M. François Bonhomme. Des noms !
M. Frédéric Marchand. Disons-le une fois pour toutes, la 5G est avant tout conçue pour servir les échanges de données de très haut débit relatifs à l’industrie, à la santé connectée et à la ville intelligente.
Sans doute convient-il, monsieur le secrétaire d’État, d’expliquer, d’expliquer toujours et d’expliquer encore ce que cette nouvelle technologie a à offrir et en quoi elle participe de la transition environnementale, alors même que l’Europe vient de donner le coup d’envoi de son projet de recherche sur la 6G !
Cette parenthèse ouverte et refermée, nous ne pouvons que saluer les priorités mises en avant dans cette proposition de loi. Je pense particulièrement au volet éducatif, qu’il faut déployer, même s’il convient de dépasser le seul cadre des utilisations et de mettre en place une véritable sensibilisation citoyenne sur la question des usages et la façon dont on utilise physiquement l’appareil : choix d’un matériel réparable, question du suréquipement, utilisation d’équipements reconditionnés, bref, toute la chaîne de vie du matériel numérique.
Limiter le renouvellement des terminaux, faire émerger des usages du numérique écologiquement vertueux, aller vers des centres de données moins énergivores et promouvoir une stratégie numérique responsable sur les territoires sont autant de sujets au cœur de cette proposition transpartisane.
Je tiens à saluer tout particulièrement, pour avoir participé à la mission d’information, le travail mené par nos collègues Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier, sous la férule bienveillante du président Hervé Maurey, qui nous a permis de nous saisir de ce sujet dans un climat serein et constructif.
L’examen du texte en commission nous a collectivement permis de dépasser certains écueils. La discussion nous permettra d’aller plus loin. Au final, chacun s’accordera pour dire qu’avec ce texte le Sénat fait œuvre utile. Pour toutes ces raisons, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, un an après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », dont les mesures prennent progressivement effet, nous examinons aujourd’hui cette proposition de loi transpartisane qui nous permettra, je l’espère, de compléter notre arsenal législatif pour atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris en 2015.
Ces objectifs, en matière de numérique responsable, sont ambitieux : le Gouvernement vise zéro émission net de gaz à effet de serre et 100 % de biens et services numériques écoconçus d’ici à 2030.
Pour l’heure, le numérique serait responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France, soit 15 millions de tonnes d’équivalent carbone en 2019, avec une croissance de l’empreinte énergétique de 9 % par an. C’est bien cette croissance qui inquiète puisque, selon les projections, le numérique représentera 7 % du total des émissions en 2040 dans notre pays.
Il apparaît donc indispensable d’agir au plus vite, au-delà des dispositions de la loi AGEC, sur la réparation et le réemploi pour que les gains environnementaux permis par le numérique ne soient pas annulés par ses impacts en termes de pollution et de consommation de ressources et de matières premières.
À ce titre, la mission d’information sénatoriale pour une transition numérique écologique, qui a préfiguré la rédaction de cette proposition de loi, a permis de fournir des éléments concrets sur un sujet qui manquait de données. On a ainsi pu confirmer que 81 % de l’empreinte environnementale du numérique reposait sur le renouvellement des terminaux, notamment sur leur fabrication. C’est donc sur ce point que les efforts doivent être engagés en priorité, d’autant que près de 95 % des Français possèdent un portable.
Les mesures contenues dans cette proposition de loi tendent à renforcer le rôle du consommateur – public ou privé – en visant notamment à mieux lutter contre l’obsolescence programmée et à augmenter la durée de vie des appareils, deux sujets qui concourent au rachat trop fréquent de terminaux.
Nous vous proposerons des amendements afin de limiter le renouvellement des terminaux en encourageant les biens issus de l’économie de fonctionnalité, ainsi que les produits issus du réemploi ou de la réutilisation.
Les consommateurs, par des usages écologiquement vertueux du numérique, par des exigences croissantes et des achats responsables, entraîneront des changements durables dans les méthodes de conception. Nous sommes donc parfaitement en accord avec les dispositions de cette proposition de loi sur la formation des élèves à l’utilisation responsable des outils numériques, ainsi qu’avec l’inscription de l’impact environnemental des biens et services numériques dans le bilan RSE des grandes entreprises.
