Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le secrétaire d’État !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que nous avons en commun l’amour de la montagne. Il ne s’agit pas seulement d’un sentiment pour nos régions d’origine, mais du devoir républicain qui nous ordonne de garantir l’équité et la cohésion des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Guillaume Gontard.
M. Guillaume Gontard. À l’heure où l’absence de perspectives met les professionnels et les communes de montagne à l’agonie, à l’heure où la région des Alpes du Nord est celle qui se réchauffe le plus en France, à l’heure où notre plus grand réservoir naturel d’eau s’assèche, notre responsabilité à l’égard des territoires de montagne est immense. La crise à la fois économique et écologique que nous traversons a sonné le glas d’un modèle qui voudrait à tout prix maîtriser le développement de la montagne en gommant ses aléas, ses aspérités et ses aménités.
En réalité, cette situation d’exception pourrait offrir l’opportunité de montrer tous les atouts de nos territoires de montagne, dont les capacités de résilience sont considérables. En effet, au-delà d’une aire de jeux, les massifs montagneux constituent d’abord un réservoir de biodiversité extraordinaire et une ressource hydrologique majeure. Or les scientifiques sont formels : d’ici à la fin du siècle, la plupart des glaciers situés au-dessous de 3 500 mètres d’altitude auront disparu.
Agissons pendant qu’il en est encore temps, avant que ces territoires ne deviennent suraménagés ou sanctuarisés ! Parmi les Français, 90 % considèrent que la montagne est un atout pour le pays. La fréquentation inédite des sites de montagne après les périodes de confinement montre leur attachement à la nature et leur besoin de grands espaces. De nombreux touristes ont découvert, cet hiver, la montagne autrement.
Appuyons-nous sur les femmes et les hommes qui participent au quotidien à la vitalité des territoires de montagne, maintiennent les liens de solidarité, construisent un modèle économique plus durable, plus juste et plus respectueux de son environnement !
Il est urgent que nous nous dotions d’une politique de la montagne à la hauteur des enjeux écologiques, sociaux et économiques. Nous ne pouvons pas réduire l’avenir des territoires de montagne à la seule question de la diversification touristique, comme le propose l’ANCT.
Monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de bâtir une véritable politique de transition des territoires de montagne avec les moyens consacrés.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Gontard, nous nous connaissons bien et nous connaissons aussi tous les aspects de la politique de la montagne. Elle n’est pas complètement vierge : beaucoup de travaux ont déjà été réalisés sur certains sujets que vous évoquez, qu’il s’agisse de l’agenda 21, des plans Climat, des territoires à énergie positive pour la croissance verte, qui se réalisent aussi en montagne.
Reste que, vous avez raison, nos facultés de résilience doivent se montrer plus importantes dans les territoires qui sont plus fragiles que les autres. C’est la raison pour laquelle nous lançons un programme national Montagne. Nous attendons pour le définir la concertation avec les acteurs des territoires, qui doivent nous proposer un certain nombre de sujets. Sachez cependant que nous avons déjà réuni, le 1er décembre 2020, des représentants du ministère de la transition écologique, du secrétariat d’État au tourisme, du ministère des sports, de la Banque des territoires, ainsi que plusieurs opérateurs de l’État, pour travailler à l’élaboration de ce programme. La méthode est de coconstruction, sur le modèle des politiques d’appui classiques qui sont portées par l’ANCT.
Une contribution importante du ministère de la transition écologique et de l’Ademe a permis d’identifier la nécessité d’accompagner tous les territoires de montagne dans l’adaptation au changement climatique et la transition écologique. Un certain nombre d’entre eux ont accumulé de l’expérience, et des bonnes pratiques se sont développées dans chaque massif, au travers notamment des projets de coopération territoriale européenne. Elles sont bien identifiées et pourront être diffusées dans le réseau des territoires de montagne qui vont bénéficier de l’ingénierie déjà mobilisée.
Notre objectif n’est pas de mettre ces territoires sous cloche, mais d’améliorer la qualité de vie de la population permanente, en donnant à tous les habitants la capacité d’être les pionniers d’un mode de vie plus intégré et plus respectueux de l’environnement particulièrement fragile des zones de montagne.
