-delà de cette crise et envisager un développement économique et humain durable de nos zones de montagne qui prenne en compte l’ensemble des changements en cours et qui préserve notre environnement. Nous avons déjà eu ici l’occasion d’évoquer la situation difficile de certaines filières, en particulier celle du bois, compte tenu des difficultés parasitaires.
Globalement, le changement climatique a d’ores et déjà un impact sur nos massifs montagneux. Il montre les limites d’un développement économique fondé en grande partie sur un tourisme de sports d’hiver de masse. Les collectivités territoriales et les élus de terrain, en coordination avec les acteurs économiques, tentent de mettre au point des stratégies alternatives centrées sur le tourisme « 4 saisons », mais aussi sur les activités culturelles, les richesses gastronomiques et culinaires, nos sites naturels et la variété de l’artisanat local.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire le point sur l’action du Gouvernement dans ces domaines pour venir en aide de manière concrète à nos concitoyens en vue du maintien et du développement de ces activités économiques en phase de réorientation ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Merci, madame la sénatrice, pour cette question qui me permet de rappeler certains points.
D’abord, on ne part pas d’une terre vierge. Je peux en témoigner en tant qu’ancien président du Conseil national de la montagne : nous avons réalisé un certain nombre de travaux, notamment sur les politiques européennes au travers des programmes opérationnels interrégionaux, mais également sur les politiques nationales, qui se sont traduits par le seul contrat de plan rendu obligatoire à l’heure actuelle par une loi, en l’occurrence la loi Montagne, à savoir le contrat de plan des massifs. Ces fameuses conventions de massifs prévoient d’ailleurs des dotations identiques à celles qui leur précédaient, tout comme le programme opérationnel.
Je me souviens avoir mis en œuvre un certain nombre de programmes relatifs à la filière bois que vous avez citée, ou à d’autres dispositifs qui ne sont pas toujours faciles à mettre en œuvre en France – il faut bien le reconnaître –, parce que nous disposons rarement de filières complètement intégrées nous permettant un véritable développement – je pense en particulier à la filière bois. Pour autant, des expériences qui sont intéressantes, me semble-t-il, et qu’il convient de poursuivre ont été mises en œuvre comme, par exemple, dans les Alpes, le Morvan ou le Jura.
Vous avez cité tous les atouts que nos territoires de montagne peuvent mettre en avant. Je suis entièrement d’accord avec vous : la montagne ne doit surtout pas être réduite à la seule politique des stations de sports d’hiver. Je l’ai bien précisé lors de la présentation du programme national Montagne le 1er décembre dernier, justement parce que je ne veux pas que nous reproduisions simplement ce que j’avais déjà fait pour les Alpes, même si c’est un peu différent, à savoir un espace valléen qui part d’une station de sports d’hiver, car cela pousse à réfléchir à l’économie autour de ladite station de sports d’hiver. Or un tel dispositif n’est pas suffisant pour un certain nombre de territoires.
Le programme national Montagne, pour lequel la concertation a été lancée, et les mesures de l’agenda rural, dont la mise en œuvre est de ma responsabilité, présentent de nombreuses opportunités pour que l’État intervienne sur des projets structurants tout au long de l’année, en mettant en avant la culture, le patrimoine local, les richesses gastronomiques – chacun comprendra que ce sujet m’intéresse – et culinaires, la beauté des paysages,…
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme la présidente. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Mme Florence Blatrix Contat. Je veux simplement rappeler l’importance que revêt pour moi le développement du tourisme « 4 saisons », mais aussi l’écotourisme, qui est essentiel pour la préservation de la biodiversité. Il est vraiment important d’accompagner les territoires pour réduire cette dépendance au tourisme.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Je ne vous l’apprendrai pas, en montagne, peut-être plus qu’ailleurs, l’espace constructible est très restreint en raison notamment des contraintes imposées par le relief, l’altitude ou encore les risques naturels. À cette rareté du foncier s’ajoutent des phénomènes qui peuvent encore accroître la pression foncière. C’est le cas dans les stations de ski renommées ou encore les communes frontalières. Dans ces zones, le prix du mètre carré constructible peut atteindre 11 000 euros.
Quand neuf logements construits sur dix sont devenus des résidences secondaires, c’est la population permanente de ces communes qui fuit et des stations qui se meurent. Ce sont des services publics, des entreprises, des hôpitaux, des Ehpad qui ne parviennent plus à recruter, des classes d’écoles qui ferment, tant le prix du logement et du foncier devient inabordable pour la grande majorité des citoyens. Face à cette situation, les élus sont démunis et ont bien peu de moyens pour enrayer ces phénomènes.
À mon sens, nous sommes ici dans le cas où la différenciation et la reconnaissance de la spécificité des zones de montagne doivent pouvoir pleinement s’appliquer. À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : nous devons accorder aux élus locaux des moyens réglementaires pour les aider dans cette tâche. Certains maires, à l’instar d’Éric Fournier, maire de Chamonix, ont déjà pris des mesures courageuses.
Relayant une proposition de Mme le maire de Megève, j’ai suggéré il y a quelques mois à Julien Denormandie, alors ministre du logement, de mettre en œuvre une expérimentation visant à accorder dans ces communes un abattement significatif des droits de succession à tout héritier, en contrepartie de son engagement à s’établir durablement dans la commune au titre de sa résidence principale. Cette piste me paraît intéressante à creuser, mais ce n’est pas la seule : il faut également se pencher sur la problématique des zonages A, B, C affectés à de nombreuses communes, qui se révèlent inadaptés et qui les privent de nombreuses aides à l’investissement locatif intermédiaire.
Le Gouvernement est-il prêt à nous donner les moyens d’enrayer ces phénomènes ? Il y a urgence !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je partage votre analyse des territoires de montagne, notamment dans les Alpes du Nord. Je sais bien quels sont les déséquilibres qui peuvent apparaître dans des zones qui sont relativement riches et proches des grandes agglomérations internationales – je pense en particulier au bassin économique de Genève –, avec des problèmes de spéculation immobilière et d’artificialisation de l’offre.
Vous évoquez la pression foncière dans un certain nombre de stations et les pistes qui ont été trouvées à Megève ou à Chamonix, où les prix au mètre carré sont plus élevés qu’à Lyon.
Je connais bien cette situation, qui n’est pas tout à fait la même dans tous les massifs : on n’y trouve pas partout la même attractivité, car tout le monde n’a pas Genève et l’aéroport de Cointrin à proximité immédiate. Les grandes capitales européennes du Nord sont toutefois très proches des Alpes, ce qui crée des situations difficiles.
Ma réponse comporte deux volets principaux.
D’abord, il existe une notion de zone tendue en montagne, comme il existe a contrario des zones de revitalisation rurale en montagne. Ces zonages fiscaux ne permettent pas toujours de rendre compte de la réalité de la tension du marché, j’en suis d’accord. Ce n’est d’ailleurs pas spécifique à la montagne. Des travaux sous l’égide d’Emmanuelle Wargon sont en cours pour faire évoluer le dispositif Pinel, afin qu’il prenne mieux en compte les réalités et permette des adaptations au niveau local.
Ensuite, certains dispositifs vont également permettre de répondre aux besoins. Il ne s’agit pas que de logements intermédiaires : les personnes qui exercent les métiers que vous citez peuvent aussi prétendre à des logements sociaux. Or le plan de relance renforce les financements dans ce domaine. Je vous invite d’ailleurs à vous intéresser aux organismes de foncier solidaire, qui sont destinés à favoriser l’accession sociale à la propriété en dissociant les problématiques liées au bâti et au foncier. Nous envisageons de renforcer ces dispositifs dans le projet de loi 4D.
S’agissant de l’urbanisme et de la cohésion des territoires, les PLUI et les SCOT sont évidemment des outils pertinents pour freiner la tension foncière. Certaines communes et intercommunalités ont pu innover avec succès : elles méritent d’ailleurs d’être reconnues et soutenues. La réponse à la question posée passe souvent par une stratégie territoriale à l’échelon intercommunal du SCOT, qui me semble constituer l’une des priorités.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.
Mme Sylviane Noël. Je vous remercie pour l’ensemble de ces réponses, monsieur le secrétaire d’État. Je tiens tout de même à signaler la situation très préoccupante de certaines communes, qui ont de plus un tissu économique qui se délite complètement face à cette fuite de population permanente. Les professionnels n’arrivent même plus à subvenir à leurs besoins en dehors des périodes touristiques. Il y a donc vraiment urgence à agir. Je crains malheureusement que les SCOT et les mesures prises en matière d’urbanisme ne suffisent pas à répondre à cette problématique.
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Vial.
M. Cédric Vial. Nous savons désormais que la crise sanitaire et les décisions politiques qui l’ont accompagnée feront des zones de montagne, dont beaucoup vivent de l’industrie du tourisme, les territoires les plus sinistrés de France. Il faut donc panser et réparer pour permettre à ces acteurs de survivre. Il faudra ensuite penser et investir pour permettre à ces habitants de continuer à pouvoir y vivre.
Si je salue l’effort consenti par le Gouvernement dans le décret du 30 décembre, un certain nombre de situations restent encore à ce jour sans réponse. Je pense notamment aux agriculteurs pluriactifs, qui travaillent également comme saisonniers : moniteurs de ski, pisteurs ou dameurs. Disposant d’un seul code NAF, ils ne peuvent bénéficier d’aucune aide pour leur activité saisonnière. Or, sans la prise en compte de cette double activité, ils ne s’en sortiront pas. C’est donc une grande partie de notre agriculture de montagne qui risque de s’effondrer avec eux.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous rassurer sur la prise en compte de ces situations par le Gouvernement dans les meilleurs délais ?
Je souhaite aussi appeler votre attention sur la situation des entreprises gérant plusieurs établissements, comme c’est le cas de nombreux restaurateurs, loueurs de matériel, mais aussi des résidences de tourisme ou des centres de vacances. Il apparaît nécessaire de transformer le plafond des aides prévues par entreprise en un plafond d’aide par établissement, a minima dans la limite du plafond européen de 800 000 euros et, si possible, en permettant à certaines d’entre elles de déroger à ce plafond.
M. Michel Savin. Très bien !
M. Cédric Vial. Enfin, je voudrais insister sur la nécessité d’un véritable plan Marshall – ou plan Giraud si c’est plus parlant pour vous (Sourires.) – pour la montagne, et particulièrement pour la moyenne montagne, qui doit être au cœur de la stratégie et de ce plan.
La fonte des capacités d’autofinancement que cette crise aura provoquée fait courir de gros risques de décrochage à des territoires entiers qui, avant cette crise, avaient les capacités et la volonté de faire face aux enjeux climatiques et à la nécessaire diversification sur laquelle s’appuie un grand pan de l’économie de montagne.
Ce dont la montagne a besoin, c’est d’un traitement de choc.
Mme la présidente. Monsieur Vial, pas vous aussi…
M. Cédric Vial. J’ai presque fini, madame la présidente.
Il s’agit d’un enjeu de compétitivité majeur, mais il s’agit aussi, pour la moyenne montagne particulièrement, d’un enjeu vital.
Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Cédric Vial. Monsieur le secrétaire d’État, comment prévoyez-vous d’aider ces entreprises et ces territoires ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur Vial, vous m’interrogez sur des points extrêmement importants que nous avons vus ensemble avec Mme Berthet lors du voyage officiel que j’ai effectué sur les territoires de la Maurienne et de la Tarentaise. Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous remercier non seulement de votre présence à tous les deux, mais aussi de la qualité de vos questionnements et du sens de l’équilibre dont vous faites preuve.
La prise en compte de la pluriactivité est une question de fond qui va bien au-delà de la crise actuelle. Je relaierai à ce titre ce sujet à l’échelon interministériel et interrogerai toutes les administrations centrales pour améliorer la reconnaissance des particularités territoriales, qu’elles soient économiques, sociales, environnementales ou institutionnelles.
J’ai d’ores et déjà saisi le cabinet de mon collègue de Bercy Alain Griset afin de recevoir des réponses adaptées. En effet, je me rends compte, me fondant, en tant qu’ancien membre de cette administration, sur la connaissance que j’ai de celle-ci, que la notion de pluriactivité et la différence entre chiffre d’affaires et revenu prépondérant ne sont pas forcément prises en compte, dans la mesure où elles ne sont pas bien connues. C’est un combat que je vous invite d’ailleurs à mener avec moi, en particulier pour les agriculteurs pluriactifs, mais aussi pour ce qui concerne la problématique de l’aide par établissement par rapport à l’aide au groupe.
S’agissant des mesures de renforcement des plafonds relatifs au Fonds de solidarité, du report des délais de remboursement du PGE ou de l’élargissement des codes NAF pour prendre en compte la pluriactivité, j’ai demandé des études, afin que nous puissions disposer de réponses extrêmement précises.
Face à l’urgence de la compensation, j’estime, comme vous, qu’il convient de préparer la relance et la résilience. Bien évidemment, l’idée d’un plan Giraud me séduit beaucoup. Fort heureusement, mon nom étant porté par un nombre considérable de Français, on ne saura pas forcément qu’il s’agit de moi ! (Sourires.)
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je le précise, le plan Montagne que nous élaborons correspond à la nécessité que vous citez dans votre question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je pensais vous alerter sur la nécessité, pour les habitants de nos montagnes, de mesures qui leur permettraient de continuer à y vivre, c’est-à-dire de pouvoir travailler et habiter avec leur famille dans ces lieux où ils sont nés.
À ce jour, il ne s’agit plus de continuer à vivre en montagne, mais simplement d’y survivre et d’y manger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous l’assure, une grande inquiétude, la peur et l’angoisse s’installent. On déplore d’ores et déjà deux milliards de pertes pour la montagne française, sans compter la situation de tous les secteurs professionnels qui sont affectés. À ces pertes qui iront croissant viendront s’ajouter celles qui sont liées à l’absence des touristes étrangers, la fréquentation ayant été inférieure de moitié par rapport à une année classique.
Je n’ose parler d’une fermeture prolongée en février, qui serait catastrophique. Les hébergeurs tomberaient, entraînant, pour des décennies, tout le système.
Le tourisme hivernal représente pour notre pays 120 000 emplois et un chiffre d’affaires direct de 10 milliards d’euros, sans compter toute l’économie de « ruissellement ». Malgré le dernier décret, nous constatons que le Fonds de solidarité n’est pas adapté.
Si l’on ne veut pas la disparition et la destruction, en un seul trimestre, de ce modèle économique de plus de soixante ans, il est nécessaire de protéger mieux l’ensemble des acteurs.
Tous les types de commerces – hébergeurs, résidences de tourisme, villages et centres de vacances, mais aussi médecins et pharmaciens, fournisseurs alimentaires ou de matériel – ont besoin d’une prise en charge de 70 % de leurs frais fixes sur une année, de décembre à décembre, d’une considération par structure pour les groupes et quelle que soit la taille des entreprises, et de nouvelles mesures incitatives sur les loyers pour les bailleurs. Faute de quoi, toutes ces entreprises, et les emplois qu’elles représentent, ne seront plus debout à l’ouverture de la prochaine saison.
Monsieur le secrétaire d’État, dans quel délai le Gouvernement entend-il prendre des mesures complémentaires de survie, afin que ne disparaisse pas l’économie de la montagne, générée directement ou indirectement par les stations en termes de ressources et d’emplois, que les nombreux investissements et efforts déjà réalisés dans le sens d’une montagne durable ne l’aient pas été en vain, et que, tout simplement, la vie même de toutes les familles concernées soit préservée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, je ne renouvelle pas mes remerciements concernant l’accueil des élus savoyards lors de ma visite. J’ai déjà répondu sur certaines thématiques que vous venez d’évoquer.
Permettez-moi de revenir, parmi les exemples que vous avez cités, sur un point selon moi primordial. Nous avions organisé une rencontre à Saint-Sorlin-d’Arves avec les représentants du tourisme social et des résidences de tourisme.
En effet, le sujet des résidences de tourisme et des villages vacances de montagne est vraiment un sujet primordial, vous avez raison de le souligner. Il s’agit d’un secteur très fragilisé par la crise, notamment en raison de son modèle économique, puisque les charges fixes, incompressibles, sont structurellement très élevées.
Certes, les acteurs du secteur bénéficient des mesures de soutien aux entreprises mises en place par le Gouvernement, de l’activité partielle, du Fonds de solidarité avec l’inscription sur la liste S1, ainsi que du fameux PGE « saison », qui permet de bénéficier d’un emprunt basé sur les trois meilleurs mois de l’année pour ce qui concerne le chiffre d’affaires. Toutefois, en raison du modèle économique du secteur, nous sommes conscients que les dispositifs existants s’avéreront insuffisants.
Nous sommes également tout à fait conscients que la question des loyers dus aux propriétaires est extrêmement prégnante. Sur ce sujet, les arbitrages ne sont pas encore arrêtés, mais j’ai bien à l’esprit qu’une solution très rapide devra être trouvée. Je connais en effet la difficulté dans laquelle se trouvent ces résidences. Je pense également à la difficulté que représente le fait de ne pas pouvoir rouvrir tant qu’une solution n’est pas trouvée pour la restauration. Il est difficile, dans ce type de modèle économique, de prévoir un click and collect pour l’ensemble des résidents d’une résidence de tourisme ou d’un village vacances.
Sachez que nous tirerons le bilan, sur tous ces sujets, après la saison, j’en prends l’engagement devant vous, afin d’évaluer les pertes réelles et de sauver l’économie montagnarde.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite tout d’abord m’associer aux propos de mes collègues, qui ont exprimé leurs inquiétudes, mais aussi celles des professionnels des stations de sports d’hiver face à la crise sanitaire et à l’absence de visibilité pour le redémarrage de leurs activités.
Je souhaite aborder un autre sujet. Alors que nos communes de montagne disposent de nombreux atouts qui contribuent au rayonnement de notre pays, leur attractivité est aujourd’hui fortement pénalisée par l’absence de certains services de première nécessité, notamment un accès correct à la téléphonie mobile.
Je pense ainsi à un médecin, forcée de quitter sa commune, car elle ne pouvait assurer ses gardes en temps de crise sanitaire, à des habitants vivant en contrebas d’un barrage, qui craignent de ne pouvoir être informés en cas de danger, à un maire obligé de dormir dans sa mairie pour prendre connaissance des directives du Gouvernement durant le confinement. Ce fut et c’est encore le quotidien des habitants de plusieurs communes en Isère, comme ailleurs en France, notamment en secteur de montagne.
C’est la raison pour laquelle j’aimerais attirer une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les problèmes de réseau et les zones blanches de la téléphonie en montagne.
Comme l’illustrent les exemples que je viens de citer, les habitants de ces communes ne peuvent ni communiquer, ni télétravailler, ni s’informer, ni s’instruire – je pense aux plus jeunes –, ni accéder aux services publics dématérialisés.
Les conséquences sont aussi de nature économique. En station de ski, certains acteurs rencontrent des difficultés pour louer leur bien, souffrant ainsi d’un handicap par rapport aux territoires voisins.
Cette situation engendre, dans ces communes de montagne, un sentiment de marginalisation. Alors que l’on débat du déploiement de la 5G dans nos métropoles, certains habitants n’ont toujours pas de connexion portable correcte ni même la 4G.
En 2018, votre gouvernement a annoncé un nouveau programme, le « New Deal mobile », censé régler la question de la couverture mobile et de la 4G. Force est de le constater, le problème est loin d’être réglé. Dans de nombreux cas, les travaux prennent un retard que l’on ne peut imputer à la seule crise sanitaire.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est double. Quel est l’état d’avancement à ce jour du « New Deal mobile » dans les zones de montagne et, plus généralement, de l’inclusion numérique de ces communes ? Que comptez-vous faire pour accélérer le déploiement de la 4G dans ces zones et rattraper le retard ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur Savin, vous m’interrogez sur l’état d’avancement du « New Deal mobile » dans les zones de montagne s’agissant du déploiement de la 4G.
Vous avez entièrement raison, le numérique constitue une chance absolue pour la ruralité et la montagne, les récents confinements l’ont démontré. La réduction de la fracture numérique grâce à l’accélération du programme a permis de généraliser la 4G sur les réseaux existants. Ainsi, 20 000 sites ont migré en 4G ces derniers mois. En zone de montagne, entre juin 2017 et 2020, 5 114 sites 4G ont été activés pour atteindre un total de 8 200 sites 4G en service au 1er octobre 2020.
Désormais, 96 % du réseau existant est couvert par la 4G pour au moins un opérateur, et 76 % du réseau si l’on considère l’ensemble des opérateurs. La couverture en 4G ayant augmenté de 31 points en deux ans, il me semble qu’il s’agit là d’une belle réussite.
Les opérateurs se sont aussi engagés à étendre le réseau. Depuis 2018, 2 659 zones ont été identifiées et ont fait l’objet d’un arrêté ministériel. Vous le savez, les recensements ont été réalisés par les conseils départementaux, et une couverture par des pylônes est ensuite proposée. Chaque nouvel arrêté donne lieu à de nouveaux droits.
En Isère, 26 nouveaux sites mobiles ont fait l’objet d’un arrêté depuis le début du dispositif. J’ai demandé, pour répondre à votre question, les statistiques concernant le département de l’Isère. Il se trouve qu’un seul site mobile y a été mis en service, les autres le seront, me dit-on, dans les prochains mois. Toutefois, la dotation était de onze en 2020 comme en 2021. J’ai donc l’intention de regarder très précisément, avec mon collègue Cédric O, qui est chargé de ces questions, la situation du département de l’Isère, qui me semble complètement atypique par rapport à ce que j’ai pu observer dans d’autres départements.
Conclusion du débat
Mme la présidente. En conclusion de ce débat, la parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme dit le proverbe, « un mot peut tomber une montagne ». Aujourd’hui, ce mot est celui de décret. Je veux bien évidemment parler des décrets édictés par le Gouvernement pour restreindre le tourisme en montagne.
Tout se passe face à une incompréhension globale des acteurs, qui font pourtant tout pour s’adapter aux conditions sanitaires imposées par le virus. Ils ont mis en place un protocole totalement abouti et validé par les services de l’État, afin que les remontées mécaniques puissent rouvrir avec une sécurité sanitaire maximale.
Jusqu’où tolérerons-nous et subirons-nous la dégradation de l’économie montagnarde dans le contexte de la covid ? Jusqu’où supporterons-nous l’incohérence et l’iniquité de mesures visant à laisser les stations fermées, alors que, simultanément, les transports urbains favorisent une promiscuité quotidienne, tout comme les longues files d’attente des grandes surfaces ?
Les chiffres du tourisme hivernal, qui ont été donnés par plusieurs de mes collègues, sont éloquents. Sans ouverture, ce ne sont pas uniquement les entreprises et les salariés qui en subiront les conséquences ; ce sont tous les habitants de nos territoires de montagne qui souffriront économiquement, socialement et moralement. Je pense en particulier aux travailleurs saisonniers, qui viendront grossir les rangs de ceux qui sont dans la précarité et la misère sociale.
Les conséquences d’une absence d’ouverture risquent d’être la destruction définitive et irréversible du modèle économique de la montagne. Nous risquons de le voir disparaître en l’espace d’un trimestre.
C’est cette réalité que traverse aujourd’hui la montagne. C’est cette réalité que doivent gérer au quotidien, sur tous les fronts, nos maires, pour que leur territoire ne prenne pas la mauvaise pente face à tant d’incertitudes. La réalité, ce sont aussi des centaines de millions d’euros de recettes en moins pour le budget de ces communes. La réalité, ce sont les choix cornéliens que devront faire nos élus pour gérer au mieux leurs services publics locaux et répondre à un intérêt général en souffrance.
Aussi, je souhaite redire toute la pertinence du dispositif présenté par ma collègue Sylviane Noël lors de la discussion du dernier projet de loi de finances. Il visait à réduire les inégalités entre l’urbain et le rural pour ce qui concerne le calcul de la DGF. Nos territoires de montagne, qui sont essentiellement ruraux, pourraient ainsi être mieux soutenus. Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes vigilant sur ce dossier.
Utiliser le vieux serpent de mer d’une réforme globale des finances pour rejeter cette évolution de justice montre à quel point les réalités rurales ne sont pas toujours écoutées.
Au-delà des spécificités rurales, les territoires montagnards, conformément à la loi Montagne II, ont leurs propres particularités, au premier rang desquelles figure l’enclavement.
Pour apporter des solutions à ce que l’on appelle un « handicap naturel », il convient d’améliorer les communications terrestres, aériennes et numériques.
Garder nos territoires accessibles et les laisser ouverts sur les autres est une condition essentielle de leur développement ou plutôt, à l’heure actuelle, de leur survie. Il est plus que jamais vital pour nos montagnes d’avoir une couverture numérique en très haut débit de qualité, fixe et mobile. Vous l’avez vous-même affirmé, monsieur le secrétaire d’État, « il faut accélérer l’extension de la couverture du réseau mobile et l’accès au très haut débit ».
Il est également primordial que la rénovation du réseau ferré devienne une réalité. Le Président de la République a lui-même affirmé qu’il fallait développer massivement le fret ferroviaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous attendons impatiemment la réalisation de vos souhaits, puisque vous avez affirmé que votre rôle était de vous assurer que « les crédits alloués, notamment à la rénovation énergétique, au réseau ferroviaire et à la transition agricole, arrivent bien en zone de montagne, comme ailleurs, voire plus qu’ailleurs ».
La montagne, c’est aussi un art de vivre. La crise sanitaire nous enseigne que les citadins aspirent à un retour à la nature, à l’espace et à la montagne. Nos montagnes ont en effet des particularités propres que sont le relief, l’altitude et la neige, qui sont des atouts à valoriser.
À cela s’ajoute une philosophie propre qui lie la quiétude et la solitude des grands espaces à des activités économiques vitales telles que l’agriculture et le tourisme.
Monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour valoriser ce patrimoine et soutenir toutes les activités montagnardes et leurs potentiels. Car, la montagne, « ça nous gagne ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur la montagne.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
7
Réduction de l’empreinte environnementale du numérique
Discussion d’une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, présentée par MM. Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Hervé Maurey et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 27 rectifié, texte de la commission n° 243, rapport n° 242, avis n° 233) (demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi.
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui dans cet hémicycle pour tout d’abord nous souhaiter une très bonne année 2021 et pour examiner la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
Avec mes collègues rapporteurs de la mission d’information que j’ai eu le plaisir de présider de janvier à juin dernier, nous avons construit ce texte, dans les conditions que vous connaissez. Il s’appuie sur les travaux que nous avons menés, à savoir des auditions, des contributions et des concertations avec tous les acteurs concernés, mais aussi avec le Gouvernement, ou encore une étude chiffrée inédite et prospective sur l’évolution de l’empreinte carbone du numérique en France.
Ce soir, l’heure est donc à la concrétisation et à l’aboutissement de cet important travail précurseur que nous avons su engager au Sénat. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne serez donc pas étonné que je commence par vous solliciter pour nous assurer de l’avenir de ce texte, dans le cadre de la navette parlementaire. Je connais votre engagement sur ce sujet et je sais que vous en partagez l’objectif.
À l’origine de notre démarche, il y avait un constat et un objectif. Le constat, c’est que le numérique et ses usages explosent en France comme partout dans le monde. Les périodes inédites de confinement que nous avons vécues sont d’ailleurs venues fort à propos nous rappeler à quel point nous en avons besoin. Ce développement est indispensable à la transition écologique, notamment par les innovations qu’il permet dans les secteurs industriels les plus polluants.
Toutefois, ces gains sont associés à des impacts directs et quantifiables en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources halieutiques, de consommation d’énergie et d’utilisation d’eau douce. Notre objectif était donc clair : agir sans attendre, prendre le tournant de la transition numérique, tout en s’assurant que ce secteur indispensable à la transition écologique ne devienne pas une source de pollution exponentielle.
C’est justement parce que nous croyons à l’importance et à la nécessité du numérique que nous souhaitons l’inscrire sur la trajectoire responsable qui nous permettra de respecter nos engagements climatiques dans le cadre de l’accord de Paris.
J’entends certaines interrogations qui ont été formulées. Pourquoi une régulation climatique pour ce secteur plutôt que pour un autre ? Parce que sa croissance et, donc, son empreinte environnementale explosent.
Le numérique, c’est 2 % de notre empreinte carbone aujourd’hui, mais, potentiellement, près de 7 % demain si l’on ne fait rien. En outre, si nous ne soutenons pas dès aujourd’hui les filières de reconditionnement des terminaux numériques ou des centres de données énergétiquement sobres, d’autres le feront pour nous et nous serons dépassés.
Vous me permettrez d’exprimer ma satisfaction de voir se concrétiser une initiative parlementaire doublement inédite.
Tout d’abord, elle est inédite en ce qu’elle dépasse les clivages partisans habituels. Je veux remercier ici les presque 130 cosignataires de ce texte, issus de toutes les travées de notre Haute Assemblée. C’est dire si ce sujet nous tient à cœur !
Ensuite, elle est inédite, car nous nous apprêtons à discuter une proposition de loi qui aborde pour la première fois les impacts environnementaux de l’ensemble de la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en passant par les réseaux.
Monsieur le secrétaire d’État, depuis que nous avons rendu publics, en juin, notre rapport et notre feuille de route, avec ses 25 propositions pour une transition numérique écologique, d’autres acteurs se sont penchés sur le sujet, et c’est tant mieux.
Ainsi, le Conseil national du numérique a publié sa feuille de route en juillet. Vous-même vous êtes également saisi du sujet, notamment dans le cadre d’une feuille de route présentée conjointement avec votre collègue chargée de la transition écologique. Nous nous en réjouissons, mais nous pensons qu’il est temps d’avancer plus vite et d’aller plus loin. Nous proposons donc d’agir concrètement.
Avant de présenter plus en détail le contenu de la proposition de loi, permettez-moi de m’arrêter un instant sur l’avis du Haut Conseil pour le climat sur l’impact environnemental du déploiement de la 5G, remis au président du Sénat le 18 décembre dernier.
Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi cette étude d’impact environnemental n’a-t-elle pas été faite avant l’attribution des fréquences ? À l’époque, le Gouvernement avait annoncé un rapport d’inspection sur ce sujet. Il ne s’agissait donc pas d’une étude d’impact environnemental.
Permettez-moi de rappeler la genèse de l’avis important du Haut Conseil pour le climat. Le Sénat a pris ses responsabilités, sur proposition de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. À cet égard, je salue le président Hervé Maurey, qui était alors à sa tête. Le président du Sénat a saisi le Haut Conseil pour le climat, afin de disposer d’une évaluation environnementale de la 5G. C’était la première fois que le président d’une assemblée faisait usage de cette possibilité qui lui est ouverte par la loi.
Il n’est pas surprenant que cet avis préconise une évaluation ex ante systématique de toute nouvelle technologie, précisément pour pouvoir avoir des débats éclairés sur des sujets si importants et non pas des oppositions stériles ou non documentées.
Par ailleurs, sur le fond, cet avis conforte les conclusions de nos travaux. La 5G pourrait très largement contribuer à l’augmentation de 60 % de l’empreinte carbone du numérique en France d’ici à 2030. Dans son scénario « haut », le HCC estime que la 5G pourrait conduire à elle seule à une hausse de 45 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur d’ici à 2030. La moitié de cet impact carbone serait liée au renouvellement ou à l’acquisition des terminaux.
Si le Haut Conseil estime que la feuille de route gouvernementale n’apporte pas pour le moment de garanties, la somme des mesures proposées ne se traduisant pas par moins d’émissions, notre proposition de loi offre de nombreuses réponses aux recommandations formulées dans son avis.
Il ne s’agit pas d’être anti-5G ! Il faut simplement accompagner le secteur pour prévenir les impacts induits par son déploiement. Dans le détail, les leviers d’actions identifiés par la proposition de loi sont au nombre de quatre.
Le premier est la prise de conscience, par les utilisateurs du numérique, de son impact environnemental. Le chapitre Ier du texte prévoit ainsi une sensibilisation à l’école, dès le plus jeune âge, à l’empreinte environnementale du numérique. Il s’agirait d’une formation à ce que vous avez justement appelé, monsieur le secrétaire d’État, l’« écologie du code ».
La mise à disposition, pour tous, d’informations fiables et objectives, via la création d’observatoires de recherche des impacts environnementaux du numérique, est plébiscitée par tous les acteurs que nous avons entendus, ainsi que des outils permettant aux entreprises de prendre conscience de leur impact et de déployer des actions à même de les réduire.
Le deuxième de ces leviers vise à limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables aujourd’hui de l’empreinte carbone du numérique. Tel est l’objet du chapitre II, qui entend notamment lutter contre l’obsolescence programmée des logiciels, mais aussi contre ce que l’on pourrait appeler l’« obsolescence marketing », qui introduit un biais en faveur d’un renouvellement trop rapide des smartphones.
Le chapitre III de la proposition de loi vise à promouvoir le développement d’usages du numérique écologiquement vertueux. La création d’un référentiel général de l’écoconception, auquel devront se conformer les plus grands fournisseurs de contenus, nous semble indispensable. Il est aujourd’hui possible de faire des sites aussi performants avec une quantité de données et, donc, d’énergie utilisée bien moindres.
Enfin, le chapitre IV tend à la création de centres de données et de réseaux moins énergivores, en demandant notamment aux opérateurs de souscrire d’ici à 2023 à des engagements environnementaux pluriannuels contraignants auprès de l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
Il est important d’avoir en tête que la consommation énergétique des réseaux pourrait augmenter de 75 % d’ici à 2040. Une piste similaire est également envisagée par le rapport du Haut Conseil pour le climat.
Je laisserai bien sûr le soin aux deux rapporteurs et à la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, que je salue, de présenter les nombreux apports adoptés en commission. Je me réjouis que le texte ait été enrichi d’un volet relatif à la promotion d’une stratégie numérique responsable dans les territoires.
Pour ma part, nous y reviendrons lors de l’examen des articles, je vous proposerai un amendement tendant à ce que les biens reconditionnés ne soient pas soumis à une rémunération pour copie privée, dès lors que les produits ont déjà fait l’objet d’une mise sur le marché en Europe et ont déjà, à ce titre, été assujettis à ce prélèvement.
Je proposerai également de compléter le chapitre de la proposition de loi relatif aux impacts environnementaux des réseaux. Il me paraît en effet important de lutter contre les pratiques spéculatives qui sont celles de certaines tower companies, engendrant des gels de terrains et, parfois, la construction d’infrastructures mobiles sans fourniture de services.
Ces pratiques peuvent conduire à l’érection de pylônes inactifs, générant un impact environnemental inutile, via par exemple une artificialisation des terres concernées.
Voilà, mes chers collègues, les principaux points que je voulais vous présenter concernant cette proposition de loi que je vous invite bien sûr à adopter, et à laquelle je souhaite de connaître une navette fructueuse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE, RDPI, INDEP et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur, applaudit également.)
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureux de vous présenter, avec mon collègue corapporteur, la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, telle que modifiée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Avant d’entrer dans le détail de son contenu, je voudrais remercier, tout d’abord, les anciens membres de la mission d’information, mais aussi tous nos collègues de la commission qui, quel que soit leur groupe politique, ont contribué à enrichir ce texte, dans un état d’esprit rigoureux et constructif – c’est là la marque de fabrique du Sénat.