À ce sujet, le récent rapport du Haut Conseil pour le climat est venu confirmer les craintes grandissantes relatives au déploiement de la 5G et son impact sur les émissions de CO2, en raison du renouvellement des infrastructures, des terminaux et de l’accroissement prévisible des usages.
Bien sûr, il ne s’agit pas de brider a priori le numérique, mais il s’agit de rappeler que ce secteur ne doit pas être exempté d’efforts pour respecter les engagements climatiques de la France. Ce secteur comprend aussi bien les acteurs économiques, les consommateurs que les acteurs publics. Nous devons tous prendre notre part dans le déploiement d’un numérique responsable et vertueux.
Cette proposition de loi offre une initiative législative complète en appréhendant toute la chaîne de valeur numérique. Il paraît donc important de rappeler que les collectivités et l’État aussi peuvent et doivent être moteurs et exemplaires en la matière.
Cela passe par la commande publique, comme le prévoit l’article 13, qui vise à rendre obligatoire le recours aux produits numériques dont les critères de réparabilité, dans un premier temps, et de durabilité, dans un second temps, seront plus exigeants.
Cela passe également par l’élaboration d’une stratégie numérique responsable dans les territoires, qui fait l’objet d’un nouveau chapitre. Je me réjouis de l’adoption de l’amendement que nous avions déposé en commission visant à prendre en compte l’empreinte environnementale du numérique au sein des plans climat-air-énergie territoriaux, les PCAET.
N’oublions pas toutefois les responsabilités du secteur économique. Les mesures de cette proposition de loi semblent donc aller dans le bon sens s’agissant des nouvelles obligations en matière d’écoconception des sites web les plus fréquentés, de la création d’un référentiel général de l’écoconception, de l’avantage fiscal prévu pour les centres de données moins énergivores ou encore des nouveaux engagements de réduction des impacts environnementaux des réseaux.
La préservation de l’environnement doit être prise en compte par tous les acteurs de la filière et la régulation de l’Arcep, en la matière, doit se faire avec davantage de contraintes.
Enfin, cette proposition de loi a subi de nombreuses modifications lors de son examen en commission au mois de décembre dernier : cinquante-six amendements ont été adoptés. C’est le signe de l’ouverture de ses auteurs et des rapporteurs, ainsi que de leur volonté de voir ce texte aboutir. C’est le signe aussi d’un dialogue que je crois constructif avec le Gouvernement, qui semble avoir pris le sujet en main et verra, je l’espère, cette initiative parlementaire comme une opportunité à saisir.
C’est en tout cas la position du groupe RDSE, qui salue ce travail équilibré et souhaite voir émerger au plus vite une véritable politique publique de sobriété du numérique, sans pour autant freiner les progrès économiques, sociaux et écologiques incontestables qu’il engendre. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Claude Varaillas.
Mme Marie-Claude Varaillas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la démarche qui a présidé à la création de la mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique et à la rédaction de cette proposition de loi semble pertinente. Nous saluons le travail réalisé par le président et le rapporteur de la mission, tout comme celui de la commission sur le sujet.
Cette proposition de loi s’articule pleinement avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, mais aussi avec la feuille de route du Gouvernement, largement convergente avec le contenu de ce texte. Notons également l’adoption au niveau européen d’une proposition de résolution à ce sujet en novembre dernier.
Cette prise de conscience est celle de l’urgence écologique qui nous oblige collectivement à tracer les contours d’une société plus économe en ressources et plus sobre en consommation énergétique. La France, qui s’est engagée à réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 et à arriver à la neutralité carbone en 2050, doit prendre des mesures fortes.
À ce titre, le secteur numérique semble un levier puissant de transformation : si le numérique constitue aujourd’hui seulement 2 % du total des émissions en 2019 dans notre pays, cette empreinte pourrait augmenter de 60 % d’ici à 2040 si rien n’est fait.
Pour autant, les dispositions contenues dans cette proposition de loi, a fortiori après l’examen du texte en commission, semblent en retrait par rapport aux objectifs affichés.