Nous allons travailler sur l’idée commune d’un fonds de résilience du tourisme en montagne, qui pourrait s’adosser au programme Montagne, de façon à associer relance et transition écologique.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour la réplique.
M. Guillaume Gontard. Je vous remercie pour cette présentation et ces explications, monsieur le secrétaire d’État. Je n’en attendais pas moins : je connais votre attachement aux territoires de montagne. Permettez-moi quand même de continuer à douter des capacités du Gouvernement à engager les transitions qui s’imposent. Je formule le vœu que nous puissions aller plus avant.
La montagne constitue l’un de nos biens communs les plus précieux. Son avenir dépendra de notre capacité à bâtir un modèle plus soutenable. À ce titre, je vous invite à vous appuyer sur les travaux du Cluster de la transition des territoires de montagne, espace de réflexion pour une montagne vivante, résiliente et inspirante.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis.
M. Bernard Buis. En tant que parlementaire de la Drôme, où les Préalpes constituées par les massifs du Royans et du Vercors s’élèvent sur les contreforts, je me réjouis de ce débat sur la montagne.
Monsieur le secrétaire d’État, la problématique que je soulève concerne le droit de l’urbanisme dans ces communes. Je sais que nombre de maires, souvent de petites communes, attendent votre positionnement et votre vision sur ces territoires.
Aujourd’hui, les documents à l’initiative des municipalités sont la carte communale ou le plan local d’urbanisme. Si ce cadre convient sans doute aux villes et aux communes de plus grande taille, vous savez aussi que ce sont des documents longs à élaborer et avec de forts risques de contentieux, notamment pour les PLU. De plus, la procédure inclut la concertation et la consultation des services associés, ainsi que la vision de l’État, notamment pour ce qui concerne la constructibilité dans des secteurs agricole, forestier ou naturel.
Considérant ces procédures non seulement coûteuses, fastidieuses, mais aussi fragiles juridiquement, le résultat est aussi contraignant pour adopter une vision communale de la constructibilité. C’est pourquoi de nombreuses communes de montagne sont régies par le règlement national d’urbanisme en l’absence d’autres documents arrêtés par la municipalité, et les autorisations d’urbanisme sont signées par les maires au nom de l’État.
Là, nous constatons des disparités d’appréciation. En effet, les services instructeurs se rendent rarement sur site pour apprécier la continuité de construction, et le maire peut être en désaccord sur l’avis rendu. J’ai encore en mémoire le refus de permis de construire distillé par la DDT de la Drôme à la commune de Montclar-sur-Gervanne sur un quartier, pour un pétitionnaire, alors que trois maisons avaient auparavant été construites avec autorisation, la commune ayant déjà assumé la mise en place des réseaux secs et humides, avec logettes et regards installés en bordure des propriétés.
Ne faut-il pas apporter plus de souplesse et de latitude à nos communes de montagne et plus de confiance à leurs élus ? À ce titre, ne pourrions-nous pas enrichir le projet de loi 4D pour adapter le code de l’urbanisme et, ainsi, disposer d’un cadre juridique en adéquation avec les aspirations de ces territoires, qu’il nous faut soutenir collectivement ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Vous soulignez à juste titre, monsieur le sénateur Buis, la très grande diversité des communes de montagne et la nécessité de disposer d’outils souples et adaptés aux différentes situations qui se rencontrent.
Même si certaines choses ne sont pas écrites noir sur blanc dans le projet de loi 4D, je rappelle néanmoins que les amendements d’origine parlementaire sont toujours les bienvenus sur ces questions de politique de la montagne. D’ailleurs, je ferai cette même réponse à d’autres intervenants, jugeant nécessaire l’intégration d’un « paquet montagne » – je reprends là ce qu’a dit Cyril Pellevat – dans la loi 4D.
Pour les petites communes, le règlement national d’urbanisme offre des possibilités d’aménager le territoire pour des besoins ponctuels. La continuité de l’urbanisation constitue évidemment un critère essentiel, apprécié, au cas par cas, par les services de l’État.
Comme vous, je suis extrêmement attaché à ce que cet accompagnement puisse se renforcer. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, nous avons sanctuarisé l’an dernier les effectifs des directions départementales des territoires.