Ce moment est important, car nous avons beaucoup travaillé pour en arriver là, beaucoup écouté, et exploré de nombreuses pistes. C’est, au fond, la preuve que nos travaux de contrôle parlementaire peuvent jouer un rôle de vigie et d’impulsion très important pour la fabrique de la loi.
J’en viens au contenu de la proposition de loi.
Le premier axe vise à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de son impact environnemental. L’idée est de toucher tous les citoyens, les acteurs publics et les entreprises, afin de développer une « culture de la sobriété numérique ».
L’article 1er fait de la sensibilisation à l’empreinte environnementale du numérique l’un des thèmes de la formation à l’utilisation responsable des outils numériques à l’école.
L’article 2 généralise les modules relatifs à l’écoconception des services numériques dans les formations des ingénieurs en informatique, afin de permettre l’émergence de ce que l’on pourrait appeler une « écologie du code » dans ce secteur professionnel.
L’article 3 crée un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique, placé auprès de l’Ademe, l’Agence de la transition écologique, pour analyser et quantifier les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement, ainsi que sa contribution à la transition écologique.
L’article 4 prévoit d’inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
L’article 5 crée un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises afin de les inciter, d’une part, à acquérir des équipements numériques reconditionnés et, d’autre part, à faire réaliser des études d’impact environnemental de leurs services numériques et, le cas échéant, à mettre en œuvre une stratégie de transformation numérique durable de ces services.
Le deuxième axe de la proposition de loi vise à limiter le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l’empreinte carbone du numérique. À l’article 6, la commission a souhaité rendre plus opérant le délit d’obsolescence programmée, aujourd’hui concrètement inapplicable, en supprimant un des deux critères requis pour le caractériser. Je rappelle qu’aucune condamnation n’a été prononcée sur le fondement de ce délit depuis sa création en 2015.
Les articles 7 à 10 ont pour objet de lutter contre l’obsolescence logicielle en consacrant son intégration dans la définition de l’obsolescence programmée figurant dans le code de la consommation ; en imposant aux vendeurs une dissociation des mises à jour correctives et des mises à jour évolutives ; en s’assurant que le consommateur soit informé, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour ; en augmentant de deux à cinq ans la durée minimale pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens ; en permettant à l’utilisateur ayant installé une mise à jour évolutive de rétablir les versions antérieures des logiciels.
L’article 11 fait passer de deux à cinq ans la durée de la garantie légale de conformité pour les équipements numériques.
L’article 12 prévoit que les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) soient déclinés pour certaines catégories d’équipements numériques.
L’article 13 concerne la commande publique. Pour en faire un levier d’accroissement de la durabilité des produits numériques, il prévoit la prise en compte de critères de durabilité des produits dans les achats publics de certains produits numériques.
L’article 13 A, introduit en commission, vise à ce que la sobriété numérique et la durabilité des produits soient inscrites dans les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables des plus grandes collectivités territoriales.
L’article 14 prévoit de réduire le taux de TVA sur la réparation de terminaux et l’acquisition d’objets électroniques reconditionnés pour limiter les achats neufs. Nous savons les difficultés de conformité au droit européen soulevées par cet article, mais nous souhaitons vous proposer que le Sénat exprime une position forte sur ce sujet, dans la perspective d’une éventuelle révision de la directive TVA au niveau européen.
Enfin, la commission a souhaité mieux lutter contre l’obsolescence « marketing » en introduisant un article 14 bis qui renforce l’information du consommateur concernant les offres « subventionnées », qui, associant l’achat d’un smartphone à la souscription d’un forfait mobile, peuvent induire un biais en faveur du renouvellement du terminal.
Je cède maintenant la parole à mon collègue corapporteur qui va vous présenter le reste de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jacques Fernique applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je poursuis donc l’exposé de mon collègue par le troisième axe de la proposition de loi, qui appelle à faire émerger et à développer des usages du numérique écologiquement vertueux.
L’article 15 prévoit que les opérateurs privilégient des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser une connexion filaire ou par accès wifi à une connexion impliquant une consommation de données mobiles.
L’article 16 crée une obligation d’écoconception des sites des plus gros fournisseurs de contenus, qui occupent aujourd’hui une part très importante de la bande passante. Ils devront se conformer à un référentiel général de l’écoconception, qui fixera notamment les règles relatives à l’ergonomie des services numériques, ainsi qu’à l’affichage et à la lecture des contenus multimédias.
Les articles 18, 19 et 20, qui prévoyaient respectivement l’adaptation de la qualité des vidéos téléchargées à la résolution maximale du terminal utilisé, l’interdiction du lancement automatique de vidéos et l’interdiction du défilement infini, ont été satisfaits par les modifications ainsi apportées par la commission, et ont donc été supprimés.
Le référentiel général de l’écoconception intégrera également des critères permettant de limiter le recours aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs, afin de rendre plus opérationnelle la disposition initialement prévue à l’article 17, qui a lui aussi été supprimé.
Les travaux engagés sur le référentiel portent déjà leurs fruits, puisque nous avons très récemment appris qu’un travail des services de l’État et de l’Ademe était en cours sur ce sujet dont traite l’article 16.
J’en viens aux orientations du chapitre IV de la proposition de loi, visant à promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores.
À l’article 21, la commission a souhaité réitérer la position exprimée par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, en prévoyant que l’octroi du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) aux centres de données soit conditionné à l’atteinte d’objectifs environnementaux pluriannuels ; elle considère en effet que le dispositif adopté dans le cadre du projet de loi de finances sur l’initiative de l’Assemblée nationale ne constituait pas une incitation fiscale réelle au verdissement des centres de données.
L’article 21 bis, introduit en commission, permettra par ailleurs aux plus petits centres de données de bénéficier également de ce tarif réduit de TICFE, ce qui les incitera à s’engager eux aussi dans un tel verdissement.
L’article 22, pleinement satisfait par les modifications apportées à l’article 21, a été supprimé.
À l’article 23, la proposition de loi prévoit que les opérateurs de réseaux souscrivent des engagements environnementaux pluriannuels contraignants, au plus tard en 2023. Dans ce cadre, les opérateurs devront aussi s’engager à réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l’utilisation des box mises à disposition de leurs abonnés, et à planifier l’extinction progressive des anciennes générations de réseaux mobiles, toujours consommatrices d’électricité.
Le respect de l’ensemble de ces engagements sera contrôlé par l’Arcep, son pouvoir de sanction étant le cas échéant déployé. Nous pensons que cette disposition offrira un cadre de régulation pertinent, à l’heure où les consommations et les émissions des réseaux devraient augmenter avec le déploiement de la 5G, comme l’a rappelé le récent rapport du Haut Conseil pour le climat, auquel il a été fait allusion tout à l’heure.
L’article 24 permettra l’inscription de critères environnementaux minimaux dans les licences mobiles attribuées par l’Arcep. Je note que le rapport du Haut Conseil pour le climat sur la 5G formule des propositions très proches de la nôtre.
Quant à l’article 23 bis, introduit en commission, il permettra à l’Arcep de récolter les données qui lui seront nécessaires pour assurer cette régulation.
La commission a en outre souhaité compléter la proposition de loi par un chapitre relatif à la promotion de stratégies numériques responsables sur les territoires.
L’article 25 prévoit que les plans climat-air-énergie territoriaux programment des actions visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique et intègrent le potentiel de récupération de chaleur des centres de données dans leur stratégie. L’article 26 prévoit l’élaboration par les plus grandes collectivités d’une stratégie numérique responsable, présentée chaque année en amont du débat budgétaire.
Voilà, mes chers collègues, les grandes lignes de cette proposition de loi, que nous avons voulue ambitieuse et équilibrée.
À mon tour, je souhaite remercier nos collègues de la commission de l’aménagement du territoire et de la commission des affaires économiques, avec qui nous avons travaillé en bonne intelligence tout au long de cet examen. Ce texte est important, comme le montrent la mobilisation et la forte implication de toutes les sensibilités de notre hémicycle.
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous pousserez cette initiative, qui mérite que nous travaillions de concert.
Je vous souhaite à tous une bonne année numérique responsable ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Guillaume Chevrollier, rapporteur, applaudit également.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail de mes collègues Patrick Chaize, Hervé Maurey, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte et à les remercier pour leur écoute et pour l’esprit de dialogue qui a prévalu dans nos échanges.
Cette proposition de loi permet au Sénat d’aborder, en précurseur, la question de l’empreinte environnementale du numérique. Elle vient compléter la loi sur l’économie circulaire, un an après sa publication et alors que nombre de ses dispositions, comme celle sur l’indice de réparabilité, entrent tout juste en vigueur en ce début d’année.
Si l’impact environnemental du numérique apparaît à ce jour relativement limité en France, l’explosion prévisible des usages devrait l’aggraver dans les décennies à venir – cela a été dit.
Pour autant, nous ne disposons pas de chiffrage des émissions « évitées » par le recours grandissant au numérique. L’approche coûts-avantages du numérique reste donc à consolider au fur et à mesure des développements des usages et au regard des estimations disponibles, celle de la Commission européenne notamment, qui font état d’une réduction des émissions égale à sept fois les émissions générées par le numérique lui-même.
Le numérique est indéniablement un levier majeur de la transition écologique, mais il est vrai que ses modalités de déploiement restent à parfaire afin de mieux maîtriser nos impacts environnementaux et d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
C’est ce qui est visé dans cette PPL : appliquer la transition écologique à la transition numérique.
Pour atteindre cet objectif de soutenabilité du numérique, il s’agit de mettre en place et de diffuser des pratiques plus vertueuses, chez l’ensemble des acteurs : fabricants de terminaux et d’équipements, concepteurs de logiciels et d’applications, distributeurs, opérateurs, mais aussi usagers. La singularité de cette proposition de loi est précisément de s’intéresser à l’ensemble des acteurs de cette chaîne, et aux particularités de chacun.
Pour réduire notre empreinte numérique, c’est-à-dire l’impact environnemental de notre consommation numérique, l’une des priorités doit être l’allongement de la durée de vie des terminaux que nous utilisons : ordinateurs, téléphones, écrans, télévisions. Cet enjeu majeur repose à la fois sur les fabricants, mais aussi sur nous, consommateurs, qui devons nous défaire de cette course effrénée au « dernier modèle sorti ».
Concernant la fabrication de ces équipements, l’empreinte environnementale est principalement liée aux importations, une fois encore. La France devra donc, au-delà de cette PPL, porter une stratégie à l’échelle européenne et internationale.
Mais tout commence avec ses propres engagements ; ce texte vise donc à fixer un cadre et à engager sans tarder les acteurs domestiques français dans la transition écologique.
La commission des affaires économiques a cherché, dans cette première phase de transition, à privilégier l’incitation.
Cela nous est apparu essentiel dans le contexte de grandes tensions économiques que nous abordons : accélérer la transition écologique sans négliger les surcoûts qu’elle engendre pour les ménages comme pour les entreprises.
Comme nous l’avons proposé pour les data centers, il nous semble nécessaire d’inciter les acteurs, en suscitant leur adhésion et en créant des conditions économiques attractives et une véritable dynamique de changement, en définitive plus vertueuse, car lesdits acteurs y souscrivent plus rapidement et en nombre, tout en minimisant les distorsions de concurrence que créent nécessairement les systèmes contraignants franco-français.
Mme Sophie Primas. Très bien !
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis. Tout au long de l’examen de ce texte, nous avons donc privilégié autant que possible une écologie incitative, fondée dans un premier temps sur des accompagnements fiscaux, ceux-ci étant destinés à évoluer, voire à disparaître au fur et à mesure de la mise en œuvre des directives européennes convergentes qui seront prises dans les mois à venir.
Cette démarche s’inscrit dans l’approche européenne de régulation du numérique qui s’écrit depuis quelques mois et qui est d’actualité ces derniers jours : celle du retour des États et d’une gouvernance partagée du numérique, une corégulation tripartite associant État, usagers et acteurs économiques, chacun ayant une responsabilité identifiée.
Avec ce texte issu des travaux des commissions, nous parvenons à esquisser cette délicate ligne de crête.
Le texte fixe à 2023 l’entrée en vigueur des dispositions lorsqu’il est nécessaire de disposer au préalable de méthodes standardisées et de données incontestables permettant d’établir des référentiels.
Il proportionne la contrainte aux enjeux – je pense notamment à l’article sur l’écoconception des services en ligne, qui est ciblé sur les acteurs qui consomment le plus de bande passante dans les réseaux.
Il incite, autant que possible, les acteurs économiques à s’engager dans une transition écologique vertueuse pour l’environnement, mais aussi pour la compétitivité des entreprises établies en France – je pense notamment aux articles sur les data centers.
La commission des affaires économiques aurait préféré que l’incitation soit également préférée à la contrainte pour les opérateurs télécoms.
Par ailleurs, afin de responsabiliser les utilisateurs plutôt que de les pénaliser, la proposition de loi leur redonne du pouvoir de décision, instaurant davantage de transparence en matière de mises à jour logicielles.
Enfin, le texte issu des travaux de nos commissions est juridiquement consolidé face à un droit européen contraignant.
La commission des affaires économiques a appréhendé cette proposition de loi préfiguratrice d’un nouvel ordre numérique avec pour maîtres-mots « responsabilisation », « transparence » et « incitation ». (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – MM. les rapporteurs applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État. (M. Frédéric Marchand applaudit.)
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Madame la présidente, madame, messieurs les rapporteurs, monsieur le sénateur Chaize, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis ravi d’être parmi vous, en cette fin de journée, afin de débattre d’un sujet qui est – nous en sommes d’accord – très important, celui de l’empreinte environnementale du numérique.
La mission d’information menée par les sénateurs Chaize, Chevrollier et Houllegatte a approfondi cette question au début de l’année dernière, aboutissant aujourd’hui à la proposition de loi que nous examinons. Je sais que nombre d’entre vous, au-delà de cette mission, se sont emparés de ce sujet, notamment les sénateurs Maurey et Loisier, et je tiens à saluer la qualité des travaux qui ont été produits à cette occasion. Ils s’inscrivent dans une riche dynamique, à la fois intellectuelle et opérationnelle – ont été cités la Convention citoyenne pour le climat, le Conseil national du numérique, appuyé par le Haut Conseil pour le climat, le récent rapport de l’Arcep ou divers travaux de collectifs et think-tanks, autant d’échos évidents, d’ailleurs, de nombreuses interrogations de notre société.
Je tiens à remercier particulièrement Patrick Chaize pour le travail mené et pour les discussions riches qui ont déjà eu lieu – elles ne manqueront pas de se prolonger au fil de la discussion parlementaire.
Avant d’entrer dans le détail de la proposition de loi, je souhaite partager une réflexion plus globale sur les questions liées des transitions énergétique et numérique.
La convergence entre ces deux transitions me semble en effet un point essentiel. Qu’il me soit permis de rappeler ce qui est avant tout une conviction personnelle : je crois dans le progrès technologique – ce n’est pas totalement rien de le dire dans la période actuelle.
Dans la famille politique dont je suis issu, la gauche (Murmures sur les travées du groupe SER.), le progrès a d’ailleurs été historiquement une condition sine qua non de l’émancipation. Je crois que cette vérité demeure, mais également que l’ADN de la France est d’assumer ce chemin vers la modernité. Ceux qui voudraient revenir aux formes anciennes du monde oublient, par idéologie, parfois par manipulation, que c’est bien le progrès, scientifique, technique, technologique, qui nous a permis de guérir, de prospérer, de réduire les inégalités, bref, de mieux vivre ; ils oublient que quand la France a été tentée par une forme de conservatisme, de retour à une terre qui « ne ment pas », c’était toujours dans les périodes les plus noires de son histoire.
Mais je crois aussi – et je crois que nous partageons cette préoccupation – que l’innovation n’est pas bonne en soi, et qu’elle doit donc faire sens, être maîtrisée et pilotée. À cette fin, il convient, compte tenu de la complexité de ces débats, de prendre le temps d’entrer dans les détails ; c’est bien ce que font les auteurs de cette proposition de loi – d’où l’importance de vos travaux.
Lorsque se jouent des sujets aussi importants que ceux de l’avenir technologique de notre pays et aussi – ne l’oublions pas – de son avenir économique, à la croisée de questionnements environnementaux, alors il est de la responsabilité du politique de ne pas rester à la surface des choses.
Je remarque, du reste, que c’est ce qui se passe, par exemple, dans le débat sur la 5G : les réticences s’amenuisent à mesure que le débat va au fond des choses, interrogeant la réalité des sujets sanitaires ou environnementaux.
Je crois enfin que le progrès doit être mis au service d’une cause profonde et ontologique, celle de la préservation de l’environnement, absolument décisive pour le présent et pour l’avenir.
Je crois même que cette relation entre numérique et environnement est plus profonde encore qu’il n’y paraît : la transition écologique, notamment la transition énergétique, ne sera possible qu’avec le numérique, pour une raison simple qui touche à l’essence même de la transition environnementale. Celle-ci repose très largement, en effet, sur un problème mathématique d’optimisation des ressources sous contrainte, s’agissant de ressources limitées. Elle repose aussi sur des fonctionnements beaucoup moins centralisés et beaucoup plus répartis – c’est le cas par exemple des smart grids ou encore des circuits courts.
Or optimiser à grande échelle et en temps réel une répartition des ressources ainsi construite, particulièrement dans un contexte de pénurie, est un problème insoluble pour l’esprit humain – c’est d’ailleurs ce que montre extrêmement bien Jean-Marc Jancovici, le président de The Shift Project.
Un tel problème ne peut donc être résolu que par des réseaux très performants, une très forte connexion des acteurs et une utilisation intensive de l’intelligence artificielle. C’est notamment pour cette raison que nous avons besoin de nouveaux réseaux ; c’est notamment pour cette raison que nous avons besoin de la 5G. C’est pourquoi les avantages de ces technologies, leurs gains écologiques embarqués, sont probablement bien supérieurs à leur consommation propre. Il y a une forme d’hémiplégie du débat, qui a été soulignée par Mme la sénatrice Loisier, à ne considérer que la consommation propre du numérique sans chercher à en évaluer les effets de substitution.
Mme Sophie Primas. C’est vrai.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Comme le rappelle Marc Fontecave, professeur au Collège de France, dans un ouvrage récent, nous avons besoin de beaucoup plus d’innovation pour soutenir le défi environnemental, et pas de beaucoup moins d’innovation ! C’est cette responsabilité qui est la nôtre, et c’est cette responsabilité qui, d’ailleurs, irrigue le plan de relance qui a été porté par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, Bruno Le Maire. Par la mobilisation inédite qu’il institue, nous accélérons concrètement le verdissement de l’économie tout en promouvant l’innovation et la compétitivité.
C’est d’ailleurs, pour en revenir au texte de cette proposition de loi, de cette responsabilité qu’il s’agit ce soir.
Si, comme je viens de le dire, le numérique est globalement très favorable à la transition écologique, et particulièrement à la transition énergétique, cela ne l’exonère bien évidemment pas de porter sa part des efforts de sobriété et surtout d’efficacité qui sont nécessaires. En ce sens, la volonté qui anime votre proposition de loi rejoint celle du Gouvernement telle qu’elle s’exprime dans le cadre de sa feuille de route interministérielle visant à faire converger numérique et écologie, que j’aurai l’occasion de présenter début février avec Barbara Pompili.
Permettez-moi de revenir en détail sur les premiers axes de cette feuille de route que nous avons lancée en octobre dernier.
Nous voulons tout d’abord objectiver l’empreinte environnementale du numérique et développer la connaissance que nous avons de ce sujet : mieux connaître pour mieux agir, en quelque sorte. Dans cette perspective, nous avons confié à l’Ademe et à l’Arcep la mission de mener une étude approfondie visant, d’une part, à objectiver l’empreinte environnementale des réseaux de télécommunication fixe et mobile en fonction des usages qu’ils supportent et, d’autre part, à proposer des mesures de maîtrise et de réduction de leur impact, via par exemple le démantèlement des réseaux anciens et redondants. Cette mission est évidemment importante pour la suite de nos échanges sur votre proposition de loi.
Nous souhaitons, deuxièmement, faire du numérique un levier majeur de la transition écologique – j’ai eu l’occasion de le dire. Le numérique est en effet aujourd’hui une condition indispensable de la transition environnementale : sans numérique, pas de voiture électrique ; sans numérique, pas de réseaux intelligents et pas de massification des énergies renouvelables ; sans numérique, pas d’agriculture de demain, plus économe en consommation de ressources et de produits phytosanitaires ; sans numérique, pas de transports ni de logistique optimisés, donc moins consommateurs d’énergie ; sans numérique, enfin, pas de gains de productivité indispensables à l’acceptabilité sociale de la transition environnementale.
C’est pourquoi, dans le cadre du plan de relance, un fonds de 300 millions d’euros destiné aux projets des start-up de l’environnement a été créé.
Enfin, je l’ai dit, pour être globalement positif pour l’environnement, le numérique n’en doit pas moins prendre sa part dans la maîtrise de notre empreinte énergétique. Pour le dire plus clairement : oui, nous devons entrer dans une phase déterminée de maîtrise de l’empreinte environnementale du numérique – c’est notre troisième axe.
Il faut maîtriser cette empreinte en agissant sur chaque étape du cycle de vie des équipements, en amont de la production, au niveau de l’usage et en aval, là où la fin d’une vie peut devenir le début d’une nouvelle. La Convention citoyenne pour le climat – cela a été dit – a voté de nombreuses propositions en la matière. Notre feuille de route comprend des actions visant à produire moins et mieux : réparabilité, reconditionnement, réemploi, écoconception. D’ailleurs, la mise en œuvre de ces actions créatrices d’emplois localisés constitue également un enjeu de filière industrielle et d’emploi pour la France.
En matière d’allongement de la durée de vie, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a déjà prévu des avancées fortes – je le rappelle –, via notamment l’indice de réparabilité ou l’extension de la garantie légale de conformité de six mois lorsque l’appareil subit une réparation dans les deux ans. Ce que nous souhaitons, c’est accélérer sur le reconditionnement de ces téléphones. Trop souvent – vous l’avez dit –, les reconditionneurs se heurtent aux politiques restrictives des fabricants de téléphones en matière de pièces détachées. C’est pourquoi la loi AGEC a prévu un encadrement du temps de mise à disposition desdites pièces.
Mais nous devons également éviter toute restriction indue. Nous avons, à ce titre, saisi la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, d’une enquête sur les pratiques des constructeurs en matière de pièces détachées. Nous voulons par ailleurs inciter beaucoup plus au réemploi des plus de 100 millions de smartphones qui dorment dans les tiroirs des Français. Nous avons en ce sens engagé une concertation avec les opérateurs télécoms et les acteurs du reconditionnement en France.
Nous devons aussi nous préoccuper de nos usages et de l’impact de notre consommation, de vidéos notamment. Dans cette perspective, une concertation avec les plateformes numériques sur le sujet des usages du numérique sera lancée prochainement, afin d’identifier dans le détail les principaux postes de consommation et de définir des pistes de rationalisation.
Vous le voyez, de nombreuses mesures rejoignent les préoccupations des auteurs de cette proposition de loi et les dispositions qui y sont promues. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous abordons l’examen de ce texte de manière ouverte, même s’il s’agira de l’affiner au cours de la navette parlementaire – nous avons eu l’occasion d’en discuter. Nous sommes, à ce titre, largement favorables aux dispositions visant à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de leur impact environnemental.
Nous sommes également favorables à la proposition visant à aller plus loin quant à l’écoconditionnalité du tarif réduit de l’électricité pour les data centers, sujet qui a fait l’objet de discussions lors de mon passage en commission, et sur lequel je m’étais engagé à ce que nous avancions d’ici à la séance – je pense que nous sommes « mûrs », comme on dit. Sur cette demande formulée par la Convention citoyenne pour le climat, nous avons déjà collectivement avancé à l’occasion du projet de loi de finances pour 2021.
Sur certains points, néanmoins, nous privilégions une approche d’accompagnement des acteurs, dont la maturité est encore peu développée : une approche incitative plutôt que purement contraignante. Cette approche prend en compte les dispositions juridiques existantes, a fortiori les plus ambitieuses et les plus récentes, telles que celles présentes dans la loi AGEC, afin qu’elles déploient toute leur envergure et toute leur force.
C’est aussi une position d’accompagnement et de soutien que nous souhaitons adopter à l’égard des collectivités territoriales – nous aurons probablement l’occasion d’y revenir.
Nous avons, sur certains points, quelques divergences de calendrier. Des textes, notamment, sont en cours d’élaboration ; je pense à la transposition des directives européennes 2019/770 et 2019/771 respectivement relatives aux contrats de fourniture de contenus et de services numériques et aux contrats de vente de biens, transposition pour laquelle le Gouvernement a désormais compétence, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) voté par le Sénat en fin d’année dernière ayant été promulgué.
Des concertations sont par ailleurs en cours avec les opérateurs télécoms et avec les plateformes ; elles seront conclues dans les mois à venir. Avec les opérateurs télécoms, qui sont concernés par plusieurs articles, nous avons ouvert une concertation approfondie sur des enjeux aussi essentiels que le reconditionnement, le renouvellement des terminaux ou la tarification des données.
Ce sont des enjeux auxquels ils souscrivent déjà de façon volontaire et pour lesquels ils sont prêts à prendre des engagements inscrits dans la feuille de route sur le numérique et l’environnement, que j’ai annoncée précédemment.
Faire entrer ces sujets dans le champ de la régulation, comme le souhaitent les auteurs de cette proposition de loi, est un choix politique fort, mais sensible. C’est un nouveau cadre à construire, y compris à l’aune des pratiques et de la régulation européenne.
Nous souhaitons donc continuer à débattre afin d’aboutir à des solutions dans le courant de la discussion. Notre position sur vos propositions en la matière traduit ainsi notre volonté d’avancer avec les opérateurs, en bonne intelligence.
Nous partageons la volonté d’inscrire le numérique dans le grand mouvement et la grande obligation de la transition environnementale, en l’aidant à prendre sa juste part dans l’effort. Face aux grands acteurs du numérique dont l’actualité souligne bien la puissance, certaines actions ne pourront être efficacement menées qu’à l’échelle européenne. Il est possible de contrôler un marché unique européen du numérique, mais c’est plus difficile à réaliser à l’échelle nationale. Il me paraît donc utile de travailler avec la Commission européenne, notamment avec le commissaire Thierry Breton, pour avancer sur la sobriété numérique et ainsi offrir la possibilité à certaines initiatives contenues dans ce texte de devenir effectives dans le cadre d’une démarche européenne.
Faire converger le numérique et la transition écologique, ce n’est pas une mode, c’est un impératif ! Les périodes de confinement que nous avons vécues ont montré avec acuité la convergence entre ces deux mouvements de fond, le numérique et l’écologie. Tous deux ont connu un saut : le numérique, comme pilier de la société, et l’écologie, comme fondement nécessaire à notre survie et à celle de la nature. À nous de faire du premier le remède du second ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Marchand. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. Frédéric Marchand. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes en janvier 2021, c’est l’occasion pour moi de nous souhaiter collectivement une bonne année !
C’est une évidence, le numérique est plus qu’omniprésent dans notre quotidien. Nous savons qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Après plus de vingt ans de croissance ininterrompue, il occupe une place prépondérante dans notre quotidien personnel et professionnel, et touche tous les citoyens. Nul besoin d’être un geek pour en faire l’expérience chaque jour. Car, comme l’affirmait le philosophe Michel Serres en 2010, « nous vivons un changement de monde ».
Oui, en quelques années, notre quotidien a plus changé qu’au cours du siècle précédent. Et le rythme des évolutions s’accélère. Cela n’est pas sans engendrer, notamment, des problèmes d’adaptation dans la vie de tous les jours.
Avec le téléphone « intelligent », ou smartphone, chacun dispose désormais dans sa poche d’une puissance considérable, d’un ordinateur nomade qui nous relie au monde en permanence et qu’il convient de réguler. L’attaque portée – n’ayons pas peur des mots – contre la démocratie américaine sur l’initiative de Donald Trump, utilisateur compulsif de smartphone s’il en est, est sans conteste l’illustration de ces dérives, qui appellent des réponses collectives fortes.
Fort heureusement, le numérique n’est pas que cela. On lui doit la complète mutation de notre façon d’aborder le quotidien. Comme certains l’ont souligné avant moi, la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons est un accélérateur qui, bien évidemment, nous interpelle au regard de la démultiplication des usages, mais pas uniquement.
En 2040, si tous les autres secteurs réalisent des économies de carbone, conformément aux engagements de l’accord de Paris et si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée, le numérique pourrait atteindre près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France, un niveau bien supérieur à celui actuellement émis par le transport aérien.
Cette croissance serait notamment portée par l’essor de l’internet des objets et les émissions des data centers.
Ce constat n’est pas celui d’une quelconque Cassandre de l’environnement, mais celui de la mission d’information mise en place sur l’initiative de notre collègue Patrick Chaize, et dont le rapport adopté en juin 2020 a débouché sur la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Oui, la question de l’empreinte environnementale du numérique dans notre pays est aujourd’hui un sujet de société sur lequel il est de temps d’arrêter une stratégie partagée. Mais, disons-le d’emblée, cette proposition de loi n’est en rien le procès du numérique et le fruit de réflexions de sénateurs « hors-sol » : bien au contraire !
D’ailleurs, les acteurs du numérique, à part peut-être certains représentants de ce qu’on appelle communément les GAFA, l’ont parfaitement compris.
Cette proposition de loi s’inscrit dans le cadre de nombreux travaux sur le sujet comme le rapport du Conseil national du numérique, les recommandations de la Convention citoyenne pour le climat, le dernier rapport de l’Arcep, ou bien encore les initiatives d’experts ou de collectifs engagés.
Cette proposition de loi, monsieur le secrétaire d’État, est en phase, vous l’avez dit le 2 décembre dernier lors de votre audition, avec la feuille de route que vous portez, car, comme vous nous l’avez indiqué, « il n’y aura pas de transition environnementale sans transition numérique ».
À l’heure où la relance de l’économie, après la crise sanitaire sans précédent que nous connaissons, doit plus que jamais être verte, il convient de dire sans ambiguïté aucune que les politiques publiques doivent s’appuyer sur les outils numériques afin d’accélérer et d’optimiser la lutte contre le changement climatique et la protection de l’environnement.
C’est un fait acquis que le numérique facilite d’abord la mesure et le suivi des impacts environnementaux, et donc favorise une utilisation plus raisonnée des ressources naturelles. Il participe également de l’efficacité énergétique, induit une réduction des déplacements ou contribue à l’émergence de modèles économiques fondés sur les principes de l’économie circulaire.
Le numérique doit ainsi être mis au service de la transition écologique. Cela passera notamment par l’exploitation des données environnementales ou par la mobilisation des technologies au service de la transition environnementale. Ces éléments sont essentiels afin d’assurer la convergence des transitions numérique et écologique. Il n’y aura pas de transition écologique sans transition numérique, mais cela ne se fera pas à n’importe quel prix. Le secteur doit travailler sur sa propre empreinte environnementale.
Les tendances sont incontestables, et l’une des principales vertus des travaux de la mission d’information et de cette proposition de loi est de mettre l’église du numérique au centre du village, donnant ainsi le « top départ » d’une stratégie devant mobiliser toutes les énergies.
Dans le monde, comme en France, cela a été dit et redit, le numérique constitue une source importante de gaz à effet de serre. Il a également un impact sur l’épuisement des ressources naturelles, ainsi que sur la pollution de l’eau, de l’air et du sol.
Malgré les efforts considérables des acteurs du secteur, l’accélération de la transition numérique entraînera nécessairement une augmentation de ses impacts, augmentation qui ne pourra sans doute pas être compensée entièrement par l’amélioration de l’efficacité énergétique du numérique. Ces impacts sont majoritairement liés aux terminaux, notamment à leur fabrication et à leur distribution.
La question de l’empreinte environnementale du numérique est aujourd’hui centrale et ne se résume pas au seul totem de la 5G. Je suis de ceux qui, sans hésiter, affirment que la 5G n’est pas ce « grand Satan » que certains responsables, voyant sans doute là une martingale politique de court terme, dénoncent sans cesse et souvent de manière outrancière.
M. François Bonhomme. Des noms !
M. Frédéric Marchand. Disons-le une fois pour toutes, la 5G est avant tout conçue pour servir les échanges de données de très haut débit relatifs à l’industrie, à la santé connectée et à la ville intelligente.
Sans doute convient-il, monsieur le secrétaire d’État, d’expliquer, d’expliquer toujours et d’expliquer encore ce que cette nouvelle technologie a à offrir et en quoi elle participe de la transition environnementale, alors même que l’Europe vient de donner le coup d’envoi de son projet de recherche sur la 6G !
Cette parenthèse ouverte et refermée, nous ne pouvons que saluer les priorités mises en avant dans cette proposition de loi. Je pense particulièrement au volet éducatif, qu’il faut déployer, même s’il convient de dépasser le seul cadre des utilisations et de mettre en place une véritable sensibilisation citoyenne sur la question des usages et la façon dont on utilise physiquement l’appareil : choix d’un matériel réparable, question du suréquipement, utilisation d’équipements reconditionnés, bref, toute la chaîne de vie du matériel numérique.
Limiter le renouvellement des terminaux, faire émerger des usages du numérique écologiquement vertueux, aller vers des centres de données moins énergivores et promouvoir une stratégie numérique responsable sur les territoires sont autant de sujets au cœur de cette proposition transpartisane.
Je tiens à saluer tout particulièrement, pour avoir participé à la mission d’information, le travail mené par nos collègues Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, sous la férule bienveillante du président Hervé Maurey, qui nous a permis de nous saisir de ce sujet dans un climat serein et constructif.
L’examen du texte en commission nous a collectivement permis de dépasser certains écueils. La discussion nous permettra d’aller plus loin. Au final, chacun s’accordera pour dire qu’avec ce texte le Sénat fait œuvre utile. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un an après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », dont les mesures prennent progressivement effet, nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi transpartisane qui nous permettra, je l’espère, de compléter notre arsenal législatif pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris en 2015.
Ces objectifs, en matière de numérique responsable, sont ambitieux : le Gouvernement vise zéro émission net de gaz à effet de serre et 100 % de biens et services numériques écoconçus d’ici à 2030.
Pour l’heure, le numérique serait responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit 15 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2019, avec une croissance de l’empreinte énergétique de 9 % par an. C’est bien cette croissance qui inquiète puisque, selon les projections, le numérique représentera 7 % du total des émissions en 2040 dans notre pays.
Il apparaît donc indispensable d’agir au plus vite, au-delà des dispositions de la loi AGEC, sur la réparation et le réemploi pour que les gains environnementaux permis par le numérique ne soient pas annulés par ses impacts en termes de pollution et de consommation de ressources et de matières premières.