Cette proposition de loi risque malheureusement d’être peu opérante face à la complexité des enjeux industriels et stratégiques, notamment en matière de souveraineté numérique, mais également face au niveau d’action nécessaire lié à l’immatérialité de cette économie et à la globalisation des échanges. Comme l’exposé des motifs le souligne, les impacts carbones du numérique sont liés essentiellement à la production des terminaux, production principalement localisée en Asie.
Relocalisation de l’économie, développement d’une filière industrielle au niveau européen, changement des règles du libre-échange, abrogation des accords commerciaux fondés sur le dumping social, économique et environnemental, autant de sujets qui sont alors incontournables pour la réduction de l’empreinte environnementale du numérique et qui ne sont pourtant pas évoqués dans cette proposition de loi.
Il en est de même de la nécessaire réflexion à l’échelle internationale sur l’accès à la ressource en eau et sur la gestion des terres rares dont sont particulièrement friands ces appareils…
Faute de s’attaquer au modèle économique libéral de production et de proposer des alternatives permettant de garantir tout au long du processus de production et d’utilisation des équipements électroniques numériques un usage plus vertueux, les dispositions contenues dans cette proposition de loi risquent de perdre en opérationnalité.
Plus précisément, nous approuvons tous les articles de cette proposition de loi qui visent à lutter contre l’obsolescence programmée. Mais nous soulignons que ces débats ont déjà eu lieu il y a un peu plus d’un an lors de l’examen de la loi sur l’économie circulaire. Ce texte a marqué de nombreuses avancées, y compris grâce à l’adoption d’amendements émanant de notre groupe.
Il en est ainsi de la lutte contre l’obsolescence logicielle. Nous sommes à ce titre surpris d’un changement de pied de la majorité sénatoriale sur certains sujets comme l’extension de la garantie légale ou la révision du taux de TVA. Nous proposerons d’aller plus loin et formulerons des propositions qui, à l’époque, n’avaient pas trouvé de majorité. Nous espérons qu’elles trouveront aujourd’hui une issue plus favorable.
Concernant les obligations formulées auprès des entreprises, nous ne pouvons que constater que la portée des dispositions initialement proposées a été largement revue à la baisse, notamment au travers la suppression des articles 17 à 20. La réécriture de l’article 16, qui substitue un référentiel global d’écoconception à la définition d’obligations en bonne et due forme, permet de contourner de manière habile le caractère contraignant de ces mesures au bénéfice d’un référentiel à la portée plus souple et à la valeur juridique floue. Ses modalités d’élaboration sont finalement renvoyées aux ingénieurs alors que ces questions sont avant tout politiques.
De la même manière, les dispositions sur les data centers ont été amoindries, le Sénat ayant préféré mettre l’accent sur l’incitation fiscale plutôt que d’instaurer des obligations réelles pour les entreprises. Au final, à force de renoncement, nous doutons que la portée de cette proposition de loi soit à la mesure des enjeux !
Pour finir et élargir le débat, et alors que l’impact environnemental de ces usages numériques est très lié aux Gafam, pourquoi ne pas revenir ici sur leur imposition afin qu’ils contribuent réellement aux politiques publiques contre le changement climatique ?
Il nous semble prioritaire de sortir de l’impunité ces grandes multinationales qui n’ont, en l’état, aucune raison de s’orienter vers la sobriété numérique et qui ne contribuent pas à l’effort collectif pour la transition écologique. Malheureusement, nous doutons que cette proposition de loi change la donne en la matière ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen.
M. Pierre-Jean Verzelen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreux spécialistes, de nombreux industriels, de nombreuses associations environnementales sont d’accord pour dire que le numérique constitue un atout idéal pour résoudre en partie la problématique climatique.
La proposition de loi que nous étudions ce jour prouve que le numérique occupe une place importante dans les transitions écologique et énergétique.
Comme cela a été souligné, le numérique pourrait représenter à l’horizon de 2040 près de 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France.