Nous encourageons aussi le travail des projets en amont, ce qui permet de vérifier le plus tôt possible que la continuité d’urbanisation est bien respectée et, ainsi, d’éviter de s’aventurer dans des projets qui ne seraient pas forcément retenus in fine.
J’ajoute tout de même un point, qui me semble important : en matière d’urbanisme, la mutualisation au niveau de l’intercommunalité a un effet facilitateur. Certes, elle n’est pas toujours évidente à mettre en place – je connais les territoires de montagne ; je sais comment, parfois, on peut considérer son voisin comme un concurrent –, mais il faut à mon sens l’encourager sur un certain nombre de sujets.
Je peux d’ores et déjà annoncer que la possibilité de disposer d’une ingénierie en matière d’urbanisme figure parmi les éléments que je compte renforcer. Ce sera fait dans le cadre du plan Montagne que j’ai évoqué en répondant au sénateur Gontard.
Nous parlons effectivement de projets extrêmement complexes, et je comprends, monsieur le sénateur Buis, que vous puissiez vous faire le porte-parole de ces communes pour demander plus de proactivité de la part du Gouvernement en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Buis, pour la réplique.
M. Bernard Buis. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le secrétaire d’État. Effectivement, il faut apporter des améliorations, car, sans que ce soit forcément La Petite Maison dans la prairie, à Lesches-en-Diois, ma commune de 50 habitants, personne ne souhaite construire sur 300 mètres carrés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. À quelques semaines des vacances de février, qui comptent pour un tiers des déplacements de nos concitoyens à la montagne, je suis inquiet pour les communes des Alpes-de-Haute-Provence et profondément solidaire des préoccupations des montagnards.
Vous le savez aussi bien que moi, monsieur le secrétaire d’État, il y a des économies touristiques meurtries après ces vacances de Noël, mais surtout des vies quotidiennes locales qui sont bouleversées, sans perspectives réalistes d’ouverture avant quelques mois. Allez-vous nous rassurer ou nous détromper ?
Aujourd’hui, je viens plaider pour cette vie locale, car l’activité montagnarde ne s’arrête pas aux remontées mécaniques.
Nous demandons que les locaux – clubs, écoles, associations – puissent continuer, dans des conditions sanitaires optimales, de pratiquer des activités sportives en montagne.
Nous demandons que les pisteurs puissent continuer à sécuriser les pistes et que le travail des secouristes soit facilité.
Nous demandons que les pharmacies de stations, exclues des entreprises du secteur S1, tel que fixé dans le plan Tourisme d’octobre 2020, puissent elles aussi être aidées à passer ce cap.
Je demande une indemnisation prolongée et une réflexion de moyen terme sur le statut des saisonniers et loueurs, qui pourraient bénéficier de formes coopératives ou de portage salarial.
À côté de ces mesures immédiates, il est sans nul doute indispensable d’accélérer la mutation des stations, afin d’anticiper concrètement les effets du réchauffement climatique sur nos massifs et nos vallées. La montagne doit pouvoir s’apprécier en toutes saisons, ce qui va nécessiter des investissements de long terme. Or nos communes et collectivités, extrêmement dépendantes des ressources touristiques ou du thermalisme, alors qu’elles sont essentielles pour absorber l’onde de choc de 2021 et transformer durablement notre modèle économique et social, n’en ont plus les moyens.
L’article 4 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne dispose que la DGF et le FPIC intègrent « les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ». Comment allez-vous soutenir un effort supplémentaire au bénéfice de collectivités locales aujourd’hui dépourvues de ressources pour entretenir la montagne, notre bien commun, et faire vivre dignement ses habitants au cours de ce premier semestre de 2021 ?
M. Loïc Hervé. Excellent !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Votre question est très large, monsieur le sénateur Roux. Il se peut donc que je vous réponde partiellement aujourd’hui, mais je compléterai ma réponse par écrit.
Je rappelle tout de même que nous avons financé une partie des charges fixes relatives aux remontées mécaniques, par le biais d’une indemnisation des exploitants, afin que l’on puisse, en toute sécurité, pratiquer un certain nombre d’activités en montagne. Ainsi, la pratique des sportifs de haut niveau, des professionnels et des clubs de ski locaux est parfaitement autorisée. D’ailleurs, les stations de ski ne sont pas fermées ; les remontées mécaniques le sont. C’est une nuance importante, qui a parfois été traduite de façon excessive…
M. Loïc Hervé. Oui ! Au plus haut niveau !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. … par certaines entreprises de remontées mécaniques. Il y a eu des problèmes de compensations demandées à des communes ou à des départements pour pouvoir laisser s’entraîner des jeunes sportifs. Des chasseurs alpins de l’école militaire de haute montagne ont également été empêchés de s’entraîner.