À ce titre, la mission d’information sénatoriale pour une transition numérique écologique, qui a préfiguré la rédaction de cette proposition de loi, a permis de fournir des éléments concrets sur un sujet qui manquait de données. On a ainsi pu confirmer que 81 % de l’empreinte environnementale du numérique reposait sur le renouvellement des terminaux, notamment sur leur fabrication. C’est donc sur ce point que les efforts doivent être engagés en priorité, d’autant que près de 95 % des Français possèdent un portable.
Les mesures contenues dans cette proposition de loi tendent à renforcer le rôle du consommateur – public ou privé – en visant notamment à mieux lutter contre l’obsolescence programmée et à augmenter la durée de vie des appareils, deux sujets qui concourent au rachat trop fréquent de terminaux.
Nous vous proposerons des amendements afin de limiter le renouvellement des terminaux en encourageant les biens issus de l’économie de fonctionnalité, ainsi que les produits issus du réemploi ou de la réutilisation.
Les consommateurs, par des usages écologiquement vertueux du numérique, par des exigences croissantes et des achats responsables, entraîneront des changements durables dans les méthodes de conception. Nous sommes donc parfaitement en accord avec les dispositions de cette proposition de loi sur la formation des élèves à l’utilisation responsable des outils numériques, ainsi qu’avec l’inscription de l’impact environnemental des biens et services numériques dans le bilan RSE des grandes entreprises.
À ce sujet, le récent rapport du Haut Conseil pour le climat est venu confirmer les craintes grandissantes relatives au déploiement de la 5G et son impact sur les émissions de CO2, en raison du renouvellement des infrastructures, des terminaux et de l’accroissement prévisible des usages.
Bien sûr, il ne s’agit pas de brider a priori le numérique, mais il s’agit de rappeler que ce secteur ne doit pas être exempté d’efforts pour respecter les engagements climatiques de la France. Ce secteur comprend aussi bien les acteurs économiques, les consommateurs que les acteurs publics. Nous devons tous prendre notre part dans le déploiement d’un numérique responsable et vertueux.
Cette proposition de loi offre une initiative législative complète en appréhendant toute la chaîne de valeur numérique. Il paraît donc important de rappeler que les collectivités et l’État aussi peuvent et doivent être moteurs et exemplaires en la matière.
Cela passe par la commande publique, comme le prévoit l’article 13, qui vise à rendre obligatoire le recours aux produits numériques dont les critères de réparabilité, dans un premier temps, et de durabilité, dans un second temps, seront plus exigeants.
Cela passe également par l’élaboration d’une stratégie numérique responsable dans les territoires, qui fait l’objet d’un nouveau chapitre. Je me réjouis de l’adoption de l’amendement que nous avions déposé en commission visant à prendre en compte l’empreinte environnementale du numérique au sein des plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET.
N’oublions pas toutefois les responsabilités du secteur économique. Les mesures de cette proposition de loi semblent donc aller dans le bon sens s’agissant des nouvelles obligations en matière d’écoconception des sites web les plus fréquentés, de la création d’un référentiel général de l’écoconception, de l’avantage fiscal prévu pour les centres de données moins énergivores ou encore des nouveaux engagements de réduction des impacts environnementaux des réseaux.
La préservation de l’environnement doit être prise en compte par tous les acteurs de la filière et la régulation de l’Arcep, en la matière, doit se faire avec davantage de contraintes.
Enfin, cette proposition de loi a subi de nombreuses modifications lors de son examen en commission au mois de décembre dernier : cinquante-six amendements ont été adoptés. C’est le signe de l’ouverture de ses auteurs et des rapporteurs, ainsi que de leur volonté de voir ce texte aboutir. C’est le signe aussi d’un dialogue que je crois constructif avec le Gouvernement, qui semble avoir pris le sujet en main et verra, je l’espère, cette initiative parlementaire comme une opportunité à saisir.
C’est en tout cas la position du groupe RDSE, qui salue ce travail équilibré et souhaite voir émerger au plus vite une véritable politique publique de sobriété du numérique, sans pour autant freiner les progrès économiques, sociaux et écologiques incontestables qu’il engendre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la démarche qui a présidé à la création de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et à la rédaction de cette proposition de loi semble pertinente. Nous saluons le travail réalisé par le président et le rapporteur de la mission, tout comme celui de la commission sur le sujet.
Cette proposition de loi s’articule pleinement avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais aussi avec la feuille de route du Gouvernement, largement convergente avec le contenu de ce texte. Notons également l’adoption au niveau européen d’une proposition de résolution à ce sujet en novembre dernier.
Cette prise de conscience est celle de l’urgence écologique qui nous oblige collectivement à tracer les contours d’une société plus économe en ressources et plus sobre en consommation énergétique. La France, qui s’est engagée à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et à arriver à la neutralité carbone en 2050, doit prendre des mesures fortes.
À ce titre, le secteur numérique semble un levier puissant de transformation : si le numérique constitue aujourd’hui seulement 2 % du total des émissions en 2019 dans notre pays, cette empreinte pourrait augmenter de 60 % d’ici à 2040 si rien n’est fait.
Pour autant, les dispositions contenues dans cette proposition de loi, a fortiori après l’examen du texte en commission, semblent en retrait par rapport aux objectifs affichés.
Cette proposition de loi risque malheureusement d’être peu opérante face à la complexité des enjeux industriels et stratégiques, notamment en matière de souveraineté numérique, mais également face au niveau d’action nécessaire lié à l’immatérialité de cette économie et à la globalisation des échanges. Comme l’exposé des motifs le souligne, les impacts carbones du numérique sont liés essentiellement à la production des terminaux, production principalement localisée en Asie.
Relocalisation de l’économie, développement d’une filière industrielle au niveau européen, changement des règles du libre-échange, abrogation des accords commerciaux fondés sur le dumping social, économique et environnemental, autant de sujets qui sont alors incontournables pour la réduction de l’empreinte environnementale du numérique et qui ne sont pourtant pas évoqués dans cette proposition de loi.
Il en est de même de la nécessaire réflexion à l’échelle internationale sur l’accès à la ressource en eau et sur la gestion des terres rares dont sont particulièrement friands ces appareils…
Faute de s’attaquer au modèle économique libéral de production et de proposer des alternatives permettant de garantir tout au long du processus de production et d’utilisation des équipements électroniques numériques un usage plus vertueux, les dispositions contenues dans cette proposition de loi risquent de perdre en opérationnalité.
Plus précisément, nous approuvons tous les articles de cette proposition de loi qui visent à lutter contre l’obsolescence programmée. Mais nous soulignons que ces débats ont déjà eu lieu il y a un peu plus d’un an lors de l’examen de la loi sur l’économie circulaire. Ce texte a marqué de nombreuses avancées, y compris grâce à l’adoption d’amendements émanant de notre groupe.
Il en est ainsi de la lutte contre l’obsolescence logicielle. Nous sommes à ce titre surpris d’un changement de pied de la majorité sénatoriale sur certains sujets comme l’extension de la garantie légale ou la révision du taux de TVA. Nous proposerons d’aller plus loin et formulerons des propositions qui, à l’époque, n’avaient pas trouvé de majorité. Nous espérons qu’elles trouveront aujourd’hui une issue plus favorable.
Concernant les obligations formulées auprès des entreprises, nous ne pouvons que constater que la portée des dispositions initialement proposées a été largement revue à la baisse, notamment au travers la suppression des articles 17 à 20. La réécriture de l’article 16, qui substitue un référentiel global d’écoconception à la définition d’obligations en bonne et due forme, permet de contourner de manière habile le caractère contraignant de ces mesures au bénéfice d’un référentiel à la portée plus souple et à la valeur juridique floue. Ses modalités d’élaboration sont finalement renvoyées aux ingénieurs alors que ces questions sont avant tout politiques.
De la même manière, les dispositions sur les data centers ont été amoindries, le Sénat ayant préféré mettre l’accent sur l’incitation fiscale plutôt que d’instaurer des obligations réelles pour les entreprises. Au final, à force de renoncement, nous doutons que la portée de cette proposition de loi soit à la mesure des enjeux !
Pour finir et élargir le débat, et alors que l’impact environnemental de ces usages numériques est très lié aux Gafam, pourquoi ne pas revenir ici sur leur imposition afin qu’ils contribuent réellement aux politiques publiques contre le changement climatique ?
Il nous semble prioritaire de sortir de l’impunité ces grandes multinationales qui n’ont, en l’état, aucune raison de s’orienter vers la sobriété numérique et qui ne contribuent pas à l’effort collectif pour la transition écologique. Malheureusement, nous doutons que cette proposition de loi change la donne en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreux spécialistes, de nombreux industriels, de nombreuses associations environnementales sont d’accord pour dire que le numérique constitue un atout idéal pour résoudre en partie la problématique climatique.
La proposition de loi que nous étudions ce jour prouve que le numérique occupe une place importante dans les transitions écologique et énergétique.
Comme cela a été souligné, le numérique pourrait représenter à l’horizon de 2040 près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France.
Nous saluons le travail parlementaire effectué lors de la mission d’information, qui a rendu ses conclusions en juin dernier. La traduction législative que nous étudions a déjà été améliorée lors de l’examen par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cette proposition arrive à un moment opportun, c’est maintenant que nous devons nous emparer de ce sujet.
Il est devenu évident, au vu de l’implication de chacun dans le numérique et ses usages, que tous y participent : les consommateurs, les entreprises ou encore le secteur public.
Ainsi, nous prenons collectivement conscience de l’impact du numérique dans nos usages quotidiens et nos choix de consommation. À ce titre, la création d’un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique sera utile pour anticiper les évolutions futures et les contraintes auxquelles nous devrons faire face.
La durée de vie et la réutilisation des terminaux que nous utilisons pour avoir accès au numérique sont un des enjeux majeurs. À juste titre, la commission est revenue sur le renversement de la charge de la preuve prévu à l’article 6 du texte relatif à l’obsolescence programmée. La nouvelle rédaction de l’article, qui vise à supprimer l’un des critères d’intentionnalité constituant le délit d’obsolescence programmée, est une réelle transformation du mécanisme.
Autre point qui a retenu notre attention et qui a fait l’objet d’un travail important en commission : l’écoconception des sites web. Le cadre général proposé regrouperait plusieurs critères dont nombre d’entre eux semblent nécessaires. J’entends par là particulièrement ce qui a trait à l’affichage et aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs. Les vidéos qui se déclenchent automatiquement à l’ouverture d’un réseau ou d’une page web, en plus d’être consommatrices de données et d’énergie, nuisent bien souvent à la navigation des utilisateurs.
Enfin, je terminerai mon propos en saluant la volonté des auteurs de ce texte de réduire les impacts environnementaux des centres de stockage des données numériques. Ces centres seront de plus en plus nécessaires : nous devons donc réduire leur empreinte au maximum.
Cette proposition de loi, exemple très parlant du travail d’avant-garde que peut produire le Sénat, et l’examen que nous allons en faire marquent l’importance de la réflexion et de l’action que nous menons dans cette chambre, au bénéfice des territoires.
Je forme le vœu qu’elle constitue une base solide à notre stratégie nationale vers un numérique responsable qui pourra en inspirer d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Guillaume Chevrollier, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les enjeux liés à l’empreinte environnementale du numérique ont longtemps été minimisés, voire ignorés.
Alors que, jusqu’ici, on était surtout sensibles aux gains de productivité résultant du numérique, à ses effets de substitution, pour reprendre l’expression de M. le secrétaire d’État, on prend à présent conscience de sa contribution en forte croissance au réchauffement climatique, à l’épuisement des ressources abiotiques, à des tensions sur l’eau douce et à diverses formes d’agressions des écosystèmes.
Selon tous ces critères, en 2019, l’impact planétaire du numérique représentait deux à trois fois l’empreinte environnementale tous secteurs confondus de la France, et ce n’est pas fini ! Entre 2010 et 2025, la taille de l’univers numérique va au moins tripler et ses impacts environnementaux vont au moins doubler.
« Au rythme actuel, le numérique sera considéré comme une ressource critique non renouvelable en voie d’épuisement d’ici moins d’une génération », selon l’expert indépendant Frédéric Bordage.
Malgré les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris, il n’existe à ce jour aucune législation qui permette de contrôler, de réguler ou de réduire les impacts environnementaux du numérique. C’est un vide juridique criant.
Face à ce vide, la mission d’information sénatoriale et cette proposition de loi qui en a découlé sont particulièrement opportunes. Le groupe écologiste salue ce texte, qui témoigne d’un travail transpartisan pour le moins riche et ambitieux. Il est en phase avec des propositions portées par le Conseil national du numérique et par la Convention citoyenne pour le climat. Il s’inscrit dans le sillage de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
Ce n’est hélas ! pas le chemin que semble prendre le récent projet de loi climat du Gouvernement, qui ne comble pas ce manque de régulation environnementale du numérique. Certes, le Gouvernement a présenté une feuille de route, mais sa mise en œuvre concrète n’est pas claire. La présente proposition de loi est donc, je le répète, particulièrement opportune. Il s’agit d’engager une transition du numérique par des modes de production, de commercialisation et de consommation qui privilégient la sobriété, un usage raisonné et plus respectueux de l’environnement.
Cette transition du numérique, c’est ce que souhaitent les écologistes. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris tout à l’heure qui vous visiez en parlant dans ce débat de postures idéologiques réactionnaires et en évoquant – j’en ai été étonné – un slogan pétainiste.
M. François Bonhomme. Carrément !
M. Jacques Fernique. Sachez que le groupe écologiste ne se reconnaît absolument pas dans de tels propos !
Revenons-en au fond. Ce texte novateur a de nombreux points forts. Il vise particulièrement les producteurs et les fournisseurs en augmentant leurs obligations en matière de reconditionnement, de recyclage, de réparation et de conformité. À ce titre, la lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée légale de conformité de deux à cinq ans seraient des avancées majeures, en particulier dans le contexte de déploiement de la 5G, qui remet en question la viabilité des équipements numériques actuels.
Il permettrait d’apporter plus de transparence sur les stratégies des entreprises et consacrerait l’écoconditionnalité, ainsi que des engagements pluriannuels contraignants.
Le groupe écologiste proposera de renforcer ce texte en présentant un certain nombre d’amendements.
D’abord, il est essentiel que les objectifs visés soient clairs : il s’agit donc d’obtenir l’inscription d’objectifs propres au numérique dans la stratégie nationale bas-carbone, la SNBC. Cette dernière doit prévoir un volet spécifique à ce secteur et définir un budget carbone fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous proposons aussi l’évaluation de l’impact environnemental de la 5G par l’observatoire créé par la présente loi : le rapport remis juste avant Noël par le Haut Conseil pour le climat montre clairement cette nécessité.
Nous mettons également au débat, par voie d’amendements, la question du gâchis de consommation d’énergie des dispositifs publicitaires numériques.
Nous demandons de rétablir l’article 19 dans sa rédaction initiale afin de mettre fin au lancement automatique des vidéos lors de la consultation de sites internet, sauf dérogation.
Nous regrettions la suppression en commission de l’obligation pour les opérateurs téléphoniques de moduler les forfaits proposant des données internet afin d’encourager une consommation raisonnée via le wifi ou le filaire. Nous souhaitons donc renforcer l’article 15 pour enrayer la croissance des consommations réseaux à laquelle nous expose le déploiement de la 5G.
Enfin, pour lutter contre l’obsolescence programmée et renforcer la durée de vie des terminaux, nous proposons de travailler le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques, voire d’expérimenter dans des territoires volontaires un dispositif de consigne.
Ces propositions sont fidèles à l’esprit du texte, appuient ses dispositions et, vous l’avez compris, ne visent qu’à le consolider et à assurer son efficacité.
L’enjeu, aujourd’hui, est d’adopter un usage raisonné du numérique et de préserver nos ressources pour garantir un avenir viable. Compétitivité, haut débit et couverture numérique doivent aller de pair avec résilience, sobriété et usage écoresponsable. Nous espérons donc que le Gouvernement reprendra ce texte transpartisan. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est plus besoin de rappeler l’importance du numérique dans nos vies quotidiennes. L’année 2020 et le développement contraint du télétravail l’ont confirmé s’il en était besoin !
Le numérique, nous le disons depuis maintenant un certain nombre d’années dans cette assemblée, est indispensable à nos concitoyens, à l’attractivité de nos territoires, au développement économique et à l’innovation. Ses atouts ne doivent pas pour autant nous faire mettre de côté son impact environnemental, incontestablement insuffisamment pris en compte jusqu’à présent.
Les usages numériques ne sont pas sans conséquence sur l’environnement en termes d’émission de gaz à effet de serre, de consommation énergétique ou d’utilisation des ressources.
Ce constat longtemps occulté a conduit la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat à mettre en place à la fin de 2019 une mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique. Ses travaux ont abouti à un rapport de grande qualité. Je salue particulièrement le travail de Patrick Chaize, de Jean-Michel Houllegatte et de Guillaume Chevrollier. Ce rapport a notamment permis pour la première fois une évaluation de l’empreinte carbone numérique dans notre pays.
Le rapport révèle que le numérique, qui représente aujourd’hui 2 % des émissions de gaz à effet de serre, pourrait en représenter 7 % à l’horizon 2040. Il souligne donc la nécessité de mettre en place une politique de sobriété numérique pour concilier transition numérique et transition écologique, toutes deux indispensables. C’est le sens de la feuille de route déclinée par le rapport, qui prévoit vingt-cinq mesures, reprises – pour celles qui relèvent du niveau législatif – dans cette proposition de loi.
Le présent texte, dont j’ai l’honneur d’être coauteur et qui a été amélioré par la commission au fond et celle saisie pour avis ainsi que par le travail des rapporteurs, prévoit que notre pays se dote d’outils pour anticiper l’impact du numérique sur le climat et rendre son développement compatible avec nos engagements internationaux.
Par manque de temps, je n’évoquerai que les aspects les plus importants de ce texte.
Tout d’abord, la proposition de loi vise à limiter le renouvellement des terminaux. C’est un point essentiel, car la mission d’information a révélé que ceux-ci représentaient 81 % des impacts environnementaux du secteur en France. Ainsi, dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ainsi que des apports de notre assemblée sur ce texte, la présente proposition de loi renforce les outils de lutte contre l’obsolescence programmée, privilégie les produits durables dans la commande publique, améliore la collecte des produits numériques et favorise le développement du marché de seconde main.
Elle prévoit également d’inciter aux usages numériques vertueux, en imposant un référentiel général de l’écoconception aux sites internet qui génèrent le plus de trafic.
Elle aborde enfin la question préoccupante de l’impact environnemental des réseaux en dotant notre pays de moyens d’anticiper et de réguler cet impact, qui devrait augmenter avec les réseaux de nouvelle génération.
À cet égard, je rappellerai que, conscient des enjeux environnementaux de la 5G, le président du Sénat a saisi à notre demande le Haut Conseil pour le climat (HCC) afin qu’une estimation de son impact soit réalisée.
Le rapport du HCC est plutôt alarmant puisqu’il estime que cette génération de réseau entraînera une « augmentation significative » de l’empreinte carbone du numérique. Il est donc regrettable que le Gouvernement n’ait pas, comme nous le demandions, effectué une évaluation préalable au déploiement de la 5G.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous devons faire en sorte que l’indispensable développement du numérique s’effectue de manière sobre, responsable et respectueuse de l’environnement.
C’est un enjeu essentiel qu’il nous appartient, ensemble, de relever. Tel est l’objectif de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’initiative prise par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte permet d’apporter un éclairage novateur, judicieux et pertinent sur l’empreinte environnementale du numérique. Qu’ils en soient remerciés ! Ce sujet appelait depuis longtemps un débat et un travail de fond, dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est opportunément saisie. Le soutien de 130 cosignataires en confirme l’importance.
Toutes les politiques publiques devraient désormais s’inscrire dans une démarche d’évaluation environnementale afin de conditionner leur mise en œuvre. Cela semble s’imposer pour le numérique, qui prend une dimension particulière avec la montée en puissance de la 5G, avec comme corollaire une évolution significative des usages, des moyens et des outils.
L’évolution d’une prise de conscience générale s’est traduite dans plusieurs rapports et propositions. Je citerai ceux de la Convention citoyenne pour le climat et du Haut Conseil pour le climat, sur l’empreinte environnementale de la 5G, de l’Arcep, pour des politiques numériques plus soutenables. Aussi cette proposition de loi contribue-t-elle à ouvrir objectivement un débat trop souvent marqué par des radicalités peu éclairantes, souvent réductrices, qui ne permettent pas d’envisager ces problématiques dans toute leur complexité, et cela notamment du fait de l’absence de données environnementales, d’outils pour les collecter et d’évaluations.
Comment faire de la transformation numérique un accélérateur positif de la transition écologique, si ce n’est en accompagnant et en progressant collectivement, pour conforter les démarches d’évaluation environnementale ?
L’évaluation est consubstantielle des politiques de développement durable. Reconnaissons dans ce domaine nos faiblesses, nos carences et la nécessité d’établir de nouveaux référentiels communs pour s’appuyer sur des indicateurs partagés, pour mieux mesurer les impacts et agir en conséquence sur les usages, notamment par une meilleure information et une responsabilisation des acteurs et des usagers.
Il s’agit de mieux réguler en s’appuyant sur des données objectives en créant, à l’article 3 du texte, un observatoire des impacts environnementaux du numérique, mais également sur les plus-values et gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique.
Une approche globale est proposée dans ce texte. Elle doit fournir un cadre vertueux en intervenant sur l’ensemble de la chaîne numérique – des équipements aux logiciels, jusqu’aux centres de données – et en abordant les questions de durabilité, de réemploi et d’obsolescence, souvent dénoncée et pourtant si mal régulée.
L’équilibre des propositions se fait par des mesures d’incitation pour susciter la prise de conscience et des mesures contraignantes afin d’imposer aux opérateurs de réduire réellement leur impact environnemental. L’approche normative est confortée notamment, quant à l’obsolescence, dans une logique de responsabilité sociétale des acteurs plutôt qu’au travers d’un cadre exclusivement contraignant.
Enfin, le texte approfondit la responsabilité sociétale de tous les acteurs : particuliers, entreprises, collectivités et territoires. La responsabilité sociétale des entreprises doit en effet étudier les conditions de son extension à la sobriété numérique et il est essentiel que tous les acteurs du secteur public, comme du secteur privé, s’inscrivent dans ces orientations pour une évolution favorable du sujet.
Les territoires sont évidemment le maillon indispensable d’une politique d’équilibre pour une couverture numérique ambitieuse et le respect de l’environnement, pour une convergence entre transition numérique et transition écologique.
Les amendements socialistes adoptés en commission se sont traduits dans un nouveau chapitre intitulé « Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires », en affirmant une gouvernance territoriale : en permettant aux collectivités de plus de 50 000 habitants d’inscrire une stratégie numérique dans leur rapport de redevabilité sur le développement durable ; en intégrant les data centers dans les systèmes énergétiques locaux et dans les plans climat-air-énergie territoriaux ; en mobilisant l’achat public pour réduire l’empreinte carbone du numérique au sein des schémas de promotion des achats publics responsables.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez invoqué dans un premier temps l’urgence du déploiement de la 5G afin d’éviter une perte de compétitivité et d’attractivité pour notre pays. Dans un second temps, vous avez défendu l’utilité des nouvelles technologies numériques pour accélérer la transition écologique. Notre difficulté, nous le savons, réside dans ce que les modèles de leur développement s’appuient sur les usagers ainsi que sur la multiplication et la diversité de l’offre en vue de trouver une rentabilité. Ces enjeux économiques et financiers ne doivent pourtant pas nous détourner de nos objectifs environnementaux, aujourd’hui essentiels.
L’enjeu primordial de ce texte est de valoriser le numérique en maîtrisant son empreinte environnementale pour qu’il soit un outil de progrès, atout d’une transition écologique et non pas obstacle aux enjeux climatiques. L’initiative du Sénat sur le sujet, qui a été très suivie, marque la nécessité de répondre rapidement au défi d’une politique numérique responsable sur le plan environnemental.
Cette proposition de loi apporte les premières solutions pour envisager une meilleure régulation, en informant et en responsabilisant tous les acteurs, opérateurs et citoyens, et en introduisant une approche territoriale indispensable. Évidemment, beaucoup reste à faire, mais il est essentiel d’introduire cette politique. Nous soutiendrons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord saluer Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi, et les rapporteurs pour avis et au fond, Anne-Catherine Loisier, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, pour le travail accompli et la pédagogie dont ils ont réussi à faire preuve pour expliquer cette problématique « contre-intuitive ».
En effet, contrairement à ce que certains usagers imaginent – cela a été rappelé par nos rapporteurs –, le numérique n’est pas immatériel. Il laisse une empreinte sur l’environnement et celle-ci est malheureusement exponentielle : 2 % des émissions de gaz à effets de serre aujourd’hui en France, et 7 % dans vingt ans.
Faire émerger des pratiques plus vertueuses chez les acteurs du numérique et chez les consommateurs s’impose pour réguler notre empreinte, sans toutefois fragiliser les filières. C’est là toute l’agilité de nos collègues équilibristes qui sont parvenus à formuler des propositions de maîtrise des impacts environnementaux sans handicaper nos entreprises nationales.
Les priorités de ce texte sont claires et intelligibles : informer, éduquer, lutter contre le renouvellement des terminaux, promouvoir des usages écologiquement vertueux et développer des centres de données moins énergivores.
Parce que ces nouvelles pratiques s’imposent à tous, aux acteurs du numérique comme aux citoyens, nous ne pouvons nous contenter d’ordonnances techniques de transposition des directives européennes. La représentation nationale doit en débattre.
Plusieurs points ont en particulier retenu mon attention.
Il s’agit tout d’abord de la mise en œuvre de l’article 16, qui rend obligatoire l’écoconception des sites web et des services en ligne publics, mais aussi de certaines entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par décret en Conseil d’État.
Je regrette cette restriction qui écarte certaines entreprises. L’écoconception des environnements web ne doit pas être perçue comme un surcoût de conception. Développer « écoconçu » revient à appliquer une méthodologie précise et rigoureuse qui ne demande ni plus de temps ni plus d’argent. Une directive à l’endroit de toutes les entreprises me semble donc souhaitable pour assurer la sobriété numérique, raison pour laquelle je proposerai un amendement en ce sens.
Toujours à l’article 16, nos rapporteurs ont souhaité reporter à 2023 l’entrée en vigueur du dispositif. Ce report ne me semble pas souhaitable dans la mesure où il existe d’ores et déjà beaucoup de matière – rapports, recommandations, etc. – pour établir le référentiel d’écoconception d’un site web.
La formation des différents acteurs de l’écoconception et les démarches d’amélioration sont en ordre de bataille, et elles doivent se poursuivre. Il semble donc inutile, voire regrettable, de faire attendre un marché qui s’est déjà structuré et qui a développé des solutions.
Reporter les efforts à une échéance lointaine pénaliserait finalement davantage les acteurs qui se disent aujourd’hui « prêts ». C’est pourquoi je défendrai également un amendement visant à supprimer ce délai.
Pour terminer sur l’obligation d’écoconception des sites, ne serait-il pas également souhaitable d’y associer des critères d’accessibilité pour les personnes handicapées ? Cet ajout ne rallongerait en aucun cas la conception des sites web et il permettrait une portée RSE globale.
Sur le volet relatif aux centres de données, je proposerai également un amendement visant à faire bénéficier du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) les acquéreurs de data centers à climatisation adiabatique qui permettent des économies d’énergie substantielles.
C’est aussi un enjeu de développement économique important pour nos territoires, auxquels le Sénat porte toujours une attention particulière.
Avec cette proposition de loi, le Sénat fait véritablement œuvre utile. Il propose des solutions adaptées et concrètes au défi de la réduction de l’empreinte environnementale du numérique.
C’est pourquoi, en ce mois de janvier, je forme le vœu que ce texte recueille l’assentiment du Gouvernement, qui honorerait au passage ses engagements envers la nouvelle assemblée constituante. Pardon, la convention citoyenne… ! (Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Prince. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jean-Paul Prince. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la relation entre numérique et environnement est ambivalente.
D’un côté, la numérisation est présentée comme un outil incontournable de lutte contre le réchauffement climatique. En effet, l’intelligence artificielle et le big data sont aujourd’hui mobilisés pour mener la transition énergétique. Compteurs et réseaux intelligents vont avoir la capacité d’ajuster en temps réel l’offre à la demande d’électricité et, ainsi, d’offrir le pilotage nécessaire au déploiement d’énergies renouvelables par nature intermittentes, comme l’éolien ou le solaire.
Le numérique sera la clé d’amélioration de l’efficacité énergétique de toute l’économie.
Mais, d’un autre côté, il faut bien reconnaître que les vertus environnementales du numérique ne sont encore qu’en puissance. Car la numérisation est de plus en plus énergivore. L’ensemble des équipements permettant de traiter, de stocker et d’échanger des données absorberait déjà entre le quart et la moitié de l’électricité mondiale, générant entre 2 % et 10 % des émissions mondiales de CO2. Et sa part dans la consommation planétaire d’électricité augmente de 2 % par an. Le rapport Villani de 2018 pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) a prouvé qu’à ce rythme le numérique siphonnerait la moitié de l’énergie du monde en 2030 et la totalité en 2040…
Le numérique ne pourra donc tenir ses promesses écologiques que si l’on s’emploie à le décarboner en amont. C’est bien pourquoi le présent texte n’a rien d’anodin. Nous tenons à souligner son caractère précurseur.
D’ailleurs, le Haut Conseil pour le climat en a indirectement validé les conclusions dans son avis du 19 décembre sur la 5G. Au passage, c’était la première fois que le HCC était saisi par une assemblée parlementaire.
C’est aussi la première fois que le législateur se saisit en France de ce sujet d’avenir, d’autant plus déterminant que la problématique entre en résonnance avec celle de l’autonomie et de la souveraineté numérique de notre pays. Les conclusions de la mission d’information ayant conduit à la présente proposition de loi sont claires : plus de 80 % des impacts environnementaux du numérique en France sont dus aux terminaux numériques. Et pourquoi les terminaux numériques ont-ils un tel impact ? Parce qu’ils ne sont pas fabriqués en France ! Importer nos terminaux, c’est à la fois importer de la dépendance économique et de la pollution.
Le texte aborde de front le problème dans ses articles 6 à 14, qui nous semblent constituer son apport principal. La dimension pédagogique du sujet a certes son importance à long terme. Mais aujourd’hui, c’est la limitation de l’importation et du renouvellement des terminaux qui constitue le nerf de la guerre.
Pour conclure, je dirai un mot de l’énorme travail effectué en commission pour compléter la première mouture du texte. Nous ne pouvons que saluer les avancées réalisées pour renforcer la lutte contre l’obsolescence programmée, promouvoir l’écoconception des sites web ou renforcer la sécurité juridique du texte. Mais, dans cet hémicycle, une dimension nous tient plus que tout à cœur : la dimension territoriale. On ne rendra pas le numérique durable sans stratégies numériques responsables sur les territoires.
Grâce à la décentralisation, le numérique est devenu le phénomène central du désenclavement de la ruralité profonde. On ne le verdira aussi que grâce à la décentralisation. C’est bien ce que prévoit maintenant le texte en donnant mission aux agglomérations, aux départements et aux régions de décliner à leur échelle la feuille de route du verdissement du numérique.
Vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera ce texte.
Monsieur le secrétaire d’État, nous espérons vraiment que, à la faveur de son examen, le Gouvernement s’emparera de ce sujet. La présente proposition de loi devra être complétée, car elle n’aborde la durabilité du numérique que sous l’angle des émissions de CO2. Or l’empreinte environnementale du numérique pèse aussi par sa consommation de matières premières, en particulier de métaux et de terres rares. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Cardon. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Rémi Cardon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi qui vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique pose pour la première fois ce débat au niveau législatif et opte pour une régulation renforcée. Je tiens à saluer préalablement le travail mené sur le long terme, avec l’ensemble des groupes politiques, et conclu par le rapport de nos collègues.
Nos concitoyens connaissent les nombreux avantages qu’apporte le numérique dans leur quotidien : facilité des échanges, des communications instantanées et un meilleur partage de l’information. Mais ont-ils conscience des impacts sur notre vie et l’environnement liés à la fabrication et l’utilisation de nos outils numériques ? Notons une multiplication des équipements, une consommation d’énergie qui représente 4 % du total de l’énergie consommée mondialement.
Cette prise de conscience collective est nécessaire pour réfléchir sur nos usages, plus particulièrement au niveau de l’État et de nos collectivités territoriales. Cette proposition de loi doit être une première pierre, nous devons montrer l’exemple. Il ne suffit pas de modifier la loi, nous devons modifier nos comportements, nos habitudes. Il nous faudra peut-être à l’avenir nous interroger sur les forfaits mobiles illimités, la place du streaming vidéo ou l’usage exponentiel des objets connectés.
Cette proposition de loi fixe un premier cadre : à nous de le développer partout, en commençant par nos entreprises. Une évolution du champ de la RSE, avec un caractère plus incitatif, serait souhaitable. En effet, malgré un indéniable effet pédagogique, les obligations issues des travaux sur la RSE restent limitées dans les entreprises.
L’article 4 prévoit d’inscrire l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises. Cette mesure, complétée par l’amendement n° 5 du groupe socialiste, est très intéressante – elle pourrait l’être davantage si elle était étendue aux TPE et PME. Il s’agit de créer un poste d’émission relatif aux activités numériques des personnes morales visées par cette disposition, notamment les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités locales ou leurs groupements de plus de 50 000 habitants.
Mes chers collègues, la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire porte des dispositions incitatives en faveur de biens plus durables. Nous allons donc dans le bon sens, avec la mise en place d’un indice de réparabilité sur les équipements électriques et électroniques (EEE) et, à compter de 2024, d’un indice de durabilité.
Au cœur de cette économie circulaire, et afin de faciliter le recyclage et de prolonger la durée de vie des équipements – sachant que la prolongation de l’utilisation d’un ordinateur de deux à quatre ans améliore son bilan environnemental de 50 % –, l’article 6 tend à rendre le dispositif qui définit et sanctionne l’obsolescence programmée plus dissuasif, en inversant la « charge de la preuve ».
Il incomberait au producteur, et non plus au consommateur, de prouver que la réduction de la durée de vie du terminal n’est pas délibérée et qu’elle découle d’éléments objectifs étrangers à toute stratégie d’augmentation du taux de remplacement. C’est un article très important puisque, aujourd’hui, très peu de poursuites au titre de l’obsolescence programmée ont pu être réellement engagées et donner lieu à des sanctions.
Alors que 10 milliards de téléphones portables ont été vendus depuis 2007, l’article 7 intègre l’obsolescence logicielle dans la définition donnée à l’obsolescence programmée. C’est une avancée.
Faisons en sorte que la transition numérique ne laisse pas certains de nos concitoyens au bord de la route. Profitons de l’avancée de cette transition pour accompagner les usagers et les aider à résoudre leurs difficultés d’usage, mais aussi pour les sensibiliser quant à leur utilisation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Sautarel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Sautarel. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission d’information conduite par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte, relative à l’empreinte environnementale du numérique en France, a identifié un véritable angle mort de notre politique de lutte contre le réchauffement climatique. Or, si nous voulons atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, nous devons nous pencher sur la pollution du secteur numérique.