Nous saluons le travail parlementaire effectué lors de la mission d’information, qui a rendu ses conclusions en juin dernier. La traduction législative que nous étudions a déjà été améliorée lors de l’examen par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Cette proposition arrive à un moment opportun, c’est maintenant que nous devons nous emparer de ce sujet.
Il est devenu évident, au vu de l’implication de chacun dans le numérique et ses usages, que tous y participent : les consommateurs, les entreprises ou encore le secteur public.
Ainsi, nous prenons collectivement conscience de l’impact du numérique dans nos usages quotidiens et nos choix de consommation. À ce titre, la création d’un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique sera utile pour anticiper les évolutions futures et les contraintes auxquelles nous devrons faire face.
La durée de vie et la réutilisation des terminaux que nous utilisons pour avoir accès au numérique sont un des enjeux majeurs. À juste titre, la commission est revenue sur le renversement de la charge de la preuve prévu à l’article 6 du texte relatif à l’obsolescence programmée. La nouvelle rédaction de l’article, qui vise à supprimer l’un des critères d’intentionnalité constituant le délit d’obsolescence programmée, est une réelle transformation du mécanisme.
Autre point qui a retenu notre attention et qui a fait l’objet d’un travail important en commission : l’écoconception des sites web. Le cadre général proposé regrouperait plusieurs critères dont nombre d’entre eux semblent nécessaires. J’entends par là particulièrement ce qui a trait à l’affichage et aux stratégies de captation de l’attention des utilisateurs. Les vidéos qui se déclenchent automatiquement à l’ouverture d’un réseau ou d’une page web, en plus d’être consommatrices de données et d’énergie, nuisent bien souvent à la navigation des utilisateurs.
Enfin, je terminerai mon propos en saluant la volonté des auteurs de ce texte de réduire les impacts environnementaux des centres de stockage des données numériques. Ces centres seront de plus en plus nécessaires : nous devons donc réduire leur empreinte au maximum.
Cette proposition de loi, exemple très parlant du travail d’avant-garde que peut produire le Sénat, et l’examen que nous allons en faire marquent l’importance de la réflexion et de l’action que nous menons dans cette chambre, au bénéfice des territoires.
Je forme le vœu qu’elle constitue une base solide à notre stratégie nationale vers un numérique responsable qui pourra en inspirer d’autres. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – M. Guillaume Chevrollier, rapporteur, applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Fernique. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Jacques Fernique. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les enjeux liés à l’empreinte environnementale du numérique ont longtemps été minimisés, voire ignorés.
Alors que, jusqu’ici, on était surtout sensibles aux gains de productivité résultant du numérique, à ses effets de substitution, pour reprendre l’expression de M. le secrétaire d’État, on prend à présent conscience de sa contribution en forte croissance au réchauffement climatique, à l’épuisement des ressources abiotiques, à des tensions sur l’eau douce et à diverses formes d’agressions des écosystèmes.
Selon tous ces critères, en 2019, l’impact planétaire du numérique représentait deux à trois fois l’empreinte environnementale tous secteurs confondus de la France, et ce n’est pas fini ! Entre 2010 et 2025, la taille de l’univers numérique va au moins tripler et ses impacts environnementaux vont au moins doubler.
« Au rythme actuel, le numérique sera considéré comme une ressource critique non renouvelable en voie d’épuisement d’ici moins d’une génération », selon l’expert indépendant Frédéric Bordage.
Malgré les objectifs climatiques fixés par l’accord de Paris, il n’existe à ce jour aucune législation qui permette de contrôler, de réguler ou de réduire les impacts environnementaux du numérique. C’est un vide juridique criant.
Face à ce vide, la mission d’information sénatoriale et cette proposition de loi qui en a découlé sont particulièrement opportunes. Le groupe écologiste salue ce texte, qui témoigne d’un travail transpartisan pour le moins riche et ambitieux. Il est en phase avec des propositions portées par le Conseil national du numérique et par la Convention citoyenne pour le climat. Il s’inscrit dans le sillage de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.