Ce sont des cas rares, mais je les ai signalés à Domaines skiables de France afin que nous revenions à quelque chose de raisonnable et puissions renouveler le dialogue entre les maires et les exploitants de remontées mécaniques. Je propose, à cet égard, que mon secrétariat d’État serve d’intermédiaire et accompagne les élus locaux, avec l’appui des préfets, pour la concrétisation d’une vision partagée sur le terrain. Nous sommes à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs.
Monsieur Roux, vous avez cité plusieurs cas pour lesquels les indemnisations ne seront peut-être pas à la hauteur… S’agissant des pharmacies de stations, que vous mentionnez souvent, elles sont inscrites sur la liste S1 bis, ce qui leur permet de prétendre à une indemnisation à laquelle elles n’avaient pas accès précédemment. Il y a également le recours au chômage partiel.
Des éléments complémentaires nous ont été communiqués – j’en ai recueilli dans les Hautes-Alpes, et la sénatrice Martine Berthet m’en a également apporté. Nous allons à notre tour transmettre ces éléments, qui sont extrêmement intéressants, au cabinet d’Alain Griset au ministère de l’économie, afin que nous puissions aboutir à un dispositif à peu près décent.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je m’arrête là, car le temps de parole qui m’est imparti est dépassé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je remercie à mon tour mes collègues du groupe Les Républicains d’avoir suscité ce débat sur la montagne – sur les montagnes, oserais-je dire, tant sont divers les territoires de montagne et, donc, les communes composant ces différents massifs. Bien évidemment, ces communes ont toutes un point commun : la spécificité de l’altitude. Que celle-ci engendre des handicaps, pour certaines, qu’elle soit valorisée au titre de ses aménités positives, pour d’autres, ce sont en tout état de cause des problématiques à gérer au quotidien pour les élus locaux, non seulement en raison de territoires très en pente, mais aussi d’une grande variété météorologique – étés parfois très chauds, hivers parfois très froids.
Comme je le soulignais lors du débat sur le projet de loi dit « Montagne II », ici même, en 2016, des progrès ont été réalisés. Pour autant, certaines communes sont aujourd’hui en difficulté pour répondre aux défis de demain, notamment en matière de développement de l’emploi, lequel ne se réduit pas à l’emploi touristique.
Hasard du calendrier, c’est un sujet que nous avons évoqué de manière très concrète lors de nos toutes dernières visites communales dans les monts du Forez et Pilat de mon département de la Loire. Comment développer, accompagner et sécuriser l’emploi ? Comment maintenir les services publics et garantir l’accès à l’ensemble de ces services à toute la population, en toutes saisons ?
Je le redis, parce qu’elle se pose peut-être avec plus d’acuité cette année : il y a la question du déneigement et du coût supporté pour cela par les communes. En tout cas, celles-ci font toutes le même constat : elles souffrent d’un manque criant de moyens en termes d’ingénierie pour développer les équipements.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Vous posez également un éventail assez large de questions, madame la sénatrice Cukierman. Je vous répondrai, déjà, sur la problématique de l’ingénierie dédiée aux collectivités.
J’ai eu l’occasion de faire, ici, des annonces s’agissant de la politique d’ingénierie mise en place par l’ANCT. Au titre des politiques spécifiques menées sur certaines intercommunalités, je mentionnerai le lancement des fameux volontaires territoriaux en administration, ou VTA, qui seront à mon avis d’un grand secours dans les zones les plus dépourvues de moyens – certaines intercommunalités ont tout de même quelques moyens ; il y a une montagne pauvre et une montagne riche !
Mme Cécile Cukierman. C’est plutôt pauvre chez moi !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État. Je le sais, madame la sénatrice, je connais bien votre département, ainsi que le département voisin de l’Allier. Je sais ce qui se passe sur les plateaux qui se trouvent un peu plus haut, en limite du mont Forez, et où l’on pratique le ski de fond.