En ce sens et à partir des vingt-cinq propositions figurant dans le rapport de nos collègues, nous avons été nombreux à cosigner cette proposition de loi. Le caractère transpartisan de ce texte, le rôle majeur du Sénat comme défricheur d’un champ émergent encore mal appréhendé, la dimension anticipatrice et préventive de cette proposition de loi lui confèrent un caractère novateur à divers titres.
De nombreux aspects du texte ont été abordés. Pour ma part, je souhaite centrer mon intervention sur un point essentiel : la responsabilité des entreprises.
Pour autant, d’autres dimensions introduites par cette proposition de loi me semblent emblématiques de l’évolution nécessaire de nos politiques publiques et de notre responsabilité collective autour de l’information, de la formation et de la prévention.
Avec l’information et la formation, tout d’abord, il s’agit d’assurer un retour à la confiance dans la parole du politique, au sein d’une société chaque jour davantage frappée par des informations erronées et non hiérarchisées provenant de sources invérifiables, et où les fake news ont envahi notre espace. À ce titre, l’éducation des plus jeunes dès l’école à une utilisation responsable des outils numériques constitue en soi un projet de société. De même, la conditionnalité introduite dans le parcours diplômant des ingénieurs en informatique à une certification en écoconception logicielle me semble être un élément essentiel.
La prévention, ensuite, constitue une innovation majeure pour nos politiques publiques. La plupart du temps, nous agissons en réaction, en correction. Là, nous avons la possibilité avec cette loi d’anticiper, de prévenir. La part du numérique dans les émissions de gaz à effet de serre passerait en effet de 2 % aujourd’hui à près de 7 % en 2040, soit une multiplication par 3,5 si nous ne faisons rien.
Nous le savons. Nous pouvons donc agir sur les divers leviers proposés : éducation, limitation du renouvellement du matériel, développement des usages écologiquement vertueux. Alors, n’hésitons pas ! Notre responsabilité collective est bien là.
J’en viens donc à la responsabilité des entreprises en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique. Il me semble que nous pourrions aller plus loin encore.
La prise de conscience par les entreprises de cette nouvelle dimension environnementale tendant à mieux informer, mieux valoriser les actions engagées, mieux reconnaître leur responsabilité sociale et environnementale, est déjà bien engagée.
Le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), qui ambitionnait de donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, a fait l’objet d’une loi promulguée le 22 mai 2019.
L’entreprise participe historiquement à l’intérêt général, étant moteur du progrès économique et technologique, créateur de lien social et lieu d’accomplissement personnel.
Comment l’État peut-il jouer un rôle dans cette refondation de l’entreprise et de ses missions ? Nous avons déjà commencé à y répondre ; il nous faut aller plus loin.
La France fait en effet déjà figure de pionnier sur ces sujets. La loi relative aux nouvelles régulations économiques, dite « loi NRE », en 2001, et la loi « Grenelle II » en 2010 constituent l’arsenal juridique sur la RSE, et le contenu des déclarations RSE continue d’être façonné par le droit « souple », les entreprises étant moteur sur le sujet.
Afin d’accélérer cette dynamique, la loi Pacte a acté dans le droit le fait que l’entreprise a un deuxième objectif, parallèlement à sa profitabilité : sa raison d’être. Celle-ci peut se définir par l’expression d’un futur désirable pour le collectif.
Cette raison d’être peut notamment permettre de renforcer l’engagement des salariés, en étant porteuse de sens.
Ainsi, la loi Pacte a arrimé l’entreprise dans le XXIe siècle en consacrant sa responsabilité sociétale, qui sera désormais décryptée à travers trois niveaux d’engagement : la considération des impacts sociaux et environnementaux liés à son activité ; la réflexion sur son environnement à long terme ; enfin, le statut de « société à mission ».
On entend ici par « mission » une « raison d’être » à plus-value sociétale que se donne l’entreprise. Plus concrètement encore, il peut s’agir d’inventer de nouveaux modèles de consommation plus responsables, ou encore de contribuer à la reforestation d’un pays fournisseur, ou justement de réduire l’empreinte environnementale du numérique. C’est essentiel, la consommation électrique du numérique devant augmenter de 15 térawattheures d’ici à 2030, soit une hausse de 25 % par rapport à 2015.
Cette proposition de loi constitue une nouvelle étape dans cette évolution. Nous aurions pu imaginer que l’article 4 aille plus loin encore, en référence à la loi Pacte et pas seulement à la RSE.
Je forme le vœu qu’en ce début d’année nous adoptions ce texte qui, sur la forme comme sur le fond, marque une étape parlementaire importante dans la vie parlementaire de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
(Mme Valérie Létard remplace Mme Laurence Rossignol au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Muller-Bronn. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Muller-Bronn. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à saluer les travaux de la mission d’information sur l’empreinte carbone du numérique, laquelle était jusqu’ici sous-évaluée et quasiment absente des objectifs fixés dans les accords sur le climat.
Cette évaluation sur toute la chaîne de production et de consommation du numérique permet de proposer, en toute connaissance de cause, des solutions concrètes et des alternatives à la surconsommation de ces produits.
En adoptant une démarche pragmatique, cette proposition de loi répond à la nécessité de rendre visibles les impacts cachés de ce secteur dématérialisé. En amont, la majeure partie de ces impacts proviennent de la fabrication des équipements, qui est délocalisée. De même, les réseaux mobiles et les data centers, dont l’empreinte carbone est très élevée, demeurent invisibles pour l’utilisateur final.
Enfin, contrairement aux idées répandues, la multiplication des usages entraîne une surconsommation d’énergie, qui annule les gains générés dans les premières années. L’information du public et la prise de conscience des consommateurs sont donc indispensables, mais pour autant insuffisantes.
Le temps des injonctions culpabilisantes étant révolu, ce texte montre la bonne voie en proposant des solutions et des outils incitatifs auxquels les consommateurs peuvent choisir d’adhérer.
En nous appuyant, à la fois, sur l’innovation et sur la réglementation, nous avons les moyens de réguler l’obsolescence programmée des appareils et des logiciels, de rallonger la durée des usages ou encore d’inciter à l’achat de produits reconditionnés et moins énergivores. En effet, depuis le 1er janvier 2021, les vendeurs de smartphones et d’ordinateurs sont obligés d’afficher un indice de réparabilité sur ces équipements, selon l’article 16 de la loi sur l’économie circulaire, en indiquant clairement sur quelles données reposent leurs calculs.
Par ailleurs, cette loi a inscrit dans le code de l’environnement l’interdiction de toute technique visant à rendre impossible la réparation ou le reconditionnement d’un appareil. Autrement dit, il sera désormais illégal de programmer la fin de vie d’un produit et d’empêcher sa réparation par quelque moyen que ce soit.
La proposition de loi du Sénat s’inscrit dans la même logique d’efficacité avec des mesures qui reposent à la fois sur des gains écologiques et économiques. En étant complémentaires, ces deux piliers peuvent réellement inciter chaque acteur à modifier ses pratiques, qu’il s’agisse des particuliers, des entreprises ou des collectivités.
Enfin, la réparation de ces produits est créatrice d’emplois non délocalisables. Dans le Bas-Rhin, par exemple, les collectes d’anciens téléphones portables ou de chargeurs sont organisées par des associations, comme Envie, qui donnent une seconde vie à ces appareils et dont l’objectif est également de créer des emplois par la réinsertion professionnelle.
À l’échelle de notre pays, ces filières représentent un enjeu de taille dans la crise actuelle. Les articles 12 à 14 du texte y sont consacrés, notamment par la création d’un taux de TVA à 5,5 % pour les produits reconditionnés.
Aujourd’hui, ce potentiel est encore loin d’être très utilisé selon l’étude réalisée par OpinionWay en juillet 2019 pour l’Alliance française des industries du numérique : seulement 4 à 8 millions d’appareils usagés sont reconditionnés chaque année. En revanche, une centaine de millions d’appareils qui pourraient être réparés dorment dans les tiroirs des Français. Le secteur numérique n’a pas qu’une empreinte environnementale, il a aussi une empreinte sociétale, les deux étant liées.
En conclusion, nous avons avec ce texte une feuille de route claire et précise qui permet d’impliquer les consommateurs, d’une part, et d’engager la responsabilité des producteurs, d’autre part. Pour ces différentes raisons, je voterai cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais, comme plusieurs orateurs l’ont relevé lors de la discussion générale, souligner l’importance de cette proposition de loi.
Cela a été dit à plusieurs reprises, il s’agit d’un texte pionnier, car il aborde pour la première fois un sujet qui n’avait jamais été traité de manière globale dans un texte de loi. Cinq ans ont passé depuis l’Accord de Paris et l’engagement historique que nous avions pris en faveur du climat : il est plus que temps d’accélérer !
Je rappelle à quel point le Sénat est fort lorsqu’il unit ses forces. Ce texte est un texte transpartisan : tous les groupes y ont travaillé, contribué, réfléchi. C’est ainsi que notre assemblée fait le mieux entendre sa voix et contribue, en précurseur, au débat public.
Ce texte est aussi très important dans la perspective de nos futurs débats sur le texte relatif au climat. À ce stade, l’avant-projet de loi ne comprend pas de mesures sur la question de l’empreinte environnementale du numérique : il pourra ainsi être considérablement enrichi par l’adoption de cette proposition de loi.
Ce texte répond également à une très forte attente de nos concitoyens, lesquels veulent avoir accès à un numérique vertueux, qui est un outil puissant au service de la transition écologique.
Je souhaiterais souligner le travail important et exigeant qui a été réalisé par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur cette proposition de loi.
Il y eut, d’abord, une mission d’information, dont je salue les anciens membres, comme Hervé Maurey, les rapporteurs, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, et bien entendu le président Patrick Chaize.
Le texte a été examiné en commission, avec l’éclairage important de la commission des affaires économiques, saisie pour avis, dont je salue la rapporteure, Anne-Catherine Loisier, et largement enrichi. Je me réjouis de constater que personne n’a aujourd’hui souhaité revenir sur les principales orientations retenues, ce qui montre que la philosophie du texte fait l’objet d’un fort consensus.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux que me joindre aux multiples appels qui vous ont été adressés pour que vous souteniez l’initiative du Sénat afin qu’elle puisse prospérer dans le cadre de la navette parlementaire. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et GEST.)
Mme la présidente. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en france
Chapitre Ier
Faire prendre conscience aux utilisateurs de l’impact environnemental du numérique
Article 1er
Le second alinéa de l’article L. 312-9 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle sensibilise en outre à l’impact environnemental des usages du numérique et à la sobriété numérique. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadège Havet, sur l’article.
Mme Nadège Havet. Tout d’abord, j’adresse mes meilleurs vœux à ceux que je n’ai pas encore vus…
Je souhaiterais profiter de l’examen de l’article 1er, qui entend promouvoir la sobriété du numérique auprès de tous les publics, et en premier lieu auprès de nos enfants, pour aborder le sujet de l’empreinte cognitive, un autre type d’empreinte préoccupante, en particulier pour le plus jeune âge : c’est l’un des thèmes de la formation à l’utilisation responsable des outils et à la compréhension des contenus.
Rudy Reichstadt, membre de l’Observatoire des radicalités politiques et fondateur du site Conspiracy Watch, évoquait récemment la rencontre entre une offre idéologique complotiste mondialisée et des capacités matérielles historiques, rendant possible sa propagation.
Au travers de ce qu’on appellera très imprécisément « les écrans », cette mal-information, cette surconsommation d’informations que nous pourrions comparer à de la malbouffe, a un coût cognitif, sanitaire et environnemental. Nos écrans sont les armes du crime idéal pour cambrioler notre attention : c’est ce que rappelait le sociologue Gérald Bronner hier sur France Culture et dans son dernier livre, Apocalypse cognitive.
Membre du Conseil scientifique de l’éducation nationale, il défend la piste éducative et l’apprentissage de l’esprit critique pour faire face à un marché totalement dérégulé.
Reprendre notre souveraineté écologique et cognitive passera donc par une éducation ciblée et des mesures fortes préventives – nous en débattrons à l’article 16.
Dans le cadre de l’obligation d’écoconception des services numériques, le décret pris en Conseil d’État devra prendre en compte cet impératif de protection de notre attention, notamment dans le cadre du référentiel général qui sera mis en œuvre.
En conclusion, et c’est le sens de mon intervention, je pense qu’une attention préservée, mieux armée et mieux prévenue sera un levier indispensable à une consommation plus responsable et moins énergétivore.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, sur l’article.
Mme Martine Filleul. Je veux insister sur l’intérêt de cette disposition de l’article 1er, qui peut paraître symbolique, mais qui a en réalité une grande importance.
Si le numérique a permis de maintenir l’éducation et la formation de la jeunesse pendant la crise sanitaire, l’explosion de son utilisation n’est pas sans poser problème – c’est d’ailleurs l’objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Tablettes, ordinateurs, smartphones, serveurs sont fabriqués à partir de métaux, dont l’extraction, faite dans des pays peu respectueux des normes environnementales et sociales, à un rythme qui mène à un épuisement de ces ressources, est extrêmement polluante.
Par ailleurs, l’énergie nécessaire à leur chaîne de production est majoritairement fossile. Le numérique, c’est aussi une consommation électrique qui explose, avec 6 à 10 % de la consommation électrique mondiale.
Enfin, lorsqu’ils ne fonctionnent plus ou sont devenus obsolètes, les objets numériques deviennent des déchets très polluants et peu valorisés.
Tout cela s’apprend, et il est impératif que les jeunes aient conscience de l’ensemble de ces impacts environnementaux. C’est pourquoi l’école a un rôle majeur à jouer pour sensibiliser, éduquer à un usage mesuré et responsable du numérique. Éduquer est le meilleur investissement que nous puissions faire pour préserver notre planète. C’est la raison pour laquelle il faut intégrer dans la formation des enseignants un enseignement obligatoire à l’utilisation responsable des outils numériques.
Je profite de cette prise de parole pour saluer également le travail du Sénat – celui de mon collègue Jean-Michel Houllegatte, mais également du président Patrick Chaize et du corapporteur Guillaume Chevrollier –, qui démontre que notre chambre est souvent à l’avant-garde des problématiques sociétales importantes.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Supprimer les mots :
des usages
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’article 1er permet de sensibiliser les élèves des écoles, des collèges et des lycées à l’impact environnemental des usages du numérique et à la sobriété numérique.
Alors qu’environ 80 % de l’empreinte environnementale du numérique provient des terminaux, la limitation de leur renouvellement constitue une question centrale pour maîtriser cet impact. Sans entrer dans les détails techniques de leur fabrication, il nous semble utile que les élèves prennent conscience de l’impact environnemental des biens numériques qu’ils utilisent.
Le présent amendement tend à supprimer la mention relative aux usages, afin d’élargir la formation prévue à cette thématique et d’inciter les élèves à limiter le renouvellement de leurs terminaux et à adopter des comportements responsables dans leurs achats et de bonnes pratiques, telles que l’entretien et la réparation des appareils ou encore le recours au réemploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. La commission a fait le choix de préciser que la sensibilisation à l’école prévue par l’article 1er doit porter sur l’impact environnemental des usages du numérique, afin de ne pas focaliser le contenu pédagogique sur la seule utilisation, c’est-à-dire ce que l’on fait avec l’appareil lorsqu’il est allumé.
La notion d’usage permet, au contraire, de viser la façon dont on utilise physiquement l’appareil. Cette notion plus large englobe ainsi la mise en veille des équipements la nuit, le choix d’un matériel réparable ou reconditionné, le fait de limiter le renouvellement trop fréquent de ces équipements.
L’objet de l’amendement semble donc satisfait. J’en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Le premier alinéa de l’article L. 642-3 du code de l’éducation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle vérifie que les formations d’ingénieurs en informatique comportent un module relatif à l’écoconception des services numériques. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le premier jour de la rentrée scolaire 2022.
Mme la présidente. L’amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
écoconception
insérer les mots :
des biens comportant des éléments numériques ou
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Prévue à l’article 2, la généralisation des modules relatifs à l’écoconception de services numériques au sein de la formation des ingénieurs en informatique est pertinente. Plus des trois quarts de l’empreinte environnementale du numérique provenant des terminaux, il convient également d’insister sur la formation des ingénieurs en matière d’écoconception des biens comportant des éléments numériques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Vous l’avez souligné, monsieur Gold, l’article 2 vise les formations d’ingénieurs en informatique. Son objectif est celui du développement de ce que l’on pourrait appeler une « écologie du code ». L’idée est que les futurs codeurs, nos futurs ingénieurs en informatique, puissent être formés à la sobriété numérique, et plus particulièrement à l’écoconception.
Je veux faire remarquer que cet article est tout à fait en cohérence avec l’article 16, dont nous débattrons tout à l’heure, qui impose l’écoconception aux fournisseurs de données les plus importants, mais qui tend aussi à créer un référentiel. Il faut que ce référentiel, qui traduit une volonté politique, puisse être appliqué par des ingénieurs, ce qui explique que l’article 2 concerne les ingénieurs en informatique.
Cet article ne vise pas, en revanche, les concepteurs et les fabricants de terminaux numériques, qui sont, eux, des ingénieurs en électronique.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je suis défavorable à l’amendement. J’en profite pour donner l’avis du Gouvernement sur l’article 2, dont nous avions eu l’occasion de discuter lors de mon audition par la commission.
Il est évident que la question de l’écoconception des sites internet, des outils de communication électronique, est importante. C’est, en quelque sorte, prendre le sujet à la racine que de l’aborder par la formation des ingénieurs.
Toutefois, et j’avais eu l’occasion d’évoquer ce point lors de l’examen en commission, cet article est l’un de ceux sur lesquels le Gouvernement est réservé, car il nous semble que la disposition est, à la fois, trop ciblée pour être introduite dans la loi et assez largement satisfaite par une mesure qui vient d’être adoptée dans la loi de programmation de la recherche, promulguée le 24 décembre dernier. Je parle de l’article 41 de cette loi, qui a permis d’inscrire dans le code de l’éducation la sensibilisation et la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable.
A ainsi été inséré un 4° bis après le 4° de l’article L. 123-2 du code de l’éducation : le service public de l’enseignement supérieur contribue « à la sensibilisation et à la formation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable ».
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
Un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique analyse et quantifie les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement, ainsi que les gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique et solidaire.
Il analyse les impacts environnementaux induits par le déploiement de technologies émergentes. Il réalise notamment une étude des impacts environnementaux directs et indirects associés au déploiement et au fonctionnement des réseaux de communications électroniques de nouvelle génération. Cette étude d’impact est transmise à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse dans un délai raisonnable, prescrit par l’Autorité, précédant l’attribution des autorisations d’utilisation des fréquences radioélectriques prévue à l’article L. 42 du code des postes et des communications électroniques.
Il associe des chercheurs et des personnalités qualifiées et est placé auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui en assure le secrétariat. Ses missions et sa composition sont précisées par décret.
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Après le mot :
observatoire
insérer le mot :
indépendant
II. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Placé auprès de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui en assure le secrétariat, il associe des chercheurs et des personnalités qualifiées désignés en raison de leur expertise, notamment en matière d’étude des impacts environnementaux du numérique et de transition écologique et solidaire.
Un décret précise les missions de l’observatoire, sa composition et son fonctionnement de manière à assurer son indépendance et son impartialité.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique aura pour mission d’analyser et de quantifier les impacts indirects et directs du numérique sur l’environnement, mais aussi d’étudier les gains apportés par le numérique à la transition écologique et solidaire.
Afin de prévenir les influences et les biais, le présent amendement prévoit que le décret d’application de cet article précise les modalités de composition et de fonctionnement de l’observatoire de manière à garantir son indépendance et son impartialité.
Par ailleurs, il précise que la composition de l’observatoire doit comporter obligatoirement des membres choisis en raison de leur expertise en matière d’études d’impacts environnementaux du numérique et de transition écologique et solidaire.
Ces conditions nous semblent nécessaires pour garantir la qualité de l’expertise.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Le fait de préciser dans la loi que l’observatoire de recherche est indépendant et que les personnalités qualifiées et les chercheurs qui le composent sont nommés en raison de leur expertise en matière d’impact environnemental du numérique et de transition écologique et solidaire ne semble pas concrètement apporter de garanties supplémentaires au texte tel qu’il est rédigé.
C’est pourquoi nous proposons un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 25, présenté par MM. Gontard, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au plus tard six mois après l’entrée en application de la présente loi, l’observatoire évalue l’impact environnemental du déploiement du réseau 5G en France.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. Cet amendement tend à ce que l’observatoire créé par l’article 3 évalue l’impact environnemental du déploiement du réseau 5G en France. Il nous paraît important de le préciser.
Monsieur le secrétaire d’État, une grande partie de votre intervention lors de la discussion générale a justement porté sur la 5G. On sait que c’est un point important et que l’évolution vers la 5G aura un impact environnemental très fort. L’absence d’évaluation pose un réel problème.
Vous avez évoqué tout ce que l’on ne ferait pas sans le numérique. Nous sommes tous d’accord, le numérique est indispensable, mais il est important qu’on puisse clairement l’évaluer, et faire cette évaluation en amont.
Je le rappelle, deux instances ont été créées par le Président de la République : la Convention citoyenne pour le climat, qui demandait un moratoire, et le Haut Conseil pour le climat, qui a été saisi par le président du Sénat et qui souhaite une évaluation du coût environnemental avant toute nouvelle attribution. Il est donc important que la précision relative à l’évaluation figure dans le texte, d’autant que le Haut Conseil pour le climat indique clairement que ses propres travaux ne peuvent se substituer à une évaluation complète de l’ensemble des impacts, qu’ils soient environnementaux, sanitaires, économiques, financiers ou sociaux.
Quand on connaît l’impact de la 5G sur l’augmentation de la consommation électrique – cela a été rappelé précédemment par Patrick Chaize – et des gaz à effet de serre, il me semble important que le texte indique qu’une nouvelle évaluation de l’impact de la 5G sera effectuée.
On sait que de nouvelles fréquences pour la 5G vont être attribuées en complément de celles qui l’ont déjà été. J’insiste, il est nécessaire qu’une évaluation soit faite au préalable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Comme cela a été précédemment mentionné, le Haut Conseil pour le climat a rendu le 19 décembre dernier un avis sur l’impact environnemental de la 5G en réponse à la saisine du président du Sénat en mars 2020. Comme nous l’avions déjà dit dans le cadre de la commission et comme le relève le Haut Conseil pour le climat, une évaluation ex ante de cet impact aurait été préférable.
Une telle évaluation ex ante doit donc désormais être systématique. Ce sera d’ailleurs le cas grâce à l’observatoire mis en place par l’article 3 de notre proposition de loi.
Je rappelle que l’article 24 permet de conditionner l’attribution des licences pour les nouvelles fréquences à l’impact environnemental. Concernant le cas spécifique de la 5G, une évaluation est prévue six mois après le début du déploiement, ce qui ne serait à l’heure actuelle pas très pertinent.
Nous faisons confiance à l’observatoire. La question pourrait se poser ultérieurement, avant l’attribution des enchères sur les fréquences pour la bande des 26 gigahertz. C’est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. L’avis est défavorable. Je me permets d’évoquer l’avis du Haut Conseil pour le climat, qui a été cité par un certain nombre de sénateurs.
Un élément manque, et d’ailleurs le Haut Conseil le confesse d’entrée de jeu dans son avis, et il représente la moitié du sujet : il s’agit des effets bénéfiques du déploiement de la 5G sur les usages numériques et sa capacité à réduire l’impact environnemental.
Je prendrai un exemple.
Je me suis rendu cette semaine avec le président Richard Ferrand en Bretagne, où nous avons visité une exploitation agricole qui avait poussé assez loin la numérisation de ses outils et de son fonctionnement. Grâce aux outils numériques, elle a par exemple diminué de 10 % l’utilisation de produits phytosanitaires et de 20 % l’utilisation de fertilisants en connectant ses tracteurs à une cartographie pour optimiser au centimètre près leur trajet. Cet exemple extrêmement intéressant montre à quoi sert le numérique : à faire des économies de pétrole, de produits phytosanitaires et de fertilisants.
De la même manière, j’ai visité une exploitation en Vendée, dans la région du président Retailleau : des sondes hydrométriques placées dans les champs de maïs et connectées au système d’arrosage ont permis d’économiser quinze jours d’arrosage par an.
Ces mesures n’ont pas été mises en œuvre via la 5G, certes, mais les nouveaux développements de ce type de technologie en temps réel avec échange d’images, par exemple de drones, de très haute définition vont nécessiter de nouveaux réseaux : la 4G ne supporterait pas de tels développements.
On ne peut pas continuer à œuvrer en faveur de l’économie d’intrants agricoles sans nouveaux réseaux. Si l’on ne prend pas en compte dans le calcul de l’impact environnemental de la 5G ses effets bénéfiques sur la logistique, les transports, l’agriculture et la santé, alors on passe à côté non pas de la moitié, mais probablement de l’essentiel du sujet.
Si la 5G permet de diminuer de 15 % – c’est au bas mot le pourcentage d’économies qu’elle permet de réaliser – la consommation énergétique du secteur de la logistique dans le monde entier, cela compense largement la consommation des antennes télécoms.
Premier élément, il faut aborder le sujet dans sa globalité : apports bénéfiques et externalités négatives. Si l’on ne prend pas en compte les externalités positives, alors on ne peut pas prendre de décision raisonnée.
Deuxième élément, le rapport du Haut Conseil pour le climat n’évoque pas le scénario contrefactuel : que fait-on si l’on ne déploie pas la 5G ? Dans ce cas, il faut accepter la saturation de l’ensemble des réseaux de toutes les grandes villes à l’horizon d’une année. Il faut accepter que le refus de la 5G entraîne mécaniquement – ce discours ne vient pas des opérateurs – une saturation des réseaux mobiles, particulièrement dans les grandes métropoles, y compris dans celles qui sont dirigées par des élus, notamment écologistes, réticents à la 5G. Il faut tenir ce discours à nos concitoyens et à vos administrés,…
Mme Sophie Primas. Et aux industriels !
M. Cédric O, secrétaire d’État. … leur dire que l’on est contre la 5G et donc pour la saturation des réseaux mobiles. Ou alors on est favorable à l’installation d’antennes 4G, qui consomment pour la même bande passante vingt fois plus d’électricité que la 5G !
On ne peut pas prendre de décisions en refusant de voir les conséquences qu’elles entraînent. Si l’on est contre la 5G, alors on est pour la saturation des réseaux, et l’on ne pourra plus envoyer un e-mail au centre de Grenoble, pour prendre un exemple. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe GEST.)
C’est exactement cela ! Cela signifie, par ailleurs, que l’on se prive de l’ensemble des bénéfices technologiques de la 5G, sans même parler des bénéfices économiques ou industriels. Cette décision doit être prise en gardant les yeux ouverts.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai cru que vous alliez donner un avis favorable à mon amendement, car vous étiez en train de faire vous-même une évaluation ! Il semblait même que vous mettiez en place cet observatoire en nous citant tous les bienfaits de la 5G.
D’abord, relisez l’amendement : à aucun endroit il n’est écrit que nous sommes contre la 5G. Il est indiqué que nous souhaitons une évaluation. La réponse du rapporteur était tout à fait exacte, et c’est d’ailleurs pour la raison qu’il a mentionnée que je retirerai peut-être l’amendement : l’observatoire offre déjà cette possibilité.
Je suis d’accord avec vous : il faut prendre en compte les côtés positifs de la 5G. Les aspects que vous nous avez présentés comme positifs me font, à moi, plutôt peur : si, pour vous, l’avenir de l’agriculture – selon moi, il s’agirait plutôt d’une transition – consiste à jouer avec la 5G pour limiter la consommation en eau dans les plantations de maïs, nous n’irons pas très loin…
En revanche, l’évaluation est forcément nécessaire : vous venez d’en faire la démonstration. Car il y a aussi des aspects négatifs. Cette évaluation et ce moratoire sont demandés – vous l’avez évoqué – par plusieurs villes, d’ailleurs pas seulement écologistes. Comme pour tout choix scientifique, il s’agit d’avoir, à la fois, de la transparence et des moyens avant de décider. C’est bien la démonstration que vous avez faite ; aussi, je ne comprends pas que vous ne soyez pas favorable à notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Dans la foulée de M. Gontard, j’estime que faire une étude d’impact, c’est évaluer les « plus » et les « moins ». C’est bien ce qui nous manque aujourd’hui, parce que la prise de décision ne s’est pas adossée d’une manière suffisamment solide sur les perspectives du déploiement de la 5G en termes d’avantages et d’inconvénients.
La proposition qui est faite – je rejoins M. Gontard –, c’est bien de se donner les moyens d’évoluer. Pourquoi parler d’une temporalité de six mois – de notre côté, nous faisons une proposition plus particulière – alors que nous manquons justement aujourd’hui d’éléments pour faire un constat suffisamment objectif ?
Or cette évaluation doit être faite pratiquement en temps réel pour objectiver l’analyse que l’on peut faire de ces éléments dans les « plus » et dans les « moins ». Pour reprendre la déclaration de M. le secrétaire d’État, il est tout à fait pertinent d’évaluer un impact non pas d’une manière subjective, uniquement dans les « moins », mais également dans les « plus » : d’où cette proposition qui paraît tout à fait justifiée.
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Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. Mes chers collègues, par lettres en date des mardis 5 et 12 janvier 2020, le Gouvernement demande l’inscription le mercredi 27 janvier, après-midi et le soir, après les questions d’actualité au Gouvernement, sous réserve de son dépôt et de sa transmission, du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire.
En conséquence, l’examen des projets de loi autorisant la ratification du protocole à la convention relative aux infractions survenant à bord des aéronefs et autorisant l’approbation de l’accord entre la France et les États membres de l’Union monétaire ouest-africaine, est reporté au jeudi 28 janvier matin, en premier point de l’ordre du jour.
Le Gouvernement demande également l’inscription, le jeudi 4 février, matin, en premier point de l’ordre du jour, du projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et l’après-midi, sous réserve de leur dépôt, des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire ou de sa nouvelle lecture.
Acte est donné de ces demandes.
En ce qui concerne le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé le mercredi 27 janvier à douze heures, pour la première lecture, et le jeudi 4 février à l’ouverture de la discussion générale en cas de nouvelle lecture.
En cas de nouvelle lecture, la durée de la discussion générale pourrait être fixée à quarante-cinq minutes.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Réduction de l’empreinte environnementale du numérique
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. Nous reprenons l’examen de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 3.
Articles additionnels après l’article 3
Mme la présidente. L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Montaugé, Gillé, Kanner et Devinaz, Mme Artigalas, MM. Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er octobre 2021, le Gouvernement remet au Parlement un rapport annuel sur le suivi du déploiement de la 5G.
Ce rapport présente un état des lieux du rythme, de la localisation et des modalités de déploiement des équipements de cinquième génération sur l’ensemble du territoire. Il fait le bilan environnemental du déploiement de la 5G, des mesures prises pour anticiper et maîtriser son impact environnemental et fixe des objectifs quantifiés de réduction des émissions importées du numérique. Il présente et évalue les premiers retours en termes de services et d’usage de la 5G ainsi que les mesures proposées pour informer, sensibiliser et responsabiliser les usagers, les particuliers et les entreprises aux bonnes pratiques qui évitent le gaspillage ou l’utilisation disproportionnée d’énergie associée aux services numériques.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement tend à demander au Gouvernement un rapport sur les impacts du déploiement de la 5G.
Le rapport du Haut Conseil pour le climat a indiqué que la 5G pouvait induire des émissions de gaz à effet de serre, qui doivent être anticipées et maîtrisées. Il a également précisé que ces émissions dépendraient de plusieurs facteurs : modalités de déploiement retenues par les opérateurs, renouvellement des terminaux de 5G ou encore évolution de l’offre de services numériques et de leurs usages potentiels.
À défaut d’évaluation environnementale préalable à l’attribution des fréquences de 5G, compte tenu des incertitudes portant sur les effets potentiels du déploiement et des usages de cette fréquence, nous demandons, par le présent amendement, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel sur le suivi du déploiement de la 5G en France, à compter du 1er octobre 2021. Cela va dans le sens du précédent amendement. M. le secrétaire d’État l’évoquait : il s’agit de faire le bilan tant des externalités positives que des impacts négatifs du numérique en matière environnementale.
Au cours des derniers mois, le débat sur la 5G est devenu quasi passionnel, à cause du sentiment que l’on ne maîtrise pas le développement de ces nouvelles technologies et de leurs usages. Ce rapport public nous paraît donc essentiel pour poser les fondements d’une nouvelle approche, avec davantage de transparence et une plus grande association de la représentation nationale. Il nous semble crucial de réconcilier élus et citoyens avec cette nouvelle technologie et de relancer sereinement le débat public sur son déploiement.
Pour nous assurer que nous allons dans la bonne direction, il faut disposer d’éléments d’évaluation. Nous pensons que la 5G engendrera, en matière d’empreinte environnementale, des gains, mais aussi des effets négatifs. C’est pourquoi tous ces éléments doivent être présentés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement tend à demander un rapport sur le suivi du déploiement de la 5G. Nous l’avons indiqué avant la suspension, nous sommes favorables au fait que l’observatoire créé par l’article 3 du texte puisse réaliser, dans le futur, une évaluation ex post du déploiement de la 5G. Cela dit, il nous semble qu’une telle évaluation, menée moins d’un an après le début de son déploiement, ainsi que cet amendement tend à le prévoir, ne serait pas utile, même si, c’est vrai, il est important de présenter les aspects tant positifs que négatifs de la 5G.
Il est également demandé, au travers de cet amendement, que le rapport détaille les mesures proposées pour informer, sensibiliser et responsabiliser les usagers – particuliers et entreprises – aux bonnes pratiques permettant de réduire l’empreinte environnementale du numérique. Nous partageons cet objectif, mais nous rappelons que le Gouvernement doit déjà s’engager sur le sujet de l’impact environnemental du numérique via une feuille de route dédiée ; nous attendons sa position à ce sujet.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques. On a beaucoup recouru aux demandes de rapports du Gouvernement au Parlement, à mon avis de manière parfois abusive, et je sais qu’un certain nombre de parlementaires le pensent aussi.
Par ailleurs, en l’espèce, compte tenu du caractère passionnel du sujet, nous ne manquerons pas d’évaluations indépendantes sur l’impact de la 5G.
Je veux toutefois profiter de votre amendement pour rappeler un élément qui n’a pas encore été évoqué : il y a deux bandes de fréquence pour la 5G.
D’une part, il y a la fréquence de 3,5 gigahertz, qui n’entraîne pas beaucoup de modifications par rapport aux modalités de déploiement de la 4G ; sans vouloir lancer un long débat, elle n’engendrera pas la multiplication d’objets connectés, de petites cellules – les small cells – et donc d’antennes.