Ce n’est hélas ! pas le chemin que semble prendre le récent projet de loi climat du Gouvernement, qui ne comble pas ce manque de régulation environnementale du numérique. Certes, le Gouvernement a présenté une feuille de route, mais sa mise en œuvre concrète n’est pas claire. La présente proposition de loi est donc, je le répète, particulièrement opportune. Il s’agit d’engager une transition du numérique par des modes de production, de commercialisation et de consommation qui privilégient la sobriété, un usage raisonné et plus respectueux de l’environnement.
Cette transition du numérique, c’est ce que souhaitent les écologistes. Monsieur le secrétaire d’État, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris tout à l’heure qui vous visiez en parlant dans ce débat de postures idéologiques réactionnaires et en évoquant – j’en ai été étonné – un slogan pétainiste.
M. François Bonhomme. Carrément !
M. Jacques Fernique. Sachez que le groupe écologiste ne se reconnaît absolument pas dans de tels propos !
Revenons-en au fond. Ce texte novateur a de nombreux points forts. Il vise particulièrement les producteurs et les fournisseurs en augmentant leurs obligations en matière de reconditionnement, de recyclage, de réparation et de conformité. À ce titre, la lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée légale de conformité de deux à cinq ans seraient des avancées majeures, en particulier dans le contexte de déploiement de la 5G, qui remet en question la viabilité des équipements numériques actuels.
Il permettrait d’apporter plus de transparence sur les stratégies des entreprises et consacrerait l’écoconditionnalité, ainsi que des engagements pluriannuels contraignants.
Le groupe écologiste proposera de renforcer ce texte en présentant un certain nombre d’amendements.
D’abord, il est essentiel que les objectifs visés soient clairs : il s’agit donc d’obtenir l’inscription d’objectifs propres au numérique dans la stratégie nationale bas-carbone, la SNBC. Cette dernière doit prévoir un volet spécifique à ce secteur et définir un budget carbone fixant des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous proposons aussi l’évaluation de l’impact environnemental de la 5G par l’observatoire créé par la présente loi : le rapport remis juste avant Noël par le Haut Conseil pour le climat montre clairement cette nécessité.
Nous mettons également au débat, par voie d’amendements, la question du gâchis de consommation d’énergie des dispositifs publicitaires numériques.
Nous demandons de rétablir l’article 19 dans sa rédaction initiale afin de mettre fin au lancement automatique des vidéos lors de la consultation de sites internet, sauf dérogation.
Nous regrettions la suppression en commission de l’obligation pour les opérateurs téléphoniques de moduler les forfaits proposant des données internet afin d’encourager une consommation raisonnée via le wifi ou le filaire. Nous souhaitons donc renforcer l’article 15 pour enrayer la croissance des consommations réseaux à laquelle nous expose le déploiement de la 5G.
Enfin, pour lutter contre l’obsolescence programmée et renforcer la durée de vie des terminaux, nous proposons de travailler le recyclage, le réemploi et la réutilisation des équipements numériques, voire d’expérimenter dans des territoires volontaires un dispositif de consigne.
Ces propositions sont fidèles à l’esprit du texte, appuient ses dispositions et, vous l’avez compris, ne visent qu’à le consolider et à assurer son efficacité.
L’enjeu, aujourd’hui, est d’adopter un usage raisonné du numérique et de préserver nos ressources pour garantir un avenir viable. Compétitivité, haut débit et couverture numérique doivent aller de pair avec résilience, sobriété et usage écoresponsable. Nous espérons donc que le Gouvernement reprendra ce texte transpartisan. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est plus besoin de rappeler l’importance du numérique dans nos vies quotidiennes. L’année 2020 et le développement contraint du télétravail l’ont confirmé s’il en était besoin !
Le numérique, nous le disons depuis maintenant un certain nombre d’années dans cette assemblée, est indispensable à nos concitoyens, à l’attractivité de nos territoires, au développement économique et à l’innovation. Ses atouts ne doivent pas pour autant nous faire mettre de côté son impact environnemental, incontestablement insuffisamment pris en compte jusqu’à présent.
Les usages numériques ne sont pas sans conséquence sur l’environnement en termes d’émission de gaz à effet de serre, de consommation énergétique ou d’utilisation des ressources.