Ce que je voulais vous dire, c’est que l’appui technique sera renforcé dans le cadre du programme national Montagne. En effet, je crois comme vous à l’ingénierie ! Je sais très bien ce que, faute d’ingénierie, on peut ne pas faire ou rater. Les rapports entre un exploitant de remontées mécaniques et une collectivité ne peuvent être sains que si l’on dispose d’une ingénierie permettant de « renforcer » l’équilibre entre les deux parties.
Vous évoquez également la « montagne 4 saisons », qui constitue l’un des éléments du rapport de Cyril Pellevat – et un élément extrêmement important. Là encore, nous avons à travailler à partir de ce rapport pour élaborer le programme national Montagne.
Il ne s’agira pas que d’ingénierie. De nombreux sujets vont être embrassés. Lors de la réunion d’ouverture avec les associations d’élus, les représentants des massifs et des comités de massif, j’ai beaucoup insisté sur le fait que tout ce qui est important doit être intégré. Certains sujets, qui n’avaient pas été prévus, ont d’ailleurs été évoqués, comme la problématique des risques naturels en montagne ou le sujet essentiel des services publics, que vous venez de citer. Comment peut-on concevoir un réseau de maisons France Services, offrant des services réellement adaptés, non pas à partir de Paris, mais en se fondant sur les besoins des territoires ?
Sachez donc que le programme national pour la montagne répondra à ces questions.
Mme la présidente. Vous dépassez systématiquement votre temps de parole, monsieur le secrétaire d’État…
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez la montagne, vous l’aimez, et, en ce sens, il est heureux que vous représentiez le Gouvernement cet après-midi.
Je veux profiter de ce débat initié par le groupe Les Républicains pour vous alerter sur la situation financière des communes et intercommunalités de montagne à l’horizon de 2021 et 2022. Bien sûr, je ne méconnais aucun des efforts consentis par l’État pour maintenir un niveau de ressources aux collectivités territoriales en général. Le Sénat a d’ailleurs pris toute sa part à cet effort.
Les communes touristiques de montagne sont en train de vivre un double traumatisme. D’abord, il y a cet hiver, avec une activité drastiquement réduite et la perspective de voir leur budget fondre comme neige – elle est pourtant abondante cette année – au soleil. Mais, sur un tableur de Bercy, ces communes apparaissent comme ayant un niveau élevé de dépenses, en fonctionnement comme en investissement, pour un nombre d’habitants permanents relativement faible. La spécificité de certaines recettes fiscales ou non fiscales rend la situation encore plus difficile à appréhender. Autrement dit, ces communes aux finances dynamiques sont considérées comme riches. Sauf si vous insistiez, je ne reprendrais pas l’ensemble des arguments m’ayant conduit à proposer la suppression du FPIC lors de la discussion du projet de loi de finances…
Ces collectivités auront besoin d’un suivi individuel et d’un accompagnement spécifique, avec des mesures ad hoc, qui ne peuvent pas être les mesures prévues dans les différents PLFR ou dans le PLF pour 2021. Êtes-vous en mesure d’apporter des réponses de nature à rassurer ces collectivités et les EPCI auxquelles elles appartiennent ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État… pour deux minutes !
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Et pas plus ! Je m’y efforce, madame la présidente. (Sourires.)
Comme vous le savez, monsieur le sénateur Hervé, les communes de montagne bénéficient, comme l’ensemble des communes de France, d’un certain nombre de compensations ayant été votées dans les PLFR successifs.
Je rappelle tout de même que le filet de sécurité sur les recettes fiscales et domaniales, qui vaut en 2020 et en 2021, prend en compte les pertes de taxe de séjour et de taxe sur les remontées mécaniques. Ce dispositif garantit à chaque commune et EPCI à fiscalité propre que ses recettes fiscales et domaniales ne seront pas inférieures, en 2020 ou en 2021, à la moyenne des recettes perçues au cours des trois dernières années. Si les recettes sont inférieures, l’État leur verse automatiquement une dotation jusqu’à atteindre cette moyenne, d’ailleurs sans que les collectivités aient à engager la moindre démarche, ce qui est important pour celles qui ne disposent pas d’une ingénierie suffisante pour le faire.