D’autre part, il y a la fréquence de 26 gigahertz, qui est vraiment transformante ; or, quand le Haut Conseil pour le climat a évalué l’impact de la 5G, il s’est fondé sur le déploiement de cette fréquence.
Cela dit, je le répète, la bande de 3,5 gigahertz n’entraînera certainement pas la multiplication d’objets connectés ni d’antennes. Cela ne conduira donc pas forcément à la modification des conditions économiques, y compris du point de vue environnemental. C’est pour cette raison, entre autres, que le Gouvernement a indiqué plusieurs fois que l’étude d’impact environnemental était superfétatoire pour le déploiement de la bande de 3,5 gigahertz, car celle-ci ne modifiera pas grand-chose. Le seul véritable impact de cette fréquence est que la 5G fera le travail de la 4G avec, pour la même bande passante, moins de consommation énergétique.
La question pourrait en revanche se poser – on le verra probablement dans la feuille de route que le Gouvernement proposera sur l’évaluation de l’impact environnemental – dans le cadre de la bande de 26 gigahertz.
Le Gouvernement émet donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. On a maintenant tendance à considérer d’emblée les demandes de rapport comme sans fondement ; je le regrette. Les rapports sont des outils permettant d’instituer, entre l’exécutif et les parlementaires, des échanges utiles. Notre pays a besoin d’un dialogue fondé sur des données objectives. Les rapports servent à cela et il n’est pas bon de considérer a priori que toute demande de rapport issue d’un amendement est à rejeter d’emblée.
L’amendement de Mme Blatrix Contat s’inscrit dans la volonté de prévenir les difficultés que le déploiement de la 5G pourrait engendrer ; elle l’a excellemment expliqué. Il convient de prévoir les choses le plus tôt possible.
Je souhaite ajouter une dimension territoriale à sa présentation. Ce pays n’est pas très en avance pour le déploiement de la 4G, notamment dans les zones rurales. Je ne voudrais donc pas que l’on se retrouve dans une situation comparable avec la 5G, avec des enjeux encore plus importants, notamment en matière de compétitivité industrielle de notre pays.
La commission d’enquête que j’ai eu l’honneur de présider, voilà quelques mois, attirait l’attention des pouvoirs publics sur cette question ; il y a un enjeu fondamental de compétitivité en cette matière et ne nous mettons pas en tête que seuls les métropoles et leurs territoires périphériques directement liés seraient concernés ; il y a aussi les territoires ruraux, pour des raisons liées au développement de techniques nouvelles, notamment le edge computing.
En fin de discussion, je défendrai un amendement portant sur le déploiement de data centers sur le territoire national. La question est à peu près la même, les deux sujets sont liés ; il faut traiter ces questions le plus en amont possible. D’où cet amendement, que je soutiens.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je ne serai pas trop long, compte tenu de l’heure, mais je tiens à rassurer M. le sénateur Montaugé.
D’abord, je veux me permettre de corriger un élément : oui, il y a bien une question de zones blanches en France, mais, si l’on se compare aux autres pays européens, nous sommes très loin d’être en retard. Grâce notamment au « New Deal mobile », la dynamique de rattrapage et de compensation des zones blanches que l’on observe dans nos zones rurales n’existe nulle part ailleurs en Europe. On peut peut-être penser que nous sommes en retard si nous nous considérons nous-mêmes, mais, si nous nous comparons aux autres, la dynamique est très différente.
Je veux également vous rassurer pour la 5G. Je suis formel : la France est le seul pays européen à avoir obligé, au travers des licences attribuées, les opérateurs à déployer, d’ici à 2024 ou à 2025, un quart des antennes de 5G dans les zones peu denses. Pas un seul autre pays européen n’a inclus des obligations d’équilibre du territoire dans ses critères d’attribution de licences 5G. Sans doute, cela a conduit la France à gagner, sur ces licences, moins d’argent que l’Allemagne ou l’Italie, mais il nous semblait indispensable d’intégrer cette obligation d’aménagement du territoire au cœur de l’attribution des licences 5G, notamment pour les zones rurales, mais également pour les territoires d’industrie.
Mme la présidente. L’amendement n° 45, présenté par MM. Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 222-1 B du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret prévoit un budget carbone pour le secteur numérique. »
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement d’appel vise à demander au Gouvernement d’intégrer des objectifs propres au numérique dans la fameuse stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Cette stratégie définit un « budget carbone », qui correspond à des plafonds d’émission de gaz à effet de serre, que différents secteurs ne doivent pas dépasser. Elle a donc un rôle structurant dans les politiques publiques mises en place pour atteindre nos objectifs environnementaux.
Compte tenu de l’impact carbone grandissant du numérique, il paraît essentiel que ce dernier soit pris en compte dans les orientations de la France et dans les objectifs visant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Le numérique ne saurait être tenu hors du champ de la SNBC, dont le budget carbone doit fixer des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
On me dit que cela relève du domaine réglementaire ; tant mieux si cet amendement rappelle la nécessité d’y parvenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cet amendement d’appel tend à inclure dans la stratégie nationale bas-carbone un volet relatif à l’impact environnemental du numérique.
C’est une piste que nous jugeons intéressante ; nous avons eu l’occasion de l’étudier. Néanmoins, l’article L. 222-1 B du code de l’environnement, qui définit la stratégie nationale bas-carbone, fixe des objectifs par grands secteurs d’activité – transport, bâtiment, agriculture, industrie, production d’énergie, déchets –, mais, peut-être est-ce regrettable, il n’inclut pas le numérique, qui est, par essence, transversal.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 45.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 4
I. – Au deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, après le mot : « produit, », sont insérés les mots : « aux impacts environnementaux des biens et des services numériques qu’elle utilise et à ses actions visant à les réduire, ».
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
Mme la présidente. L’amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
utilise
insérer les mots :
exploite ou commercialise, par des analyses de cycle de vie,
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. La présente proposition de loi inscrit l’impact environnemental du numérique au sein du bilan RSE des grandes entreprises. Toutefois, elle se limite, en son article 4, aux seuls usages numériques des entreprises, ce qui exclut les biens exploités ou commercialisés.
Le présent amendement vise donc à inclure, au sein des déclarations de performance extrafinancière des grandes entreprises, outre l’évaluation de l’impact environnemental des biens et services numériques utilisés en interne, ceux qui sont exploités ou commercialisés.
Cela permettrait de tenir compte des prestations d’activité numérique fournies par des tiers, telles que le cloud, ainsi que des biens et des services fournis par l’entreprise aux clients ou aux tiers, tels que les sites, les applications ou les plateformes.
Enfin, cet amendement tend à insérer une référence à l’analyse du cycle de vie des biens et services, méthode d’évaluation reconnue.
Cet amendement a été proposé par l’alliance Green IT, mais nous n’avons pas retenu sa proposition d’avancer la date d’application de la disposition contenue dans l’article, afin de laisser un temps d’adaptation aux entreprises, conformément à la position de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Le fait de prévoir une évaluation de l’impact environnemental des biens et services numériques dans le bilan RSE entre bien dans le champ de la responsabilité sociétale de l’entreprise, qui doit communiquer ces informations, dans le cadre de son rapport de gestion. En revanche, élargir cette obligation aux biens ou services qu’elle exploite ou commercialise ne paraît pas du tout relever de la même logique : si le principe est intéressant, l’outil ne semble pas approprié. Le bilan RSE est déjà imposant.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 10, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer l’année :
2023
par l’année :
2022
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Le présent article reprend la première idée de la sixième proposition de la feuille de route de la mission d’information du Sénat sur l’empreinte environnementale du numérique, qui a présidé à l’écriture de cette proposition de loi.
Il complète donc opportunément l’article L. 225-102-1 du code de commerce ; il s’agit à nos yeux d’une évolution extrêmement positive même si elle ne touche pas toutes les entreprises.
Nous avons été alertés – le rapport le précise – sur le caractère « prématuré » de cette disposition, dont l’application était prévue pour 2022. La commission en a donc différé l’entrée en vigueur au 1er janvier 2023, ce qui nous semble inutile. Il eût été plus efficace et plus déterminant de maintenir l’entrée en vigueur de cette mesure à 2022.
Tel est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. La commission a modifié le texte initial afin de fixer la date d’entrée en vigueur à 2023, pour une raison d’applicabilité. En effet – les acteurs que nous avons entendus l’ont mis en avant –, il est impératif de pouvoir disposer d’une méthodologie, d’un référentiel commun et harmonisé ; la RSE est assez complexe. Or cette méthodologie est en cours d’élaboration par l’Ademe.
C’est pourquoi la commission a choisi de reporter au 1er janvier 2023 la date d’entrée en vigueur de l’ajout de l’impact environnemental du numérique dans le bilan RSE des entreprises.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.
(L’article 4 est adopté.)
Article additionnel après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Montaugé, Gillé, Kanner et Devinaz, Mme Artigalas, MM. Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du sixième alinéa du I de l’article L. 229-25 du code de l’environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Ils comprennent un volet relatif aux émissions de gaz à effet de serre générées par les biens et les services numériques que les personnes mentionnées aux 1° à 3° utilisent. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à identifier spécifiquement les émissions liées aux activités numériques au sein du bilan des émissions de gaz à effet de serre que les entreprises de plus de 500 salariés doivent établir annuellement.
La proposition de loi comporte des dispositions incitatives applicables aux TPE et aux PME, au travers notamment de la création d’un crédit d’impôt en faveur de la numérisation durable ; il s’agit d’accompagner ces entreprises dans la mise en place d’une stratégie de transformation numérique incluant l’objectif de sobriété numérique.
Or, si le texte prévoit bien des mesures incitatives en faveur des TPE et des PME, nous proposons d’aller plus loin pour les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises. L’article 4 prévoit ainsi d’inscrire la sobriété numérique dans le bilan RSE des entreprises, mais les entreprises soumises à la RSE sont peu nombreuses et il nous semble important qu’une proportion plus importante du tissu productif soit concernée par cette démarche de sobriété numérique.
J’ai en effet pu constater, lors de mes rencontres avec des entreprises, que certaines structures certifiées ISO 9001, 14001 ou 18001 n’avaient pas intégré la notion de sobriété numérique dans leur démarche.
Ce bilan serait un outil de quantification des gaz à effet de serre émis par une entreprise dans le cadre de son activité, afin d’envisager les moyens de les réduire. La méthode actuelle du bilan carbone ne comprend pas le bilan lié aux activités numériques. Tel est l’objet de notre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Nous comprenons l’ambition qui sous-tend cet amendement.
Néanmoins, s’il paraît louable de prévoir un poste consacré aux émissions engendrées par les biens et les services numériques, en faire une obligation pour tous ces acteurs peut paraître un peu trop lourd.
Il serait peut-être plus efficace d’intégrer cet enjeu de manière plus lisible dans le cadre de la méthodologie d’élaboration de ces bilans, afin que ces derniers puissent aborder ce point de manière systématique. Cela rejoindrait d’ailleurs les travaux en cours visant à définir une méthodologie d’évaluation de cette empreinte.
Nous nous positionnons plus dans une logique d’accompagnement que dans une logique contraignante.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 28.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 5
I. – La section II du chapitre IV du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un L ainsi rédigé :
« L : Crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises
« Art. 244 quater Y. – I. – Les petites et moyennes entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu selon un régime réel peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses engagées destinées à :
« 1° La réalisation d’études d’impact environnemental des services numériques et les frais d’accompagnement pour la mise en place d’une stratégie de transformation numérique de l’entreprise incluant la sobriété numérique ;
« 2° L’acquisition d’équipements numériques reconditionnés, issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi.
« II. – Les petites et moyennes entreprises mentionnées au premier alinéa du I du présent article répondent à la définition de l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
« III. – Le crédit d’impôt calculé par les sociétés de personnes mentionnées aux articles 8, 238 bis L, 239 ter et 239 quater A ou les groupements mentionnés aux articles 238 ter, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C et 239 quinquies qui ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés peut être utilisé par leurs associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements, à condition qu’il s’agisse de redevables de l’impôt sur les sociétés ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1° bis du I de l’article 156.
« IV. – Un décret précise les catégories d’équipements et de prestations éligibles et les modalités d’application du présent article. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III (nouveau). – Le I ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
Mme la présidente. L’amendement n° 61, présenté par MM. Chevrollier et Houllegatte, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
les frais d’accompagnement pour
par les mots :
l’accompagnement à
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le recours à des équipements numériques issus de l’économie de fonctionnalité.
II. – Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Le présent article ne s’applique qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. La numérisation durable des petites et moyennes entreprises constitue, à l’heure de la crise sanitaire, un défi de taille qui implique une adaptation rapide. Cette numérisation doit être le plus vertueuse possible et la présente proposition de loi permettra de les encourager dans cette direction.
L’article 5 du texte instaure un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises destiné à prendre en charge 50 % des dépenses d’accompagnement pour la mise en place d’une stratégie de transformation numérique incluant la sobriété numérique, mais aussi les dépenses d’acquisition d’équipements numériques reconditionnés.
Afin d’encourager la gestion des ressources informatiques et des matières premières nécessaires à la fabrication des biens, le présent amendement tend donc à rendre éligibles à ce crédit d’impôt les dépenses destinées au recours à des équipements numériques issus de l’économie de la fonctionnalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Pour rappel, l’article 5 crée un crédit d’impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises, permettant de couvrir les dépenses liées à la réalisation d’études d’impact environnemental des services numériques, les frais d’accompagnement pour la mise en place d’une stratégie de transformation numérique de l’entreprise et les dépenses destinées à l’acquisition d’équipements numériques reconditionnés.
Cet amendement vise à élargir les dépenses éligibles à ce crédit d’impôt aux dépenses destinées au recours à des équipements numériques issus de l’économie de la fonctionnalité. L’économie de la fonctionnalité peut se définir comme un système économique privilégiant l’usage d’un produit plutôt que sa vente.
À ce jour, le code de l’environnement mentionne, en son article L. 541-1, les « pratiques d’économie de la fonctionnalité », qu’il faut encourager et qui permettent d’optimiser la durée d’utilisation du matériel. Cela n’est pas contestable.
Néanmoins, la notion d’« équipements issus de l’économie de la fonctionnalité » ne nous paraît pas précisément définie : à quels équipements cela renvoie-t-il ? Qu’est-ce qui serait couvert que l’article ne permet pas, dans sa rédaction actuelle, de couvrir ? Cette disposition poserait sans doute des difficultés de mise en œuvre et d’identification de ces dépenses éligibles au crédit d’impôt.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je profite de cet amendement pour apporter une précision.
J’ai émis un avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 61, mais, je tiens à le rappeler – je l’ai indiqué en commission –, le Gouvernement est défavorable à l’article 5 dans sa globalité. Nous ne sommes pas opposés au fait d’aider les TPE et les PME à être plus sobres dans leurs dépenses numériques ou à évoluer vers une consommation numérique plus respectueuse de l’environnement – un certain nombre d’appels à projets de l’Ademe sont d’ailleurs en cours pour financer ce type d’investissement des TPE et PME –, mais je suis défavorable, en règle générale, au crédit d’impôt lié à la numérisation. Du reste, ma réserve s’applique aussi à la numérisation des entreprises, un élément pourtant extrêmement important pour mon ministère. Ma position s’explique par la difficulté à éviter des effets d’aubaine massifs. Par extension, je suis donc défavorable au crédit d’impôt au programme numérique environnemental.
Cela ne signifie pas que nous ne soutenions pas ce type d’investissement ; simplement, nous préférons le faire via une subvention.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Chapitre II
Limiter le renouvellement des terminaux
Article 6
Après le mot : « vie », la fin de l’article L. 441-2 du code de la consommation est supprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Il est proposé, au travers de cet article, de redéfinir le délit d’obsolescence programmée afin d’en améliorer l’effectivité. Je souhaite m’y associer pleinement.
Nous devons nous saisir de l’enjeu de l’obsolescence programmée afin de rendre le délit qui y est associé pleinement effectif et efficient et de permettre l’émergence, en France, d’un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux.
La limitation du renouvellement des terminaux, dont la fabrication et la distribution représentent, je le rappelle, près de 70 % de l’empreinte carbone du numérique en France, constitue un jeu écologique majeur. Par ailleurs, visé en 2018 par une enquête pour obsolescence programmée et tromperie, le fabricant Apple a reconnu qu’il altérait volontairement les performances de ses iPhone à batterie vieillissante.
Or, deux ans plus tard, le 16 février 2020, cette entreprise a été condamnée à verser 25 millions d’euros à la DGCCRF pour pratique commerciale trompeuse par omission. Ainsi, le fondement juridique retenu était non pas celui de l’obsolescence programmée, mais celui de la pratique commerciale trompeuse par omission, plus facile à caractériser.
L’article 6 de la présente proposition de loi répond ainsi à une nécessité qui ne saurait être ignorée ; il permet de rendre opérant le délit d’obsolescence programmée, aujourd’hui complètement inapplicable, en supprimant l’un des deux critères requis pour le caractériser.
En effet, à ce jour, l’article L. 441-2 du code de la consommation définit l’obsolescence programmée « par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». L’article 6 prévoit la suppression d’un des deux critères d’intentionnalité, celui de l’intention délibérée d’augmenter le taux de remplacement du terminal, afin que l’obsolescence programmée soit définie, plus simplement, comme « le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie ».
Force est de constater que le standard de preuve actuellement requis pour caractériser la pratique d’obsolescence programmée se révèle souvent trop élevé et peu opérant, comme l’a illustré le dossier Apple.
Dans sa réponse au questionnaire adressé par les rapporteurs, la DGCCRF indique en effet que les dossiers qu’elle a instruits n’ont pu être menés à bien sur ce fondement juridique, faute de réunir les éléments suffisants permettant de caractériser le délit.
Je veux donc saluer les travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ayant abouti à cet article.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 6.
(L’article 6 est adopté.)
Article 7
À l’article L. 441-2 du code de la consommation, après le mot : « techniques », sont insérés les mots : « , y compris logicielles, ». – (Adopté.)
Article 8
I. – L’article L. 217-22 du code de la consommation est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sans préjudice du premier alinéa, le vendeur veille à fournir les mises à jour non nécessaires à la conformité du bien séparément des mises à jour nécessaires à la conformité du bien, de façon à permettre au consommateur, s’il le souhaite, de n’installer que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien.
« Le vendeur informe le consommateur, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien, notamment l’espace de stockage qu’elle requiert, son impact sur les performances du bien et l’évolution des fonctionnalités qu’elle comporte. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022.
Mme la présidente. L’amendement n° 49 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les mises à jour nécessaires à la conformité du bien sont les mises à jour correctives et de sécurité, à l’exclusion des mises à jour évolutives.
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. L’article 8 distingue entre les mises à jour nécessaires à la conformité du bien et celles qui ne le sont pas, afin de permettre à l’utilisateur d’installer seulement celles qui n’entraveront pas le fonctionnement de son bien, rendant celui-ci prématurément obsolète.
Si la conformité d’un bien est définie à l’article L. 217-5 du code de la consommation, il convient de lever toute ambiguïté et de sécuriser l’application de cet article. Ainsi, le présent amendement précise que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien sont les mises à jour correctives et de sécurité, à l’exclusion des mises à jour évolutives. Cette distinction est celle qui est retenue par la résolution du Parlement européen du 25 novembre 2020 « Vers un marché unique plus durable pour les entreprises et les consommateurs ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. La terminologie « mises à jour nécessaires à la conformité du bien » découle directement des directives européennes de 2019, que l’article 8 contribue à transposer.
Cet amendement a pour objet de rappeler que les mises à jour nécessaires à la conformité du bien correspondent, en pratique, aux mises à jour correctives et aux mises à jour de sécurité. Toutefois, une telle précision ne semble pas nécessaire à la bonne compréhension du droit. Elle serait superfétatoire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Je serai défavorable à cet amendement.
Je profite de cette prise de parole pour signaler que, du point de vue du Gouvernement, les articles 8 et 9 sont déjà satisfaits, notamment dans le cadre de la transposition en cours des directives 2019/770 et 2019/771 de l’Union européenne. Le Gouvernement a été habilité, pour ces dernières, par la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, ou loi Ddadue.
Toutefois, nous partageons, sur les articles 8 et 9, l’approche proposée dans le texte. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 8.
(L’article 8 est adopté.)
Article 9
I. – Aux deuxième et dernière phrases de l’article L. 217-23 du code de la consommation, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022. – (Adopté.)
Article 10
I. – La section 5 du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation est complétée par un article L. 217-24 ainsi rédigé :
« Art. L. 217-24. – Pour les biens comportant des éléments numériques, le vendeur veille à ce que le consommateur ayant installé une mise à jour non nécessaire à la conformité du bien puisse rétablir la version antérieure du logiciel concerné au cours d’une période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre. Cette période ne peut être inférieure à deux ans. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022. – (Adopté.)
Article 11
I. – L’article L. 217-12 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce délai est porté à cinq ans pour les biens comportant des éléments numériques. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 11
Mme la présidente. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Billon et Létard, MM. Le Nay et Mizzon, Mme de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud et Mmes Muller-Bronn, Borchio Fontimp, Saint-Pé, Demas et Férat, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 122-21-1 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour les biens comportant des éléments numériques, ce décret prévoit notamment des règles en matière de qualité et de traçabilité du produit, incluant un affichage des pays de provenance et de reconditionnement. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de rappeler que 80 % de l’empreinte carbone du numérique proviennent du renouvellement des terminaux, qu’il convient donc de limiter.
À ce titre, il s’agit de favoriser le développement du marché des reconditionnés, qui, aujourd’hui, représenteraient déjà près de 10 % du marché.
La présente proposition de loi prévoit de diminuer le taux de TVA appliqué à ces produits, ce qui est une très bonne chose. Néanmoins, nous observons encore un certain nombre de réticences de la part des consommateurs et des utilisateurs sur les produits reconditionnés.
Afin de rassurer le public sur la qualité de ces produits, nous proposons donc que le décret prévu par l’article L. 122-21-1 précise les règles en matière de qualité et de traçabilité des produits, notamment en précisant l’affichage des pays de provenance et de reconditionnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Aux termes de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, ou loi AGEC, un décret précise les conditions dans lesquelles un produit peut recevoir la qualification de « produit reconditionné », ce qui instaure, de fait, une forme de labellisation du reconditionnement.
Nous partageons totalement l’objet de cet amendement : si nous voulons développer cette filière essentielle, il faut lever un certain nombre de freins, au premier rang desquels la confiance en la fiabilité et en la qualité du produit reconditionné.
C’est pourquoi il convient de prévoir des garanties de traçabilité de ces produits, afin que le consommateur puisse avoir la garantie qu’un certain nombre de prescriptions liées à la qualité du produit ont été respectées, ainsi que des informations sur la provenance et le lieu de reconditionnement de ces produits.
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le présent amendement tend à compléter l’article L. 122-21-1 du code de la consommation, qui prévoit que les conditions d’utilisation de la mention « reconditionné » ou « produit reconditionné » sont précisées par décret.
L’adoption du présent amendement apporterait de nouvelles exigences pour les produits électriques et électroniques, pour l’utilisation de ces mentions en matière de conformité, de contrôle du fonctionnement, de suppression des données, d’affichage des pays de provenance et de reconditionnement du produit.
Or l’article en question concerne tous les produits reconditionnés, et pas seulement ces deux catégories d’équipements. Ces éléments font, d’ores et déjà, l’objet d’un projet de décret en cours d’élaboration par le Gouvernement. Il ne nous semble donc pas nécessaire de modifier la loi.
Par conséquent, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 11.
L’amendement n° 19, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 217-9 du code de la consommation est ainsi rédigé :
« Art. L. 217-9. – Dans le cadre de la garantie légale de conformité, la réparation est prioritaire sur le remplacement du bien.
« Un rapport détaillé des actes de réparation effectués et de la nature des pièces détachées installées est remis au client avec le produit réparé.
« Dans le cas d’un remplacement car la réparation entraînerait un coût disproportionné, cette décision du vendeur est motivée par écrit au client.
« La proportion de produit remplacés, réparés ou remboursés est rendue publique dans le rapport responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise chaque année. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Ce débat a déjà eu lieu lors de la discussion de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais il a toute sa place dans cette proposition de loi sur l’impact du numérique sur l’environnement.
Notre société est fondée sur un modèle économique valorisant la production maximale de biens, ce qui induit une hyperconsommation permettant aux producteurs de faire des bénéfices. En découle une création très importante de déchets.
Pour lutter contre ce paradigme, de nombreuses mesures ont été prises dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Alors que la présente loi revient sur les dispositifs permettant d’augmenter la durée de vie des équipements et appareils numériques, notamment par le présent article, qui apporte une extension de la durée de la garantie légale de conformité, il semble opportun d’aller plus loin en ce sens.
Au travers de cet amendement, nous proposons ainsi de renforcer cet aspect, en faisant de la garantie légale de conformité un outil au service de l’allongement de la durée de vie des produits. La garantie légale est le premier levier à la disposition du consommateur pour se protéger des pannes et de l’obsolescence accélérée.
Pour que cet outil contribue à la transition vers une économie circulaire, il doit favoriser la réparation au remplacement des biens.
Au travers de cet amendement, nous proposons ainsi plusieurs dispositions visant à améliorer le mécanisme de la garantie, par plus de transparence sur la proportion des biens remplacés dans le cas du rapport de responsabilité sociale d’entreprise, ou RSE.
Enfin, nous souhaitons imposer la remise d’un rapport détaillé sur les actes de réparation effectués.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cet amendement tend, par des moyens très hétérogènes, à ce que la réparation soit privilégiée par rapport au remplacement dans le cadre de la garantie légale de conformité.
Premièrement, la partie de l’amendement visant à ce que la réparation soit rendue prioritaire par rapport au remplacement est en partie satisfaite par les modifications introduites par la loi AGEC. Cette dernière prévoit en effet que, à compter de 2022, dès lors que le consommateur fera le choix de la réparation, mais que celle-ci ne sera pas mise en œuvre par le vendeur, le consommateur pourra demander le remplacement du bien, qui s’accompagnera, dans ce cas, d’un renouvellement intégral de la garantie légale de conformité. Le vendeur est donc fortement incité à privilégier la réparation.
Deuxièmement, l’obligation de justification par écrit au client du fait que la réparation entraînerait un coût disproportionné introduirait une contrainte pour le vendeur, sans, pour autant, que le droit du consommateur soit réellement accru.
Troisièmement, l’obligation de remise d’un rapport au client avec le détail des réparations effectuées et la nature des pièces détachées installées ne nous semble pas relever du cadre juridique relatif à la garantie légale de conformité. Il en va de même pour l’inscription de la proportion de produits remplacés, réparés ou remboursés dans le cadre du rapport RSE des entreprises.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 22, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre VII du titre 1er du livre II du code de la consommation est complétée par des articles L. 217-… et L. 217-… ainsi rédigés :
« Art. L. 217-…. – À l’expiration du délai de prescription de la garantie légale de conformité, la réparation du bien ouvre droit à une garantie générale de fonctionnement normal appliquée à l’ensemble du bien.
« Art. L. 217-…. – Cette garantie se prescrit six mois après la date de la réparation effectuée. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. J’ai bien entendu ce qui concerne l’extension de garantie, notamment sur les réparations.
Nous avions déjà proposé, lors de l’examen de la loi sur l’économie circulaire, la mise en œuvre d’une garantie générale de bon fonctionnement de six mois sur les biens réparés en dehors de la garantie légale, c’est-à-dire la catégorie « A+ ».
Il s’agit ainsi d’aller au-delà de ce qui est actuellement prévu par la loi, c’est-à-dire, en cas de réparation dans le cadre de la garantie de conformité, une extension de celle-ci de six mois et la réinitialisation de la garantie en cas de remplacement.
Nous estimons que le législateur peut aller encore plus loin. En effet, dans 60 % des cas de pannes, le consommateur n’essaye pas de faire réparer son produit. Pourtant, dans une économie circulaire, la réparation et le reconditionnement doivent être encouragés : ces solutions permettent d’allonger la durée de vie des produits tout en étant vertueuses sur le plan environnemental.
Actuellement, une fois la garantie d’un bien dépassée, l’usager peut faire le choix de se tourner vers un réparateur professionnel. Toutefois, à la suite d’une réparation, une défaillance peut survenir sans aucune protection juridique pour le client, ce qui peut le dissuader d’avoir recours à cette solution.
Nombre de réparateurs indépendants offrent déjà une garantie de six mois à leurs clients.
Afin de généraliser cette pratique, de protéger les consommateurs et de les inciter à réparer leur produit plutôt qu’à en racheter un neuf, une garantie légale sur les actes de réparation professionnelle doit pouvoir être offerte pendant au moins six mois par tous les réparateurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement nous semble satisfait. En effet, l’article 22 de la loi AGEC prévoit déjà que, à compter du 1er janvier 2022, tout produit réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité bénéficiera d’une extension de cette garantie de six mois.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Madame Gréaume, l’amendement n° 22 est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 22 est retiré.
L’amendement n° 21, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 541-9-2 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 541-9-… ainsi rédigé :
« Art. L. 541-9-…. – I. – Les producteurs, importateurs, distributeurs ou autres metteurs sur le marché d’équipements électriques et électroniques communiquent sans frais aux vendeurs de leurs produits ainsi qu’à toute personne qui en fait la demande la durée de vie programmée du produit.
« II. – Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du I selon les catégories d’équipements électriques et électroniques. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Au travers de cet amendement, nous souhaitons renforcer les dispositifs prévus sur l’indice de réparabilité. Nous proposons d’aller plus loin, en permettant une information systématique du consommateur sur la durée de vie programmée du produit.
Il s’agit de deux informations complémentaires nécessaires à la bonne information du consommateur, lui permettant de faire des choix éclairés et de favoriser l’achat de biens durables et réparables.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. L’information sur la durée de vie programmée du produit viendrait s’ajouter à l’indice de durabilité devant entrer en vigueur en 2024.
Par souci de clarté, il ne nous semble pas pertinent de multiplier les sources d’information pour le consommateur.
Par ailleurs, je note que la rédaction de cet amendement conduirait à imposer cette obligation à l’ensemble des équipements électriques et électroniques, et pas seulement aux équipements numériques, seuls concernés par cette proposition de loi.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er janvier 2022, tout produit appartenant aux catégories 1 et 3 des équipements électroniques et électriques telles que définies par la directive 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques doit être muni d’un dispositif qui enregistre de façon cumulative l’usage du produit en nombre d’unités telles que les heures ou les cycles. Ce dispositif doit être rendu visible au consommateur.
La liste des produits concernés et les modalités d’application sont définies par décret.
Le fait de contrevenir au présent article est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Par cet amendement, nous souhaitons que soit mis en œuvre un réel compteur d’usage sur certains produits, notamment sur les équipements électroniques et numériques.
Aujourd’hui, les compteurs d’usage ne sont pas obligatoires. Nous considérons que ce serait un plus, une garantie, que de pouvoir se fier à ces compteurs d’usage. Les dispositions actuelles nous semblent, en tout cas, très insuffisantes.
Nous pensons que le compteur relève de la nécessaire transparence de l’information sur la durée de vie des produits, participant, aussi, à la lutte contre l’obsolescence programmée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cette proposition pose plusieurs difficultés.
Premièrement, la mise en place d’un compteur d’usage pourrait se révéler particulièrement complexe. Si un dispositif aussi lourd devait être mis en place, il devrait impérativement être harmonisé au niveau du marché unique. Nous ne sommes donc pas favorables à un dispositif national.
Notons, cependant, que dans une résolution du 25 novembre 2020 le Parlement européen s’est prononcé en faveur de la mise en place de compteurs d’usage à l’échelle européenne. Il serait donc intéressant de porter ce sujet à ce niveau. De ce point de vue, cet amendement peut être en quelque sorte un amendement d’appel.
Deuxièmement, la rédaction actuelle de l’amendement conduirait à introduire un compteur d’usage sur les équipements numériques, mais aussi sur les appareils électroménagers, qui ne sont pas visés par la proposition de loi.
Troisièmement, des compteurs, non pas d’usage, mais du temps passé sur les écrans commencent à être mis en place, certes de façon volontaire, par certains opérateurs ou fabricants d’équipements.
Nous émettons donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 18.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 12
I. – L’article L. 541-10-20 du code de l’environnement est complété par un III ainsi rédigé :
« III. – Les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes agréés ou des systèmes individuels en application de l’article L. 541-10 sont déclinés de manière spécifique pour certains biens comportant des éléments numériques définis par décret. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur à une date définie par décret, et au plus tard le 1er janvier 2028.
Mme la présidente. L’amendement n° 60, présenté par MM. Chevrollier et Houllegatte, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
agréés ou des systèmes individuels
par les mots :
ou des systèmes individuels agréés
La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous ne sommes évidemment pas défavorables à l’amendement en tant que tel, mais il nous semble que cet article est satisfait, cette disposition figurant déjà dans la loi AGEC.
Cette proposition vise, en effet, la fixation d’objectifs spécifiques de recyclage, de réemploi et de réparation pour certaines catégories d’équipements numériques. Elle est articulée avec les avancées opérées par la loi AGEC et relatives au fonds de réemploi et de réutilisation, ainsi qu’au fonds de réparation.
Je tiens à annoncer à la Haute Assemblée que ces mesures seront intégrées dans les cahiers des charges des éco-organismes de gestion et traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques, les DEEE, en 2021. D’ailleurs, il nous semble essentiel de laisser au dispositif le temps de se mettre en place et d’analyser son efficacité avant de modifier ses règles.
C’est pourquoi nous sommes défavorables à l’article et, partant, à cet amendement rédactionnel.
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer l’année :
2028
par l’année :
2022
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet article prévoyait initialement des objectifs spécifiques de recyclage, de réemploi et de réparation pour certaines catégories d’équipements numériques, objectifs fixés par le cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques.
Or l’entrée en vigueur de tels objectifs a été décalée par la commission en 2028, soit dans sept ans. Pour justifier ce report, cet article s’appuie sur les nombreuses évolutions législatives apportées par la loi relative à l’économie circulaire.
Certes, de nouvelles obligations sont imposées, notamment la création d’un fonds de réemploi ainsi que des objectifs plus ambitieux de réemploi dans le cahier des charges des éco-organismes dans une logique d’obligation, non plus de moyens, mais bien de résultats.
Ces évolutions sont positives. Pour autant, nous ne voyons pas bien pourquoi un tel temps d’adaptation est octroyé. En effet, cet article impose simplement une déclinaison spécifique pour les terminaux numériques dont le niveau de collecte, donc de recyclage, de réemploi et de réparation, est aujourd’hui insuffisant.
Un nouvel agrément tenant compte des évolutions législatives et réglementaires liées à la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est prévu pour le 1er janvier 2022.
Alors que la commission a reconnu le caractère complémentaire des différentes obligations posées à la fois par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et par cette proposition de loi, il semble que l’entrée en vigueur de ce dispositif peut être fixée à 2022, afin d’intégrer le nouvel agrément des éco-organismes.