Ce constat longtemps occulté a conduit la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat à mettre en place à la fin de 2019 une mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique. Ses travaux ont abouti à un rapport de grande qualité. Je salue particulièrement le travail de Patrick Chaize, de Jean-Michel Houllegatte et de Guillaume Chevrollier. Ce rapport a notamment permis pour la première fois une évaluation de l’empreinte carbone numérique dans notre pays.
Le rapport révèle que le numérique, qui représente aujourd’hui 2 % des émissions de gaz à effet de serre, pourrait en représenter 7 % à l’horizon 2040. Il souligne donc la nécessité de mettre en place une politique de sobriété numérique pour concilier transition numérique et transition écologique, toutes deux indispensables. C’est le sens de la feuille de route déclinée par le rapport, qui prévoit vingt-cinq mesures, reprises – pour celles qui relèvent du niveau législatif – dans cette proposition de loi.
Le présent texte, dont j’ai l’honneur d’être coauteur et qui a été amélioré par la commission au fond et celle saisie pour avis ainsi que par le travail des rapporteurs, prévoit que notre pays se dote d’outils pour anticiper l’impact du numérique sur le climat et rendre son développement compatible avec nos engagements internationaux.
Par manque de temps, je n’évoquerai que les aspects les plus importants de ce texte.
Tout d’abord, la proposition de loi vise à limiter le renouvellement des terminaux. C’est un point essentiel, car la mission d’information a révélé que ceux-ci représentaient 81 % des impacts environnementaux du secteur en France. Ainsi, dans le prolongement de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ainsi que des apports de notre assemblée sur ce texte, la présente proposition de loi renforce les outils de lutte contre l’obsolescence programmée, privilégie les produits durables dans la commande publique, améliore la collecte des produits numériques et favorise le développement du marché de seconde main.
Elle prévoit également d’inciter aux usages numériques vertueux, en imposant un référentiel général de l’écoconception aux sites internet qui génèrent le plus de trafic.
Elle aborde enfin la question préoccupante de l’impact environnemental des réseaux en dotant notre pays de moyens d’anticiper et de réguler cet impact, qui devrait augmenter avec les réseaux de nouvelle génération.
À cet égard, je rappellerai que, conscient des enjeux environnementaux de la 5G, le président du Sénat a saisi à notre demande le Haut Conseil pour le climat (HCC) afin qu’une estimation de son impact soit réalisée.
Le rapport du HCC est plutôt alarmant puisqu’il estime que cette génération de réseau entraînera une « augmentation significative » de l’empreinte carbone du numérique. Il est donc regrettable que le Gouvernement n’ait pas, comme nous le demandions, effectué une évaluation préalable au déploiement de la 5G.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous devons faire en sorte que l’indispensable développement du numérique s’effectue de manière sobre, responsable et respectueuse de l’environnement.
C’est un enjeu essentiel qu’il nous appartient, ensemble, de relever. Tel est l’objectif de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et GEST.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Gillé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Hervé Gillé. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’initiative prise par nos collègues Patrick Chaize, Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte permet d’apporter un éclairage novateur, judicieux et pertinent sur l’empreinte environnementale du numérique. Qu’ils en soient remerciés ! Ce sujet appelait depuis longtemps un débat et un travail de fond, dont la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable s’est opportunément saisie. Le soutien de 130 cosignataires en confirme l’importance.
Toutes les politiques publiques devraient désormais s’inscrire dans une démarche d’évaluation environnementale afin de conditionner leur mise en œuvre. Cela semble s’imposer pour le numérique, qui prend une dimension particulière avec la montée en puissance de la 5G, avec comme corollaire une évolution significative des usages, des moyens et des outils.
L’évolution d’une prise de conscience générale s’est traduite dans plusieurs rapports et propositions. Je citerai ceux de la Convention citoyenne pour le climat et du Haut Conseil pour le climat, sur l’empreinte environnementale de la 5G, de l’Arcep, pour des politiques numériques plus soutenables. Aussi cette proposition de loi contribue-t-elle à ouvrir objectivement un débat trop souvent marqué par des radicalités peu éclairantes, souvent réductrices, qui ne permettent pas d’envisager ces problématiques dans toute leur complexité, et cela notamment du fait de l’absence de données environnementales, d’outils pour les collecter et d’évaluations.