Je rappelle aussi que, pour la taxe de séjour, la seule année 2019 est prise en compte pour le calcul du filet de sécurité. Je le sais d’autant plus que cette mesure découle d’un amendement que j’avais déposé à l’époque où j’étais rapporteur général de la commission des finances à l’Assemblée nationale. J’avais beaucoup insisté sur cette question. Parce que cela favorisait les communes de montagne, me rétorquera-t-on… Mais pas qu’elles ! En fait, il s’agissait de prendre en compte la forte dynamique de cette imposition. Nous avions fait entrer dans l’assiette un certain nombre d’hébergements qui échappaient jusqu’alors à la taxe de séjour, ce qui créait une inégalité dans les territoires.
Ce rattrapage ayant été réalisé en 2019, je tenais à ce que l’on prenne en compte le chiffre de cette année-là, et ce d’autant que l’on avait également remis les pendules à l’heure s’agissant du partage entre communes et intercommunalités en matière de tourisme, pour éviter tout problème ou trou dans la raquette.
Plus de 300 communes de montagne ont donc reçu un acompte en novembre. Le calcul définitif et individualisé pour 2020 aura lieu avant le 31 mai.
Je m’arrête là, sinon je vais dépasser mes deux minutes de temps de parole. (Sourires.)
Mme la présidente. J’apprécie vos efforts, monsieur le secrétaire d’État.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour la réplique.
M. Loïc Hervé. Il est regrettable que vous n’ayez pas pu aller au bout de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Je serai donc particulièrement attentif à la réponse par écrit que vous pourrez m’apporter.
J’y insiste, les collectivités dont je parle – j’en ai rencontré trois cette semaine : Chamonix, Arâches et Megève – m’ont saisi. Je vous ferai passer les courriers des maires évoquant les situations individuelles.
Ce sont des communes entreprises, actives dans la vie économique. Elles ont, pour de nombreuses raisons, des partenariats financiers avec les autres acteurs économiques du territoire, et cela leur permet de dégager certaines recettes, qui ne peuvent pas être compensées par la taxe de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques ou le panier fiscal général accordé à l’ensemble des collectivités du pays. C’est pourquoi j’en appelle à un suivi spécifique et, forcément, à des mesures ad hoc pour pouvoir accompagner ces communes.
Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Dans le département des Hautes-Pyrénées, comme dans les autres territoires de montagne, de nombreux professionnels calquent leur activité sur le rythme des saisons, avec des pics d’embauche durant l’hiver et, à un degré moindre, durant l’été. Cette activité saisonnière est indispensable au bon fonctionnement des entreprises du tourisme, notamment les stations de ski.
Un travail de fond doit être mené pour accompagner ces territoires vers un « tourisme 4 saisons », dans une stratégie globale d’adaptation au changement climatique et de fidélisation des compétences saisonnières.
Le Conseil d’État a sanctionné deux dispositions très contestées de la réforme de l’assurance chômage et mis en avant le caractère profondément injuste de cette réforme. La plus controversée de ces dispositions, pour les demandeurs d’emploi, est le changement du mode de calcul de l’allocation chômage.
Les nouvelles règles de ce régime impacteront fortement les saisonniers et la pérennité économique de nombreux systèmes d’activité de montagne. En effet, c’est en montagne que les activités sont les plus dépendantes des saisons.
Notre groupe demande, depuis son instauration, le retrait de cette réforme.
Avec la crise de la covid-19, c’est plus de 1 million de saisonniers qui ont perdu leur source de revenus et seront, de surcroît, victimes des effets de cette réforme du chômage.
Les pistes envisagées jusqu’à maintenant sont foncièrement insatisfaisantes, alors même que de nombreux Français en difficulté sont déjà très durement touchés par les conséquences de cette crise. De plus, nous ne sommes pas à l’abri que cette situation sanitaire perdure, voire réapparaisse dans un avenir plus ou moins proche.
Les solutions qui s’imposent sont l’adoption d’une année blanche pour les saisonniers, extras et bénéficiaires du contrat à durée déterminée d’usage, et l’abandon de la réforme du chômage. À quand ces annonces, tant espérées dans nos massifs ? À quand une réelle réflexion sur le statut de saisonnier ?