Reporter de six ans l’obligation définie serait un très mauvais signal envoyé dans la lutte contre les déchets liés aux équipements électroniques et numériques. Nous proposons donc une entrée en vigueur au 1er janvier 2022.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. L’article 12 prévoit, dans le prolongement de ce qui a été fait dans la loi AGEC, que les cahiers des charges des éco-organismes de la filière DEEE fixent des objectifs spécifiques de recyclage, de réemploi et de réparation pour certaines catégories d’équipements numériques.
L’idée est de cibler les smartphones et tablettes, afin d’éviter qu’ils ne soient noyés dans des objectifs communs pour toute la filière. Ce faisant, cela permettrait d’améliorer la collecte de ces produits, qui est aujourd’hui limitée.
Sur l’initiative de notre collègue Marta de Cidrac, rapporteure de la loi AGEC, la commission a souhaité laisser le temps aux acteurs de la filière de s’organiser. En effet, une telle modification est loin d’être anodine et nécessiterait de mettre en œuvre de nouveaux flux distincts, lourds à organiser.
Le nouvel agrément prenant en compte toutes les modifications de la loi AGEC doit être adopté début 2022. Il serait particulièrement difficile d’imposer aux acteurs d’ajouter une nouvelle disposition.
Nous ignorons, en effet, quand le texte sera définitivement adopté : seulement quelques mois ou quelques semaines avant le nouvel agrément. En outre, le processus de renégociation du nouvel agrément est long et se déroule sur une année.
Cette mesure devra donc entrer en vigueur, au plus tard au moment du réagrément qui suivra, soit en 2028. Rien n’empêche, néanmoins, de demander au Gouvernement de s’engager à impulser ce changement avant cette date.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 12, modifié.
(L’article 12 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 12
Mme la présidente. L’amendement n° 43, présenté par MM. Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Des expérimentations peuvent être lancées sur la base du volontariat afin de développer des dispositifs de consigne pour certains équipements numériques, par les collectivités territoriales et les établissements publics, afin d’optimiser le cycle de seconde vie de ces produits.
Au plus tard au 1er janvier 2023, le Gouvernement remet au Parlement un rapport étudiant les avantages et inconvénients des expérimentations autorisées par le présent article.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement d’appel tend à encourager, sur le fondement du volontariat, l’expérimentation territoriale de dispositifs de consigne de certains équipements numériques, afin de favoriser leur réemploi, leur recyclage ou leur réutilisation.
Nous savons tous que, dans le domaine de l’économie circulaire, la réduction des déchets et le développement de la valorisation des équipements numériques apparaissent comme une priorité à étudier et à expérimenter. Les établir sur le fondement du volontariat à l’échelle des collectivités territoriales semble mieux adapté pour déterminer quel procédé de recyclage fonctionne le mieux.
À ce titre, la consignation de certains équipements numériques, afin d’accroître le taux de collecte des équipements réemployables avant qu’ils ne perdent leur valeur d’usage et ne deviennent des déchets, serait un progrès notable dans la réduction de l’empreinte carbone. Cela allongerait la durée de vie des produits, tout en réduisant les déchets d’équipements électriques et électroniques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement a pour objet que des expérimentations puissent être lancées, sur la base du volontariat, par les collectivités, afin de développer des dispositifs de consigne pour certains équipements numériques.
En premier lieu, les collectivités pourraient, d’ores et déjà, prévoir ce type de mesures : soit en partenariat avec des entreprises ou avec l’éco-organisme en charge de la collecte de ces équipements ; soit via un système de gratifications que rien ne leur interdit, à ce jour, de déployer.
En outre, l’utilité de la consigne, telle qu’elle est prévue par l’amendement, n’est pas forcément avérée pour des produits qui ont encore de la valeur marchande, comme les téléphones portables, par exemple, qui sont davantage captés par la filière économique du réemploi.
Ce sujet avait, d’ailleurs été traité dans le rapport de la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, rapport rédigé il y a quelques années par Marie-Christine Blandin et Jean-François Longeot.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Fernique, l’amendement n° 43 est-il maintenu ?
M. Jacques Fernique. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 43 est retiré.
L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures qui pourraient être envisagées afin d’améliorer le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques et sur leur faisabilité.
La parole est à M. Jacques Fernique.
M. Jacques Fernique. Cet amendement vise à proposer au Gouvernement d’élaborer une étude d’impact et de faisabilité, afin d’améliorer le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques, actuellement très peu recyclés.
Au regard de la complexité de la mise en œuvre de tels dispositifs, mais également de la nécessité de réduire le gaspillage et les déchets des équipements numériques, il est essentiel d’évaluer toutes les solutions envisageables pour leur réemploi.
Ce rapport pourrait étudier la possibilité d’une mise en place de consignations d’équipements numériques. Il pourrait également considérer l’opportunité de passeports-produits, c’est-à-dire d’un dispositif d’identification unique de l’équipement permettant d’assurer la traçabilité et la disponibilité d’informations sur les caractéristiques des produits et de comptabiliser le flux de réemploi ou reconditionnement en parallèle du flux de recyclage.
À ce titre, dans son plan d’action d’économie circulaire pour une Europe plus propre et plus compétitive, la Commission européenne, annonce la mise en place de passeports numériques.
Enfin, ce rapport pourrait étudier l’installation ou l’élargissement d’un dispositif de collecte des déchets d’équipements électriques ou électroniques dans certains magasins. Une étude sur la faisabilité de mise en œuvre de tous ces dispositifs paraît très opportune pour un recyclage efficace des équipements numériques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cher collègue, vous proposez un rapport sur le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques.
La structuration d’une filière de recyclage et de terminaux numériques et les enjeux de développement du réemploi et de la réutilisation de ces biens sont essentiels pour limiter le renouvellement excessif.
Une fois n’est pas coutume, nous émettons un avis favorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 12.
Article 13 A (nouveau)
À la troisième phrase de l’article L. 2111-3 du code de la commande publique, après le mot : « promotion », sont insérés les mots : « d’une durabilité des produits, d’une sobriété numérique et ».
Mme la présidente. L’amendement n° 32, présenté par MM. Gillé, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Michau, Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article L. 2111-3 du code de la commande publique, les mots : « un montant fixé par voie réglementaire » sont remplacés par les mots : « soixante-quinze millions d’euros ».
La parole est à M. Hervé Gillé.
M. Hervé Gillé. La commission a adopté un amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain dont l’objectif est de faire de l’achat public un levier pour réduire l’empreinte carbone du numérique.
Ainsi, le texte de la proposition de loi inscrit désormais la politique d’achat dans une démarche de durabilité des produits et de sobriété numérique dans le cadre des schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables.
Ces schémas sont actuellement applicables aux collectivités dont le montant annuel des achats dépasse le seuil de 100 millions d’euros, hors taxes. De fait, cette obligation concerne uniquement les très grandes collectivités. Selon Bercy, 160 organisations seulement seraient concernées par cette obligation, ce qui est peu.
Pourtant, la forme de ce schéma est libre et peut s’appuyer sur le plan national d’action pour les achats publics durables, le PNAAPD. Une nouvelle version de ce plan est d’ailleurs annoncée pour début 2021.
Comme l’a rappelé le commissariat général au développement durable, le 10 décembre dernier, l’achat public doit jouer un rôle clé et vertueux dans la relance. La commande publique doit intégrer davantage de durabilité, davantage d’enjeux sociaux et environnementaux, pour avoir un effet plus transformant.
Par ailleurs, la feuille de route présentée en 2018 par le Gouvernement pour l’économie circulaire – il s’agit de la proposition n° 44 – prévoit d’abaisser le seuil à partir duquel devient obligatoire le schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables.
Ainsi, notre amendement tend à concrétiser cette mesure en introduisant un seuil légal fixé à un montant total annuel des achats à 75 millions d’euros, au lieu des 100 millions d’euros actuellement fixés par arrêté.
Tel est le sens de notre amendement, dont l’adoption devrait inciter davantage de collectivités à s’interroger sur leur stratégie d’achat et à intégrer l’enjeu de durabilité des produits et de sobriété numérique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. La commission a, en effet, adopté, en décembre dernier, un amendement du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à inclure les enjeux de durabilité des produits et de sobriété numérique dans les schémas de promotion des achats publics responsables.
Aujourd’hui, ces schémas doivent être élaborés par les collectivités dont le montant annuel total des achats est supérieur à un montant fixé par voie réglementaire : 100 millions d’euros.
La pertinence de ce seuil particulièrement élevé se pose en effet. Vous l’avez souligné, le Gouvernement avait indiqué, au moment des débats sur la loi AGEC, que la révision du plan national d’action pour des achats durables prévue pour la fin de 2020 serait l’occasion de mener une réflexion d’ensemble sur l’organisation de ces schémas et la pertinence d’un nouveau seuil.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement s’est-il engagé dans cette voie ? Pouvez-vous nous apporter des réponses ? Le seuil sera-t-il abaissé par voie réglementaire, comme cela devrait être le cas en vertu du droit actuel ?
Il nous paraît délicat de fixer ce type de seuil dans la loi, mais peut-être le Gouvernement est-il en mesure de nous apporter des réponses sur ce point.
Nous souhaitons donc entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. J’ai une réponse au fond qui est quelque peu d’attente. En effet, le projet de loi de déclinaison des propositions de la Convention citoyenne, qui doit être présenté en février prochain par le Gouvernement, contient tout un paquet de mesures liées aux marchés publics.
C’est dans ce cadre que nous voulons présenter les dispositifs de nature législative et réglementaire qui ont vocation à traduire les demandes de la Convention citoyenne.
Par ailleurs, il nous semble que la proposition du sénateur Gillé relève du niveau réglementaire et non législatif.
En tout état de cause, la réponse au fond vous sera apportée dans les semaines qui viennent dans le cadre du projet de loi issu de la Convention citoyenne ; celui comprendra bien une partie relative aux marchés publics.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Gillé, l’amendement n° 32 est-il maintenu ?
M. Hervé Gillé. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 32 est retiré.
Je mets aux voix l’article 13 A.
(L’article 13 A est adopté.)
Article 13
L’article 55 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À compter du 1er janvier 2022, lors de l’achat public de produits numériques disposant d’un indice de réparabilité, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements favorisent les biens dont l’indice de réparabilité, tel que défini à l’article L. 541-9-2 du code de l’environnement, est supérieur à un certain seuil défini par décret.
« À compter du 1er janvier 2025, lors de l’achat public de produits numériques disposant d’un indice de durabilité, les services de l’État ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements favorisent les biens dont l’indice de durabilité, tel que défini au même article L. 541-9-2, est supérieur à un certain seuil. »
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer la date :
1er janvier 2022
par la date :
30 juin 2021
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. L’État et ses services, les collectivités territoriales et leurs groupements doivent se montrer exemplaires en matière environnementale.
C’est pourquoi nous sommes très favorables à ce que les achats publics tiennent compte des critères de réparabilité à court terme, puis de durabilité à moyen terme, pour l’acquisition de leurs produits numériques.
L’indice de réparabilité est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Certes, toutes les entreprises ne sont pas prêtes à disposer d’un an pour s’adapter. Cependant, afin de les inciter à adopter le plus rapidement cet indice, il nous semble utile d’avancer de six mois l’application du présent article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. La commission a fait le choix de laisser un an d’application pour ces nouveaux indices, afin d’en faire des critères de la commande publique, notamment pour une meilleure appropriation par les acteurs.
Prévoir le 30 juin 2021 au lieu du 1er janvier 2022 pour la mise en place de l’indice de réparabilité qui vient d’entrer en vigueur au 1er janvier dernier réduirait de six mois le délai fixé. Or nous pensons qu’il convient de maintenir une durée d’un an, pour avoir un retour sur le fonctionnement et la mise en place de cet indice.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Gold. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 6 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 13.
(L’article 13 est adopté.)
Article 14
L’article 278-0 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le f du 2° du A, il est inséré un g ainsi rédigé :
« g) Les produits électriques et électroniques reconditionnés. » ;
2° Il est ajouté un M ainsi rédigé :
« M. – Les services de réparation des biens comportant des éléments numériques. »
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
ou issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi
II. – Alinéa 5
Après le mot :
réparation
insérer les mots :
, ou de mise à disposition moyennant facturation de l’usage,
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Nous connaissons le sort des amendements visant à instaurer des taux de TVA réduits : en effet, nous avons tenté à plusieurs reprises d’abaisser le taux de TVA des services de réparation, tout en ayant conscience des difficultés que pose actuellement l’annexe III de la directive TVA du 28 novembre 2006, qui établit une liste limitative des biens et services pouvant en bénéficier.
Toutefois, la brèche est ouverte par le présent texte. En conséquence, nous proposons d’élargir le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % aux produits issus du réemploi ou de la réutilisation, ainsi qu’aux services de mise à disposition de l’usage des biens moyennant facturation, c’est-à-dire des biens issus de l’économie de la fonctionnalité.
Si, en la matière, une négociation doit avoir lieu dans le cadre de la révision de la directive européenne de 2006, elle doit permettre d’envoyer un signal prix positif au bénéfice de ces biens plus vertueux, qui permettront de limiter l’impact environnemental du numérique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. L’article 14 instaure une TVA réduite pour l’acquisition de produits électriques et électroniques reconditionnés et pour les services de réparation de biens comportant des éléments numériques.
La mission d’information dont ce texte est issu avait en effet considéré que de tels taux de TVA réduits pourraient contribuer à renforcer l’attractivité des offres issues du reconditionnement et de la réparation et, ainsi, à limiter le renouvellement des terminaux. De tels taux concourraient également à la structuration dans les territoires d’un écosystème industriel du reconditionnement et de la réparation.
Néanmoins – M. Gold l’a lui-même souligné –, nous sommes conscients que, en l’état actuel du droit européen une telle modification se heurte à l’impossibilité pour les États membres de fixer un taux réduit pour des biens et des services qui ne figurent pas dans l’annexe de la directive TVA.
Malgré cette limite, nous avons souhaité inscrire cet article dans le présent texte, afin d’exprimer la position du Sénat en faveur d’une telle évolution, dans le cadre de la révision de cette directive. Ce travail est en cours et, par la même occasion, nous exprimons notre soutien aux négociateurs.
Cela étant, une telle limite rend difficile l’élargissement de cette disposition : j’émets donc, à regret, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. M. le rapporteur a développé l’argument de l’inconventionnalité en lieu et place du Gouvernement ! (Sourires.)
Je tiens donc simplement à rappeler de manière on ne peut plus officielle la position du gouvernement français, que j’ai déjà indiquée en commission et que Barbara Pompili défend dans les cénacles européens : nous plaidons pour la modulation des taux de TVA, afin que les produits reconditionnés bénéficient d’un taux réduit.
Cela étant, il s’agit d’une compétence communautaire : en conséquence, nous sommes défavorables à l’article 14 et, par extension, à l’amendement n° 7 rectifié.
M. Éric Gold. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 14.
(L’article 14 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 14
Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Billon et Létard, MM. Le Nay et Mizzon, Mme de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud et Mmes Muller-Bronn, Saint-Pé, Borchio Fontimp, Demas et Férat, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase des premier et deuxième alinéas du I de l’article L. 541-9-2 du code de l’environnement, après le mot : « électroniques », sont insérés les mots : « , y compris reconditionnés, ».
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Dans le prolongement de l’amendement que j’ai présenté il y a quelques instants, et dont je salue l’adoption, cet amendement vise à renforcer la confiance du consommateur dans la qualité des produits reconditionnés.
Créé par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, l’indice de durabilité doit entrer en application le 1er janvier 2024. Nous proposons qu’il s’applique non seulement aux produits neufs, mais aussi aux produits reconditionnés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Monsieur Maurey, l’application de l’indice de durabilité aux produits reconditionnés pourrait présenter plus d’inconvénients que d’avantages.
Il s’agirait d’analyser la durabilité de chaque produit reconditionné, afin de déterminer le niveau de l’indice : ce travail pourrait se révéler particulièrement lourd et freiner le développement des activités de réemploi.
Par ailleurs, il est permis de douter des vertus d’un tel dispositif. Les consommateurs privilégiant l’acquisition d’un terminal reconditionné sont souvent conscients du meilleur bilan environnemental d’un tel équipement par rapport à un terminal neuf. Il n’est donc pas certain que l’application de l’indice de durabilité accroisse l’attractivité des produits reconditionnés.
En revanche, nous faisons nôtre la préoccupation que vous exprimez quant à la confiance des consommateurs. C’est la raison pour laquelle nous avons émis un avis favorable sur votre amendement tendant à renforcer la traçabilité.
Cela étant, nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, nous émettrions un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14.
L’amendement n° 41 rectifié quater, présenté par M. Chaize, Mmes Demas, Berthet et Belrhiti, MM. Piednoir, Vogel, Mandelli, Meurant et Bouchet, Mmes Di Folco, Muller-Bronn, Puissat, Deromedi et Imbert, MM. Pointereau et D. Laurent, Mmes Estrosi Sassone, Noël et Raimond-Pavero, MM. Sautarel, Brisson, C. Vial, H. Leroy et Rapin, Mme Chauvin, M. Burgoa, Mme Dumont, MM. Pellevat, Savary, Charon, Longuet, B. Fournier et Lefèvre, Mme Lassarade, M. Paccaud, Mme Gruny et M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’article 14
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le II bis de l’article L. 311-8 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – La rémunération pour copie privée n’est pas due non plus lorsque les supports d’enregistrement sont issus d’activités de préparation à la réutilisation et au réemploi de produits ayant déjà donné lieu à une telle rémunération. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à rendre explicite l’exclusion de l’obligation de rémunération pour copie privée au titre des produits reconditionnés, dont les smartphones et ordinateurs, ayant déjà fait l’objet d’une première mise sur le marché en Europe.
En effet, la rémunération pour copie privée est acquittée sur les produits neufs lors de leur mise en circulation en Europe.
Or un produit ne peut faire l’objet que d’une seule mise en circulation au sens de l’article 1245-4 du code civil. Ainsi, cette rémunération ne saurait s’appliquer aux produits reconditionnés qui proviennent d’Europe, puisque la redevance ne doit être payée qu’une seule fois sur un même produit.
En outre, l’application de cette obligation aux produits reconditionnés ferait peser une menace sur un secteur en développement, qui apporte une contribution majeure à l’essor d’une économie numérique plus circulaire et plus vertueuse.
Enfin, si ces produits numériques reconditionnés devaient être soumis à une telle redevance, le coût supplémentaire serait supporté par les consommateurs eux-mêmes. En conséquence, l’achat de produits neufs à faible coût, mais de moindre qualité technique et présentant un plus fort impact environnemental, pourrait être favorisé aux dépens de produits reconditionnés en Europe.
En ces temps de crise, une telle mesure porterait un coup au pouvoir d’achat des Français et freinerait le développement de solutions vertueuses pour l’environnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement vise à exonérer du paiement de la rémunération pour copie privée les équipements numériques reconditionnés issus de produits qui ont fait l’objet d’une première mise sur le marché en Europe et qui, dès lors, ont déjà donné lieu à une telle rémunération.
Selon les informations dont nous disposons, les biens reconditionnés n’ont encore jamais fait l’objet dudit prélèvement. Pour autant, nous avons appris que la commission chargée de déterminer les types de supports entrant dans le champ de la rémunération envisageait une telle mesure.
À nos yeux, le fait d’exonérer les biens reconditionnés du paiement de la rémunération pour copie privée n’entraînerait donc pas, à ce jour, de perte de recettes pour le monde de la culture : il s’agirait tout au plus d’une perte de recettes hypothétique.
Cela étant, la question se pose et elle va sans doute faire débat : est-il pertinent que les biens reconditionnés contribuent au financement d’activités culturelles ? Selon nous, une réponse affirmative entrerait en contradiction avec les objectifs du présent texte.
Nous tous, dans cet hémicycle, voulons stimuler l’essor des activités de reconditionnement. Mais – M. Chaize l’a souligné lui-même –, on ne peut pas, dans le même temps, accepter que ces dernières soient taxées.
Pour les reconditionneurs, ce sujet est tout sauf anecdotique. D’après nos informations, l’application de la rémunération pour copie privée à un smartphone de 250 euros pourrait se traduire par un prélèvement d’environ 10 euros.
Autrement dit, cet assujettissement annulerait presque intégralement la baisse des taux de TVA sur les biens reconditionnés, que nous avons souhaité introduire à l’article 14.
De plus, ces dispositions n’empêcheraient pas le prélèvement sur les biens reconditionnés en dehors des frontières européennes. En effet, seuls seraient exonérés les équipements reconditionnés, notamment les smartphones et les ordinateurs, ayant déjà fait l’objet d’une première mise sur le marché en Europe.
Avec cet amendement, on renforcerait donc la compétitivité des activités de reconditionnement nationales et européennes aux dépens du reconditionnement extraeuropéen.
Je le répète, selon les informations dont nous disposons, les biens reconditionnés n’ont jamais fait l’objet de prélèvement au titre de la rémunération pour copie privée ; nous espérons que M. le secrétaire d’État nous le confirmera !
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets donc un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Monsieur le rapporteur, l’évaluation juridique dont je dispose me permet de vous le confirmer : à ce stade, les biens reconditionnés ne sont pas assujettis à la rémunération pour copie privée.
Pour sa part, la commission pour la rémunération de la copie privée estime que tel devrait être le cas ; ce point fait l’objet d’un débat juridique – une telle position est pour le moins contestable. En tout état de cause, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante : doit-on appliquer cette taxation aux appareils reconditionnés ?
Aujourd’hui encore, deux visions s’opposent en la matière. Les uns défendent avant tout le reconditionnement : pour eux, les appareils dont il s’agit ont déjà été soumis à cette taxe, puisqu’ils ont déjà été acquis. Les autres estiment qu’en vertu de l’allongement de la durée de vie des équipements – c’est effectivement le but –, la transmission de propriété devait donner lieu au paiement de cette rémunération.
À titre personnel, j’estime que les dispositions proposées par M. Chaize ont du sens.
M. Patrick Chaize. Ah !
M. Cédric O, secrétaire d’État. Les produits reconditionnés en Europe ont déjà été soumis à la taxe, mais les produits reconditionnés et réimportés depuis l’Asie ne l’ont jamais acquittée, puisqu’ils n’ont pas été acquis une première fois, dans leur état neuf, sur notre continent.
D’une certaine manière, ces dispositions offrent une échappatoire. Mais – parce qu’il y a un « mais » ! – ce n’est pas la position du Gouvernement, dont je suis bien entendu solidaire. (Sourires.)
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. Monsieur le secrétaire d’État, on le voit bien, c’est à regret que vous émettez un avis contraire à vos convictions !
Le ministère de la culture me l’a confirmé tout à l’heure : certaines sociétés ont déjà payé la contribution pour copie privée.
Monsieur le rapporteur, en vertu de la loi, ce prélèvement s’étend jusqu’à nouvel ordre aux appareils reconditionnés. Il s’agit non pas d’assujettir deux fois le même équipement, mais de partir du principe que les produits reconditionnés disposent d’une seconde vie : leur nouvel utilisateur pourra employer toutes leurs fonctionnalités d’origine.
Le ministère de la culture et l’ensemble des acteurs ont calculé le manque à gagner dont il s’agit : il s’élève à 20 millions d’euros.
Avec mon collègue et ami M. Chaize, nous avons beaucoup discuté de cette question depuis deux jours. Une autre solution serait de doubler, dès le départ, le montant de la taxe.
Dans une logique tout à fait vertueuse, que je soutiens pleinement, cette proposition de loi a pour objet d’accroître la durée de vie de ces appareils. Mais, si la durée d’utilisation des smartphones est portée de deux à quatre ou cinq ans, doublons le montant de la taxe ! Le même produit connaît en somme deux vies différentes et, au titre de la seconde vie, les ayants droit culturels sont lésés. J’y insiste, ils sont privés de 20 millions d’euros.
Il est plus nécessaire que jamais de soutenir le monde de la culture : un refus serait donc un très mauvais signal, d’autant que, si certaines sociétés préfèrent aller au contentieux, d’autres versent déjà cette rémunération !
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
M. Didier Mandelli. J’ai cosigné cet amendement et, bien entendu, je le voterai, pour plusieurs raisons.
Premièrement, diverses structures ont bel et bien accepté de verser leur contribution au titre de ces appareils. Mais, comme pour l’écoparticipation ou l’écocontribution, qui ont pour objet de financer le recyclage de l’objet, on n’applique pas deux fois la même taxe.
Deuxièmement, un appareil issu du réemploi ou du recyclage peut être vendu à un prix tout à fait attractif. Ainsi, pour une marque que je ne citerai pas, un modèle à 256 gigas peut atteindre 1 500 euros s’il est neuf ; s’il est reconditionné, il est proposé à 500 euros. Or comment appliquer une taxe fixe de 4,60 euros quand le prix d’achat va du simple au triple ?
Il faut bien faire des propositions ! Aussi, à l’instar de Laure Darcos, nous suggérons que la contribution soit plus forte sur le produit neuf. Les appareils reconditionnés n’en seront que plus attractifs. En l’occurrence, il n’est même pas nécessaire de doubler le montant de cette contribution : pour compenser le manque à gagner de 20 millions d’euros dont il s’agit, une augmentation de 8 % sur les appareils neufs suffit.
Selon moi, il serait bien plus judicieux de procéder ainsi que de taxer les appareils reconditionnés, que nous voulons rendre plus attractifs. Si c’est nécessaire pour le monde de la culture, augmentons de 8 % le prélèvement de 4,60 euros qui est applicable aux appareils neufs : ce faisant, nous résoudrons le problème sans taxer les appareils reconditionnés !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Évidemment, nous n’avons nullement l’intention de nuire au monde de la culture, bien au contraire. À cet égard, Laure Darcos a rappelé l’enjeu fondamental : la taxe doit peut-être faire l’objet d’un rééquilibrage, mais ce travail ne relève pas du présent texte.
Avec cette proposition de loi, il est important de souligner notre ambition : le recyclage a vocation à accroître la durée de vie des équipements. Cet objectif a été clairement identifié dans le cadre de nos travaux. Éventuellement, nous retravaillerons la question de la taxe dans un autre cadre.
Cela étant, j’insiste sur un point : qu’on le veuille ou non, un appareil reconditionné est un seul et même équipement, et il ne peut être assujetti à la taxe qu’une seule fois.
Pour un bien immobilier, la taxe d’aménagement est acquittée lors de la construction. Imaginez que l’on demande à l’acheteur de la payer une seconde fois après restauration et revente : personne ne pourrait l’admettre !
Mme Laure Darcos. Ce n’est guère comparable…
M. Patrick Chaize. C’est le même principe que nous défendons aujourd’hui au sujet des smartphones.
Mes chers collègues, je tenais à apporter ces précisions, pour que vous ayez clairement à l’esprit l’enjeu de cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.
Mme Céline Brulin. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement.
J’approuve les arguments développés par Laure Darcos. Les chiffres cités par nos collègues sont tout à fait justes ; mais, à mon sens, ils ne démontrent absolument pas qu’une telle taxe rendrait les appareils reconditionnés moins attractifs que les appareils neufs, bien au contraire.
Je l’entends, chacun cherche une solution, et d’autres pistes peuvent être examinées en vue d’un rééquilibrage.
Toutefois, comme on dit, il y a le texte et il y a le contexte. Au moment même où nous débattons de ce sujet, les acteurs culturels connaissent d’immenses difficultés. La rémunération pour copie privée est absolument essentielle : pour certains d’entre eux, c’est, à l’heure actuelle, la seule rémunération.
Le Sénat, dans sa sagesse, devrait également tenir compte de ces éléments. Nous devons ouvrir le débat et réfléchir à cette question : je l’entends. Mais, même s’il s’agit d’un manque à gagner, la Haute Assemblée émettrait un signal extrêmement négatif en manifestant qu’elle ne veut pas agir en ce sens pour soutenir le monde de la culture !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé, pour explication de vote.
M. Hervé Gillé. Mes chers collègues, ce débat est particulièrement utile : un hiatus persiste entre, d’une part, la perte financière constatée – c’est précisément pourquoi l’on parle de compensation – et, de l’autre, la durabilité des produits, qui implique la question de l’usage.
Or qui dit usage dit exploitation de données ou de sources à caractère culturel. C’est la confrontation de ces deux logiques qui pose question aujourd’hui.
Dans le contexte actuel, il est délicat de prendre une décision sans disposer d’éléments suffisamment solides quant à la compensation financière qui pourrait être accordée. Nous devons donc faire preuve de prudence, même si nous comprenons la logique suivie. Pour notre part, nous voterons contre cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 14.
Article 14 bis (nouveau)
La sous-section 1 de la section 3 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation est complétée par un article L. 224-27-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-27-1. – Un contrat d’abonnement de téléphonie mobile incluant l’achat d’un téléphone portable et prévoyant une période minimale d’engagement du consommateur dissocie le montant payé au titre des services de communications électroniques du montant consacré au paiement du téléphone portable. Ces informations doivent être visibles ou accessibles par le consommateur au moment de l’acte d’achat et sur la facture qui lui est adressée.
« Lors des démarches commerciales engagées au terme de la période d’engagement, l’opérateur informe le consommateur du montant d’un abonnement qui n’inclurait pas le renouvellement du téléphone portable. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 14 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 30, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Gillé, Kanner et Devinaz, Mme Artigalas, MM. Cardon, Michau, Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Pendant une durée de quatre ans à compter de l’entrée en vigueur du présent article, toute publicité à destination des particuliers en faveur d’un équipement numérique neuf, d’un abonnement de téléphonie mobile ou d’accès à internet, est assortie d’un message de sensibilisation faisant la promotion d’un numérique responsable.
La liste, l’énoncé et les modalités de diffusion de ces messages de sensibilisation sont fixés par arrêté du ministre chargé des communications électroniques pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
Au plus tard le 1er septembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’application de cet article.
II. – Tout manquement aux dispositions du présent article est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. En application de l’article L. 522-6 du code de la consommation, la décision peut être publiée aux frais de la personne sanctionnée.
Cette amende est prononcée dans les conditions prévues au chapitre II du titre II du livre V du même code.
III. – Après le 25° de l’article L. 511-7 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De l’article … de la loi n° … du … visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. »
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.
Mme Florence Blatrix Contat. Cet amendement vise à renforcer, via la publicité, l’information des consommateurs quant à l’empreinte environnementale de leurs usages du numérique.
Dans son rapport intitulé Pour un numérique soutenable, publié le 15 décembre dernier, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, l’Arcep, souligne que certaines pratiques commerciales peuvent induire une diminution de la durée de vie des terminaux en circulation – en France, la durée de vie des smartphones est ainsi d’environ vingt-trois mois.
Face à ces pratiques, la Convention citoyenne pour le climat a, elle aussi, formulé des propositions pour une consommation plus sobre et plus vertueuse sur le plan environnemental.
L’un des leviers d’action serait la régulation de la publicité : il s’agirait de réduire les incitations à la surconsommation.
D’ailleurs, depuis le 1er janvier 2021, toute publicité visant à promouvoir la mise au rebut de produits doit contenir une information incitant à la réutilisation ou au recyclage. Il s’agit d’une disposition de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dont le but est de lutter contre l’obsolescence dite « culturelle », contre les incitations sociales et le marketing encourageant le renouvellement des terminaux, notamment des smartphones.
Nous proposons de compléter ce dispositif pour améliorer la transparence de l’information fournie aux utilisateurs de biens et de services numériques.
Les utilisateurs ne peuvent plus ignorer l’impact environnemental du numérique : il faut rendre visible ce qui ne l’est pas. Ainsi, la consommation de données est dix fois plus énergivore en usage mobile qu’en usage fixe. De même, tout un chacun doit avoir pleinement conscience de la consommation réelle de l’envoi d’un courriel ou d’une pièce jointe.
Ainsi, toute publicité à destination du grand public en faveur de l’achat d’un équipement numérique, d’un abonnement de téléphonie mobile ou d’un accès à internet doit être assortie d’un message de sensibilisation faisant la promotion d’un numérique responsable.
La liste, l’énoncé et les modalités de diffusion de ces messages valorisant les bonnes pratiques d’usage seraient fixés par un arrêté pris après avis de l’Arcep.
Enfin, la durée de ce dispositif serait limitée à quatre ans ; ce dernier pourrait ensuite être réévalué.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cet amendement vise à compléter un article introduit par la loi AGEC, en vertu duquel les publicités promouvant la mise au rebut de produits doivent être assorties d’un message de sensibilisation.
Toutefois, en l’occurrence, la logique suivie est différente. Le simple fait d’acheter un téléphone portable ou de souscrire un abonnement pour un forfait mobile ne doit pas être perçu, en soi, comme de nature à aggraver la pollution numérique.
C’est contre le renouvellement excessif des terminaux qu’il faut lutter et qu’il faut concentrer nos initiatives. À notre sens, de telles dispositions pourraient donner lieu à des messages de culpabilisation pour tout achat de produit numérique neuf. Ce n’est pas l’orientation que nous avons souhaité donner à cette proposition de loi.
En outre, sur la forme, le caractère temporaire d’une telle disposition paraît peu opérationnel : il semble difficile de mettre en œuvre un dispositif si lourd pour une durée limitée. De surcroît, dans de telles conditions, comment dresser le bilan de l’application d’une telle disposition ?
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Les échanges que nous avons consacrés à cette question avec les spécialistes du sujet me permettent de compléter les propos de M. le rapporteur.
Les messages d’alerte existent depuis plusieurs années dans d’autres domaines, comme la prévention des addictions et des troubles alimentaires. Toutefois, de récentes études mettent au jour une véritable saturation des consommateurs à cet égard : les messages culpabilisants fonctionnent de moins en moins bien.
Aussi, il serait nécessaire de vérifier l’efficacité de telles initiatives, même si la préoccupation de Mme Blatrix Contat est aussi la nôtre.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 20, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 14 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une norme de chargeur universel pour les équipements radioélectriques mobiles et les autres appareils est définie par décret avant le 1er janvier 2023.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Par cet amendement d’appel, nous invitons le Gouvernement à agir pour limiter le déploiement et le rachat systématique, non seulement des équipements électroniques, mais aussi de leurs chargeurs, lesquels sont souvent gourmands en matières premières rares.
Ainsi, nous estimons qu’il convient d’aller vers une standardisation des chargeurs d’appareils électroniques pour éviter leur remplacement systématique.
D’ailleurs, l’Europe s’engage dans cette voie. Il y a près d’un an, le 30 janvier dernier, les députés européens ont voté une résolution non contraignante en ce sens. Ce texte, qui a totalisé 582 voix pour, 40 contre et 37 abstentions, a pour objet l’adoption d’un chargeur universel pour les téléphones portables dans l’Union européenne.
Si cette résolution n’impose rien aux constructeurs, elle invite au vote d’une loi en faveur d’un chargeur universel d’ici au mois de juillet prochain.
Toutefois, malheureusement, rien ne se fait, alors même que l’idée n’est pas nouvelle. En 2009, la Commission européenne s’emparait déjà du sujet et, deux ans plus tard, elle arrivait à réduire à trois le nombre de types de chargeurs disponibles sur le marché : le micro USB, l’USB-C et le lightning, propriété d’Apple.