Comment faire de la transformation numérique un accélérateur positif de la transition écologique, si ce n’est en accompagnant et en progressant collectivement, pour conforter les démarches d’évaluation environnementale ?
L’évaluation est consubstantielle des politiques de développement durable. Reconnaissons dans ce domaine nos faiblesses, nos carences et la nécessité d’établir de nouveaux référentiels communs pour s’appuyer sur des indicateurs partagés, pour mieux mesurer les impacts et agir en conséquence sur les usages, notamment par une meilleure information et une responsabilisation des acteurs et des usagers.
Il s’agit de mieux réguler en s’appuyant sur des données objectives en créant, à l’article 3 du texte, un observatoire des impacts environnementaux du numérique, mais également sur les plus-values et gains potentiels apportés par le numérique à la transition écologique.
Une approche globale est proposée dans ce texte. Elle doit fournir un cadre vertueux en intervenant sur l’ensemble de la chaîne numérique – des équipements aux logiciels, jusqu’aux centres de données – et en abordant les questions de durabilité, de réemploi et d’obsolescence, souvent dénoncée et pourtant si mal régulée.
L’équilibre des propositions se fait par des mesures d’incitation pour susciter la prise de conscience et des mesures contraignantes afin d’imposer aux opérateurs de réduire réellement leur impact environnemental. L’approche normative est confortée notamment, quant à l’obsolescence, dans une logique de responsabilité sociétale des acteurs plutôt qu’au travers d’un cadre exclusivement contraignant.
Enfin, le texte approfondit la responsabilité sociétale de tous les acteurs : particuliers, entreprises, collectivités et territoires. La responsabilité sociétale des entreprises doit en effet étudier les conditions de son extension à la sobriété numérique et il est essentiel que tous les acteurs du secteur public, comme du secteur privé, s’inscrivent dans ces orientations pour une évolution favorable du sujet.
Les territoires sont évidemment le maillon indispensable d’une politique d’équilibre pour une couverture numérique ambitieuse et le respect de l’environnement, pour une convergence entre transition numérique et transition écologique.
Les amendements socialistes adoptés en commission se sont traduits dans un nouveau chapitre intitulé « Promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires », en affirmant une gouvernance territoriale : en permettant aux collectivités de plus de 50 000 habitants d’inscrire une stratégie numérique dans leur rapport de redevabilité sur le développement durable ; en intégrant les data centers dans les systèmes énergétiques locaux et dans les plans climat-air-énergie territoriaux ; en mobilisant l’achat public pour réduire l’empreinte carbone du numérique au sein des schémas de promotion des achats publics responsables.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez invoqué dans un premier temps l’urgence du déploiement de la 5G afin d’éviter une perte de compétitivité et d’attractivité pour notre pays. Dans un second temps, vous avez défendu l’utilité des nouvelles technologies numériques pour accélérer la transition écologique. Notre difficulté, nous le savons, réside dans ce que les modèles de leur développement s’appuient sur les usagers ainsi que sur la multiplication et la diversité de l’offre en vue de trouver une rentabilité. Ces enjeux économiques et financiers ne doivent pourtant pas nous détourner de nos objectifs environnementaux, aujourd’hui essentiels.
L’enjeu primordial de ce texte est de valoriser le numérique en maîtrisant son empreinte environnementale pour qu’il soit un outil de progrès, atout d’une transition écologique et non pas obstacle aux enjeux climatiques. L’initiative du Sénat sur le sujet, qui a été très suivie, marque la nécessité de répondre rapidement au défi d’une politique numérique responsable sur le plan environnemental.
Cette proposition de loi apporte les premières solutions pour envisager une meilleure régulation, en informant et en responsabilisant tous les acteurs, opérateurs et citoyens, et en introduisant une approche territoriale indispensable. Évidemment, beaucoup reste à faire, mais il est essentiel d’introduire cette politique. Nous soutiendrons donc ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et au banc des commissions.)