Ce sujet est tout sauf mineur : les chargeurs représentent 51 000 tonnes de déchets électroniques par an en Europe. Au nom de son devoir d’exemplarité, la France doit s’engager en ce sens !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Ma chère collègue, vous l’avez indiqué, il s’agit d’un amendement d’appel.
Je le précise d’emblée : ces dispositions poseraient un problème de taille critique du marché, notamment si elles étaient limitées à l’échelle nationale.
Vous l’avez vous-même souligné : l’uniformisation des chargeurs de smartphones et de tablettes relève du niveau européen. En 2009, la Commission européenne s’est emparée du sujet, pour finalement réduire à trois le nombre de types de chargeurs disponibles sur le marché.
Le 30 janvier 2020, le Parlement européen a adopté une résolution invitant la Commission à présenter en urgence des mesures renforcées en faveur d’un chargeur universel.
Plus récemment, à la fin de novembre dernier, le Parlement européen a adopté une nouvelle résolution, portant sur le droit à réparation des appareils électroniques. Avec ce nouveau texte, il plaide également pour un chargeur universel, qui permettrait de réduire le volume des déchets électroniques.
Peut-être M. le secrétaire d’État dispose-t-il d’informations quant à l’évolution de ce dossier au sein des instances européennes. Toujours est-il que le champ de cet amendement, visant les équipements radioélectriques mobiles et les autres appareils, nous paraît trop large.
Pour ces diverses raisons, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, dans son plan d’action pour l’économie circulaire, qui s’inscrit dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler le Pacte vert de l’Union européenne, la Commission européenne a annoncé son objectif : adopter un texte cette année sur la question des chargeurs universels.
La volonté de légiférer sur cette question en 2021 est réelle. À mon sens, il faut laisser ces discussions se poursuivre.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 20.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Chapitre III
Faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux
Article 15
Le chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Régulation environnementale des communications électroniques
« Art. L. 38-5. – Dans le cadre des engagements souscrits sur le fondement de l’article L. 38-7, les opérateurs peuvent privilégier des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser une connexion filaire ou par accès wifi à une connexion impliquant une consommation de données mobiles. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Requier, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 12 est présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Mme Maryse Carrère. Les réseaux ne représentent que 5 % de l’empreinte environnementale du numérique. Nous entendons que ce chiffre peut évoluer, malgré des progrès considérables et rapides réalisés par le secteur. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi offre la possibilité de supprimer les forfaits mobiles comprenant un accès illimité aux données.
Or l’effet de cet article sur l’empreinte environnementale du numérique sera marginal, alors qu’il sera bien réel pour les ménages précaires et pour nos concitoyens qui ne disposent pas d’une connexion fixe wifi ; en revanche, cette mesure sera indolore pour les ménages les plus aisés, ce qui réduira son efficacité.
Alors que la couverture en très haut débit s’améliore progressivement, que nos concitoyens accèdent enfin à la 4G dans certains territoires, on leur ferait payer plus chèrement leur forfait. Le groupe RDSE s’oppose à cet article, qui est inéquitable et susceptible de creuser la fracture numérique.
De surcroît, nous rejoignons la position de M. Sébastien Soriano, ancien président de l’Arcep : « La nécessaire sobriété du numérique ne doit pas s’entendre comme la limitation des échanges en ligne. La crise a montré combien ces échanges étaient cruciaux à la vie de la Nation, et nulle autorité ne pourrait s’ériger en juge des bons ou des mauvais usages dans la démocratie. La profusion d’internet doit rester une source inépuisable de vitalité, d’expression et d’innovation ».
Il ne s’agit donc pas de ne rien faire face à l’augmentation de la demande en consommation de données, mais nous préférons privilégier la pédagogie à la contrainte et à l’application d’une disposition pénalisante pour l’ensemble des utilisateurs, sans égard pour le contexte de l’utilisation des réseaux mobiles.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 12.
Mme Marie-Claude Varaillas. Cet article tend à privilégier des modalités de tarification des forfaits mobiles incitant les consommateurs à favoriser une connexion filaire ou par accès wifi à une connexion impliquant une consommation de données mobiles.
Il est articulé, à ce titre, à l’article 13 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, lequel prévoit que le consommateur soit informé, dès 2022, de la quantité de données consommées, ainsi que des émissions correspondantes de gaz à effet de serre. L’entrée en application d’un tel article engagerait donc une pénalisation des consommateurs en fonction de leur consommation.
Pour notre part, nous considérons qu’il convient d’articuler justice environnementale, sociale et fiscale ; c’est d’ailleurs la base de la colère des « gilets jaunes ».
Ainsi, la voie de la pénalisation financière pour en appeler à des comportements écologiquement vertueux ne nous semble pas constituer un chemin acceptable pour nos concitoyens, en particulier dans le contexte de la crise du covid 19, alors que nombre d’entre eux doivent faire face à des difficultés financières accrues.
Nous proposons donc la suppression de cet article, lequel, à nos yeux, n’a pas sa place dans cette proposition de loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Dans notre rapport de juin 2020, nous avions proposé que soit instaurée une tarification des forfaits plus ou moins proportionnelle aux données mobiles fixées par l’offre.
Pourquoi avions-nous choisi d’aller dans cette direction ? Nous avions constaté que les réseaux mobiles sont beaucoup plus énergivores que les réseaux fixes : le simple visionnage d’une vidéo en 4G est quatre fois plus consommateur qu’un visionnage en wifi ! Je rappelle également que la consommation des réseaux mobiles est en grande partie proportionnelle aux usages qui en sont faits, ce qui n’est pas le cas des réseaux fixes.
Ces réalités sont souvent méconnues des Français, alors qu’elles expliquent en grande partie l’explosion du trafic de données mobiles – + 30 % par an –, qui jouera un rôle important dans l’accroissement considérable des impacts environnementaux des réseaux mis en avant dans notre rapport d’information. Je rappelle ainsi que la consommation énergétique des réseaux pourrait croître de 75 % d’ici à 2040.
Des forfaits mobiles dont la tarification serait totalement décorrélée des données mobiles consommées ne nous semblent donc pas souhaitables, car ils annulent le message qui pourrait être adressé au consommateur visant à privilégier une connexion wifi à une connexion mobile.
Nous notons également que ces forfaits constituent un biais tarifaire en faveur des plus gros consommateurs aux dépens des plus petits, qui correspondent souvent aux catégories de revenus les plus modestes. On sait, en effet, que ces personnes n’ont souvent pas les moyens de souscrire à des forfaits proposant des plafonds élevés de données ou à des forfaits illimités.
Forts de ce constat, nous avons finalement préféré, dans le cadre de cette proposition de loi, laisser les opérateurs trouver les modalités, notamment tarifaires, susceptibles d’inciter les consommateurs à privilégier une connexion wifi. Les engagements contraignants que les opérateurs devront prendre sur le fondement de l’article 23 pourront notamment inclure une tarification des forfaits mobiles plus incitative.
Tel est le sens de cet article 15, qui nous semble très équilibré. Nous sommes donc passés d’une obligation de moyens à une obligation de résultat, parfaitement dans l’esprit de la proposition de loi.
Sur les amendements identiques nos 8 rectifié et 12 visant à supprimer l’article 15, l’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Nous avions beaucoup débattu de ce sujet en commission, mais il nous semble que la discussion n’est pas arrivée à maturité et doit donc se poursuivre, c’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de l’article 15 en l’état.
Nous comprenons l’objectif proposé par le texte initial : il s’agissait d’envoyer un signal concernant la consommation supérieure de données.
Cependant, le sujet ne nous semble pas avoir totalement atterri, ne serait-ce que parce que, aujourd’hui, on ne paie rien en wifi, puisque la consommation de données n’est pas décomptée dans le forfait, au point que l’on peut probablement utiliser un téléphone portable sans forfait en wifi.
Nous comprenons l’objectif ici, et la rédaction de cette mesure a évolué, mais il nous semble que les choses ne sont pas encore mûres ; nous vous proposons donc de poursuivre la discussion dans le cadre de la navette parlementaire. Dans cette attente, nous sommes favorables à la suppression de l’article 15.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Il s’agit d’un article important dans ce travail collectif.
À mon sens, penser que le forfait illimité profite aux ménages modestes relève d’une erreur d’analyse : c’est l’inverse qui est vrai. Le forfait illimité est une machine infernale, car ceux qui offrent des programmes et des services ont toujours intérêt à proposer l’offre la plus performante, sans prêter la moindre attention à la quantité de data nécessaire.
Cela conduit alors à la situation que nous connaissons, avec l’obligation d’investir en urgence sur la 5G – c’est bien ainsi que cela nous est expliqué –, alors même que certains territoires sont encore très loin de la 3G !
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Tout à fait !
M. Ronan Dantec. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre exemple d’un agriculteur breton optimisant sa consommation de pesticides et qui doit donc capter la 4G. Toutefois, nous préférerions qu’il passe au bio, pour obtenir des résultats encore meilleurs ! Je peux par ailleurs témoigner que, cet été, depuis le centre-ville de Gourin, je ne pouvais même pas envoyer un texto.
Les forfaits illimités font que l’on a besoin de tuyaux toujours plus gros. Le rapporteur, M. Chevrollier, l’a bien dit : cela va conduire à une explosion des consommations énergétiques liées au réseau, même si, aujourd’hui, celles-ci sont moins élevées que celles des terminaux.
La machine ne s’arrêtera pas : plus d’investissement, cela signifie que, demain, tous les forfaits seront plus chers, parce qu’il va falloir payer en permanence cet investissement. Ne pas s’attaquer au forfait illimité est donc une erreur majeure qui se retournera contre les territoires les plus fragiles et contre les ménages modestes. Ne serait-ce que pour des raisons sociales, il faut s’attaquer à cette question !
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. Je voudrais expliquer l’origine de ces articles. Nous avons vécu, à partir du 15 mars, un confinement, à l’occasion duquel j’ai pu suivre ce qui se passait sur le terrain avec l’ensemble des opérateurs : en deux jours, les débits transités sur les réseaux ont doublé, ce qui a d’ailleurs donné lieu à une certaine crainte de l’ensemble des opérateurs et de tout l’écosystème.
Qu’a alors proposé l’Arcep ? J’entends que M. Sébastien Soriano a pris des positions que je ne m’explique pas, mais l’Arcep a proposé de demander aux utilisateurs de faire en sorte d’utiliser les réseaux fixes, donc la wifi, plus que les réseaux 4G, et de demander aux éditeurs de contenus de limiter les débits de transit, pour passer en mode standard plutôt qu’en mode HD. On a donc essayé de limiter les consommations par l’utilisation.
Par le biais de cette mesure sur les forfaits illimités, le même objectif est visé : il s’agit de faire prendre conscience du fait qu’un méga est un kilowatt et que sa consommation porte une valeur énergétique.
Aujourd’hui, on ne pourrait pas accepter, y compris dans cette assemblée, que nos forfaits de consommation électrique soient illimités. C’est pourtant ce que nous acceptons s’agissant des forfaits de data.
Nous devons privilégier l’approche consistant à indiquer que, chaque fois que l’on ouvre la possibilité de capter du débit sur les réseaux mobiles, on offre de la capacité en kilowatts.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 rectifié et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 3, présenté par MM. Dantec, Fernique et Benarroche, Mmes Benbassa et de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
peuvent privilégier
par le mot :
privilégient
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Cette proposition découle de la démonstration que nous avons commencé à développer en présentant l’amendement précédent, notamment au travers des propos très pertinents de Patrick Chaize : il s’agit de l’un des seuls domaines dans lequel les gens ne sont pas contraints de prêter attention à leur consommation, contrairement à l’eau, à l’électricité, ou à l’ensemble des autres secteurs dans lesquels chacun doit être responsable et connaître son impact. Ce n’est pas le cas ici.
La formulation actuelle est toutefois très timorée : « peuvent privilégier »… Dans ce « peuvent », existent toutes les possibilités, et je ne suis pas certain que le verbe « pouvoir » ait sa place dans un texte de loi.
Afin de clarifier la rédaction, et en écho à la démonstration que nous venons de faire, nous vous proposons de remplacer « peuvent privilégier » par « privilégient », en cohérence avec la discussion précédente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Pour les raisons qui ont déjà été évoquées, nous avons souhaité privilégier une obligation de résultat à une obligation de moyens en ne rendant pas obligatoire la tarification proportionnelle au volume de données mobiles.
Comme le disait mon collègue Guillaume Chevrollier, c’est par l’article 23, dans lequel nous imposons aux opérateurs de souscrire des engagements contraignants de réduction des impacts environnementaux, que la régulation va s’opérer.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. S’agissant du caractère obligatoire, il me semble que « privilégient » laisserait un peu de marge d’appréciation aux opérateurs et que les mots « peuvent privilégier » sont presque redondants. Cette légère souplesse me semble donc tout à fait bienvenue.
Mme la présidente. L’amendement n° 27 rectifié bis, présenté par Mme Sollogoub, M. de Legge, Mmes Morin-Desailly, Guidez et Herzog, MM. Brisson et Détraigne, Mme Richer, MM. Prince et Klinger, Mme Vermeillet, M. J.M. Arnaud, Mme Vérien, MM. Henno et Vanlerenberghe, Mme M. Mercier, M. Savin, Mme de Cidrac, MM. Wattebled et Buis, Mme Gruny, MM. Duplomb et P. Martin, Mme Gatel, MM. Belin et Laménie et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 38-…. – Afin de privilégier la connexion filaire à une connexion impliquant une consommation de données mobiles, les opérateurs s’engagent à entretenir le réseau filaire afin de maintenir sa qualité, et à prévenir les dysfonctionnements de ce réseau ainsi que du réseau cuivre, dans l’attente du déploiement de la fibre sur l’ensemble du territoire. »
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. Cet amendement vise à compléter une disposition de la présente proposition de loi prévoyant que les opérateurs peuvent inciter, par des tarifs avantageux, les consommateurs à privilégier la connexion filaire. Or celle-ci doit être assurée sur l’ensemble du territoire.
Pourtant, dans les zones rurales en particulier, il arrive que cette connexion soit insuffisante, voire endommagée, sur le réseau filaire cuivre, malgré les engagements des opérateurs à réparer les lignes défectueuses.
Le présent amendement a donc pour objet de garantir la possibilité pour tous les consommateurs de se tourner vers un réseau filaire ou cuivre en bon état de fonctionnement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cet amendement tend à soulever une problématique très importante : la dégradation du réseau filaire cuivre, dont nous avons tous fait l’expérience dans nos territoires. Cette situation n’est pas acceptable et découle, pour partie, du sous-entretien du réseau cuivre par l’opérateur historique.
Comme le notent très justement les auteurs de cet amendement, la dégradation du réseau fixe pousse bien souvent nos compatriotes à se connecter au réseau mobile, beaucoup plus consommateur d’énergie, pour avoir accès à internet.
En la matière, un cadre de régulation existe déjà : en tant qu’opérateur historique, Orange a été chargé de fournir le raccordement et le service sur ce réseau par un arrêté ministériel de novembre 2017. Sur ce fondement, l’Arcep avait mis en demeure Orange d’améliorer sa qualité de service sur le réseau cuivre, après avoir constaté une importante dégradation.
L’Arcep a, depuis lors, salué les efforts d’Orange pour l’amélioration du service universel. Nous souhaitons, bien entendu, que le régulateur maintienne sa vigilance en la matière.
Considérant que cet amendement tend à s’ajouter au cadre régulatoire existant, nous en demandons le retrait – à défaut, l’avis de la commission serait défavorable –, tout en reconnaissant que, malgré les mises en demeure d’Orange, la réalité sur le terrain reste complexe.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Dans un monde parfait, cet amendement devrait être satisfait ! Je vais le maintenir pour le principe.
Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes devant nous. Au vu du nombre de questions qui sont posées régulièrement par tous nos collègues, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, par écrit ou oralement, le problème n’est pas réglé. La fibre n’est pas encore arrivée partout ; certaines personnes attendent encore, et on ne peut pas leur dire d’attendre la fibre pendant encore des années.
Je profite de cet amendement pour vous demander de nous aider. On ne peut pas laisser des gens sans un accès filaire cuivre. Or c’est un service de base que l’on ne fournit pas à tout le monde sur le territoire. Ce n’est pas acceptable en France !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
I. – La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques, telle qu’elle résulte de la présente loi, est complétée par un article L. 38-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 38-6. – I. – Dans les conditions définies au présent article, les fournisseurs de services de communication au public en ligne dont la part du trafic généré par les services qu’ils proposent au sein du trafic constaté par les fournisseurs d’accès à internet excède un certain seuil sont tenus de respecter une obligation d’écoconception de ces services.
« II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de l’obligation prévue au I du présent article et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11.
« III. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, fixe les modalités d’application du présent article. Il fixe notamment le seuil mentionné au I.
« Il définit le contenu d’un référentiel général de l’écoconception qui fixe l’ensemble des règles relatives à l’écoconception des services numériques. Ce référentiel vise à définir des critères de conception durable des services numériques afin d’en réduire l’empreinte environnementale.
« Ces critères concernent notamment les règles relatives à l’ergonomie des services numériques, ainsi qu’à l’affichage et la lecture des contenus multimédias. Ces critères doivent également permettre de limiter le recours aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs des services numériques. »
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 2, présenté par M. Perrin, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
dont la part du trafic généré par les services qu’ils proposent au sein du trafic constaté par les fournisseurs d’accès à internet excède un certain seuil
II. – Alinéa 4, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Comme je le soulignais lors de la discussion générale, l’écoconception des environnements web ne doit pas être perçue comme un surcoût de conception pour les entreprises.
Cet amendement vise, en conséquence, à étendre l’obligation de l’article 16 à l’ensemble des entreprises, qui sont toutes concernées par l’objectif de sobriété numérique.
Mme la présidente. L’amendement n° 54 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Billon et de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Létard, MM. Mizzon et Le Nay, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud et Mmes Muller-Bronn, Borchio Fontimp et Demas, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse attribue un label aux fournisseurs de service de communication au public qui respectent ces critères, qu’ils excèdent ou non le seuil défini au I. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. J’ai présenté tout à l’heure des amendements qui visaient à limiter le renouvellement des terminaux. J’en viens maintenant à des amendements tendant à inciter à des pratiques plus vertueuses en matière environnementale. C’est le cas de cet amendement n° 54 rectifié.
L’article 16 de cette proposition de loi crée une obligation d’écoconception selon un référentiel, qui s’applique aux services numériques au-delà d’un certain seuil.
Par cet amendement, nous proposons la création d’un label matérialisant le respect de ces critères, qui serait attribué à la fois aux opérateurs ayant l’obligation de respecter ce référentiel et à ceux qui s’engageraient volontairement dans le respect de cette écoconception.
Cette mesure aurait donc un effet incitatif sur les opérateurs, y compris sur ceux qui n’ont pas l’obligation de satisfaire à ces règles.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 2, nous avons souhaité limiter l’obligation d’écoconception aux plus grands fournisseurs de contenus.
Il nous semble qu’un tel ciblage facilitera la lisibilité et l’opérationnalité du dispositif, qui conservera néanmoins en pratique toute sa portée. En effet, une part très importante de la bande passante est aujourd’hui occupée par un nombre très limité d’acteurs : selon les données issues de l’édition 2020 du rapport sur l’état d’internet en France, publié par l’Arcep, près de 80 % du trafic provient aujourd’hui de seulement quinze fournisseurs.
En outre, le référentiel général de l’écoconception mis en place pourra ensuite servir pour l’ensemble des acteurs, notamment pour les sites de services publics.
L’avis de la commission est donc défavorable sur cet amendement qui vise à rendre obligatoire l’écoconception des sites pour l’ensemble des fournisseurs de contenus, soit pour l’ensemble des personnes publiques et privées diffusant des contenus sur internet.
En ce qui concerne l’amendement n° 54 rectifié, l’article 16 prévoit qu’un référentiel général de l’écoconception soit respecté par les plus grands fournisseurs de contenus.
Nous estimons que ce référentiel pourra parallèlement servir de référence aux acteurs qui ne sont pas assujettis à cette obligation, mais qui seraient désireux de s’engager sur le chemin d’une conception numérique responsable, notamment les sites des services publics.
Cependant, si nous en comprenons l’objectif, l’attribution systématique d’un label aux fournisseurs qui respecteraient ces critères d’écoconception pourrait être lourde pour l’Arcep, et il ne nous semble donc pas opportun d’inscrire ce principe à l’article 16.
Nous demandons donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis de la commission serait défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 59, présenté par MM. Chevrollier et Houllegatte, au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
presse
insérer les mots :
et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
La parole est à M. le rapporteur.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le décret fixant les modalités d’application de l’article 16, prévoyant une obligation d’écoconception des services numériques, est pris après avis de l’Ademe, en plus de l’avis de l’Arcep déjà prévu par le dispositif.
En effet, nous avons été informés que des travaux, associant notamment l’Ademe, étaient en cours pour élaborer un référentiel général de l’écoconception, comme le prévoit le présent article. L’avis de cette dernière serait donc bienvenu pour élaborer le décret qui devra définir les grandes lignes de ce référentiel.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le Gouvernement est globalement défavorable à l’article 16, car il nous semble que les sites les plus consommateurs de données étant des sites notoirement américains, le sujet de leur régulation doit se traiter au niveau européen.
En outre, sur la forme, il nous semble que les dispositions proposées portent un risque d’inconventionalité.
Comme nous sommes hostiles à l’article, par extension, nous sommes défavorables à cet amendement de la commission.
Mme la présidente. L’amendement n° 1, présenté par M. Perrin, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Cet amendement vise à permettre une application immédiate du présent article rendant obligatoire l’écoconception des sites web et des services en ligne publics et de certaines entreprises.
Le report à 2023, proposé en commission des affaires économiques et introduit en commission du développement durable, n’est pas souhaitable, dans la mesure où il existe d’ores et déjà beaucoup de matière pour établir ce référentiel. Pourquoi attendre ? Il y aurait une certaine logique à se lancer immédiatement.
Il est important de créer des habitudes, afin de mettre en place un processus qui deviendra automatique. Je ne vois donc pas pourquoi on ne pourrait pas le faire immédiatement. Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. La définition de l’écoconception et la mise en place de son référentiel général doivent s’appuyer sur les travaux actuellement menés par l’Ademe et la Direction interministérielle du numérique, la Dinum, auxquelles il convient de laisser suffisamment de temps.
Un délai devra aussi être accordé aux acteurs concernés pour s’approprier ces outils. Une entrée en vigueur en 2023 nous semble indispensable.
La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 16, modifié.
(L’article 16 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 16
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 38, présenté par MM. Salmon, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le I de l’article L. 581-4 du code de l’environnement, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Toute publicité numérique est interdite en agglomération et hors agglomération, sur les voies ouvertes à la circulation publique, ainsi que dans les aéroports, gares ferroviaires et routières, stations et arrêts de transports en commun.
« Par dérogation à l’article L. 581-2, cette disposition s’applique également aux publicités numériques situées à l’intérieur d’un local lorsque leur emplacement les rend visibles depuis la voie publique.
« Cette interdiction ne s’applique pas aux dispositifs destinés exclusivement aux informations d’intérêt général à caractère national ou local dont la liste est définie par décret, sous réserve du respect des dispositions du présent article et de l’article L. 581-8. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Nous assistons, depuis quelques années, au déploiement dans l’espace public d’écrans publicitaires numériques très envahissants, qui provoquent un gaspillage de ressources naturelles et d’énergie.
C’est le cas, par exemple, à Paris, dans les transports en commun et dans les gares, mais aussi dans bien d’autres métropoles de France.
Or un panneau publicitaire numérique consomme sept fois plus qu’un panneau d’affichage classique rétroéclairé et treize fois plus s’il comporte deux faces. Un écran de deux mètres carrés consomme, par exemple, 6 800 kilowattheures par an, soit la consommation d’un couple avec un enfant. Cela va donc complètement à l’encontre des objectifs de sobriété.
Le Réseau de transport électrique, RTE, dans son bilan annuel de novembre 2019, les a lui-même qualifiés de « superflus » et de « non prioritaires ».
La mesure que nous proposons répond aussi à un impératif de santé publique : l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, dans des lignes directrices publiées en avril 2019, comme le Défenseur des droits, dans un rapport publié en 2018, ont alerté sur les effets nocifs de l’utilisation de toute forme d’écran pour les enfants de moins de six ans. Ces écrans génèrent une surcharge cognitive au quotidien et nuisent au développement intellectuel. Les études s’accumulent sur ce sujet et recommandent d’en proscrire l’usage.
Mes chers collègues, la transformation de nos villes en gigantesques panneaux publicitaires numériques est un sujet majeur. Ce texte de loi sur le numérique offre aussi l’occasion de légiférer, enfin, sur cette problématique, alors qu’une majorité de Français souhaite voir disparaître ces écrans.
L’article L. 581-2 du code de l’environnement permet déjà de réglementer la publicité dans l’espace public. Cet amendement vise à interdire dans l’espace public les publicités par affichage numérique à d’autres fins que l’intérêt général.
Il s’agit d’interdire non pas l’activité publicitaire, mais bien un support qui pose des problèmes spécifiques en termes de consommation de ressources et de santé publique.
Mme la présidente. L’amendement n° 39, présenté par MM. Salmon, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le I de l’article L. 581-4, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Pour des motifs de santé publique, toute nouvelle publicité numérique au sens du présent code est interdite en agglomération et hors agglomération, sur les voies ouvertes à la circulation publique, ainsi que dans les aéroports, gares ferroviaires et routières, stations et arrêts de transports en commun de personnes. Par dérogation à l’article L. 581-2, cette interdiction s’applique également aux publicités situées à l’intérieur d’un local lorsqu’elles sont visibles depuis la voie publique.
« Les publicités numériques existantes sont retirées avant une date et selon des modalités définies par décret. » ;
2° Le dernier alinéa de l’article L. 581-9 est supprimé.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement de repli vise à interdire l’installation de nouveaux écrans publicitaires numériques et à prévoir que le retrait des écrans existant sera fixé par voie réglementaire, afin de laisser plus de marges et de temps pour la mise en application de cette disposition nécessaire.
Par ailleurs, nous proposons que les publicités numériques situées dans les vitrines des magasins soient intégrées à la législation concernant l’espace public, afin de réguler leur implantation.
Mes chers collègues, vous vous promenez tous dans nos villes et vous savez donc que, aujourd’hui, nous sommes agressés en permanence par ces panneaux numériques, parce que notre cerveau est conditionné pour regarder tout ce qui bouge. Nous sommes donc forcément captivés. Tous les passants reçoivent ainsi une grosse charge cognitive, que ces panneaux se trouvent dans l’espace public ou à l’intérieur d’une vitrine. Il s’agit donc bien d’un sujet de santé publique.
Mme la présidente. L’amendement n° 40, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le II de l’article L. 581-4 du code de l’environnement, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Le maire ou, à défaut, le préfet, sur demande ou après avis du conseil municipal, peut interdire par arrêté tout dispositif publicitaire numérique sur les voies ouvertes à la circulation publique, dans les gares, stations et arrêts destinés aux transports publics de personnes, qui se situent sur le territoire de sa commune. »
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Il s’agit encore d’un amendement de repli, qui vise à donner aux maires la possibilité d’imposer cette interdiction. Ici, nous réduisons encore un peu le champ de cette mesure, mais nous permettons aux maires d’agir.
J’ajoute que je ne nie aucunement les impacts positifs du numérique que M. le secrétaire d’État évoquait précédemment. Certes, son exemple n’était pas très bien choisi, et je mettrais l’accent, quant à moi, plutôt sur le télétravail ou sur le covoiturage.
Là, il s’agit simplement de panneaux publicitaires, et nous constatons, à la charge du numérique, des consommations induites par des vidéos se déclenchant automatiquement ou par des écrans. Cela ne va pas dans le sens de la sobriété. Il s’agit bien d’un impact du numérique, certes pas immédiat, mais différé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Il s’agit ici de la publicité numérique et de la pollution qu’elle suscite, pollution visuelle, tout d’abord, mais également environnementale, du fait de l’utilisation de ressources et d’espace qu’elle entraîne.
L’argumentation que je vais développer s’appliquera également aux amendements nos 39 et 40, qui ont le même objet.
L’amendement n° 38 vise à instaurer le principe de l’interdiction de toutes les publicités numériques sur les voies de circulation publique – dans les aéroports, les gares, les stations et arrêts de transports en commun de personnes. Cette interdiction s’appliquerait également aux publicités situées à l’intérieur d’un local lorsqu’elles sont visibles depuis la voie publique, mais ne s’appliquerait pas aux panneaux d’information publique non commerciale et aux panneaux indispensables à l’intérêt général.
Ce sujet a déjà suscité de larges débats, notamment lors de l’examen de la proposition de loi déposée par la députée Delphine Batho le 11 février dernier à l’Assemblée nationale.
D’une manière générale, dans le cadre de cette proposition de loi, notre démarche a consisté à ne pas aborder le champ de la publicité, dans la mesure où les enjeux y afférents débordaient le simple cadre de l’empreinte environnementale du numérique. Nous avons donc délibérément fait le choix de ne pas inclure ce sujet dans ce texte, considérant qu’il ne constitue pas le vecteur approprié pour ce type de disposition.
Ces amendements visent à interdire sous une forme ou sous une autre la publicité numérique dans l’espace public.
Nous considérons que, si ces questions doivent être débattues – vous avez raison, mes chers collègues, d’avoir déposé ces amendements d’appel – elles doivent l’être de manière globale, à l’occasion de l’examen du projet de loi sur le climat ou de celui du projet de loi 4D.
L’amendement n° 40 vise à permettre aux maires d’agir sur les zones de publicité restreintes : le projet de loi 4D offrira peut-être l’occasion de conforter leur pouvoir en la matière.
Le chapitre 2 de l’avant-projet de loi Climat comporte également des mesures visant à réguler la publicité dans le but de limiter les incitations à la consommation : il prévoit notamment des mesures de décentralisation du pouvoir de police de la publicité, qui serait ainsi exercé par le maire, que la commune dispose ou non d’un règlement local de publicité, ou encore des dispositions permettant d’encadrer davantage la publicité dans le cadre des règlements locaux de publicité, notamment à l’intérieur des vitrines.
Par ailleurs, il nous semble inopportun d’intégrer à ce stade de l’examen de notre texte, c’est-à-dire sans avoir du tout étudié ce champ de la pollution numérique ni même entendu les acteurs de ce secteur, des dispositions dont les effets seraient particulièrement importants, en termes économiques notamment.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 38, 39 et 40.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Le Gouvernement a eu l’occasion de présenter sa position globale quant à l’économie générale du secteur de la publicité et à son impact connexe sur des secteurs comme celui de la presse.
Il souhaite notamment que l’avant-projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat prévoie l’interdiction de la publicité pour les énergies fossiles, que les arbitrages soient renvoyés à des négociations sectorielles et, enfin, que les pouvoirs de police du maire soient renforcés. Ce dernier sera donc doté de pouvoirs élargis en matière de régulation de la publicité dans sa commune.
Ces trois amendements tendent à instaurer des interdictions transversales, ce qui ne correspond pas à la philosophie de la politique du Gouvernement en la matière.
J’émets donc moi aussi un avis défavorable sur les amendements nos 38, 39 et 40.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Comme dit l’adage, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !
On peut toujours remettre à plus tard, mais aujourd’hui, dans les transports publics, on remplace massivement les panneaux pour les publicités sur support papier par des panneaux numériques. Dans les mois qui viennent, ces remplacements seront multipliés par trois ou quatre. Si nous tergiversons encore, nous aurons donc des panneaux publicitaires numériques partout. Or ces derniers nous agressent et constituent une réelle pollution.
Dans la ville de Rennes, que je connais bien, une démarche a été engagée pour limiter le nombre de ces panneaux publicitaires numériques : on n’en installera sans doute pas dans la seconde ligne de métro, et, parmi ceux qui sont déjà installés, peut-être en retirera-t-on certains. Cela pourrait se faire aussi ailleurs.
Mme la présidente. L’amendement n° 35, présenté par MM. Devinaz, Gillé, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Michau, Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 11° de l’article 18 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Un bilan de la mise en œuvre par les éditeurs et les distributeurs de services de mesures de nature à limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur au regard des objectifs fixés par la stratégie nationale bas carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement et conformément aux engagements internationaux de la France, et les recommandations qu’il a émises pour remédier aux manquements constatés. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, a pour mission de veiller à ce que le développement du secteur de la communication audiovisuelle s’accompagne d’un niveau élevé de protection de l’environnement.
Le CSA a exprimé le souhait d’accompagner les transformations profondes suscitées par la lutte contre le réchauffement climatique.
Compte tenu de l’impact environnemental du secteur audiovisuel, notamment dans ses composantes de diffusion et de distribution des contenus, et de la nécessité de sensibiliser le grand public, le CSA a toute sa place dans cette proposition de loi, aux côtés notamment de l’Autorité de régulation des communications électroniques, l’Arcep, et de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’Ademe, pour aller vers davantage de sobriété numérique.
Cet amendement vise à prévoir que le rapport annuel du CSA comprenne un bilan de la mise en œuvre par les éditeurs et les distributeurs de services des mesures de nature à limiter les émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’audiovisuel au regard des objectifs fixés par la stratégie nationale bas-carbone et conformément aux engagements internationaux de la France, et les recommandations qu’il a émises pour remédier aux manquements constatés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Nous comprenons et partageons l’objectif des auteurs de cet amendement.
Pour autant, nous nous demandons s’il est pertinent de multiplier les cadres de régulation : dans la proposition de loi, nous avons pour l’instant fait le choix de confier cette régulation à l’Arcep, tout en consacrant le rôle de l’Ademe dans la production de données et de connaissances sur le sujet.
Par ailleurs, nous n’avons pas consulté le CSA dans le cadre de nos travaux ; nous ne sommes donc pas en mesure de juger si cette instance sera réellement capable de mener la mission que vous souhaitez lui confier et si cette mission aura une plus-value environnementale certaine.
Sur cet amendement, la commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. À l’invitation de M. le rapporteur, je porterai la voix du CSA. Celui-ci estime que cette mission ne relève ni de sa compétence ni de son champ de responsabilités ; il ne souhaite pas que cet amendement soit adopté.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 34, présenté par MM. Devinaz, Gillé, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Michau, Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le chapitre IV du titre II de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre …
« Régulation environnementale des services de communication audiovisuelle
« Art. 43-…. – I. – Les diffuseurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle, les distributeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande et les plateformes de partage de vidéos font figurer, selon des modalités fixées par décret, en accompagnement des contenus proposés au visionnage sur le territoire français, un indice d’impact environnemental de cette vidéo.
« L’indice est calculé à partir de données de référence mises à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.
« II. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article. Il fixe notamment les caractéristiques des contenus concernés par les dispositions mentionnées au I. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. La sensibilisation des consommateurs à l’impact environnemental de leurs usages numériques est un axe essentiel pour inciter à la sobriété des comportements. Elle passe par une information transparente sur l’impact carbone des consommations de vidéos.
Notre amendement vise donc à instaurer une information du consommateur sur l’indice environnemental lié au stockage et au visionnage des vidéos.
Pour plus d’efficacité, il est proposé qu’un décret fixe les caractéristiques des contenus visés par cette mesure, notamment en fonction de leur poids.
Si cette prise de conscience par les consommateurs de l’impact de leurs usages numériques les plus énergivores est essentielle, elle doit s’accompagner d’une évolution des pratiques des professionnels, notamment des grandes plateformes de streaming. À défaut, il faudra certainement envisager des mesures pour agir sur l’offre et contraindre davantage les usages.
Dans une étude publiée en juillet 2019 et intitulée Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne, The Shift Project met en évidence que les vidéos en ligne constituent le secteur le plus énergivore de nos activités numériques.
Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Billon et de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Guerriau et Mizzon, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud, Mmes Muller-Bronn, Borchio Fontimp et Létard et M. Le Nay, est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques, telle qu’elle résulte de la présente loi, est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. 38-…. – À compter du 1er janvier 2022, et dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les fournisseurs de services de communication au public indiquent, selon le type de connexion utilisé, la quantité de données correspondant à l’utilisation de leurs services et l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant. Lorsque le service de communication au public est un service de médias audiovisuels à la demande tel que défini à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sont indiqués, lors de la lecture, la quantité de données correspondant et l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre selon le niveau d’affichage et de résolution proposé.
« Les équivalents d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la consommation de données sont établis suivant une méthodologie mise à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Les usages du numérique ont un impact sur l’environnement qui s’accentue à mesure que le trafic augmente. Or ce dernier s’accroît de manière considérable, puisque l’on considère qu’il double en trois ans.
Il faut inciter les utilisateurs à une plus grande sobriété, et, pour cela, il faut qu’ils soient mieux informés sur l’impact de leurs usages.
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et pour l’économie circulaire prévoit une information a posteriori des consommateurs sur leur consommation en CO2. Cet amendement tend à imposer que cette information soit délivrée en temps réel, pendant que les consommateurs sont connectés, pour l’ensemble des services de communication.
Mme la présidente. L’amendement n° 53 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Capo-Canellas, Mme Létard, M. Delcros, Mmes Billon et de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet, P. Martin et Hingray, Mme Perrot, MM. de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, MM. Guerriau et Mizzon, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud, Mmes Muller-Bronn et Borchio Fontimp et M. Le Nay, et ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques, telle qu’elle résulte de la présente loi, est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. 38-…. – À compter du 1er janvier 2022, et dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les services de médias audiovisuels à la demande tels que définis à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication indiquent, lors de la lecture, selon le type de connexion utilisé et selon le niveau d’affichage et de résolution proposé, la quantité de données correspondant à l’utilisation de leurs services et l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre correspondant.
« Les équivalents d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la consommation de données sont établis suivant une méthodologie mise à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Il s’agit d’un amendement de repli. Ici, nous ne visons que les services à la demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 34, si nous partageons l’objectif d’une meilleure information des utilisateurs quant à l’impact environnemental des vidéos, nous préférons à l’instauration d’un indice d’impact environnemental, probablement lourd à mettre en œuvre, une obligation d’information sur la quantité de gaz à effet de serre qui est associée au visionnage d’une vidéo.
J’en viens à l’amendement n° 52 rectifié bis. L’obligation d’information de l’utilisateur quant à la quantité de gaz à effet de serre émise lors de l’utilisation de tout type de services de communication au public en ligne nous semble constituer une obligation trop générale, pesant sur un trop grand nombre d’acteurs et pour une diversité d’usages qui rendrait difficile l’établissement d’une méthodologie appropriée de quantification des impacts.
En revanche, il nous semble pertinent que l’utilisateur soit informé des effets des vidéos visionnées sur les sites de VOD.
En particulier, il nous paraît utile que soient distinguées les émissions de gaz à effet de serre associées au visionnage d’une vidéo selon le niveau d’affichage et de résolution proposé et selon le type de connexion utilisé. Par ce biais, l’utilisateur pourra par exemple prendre conscience du fait que le visionnage d’une vidéo en 4G est quatre fois plus consommateur en énergie que le visionnage d’une vidéo en wifi.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 34 et 52 rectifié bis, mais favorable sur l’amendement n° 53 rectifié bis.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Si nous ne nions pas la nécessité de sensibiliser le grand public aux émissions de gaz suscitées par le visionnage de vidéos, je rappelle qu’une concertation est en cours sur ces sujets.
Par ailleurs, les serveurs de stockage des très gros fournisseurs de vidéos se trouvent aux États-Unis. Compte tenu de la territorialisation de la loi, nous ne serions vraisemblablement pas en mesure d’appliquer la disposition proposée aux vidéos stockées sur ces serveurs américains, dont les services sont pourtant les plus utilisés par nos concitoyens.
L’adoption d’une telle disposition créerait donc une asymétrie au désavantage des quelques acteurs européens de la vidéo et au bénéfice des acteurs américains.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. Hervé Maurey. Je retire l’amendement n° 52 rectifié bis, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 52 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 53 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 16.
Article 17
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le deuxième alinéa du III de l’article L. 225-102-1 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les entreprises exerçant une activité de fournisseur de services de communication au public en ligne, la déclaration comprend par ailleurs des informations relatives aux stratégies et techniques déployées dans la conception des services de communication au public en ligne afin de capter l’attention des utilisateurs et d’accroître le temps passé par eux sur ces services. »
La parole est à M. Gérard Lahellec.
M. Gérard Lahellec. Cet amendement vise à rétablir un article qui figurait dans le projet initial et qui prévoyait des obligations réglementaires, mais qui a disparu au profit d’une préconisation de mise en place d’un référentiel – ce n’est pourtant pas tout à fait la même chose !
Nous considérons en effet que le référentiel risque de se transformer en un catalogue de bonnes intentions, certes sûrement rationnelles dans leur construction technique. Or de simples préconisations ne sont pas aussi contraignantes que des dispositions faisant obligation de mentionner un certain nombre d’informations.
Au référentiel, nous préférons la loi. C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’obligation prévue dans la rédaction initiale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Les modifications introduites par la commission à l’article 16, visant à ce que soit créé un référentiel général de l’écoconception, vont plus loin que ce que préconisait l’article 17 dans sa version initiale : au lieu de demander l’intégration dans le rapport d’informations relatives aux stratégies de captation de l’attention, l’article 16 inclut directement dans le référentiel de l’écoconception les critères qui limiteront le recours à ces stratégies.
Nous considérons donc que l’article 16 est plus ambitieux que cet amendement visant à rétablir l’article 17. Il ne nous paraît pas opportun de multiplier les obligations à ce sujet.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 17 demeure supprimé.
Article additionnel après l’article 17
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié bis, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mmes Billon et de La Provôté, M. Le Nay, Mme Létard, MM. Mizzon, Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Menonville, Verzelen, Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud et Mmes Muller-Bronn, Borchio Fontimp et Demas, est ainsi libellé :
Après l’article 17 (Supprimé)
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques, telle qu’elle résulte de la présente loi, est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. L. 38-…. – Les services de médias audiovisuels à la demande tels que définis à l’article 2 de la loi n° 861067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont tenus de proposer au minimum un niveau d’affichage et de résolution des vidéos n’excédant pas un niveau de consommation de données défini par décret.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de cette obligation et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Les vidéos à la demande représentent aujourd’hui 60 % du trafic internet.
Leur consommation ne fera qu’augmenter avec l’amélioration de la qualité de la définition des vidéos. Or le visionnage d’une heure de vidéo haute définition suscite trois fois plus d’émissions que celui d’une vidéo standard.
Il convient de maîtriser cette augmentation des volumes de données, donc des émissions. Aussi, cet amendement vise à permettre aux utilisateurs de choisir entre deux types de services : la vidéo basse consommation et la vidéo haute définition. Certains opérateurs le proposent déjà.
Nous suggérons que cette possibilité soit étendue, de telle sorte que les utilisateurs puissent choisir la qualité de la définition, donc du volume de consommation, et ce pour l’ensemble des services à la demande.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement est satisfait dans la pratique par les principaux fournisseurs de contenus, qui permettent déjà à l’utilisateur d’ajuster la qualité de visionnage.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Monsieur le rapporteur, ce que vous avez indiqué est inexact : si certains opérateurs proposent cette possibilité, ce n’est pas le cas de toutes les plateformes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 55 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 18
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 14, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. L. 38-…. – I. – Les services de médias audiovisuels à la demande tels que définis à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication s’assurent que la qualité de visionnage des vidéos n’excède pas la résolution maximale des équipements numériques utilisés par les utilisateurs de ces services.
« Un décret définit les catégories d’équipements concernées ainsi que les conditions d’application de cette disposition.
« II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de cette obligation et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du présent code. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Dans la droite ligne du précédent amendement, nous proposons le rétablissement de l’article 18, qui reprend une préconisation de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique.
Il s’agit en l’espèce d’obliger les services de médias audiovisuels à la demande à adapter la qualité de la vidéo visionnée à la résolution maximale du terminal.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Au sein de la commission, nous avons souhaité privilégier une régulation s’appuyant sur une obligation générale d’écoconception des services numériques et sur la fixation de règles précises dans un référentiel adaptatif, créé à l’article 16, plutôt que de recourir à des interdictions législatives.
En effet, les mesures législatives sont rigides et lentes d’évolution, des caractéristiques incompatibles avec la multitude des usages numériques et leur mutation constante du fait des nombreuses innovations que connaît le secteur. Il nous semble donc que les dispositions visées par les articles 18, 19 et 20 supprimés seront mieux servies par un référentiel unique, qui pourra définir des règles sur une palette de sujets bien plus large.
Nous rappelons que les sujets visés dans les articles 18, 19 et 20 de la proposition de loi seront encadrés par le référentiel, puisque l’article 16 précise que les critères du référentiel devront notamment concerner « les règles relatives à l’ergonomie des services numériques, ainsi qu’à l’affichage et la lecture des contenus multimédias ».
Nous rappelons également que, si ce référentiel n’est pas de nature législative, l’obligation d’écoconception l’est et sera vérifiée par l’Arcep, qui disposera d’un pouvoir de sanction.
Il nous semble contre-productif de rétablir en parallèle de ce référentiel des interdictions législatives qui rendraient la régulation en vigueur moins adaptative à la mutation constante des pratiques numériques.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 15 est présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 37 est présenté par MM. Salmon, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. L. 38-…. – I. – Sont interdits le chargement et la lecture automatiques de vidéos mises à disposition sur des services de communication au public en ligne.
« Par dérogation au premier alinéa du présent I, le chargement et la lecture automatique de vidéos sont autorisés sur les services de médias audiovisuels à la demande tel que défini à l’article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ainsi que sur les services consistant, à titre principal ou secondaire, à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d’échanges au sein de communautés d’intérêt, sous réserve que l’utilisateur puisse librement activer et désactiver la fonctionnalité de chargement et de lecture automatique, et que cette fonctionnalité soit désactivée par défaut.
« II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect des dispositions prévues au I du présent article et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du présent code. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas, pour présenter l’amendement n° 15.
Mme Marie-Claude Varaillas. Dans la même logique que précédemment, nous proposons le rétablissement de cet article, que nous considérons comme hautement symbolique.
En effet, nous préférons une interdiction en bonne et due forme au renvoi à un référentiel défini par des ingénieurs, puis entériné par décret sans contrôle démocratique et dont on se doute que les exigences seront minimales.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 37.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise également à rétablir l’article 19, qui prévoit de mettre fin au lancement automatique de vidéos lors de la consultation de sites internet.
Nous sommes tous pollués par ces vidéos, très souvent publicitaires, qui se lancent de manière intempestive et participent des effets secondaires du numérique.
Comme je l’ai indiqué précédemment, mieux vaut tenir que promettre ou remettre à plus tard. Or le référentiel général d’écoconception n’offrira pas de garanties suffisantes pour la bonne opérationnalité de cette disposition.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Comme l’a expliqué M. Chevrollier, le référentiel obligatoire d’écoconception nous paraît plus opportun que des dispositions législatives.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 16, présenté par Mme Varaillas, MM. Lahellec, Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 38-… ainsi rédigé :
« Art. L. 38-…. – I. – La technique de conception consistant à permettre à un utilisateur d’un service de communication au public en ligne de charger de manière continue du contenu, sans procéder à une méthode de pagination pour délimiter le contenu chargé, est interdite.
« II. – L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect des dispositions prévues au I et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11. »
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 20 demeure supprimé.
Chapitre IV
Promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores
Article additionnel avant l’article 21
Mme la présidente. L’amendement n° 17, présenté par Mme Varaillas et MM. Lahellec et Gay, est ainsi libellé :
Avant l’article 21
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’utilisation des gaz frigorigènes tels que les hydrofluocarbures est interdite dans les centres de stockage des données à compter du 1er janvier 2023.
La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Les fluides frigorigènes font l’objet d’un encadrement, voire d’une interdiction au niveau européen. De fait, l’échelon européen nous paraît le plus pertinent pour encadrer l’utilisation de tous ces types de gaz.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 17.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 21
Le e du C du 8 de l’article 266 quinquies C du code des douanes est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Le tarif réduit est applicable lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« 1° Un système de management de l’énergie conforme aux critères prévus au second alinéa de l’article L. 233-2 du code de l’énergie est mis en œuvre dans le centre de stockage des données ;
« 2° L’entreprise exploitant le centre de stockage des données adhère à un programme, reconnu par une autorité publique, nationale ou internationale, de mutualisation des bonnes pratiques de gestion énergétique des centres de données incluant :
« a) L’écoconception des centres de stockage de données ;
« b) L’optimisation de l’efficacité énergétique ;
« c) Le suivi de la consommation énergétique et la réalisation de comptes rendus périodiques y afférents ;
« d) La mise en œuvre de technologies de refroidissement répondant à des critères de performance ;
« 3° Le centre de stockage de données numériques valorise la chaleur fatale, notamment à travers un réseau de chaleur ou de froid, ou respecte un indicateur chiffré déterminé par décret sur un horizon pluriannuel en matière d’efficacité dans l’utilisation de la puissance ;
« 4° Le centre de stockage de données numériques respecte un indicateur chiffré déterminé par décret sur un horizon pluriannuel en matière de limitation d’utilisation de l’eau à des fins de refroidissement. »
Mme la présidente. L’amendement n° 50, présenté par Mme Loisier, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 8
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
Le I de l’article 167 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « neuf » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Il s’agit d’un amendement de coordination avec la loi de finances pour 2021.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis, présenté par Mmes Sollogoub et Herzog, M. Détraigne, Mme Richer, MM. Prince et Klinger, Mme Vermeillet, M. J.M. Arnaud, Mme Vérien, MM. Henno et Vanlerenberghe, Mme Gruny, MM. Duplomb, P. Martin et Belin, Mme Billon et M. Laménie, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …) La récupération de la chaleur fatale générée par les centres de données ;
La parole est à Mme Nadia Sollogoub.
Mme Nadia Sollogoub. J’ai fait partie de la mission d’information dont les travaux ont inspiré ce texte. Lorsque j’ai intégré ce groupe de travail, j’avais une idée préconçue : j’espérais que nous parviendrions à la conclusion selon laquelle nous pourrions très prochainement chauffer nos maisons et nos bureaux avec la chaleur émise par nos équipements numériques.
Sans doute cette idée était-elle prématurée, car telle n’a pas été la conclusion de nos travaux. Elle n’en paraît pas moins évidente : nous passons le plus clair de notre temps à débattre de la part des énergies fossiles, du nucléaire et de l’éolien au sein du mix énergétique, alors que nous avons cette énergie sous la main ! S’il est pour l’heure techniquement impossible de l’utiliser, je suis certaine que cela viendra très vite.
Il faudra alors que nous soyons capables de changer de regard. Même si, actuellement, l’énergie est un bien de consommation comme un autre, qui est produit et vendu par des entreprises, il faudra, un jour, que nous soyons capables d’utiliser cette énergie que nous avons sous la main, sans que l’économie de marché y fasse obstacle.
Pour l’heure, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 26 rectifié bis est retiré.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance pour achever l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
L’amendement n° 23, présenté par M. Perrin, est ainsi libellé :
I. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux neuf précédents alinéas, le tarif réduit est applicable automatiquement lorsque le centre de stockage des données utilise un système de refroidissement adiabatique. »
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin. Les auteurs de cette proposition de loi souhaitent que les centres de stockage de données utilisant un système de refroidissement adiabatique bénéficient du taux réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, la TICFE.
Dans l’absolu, le refroidissement adiabatique semble être éligible au bénéfice du taux réduit, au regard des conditions fixées par l’article 21 de la proposition de loi, notamment compte tenu de ses bonnes performances énergétiques.
Cependant, ce bénéfice ne serait pas automatique dans la mesure où d’autres conditions, qui n’ont pas trait au matériel lui-même, mais à la manière dont il est utilisé au sein du data center, sont exigées. Il s’agit en particulier de celles qui portent sur la mise en œuvre d’un système de management de l’énergie et sur l’adhésion à un programme de mutualisation des bonnes pratiques énergétiques. Cette incertitude risque de limiter l’attrait des climatisations adiabatiques pour les acheteurs potentiels.
Cet amendement tend à préciser expressément que les data centers utilisant un système de refroidissement adiabatique bénéficieront du taux réduit, indépendamment des conditions exigées par l’article 21. En revanche, les critères continueront de s’appliquer pour déterminer l’éligibilité au taux réduit de ceux qui auront recours à un autre système de refroidissement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Le refroidissement adiabatique consiste à rafraîchir un centre de données, sans échange de chaleur et par un procédé mécanique, grâce à une mise en contact de l’air chaud avec de l’eau.
Si ce système de refroidissement exploite une technologie qui contribue à réduire l’impact environnemental des centres de données, il ne semble pas pertinent d’utiliser ce critère pour ouvrir automatiquement le droit à l’octroi du tarif réduit de TICFE. En effet, nous considérons que le critère énergétique n’est pas le seul à considérer pour obtenir ce tarif réduit. Les centres de données doivent notamment respecter une limitation des volumes d’eau utilisés à des fins de refroidissement, comme le prévoit la rédaction actuelle de l’article 21.
La commission a donc émis un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 21, modifié.
(L’article 21 est adopté.)
Article 21 bis (nouveau)
I. – À la première phrase du e du C du 8 de l’article 266 quinquies C du code des douanes, les mots : « un gigawattheure » sont remplacés par les mots : « cinq cents mégawattheures ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. – (Adopté.)
Article 22
(Supprimé)
Article 23
La section 3 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques est complétée par un article L. 38-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 38-7. – Le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, les engagements pluriannuels de réduction des impacts environnementaux des réseaux de communications électroniques qui doivent être souscrits auprès de lui par les opérateurs. Lorsque l’activité de l’opérateur le justifie, ces engagements incluent une planification de l’extinction progressive d’anciennes générations de réseaux de communications électroniques, sans préjudice des engagements souscrits par les opérateurs afin de contribuer à l’aménagement et à la couverture numérique des zones peu denses du territoire. Ils incluent également des initiatives tendant à réduire les impacts environnementaux associés à la fabrication et à l’utilisation des boîtiers de connexion internet et des décodeurs mis à disposition de leurs abonnés.
« Un décret précise les critères environnementaux devant être inscrits dans les engagements prévus au premier alinéa du présent article. Les engagements doivent notamment s’inscrire en cohérence avec les objectifs fixés par la stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone mentionnée à l’article L. 222-1 B du code de l’environnement.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse contrôle le respect de ces engagements et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L. 36-11 du présent code.
« Ces engagements doivent être souscrits au plus tard le 1er janvier 2023 et sont renouvelés tous les quatre ans. » – (Adopté.)
Article 23 bis (nouveau)
Après le 7° de l’article L. 36-6 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Les contenus et les modalités de mise à disposition, y compris à des organismes tiers recensés par l’Autorité, d’informations fiables et comparables relatives à l’empreinte environnementale des réseaux et des services de communications électroniques et la détermination des indicateurs et méthodes employées pour la mesurer. »
Mme la présidente. L’amendement n° 51, présenté par Mme Loisier, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
environnementale
insérer les mots :
des services de communication au public en ligne mentionnés à l’article L. 38-6 du présent code ainsi que
La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Par cohérence avec le texte, cet amendement tend à élargir le pouvoir de recueil des données confié à l’Arcep aux services en ligne soumis à l’obligation d’écoconception, c’est-à-dire à ceux qui consomment le plus de bande passante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. L’avis est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet que l’Arcep puisse recueillir les informations relatives à l’obligation d’écoconception imposée aux services de communication au public en ligne. Or il nous semble qu’un tel élargissement de la compétence de l’Arcep doit a minima faire l’objet d’une réflexion.
Même s’il souhaite étendre le recueil des données sur ces sujets, le Gouvernement reste défavorable à l’article 16, pour des raisons de territorialité de la loi.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 23 bis, modifié.
(L’article 23 bis est adopté.)
Article 24
I. – La première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques est complétée par les mots : « et des impératifs de préservation de l’environnement ».
II (nouveau). – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
Mme la présidente. L’amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Maurey, Capo-Canellas et Delcros, Mme Billon, M. Le Nay, Mme Létard, M. Mizzon, Mme de La Provôté, MM. Cigolotti, Canevet et P. Martin, Mme Perrot, MM. Hingray, de Nicolaÿ, Menonville, Verzelen, Mandelli, Pellevat, Duplomb, Sautarel et Daubresse, Mme Imbert, MM. Wattebled et Duffourg, Mme Dumont, M. J.M. Arnaud, Mme Sollogoub, M. Guerriau, Mme Pluchet, M. Lefèvre, Mme Joseph, MM. Rapin et Paccaud et Mmes Muller-Bronn, Borchio Fontimp, Saint-Pé, Demas et Férat, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
entre en vigueur
par les mots :
est applicable à toute nouvelle attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences radioélectriques dans le cadre du déploiement d’un réseau de communications électroniques de nouvelle génération et au plus tard
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. L’article 24 tend à inscrire la préservation de l’environnement comme critère d’attribution des fréquences par l’Arcep.
La proposition de loi prévoit que ces critères entreront en vigueur à partir de 2023. Cet amendement vise à s’assurer qu’ils pourront s’appliquer dès lors qu’il y aura une nouvelle vague d’attribution de réseaux de nouvelle génération.
En effet, l’obligation de prendre en compte les critères environnementaux doit pouvoir s’imposer si l’attribution des prochaines bandes de fréquences, notamment celle des 26 gigahertz, intervient plus tôt que 2023.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Il nous semble très improbable que l’attribution de la bande des 26 gigahertz intervienne avant 2023. M. le secrétaire d’État pourra nous préciser la situation à cet égard.
Si le calendrier du déploiement de ces fréquences venait à s’accélérer, rien ne s’opposerait à ce que nous adaptions l’entrée en vigueur du dispositif en cours de navette parlementaire.
La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. À ce jour, le calendrier d’attribution des fréquences 26 gigahertz n’est pas fixé.
L’Arcep est déjà tenue de respecter un niveau élevé de protection de l’environnement, tout comme le ministre chargé des communications électroniques, lorsqu’il régule les télécoms, conformément à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.
Dans la mesure où cet amendement est en réalité satisfait, le Gouvernement en demande le retrait. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 24.
(L’article 24 est adopté.)
Article additionnel après l’article 24
Mme la présidente. L’amendement n° 42 rectifié quater, présenté par M. Chaize, Mmes Demas, Berthet et Belrhiti, MM. Piednoir, Vogel, Mandelli, Meurant et Bouchet, Mmes Di Folco, Muller-Bronn, Puissat, Deromedi et Imbert, MM. Pointereau et D. Laurent, Mmes Estrosi Sassone, Noël et Raimond-Pavero, MM. Sautarel, Brisson, C. Vial, H. Leroy et Rapin, Mme Chauvin, M. Burgoa, Mme Dumont, MM. Pellevat, Savary, Charon, Longuet, B. Fournier, Lefèvre et Paccaud, Mme Gruny et M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article L. 34-9-1-… ainsi rédigé :
« Art. L. 34-9-1-…. – La réservation de terrains d’assiette ainsi que la construction d’infrastructures d’accueil de stations radioélectriques sont soumises à la transmission préalable au maire de la commune concernée, par l’opérateur d’infrastructure ou de service, du mandat de construction ou du contrat de location ou de service passé avec le ou les utilisateurs finaux des installations. Dans le cadre d’une opération de construction pour besoins propres, cette obligation est remplacée par une information sur la date prévisionnelle d’ouverture effective du service. »
La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Cet amendement vise à ajouter une dimension environnementale au déploiement de réseaux hertziens, en rationalisant la consommation de foncier afin d’éviter la spéculation sur des terrains d’assiette potentiels, ainsi que la construction d’infrastructures laissées ensuite vacantes faute d’utilisateurs identifiés préalablement au lancement des projets.
Ces pratiques gèlent des tènements qui pourraient être mis à profit par des acteurs engagés dans des démarches de fourniture effective de service.
Lorsqu’elles conduisent à l’érection de pylônes dénués de tout équipement actif, elles aggravent l’impact environnemental lié à leur construction, qu’il s’agisse de la production de gaz à effet de serre, de l’artificialisation des sols, de l’impact visuel ou de la dégradation des paysages. Elles diminuent l’acceptabilité sociale de ce type d’équipements.
La primauté de la protection de l’environnement sur la liberté d’établissement des acteurs économiques, actée par la Charte de l’environnement de 2004, qui en a fait un objectif de valeur constitutionnelle, trouve une application supplémentaire grâce à un déploiement d’infrastructures maîtrisé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Cet encadrement des pratiques des tower companies, comme on dit en bon français, en vue de rationaliser le déploiement des réseaux mobiles évite que des sols ne soient inutilement artificialisés et que des infrastructures ne soient inutilement déployées.
Sur cet amendement vertueux en matière environnementale, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Cédric O, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur Chaize, les problèmes que vous mentionnez se posent en particulier dans le cadre du « New Deal mobile ». J’ai pu constater à titre personnel les difficultés que rencontrent les collectivités, et notamment les maires de certaines communes, pour contrer les pratiques, parfois agressives, de ces acteurs appelés les TowerCo, qui préemptent les terrains.
La prudence s’impose néanmoins. Avant de proposer des dispositions législatives, mieux vaudrait opter pour des solutions de pédagogie, car les TowerCo visées dans l’amendement n’interviennent pas exclusivement dans le domaine de la téléphonie mobile. Elles peuvent également œuvrer pour le compte des émetteurs de radiodiffusion.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour explication de vote.
M. Patrick Chaize. L’amendement ne tend en aucune façon à exclure en rien les autres réseaux. Il vise à ce que les TowerCo fassent état d’un mandat fourni par l’opérateur qui les aurait chargées de rechercher un terrain.
Ce mandat peut tout à fait valoir dans d’autres secteurs que celui de la téléphonie mobile.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 24.
Chapitre V
Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires
(Division et intitulé nouveaux)
Article 25 (nouveau)
I. – Le 2° du II de l’article L. 229-26 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le mot : « récupération », sont insérés les mots : « y compris le potentiel de récupération de chaleur à partir des centres de données, » ;
2° Après le mot : « positive », sont insérés les mots : «, de réduire l’empreinte environnementale du numérique ».
II. – Le 1° du I entre en vigueur le 1er janvier 2022. – (Adopté.)
Article 26 (nouveau)
I. – Aux articles L. 2311-1-1, L. 3311-2, L. 4310-1 et L. 4425-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « cette situation », sont insérés les mots : « ainsi qu’une présentation de la stratégie numérique responsable ».
II. – Le contenu de la présentation de la stratégie numérique responsable et son élaboration sont fixés par décret.
III. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2022. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 26
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les services de l’État, ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements adoptent une gestion optimisée, financière, fonctionnelle et durable de leur parc informatique et de l’ensemble de leurs moyens de communication.
Pour les collectivités territoriales et leurs groupements, le bilan prévu aux articles L. 2311-1-1, L. 3311-2 et L. 4310-1 et L. 4425-2 du code des collectivités territoriales établit l’impact environnemental des biens et des services numériques qu’ils utilisent.
La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Les administrations publiques doivent montrer l’exemple en matière de réduction de l’impact environnemental du numérique.
Le premier levier consiste en une gestion responsable de l’équipement numérique. Le recours à une base de données, à la standardisation des terminaux, à la virtualisation et au cloud computing permet non seulement de faire des économies de fonctionnement et de renforcer la sécurité informatique, mais aussi de gérer durablement les ressources numériques.
Tel est l’objet de cet amendement qui vise à ce que les services de l’État, ainsi que les collectivités territoriales et leurs groupements adoptent, une gestion optimisée, financière, fonctionnelle et durable de leur parc informatique et de l’ensemble de leurs moyens de communication.
Il tend également à ce que les collectivités territoriales concernées par l’obligation d’établir une stratégie numérique durable évaluent l’impact environnemental des biens et services numériques qu’elles utilisent, en cohérence avec les dispositions prévues dans la proposition de loi pour les grandes entreprises.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Cet amendement semble d’ores et déjà satisfait par le texte issu des travaux de la commission.
En effet, la proposition de loi comporte des dispositions sur la commande publique prévoyant de favoriser les biens numériques les plus réparables et les plus durables. Les dispositions de l’amendement n’apporteraient rien de plus concret sur ce sujet.
Par ailleurs, la commission a ajouté dans le texte un volet visant à promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires. Celle-ci prévoit notamment de compléter le rapport au développement durable de ces collectivités par une stratégie numérique durable.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Gold. Je retire l’amendement, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 9 rectifié est retiré.
L’amendement n° 33, présenté par MM. Montaugé, Gillé, Kanner et Devinaz, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Michau et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, M. J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1425-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils recensent également les centres de stockage de données implantés sur le territoire et proposent des orientations stratégiques d’implantation de ces infrastructures numériques qui intègrent les enjeux énergétiques, d’attractivité et de consommation d’espace en prenant en compte une répartition équilibrée au sein du territoire. »
La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. Cet amendement a pour objet de compléter le code général des collectivités territoriales en prévoyant que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, les SDTAN, peuvent prendre en compte le déploiement des data centers.
Dans son rapport de 2019, la commission d’enquête sur la souveraineté numérique du Sénat préconise d’équiper le territoire national en data centers, afin d’améliorer la sécurité des données et de renforcer la compétitivité de notre industrie en prévision de l’arrivée de la 5G. L’enjeu concerne l’ensemble des territoires, des métropoles jusqu’aux zones plus rurales.
Nous proposons que les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique intègrent les dimensions spatiales et énergétiques liées à l’implantation des centres de stockage de données.
Comme le disait Mme Sollogoub, nous pourrons récupérer à terme la « chaleur fatale » de ces installations. Nous gagnerions donc à développer une planification de ces équipements sur le territoire, en lien avec les plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. Les schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, que les collectivités s’approprient malheureusement très peu, constituent avant tout des outils des politiques de couverture numérique du territoire et d’inclusion numérique.
La répartition des data centers sur le territoire constitue certes un enjeu important sur le plan environnemental, notamment en termes de consommation d’espace et d’énergie. Toutefois, elle ne nous semble pas relever de cet outil.
La commission a fait le choix de privilégier les plans climat-air-énergie territoriaux comme outil de prise en compte de cette nécessaire planification territoriale des enjeux relatifs à la réduction de l’empreinte environnementale du numérique.
La commission a donc émis un avis défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
M. Franck Montaugé. Les SDTAN et les PCAET ne s’inscrivent pas dans le même périmètre d’action. Les approches sont très différentes : elles sont surtout opérationnelles pour les PCAET et essentiellement stratégiques pour les SDTAN.
La planification de l’installation des data centers devrait s’intégrer dans cette stratégie, car il y va de l’équipement numérique du territoire national. Ce dernier ne peut être réduit au déploiement de « tuyaux ».
L’enjeu est de compétitivité industrielle, et les territoires doivent se préparer. Les PCAET n’offrent pas le périmètre opportun pour développer une stratégie efficace en la matière.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Devinaz, Gillé, Kanner et J. Bigot, Mme Bonnefoy, M. Dagbert, Mme M. Filleul, M. Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Cardon, Michau, Montaugé et Redon-Sarrazy, Mme Le Houerou, MM. Bouad, Mérillou, Pla, Tissot et Antiste, Mmes Briquet, Conconne et Jasmin, M. P. Joly et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier est ainsi rédigé : « Études d’impact des projets de travaux, d’ouvrages, d’aménagements et d’infrastructures » ;
2° L’article L. 122-1 est ainsi modifié :
a) Le 1° du I est complété par les mots : « ainsi que le déploiement d’infrastructures numériques de mobilité, de télécoms et de voirie et réseaux divers lorsque ces projets d’infrastructures dépassent les seuils fixés par arrêté » ;
b) Après le 5° du III, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les émissions de gaz à effet de serre. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2023.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz.
M. Gilbert-Luc Devinaz. Les travaux de The Shift Project indiquent que l’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente au niveau mondial de 4 % par an.
L’objectif de cette proposition de loi est de garantir la convergence entre la transition écologique et la transformation numérique et de veiller à ce que la transition numérique soit un accélérateur de la transition écologique.
Nous sommes encore peu outillés pour faire de l’environnement un facteur déterminant dans nos choix politiques et stratégiques. La France manque d’outils et d’indicateurs partagés pour mesurer les impacts environnementaux du numérique et ainsi mieux cibler les actions à mettre en œuvre prioritairement. Nous avons besoin de progresser collectivement sur l’évaluation environnementale de ce que nous mettons ou mettrons en place.
Il apparaît donc nécessaire, avant de déployer des solutions numériques touchant essentiellement les secteurs de la mobilité, des télécoms, des voiries, notamment celles dites « smart » ou « innovantes », de questionner leur pertinence énergétique.
Cet amendement a pour objet de prévoir une évaluation environnementale portant sur les gains et la consommation énergétiques des solutions numériques, préalablement à leur déploiement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. Nous partageons cette préoccupation relative aux impacts environnementaux des projets dits « smart ».
Comme nous l’avions souligné dans notre rapport, une solution numérique innovante n’est pas forcément vertueuse sur le plan de son empreinte environnementale. Les représentants de The Shift Project avaient d’ailleurs insisté sur ce point lors de leur audition.
Cependant, plutôt qu’une réalisation systématique d’évaluation environnementale préalable, nous recommandions dans notre rapport de privilégier une logique d’accompagnement des collectivités. En ce sens, nous préconisons que l’Ademe mette à la disposition des collectivités territoriales un cadre méthodologique d’évaluation des projets dits « smart ». La logique d’accompagnement doit primer la contrainte.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements.)
10
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 13 janvier 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente :
Désignation des dix-neuf membres de la mission d’information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d’activités ;
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français ;
Débat sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête sur les problèmes sanitaires et écologiques liés aux pollutions des sols ;
Débat sur les conclusions du rapport : « Lutte contre l’illectronisme et inclusion numérique » ;
Débat sur le thème : « Quel avenir pour l’entreprise EDF avec le projet Hercule ? »
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 13 janvier 2021, à zéro heure vingt.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER