Sommaire

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

MM. Daniel Gremillet, Joël Guerriau.

1. Procès-verbal

2. Questions d’actualité au Gouvernement

rapprochement entre carrefour et couche-tard

M. Didier Rambaud ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance.

stratégie vaccinale (I)

Mme Martine Filleul ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Martine Filleul.

territoires éducatifs ruraux

M. Éric Gold ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

suppressions de postes chez sanofi

M. Ronan Dantec ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; M. Ronan Dantec.

avenir de l’office national des forêts

M. Franck Menonville ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

stratégie vaccinale (II)

Mme Sophie Primas ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Sophie Primas.

crise de la filière aéronautique

M. Stéphane Demilly ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance ; M. Stéphane Demilly.

situation chez sanofi et politique vaccinale

M. Pascal Savoldelli ; Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie ; M. Pascal Savoldelli.

charte pour l’islam de France

Mme Jacqueline Eustache-Brinio ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté ; Mme Jacqueline Eustache-Brinio.

accompagnement du secteur viticole touché par les sanctions commerciales américaines (I)

M. Franck Montaugé ; M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance ; M. Franck Montaugé.

accords de pêche après le brexit

M. Jean-François Rapin ; Mme Annick Girardin, ministre de la mer ; M. Jean-François Rapin.

difficultés des cantines scolaires face au protocole sanitaire renforcé

M. Claude Kern ; M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ; M. Claude Kern.

accompagnement du secteur viticole touché par les sanctions commerciales américaines (II)

M. Daniel Laurent ; M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation ; M. Daniel Laurent.

stratégie vaccinale (III)

Mme Isabelle Briquet ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles ; Mme Isabelle Briquet.

insécurité à nîmes

M. Laurent Burgoa ; Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté.

situation des étudiants

Mme Kristina Pluchet ; M. Jean Castex, Premier ministre.

campagne de vaccination

M. Jean Louis Masson ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

3. Conférence des présidents

Conclusions de la conférence des présidents

4. Renforcement du droit à l’avortement. – Rejet d’une proposition de loi

Discussion générale :

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Florence Lassarade

Mme Colette Mélot

Mme Raymonde Poncet Monge

M. Xavier Iacovelli

M. Stéphane Artano

Mme Laurence Cohen

Mme Élisabeth Doineau

M. Stéphane Ravier

Mme Émilienne Poumirol

M. Pierre Charon

M. Bernard Jomier

Clôture de la discussion générale.

Question préalable

Motion n° 1 de Mme Corinne Imbert. – Mme Corinne Imbert ; Mme Michelle Meunier ; Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales ; Mme Laurence Rossignol, rapporteure ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État ; Mme Nadège Havet ; Mme Raymonde Poncet Monge ; M. Daniel Chasseing ; M. Alain Milon ; Mme Laurence Cohen. – Adoption, par scrutin public n° 53, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.

Suspension et reprise de la séance

5. Droits nouveaux dès dix-huit ans. – Discussion d’une proposition de loi

Discussion générale :

M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi

Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles

M. Daniel Chasseing

M. Thomas Dossus

M. Dominique Théophile

M. Stéphane Artano

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Olivier Henno

M. Cédric Vial

6. Modification de l’ordre du jour

7. Droits nouveaux dès dix-huit ans. – Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi

Discussion générale (suite) :

Mme Annie Le Houerou

M. Rémi Féraud

M. Marc Laménie

Mme Agnès Canayer

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

Mme Esther Benbassa

M. Thierry Cozic

M. Patrick Kanner

M. Guy Benarroche

Mme Sophie Taillé-Polian

M. Pascal Savoldelli

Rejet, par scrutin public n° 54, de l’article.

Article 2 – Rejet par scrutin public n° 55.

Article 3 – Devenu sans objet.

Tous les articles ayant été rejetés, la proposition de loi n’est pas adoptée.

8. Communication d’un avis sur un projet de nomination

9. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires :

M. Daniel Gremillet,

M. Joël Guerriau.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, au respect du temps de parole, d’autant que le Gouvernement aura, cette fois, à répondre à dix-sept questions, ainsi qu’au respect des uns et des autres.

rapprochement entre carrefour et couche-tard

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe RDPI. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Didier Rambaud. Monsieur le ministre, alors que des discussions ont été ouvertes entre le québécois Couche-Tard et le groupe Carrefour en vue d’une fusion, vous avez mis fin à cette tentative de rapprochement au nom de la sécurité alimentaire de notre pays.

Nous ne pouvons que nous féliciter de ce retour du politique dans le domaine commercial. Vous avez su le rappeler : en temps de crise, l’État a plus que jamais son mot à dire dans les interventions d’investisseurs étrangers, surtout lorsqu’il s’agit du premier employeur privé de France.

C’est le sens de la disposition que nous avons adoptée dans la loi Pacte, qui a modernisé le dispositif de contrôle des investissements directs étrangers dans les secteurs stratégiques.

Au fond, de quoi est-il question ici ? D’un groupe de plus de 364 000 salariés, ce qui en fait, j’insiste sur ce point, le premier employeur privé français. Ce groupe était en passe d’être racheté par un géant canadien de la grande distribution, qui réalise plus de 70 % de son chiffre d’affaires dans les carburants.

Carrefour, c’est une entreprise qui rayonne, qui s’est installée sur tous les continents et dont les dernières performances économiques sont prometteuses, que ce soit en France ou dans le reste du monde. Autant dire, monsieur le ministre, que son rachat ne va pas de soi.

Il n’est d’ailleurs possible que pour une seule raison : parce que, depuis la crise de 2008, les indices boursiers ont doublé outre-Atlantique, tandis que les indices européens sont restés en deçà de leur niveau d’avant la crise. C’est donc bien une extraordinaire bulle financière qui permet à Couche-Tard d’envisager une telle opération, alors que son activité réelle reste inférieure à celle du géant français.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette décision courageuse, mais certaines questions restent en suspens, notamment le développement de l’e-commerce, que Carrefour devra désormais financer seul.

Et que dire de l’image de la France, qui doit rester une terre d’investissements et une nation attractive ? C’est tout l’engagement du Président de la République et de la majorité présidentielle.

Aussi, pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser les raisons qui vous ont conduit à prendre cette décision courageuse (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.) et rassurer les investisseurs étrangers sur la position de la France et son attractivité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur Rambaud, je pense que vous avez parfaitement résumé les choses. (Nouvelles marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

Une grande entreprise étrangère veut racheter le premier employeur privé de France, Carrefour. Si certains ici veulent laisser à une grande entreprise étrangère la liberté de racheter sans coup férir le premier employeur privé de France, garant de notre sécurité alimentaire et représentant 20 % de la distribution alimentaire de notre pays, grand bien leur fasse ! Pour ma part, je pense que la responsabilité de l’État est de garantir la sécurité alimentaire des Français et de les protéger en sécurisant les approvisionnements. C’est ce que nous avons fait. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Si c’était à refaire, nous reprendrions exactement la même décision, qui, je le rappelle, est conforme au texte de loi que vous avez voté, puisque nous avons prévu, au titre des décrets sur les investissements étrangers en France, de contrôler les investissements dans la distribution alimentaire. Le règlement européen le prévoit également : il établit de manière très claire que la distribution alimentaire est un enjeu absolument stratégique.

Il l’est encore plus au lendemain d’une pandémie qui nous a appris que des produits agricoles pouvaient ne plus circuler. Notre responsabilité est donc de garantir la sécurité alimentaire des Français d’un bout à l’autre de la chaîne, de la production agricole jusqu’à la distribution alimentaire, en passant par la transformation via l’industrie agroalimentaire, qui fait notre fierté.

Cela remet-il en cause l’attractivité de notre pays ? Tous ceux qui nous donnent des leçons feraient mieux d’être fiers que la France soit devenue, sous l’autorité du Président de la République et à la suite des décisions qui ont été prises par le Gouvernement et la majorité, la première terre d’investissements étrangers en Europe. Nous sommes le pays le plus attractif sur le continent (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et nous le resterons, car nous maintiendrons la même politique de soutien aux entreprises et d’ouverture aux investissements étrangers. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

stratégie vaccinale (i)

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe SER. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Martine Filleul. Monsieur le Premier ministre, mercredi dernier, vous nous disiez ici même, excédé, qu’il ne fallait pas revenir chaque semaine sur l’organisation de la vaccination. Pourtant, il y a matière !

Je m’appuie sur mon histoire personnelle, qui doit être celle de nombreux Français.

Ma mère, âgée de 97 ans, a intégré un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privé, faute de place dans un Ehpad public. Vendredi, lors de l’une des rares visites que j’ai pu lui rendre, j’ai enfin appris que la vaccination y débuterait en février, alors que, dans l’établissement voisin, public celui-là, elle a commencé au début du mois de janvier.

Comment expliquez-vous l’existence de deux flux différents de livraison de vaccins pour cet Ehpad privé et cet Ehpad public, avec plus d’un mois de différence ? Comment expliquez-vous qu’une personne de 82 ans ait patienté cinq heures au téléphone avant d’obtenir un rendez-vous seulement le 8 mars prochain ? Comment expliquez-vous, monsieur le Premier ministre, que notre pays soit classé vingt-cinquième sur vingt-sept au niveau européen pour son efficacité vaccinale, alors que nous avons tous eu le même nombre de vaccins au même moment ? À quoi nous sert McKinsey ?…

Je suis en colère, monsieur le Premier ministre, mais j’ai surtout peur : peur pour ma mère, peur pour les résidents des Ehpad, peur pour ces personnes âgées dites « prioritaires ».

Je vous le demande : quand allez-vous mettre un terme à cette situation ? Comment comptez-vous en finir avec ces aberrations ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, je le dis sans contredire le Premier ministre : il est important d’évoquer ce sujet toutes les semaines, en toute transparence, comme nous le faisons depuis le premier jour de l’élaboration de la stratégie vaccinale. Nous partageons autant que nécessaire les décisions que prend le Gouvernement, mais une planification est nécessaire pour éviter de verser dans la précipitation.

Vous me donnez l’occasion de faire un point devant la représentation nationale sur l’état de la stratégie vaccinale et son évolution.

Aujourd’hui, plus de 585 000 de nos concitoyens ont été vaccinés. Hier, nous avons vacciné près de 100 000 personnes. (Oh là là ! sur les travées du groupe Les Républicains.)

L’objectif fixé par le Premier ministre de 1 million de personnes vaccinées d’ici la fin du mois sera donc atteint, probablement même quelques jours plus tôt que prévu.

L’objectif est de vacciner 2,4 millions de personnes d’ici à la fin de mois de février, et peut-être même 4 millions si le vaccin AstraZeneca est validé. Au rythme qui est le nôtre, nous allons progressivement rejoindre le concert des pays européens.

Vous le savez, cette stratégie de vaccination dépend néanmoins du nombre de doses dont nous disposons aujourd’hui. Au 17 janvier nous avaient été livrées 1,6 million de doses, tandis que 315 000 doses supplémentaires vont nous être livrées dans les prochains jours. Il n’y a pas de stock caché, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Exclamations sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)

Le stock national s’élève à 8 000 doses. Tous les autres vaccins sont dans les centres de vaccination. En pleine collaboration avec les élus locaux, les agences régionales de santé (ARS) et les préfets, les acteurs de terrain sont au courant du nombre de doses dont ils disposent et du nombre de concitoyens qu’ils vont pouvoir vacciner. Le Président de la République a d’ailleurs demandé au Gouvernement et au ministre des solidarités et de la santé que soit régulièrement publié sur internet le nombre de doses par région, par département et par centre,…

M. le président. Il faut conclure.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. … de manière transparente, à l’instar de ce que fait le Gouvernement depuis le début de cette crise. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.

Mme Martine Filleul. Je vous remercie, monsieur le ministre de votre réponse et de votre attention. Cependant, aujourd’hui, seuls 10 % des résidents des Ehpad sont vaccinés.

Il est temps de sortir du mensonge et de dire la vérité aux Français, à savoir que nous ne sommes pas prêts ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)

territoires éducatifs ruraux

M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe RDSE.

M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Monsieur le ministre, vous avez lancé lundi une expérimentation, appelée « Territoires éducatifs ruraux », adaptation aux zones rurales des cités éducatives mises en place depuis plus d’un an dans 80 quartiers prioritaires de la politique de la ville.

De fait, on a beaucoup parlé, ces dernières années, de l’éducation prioritaire dans les quartiers, en oubliant trop souvent que de fortes inégalités persistent aussi dans nos territoires ruraux, qui rassemblent pourtant 20 % des élèves et 34 % des écoles.

L’objectif de cette expérimentation est précisément de lutter contre les inégalités territoriales et sociales en matière d’éducation, notamment pour que chaque jeune ait la possibilité de poursuivre des études, quel que soit son lieu d’habitation. Il y a beaucoup à faire : 23 % des jeunes ruraux ne poursuivent pas d’études supérieures, contre 15 % en moyenne nationale, alors que leurs résultats sont bons, y compris au baccalauréat.

Il est donc indispensable de soutenir l’ambition scolaire et universitaire des jeunes ruraux en levant certaines difficultés spécifiques aux territoires et en luttant contre l’autocensure.

Les territoires éducatifs ruraux visent des territoires en situation d’isolement géographique et de déclin démographique ou industriel, en rassemblant toutes les parties prenantes, dont les collectivités locales. L’idée est de créer un véritable écosystème autour des jeunes pour renforcer leur accompagnement éducatif, encourager leur ambition et faciliter leur mobilité.

Cet écosystème doit se créer autour d’un bassin de vie, au-delà de l’organisation administrative de l’État et de nos collectivités, car les problématiques spécifiques de ces territoires appellent des réponses spécifiques, cohérentes et construites avec les élus, qui connaissent mieux que personne les besoins et les réalités locales. Il est aussi un vecteur de rayonnement et peut-être un début de réponse aux difficultés de recrutement dans certains secteurs comme la santé.

En soutenant des jeunes du territoire jusqu’à l’obtention de leur diplôme, on donne une chance supplémentaire au monde rural de multiplier les jeunes talents.

Pouvez-vous préciser, monsieur le ministre, comment ce dispositif expérimental pourra s’appuyer sur les collectivités territoriales ? Quel sera concrètement l’accompagnement de votre ministère pour que, au-delà de la phase de test de six mois, les territoires éducatifs ruraux permettent une meilleure équité dans la poursuite des études ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Éric Gold, le sujet est extrêmement important. Je sais à quel point le Sénat y est sensible. La question de la revitalisation rurale en général et de la revitalisation par l’école en particulier est essentielle pour créer de l’attractivité et de la force.

Vous l’avez dit, et il faut le répéter : l’école primaire rurale fait réussir. Les enfants des écoles primaires rurales réussissent en moyenne plus que ceux des écoles primaires en général. L’école primaire rurale est donc un modèle qu’il faut promouvoir.

Nous nous sommes d’ores et déjà engagés, à la rentrée dernière, à ne fermer non seulement aucune classe, mais aussi aucune école rurale sans l’accord du maire. Il est très important de persévérer dans cette logique de soutien.

Il faut, en parallèle, avoir une logique qualitative.

Dans la lignée de plusieurs rapports que j’ai demandés, notamment celui de Salomé Berlioux sur les jeunes en milieu rural, mais aussi le rapport dit « Azéma-Mathiot », la nouvelle secrétaire d’État à l’éducation prioritaire, Nathalie Élimas, et moi-même avons réalisé un remarquable travail avec trois académies, l’académie de Normandie, l’académie d’Amiens et l’académie de Nancy-Metz.

Comme vous l’avez dit, le dispositif est expérimental. Il sera ensuite étendu à d’autres académies. L’idée est de se doter d’une logique de réussite des élèves reposant sur l’articulation de toutes nos politiques publiques au bénéfice des écoles rurales, comme le dédoublement des classes, les « cordées de la réussite », les internats d’excellence et, plus généralement, une forme de mentorat pour nos élèves, pour les amener à toutes sortes de carrières. Il y a donc derrière les territoires éducatifs ruraux une notion clé d’ambition.

Le partenariat avec les collectivités locales est lui aussi déterminant. Chaque territoire éducatif rural sera un cas particulier, avec un accord entre la collectivité et l’État pour, ensemble, porter une ambition éducative.

Nous continuons dans la lignée du travail que nous avons déjà réalisé avec plusieurs d’entre vous pour définir des stratégies départementales pour l’école rurale. C’est une étape supplémentaire, mais elle est très importante, parce qu’elle consacre l’idée que l’éducation prioritaire est pour la ville, mais aussi pour la campagne. Elle est tout simplement pour tous les enfants français qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mme Françoise Gatel applaudit également.)

suppressions de postes chez sanofi

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour le groupe GEST. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Ronan Dantec. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargée de l’industrie.

Madame la ministre, Sanofi vient de confirmer la suppression de 400 postes dans ses services de recherche et développement (R&D) en France.

Cette annonce suscite un réel émoi tant elle apparaît en total décalage avec le contexte économique et social actuel et la volonté clamée par tous d’une société plus autonome et résiliente.

Permettez-moi de vous poser une petite série de questions, madame la ministre.

Premièrement, pensez-vous rationnel que nous réduisions notre capacité de recherche scientifique et médicale alors que nous sommes tous convaincus qu’il nous faut renforcer l’autonomie européenne en matière de production de médicaments ?

Deuxièmement, pensez-vous raisonnable qu’une entreprise européenne bénéficiant d’aides publiques très importantes et de commandes publiques massives puisse ainsi, pour reprendre les propos de Mme Borne, ministre du travail, remettre aujourd’hui des centaines de salariés sur le marché de l’emploi ?

Troisièmement, pensez-vous acceptable, alors que les Français sont terriblement inquiets pour leur propre avenir économique, mais ont aussi montré une forte capacité de cohésion en appliquant les consignes sanitaires, qu’une entreprise de cette importance puisse passer un message aussi brutal, en assumant d’augmenter ses dividendes tout en réduisant son nombre de salariés ?

En imaginant que vous ayez répondu non aux trois questions de ce petit questionnaire à choix multiple, ma dernière question, madame la ministre, sera fort simple : comment prévoyez-vous d’intervenir pour que Sanofi revienne sur sa décision et comprenne qu’elle ne peut aujourd’hui faire preuve d’une telle indécence ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur Dantec, je veux d’abord vous dire que la décision de Sanofi ne vient pas d’être prise. C’est une information dont nous avons déjà discuté dans cet hémicycle. Je vous avais déjà répondu, au mois de juin dernier me semble-t-il, au sujet de l’entreprise Sanofi, qui, effectivement, recentre une partie de ses sites de R&D sur trois verticales d’excellence, notamment les vaccins.

Je veux vous répéter ce que nous avions dit alors : conformément à vos attentes, nous serons extrêmement vigilants sur la réindustrialisation de la France, le niveau de nos capacités de production et le renforcement de notre excellence en matière de santé aux niveaux national et européen.

Ainsi, nous avons formulé trois demandes à Sanofi : qu’il n’y ait que des départs volontaires, et aucun départ contraint – je puis affirmer ici que le patron de Sanofi s’est engagé en ce sens –, que Sanofi augmente ses dépenses annuelles de R&D – de fait, Sanofi s’est engagé à investir 2 milliards d’euros chaque année dans ce domaine – et que Sanofi réimplante des sites de production. Un site de production de vaccins évolutif verra ainsi le jour.

Ce dernier aurait été très utile dans les circonstances présentes, mais je rappelle que, si la production de produits pharmaceutiques en France a été divisée par deux entre 2005 et 2015, c’est précisément parce que nous n’avions pas de politique d’attractivité à destination des investisseurs étrangers et français. Comme l’a indiqué Bruno Le Maire, nous avons entamé ce travail, avec le Président de la République et le Premier ministre, pour attirer de nouveau les entreprises et renforcer nos sites de production.

Monsieur le sénateur, je veux donc vous rassurer : oui, nous mettrons toutes nos forces dans la bataille pour réindustrialiser la France et faire du secteur de la production en santé une priorité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour la réplique.

M. Ronan Dantec. « Tout le monde a vu durant cette crise que des médicaments qui paraissaient usuels n’étaient plus produits en France et en Europe » : tels sont les propos qu’Emmanuel Macron a tenus au mois de juin.

À l’époque, nous pouvions penser, en toute innocence, que c’était justement pour y remédier, notamment dans le domaine du diabète, où sont les suppressions d’emplois, qui ne sont pas du tout liées à la stratégie vaccinale. En fait, c’était tout simplement pour s’y résigner ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

avenir de l’office national des forêts

M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe INDEP. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. Franck Menonville. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

L’Office national des forêts (ONF) rassemble 9 000 agents et gère 6 millions d’hectares, dont 3 millions d’hectares de forêt communale. Il réalise plus de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires et représente 40 % du bois produit en France.

Cependant, force est de constater que cet établissement rencontre des difficultés croissantes, et ce depuis de nombreuses années.

Ces difficultés sont tout d’abord financières : en effet, l’ONF est structurellement déficitaire. Son déficit atteindra, cette année, 79 millions d’euros, alors que son chiffre d’affaires est en baisse de 45 millions d’euros. Le dernier conseil d’administration a donc été contraint de relever le plafond d’endettement à 550 millions d’euros. Bien évidemment, ce n’est bien aucunement une solution : c’est plutôt une fuite en avant, qui ne fera qu’accentuer les difficultés à venir.

L’ONF traverse une crise sociale, avec la réduction des effectifs sur le terrain. Il traverse également une crise existentielle : il est aujourd’hui confronté à de nombreux défis, parfois contradictoires, et à une dispersion de ses missions.

Plus de 300 rapports ont été produits en trente ans, qui sont souvent restés sans suite. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus différer un vrai débat pour entreprendre une réforme profonde de l’ONF, sur ses missions, sur son organisation, sur son financement, mais aussi sur sa gouvernance et son ancrage territorial, en y renforçant le rôle des collectivités territoriales.

De véritables choix stratégiques doivent être faits au plus vite, et c’est bien un nouveau modèle économique qu’il nous faut bâtir pour l’ONF.

Monsieur le ministre, il est urgent d’agir : que comptez-vous mettre en œuvre pour assurer la pérennité de l’ONF, alors même que la forêt française, les forêts communales et les communes forestières sont au cœur du défi climatique et sanitaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Menonville, je veux d’abord vous redire le grand attachement du Gouvernement, mais aussi, je crois, de nombreux Français, à l’ONF, ainsi qu’à l’ensemble des agents qui y travaillent.

L’ONF est un organisme qui est salué à l’international. Son expertise est grande. Il nous faut le soutenir. Je veux vraiment le répéter solennellement : nous sommes aux côtés de l’ONF et de ses agents.

Il est vrai que l’ONF rencontre aujourd’hui un certain nombre de défis : le défi de la forêt française, que les membres de la Haute Assemblée connaissent si bien ; le défi du changement climatique ; le défi posé par certaines maladies, comme les scolytes, dont nous avons tant parlé dans cet hémicycle ; un défi financier, que vous avez très bien évoqué et qu’il nous faut affronter de face, en tirant profit de l’ensemble des travaux d’expertise qui ont été menés et que vous avez rappelés.

Je veux vous apporter trois éléments de réponse, monsieur le sénateur.

Tout d’abord, il faut être aux côtés de l’ONF pour fixer le cap. Je crois qu’une politique forestière est essentielle aujourd’hui : une forêt se préserve et se cultive à la fois.

Il faut également apporter un soutien financier. Nous avons ainsi augmenté les crédits de 10 millions d’euros dans le cadre du projet de loi de finances. S’y ajoute le plan de relance, avec 200 millions d’euros pour la forêt. Ce geste était attendu depuis de nombreuses années ; de nombreux rapports avaient mis en avant sa nécessité. De fait, les résultats du plan de relance sont très positifs.

Enfin, il va nous falloir finaliser un contrat entre l’État et l’ONF, mais également entre l’ONF et les communes forestières, car je n’oublie pas et n’oublierai jamais que l’ONF gère également les communes forestières, qui ont toute leur place à jouer. L’une de mes premières décisions en tant que ministre a d’ailleurs été de laisser à l’ONF la gouvernance des communes forestières, alors qu’il était projeté de la lui retirer.

Telle est, monsieur le sénateur, la feuille de route qui est la mienne et que je suivrai avec attention, en lien avec la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

stratégie vaccinale (ii)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Sophie Primas. Monsieur le Premier ministre, je vous interroge en tant que sénatrice des Yvelines, au nom de tous mes collègues ici présents et, surtout, des maires de France qui nous appellent, désemparés.

Les maires veulent vous comprendre, mais ils ne vous comprennent plus ; ils veulent vous aider, mais ils n’y arrivent plus. Avec volontarisme, ils ont pris en charge l’organisation territoriale de la campagne vaccinale, aux côtés de préfets et d’agences départementales de l’ARS souvent dévoués et d’hôpitaux et de ressources médicales locales mobilisés. Ils sont prêts à s’engager, avec authenticité et sans arrière-pensée politique.

Non seulement les maires ont le doigt sur la couture du pantalon, mais ils ont aussi le porte-monnaie ouvert. Ils financent les installations matérielles, les agents qui accueillent le public et assurent la sécurité, les permanences pour les rendez-vous, les annulations et les listes d’attente, le transport des personnes vulnérables et même, monsieur le Premier ministre, le coût des aiguilles et des seringues, puisque celles-ci nous arrivent non conformes. (M. le Premier ministre sexclame.)

Pourtant, aujourd’hui, ce sont les maires qui affrontent en première ligne le résultat de votre désorganisation : le mécontentement de nos concitoyens, leur incompréhension, leur détresse et, bientôt, leur colère. Le cabinet de Mme le maire de Rambouillet reçoit un appel par minute depuis lundi matin !

Nous connaissons les commandes et les conditions de transport et d’utilisation de ce vaccin depuis au moins le début de mois de décembre. Dès lors, pourquoi la logistique n’a-t-elle pas été anticipée ? Vous n’avez tiré aucun enseignement des dysfonctionnements de la première vague. Comment expliquer que des centres qui devaient ouvrir la semaine prochaine resteront fermés malgré vos promesses d’accélération ? Comment expliquer que les maires n’aient aucune visibilité sur les rendez-vous à plus de deux jours, donc sur les rendez-vous pour la seconde injection ?

Tout cela rend le pays épidermique, monsieur le Premier ministre. Comment et quand allez-vous enfin reprendre les choses en main ? (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles. (Marques détonnement sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, sans que j’aie moi non plus, vous vous en doutez, d’arrière-pensée politique, je veux dire quelque chose qui vous fera plaisir.

Les membres du Gouvernement sont convaincus que la campagne de vaccination se fera main dans la main avec les maires. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Depuis la fin du mois de décembre, par l’intermédiaire notamment des cellules départementales de vaccination, nous avons demandé à ces derniers de proposer des lieux adaptés à l’ouverture de centres vaccinaux et de prendre l’attache des personnes vulnérables concernées par la nouvelle étape de vaccination qui a débuté lundi, à savoir nos concitoyens de plus de 75 ans.

Je tiens ici à les remercier d’avoir contribué, par leur expertise, à la création et à l’ouverture de plus de 800 centres à ce jour. Nous savons pouvoir leur faire confiance. Comme vous l’avez rappelé, le rôle des maires sera central, notamment dans le transport des personnes vulnérables vers ces centres. Cela a été réaffirmé encore récemment par le ministre des solidarités et de la santé auprès du président de l’Association des maires de France.

Depuis le démarrage de la campagne, les maires, les préfets, les ARS connaissent précisément le nombre de doses disponibles. (Non ! sur les travées du groupe Les Républicains.) Il leur appartient de ne pas ouvrir davantage de centres que ceux que nous leur avons demandé d’ouvrir. (Vives protestations sur les mêmes travées.) Il appartient aux autorités locales de ne pas ouvrir davantage de créneaux que de doses de vaccin disponibles.

Madame la sénatrice, quand j’entends la présidente de la région française dont dépend votre département se plaindre que les collectivités doivent prendre en charge les seringues et les aiguilles, je pense, pour filer la métaphore de mon collègue Gabriel Attal, que, si elle avait été chargée des stocks au moment du Débarquement (Mêmes mouvements.), les militaires auraient débarqué la fleur au fusil, mais sans munitions dans leur barillet ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, pour la réplique.

Mme Sophie Primas. Monsieur le secrétaire d’État, je suis outrée par vos propos : renvoyer la responsabilité aux maires, que nous représentons ici, n’est pas digne de cet hémicycle. Nous ne connaissons pas le nombre de doses de vaccins disponibles. Et vous aurez beau le répéter comme un mantra, cela reste un mensonge ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP, SER et CRCE.)

crise de la filière aéronautique

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Stéphane Demilly. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Les conséquences de la crise sanitaire sont dramatiques pour le monde économique, et spécifiquement pour l’industrie aéronautique.

La chute du trafic aérien, inédite depuis la Seconde Guerre mondiale, a mis en péril les compagnies aériennes et, par effet domino, toute la filière de construction d’avions. Boeing a annoncé 30 000 suppressions d’emplois et Airbus 15 000, dont 5 000 en France, pour faire face à la baisse de près de 40 % de ses commandes.

Traduction concrète : des bassins d’emploi spécialisés, comme le bassin historique d’Albert, dans la Somme, et ses 3 000 salariés, vivent un séisme économique, et donc social, d’une amplitude inimaginable.

Le plan de sauvegarde initié par votre gouvernement a permis de limiter ou de ralentir les effets de cette crise aussi violente qu’imprévisible. Mais nous sommes maintenant « entrés dans le dur » avec une adaptation des capacités industrielles à la réalité « cassée » du marché.

Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas laisser ce bassin de vie s’effondrer, une histoire industrielle s’évaporer et un avenir nous échapper. Les élus, les chefs d’entreprise et les salariés souhaitent que cette force de compétences, structurée au fil de dizaines d’années, soit toujours opérationnelle quand la reprise, attendue en 2023, deviendra réalité et qu’elle devra se décliner industriellement.

Personne n’est responsable de la déflagration vécue et de la perte des 1 000 emplois dans ce bassin picard. Mais si nous ne maintenons pas en vie le tissu de la supply chain partout en France, le jour où le soleil brillera de nouveau sur l’aéronautique mondiale, cette sous-traitance se fera définitivement dans des pays low cost. Et là, en revanche, nous aurons notre part de responsabilité.

Il faut donc courber l’échine et attendre. Mais cette résilience et cette volonté de rebondir ne sont possibles, monsieur le ministre, qu’avec un concours puissant et sans faille de l’État. Ce brutal effondrement de notre excellence aéronautique doit être conjoncturel et non définitif. Les sous-traitants vous le demandent. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Monsieur le sénateur Demilly, je veux vous assurer que nous serons aux côtés du bassin picard, aux côtés du département de la Somme, aux côtés du bassin normand, aux côtés du bassin occitan, à Toulouse, où je me rendrai vendredi prochain, pour soutenir la filière aéronautique et les sous-traitants.

La crise touche de manière très inégalitaire les différents secteurs économiques français. Dans le fond, il y a deux économies aujourd’hui en France : une économie qui se porte bien, et c’est tant mieux – je pense notamment au bâtiment, aux travaux publics, à l’agroalimentaire – et des secteurs très durement touchés, plus qu’ils ne l’ont jamais été dans leur existence économique, comme la filière aéronautique.

Avec le Premier ministre, nous avons mis en place une stratégie globale qui vise à maintenir l’ensemble du secteur aéronautique, lequel représente près de 400 000 emplois dans notre pays et 58 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Nous soutenons bien évidemment notre fleuron industriel, Airbus – c’est le sens de mon déplacement à Toulouse, vendredi prochain. Nous soutenons également l’ensemble des compagnies aériennes : non seulement notre compagnie nationale, mais également toutes les compagnies étrangères qui ont continué d’acheter des Airbus avec des garanties export. En 2020, nous aurons ainsi réussi à limiter la casse avec 566 ventes, grâce au soutien de l’État.

En ce qui concerne les sous-traitants, nous avons mis en place, à la demande du Président de la République, un fonds d’investissement pour permettre d’occuper les ingénieurs, de les faire travailler sur un certain nombre de projets, de développer les investissements dans l’innovation. Ce fonds de soutien est doté de 15 milliards d’euros. Le département de la Somme va pouvoir bénéficier d’un certain nombre de projets industriels intéressant la filière aéronautique.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur Demilly, le maintien de notre filière aéronautique parmi les plus performantes et les plus capables de réussir au XXIe siècle, avec le soutien de l’État, est une préoccupation absolument prioritaire du Gouvernement. Croyez-moi, nous y arriverons et nous aiderons la filière à passer ce moment particulièrement difficile. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour la réplique.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le ministre, venez nous voir dans le bassin de la Somme pour en parler.

M. Bruno Le Maire, ministre. Avec plaisir !

situation chez sanofi et politique vaccinale

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

M. Pascal Savoldelli. Le laboratoire Sanofi a annoncé la suppression 1 000 emplois en France, dont 400 dans la recherche et développement. De 2008 à 2021, le nombre de sites de Sanofi est passé de onze à quatre. Avec ces dernières annonces, il descendra encore à trois.

En Val-de-Marne, madame la ministre de l’industrie, j’ai connu, sous votre gouvernement, la fermeture du site d’Alfortville, dédié à la sécurité du médicament, qui s’est traduite par la suppression de 300 emplois. Allez voir ces 300 femmes et hommes et dites-leur que la perte de leur emploi n’était pas contrainte ! Ces décisions du groupe Sanofi ont chaque fois écœuré les chercheurs.

Ma collègue Laurence Cohen vous avait interpellée la semaine dernière pour savoir quelles mesures ce gouvernement comptait prendre pour préserver l’emploi dans ce secteur, alors même que nous traversons une épidémie mondiale.

Vous nous dites que le vaccin est une prouesse technique – bien sûr que nous nous en réjouissons ! –, que la France produit trois des six vaccins validés à l’échelle européenne – très bien ! –, mais que faites-vous des centaines de suppressions d’emplois prévues par Sanofi, alors même que l’entreprise a touché près de 1 milliard d’aides publiques en dix ans et qu’elle a versé 4 milliards d’euros à ses actionnaires ?

Madame la ministre, pouvez-vous nous donner l’assurance que Sanofi va investir en France ou en Europe les 2 milliards que vous évoquiez voilà quelques instants ? Touchera-t-elle des aides publiques ? Qu’allez-vous faire face aux choix stratégiques de Sanofi, en train de rater un rendez-vous sanitaire, social et démocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de léconomie, des finances et de la relance, chargée de lindustrie. Monsieur le sénateur, je crois qu’il n’y a aucune ambiguïté sur le fait que la santé est un secteur prioritaire de notre politique économique et de notre politique industrielle.

Je veux redire ici que c’est ce gouvernement et ce Président de la République qui ont mis en place le Comité stratégique des industries de santé. Pendant des années, les industries pharmaceutiques n’ont pas été suffisamment soutenues en France. Les productions se sont déplacées dans d’autres pays, notamment en Allemagne.

Un chiffre est particulièrement frappant : notre production de produits pharmaceutiques en parts de marché mondial a été divisée par deux entre 2005 et 2015. C’est contre cela que nous sommes en train de lutter, monsieur Savoldelli, tant sur le plan de la recherche et du développement que sur le plan industriel.

Vous évoquez Sanofi. J’aurais aimé que vous citiez les projets de création d’emplois que cette entreprise a pour le vaccin. Le site de production de Marcy-l’Étoile a pu voir le jour grâce à l’action du Gouvernement, alors que ce projet était en compétition avec Singapour.

J’aurais aussi aimé que vous rappeliez qu’Olivier Véran et moi-même avons lancé en juin dernier un appel à projets pour accompagner le déploiement de nouvelles capacités de production. Aujourd’hui, si trois sites français fabriquent le vaccin avec Récipharm, Delpharm et Fareva, ce n’est pas par l’opération du Saint-Esprit, mais grâce à l’action déterminée du Gouvernement.

Dans le plan de relance que nous menons avec Bruno Le Maire, avec le Premier ministre et avec le Président de la République, 35 milliards d’euros sont consacrés à l’industrie, à l’innovation, à la reconquête industrielle.

Aujourd’hui, nous nous donnons les moyens d’avancer pour faire en sorte que cette crise ne soit pas une saignée industrielle, comme en 2008, et pouvoir rebondir le plus rapidement possible. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Bruno Le Maire, ministre. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour la réplique.

M. Pascal Savoldelli. Madame la ministre, j’ai discuté avec des salariés, des chercheurs. Sanofi peut d’ores et déjà organiser la fabrication des vaccins en France. Demandez-lui de le faire !

Par ailleurs, il faut avoir une vision stratégique. Pourquoi l’État ne privilégie-t-il pas certaines actions à destination de Sanofi ? Pourquoi avoir refusé la création d’un pôle public du médicament ? Il faut une grande ambition pour la santé en France.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Pascal Savoldelli. On ne vous demande pas de faire appel au Saint-Esprit ; seulement d’avoir cette ambition pour la France et de surmonter cette crise sanitaire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER et sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)

charte pour l’islam de France

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Lundi, à l’Élysée, et sur l’initiative du Président de la République, ce qui peut déjà interroger, une partie des membres du Conseil français du culte musulman (CFCM) a signé la « charte des principes pour l’islam de France » qui semble satisfaire le Gouvernement, mais qui soulève de nombreuses interrogations.

Madame la ministre chargée de la citoyenneté, est-il normal que l’État s’invite dans l’organisation d’un culte en lui demandant par écrit de respecter des principes de la République qui s’imposent à tout citoyen comme l’égalité homme-femme, la laïcité, la liberté de renoncer à une religion sans être menacé, le respect des orientations sexuelles, « l’adhésion à la cohésion nationale » ?

Par ailleurs, madame la ministre, cette charte a été rédigée non pas par l’État, mais par le CFCM, ce qui en fait une sorte de règlement intérieur de cette organisation, affaiblissant ainsi totalement la démarche initiale dans laquelle l’État s’est immiscé.

Ce document n’a été signé que par cinq des neuf fédérations composant le CFCM. Cela pose une vraie question sur la légitimité de cet organisme qui accueille en son sein des organisations qui refusent de respecter les lois de la République. On peut d’ailleurs se demander comment la branche Musulmans de France, dont on connaît la proximité idéologique avec les Frères musulmans, a pu finalement accepter de signer ce texte.

Madame la ministre, comment va se comporter l’État face à ces fédérations qui, depuis des années, refusent ostensiblement d’obéir aux lois de la République et d’en respecter les valeurs ? Êtes-vous prête à dissoudre ces associations qui affichent aujourd’hui clairement leur opposition à nos principes républicains ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la sénatrice, comme vous l’avez rappelé, la majorité des fédérations qui constituent le Conseil français du culte musulman a formellement approuvé, dimanche soir, cette charte des principes pour l’islam de France, qui a ensuite été signée à l’Élysée par cinq fédérations du CFCM. Il reste encore quelques jours à celles qui ne l’ont pas encore fait pour rejoindre cette démarche. (Marques dironie sur les travées du groupe Les Républicains.)

La signature de cette charte montre une volonté forte de l’islam de France de se structurer autour et dans le respect des principes de la République. Tel est d’ailleurs l’objet du projet de loi étudié en ce moment même en commission spéciale, à l’Assemblée nationale.

Comme l’a souligné le Président de la République, c’est un engagement clair, net et précis envers la République, un acte fondateur pour l’islam de France. Ce texte engage non seulement les fédérations signataires, mais aussi leurs imams. Il prévoit expressément, à travers ses dix articles, que les convictions religieuses ne sauraient supplanter les principes qui fondent le droit et la Constitution de la République, que l’égalité femme-homme, le rejet de l’instrumentalisation de l’islam et d’autres principes que vous avez mentionnés, ainsi que le rejet de certaines pratiques coutumières, seront parmi les éléments centraux de la structuration de cet islam de France.

Le Président de la République et son ministre de l’intérieur ont par là même prouvé qu’ils avaient gagné le pari qu’ils avaient fait de constituer les premières bases d’un islam en France. (Mme Marie-Pierre de La Gontrie rit.) Ils l’ont accompagné sans pour autant en organiser la structuration. C’est une ligne de crête, mais c’est aussi un premier pas vers l’islam des Lumières en France. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI – M. Jérôme Bascher sexclame.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour la réplique.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Comme d’habitude, madame la ministre, vous ne répondez pas à la question précise qui vous est posée.

Aujourd’hui les choses sont claires : vous avez face à vous des organisations séparatistes. Êtes-vous prête à aller plus loin que la « com’ des tweets » ? Notre pays n’est pas un amalgame de communautés et nous serons toujours là pour vous rappeler que la France est une, indivisible et laïque – mots que vous semblez parfois oublier. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe RDPI.)

accompagnement du secteur viticole touché par les sanctions commerciales américaines (i)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Franck Montaugé. Le conflit Airbus-Boeing continue de peser très lourdement sur les filières françaises des vins et spiritueux, qui en sont des victimes collatérales.

En octobre 2019, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) arbitrait une première fois ce contentieux en autorisant les USA à taxer les produits européens à hauteur de près de 7,5 milliards de dollars. Dans la foulée, le président Trump instaurait une taxe de 25 % visant notamment les vins tranquilles.

En octobre 2020, l’OMC autorisait à l’inverse l’Union européenne à sanctionner les USA pour 4 milliards. En représailles, fin 2020, M. Trump étendait cette taxe de 25 % à tous les vins et aux spiritueux. Elle est appliquée depuis le 12 janvier dernier.

Les USA représentent pour la France le premier marché des vins et spiritueux. Entre 2019 et octobre 2020, les importations américaines de vins français surtaxés ont été divisées par deux, soit une perte de 600 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans mon département du Gers, les vins de Plaimont, des côtes de Gascogne, les eaux de vie d’Armagnac sont très pénalisés.

Monsieur le ministre, au-delà du fonds de soutien renforcé que vous venez de proposer aux filières viticoles dans le cadre de la crise sanitaire, quels sont vos objectifs, votre stratégie et votre calendrier pour lever les sanctions douanières exorbitantes dont sont victimes les viticulteurs français ?

L’entrée en fonction aujourd’hui du président Biden ouvre une fenêtre de négociation qu’il ne faut pas rater. Les sanctions sur le vin, l’armagnac, le cognac doivent être à l’ordre du jour des premiers échanges entre le Président de la République et son homologue américain. Le seront-elles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER – M. Henri Cabanel applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.

M. Bruno Le Maire, ministre de léconomie, des finances et de la relance. Monsieur Montaugé, je partage totalement votre appréciation : les viticulteurs français n’ont pas à être les victimes collatérales du conflit commercial entre Airbus et Boeing. Ils sont aujourd’hui pris en otage et doivent supporter des taxes de 25 %.

Comme vous l’avez souligné, le ministre de l’agriculture et moi-même avons pris, à la demande du Premier ministre, un certain nombre de mesures immédiates pour les soutenir financièrement : aide au stockage, aide à la distillation de crise, exonération de charges sociales et – dernière mesure en date – ouverture du fonds de solidarité à tous les viticulteurs dès lors qu’ils ont perdu 50 % de leur chiffre d’affaires à hauteur de 200 000 et non plus 10 000 euros par mois, comme dans le précédent dispositif. Ils seront également éligibles à la prise en charge des coûts fixes à hauteur de 3 millions d’euros.

Je pense que nous leur apportons aujourd’hui un dispositif de soutien franc et massif, immédiatement disponible.

Julien Denormandie et moi-même avons également entrepris des démarches auprès de la Commission européenne. Je me suis entretenu au téléphone hier avec la commissaire Margrethe Vestager pour lui rappeler que nous attendions de l’Union européenne la mise en place, dans les meilleurs délais, d’un fonds de compensation.

Quand les choses vont mal pour les agriculteurs français, pour les viticulteurs, pour les responsables de distillation dont vous avez parlé, il est légitime et nécessaire que la Commission européenne vienne à leur secours et mette en place, sans délai, ce fonds de compensation.

Mais la vraie solution, vous l’avez souligné, c’est d’aller le plus rapidement possible à Washington. Avec l’accord du Premier ministre et du Président de la République, je m’engage à me rendre, avec Franck Riester, aux États-Unis pour négocier avec les nouvelles autorités américaines la levée de ces sanctions sur les viticulteurs. Il faut que nous sortions de cette guerre commerciale entre les États-Unis et l’Europe qui ne fait qu’un seul vainqueur : la Chine. Nous sommes alliés, nous devons sortir de ces sanctions et retrouver la voie d’un commerce équitable entre nos deux continents. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.

M. Franck Montaugé. L’enjeu fondamental, dans la durée, c’est de ne pas perdre définitivement les marchés et les clients qui avaient été conquis, séduits au fil des décennies, avec beaucoup de patience et de talent.

Il faut aller très vite si nous ne voulons pas que la France et le peuple des vignerons fassent définitivement les frais de ce conflit, alors qu’ils n’y sont rien. Le Président de la République doit normaliser très vite les relations commerciales entre la France et les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

accords de pêche après le brexit

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Rapin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord adresser mes condoléances et celles de mon groupe aux familles des marins pêcheurs décédés en Manche voilà quelques jours. Je m’associe au deuil de la communauté maritime.

Madame la ministre, nous sommes le 20 janvier et nos pêcheurs en Manche se morfondent, car ils n’ont toujours pas de licence pour travailler dans la zone fatidique des 6-12 milles. La plupart des bateaux sont à quai et ceux qui sortent se partagent nos eaux dans lesquelles, selon leurs dires, on peut déjà craindre la surpêche.

Que se passe-t-il, alors que le Premier ministre avait promis aux marins pêcheurs de France et des Hauts-de-France, le 3 décembre dernier à Boulogne-sur-Mer, la garantie de la poursuite de leur activité dans les meilleures conditions possible après le Brexit ? Que se passe-t-il, alors que votre collègue Clément Beaune, ici présent, m’appelait dans la soirée du 24 décembre dernier pour me dire qu’un accord était trouvé et que l’accès aux eaux anglaises était préservé pour nos marins pêcheurs ? Que se passe-t-il, alors qu’Olivier Dussopt et Clément Beaune, en déplacement dans les Hauts-de-France maritimes le 1er janvier dernier, annonçaient l’arrivée imminente des licences – soit le 3 janvier – pour les navires habilités à pêcher dans cette zone essentielle ?

J’ai lu, madame la ministre, que vous ne souhaitiez pas que la pression monte. Mes derniers contacts très récents – encore ce matin – avec les représentants des marins pêcheurs me font penser qu’il faut la faire redescendre. Éclairez-nous, madame la ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la mer.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer. Monsieur Rapin, l’accord sur la pêche est un compromis raisonnable. C’est ainsi qu’il faut le définir.

Sa mise en œuvre peut certes poser quelques problèmes, comme vous l’avez souligné, mais souvenons-nous d’où nous nous sommes partis : le Royaume-Uni voulait récupérer 100 % des quotas que nous pêchions dans leurs eaux, alors que nous n’en avons rendu que 25 % ; le Royaume-Uni voulait nous exclure de l’ensemble de ses zones et accès, alors que nous avons préservé l’ensemble de ces accès aux trois zones – zone économique exclusive (ZEE), zone des 6-12 milles et zone de Jersey et Guernesey, laquelle concerne moins les Hauts-de-France.

En ce qui concerne la ZEE, les autorisations de pêche ont été données à tous les pêcheurs – les 1 400 navires européens et les 1 100 navires britanniques. Je viens d’apprendre ce matin du commissaire européen que les licences provisoires seront prolongées de trois semaines.

En ce qui concerne les 6-12 milles, nous avons communiqué à la Commission une liste de navires pouvant démontrer leur antériorité : 172 ont été validés ; il reste encore 23 navires de remplacement direct – c’est-à-dire des bateaux ayant pêché à la place de ceux ayant une antériorité – à valider.

Oui, des difficultés subsistent. Ce matin, avec le commissaire, avec Michel Barnier et avec l’ensemble des pêcheurs européens nous avons fait un point. Les choses avancent insuffisamment vite. Pour lutter contre la rumeur des quais, il faut être transparent et rencontrer régulièrement les professionnels. Je les verrai demain matin lors du Comité national des pêches pour leur donner les mêmes informations et j’assisterai lundi prochain au Conseil de l’agriculture et de la pêche lors duquel nous évoquerons les quotas – question tout aussi importante pour nos marins pêcheurs.

M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.

Mme Annick Girardin, ministre. Soyez assurés que nous sommes sur les quais aux côtés des marins pêcheurs. Comme l’avait demandé le Premier ministre, nous avons aussi prévu un plan d’accompagnement. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

M. Jérôme Bascher. Vous noyez le poisson !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.

M. Jean-François Rapin. Madame la ministre, je ne doute pas de votre volonté d’aboutir. Le problème est qu’il nous faut des échéances fixes : un marin qui ne pêche pas ne gagne pas d’argent. Il s’agit d’un vrai drame, surtout dans la zone que vous avez définie.

Madame la ministre, j’insiste encore pour que les choses aillent au plus vite. Cela fait plusieurs années que les marins pêcheurs ne peuvent plus mener la vie sereine qu’ils méritent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

difficultés des cantines scolaires face au protocole sanitaire renforcé

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. Claude Kern. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Un nouveau protocole sanitaire renforcé concernant la restauration scolaire devant entrer en vigueur au plus tard le lundi 25 janvier prochain vient d’être adressé aux collectivités.

En l’état, ce protocole interdit le brassage d’élèves entre classes du premier degré. Concrètement, cela signifie qu’il ne sera plus possible de réunir plusieurs classes dans un même espace de restauration.

De façon pragmatique, vous avez bien conscience, monsieur le ministre, qu’il est inconcevable pour les collectivités de mettre ce protocole effectivement en action.

Afin d’étayer mon propos, je prendrai l’exemple d’une communauté de communes de mon département largement représentative, celle du canton d’Erstein, dont les vingt-huit communes membres représentent 48 000 habitants. Elle accueille 1 500 enfants issus des établissements scolaires du territoire dans vingt-trois points de restauration. À raison de vingt minutes pour déjeuner, il faudrait huit heures au bourg-centre, qui accueille sur un même site vingt-quatre classes issues de six bâtiments scolaires, pour faire manger l’ensemble des élèves, et quatre heures en appliquant le dernier recours – à savoir 50 % de repas à emporter et 50 % de repas chauds. Tout cela en assurant une surveillance dans les classes. Comment faire ? Ce n’est pas sérieux !

Dans la même logique, quid de l’accueil de loisirs sans hébergement (ALSH) des mercredis et des périscolaires du soir ? Quid également des ALSH pour les prochaines vacances, les inscriptions étant réalisées bien en amont ?

Monsieur le ministre, nous attendons en urgence des réponses claires sur tous ces points. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

M. David Assouline. Et candidat aux régionales !

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de léducation nationale, de la jeunesse et des sports. Monsieur le sénateur Kern, la question des cantines scolaires est une des questions très importantes que pose la gestion de la crise sanitaire. Nous la prenons très au sérieux depuis le premier confinement, au mois de mai dernier.

Dès ce moment, un protocole très strict, qui n’était pas facile à suivre, a été mis en œuvre. Nous avons vu à quel point il a été bénéfique pour créer des réflexes dans l’ensemble de notre système. Nous l’avons fait en partenariat avec les collectivités locales.

Comme vous l’avez rappelé, nous nous sommes donné dix jours d’adaptation. Le nouveau protocole s’appliquera donc à compter du 25 janvier prochain. Sur le site du ministère, vous trouverez la fameuse « foire aux questions » qui permet d’obtenir des réponses concrètes aux questions telles que celles que vous venez de poser.

La solution de facilité serait de supprimer les cantines scolaires. Le moment des repas est en effet un moment de fragilité du point de vue de la gestion de la crise sanitaire. Pour autant, nous savons qu’il faut maintenir ce moment en raison de l’enjeu social qu’il représente. Une alimentation équilibrée est essentielle pour les enfants. Pour ce faire, il faut mettre en place des mesures strictes qui ne font plaisir à personne. Elles sont un mal nécessaire pour atteindre cet objectif.

En ce qui concerne l’interdiction du brassage des élèves de l’école primaire, je ne vais pas entrer dans le détail de votre question. Il existe différentes manières de régler ce problème sans étaler la restauration scolaire sur quatre heures. Chaque cas est particulier. Il s’agit surtout de faire déjeuner chaque jour tous les élèves d’une même classe ensemble de façon à réduire les brassages.

Chacun peut retrouver sur le site internet du ministère l’ensemble des mesures que nous avons prises. Dans un esprit de partenariat, chaque inspecteur de l’éducation nationale travaille actuellement avec chaque collectivité pour l’aider à s’adapter. Parfois, il faut se rendre dans un autre local et parfois il faut étaler l’arrivée des enfants, mais cela se fait toujours dans un esprit constructif et de responsabilité. Il s’agit de réussir ce que peu de pays réussissent – et nous devons en être collectivement fiers – : maintenir l’école ouverte durant cette période, au bénéfice des enfants.

Le service de restauration scolaire est parfois la seule occasion qu’ont certains enfants de manger équilibré. C’est un objectif que nous pouvons tous partager. Nous pouvons être fiers de l’action de l’éducation nationale et des collectivités locales qui y parviennent ensemble.

M. le président. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.

M. Claude Kern. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Sachez toutefois que les collectivités ne sont plus en mesure de s’adapter aux nouvelles mesures. Elles arrivent à leurs limites.

En l’absence de révision de ce nouveau protocole, les restaurations scolaires risquent malheureusement de fermer, ce qui va à l’encontre de la volonté des acteurs de maintenir ce service public indispensable.

accompagnement du secteur viticole touché par les sanctions commerciales américaines (ii)

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Daniel Laurent. Ma question, déjà évoquée voilà quelques instants, s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance et à M. le ministre de l’agriculture et porte sur les conséquences des sanctions américaines sur la filière viticole dans le cadre d’un contentieux qui lui est totalement étranger.

En octobre 2019, une taxe de 25 %, liée au contentieux « Airbus », est imposée sur les vins. En octobre 2020, l’Union européenne peut appliquer des sanctions de 4 milliards d’euros sur les produits américains dans le cadre du contentieux « Boeing ». En décembre 2020, de nouvelles sanctions américaines sont étendues aux vins et spiritueux. Quand allez-vous mettre fin à cette mauvaise série américaine consternante ?

Nous vous avions alerté sur les vives préoccupations de la filière quant au risque de crispation des Américains à la suite de la décision de l’OMC, insistant sur la nécessité de trouver un équilibre dans le rapport de force afin d’éviter qu’elle soit pénalisée.

Monsieur Joe Biden sera investi à la présidence des États-Unis ce jour. Aussi, nous vous demandons instamment d’engager des discussions avec vos homologues américains afin de trouver un accord pour mettre fin à ces taxes dévastatrices pour la viticulture française.

Les viticulteurs pourront bénéficier d’aides économiques conjoncturelles. Quelles seront les aides aux coûts fixes et seront-elles rétroactives ? Toute la filière sera-t-elle accompagnée ?

La coupe est pleine, monsieur le ministre, et ne me répondez surtout pas que l’Europe va aider la filière – vous l’avez déjà dit tellement de fois ! –, car nous savons qu’elle ne souhaite pas en faire plus.

La France compte trois grandes filières d’excellence : l’aéronautique, le luxe, les vins et spiritueux. Faites en sorte que les vins et spiritueux demeurent dans ce trio indispensable à notre balance commerciale et à l’emploi dans nos territoires. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, RDSE et INDEP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture.

M. Julien Denormandie, ministre de lagriculture et de lalimentation. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, aujourd’hui, toute la filière vitivinicole est une victime collatérale – on ne saurait être plus clair – de décisions américaines prises ces dernières années par l’administration du président Trump, dont vous n’ignorez pas tout ce qu’elles comportaient d’incertitude, parfois d’incohérence, et surtout de non-respect d’un certain nombre d’engagements mutuels qui avaient été pris dans le cadre de négociations bilatérales passées.

Autrement dit, tout ce qui a pénalisé et pénalise aujourd’hui encore cette filière vitivinicole fait suite à des décisions américaines, face auxquelles il nous fallait agir – c’est ce qu’a fait l’Europe, notamment – sans aucune naïveté, en faisant montre de fermeté – on ne pouvait laisser sans réponse ces décisions unilatérales prises par l’administration américaine –, tout en travaillant – c’est ce que nous nous employons dès aujourd’hui à faire avec l’administration Biden – à une désescalade dans la discussion, afin de revenir à un système de vrai partenariat, et non plus de guerre commerciale, entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne.

Il faut avancer avec la nouvelle administration Biden, mais, là encore – je sais que vous le savez, monsieur le sénateur –, sans aucune naïveté, avec la même exigence dans la discussion, la même fermeté et la même volonté – j’y insiste – de désescalade.

En parallèle de cette action, le rôle du Gouvernement, sa responsabilité, est d’aider pleinement et fortement la filière du vin – je pense à cette belle filière du cognac que vous connaissez si bien et qui est ô combien affectée aujourd’hui ! –, via un ensemble d’aides : aides au stockage, exonérations de charges, nouvelles aides au titre du fonds de solidarité, soutien à la compétitivité.

Il nous faut rester sur ces parts de marché américaines, donc obtenir cette désescalade ; nous nous y employons. Vous le voyez, monsieur le sénateur : nous sommes sur tous les fronts. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour la réplique.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, les aides sont indispensables. Mais ce qui l’est davantage encore, c’est de permettre aux viticulteurs, négociants et exportateurs de conserver leurs parts de marché et de vivre de leur travail, en supprimant ces taxes et, surtout, en n’en créant pas d’autres sur notre territoire.

Monsieur le ministre, plus de promesses non tenues ! Nous attendons des actes et du courage politique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

stratégie vaccinale (iii)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, alors que certains doutaient de la volonté de nos concitoyens de se faire vacciner, ceux-ci sont chaque jour plus nombreux à souhaiter l’être. C’est une très bonne chose.

Toutefois, après trois semaines de campagne vaccinale, à peine 600 000 personnes sont vaccinées et 800 centres de vaccination seulement sont déployés sur l’ensemble de notre territoire.

Après les masques, après les tests, s’agit-il d’un raté de plus dans la gestion de cette crise sanitaire qui, reconnaissons-le, n’en finit pas ?

Les élus locaux sont, une fois de plus, en première ligne pour faire face aux attentes de nos concitoyens. Alors qu’ils font tout leur possible pour rendre la vaccination accessible à l’échelle des territoires, particulièrement des territoires ruraux, près de 2 000 collectivités attendent encore une validation administrative pour l’ouverture d’un centre de vaccination.

Dans mon département, la Haute-Vienne, qui compte plus de 370 000 habitants, il n’existe à ce jour, malgré les soutiens logistiques du conseil départemental et des communes, que sept centres de vaccination.

Pour quiconque souhaite, aujourd’hui, en Haute-Vienne ou ailleurs, prendre un rendez-vous pour se faire vacciner, c’est vraiment le parcours du combattant ! La démarche aboutit rarement.

En outre, au vu des commandes passées, la montée en puissance vaccinale ne sera pas possible compte tenu de la nécessaire seconde injection.

Serait-ce à dire, alors, qu’il n’y a pas assez de vaccins ? (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc du Gouvernement.)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Ce n’est pas le Gouvernement qui fabrique les vaccins !

Mme Isabelle Briquet. Monsieur le secrétaire d’État, vous le voyez : nous sommes loin du compte.

Aussi, de quelle manière comptez-vous réellement faciliter, amplifier et accélérer la mise en œuvre de la stratégie vaccinale ? Nous attendons de vous non plus des paroles, mais des mesures concrètes ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la sénatrice, vous avez raison, et le Gouvernement l’a dit dès le départ : la stratégie vaccinale et le rythme de la vaccination de nos concitoyens dépendent effectivement du flux de doses disponibles.

Je vous rappelle d’ailleurs que cette stratégie et ce rythme ont été déterminés sur la base des recommandations de la Haute Autorité de santé, au regard de la vulnérabilité au virus des différentes populations ; d’où une campagne lancée auprès de nos concitoyens qui résident dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les Ehpad, et, depuis lundi dernier, auprès de ceux qui ont plus de 75 ans ou qui présentent une pathologie lourde.

Le Gouvernement l’a dit dès le départ, et c’est sur cette base-là – je le redis sans aucune volonté de polémique – que les informations relatives au nombre de doses disponibles par territoire, par commune, par centre, ont été transmises aux autorités locales, lesquelles, d’ailleurs, diffèrent de l’État.

Vous avez raison de le rappeler, 56 % de nos concitoyens veulent désormais se faire vacciner ; on pourrait dire que la vaccination est victime de son succès.

Nous devons collectivement nous en réjouir : c’est quatorze points de plus qu’à la fin du mois de décembre dernier. À ce jour – je l’ai dit tout à l’heure –, 585 000 de nos concitoyens ont été vaccinés, dont 100 000 pour la seule journée d’hier, et 2 millions de rendez-vous sont d’ores et déjà pris, avec une visibilité sur les quatre prochaines semaines.

Régulièrement, dès que de nouveaux stocks de vaccin arrivent, comme cela a été le cas récemment, les autorités partagent avec les élus et avec les autorités déconcentrées les doses disponibles, afin que nos concitoyens puissent prendre rendez-vous et se faire vacciner.

Oui, vous avez raison : les choses sont parfois complexes. Mme la sénatrice, tout à l’heure, donnait l’exemple de sa mère. Ma propre mère, qui a plus de 80 ans, a été elle aussi confrontée à cette difficulté, et c’est son fils qui l’a aidé à prendre rendez-vous. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. Pascal Savoldelli. On peut parler de politique ?…

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Depuis quelques jours, les choses se remettent en ordre de marche. L’intensité de la vaccination de nos concitoyens augmente, et vous verrez que, dans les jours et les semaines qui viennent, jusqu’à la fin du mois de juin, les 6 millions de nos concitoyens qui ont plus de 75 ans ou qui figurent parmi les plus vulnérables seront vaccinés, comme nous vous l’avions annoncé.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Briquet, pour la réplique.

Mme Isabelle Briquet. Vous le reconnaissez, monsieur le secrétaire d’État : il y a donc bien un problème, et un gros ! Le vaccin est notre principale arme contre la covid-19, et il est urgent de sortir de cette crise sanitaire.

Quand allez-vous vraiment travailler avec les élus locaux pour mettre en place des solutions pratiques et réellement efficaces en matière de vaccination ? (M. le Premier ministre lève les yeux au ciel.) Les élus sont prêts à prendre toute leur part de ce travail, mais ils ne peuvent pallier toutes les carences de l’État central. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

insécurité à nîmes

M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Burgoa. Ma question, à laquelle j’associe Vivette Lopez, s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Avant toute chose, je souhaite exprimer ici mon soutien à M. le maire de Lasalle, Henri de Latour, lâchement agressé sur le marché de sa commune par un individu refusant le port du masque. Il a tout mon soutien, tout notre soutien !

Ce sont tous les piliers de la République qui sont attaqués. Vendredi dernier, un père de famille a agressé le directeur et une institutrice d’une école nîmoise. L’homme est reparti en leur promettant un sort pire que celui de Samuel Paty… Eux aussi ont tout mon soutien, tout notre soutien !

Un certain nombre de professeurs ne souhaitent plus exercer dans ce quartier du Chemin-Bas d’Avignon. Le 4 décembre dernier, lors de la pause déjeuner, deux hommes fuyant la police se sont introduits dans la cour d’une école élémentaire. Le 15 juin dernier, après la mort d’un homme à proximité de cette même école, l’établissement avait été délocalisé pour que les enfants puissent terminer l’année en toute quiétude.

Rendez-vous compte : nous délocalisons les écoles ; autrement dit, nous reculons !

De nombreuses familles ont choisi de ne plus scolariser leurs enfants dans l’école que je viens d’évoquer ; ce n’est pas moi qui le dis : ce sont neuf responsables d’établissement dans une lettre ouverte au Président de la République. Cette lettre est glaçante : règlements de compte en plein jour, occupation de bâtiments scolaires, menaces… Il s’agit non pas de faits divers, mais de leur quotidien.

Vous avez la responsabilité de protéger ces élèves dans ce qui devrait être un sanctuaire républicain dans tous nos territoires : l’école !

Le 23 septembre dernier, lors d’un entretien avec le maire de Nîmes, M. le ministre avait annoncé l’affectation de treize policiers supplémentaires dans le cadre d’un « plan national » que nous attendons toujours !

Je souhaite connaître aujourd’hui, au-delà des coups de com’ épisodiques, comme celui de la semaine dernière, la stratégie que vous comptez adopter afin de protéger concrètement et durablement ces écoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de lintérieur, chargée de la citoyenneté. Monsieur le sénateur, je souhaite tout d’abord, si vous le permettez, associer le gouvernement de Jean Castex au message de soutien que vous avez adressé à ce maire comme à tous les élus qui, quotidiennement, subissent ces agressions, ces attaques et ces mises en cause. C’est justement pour les protéger que le Gouvernement prend un certain nombre de dispositions. (M. François Bonhomme sexclame.)

Je citerai par exemple les débats qui ont lieu en ce moment dans le cadre de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi confortant le respect des principes de la République : le ministre de l’intérieur et le garde des sceaux sont en train de débattre des mesures destinées à protéger ceux dont la vie est mise en danger ou menacée, notamment par l’usage de messages sur les réseaux sociaux.

Concernant les affectations concrètes sur le terrain, depuis 2018, au plus près des Français, la police de la sécurité du quotidien se déploie – vous le savez – dans les territoires.

M. François Bonhomme. Avec quel succès !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Tel est l’objet, en particulier, des 55 quartiers de reconquête républicaine mis en place à ce jour ; ils seront au nombre de 60 à la fin du quinquennat.

Tel est l’objet également des 10 000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes qui auront été créés d’ici à 2022, via un plan de recrutement et de formation inédit et les moyens mobilisés dans le cadre du plan France Relance, avec l’engagement du ministre Bruno Le Maire.

Ce plan prévoit également le renouvellement du quart du parc automobile de nos forces de sécurité, décidé par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin.

Je tiens aussi à souligner ici la hausse des crédits de la mission « Sécurité » dans le projet de loi de finances pour 2021. Cette hausse a été approuvée ici même, dans cette assemblée, et je vous en remercie, mesdames, messieurs les sénateurs.

La lutte contre le narcobanditisme et contre les faits que vous évoquez fait partie des éléments clés. Conformément aux annonces du ministre de l’intérieur, une unité de lutte contre les stupéfiants et contre l’économie souterraine, dotée au 1er octobre 2020 de dix fonctionnaires, a été mise en place dans le Gard.

Au cours de l’année 2020, ce sont plus de 350 opérations qui ont été menées, et nous déployons en outre un continuum de sécurité globale avec, à Nîmes, les quatre groupes de partenariat opérationnel implantés dans les quatre secteurs de la circonscription de sécurité publique, dont un dans le quartier de reconquête républicaine de Pissevin, qui ont organisé 62 réunions opérationnelles depuis la mise en place de ce dispositif.

M. Jérôme Bascher. Bref, tout va bien !

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. Concernant le quartier du Chemin-Bas d’Avignon, que vous évoquiez, monsieur le sénateur, la circonscription de sécurité publique de Nîmes a reçu, depuis la semaine dernière, l’appui d’une compagnie républicaine de sécurité de soixante policiers ; avec le ministre de l’intérieur, nous pérennisons ce dispositif via une relève à compter de demain, et au moins jusqu’au 24 janvier.

Vous le voyez, monsieur le sénateur : tout le Gouvernement est mobilisé pour la sécurité de tous les Français, et particulièrement des Gardois. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

C’est la vérité ! Cette mobilisation s’accompagne de moyens et d’actions concrètes, et pas uniquement de communication, en dépit de vos propos. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. François Patriat. Très bien !

situation des étudiants

M. le président. La parole est à Mme Kristina Pluchet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Kristina Pluchet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ; ce sont mes contacts récents avec de nombreux étudiants qui l’alimentent.

Voilà plus de dix mois que nos étudiants sont contraints à l’enseignement à distance et à l’isolement, lesquels affectent leur moral, les plongeant dans une immense détresse psychologique, qui peut conduire aux drames que nous avons connus ces derniers jours.

Nos étudiants décrochent, et des signes inquiétants de paupérisation apparaissent en raison de la disparition des jobs étudiants. Certains sont contraints d’abandonner leur cursus et d’autres, obligés de rentrer chez eux, n’ont même pas d’accès numérique suffisant pour suivre leurs cours.

Madame la ministre, faisons-leur confiance ! Les jeunes sont prêts à accomplir les efforts nécessaires et à respecter les protocoles sanitaires pour retrouver les bancs de l’université.

Les écoliers, collégiens, lycéens et élèves des BTS et classes préparatoires peuvent aller en cours ; les étudiants n’y ont pas droit. Il y a là une différence de traitement et une injustice qui sont mal vécues.

Le présentiel en demi-groupe, prévu à compter du 25 janvier pour les étudiants en première année, doit être étendu sans délai à l’ensemble des étudiants. Il y va de la santé psychologique d’une génération, de sa capacité à se projeter dans l’avenir et de son insertion professionnelle.

Ce que vous avez annoncé jeudi dernier pour répondre à la détresse étudiante est inapproprié. Ce n’est pas seulement de psychologues dont ont besoin les étudiants ; c’est surtout d’aller en cours !

La situation sanitaire – nous le comprenons tous – ne permet pas un retour à la normale à l’université, mais il est temps de renouer un lien réel, et non virtuel, avec les étudiants.

De nombreux présidents d’université sont prêts à accueillir tous les étudiants par petits groupes. Ne pensez-vous donc pas qu’il est temps d’écouter ces responsables qui, mieux que quiconque, sont en mesure d’évaluer la détresse de leurs étudiants, et demandent un cap clair et des mesures pérennes ; d’ouvrir les yeux sur la vie très difficile que vivent aujourd’hui beaucoup de nos jeunes ; enfin, de mettre un terme à l’isolement et aux difficultés pédagogiques qu’ils subissent ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)

M. Laurent Duplomb. Quel plaisir !

M. Jean Castex, Premier ministre. Madame la sénatrice, je choisis de vous répondre directement moi-même, tant le sujet que vous évoquez est un sujet grave et important, qui mobilise le Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est gentil pour les autres !

M. Jean Castex, Premier ministre. Je voudrais commencer par vous rappeler, une fois encore, que si nous en sommes là – la même remarque vaudrait à propos des commerces ou des lieux culturels –, c’est parce que, voyez-vous, un virus circule, provoquant une crise sanitaire. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.)

M. Bernard Jomier. Ah bon ?…

M. Pierre Ouzoulias. Et il ne circule pas dans les classes préparatoires ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Eh oui ! C’est ce virus qui est la cause de toutes les difficultés que nous rencontrons, lesquelles nécessitent une approche solidaire.

Je rappelle au Sénat que, hier, nous comptions 70 686 morts, que plus de 2 800 personnes étaient en réanimation,…

M. Laurent Duplomb. Où vous n’avez créé aucun lit supplémentaire !

M. Jean Castex, Premier ministre. … et que l’incidence moyenne sur sept jours est de près de 19 000 cas.

Alors que dans tous les pays qui nous entourent l’enseignement dans les universités se fait aussi en distanciel, tous ces chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs, appellent pour le moins une vision raisonnable et raisonnée de la situation !

Oui, les conséquences sont parfois dramatiques – vous avez parfaitement raison, madame la sénatrice ; mais ce sont des conséquences de la circulation du virus.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous allons mourir guéris !

M. Jean Castex, Premier ministre. Pour autant, on ne peut pas, comme je le souhaiterais, comme vous toutes et tous le souhaiteraient, donner satisfaction à toutes les demandes.

M. Pierre Ouzoulias. Et les transports ? Et les commerces ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous avez raison de le dire : la France – le ministre de l’éducation nationale l’a rappelé – a fait le choix, avec l’accord du Sénat, de tenir le plus possible sur l’ouverture des écoles, des collèges et des lycées. Malheureusement, la situation sanitaire ne permet pas de faire de même pour l’enseignement supérieur. Je dis « malheureusement », mais nous devons être responsables !

Après avoir conduit, avec la ministre de l’enseignement supérieur, des concertations avec la communauté universitaire, nous avons relâché autant que faire se peut et que le tolère la situation sanitaire les conditions d’accès en présentiel des étudiants à l’université ; vous avez d’ailleurs bien voulu le rappeler.

Toutefois, je ne saurais, comme vous l’avez fait de manière péremptoire, dire qu’il faut aller au-delà. On ne peut pas dire cela, madame la sénatrice, croyez-moi ! D’ailleurs, les autres pays ne le font pas, ce qui, du moins, devrait tous nous inciter à la modestie et à la réflexion.

Évidemment, comme dans tous les secteurs où nous devons prendre les mesures que la situation sanitaire exige, nous avons le devoir d’accompagner ces situations parfois difficiles. Nous l’avons fait sur le plan pécuniaire, nous l’avons fait sur le plan de l’emploi, nous le faisons sur le terrain de l’accompagnement psychologique. Et nous renforcerons encore, si nécessaire, cet accompagnement.

Notre objectif est de gérer de la façon la plus proportionnée, la plus appropriée, cette crise extrêmement difficile, alors même – cela ne vous a pas échappé, madame la sénatrice – que de nouvelles évolutions virales, loin de nous conduire dans la direction que vous proposez, nous incitent à la plus grande prudence, dans l’intérêt même des étudiants et de la population.

Voyez où nous en étions, mesdames, messieurs les sénateurs, avant que nous ne reconfinions : il y avait 50 000 contaminations par jour à la fin du mois d’octobre !

J’ai pris des mesures difficiles ; par exemple, j’ai fermé les commerces. Que n’ai-je entendu ici ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Un mois après, quand nous avons rouvert les commerces, nous étions retombés à 15 000 contaminations par jour ; depuis lors, nous plafonnons, et même ce chiffre a un peu augmenté… Nous devons donc calmement expliquer à nos concitoyens, aux étudiants notamment, pourquoi nous devons prendre ces mesures difficiles.

M. Laurent Duplomb. Et si cela dure dix ans ?

M. Jean Castex, Premier ministre. Nous invectiver ici ne fera pas progresser d’un iota leur situation – je vous le dis très calmement, mais très fermement.

La cause des étudiants et, plus généralement, de la jeunesse nous réunit toutes et tous et préoccupe considérablement le Gouvernement. Nous agissons et nous allons continuer à agir, mais nous devons le faire de manière extrêmement responsable et raisonnable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

campagne de vaccination

M. le président. En saluant nos collègues qui sont nombreux dans les tribunes, je donne la parole à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

M. Jean Louis Masson. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Les grands hôpitaux publics ont le statut de centres hospitaliers universitaires, ou CHU, mais deux hôpitaux en France sont concernés par un statut plus restrictif, celui de centre hospitalier régional, ou CHR : ceux d’Orléans et de Metz-Thionville.

Or, là où il s’agit d’affecter des équipements de pointe ou de répartir des investissements, on constate que l’ARS, l’agence régionale de santé, du Grand Est privilégie systématiquement les CHU de la région par rapport à son unique CHR.

Ainsi, lors de la première phase de l’épidémie de covid-19, le CHR de Metz-Thionville a obtenu deux fois moins de crédits que le CHU de Nancy, alors même que l’épidémie était beaucoup plus aiguë en Moselle que dans le département voisin.

Ces derniers jours, des personnes âgées de plus de 80 ans de la région messine voulant se faire vacciner contre le covid-19 ont été orientées vers le CHU du département voisin, sous prétexte que la dotation de vaccins avait été moins importante en Moselle que dans ledit département voisin.

La Moselle est pourtant, de très loin, le département le plus peuplé de l’ancienne région Lorraine, et les Mosellans doivent pouvoir être soignés dans de bonnes conditions, sans supporter les conséquences des discriminations dont le CHR de Metz-Thionville est l’objet.

Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le maintien de deux hôpitaux français seulement dans le statut hybride de CHR n’a pas de sens ?

Il faut se décider à fusionner le statut de CHR avec celui de CHU, en affectant alors aux deux CHR d’Orléans et de Metz-Thionville les équipements de pointe, le personnel et les investissements dont ils ont besoin, et cela dans le respect d’une stricte égalité avec les CHU de leurs régions respectives.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Monsieur le sénateur, en toute honnêteté, je ne maîtrise pas suffisamment le dossier de la situation du CHR et des CHU de votre région.

J’imagine que le maintien des différents statuts s’inscrit notamment dans la réflexion que nous avons entamée autour des groupements hospitaliers de territoire, mais je m’engage à regarder cette question plus précisément avec vous quand vous le souhaiterez.

Je souhaite néanmoins vous rassurer : je me permets de redire que la stratégie vaccinale que nous déployons est évidemment mise en œuvre en toute transparence, sans la moindre discrimination entre les territoires ou entre les différentes populations.

Le nombre de doses affectées aux différents territoires et aux différents centres, qu’il s’agisse des centres pivots ou des centres de vaccination des communes, est fonction de critères démographiques, qui ont trait notamment à la présence de populations prioritaires – personnels résidant dans les Ehpad, soignants qui travaillent au contact des personnes vulnérables, ainsi que, depuis lundi, ceux de nos concitoyens qui ont plus de 75 ans ou qui sont porteurs de pathologies lourdes.

Voilà les principes qui animent, en toute transparence, notre stratégie vaccinale. Dès que de nouvelles doses arrivent, les autorités locales, agences régionales de santé, préfets, communes, départements, sont tenues au courant du nombre de doses.

Nous avons demandé aux préfets et aux agences régionales de santé d’affiner les ouvertures de centres de vaccination au plus près du nombre de doses de vaccins que nous recevons ; je rappelle que 800 centres, aujourd’hui, sont ouverts, que 350 centres devraient pouvoir être ouverts dans les semaines à venir, en fonction du nombre de doses dont nous disposons – oui, le déploiement de cette stratégie vaccinale repose bel et bien sur le nombre de doses dont nous disposons.

Je vous rassure donc, monsieur le sénateur, sur l’absence évidente de discrimination dans l’élaboration et le déploiement de cette stratégie vaccinale, en direction tant des territoires que des populations.

En ce qui concerne la question plus précise que vous avez posée sur le CHR, je vous propose que nous en reparlions en dehors de cet hémicycle.

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 27 janvier 2021, à quinze heures.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.)

PRÉSIDENCE DE Mme Pascale Gruny

vice-président

Mme le président. La séance est reprise.

3

Conférence des présidents

Mme le président. Les conclusions adoptées par la conférence des présidents, réunie ce jour, sont consultables sur le site du Sénat.

En l’absence d’observation, je considère que ces conclusions sont adoptées.

Conclusions de la conférence des présidents

SEMAINE SÉNATORIALE

Mercredi 20 janvier 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 20 janvier à 11 heures

De 16 h 30 à 20 h 30

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l’avortement (texte n° 23, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 janvier à 15 heures

- Proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, présentée par M. Rémi Cardon, Mme Monique Lubin, M. Rémi Féraud, Mme Sylvie Robert, M. Patrick Kanner et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (texte n° 182, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 19 janvier à 15 heures

Jeudi 21 janvier 2021

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

(Ordre du jour réservé au groupe UC)

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (texte de la commission n° 270, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 janvier après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 janvier à 15 heures

- Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, présentée par Mme Annick Billon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 272, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 11 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 13 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 20 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 janvier à 15 heures

=> En outre, de 10 h 30 à 11 heures :

Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

(Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)

• Les candidatures devront être remises à la direction de la séance au plus tard le mercredi 20 janvier, à 15 heures.

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 26 janvier 2021

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (procédure accélérée ; texte de la commission n° 288, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (texte de la commission n° 292, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 18 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 20 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 25 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 janvier matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 janvier à 15 heures

Mercredi 27 janvier 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 27 janvier à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire (procédure accélérée ; texte A.N. n° 3733)

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 26 janvier matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : mercredi 27 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 26 janvier à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (texte n° 228, 2020-2021)

Jeudi 28 janvier 2021

À 10 h 30, 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du protocole portant amendement de la convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs (texte de la commission n° 284, 2020-2021)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mardi 26 janvier à 15 heures

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (texte de la commission n° 290, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 27 janvier à 15 heures

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (texte n° 228, 2020-2021)

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 2 février 2021

À 14 h 30 et le soir

- Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 281, 2019-2020)

Ce texte a été envoyé à une commission spéciale.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 14 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 19 janvier après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 28 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 2 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er février à 15 heures

Mercredi 3 février 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 3 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 2 février à 16 heures

- Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur l’enseignement agricole, outil indispensable au cœur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires

• Délai limite de remise, au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle, des candidatures à cette mission d’information : mardi 2 février à 16 heures

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (texte de la commission, n° 281, 2019-2020)

Jeudi 4 février 2021

À 10 h 30

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi autorisant l’approbation de la décision (UE, EURATOM) 2020/2053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l’Union européenne et abrogeant la décision 2014/335/UE, EURATOM (procédure accélérée ; texte A.N. n° 3734)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 5 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février à 15 heures

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté de Monaco relatif au régime fiscal des dons et legs faits aux personnes publiques et aux organismes à but désintéressé (texte n° 688, 2019-2020)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 30 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février à 15 heures

À 14 h 30 et, éventuellement le soir

- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et reportant la date de caducité des régimes institués pour faire face à la crise sanitaire ou nouvelle lecture

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 3 février à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mercredi 3 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 février en début d’après-midi

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

- Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 281, 2019-2020)

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 9 février 2021

À 9 h 30

- Questions orales

À 14 h 30

- Débat sur l’« Opération Barkhane : bilan et perspectives » (demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées)

• Temps attribué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour les groupes Les Républicains, Socialiste, Écologiste et Républicain et Union Centriste, 5 minutes pour les groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants – République et Territoires et Écologiste - Solidarité et Territoires et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 février à 15 heures

- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à sécuriser la procédure d’abrogation des cartes communales dans le cadre d’une approbation d’un plan local d’urbanisme (PLU) ou d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) et à reporter la caducité des plans d’occupation des sols (POS), présentée par M. Rémy Pointereau et plusieurs de ses collègues (texte n° 217 rect., 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 25 janvier à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 27 janvier à 8 h 30

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 5 février à 17 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 8 février à 12 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 8 février à 15 heures

- Débat sur les mineurs non accompagnés (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 février à 15 heures

À 21 h 30

- Débat sur l’avenir de la Métropole du Grand Paris (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 8 février à 15 heures

Mercredi 10 février 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 10 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Débat sur les conclusions du rapport de la commission d’enquête pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion (demande de la CE pour l’évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion)

• Temps attribué à la commission d’enquête : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour les groupes Les Républicains, Socialiste, Écologiste et Républicain et Union Centriste, 5 minutes pour les groupes Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Rassemblement Démocratique et Social Européen, communiste républicain citoyen et écologiste, Les Indépendants – République et Territoires et Écologiste - Solidarité et Territoires et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 9 février à 15 heures

- Débat sur le thème : « Le fonctionnement des universités en temps covid et le malaise étudiant » (demande du groupe GEST)

• Temps attribué au groupe GEST : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 9 février à 15 heures

- Débat sur le thème : « Respect des libertés publiques, protection de la vie privée : un nécessaire état des lieux des fichiers dans notre pays » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 9 février à 15 heures

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Mardi 16 février 2021

À 14 h 30 et le soir

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à prendre les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour assurer la conformité du droit interne aux principes du code mondial antidopage et renforcer l’efficacité de la lutte contre le dopage (texte n° 198, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à commission de la culture, de l’éducation et de la communication.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 1er février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 11 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de l’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (procédure accélérée ; texte A.N. n° 3236)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 1er février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 11 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février à 15 heures

- Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (texte A.N. n° 2581)

Ce texte sera envoyé à la commission des finances.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 1er février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 3 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 11 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 16 février en début d’après-midi

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 février à 15 heures

Mercredi 17 février 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 17 février à 11 heures

À 16 h 30 et le soir

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (texte n° 200, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 8 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 février à 15 heures

Jeudi 18 février 2021

À 10 h 30

- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :

=> Projet de loi autorisant la ratification de l’accord portant extinction des traités bilatéraux d’investissement entre États membres de l’Union européenne (procédure accélérée ; texte n° 273, 2020-2021)

• Délai limite pour demander le retour à la procédure normale : mercredi 17 février à 15 heures

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (texte n° 254, 2020-2021) ou nouvelle lecture

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 45 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février à 15 heures

En cas de nouvelle lecture :

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : à l’ouverture de la discussion générale

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : à l’issue de la discussion générale

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (texte n° 161, 2020-2021)

Ce texte a été envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février à 15 heures

À 14 h 30 et, éventuellement, le soir

- Éventuellement, suite de la proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale (procédure accélérée ; texte n° 161, 2020-2021)

- Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’élection du Président de la République (texte n° 285, 2020-2021)

Ce texte sera envoyé à la commission des lois.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 5 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 10 février matin

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 15 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 17 février matin

• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 17 février à 15 heures

Suspension des travaux en séance plénière :

du lundi 22 au dimanche 28 février 2021

SEMAINE DE CONTRÔLE

Mardi 2 mars 2021

À 14 h 30

- Explications de vote puis vote sur la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale en première lecture, visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine (texte n° 287, 2019-2020)

Ce texte a été envoyé à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. Il est examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.

• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 15 février à 12 heures

• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 17 février à 14 heures

• Délai limite de demande de retour à la procédure normale : vendredi 26 février à 17 heures

• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 1er mars à 12 heures

• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 1er mars à 15 heures

- Débat sur la dette publique, à l’aune de la crise économique actuelle (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 1er mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « Comment construire plus et mieux en France ? » (demande du groupe Les Républicains)

• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 1er mars à 15 heures

- Débat sur le thème : « La réforme en cours de l’éducation prioritaire » (demande du groupe CRCE)

• Temps attribué au groupe CRCE : 10 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 1er mars à 15 heures

Mercredi 3 mars 2021

À 15 heures

- Questions d’actualité au Gouvernement

• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mercredi 3 mars à 11 heures

À 16 h 30

- Débat sur l’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées)

• Temps attribué à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées : 8 minutes

• Temps attribué à la commission des affaires européennes : 8 minutes

• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure

• Réponse du Gouvernement

• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 16 questions-réponses :

2 minutes maximum par question

Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente

En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question

• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 2 mars à 15 heures

Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :

mercredi 10 février 2021 à 14 heures

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Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Discussion générale (suite)

Renforcement du droit à l’avortement

Rejet d’une proposition de loi

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l’avortement (proposition n° 23, résultat des travaux de la commission n° 264, rapport n° 263).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Question préalable (début)

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, le thème sensible que nous abordons avec cette proposition de loi mobilise des convictions aussi ancrées que diverses.

L’interruption volontaire de grossesse est devenue un droit grâce au combat de ses militantes, grâce au courage de Simone Veil, grâce à l’élan d’une société vers l’émancipation, contre l’hypocrisie et contre l’emprise sur le corps des femmes.

L’interruption volontaire de grossesse, l’IVG, restera un symbole des grands combats menés par le ministère des solidarités et de la santé pour mettre un terme aux avortements clandestins, qui avaient coûté tant de vies, et pour faire progresser le droit des femmes.

Qu’il me soit permis de saluer aujourd’hui celles et ceux qui, au quotidien, rendent possible l’exercice de ce droit des femmes à disposer de leur corps.

Le combat a trouvé sa place dans les livres d’histoire, mais c’est un héritage qu’il faut conjuguer au présent, et nous devons rester extrêmement vigilants. Le droit à l’avortement est aujourd’hui remis en cause dans nombre de pays où il passait pour acquis. Cela n’est pas l’apanage des tendances autoritaires : dans certaines démocraties, y compris à nos portes en Europe, des mouvements de recul nous interpellent.

Je n’oublie pas que les contrevérités et les discours culpabilisant les femmes circulent à grande vitesse sur les réseaux sociaux.

La délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale a réalisé un rapport d’information très complet sur l’accès à l’IVG. Un constat détaillé et riche des écueils rencontrés encore aujourd’hui dans le parcours des femmes a ainsi été produit en auditionnant associations et professionnels.

La crise sanitaire que nous traversons n’est pas sans conséquence sur l’exercice du droit à l’avortement, mais tout a été fait pour que ce droit puisse demeurer effectif et s’exercer dans les meilleures conditions.

L’épidémie n’a pas remis en cause nos valeurs les plus fondamentales, et le ministère des solidarités et de la santé s’est pleinement mobilisé pour permettre l’accès à l’IVG dans les délais prévus.

Des mesures ont été prises – elles étaient nécessaires – pour préserver les femmes du covid-19, avec des circuits dédiés, et pour ménager les ressources hospitalières. Je pense à la priorité donnée à la simplification de la prise en charge des IVG médicamenteuses en ville, étendue jusqu’à neuf semaines d’aménorrhée.

Les médecins généralistes, les médecins gynécologues et les sages-femmes de ville, ainsi que les centres de planification familiale, se sont mobilisés de manière remarquable pour permettre à toutes les femmes, notamment celles qui étaient isolées, en situation complexe, ou éloignées de notre système de santé, d’exercer leur droit à l’IVG dans les meilleures conditions de sécurité et de qualité.

Toujours dans cet objectif de garantir l’accès à l’IVG durant la période de confinement, la téléconsultation a démontré toute sa pertinence pour réaliser les consultations qui structurent le parcours d’IVG médicamenteuse en ville. Le circuit du médicament a ainsi été aménagé afin de permettre aux femmes de se procurer les pilules abortives directement en pharmacie.

Dans la période pour le moins difficile que nous vivons, la protection du droit à l’avortement est restée, et demeure toujours, une priorité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’une des questions majeures posées par cette proposition de loi est celle de savoir si l’extension du délai légal faciliterait l’accès à l’IVG.

Il faut commencer par examiner de près les raisons qui conduisent aujourd’hui des femmes à se retrouver hors délai. Selon le planning familial, ces raisons sont de deux ordres.

Il y a, tout d’abord, celles qui sont liées à l’organisation des services et des soins, au manque d’information, à l’accessibilité des services, aux délais de rendez-vous, au manque de professionnels, ou encore à l’utilisation de la clause de conscience de façon « sélective » par des médecins.

Il y a, ensuite, des raisons personnelles, comme le diagnostic tardif de la grossesse, les grossesses d’adolescentes qui n’osent pas en parler, le départ ou la rupture du partenaire, ou des situations de chômage ou de précarité qui rendent le projet parental fragile.

Il y a donc des raisons objectives liées à nos organisations et des raisons individuelles qui tiennent le plus souvent à des situations de vulnérabilité.

Nous avons là un premier état des lieux qui permet d’identifier nos lacunes et de renforcer nos dispositifs, pour rendre le droit à l’IVG plus accessible, donc plus effectif – je dirai aussi plus adapté aux besoins individuels de chaque femme et davantage respectueux de leurs choix.

Par ailleurs, au regard des enjeux, le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, a été saisi afin d’éclairer les débats. Il a rendu à la fin de l’année dernière un avis favorable à l’extension du délai légal de l’interruption volontaire de grossesse.

S’agissant maintenant de la clause de conscience, les résultats de l’enquête conduite en 2019 auprès des agences régionales de santé, les ARS, n’ont pas fait apparaître, au niveau national, de difficultés d’accès à l’IVG qui soient liées à l’opposition de la clause de conscience par les professionnels.

Sur ce point, la proposition de loi revêt une portée qui est, semble-t-il, essentiellement symbolique, même si ce symbole a son importance, puisqu’elle marque l’obligation pour le professionnel refusant de pratiquer une IVG d’accompagner la femme vers une offre qui lui permettra d’exercer son droit à l’avortement.

Le corollaire pratique de cette mesure doit donc rester le développement de l’offre d’IVG, sa mise en visibilité, l’instauration d’un véritable parcours pour les femmes souhaitant une IVG, la formation des professionnels et le rappel de leur obligation d’orientation des femmes vers des lieux de prise en charge adaptée, tout particulièrement s’agissant des situations d’IVG tardives.

J’ajouterai quelques mots, avant de conclure, sur la pratique de l’IVG instrumentale par les sages-femmes. Ouvrir une pleine compétence en orthogénie à ces professionnels de santé peut représenter une véritable chance pour renforcer l’accès des femmes à l’IVG en tout point du territoire.

Certains préalables sont néanmoins incontournables avant de généraliser à toutes les sages-femmes, et en tout lieu, cette nouvelle compétence, afin d’assurer, d’une part, une prise en charge de qualité des femmes et, d’autre part, des conditions d’exercice sécurisées pour les sages-femmes : permettre l’accès à une formation adaptée, comme c’est le cas pour les IVG médicamenteuses ; savoir à quelles femmes, en fonction de leur état de santé, cette offre de prise en charge doit s’adresser ; identifier les modalités de coopération en cas de survenue de complications.

L’article 70 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit la mise en place d’une expérimentation de l’extension des compétences des sages-femmes à l’IVG instrumentale et permettra de définir les conditions nécessaires pour assurer la qualité et la sécurité de cette expérimentation, avant de proposer sa généralisation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai suivi vos échanges en commission ; je comprends que nous n’aurons pas l’occasion de débattre de chacun des articles en raison du dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable, sans préjuger du sort qui lui sera réservé.

Sur cette question, peu importent les opinions politiques : il faut avancer sereinement, dans le respect des convictions de chacun.

Je l’ai dit en préambule, le sujet n’est pas anodin : c’est un vrai débat de société. Même si le débat d’aujourd’hui sera écourté, il est essentiel que la proposition de loi poursuive son chemin.

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Cathy Apourceau-Poly applaudit également.)

Mme Laurence Rossignol, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quarante-six ans après l’adoption de la loi Veil, à laquelle j’associe Gisèle Halimi – le premier Panthéon dans lequel nous pourrions faire entrer Gisèle Halimi pourrait être celui de nos mémoires, en appelant « Halimi-Veil » ou « Veil-Halimi » la loi de 1975… –, l’interruption volontaire de grossesse reste un droit fondamental, dont l’effectivité en tout point du territoire n’est toujours pas acquise.

Dans une dizaine de départements en 2019, au moins un tiers des avortements n’ont pas pu être réalisés sur place. Six des treize régions métropolitaines sont en tension pour l’accès à l’IVG, avec des délais moyens supérieurs au délai moyen national. Signe de cet appauvrissement de l’offre d’orthogénie sur certains territoires, au cours des quinze dernières années, le nombre d’établissements réalisant une IVG a diminué de 22 %.

Je me souviens des débats que nous avions eus ici à l’occasion de l’examen des diverses lois d’organisation du système de santé, durant lesquels nous faisions observer aux ministres que chaque fermeture d’une maternité entraînait la fermeture d’un centre d’IVG ou que le cahier des charges pour la construction d’un hôpital de proximité aurait dû prévoir la création d’un centre d’orthogénie. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas été suivies.

L’amélioration de l’accès à l’IVG ne se limite donc pas aux mesures contenues dans la proposition de loi que nous examinons. Elle nécessite également des réponses d’ordre structurel dans le pilotage et l’organisation de notre offre de soins en orthogénie.

C’est cette complémentarité que préconise mon groupe entre le renforcement des droits et protections des femmes dans la loi, d’une part, et la revalorisation de l’activité d’IVG et, plus largement, de la santé sexuelle et reproductive comme priorité de santé publique, d’autre part.

Avant d’aborder le cœur de la proposition de loi, permettez-moi de noter que l’actualité internationale nous donne des raisons de nous réjouir. M. le secrétaire d’État a mentionné le recul des droits dans certains pays, évoquons plutôt les bonnes nouvelles : l’Argentine a adopté en décembre dernier une loi qui dépénalise enfin l’IVG et l’intègre même dans le cadre plus large d’une politique nationale de santé sexuelle et reproductive ambitieuse, qui pourrait d’ailleurs nous inspirer.

La proposition de loi soulève deux questions majeures dont nous avons déjà eu l’occasion de débattre : l’allongement de deux semaines du délai légal d’accès à l’IVG et la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG. Ces deux mesures ont été plusieurs fois écartées par le Gouvernement ou la majorité sénatoriale, au motif que le véhicule législatif ne s’y prêtait pas et que nous n’en avions pas assez débattu.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, vous en conviendrez, les conditions sont désormais réunies pour nous prononcer en toute connaissance de cause sur ces questions.

Nous examinons une proposition de loi dédiée à l’accès à l’IVG – je salue la présence dans les tribunes de son auteure, la députée Albane Gaillot, qui avait déposé ce texte avec les membres de son groupe –, qui fait suite à un rapport d’information très fourni de la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale et qui est éclairée par un avis du CCNE publié en décembre dernier.

L’article 1er tend à allonger de deux semaines le délai légal de l’IVG, pour l’étendre à la fin de la quatorzième semaine de grossesse.

Comme de nombreux collègues ont salué par des tweets l’événement qu’a constitué l’adoption de la loi en Argentine, je relève que ce pays a justement retenu le délai de quatorze semaines dont nous discutons aujourd’hui. L’allongement du délai vise à répondre à des situations certes limitées dans leur nombre, mais auxquelles notre système de soins n’offre aucune réponse satisfaisante.

Certains nous opposeront que seulement 5 % des IVG sont réalisées entre la dixième et la douzième semaine. Tant mieux ! Il est heureux que cette proportion reste limitée, car c’est notre souhait à tous que la prise en charge des IVG soit la plus précoce possible.

Toutefois, ces 5 % d’IVG ne sont qu’un chiffre et ne reflètent pas la situation des femmes qui n’ont pas été en mesure d’avorter avant douze semaines et dont le nombre ne doit pas être sous-estimé.

Bien souvent, il s’agit de femmes qui n’ont découvert leur grossesse que tardivement, en raison de cycles menstruels irréguliers ou de l’absence de signes cliniques de grossesse. N’oublions pas par ailleurs que, près de trois fois sur quatre, l’IVG est pratiquée pour des femmes sous contraception : le temps pour comprendre que l’on est enceinte est plus long dans ce cas.

À ces situations s’ajoutent les changements qui peuvent intervenir dans la situation matérielle, sociale ou affective d’une femme et peuvent légitimement l’amener à ne pas souhaiter poursuivre la grossesse.

Si une femme formule sa demande d’IVG juste avant la douzième semaine, elle peut se voir proposer un rendez-vous trop tardif pour respecter le délai légal, soit parce que l’offre d’orthogénie est insuffisante, soit parce que les services d’IVG ne traitent pas ces demandes avec la priorité absolue qui devrait s’imposer, soit, tout simplement, parce que c’est l’été, que les médecins sont en vacances et les services désorganisés.

Une fois passé le délai de douze semaines, quelles solutions se présentent alors à elles ? En réalité, aucune qui respecte véritablement leur autonomie.

Un certain nombre d’entre elles – 2 000 selon le CCNE – se rend à l’étranger. Des associations ont avancé d’autres chiffres plus élevés. Peu importe ! Sachons simplement que, pour au moins 2 000 femmes, cette situation est source d’inégalités, puisque c’est à elles de prendre en charge l’ensemble des frais – la sécurité sociale ne les remboursant pas. Je ne puis m’empêcher de relever l’hypocrisie consistant à compter sur les pays voisins pour faire ce que nous ne voulons pas faire.

D’autres se résignent à demander une interruption médicale de grossesse pour motif de détresse psychosociale. Outre que cette procédure est contraignante, elle prive la femme de son autonomie, puisqu’il faut l’accord préalable d’un collège de médecins.

Enfin, n’oublions pas, parce qu’elles échappent à toutes les statistiques, toutes celles qui ont été contraintes de poursuivre une grossesse dont elles ne voulaient pas.

J’évoquerai les conclusions du CCNE : après avoir rappelé qu’il n’existe que peu, voire pas, de différence entre douze et quatorze semaines de grossesse en termes de complications, celui-ci a estimé qu’il n’y avait pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines.

L’autre sujet essentiel abordé par cette proposition de loi est la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, que l’on appelle également « double clause de conscience ». Il s’agissait de l’un des éléments de compromis ayant permis l’adoption de la loi Veil en 1975 face à une majorité hostile à la dépénalisation de l’IVG.

À l’heure où nous devons œuvrer pour une revalorisation de l’activité d’IVG, aussi marginalisée dans la pratique de gynécologie-obstétrique que dans la psychologie globale, cette double clause de conscience ne fait que maintenir l’IVG dans un cadre médical distinct de tous les autres actes liés à la santé reproductive. Elle n’apporte en réalité aucune protection supplémentaire aux professionnels de santé par rapport à leur clause de conscience générale et ne fait qu’entretenir la stigmatisation de l’IVG comme un acte culpabilisant pour les femmes.

On dit souvent que l’on ne pourrait pas obliger un médecin à pratiquer une IVG s’il ne le veut pas. La clause de conscience générale qui protège les soignants et qui figure dans le code de déontologie permet en effet déjà à tout soignant de refuser de pratiquer tout acte qu’il estimerait contraire à son éthique ou à sa morale, ou même à un choix médical qui ne serait pas le sien. La double cause de conscience n’apporte donc aucune protection supplémentaire aux soignants qui ne voudraient pas pratiquer d’IVG.

Le Sénat comme l’Assemblée nationale ont d’ailleurs écarté, dans le projet de loi relatif à la bioéthique, l’inscription dans la loi d’une clause de conscience spécifique à l’interruption médicale de grossesse.

En effet, nous avons collectivement considéré qu’il existait déjà une clause de conscience générale permettant aux médecins de refuser de pratiquer une interruption médicale de grossesse, l’IMG. La proposition de loi est donc cohérente avec notre vote sur l’IMG. Je le répète avant que la discussion générale ne s’ouvre, même sans double clause de conscience les professionnels de santé ne sont pas obligés de réaliser une IVG : ils ont la possibilité de refuser de pratiquer cet acte.

Enfin, une troisième mesure a suscité des débats au sein de notre commission : l’extension aux sages-femmes de la pratique de l’IVG instrumentale. Cette disposition a été très largement satisfaite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, et c’est sans doute aux auteurs de la proposition de loi que nous examinons que nous devons cette nouvelle mesure.

J’ai pris la peine au début de mon propos de décrire l’état des lieux et les carences de l’orthogénie. La présente proposition de loi, j’en ai conscience, n’apporte que des réponses partielles.

La santé sexuelle et reproductive demeure un angle mort de notre politique sanitaire. On n’en parle que lorsque les associations, et particulièrement le planning familial, que je salue, tirent la sonnette d’alarme. La préoccupation du maillage du territoire et de l’accessibilité de l’IVG est soumise à l’aléa des engagements personnels des ARS, des directeurs départementaux, des directions d’hôpitaux et des équipes médicales.

L’IVG est un droit, tout comme le choix de la technique d’IVG devrait l’être aussi. Ni l’un ni l’autre de ces droits n’est respecté. On ne cesse de nous répéter que ce n’est pas grave s’il n’y a pas de maternité ou de centre d’orthogénie : on fera des IVG médicamenteuses, voire en téléconsultation… Les femmes ne choisissent donc pas systématiquement la technique d’IVG à laquelle elles veulent recourir.

Nous avons besoin d’un pilotage national, et pas seulement de statistiques annuelles – comme c’est le cas –, pour établir notre politique sanitaire et de santé sexuelle et reproductive, pour veiller à l’information dans les lycées et les collègues, qui est si défaillante, et pour lutter contre l’absence, que nous constatons tous les cinq ans, d’éducation à la vie sexuelle et affective dans les établissements scolaires.

Pour terminer, je souhaite, monsieur le secrétaire d’État, que nous puissions travailler ensemble pour rendre effectif l’accès à l’IVG, en tout point du territoire et dans un délai raisonnable, et laisser aux femmes le choix de la technique utilisée, notamment en définissant les contours d’un pilotage national et proactif de notre offre de soins en orthogénie.

Plus largement, en nous inspirant de l’Institut national du cancer, nous pourrions créer un Institut national de la santé sexuelle et reproductive.

Mme le président. Il faut conclure, madame la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. La commission des affaires sociales a rejeté le texte ; je vous invite, quant à moi, à l’adopter. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Florence Lassarade. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Florence Lassarade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 1974, Simone Veil disait déjà que « l’avortement de convenance n’existe pas ». Le droit à l’avortement, c’est l’affirmation du droit des femmes à disposer de leur corps dans des conditions garantissant leur santé et leur sécurité.

Dans son discours de présentation du projet de loi légalisant l’interruption volontaire de grossesse, Simone Veil soulignait aussi que « l’interruption de grossesse ne peut être que précoce, parce que ses risques physiques et psychiques, qui ne sont jamais nuls, deviennent trop sérieux après la fin de la dixième semaine qui suit la conception pour que l’on permette aux femmes de s’y exposer ».

Je rappelle que, du point de vue du droit, le fœtus n’est pas considéré comme une personne, mais que, en raison de sa nature, il ne peut être réduit à un objet. C’est pourquoi une IVG ne peut être considérée comme un acte médical ordinaire. Cet avis est aussi celui du CCNE.

Le délai légal de recours à l’avortement a été allongé à douze semaines de grossesse en 2001. Plusieurs lois ont depuis lors renforcé le droit à l’avortement.

En 2019, le nombre d’IVG en France s’élevait à 232 244 ; on observe même une légère augmentation par rapport aux années précédentes. Ainsi, c’est environ une grossesse sur quatre qui a été interrompue volontairement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit en premier lieu d’allonger le délai de recours à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines de grossesse.

La moitié des IVG réalisées en 2019 concerne des grossesses de moins de six semaines. Les IVG réalisées durant les deux dernières semaines du délai légal correspondent à 5,3 % de l’ensemble des IVG, soit 12 000 en 2019.

Selon le CCNE, il y aurait entre 1 500 et 2 000 femmes qui feraient chaque année le déplacement dans d’autres pays européens pour pratiquer des IVG hors délai. C’est moitié moins que les 3 000 à 5 000 femmes mentionnées dans l’exposé des motifs de la proposition de loi et moitié moins que ce qu’affirment un certain nombre d’associations.

Par ailleurs, le palier de douze semaines de grossesse n’a pas été déterminé par hasard. C’est à cette période que l’embryon devient un fœtus.

À quatorze semaines, le fœtus mesure plus de dix centimètres et se meut. Il a un crâne ; ses principaux organes sont formés ; l’audition et les connexions neuronales sont développées, et l’on a 99 % de chances de déterminer son sexe.

Dans ces conditions, le geste médical pour pratiquer une IVG au-delà de douze semaines n’est plus le même. Le professeur Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, explique : « La tête du fœtus est ossifiée et il faut l’écraser. Le geste lui-même est donc terrible pour celui qui le fait et pour la patiente. Au sein du Collège, j’ai soumis quatre fois au vote cette mesure d’allongement des délais de deux semaines, et elle a chaque fois été refusée à 100 % des votants. »

Pour une IVG pratiquée après douze semaines, le geste médical n’est plus le même et le protocole doit être révisé en raison des risques importants que court la femme. Une IVG est une urgence médicale. C’est la prise en charge de cette urgence que nous devons améliorer.

Or les inégalités territoriales dans l’accès à l’IVG se sont accentuées au cours des quinze dernières années ; le nombre d’établissements réalisant une activité d’IVG a diminué de 22 %, notamment dans le secteur privé.

Dans un rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, parmi les facteurs responsables de cette diminution, sont mentionnés l’impact des restructurations hospitalières, la fermeture d’hôpitaux de proximité, en particulier de maternités, mais également le refus de certains établissements de pratiquer un acte jugé peu rentable.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, ne serait-il pas préférable de donner davantage de force au droit existant, en poursuivant nos efforts pour assurer une offre réelle et accessible de façon permanente afin de répondre aux besoins des femmes sur l’ensemble du territoire ?

L’allongement du délai d’IVG ne saurait être la solution pour pallier les déficiences de notre politique de santé reproductive, qui ne garantit pas suffisamment la prise en charge précoce des IVG.

Ensuite, l’article 1er ter de cette proposition de loi demande la suppression du délai de deux jours que la femme enceinte doit observer à l’issue de l’entretien psychosocial, dans le cas où elle accepte de recevoir un tel entretien, et avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG. L’argument avancé est que cette suppression permettrait de fluidifier le parcours des femmes.

Or je rappelle que ce délai de réflexion ne s’impose que si la femme accepte l’entretien psychosocial. Recourir à une IVG n’est pas une décision facile à prendre. Il faut laisser cette possibilité aux femmes d’avoir un délai de réflexion quand elles le souhaitent.

Cette disposition existe parce qu’elle est garante d’une procédure qui n’est pas anodine. J’estime que la réflexion doit l’emporter sur la fluidification du parcours !

L’article 2 tend à supprimer la double clause de conscience dont bénéficient les praticiens. L’argument avancé consiste à dire qu’il existe déjà une clause réglementaire et que l’existence de cette clause légale est vécue comme une humiliation par les femmes qui recourent à l’IVG.

Cette clause est spécifique à l’IVG et ne concerne aucun autre acte médical. Pourquoi ? Parce que l’IVG n’est ni un acte anodin ni un acte de soin ordinaire pour les femmes qui y recourent ainsi que pour les praticiens. C’est pourquoi nous souhaitons conserver cette liberté. Cette clause empêche-t-elle les IVG ? Non, comme le montre le nombre d’IVG pratiquées chaque année en France.

Enfin, si le délai est allongé à quatorze semaines, un plus grand nombre de médecins et de sages-femmes refuseront de pratiquer l’IVG en raison du geste médical plus difficile et des risques de complications plus importants. Concrètement, cette mesure, si elle était adoptée, pourrait freiner une amélioration de la prise en charge des demandes.

Par conséquent, le groupe Les Républicains ne votera pas les mesures présentées dans la proposition de loi, car elles ne permettront pas réellement d’améliorer l’accès à l’IVG. Aujourd’hui, l’enjeu est celui d’une politique de santé sexuelle et reproductive efficace. Nous avons besoin d’une vraie politique de santé publique en matière de prévention et d’information sur la contraception, ainsi que sur l’IVG.

Il nous faut une politique volontariste, qui permette d’améliorer l’accessibilité à l’IVG sur l’ensemble du territoire. Entre la demande d’IVG et sa réalisation, il s’écoule souvent près de sept jours ; il faut réussir à réduire ce délai. Le droit des femmes sera davantage respecté par une prise en charge dans des délais courts induisant moins de complications.

Pour cela, l’offre médicale en matière d’accès à l’IVG, quelle que soit la technique utilisée, doit être augmentée en France, et des moyens pérennes et dédiés doivent être donnés aux structures qui s’engagent à réaliser les IVG. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.)

Mme le président. La parole est à Mme Colette Mélot. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.)

Mme Colette Mélot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà quarante-six ans, la loi Veil dépénalisait l’IVG, dans un contexte que nous n’avons pas oublié. Cette loi est fragile, et nous devons être vigilants, car rien n’est jamais acquis.

Le texte que nous examinons a pour disposition principale l’allongement de deux semaines du délai légal pour pratiquer une IVG, le portant de douze à quatorze semaines de grossesse.

Des articles additionnels ont également été introduits à l’Assemblée nationale, visant, notamment, à permettre aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale et à rendre obligatoire la pratique du tiers payant pour les actes en lien avec l’IVG – des dispositions déjà satisfaites par l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021.

Même si je comprends la volonté des auteurs de la proposition de loi, qui s’adresse avant tout aux milliers de femmes contraintes chaque année de partir à l’étranger pour pratiquer une IVG hors délai, je ne suis pas favorable à l’allongement du délai à quatorze semaines.

Dans la plupart des cas, les patientes n’ont eu connaissance de leur grossesse que tardivement et étaient en grande partie sous contraception. Pour autant, rallonger de deux semaines le délai d’accès à l’IVG en France s’apparente à une fuite en avant.

Le Royaume-Uni autorisant cet acte jusqu’à vingt-quatre semaines, la France sera toujours en deçà de cette limite. De nombreux praticiens refusent de pratiquer une IVG instrumentale au-delà de dix semaines. En pratique, si nous allongeons de nouveau le délai de deux semaines, un plus grand nombre de médecins refuseront de pratiquer l’IVG, laissant beaucoup de femmes sans solution de prise en charge.

Aujourd’hui, les difficultés d’accès à l’avortement persistent : il faut les supprimer. C’est là l’urgence, pour que la loi s’applique pleinement.

L’accroissement des délais de prise en charge est un véritable problème, plus encore pendant la période estivale. La marginalisation de l’activité de l’IVG au sein des hôpitaux publics, souvent pratiquée par des vacataires, l’engorgement de certains centres hospitaliers et la désertification médicale aggravent ces difficultés.

Nous devons prendre les mesures nécessaires pour permettre aux femmes d’avoir accès à l’IVG dans les cinq jours suivant la première consultation. Plus cet acte est pratiqué de façon anticipée, plus le risque de complication est faible. La loi Veil est bien faite ; veillons donc à son application effective et à l’égalité d’accès à ce droit pour toutes les femmes, sans discrimination.

N’oublions pas la détresse des femmes confrontées à une grossesse non désirée, surtout lorsqu’elles sont isolées et fragilisées par la vie.

Les centres sociaux ont, à mon sens, un rôle d’information et de soutien à jouer. Je souhaite également insister sur un point essentiel, trop souvent oublié en matière de santé publique, me semble-t-il : les carences en matière de prévention expliquent l’absence de diminution, au cours des trente dernières années, du nombre de recours à l’IVG. En 2019, plus de 230 000 IVG ont été pratiquées, soit une grossesse sur quatre. C’est beaucoup trop !

Plus grave encore, ce nombre augmente chez les mineures. Nous devons donc, sans plus tarder, nous doter d’une véritable politique d’information sur la sexualité et sur la contraception, en ciblant particulièrement les jeunes femmes, mais aussi les hommes. En 2019, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, pointait un déficit alarmant en matière d’éducation ; un établissement scolaire sur quatre ne prévoit pas d’éducation à la sexualité.

Je dirai un mot, enfin, sur les mesures prises pour adapter notre système de santé à la crise sanitaire. Nous saluons l’extension du délai de l’IVG médicamenteuse pratiquée en ville.

Je considère, en conclusion, qu’il nous faut renforcer les moyens d’accès à l’IVG, adapter les actions d’une prévention digne de ce nom et mieux accompagner les femmes pour que toutes les demandes puissent être prises en charge avant la fin de la douzième semaine.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera contre l’allongement de deux semaines du délai légal ; néanmoins, nous voterons contre la motion tendant à opposer la question préalable, parce que, d’une façon générale, nous sommes opposés au refus de débattre et que, dans le cas qui nous occupe, un tel sujet mérite d’être examiné de façon approfondie. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP. – MM. Julien Bargeton et Martin Lévrier applaudissent également.)

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

Mme Raymonde Poncet Monge. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout le monde en convient, la présente proposition de loi ne vise pas à rouvrir le débat sur le droit à l’IVG en France, et notre discussion ne doit pas être l’occasion de le faire. Elle tend à améliorer l’effectivité de ce droit, car, en dépit de nombreuses avancées législatives, des obstacles demeurent, voire s’aggravent.

Nous sommes invités, au travers d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale, à renforcer l’effectivité du droit à l’avortement. C’est à cette nécessité que répond cette proposition de loi.

Comme il s’agit, pour le législateur, de garantir la liberté des femmes qui veulent et doivent pouvoir user de ce droit fondamental, quelle que soit leur situation socioéconomique et territoriale, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera contre la motion tendant à opposer la question préalable, qui conduirait au statu quo, et pour la proposition de loi.

On ne prétend pas, au travers de ce texte, traiter toutes les causes bridant l’accès à ce droit. En effet, parmi ces dernières, certaines, qui sont structurelles, nécessiteront une action de long terme : offre de soins en orthogénie dégradée et concentrée territorialement, faiblesse de la politique de prévention et quasi-absence de grande campagne d’information et d’éducation.

Pour autant, peut-on se cacher derrière le constat selon lequel cela ne répond pas à la totalité du problème pour s’interdire des avancées ?

J’invite les collègues tentés par cet attentisme à amender le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, pour y intégrer des actions plus structurelles ; nous les soutiendrons volontiers. En attendant, la cohérence des différents articles de cette proposition de loi réside dans la problématique commune d’un accès amélioré et égal au droit fondamental à l’IVG.

Cette proposition de loi améliore l’accès à l’IVG en allongeant, de douze à quatorze semaines, les délais légaux pour y recourir. Bien sûr, tout doit être fait pour que l’interruption de grossesse se déroule le plus tôt possible – d’autres articles de la proposition de loi y contribuent d’ailleurs –, mais il demeurera toujours des diagnostics tardifs de grossesse ou des situations personnelles complexes, dans un contexte où, de surcroît, les insuffisances de l’offre en aggravent les conséquences.

Aucune justification médicale ne s’oppose à cet allongement et le Comité consultatif national d’éthique conclut à l’absence « d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines ».

Dès lors, même si les intéressées ne sont que quelques milliers à devoir se rendre à l’étranger, nous devons mettre fin aux conséquences préjudiciables de cette situation, y compris du point de vue de la santé et de l’accroissement des inégalités face à ce droit.

Cette proposition de loi améliore également l’accès à l’avortement en permettant aux sages-femmes de pratiquer les IVG instrumentales jusqu’à la dixième semaine – une demande forte de la profession –, améliorant ainsi, de façon indirecte, le maillage du territoire en praticiens et donnant aux femmes la possibilité de choisir entre les deux méthodes.

Ce texte améliore en outre l’accès à l’IVG au travers de l’article relatif au tiers payant et en supprimant, enfin, la clause de conscience spécifique.

La clause de conscience générale garantit le même droit individuel aux professionnels à ne pas pratiquer une IVG que la clause dite « spécifique ». Il n’y a pas de nécessité objective et juridique à cette double clause, mais, en insistant pour la qualifier de « spécifique », en donnant un statut particulier à cet acte médical, en le mettant à part, c’est le débat collectif sur ce droit que l’on poursuit, c’est l’impact collectif que l’on vise et, in fine, ce n’est pas un droit individuel que l’on préserve, c’est un stigmate que l’on pose.

Chers collègues, dans certains pays, les acquis – ou plutôt les « conquis » – des droits de la femme sont menacés, et, à l’inverse, les femmes ont fait progresser leurs droits en Argentine. La France se doit d’être du côté des avancées.

Si, pour le poète, « Rien n’est jamais acquis à l’homme », rien n’est jamais non plus acquis à la femme, pour qui tout statu quo, toute pause dans la défense de ses droits formels et réels, ouvre la voie aux remises en cause. Aussi, confortons et améliorons, pas à pas, l’accès à l’IVG, en adoptant cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli.

M. Xavier Iacovelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’avortement, dépénalisé et légalisé voilà plus de quarante-cinq ans, est devenu un droit qui fait, depuis plusieurs années, l’objet d’attaques répétées, en Europe et partout dans le monde.

Ces attaques, qui se traduisent bien souvent par des tentatives de culpabilisation des femmes, démontrent que ce droit reste fragile, contesté, et qu’il nous appartient de le protéger et d’en garantir l’effectivité.

« Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame », disait Simone Veil, à la tribune de l’Assemblée nationale, le 26 novembre 1974.

Pourtant, près d’un demi-siècle plus tard, on constate que de nombreux freins rendent difficile l’accès à l’IVG pour les femmes se trouvant à la limite du délai légal ou vivant dans des territoires où les professionnels de santé pratiquant l’IVG se font rares.

Il convient de rappeler les chiffres : en 2019, quelque 232 200 avortements ont eu lieu sur notre territoire ; c’est le chiffre le plus élevé depuis 2001. Chaque année, entre 1 000 et 4 000 femmes, selon les sources, sont contraintes d’avorter à l’étranger en raison du dépassement du délai légal de douze semaines de grossesse et 5 % des IVG sont pratiquées chaque année, en France, entre la dixième et la douzième semaine. Ce chiffre atteint même 16,7 % à Mayotte, ce qui démontre les importantes disparités sur notre territoire.

Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la Drees, les IVG dites « tardives » touchent particulièrement les plus jeunes – elles représentent 10,5 % des IVG chez les mineures, 8,5 % chez les 18-19 ans et 6,6 % chez les 20-24 ans –, révélant ainsi des parcours plus longs ou une prise en compte plus tardive de leur grossesse.

Si certains pays, comme la Pologne, n’autorisent l’IVG qu’en cas de viol, d’inceste, de danger pour la mère ou de malformation grave du fœtus, plusieurs de nos voisins européens ont des délais plus étendus que la France : quatorze semaines en Espagne, dix-huit en Suède, vingt-deux aux Pays-Bas et même vingt-quatre semaines au Royaume-Uni.

Notre rôle, mes chers collègues, est d’entendre le cri d’alerte venu des associations et des professionnels de santé sur les nombreux freins qui persistent en matière d’accès à l’IVG. L’allongement de deux semaines des délais légaux permettrait en partie de répondre à la situation de femmes se trouvant proches du délai limite pour avorter et n’ayant d’autre recours que celui de partir à l’étranger.

À cet égard, je rappelle que le Comité consultatif national d’éthique a estimé, le 11 décembre dernier, que, en « fondant sa réflexion sur les principes d’autonomie, de bienfaisance, d’équité et de non-malfaisance à l’égard des femmes, [il n’y avait] pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines, passant ainsi de douze à quatorze semaines de grossesse. »

Le même avis a été donné dans un rapport, adopté à l’unanimité par la délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale le 16 septembre dernier, qui indiquait qu’il était souhaitable d’allonger ce délai si les professionnels étaient formés pour pratiquer cet acte.

Étendre les compétences des sages-femmes pour leur permettre de pratiquer des IVG instrumentales jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse constitue ainsi une avancée notoire. Il est en effet essentiel de renforcer l’offre médicale sur l’ensemble de notre territoire, qui présente d’importantes disparités ; je pense notamment aux territoires d’outre-mer.

Par ailleurs, l’amendement adopté par nos collègues de l’Assemblée nationale visant à supprimer le délai de 48 heures de réflexion en cas d’entretien psychosocial, comme c’était préconisé dans le rapport de la délégation aux droits des femmes, permettra de fluidifier le parcours d’IVG.

Cette disposition, soutenue par les professionnels et par les acteurs de terrain, répond à la nécessité de mettre en œuvre un parcours d’IVG simplifié et accéléré pour toutes les femmes qui souhaitent y avoir recours.

La possibilité de sanctionner un pharmacien qui refuse la délivrance d’un contraceptif d’urgence me paraît une mesure de bon sens, allant vers une meilleure protection du droit des femmes à disposer de leur corps.

Enfin, ce texte supprime, à l’article 2, la clause de conscience spécifique à l’IVG. Il ne s’agit pas là de supprimer purement et simplement la clause de conscience, puisqu’une clause de conscience générale existe dans notre droit ; celle-ci suffit largement pour permettre à un médecin de ne pas pratiquer une IVG, sans avoir à en donner les motifs. Cette double clause de conscience, qui fait de l’IVG un acte à part, est source de stigmatisation pour les femmes qui souhaitent y avoir recours. Sa suppression à l’échelon législatif semble donc bienvenue.

La Drees, qui, en 2020, a pu analyser, pour la première fois, le recours à l’IVG selon la situation sociale, a démontré que les femmes aux revenus les plus faibles avaient plus souvent recours à l’IVG. Par ailleurs, chaque année, près de 1 000 jeunes filles de 12 à 14 ans tombent enceintes et 770 de ces grossesses se concluent par une IVG.

Il est donc nécessaire de mener une politique ambitieuse en matière d’accès à l’information et à la contraception pour toutes les femmes. L’entrée en vigueur de la prise en charge à 100 % de la contraception pour les jeunes filles de moins de 15 ans, depuis le 28 août 2020, traduit la volonté du Gouvernement et de sa majorité en la matière.

Je le rappelle, pour les jeunes filles ayant entre 15 et 18 ans, qui ont déjà accès à une contraception gratuite, le taux de recours à l’IVG a nettement baissé, puisqu’il est passé de 9,5 pour mille à 6 pour mille entre 2012 et 2018.

Ainsi, les membres du groupe RDPI seront libres de leur vote, qu’ils détermineront en leur âme et conscience, sur cette proposition de loi, laquelle a le mérite de poser un débat crucial et d’identifier des pistes de réflexion intéressantes pour limiter les freins à l’accès à l’IVG. Je regrette que l’on ne puisse avoir un débat plus large sur les articles du texte – ma collègue Nadège Havet y reviendra – et une discussion de fond sur cette question, qui touche 50 % de la population française.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les rédacteurs du code civil avaient écrit, dans le préambule de ce texte : « La femme est donnée à l’homme pour qu’elle fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l’arbre à fruits est celle du jardinier ». (Sourires.) Depuis lors, le code civil et la société ont, fort heureusement, bien changé…

Le droit à l’avortement, conquis de haute lutte, a marqué une étape décisive dans la reconnaissance du droit des femmes à disposer librement de leur corps et, au cours des vingt dernières années, il a été considérablement amélioré.

Pour autant, quarante-cinq ans après la loi Veil, force est de constater que, paradoxalement, ce droit est loin d’être un acquis et qu’il est essentiel de le défendre avec vigilance.

De nombreux obstacles contribuent, encore aujourd’hui, à fragiliser son exercice : refus des prises en charge tardives, désinformation, pression psychologique, discours culpabilisant et surtout difficulté à trouver un praticien proche de son domicile pour pratiquer une IVG dans des délais rapides.

Déjà, en 2015, dans un rapport d’information de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon et Françoise Laborde indiquaient que, en dix ans, plus de 130 établissements de santé pratiquant des IVG avaient fermé, alors que la demande restait stable. Il en résulte une forte concentration sur un nombre limité d’établissements, ce qui contribue à accroître les délais d’attente.

Mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi a fait naître au sein de mon groupe des positions variées : certains y sont favorables, tandis que d’autres craignent qu’il ne soit, dans les faits, une mauvaise réponse à un vrai problème.

À la suite de l’adoption de la présente proposition de loi par l’Assemblée nationale, tant l’Académie nationale de médecine que l’ordre des médecins et le Collègue national des gynécologues et obstétriciens français ont publié des communiqués de presse pour rappeler leur opposition à l’allongement du délai légal.

Ils estiment en effet que cette mesure ne permettra pas de répondre aux difficultés et que les femmes espèrent au contraire une prise en charge plus rapide. Surtout, ils évoquent les complications médicales qui peuvent survenir à la suite d’une interruption volontaire de grossesse au-delà de quatorze semaines d’aménorrhée. Enfin, ils redoutent que l’allongement du délai légal entraîne une désaffection des professionnels de santé qui les réalisent aujourd’hui.

Aussi, au-delà de toute considération éthique, nous pouvons légitimement nous interroger : l’allongement du délai légal permettra-t-il réellement aux femmes d’accéder plus facilement à l’IVG ? Doit-il remédier aux défaillances de notre politique publique de santé reproductive ?

Lors de la présentation de son rapport, notre collègue Laurence Rossignol a appelé de ses vœux la mise en place d’un véritable pilotage national de l’activité d’IVG et la création d’un Institut national de la santé sexuelle et reproductive, auxquelles je souscris pleinement. Piloter l’offre nationale de soins en orthogénie et de planification familiale, évaluer la qualité de cette offre dans les établissements de santé ou de planification, assurer un maillage équilibré du territoire ; tout cela nous semble essentiel.

Nous devons également améliorer l’information, réfléchir à la gratuité de toutes les contraceptions, pour toutes les femmes, et promouvoir l’éducation à la sexualité dès le plus jeune âge.

Mes chers collègues, comme à son habitude, mais plus particulièrement aujourd’hui, le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen regrette le dépôt d’une motion tendant à opposer la question préalable.

Par le passé, nous avons pu déplorer que l’allongement du délai légal ou la suppression de la clause spécifique soient abordés au détour d’amendements – certains diraient « en catimini » –, lors de l’examen de textes qui n’étaient pas le bon véhicule législatif. Aujourd’hui, le groupe socialiste a décidé d’inscrire cette proposition de loi au sein de son espace réservé, afin que nous prenions le temps de débattre.

Par ailleurs, au moment de son examen à l’Assemblée nationale, vous avez annoncé, monsieur le secrétaire d’État, avoir saisi le Comité consultatif national d’éthique pour que celui-ci puisse rendre un avis sur cette délicate question. C’est chose faite ; chacun de nous a pu prendre connaissance de cet avis, de même que de la position de l’ordre national des médecins, du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, du Conseil national de l’ordre des sages-femmes ou encore du planning familial, pour ne citer qu’eux.

Tous les éléments sont donc réunis pour que nous puissions avoir un débat éclairé, une réflexion sereine et approfondie dans le respect des convictions de chacun.

Parce qu’un sujet aussi important et sensible ne mérite pas d’être balayé d’un revers de main par l’adoption d’une motion tendant à opposer la question préalable, l’ensemble des sénateurs du groupe du RDSE votera unanimement contre cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à remercier ma collègue, la sénatrice Laurence Rossignol, d’avoir repris le travail transpartisan de l’Assemblée nationale, mené par Albane Gaillot, afin de permettre à la navette parlementaire de se poursuivre et au Sénat d’en débattre.

J’y tiens d’autant que nous défendons, depuis longtemps, les propositions adoptées le 8 octobre dernier : allongement, de douze à quatorze semaines, du délai de recours à l’IVG, suppression de la clause de conscience spécifique à l’avortement des médecins, possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG chirurgicales.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a déposé, en 2017, une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution ; en 2019, nous avons déposé une proposition de loi visant à allonger les délais pour pratiquer l’IVG, ainsi que des amendements pour supprimer la double clause de conscience.

C’est donc tout naturellement que nous soutenons cette proposition de loi, qui s’inscrit dans la continuité de la lutte des femmes pour maîtriser leur fécondité, condition essentielle de leur émancipation.

Le Gouvernement, conscient des difficultés que rencontrent les femmes avec la pandémie, a d’ailleurs étendu, momentanément, de douze à quatorze semaines, le délai d’accès à une IVG, mesure qu’il suffit de rendre pérenne, en s’appuyant notamment sur le Comité consultatif national d’éthique, qui a émis un avis favorable à l’allongement des délais en dehors de l’épidémie de covid-19, afin d’apporter une réponse aux près de 5 000 femmes contraintes de se rendre à l’étranger pour avorter.

Il faut le redire, l’avortement ne se fait jamais de gaieté de cœur, et près de trois femmes sur quatre qui recourent à une IVG étaient sous contraception. Devoir aller à l’étranger pour avorter revêt un caractère encore plus dramatique. Je n’ai pas le temps de développer ce sujet, mais l’incapacité de la France à permettre à toutes ses citoyennes d’exercer ce droit fondamental nous renvoie à la situation antérieure à la loi Veil, quand le barrage des moyens financiers s’ajoutait aux angoisses individuelles. Ne pas voter l’allongement du délai aujourd’hui revient donc à reproduire des inégalités inacceptables.

De même, pour garantir ce droit à l’avortement, le Gouvernement doit revenir sur les reculs des dix dernières années. Entre la fermeture de 8 % des centres d’IVG, soit de près de 130 sites, celle des hôpitaux de proximité, la réduction des subventions du planning familial et l’absence de politique de prévention en matière de santé sexuelle, l’accès à l’avortement a été fragilisé en France.

Au moment où le droit à l’avortement est dénié dans de nombreux pays et remis en cause dans certains pays européens, comme en Pologne, mais tandis que des conquêtes importantes ont lieu à l’échelle mondiale, comme en Argentine, il est indispensable de soutenir le droit à l’avortement et de le rendre effectif partout et pour toutes les femmes, en France.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir les images du rassemblement de dimanche dernier, au Trocadéro, à Paris, organisé par des associations catholiques conservatrices, traditionalistes et antiavortement. Ces « pro-vie », heureusement ultraminoritaires, montrent que le combat n’est pas terminé pour défendre le droit à l’avortement. La motion déposée par la droite sénatoriale pour ne pas débattre de cette question entre, hélas, en écho avec ces anti-IVG. Nous voterons – faut-il le préciser ? – contre cette motion.

À l’inverse, que ce soit pour conquérir ce droit ou pour l’améliorer, il a fallu des mobilisations constantes des femmes et des mouvements féministes ; je pense notamment au courage des signataires du « manifeste des 343 », dans les années 1970, à l’engagement sans faille de Simone Veil ou encore à l’opiniâtreté de l’avocate Gisèle Halimi.

Rappelons-nous quelques dates essentielles : 1982, IVG remboursée par la sécurité sociale, assurant l’égalité entre toutes les femmes ; 2001, allongement, de dix à douze semaines de grossesse, du délai légal pour l’accès à l’IVG ; 2016, suppression du délai de réflexion par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et prise en charge à 100 % de l’ensemble des frais afférents à l’IVG ; 2017, extension du délit d’entrave à l’IVG, pour lutter contre les sites de désinformation antiavortement.

Parallèlement, il est urgent de développer l’éducation sexuelle à l’école, donc de débloquer des moyens pour l’information et l’éducation des élèves.

Mes chers collègues, le Sénat aurait pu s’enorgueillir de voter à l’unanimité cette proposition de loi pour permettre à toutes les femmes, quels que soient leur lieu d’habitation et leur condition sociale, de maîtriser leur fécondité. Nous sommes en 2021 : il est temps de cesser d’être frileux dès lors qu’il s’agit des droits des femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme Élisabeth Doineau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat que nous avons cet après-midi renvoie à des histoires singulières, souvent douloureuses, personnelles, parfois familiales, et il renvoie aussi à l’histoire des femmes et de l’évolution de leurs droits, donc à une histoire universelle.

La loi du 17 janvier 1975 portée par Simone Veil était initialement – souvenons-nous-en – une loi dépénalisant l’avortement avant la fin de la dixième semaine de grossesse. C’était aussi une loi de compromis, proclamant, à l’article 1er, le respect de la vie. La clause de conscience était l’un des deux éléments de ce compromis, l’autre étant la situation de détresse des patientes, supprimée en 2014.

Le délai légal de recours à l’avortement a été allongé, en 2001, à douze semaines de grossesse. Depuis 1975, notre société a évolué sur bien des aspects. Il n’en demeure pas moins que le droit à l’IVG est régulièrement remis en débat, soit pour en circonscrire la portée, soit pour en renforcer l’accès. Aussi, rappelons-nous les mots de Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis ; vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »

Dans cet esprit de mesure et de compromis irriguant la loi de 1975, si je suis, à titre personnel, favorable à l’allongement du délai légal d’avortement de douze à quatorze semaines de grossesse, proposé dans l’article 1er de la proposition de loi, je m’oppose à la suppression de la clause de conscience spécifique à l’IVG, prévue à l’article 2.

Par ailleurs, je voterai pour la motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi. La suite de mon propos visera à expliquer cette position.

En ce qui concerne l’article 1er, si le Conseil consultatif national d’éthique « considère qu’il n’y a pas d’objection éthique à allonger le délai d’accès à l’IVG de deux semaines », il estime également que cela ne doit pas être un palliatif pour d’éventuelles difficultés d’accès à l’IVG et à la contraception. Je partage en tout point cette analyse, qui a d’ailleurs été exposée par mes collègues.

L’OMS a défini, en 1977, le seuil de viabilité du fœtus à vingt semaines de grossesse et/ou à un poids du fœtus de 500 grammes. Aussi, en se fondant sur des critères médicaux et scientifiques, l’allongement du délai d’accès à l’IVG proposé par ce texte ne suscite pas de remise en cause profonde de l’équilibre trouvé en 1975.

Les IVG dites « tardives », pratiquées entre la dixième et la douzième semaine de grossesse, représentent seulement 5,3 % des actes pratiqués en France et moins de 2 000 femmes par an – d’autres chiffres ont été évoqués – se rendent à l’étranger pour pratiquer une IVG au-delà des douze semaines de grossesse. Ces situations ne sont pas acceptables, mais je doute que les dispositions de l’article 1er suffisent à les résoudre.

En parallèle, il convient de renforcer l’accompagnement des femmes dans leurs parcours de santé, de l’amont à l’aval. En effet, si l’IVG est un droit essentiel, cet acte n’est jamais anodin. Comme le disait, avec une certaine pudeur, Simone Veil à la tribune de l’Assemblée nationale, « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ».

Par ailleurs, il convient d’informer davantage, cela a été dit, les jeunes – mais pas seulement eux –, filles comme garçons, sur leur fertilité et sur les différents moyens de contraception disponibles, sans tabou. Les femmes ne peuvent être les seules à assumer la responsabilité de la contraception.

Un travail est probablement à mener auprès des professionnels de santé – médecins, infirmières scolaires et sages-femmes –, pour orienter les patients sur la contraception la plus adaptée à leur situation ; le préservatif et la pilule contraceptive ne sont pas les uniques méthodes de contraception.

Enfin, il est primordial d’arrêter l’érosion des moyens octroyés à l’orthogénie et du nombre de centres habilités à pratiquer l’IVG ; je ne reviens pas sur cette question, déjà largement abordée par nos collègues.

J’en viens désormais à l’article 2, qui vise à supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG et qui était l’un des éléments du compromis trouvé lors de l’adoption de la loi du 17 janvier 1975.

Si les arguments médicaux ou scientifiques ne s’opposent pas à l’allongement des délais d’accès à l’IVG, le débat moral sur l’avortement reste, néanmoins, prégnant en France. Aussi, à l’instar du CCNE, j’estime que la pratique d’une IVG ne peut être considérée comme un acte médical ordinaire. Par conséquent, il me semble nécessaire de maintenir cette clause de conscience spécifique pour les médecins et les sages-femmes.

Concernant le reste des articles de cette proposition de loi, je m’attarderai sur l’article 1er bis, qui vise à permettre aux sages-femmes de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale, jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse.

L’article 70 de la dernière loi de financement de la sécurité sociale lance une expérimentation de trois ans sur ce sujet. Adopter cet article démontrerait l’inconstance du Parlement. Donnons du temps à cette expérimentation pour que nous puissions décider en conscience.

Pour conclure, le droit des femmes à disposer de leurs corps est toujours l’endroit de nombreux débats. Le projet de loi de bioéthique examiné en février nous en donnera un autre aperçu.

À mon sens, il aurait été, par ailleurs, plus judicieux de discuter de l’allongement du délai d’accès à l’IVG dans ce cadre. On m’a rappelé que ce n’est pas seulement une question d’éthique. Je le sais, c’est aussi une question de santé publique et une question sociétale, mais je pense que nous aurions eu un débat intéressant dans le cadre de ce projet de loi ; cela aurait donné une légitimité plus forte sur un sujet de cette nature.

Enfin, bien que je sois personnellement favorable à l’article 1er, la remise en cause de la clause de conscience spécifique, la généralisation de la pratique de l’IVG par voie chirurgicale par les sages-femmes, alors même qu’une expérimentation commence, et l’absence de mesures relatives à la contraception m’invitent, tout comme la majorité des membres de mon groupe, à adopter la motion opposant la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Ravier.

M. Stéphane Ravier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, alors que notre pays a atteint, en 2019, le triste record de 232 200 avortements, soit une grossesse sur quatre, il nous est proposé de prolonger l’IVG à quatorze semaines.

Ces 232 200 IVG, soit 26 par heure, ce sont 232 200 femmes blessées dans leur chair et dans leur cœur. Car si l’avortement est un droit, il n’est jamais sans conséquence psychologique.

Le traumatisme est d’autant plus grand que, selon un sondage réalisé en 2010, quelque 47 % des femmes qui avortaient le faisaient principalement pour des raisons matérielles.

Dix ans plus tard, la situation économique de notre pays s’étant grandement dégradée, il est fort à craindre que ce chiffre ne soit en progression, d’autant que les mesures en faveur de la famille n’ont cessé d’être rabotées. L’angoisse de l’avenir conduit à la tristesse du présent et à une blessure qui ne se refermera probablement jamais.

Comment en est-on arrivé à ce que des dizaines de milliers de femmes considèrent la venue d’un enfant d’abord comme un poids matériel, avant tout bonheur naturel ?

Comment notre pays, qui se veut protecteur de tous les opprimés de la terre, a-t-il pu abandonner les femmes de France désireuses de maternité ?

En politique il n’y a pas de hasard. J’observe que la mise en place du regroupement familial des étrangers correspond au début de l’hiver démographique français. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.) À une salvatrice politique nataliste, vous avez préféré une suicidaire politique immigrationniste ! (Mêmes mouvements.)

Résultat, la natalité en France – je dis bien « en France », et pas encore « française » –, a atteint, en 2020, son niveau le plus bas depuis 1945 !

La famille, mes chers collègues, c’est la « petite patrie » où les parents transmettent aux enfants la glorieuse histoire, les merveilleuses traditions, le savoir-être sans pareil de la grande patrie française. Les enfants sont la preuve que les sacrifices d’hier n’ont pas été vains.

Nos compatriotes en sont intimement convaincus, puisque, selon l’étude réalisée par l’institut Kantar, 87 % des Français voudraient avoir plusieurs enfants. Vous avez beau vous acharner sur la famille, son désir naturel revient au galop.

Nous devrions tous, non seulement nous en féliciter, mais aussi et surtout accompagner et développer ce choix de grossesse en instaurant une audacieuse politique en faveur des familles françaises, car en France, mes chers collègues, c’est la famille française qu’il nous faut soutenir, et elle seule. (Protestations sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Une nation qui se dit éclairée et fraternelle doit permettre aux femmes françaises qui souhaitent devenir mères et, a fortiori, avoir plusieurs enfants d’être totalement rassurées sur leur avenir matériel.

Cela passe par des mesures incitatives : rehausser le quotient familial, défiscaliser la majoration des pensions de retraite des familles nombreuses, rétablir l’universalité des allocations familiales, maintenir leur indexation sur le coût de la vie, apporter une aide accrue aux personnes en situation de handicap, développer l’offre de crèches et garantir le retour à l’emploi des femmes.

Mes chers collègues, nous qui avons eu la chance de naître, d’avoir des frères, des sœurs, des enfants, plutôt que de renforcer le recours à l’IVG, sachons proposer aux femmes de notre pays un véritable choix et la chance d’accueillir la vie et déclarons de nouveau : « Familles françaises, je vous aime ! » (Marques dironie sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme Émilienne Poumirol. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Émilienne Poumirol. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais commencer mon propos par un simple rappel, qui me semble nécessaire : en France, trois femmes sur quatre ayant recours à l’IVG ont fait le choix d’un moyen de contraception.

L’IVG n’est donc en rien une méthode contraceptive et n’est jamais un choix de facilité. Chaque année, en France, environ 2 000 femmes sont encore concernées par le dépassement du délai légal de douze semaines de grossesse pour l’IVG.

Ces femmes se retrouvent alors sans solution et sont confrontées à un choix nécessairement insatisfaisant : demander une IMG avec les difficultés que cela représente, poursuivre leur grossesse contre leur volonté ou se rendre à l’étranger pour pouvoir avorter. Ce dernier choix est possible dans plusieurs pays, tels que l’Espagne, le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, où les délais sont plus longs.

Comment, aujourd’hui, peut-on nier la détresse de ces femmes et leur refuser ce droit fondamental ? Comment peut-on accepter que la protection de la santé de ces femmes revienne à nos voisins ? Il est de notre responsabilité de législateurs de garantir le droit fondamental à l’IVG, de protéger la santé et la dignité de nos concitoyennes.

On le sait, et nul ne saurait le nier, une grossesse non désirée menée à son terme peut avoir des conséquences dramatiques, tant pour la mère que pour l’enfant, mais aussi, je tiens à le rappeler, pour l’ensemble de la famille, y compris les pères.

Comme nous l’a rappelé le CCNE consulté par le ministre de la santé, l’allongement de deux semaines du délai ne pose pas de problème d’éthique et n’entraîne pas, non plus, de risques supplémentaires de complications médicales pour les femmes. Aussi, face à ces constats, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient cette initiative.

Il est également grand temps de supprimer la clause de conscience spécifique à l’IVG et, enfin, de considérer ce droit et cet acte médical comme faisant partie intégrante de la vie et de la santé des femmes.

Si, dès son adoption, les législateurs avaient inséré dans la loi Veil une clause de conscience permettant aux médecins et aux sages-femmes de disposer d’un droit de refus spécifique pour la réalisation d’une IVG, c’est bien parce qu’il s’agissait d’une loi de compromis.

Néanmoins, nous étions en 1975. Aujourd’hui, cette clause législative spécifique s’ajoute à la clause de conscience générale des professionnels de santé, qui revêt un caractère réglementaire, permettant à ces derniers de ne pas pratiquer tout acte médical.

Sans apporter de liberté supplémentaire, cette disposition apparaît, aujourd’hui, comme une volonté de conserver un statut à part pour l’acte de l’IVG. Cela induit l’idée que l’IVG n’est pas un droit comme les autres, stigmatise l’acte et perpétue une forme de culpabilisation des femmes qui y recourent. Cela, mes chers collègues, est inadmissible. Nous vous demandons donc de voter pour la suppression de cette clause spécifique de conscience.

Si l’allongement du délai de 15 jours permettra de mieux prendre en charge certaines femmes, il convient de rappeler que l’effectivité du droit à l’avortement repose avant tout sur la fluidité et l’efficacité du chemin pour y accéder. Aussi, l’obligation de réorientation par les professionnels de santé et de publication par les ARS de répertoires recensant les professionnels et les structures pratiquant l’IVG est primordiale pour permettre à chaque femme d’exercer son droit à l’IVG.

Cet ensemble de mesures portées par la présente proposition de loi représente donc une avancée importante dans la défense du droit à l’IVG et son effectivité. Néanmoins, ces mesures ne sauraient, à elles seules, suffire. J’insiste sur le fait qu’elles doivent être intégrées à une amélioration globale du parcours d’IVG et à une véritable politique de santé sexuelle et reproductive.

L’une des questions essentielles que nous devons nous poser est celle de l’accès égalitaire à l’IVG pour toutes les femmes. Il est intolérable que le recours de ce droit fondamental dépende, dans notre pays, de son lieu d’habitation ou de sa situation sociale. Ainsi, dès 2013, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a alerté sur les difficultés induites par la fermeture d’établissements pratiquant les IVG.

Entre 2007 et 2017, hors fusions d’établissements et 70 centres ont fermé en France ; en dix ans le nombre de centres pratiquant l’IVG a diminué de 7,7 %. Quelque 37 départements métropolitains compteraient ainsi moins de 5 professionnels de santé libéraux pratiquant les IVG médicamenteuses. Ce manque de structures et les disparités qui existent entre les territoires restreignent de fait la liberté des femmes à recourir à la méthode d’IVG de leur choix.

À ces inégalités territoriales s’ajoutent celles qui sont liées au niveau de vie des femmes.

Mme le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Émilienne Poumirol. En effet, à groupe d’âge et de situation conjugale donnée, les femmes dont le niveau de vie figure parmi les 10 % les moins élevés ont une probabilité de recourir à l’IVG supérieure de 40 % par rapport à celles dont le niveau de vie est classé parmi les revenus médians.

Je ne reviendrai pas sur les autres mesures qu’il faudrait mettre en place.

Mme le président. Il faut vraiment conclure !

Mme Émilienne Poumirol. En conclusion, je soutiens la proposition de Mme la rapporteure, pour mettre en place une politique étatique globale de santé sexuelle. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Pierre Charon. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Charon. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, toutes les femmes doivent pouvoir décider si elles souhaitent devenir mères ou non. La loi Veil était indispensable et elle a atteint ses objectifs.

Permettre un accès à l’avortement dans la période de crise sanitaire que nous traversons est un droit que nous devons préserver et garantir à chaque femme.

Toutefois, doit-on répondre à la crise sanitaire par un allongement des délais d’IVG ? Chaque année, des femmes seraient obligées de se rendre à l’étranger parce qu’elles dépasseraient le délai légal. Aucun rapport, aucune étude ou analyse fiable sur ces chiffres n’est disponible, mais ce phénomène existe tout de même.

L’allongement du délai légal est, avant tout, l’aveu d’un échec collectif d’une politique sanitaire conduite depuis de nombreuses années en matière d’avortement.

D’après les chiffres du ministère des solidarités et de la santé, le nombre d’IVG en France a atteint son niveau le plus haut depuis trente ans : en 2019, la France enregistre 232 000 IVG.

Ce constat est d’autant plus accablant si on le compare avec la situation des autres pays européens. Selon l’Institut européen de bioéthique, le taux de recours à l’avortement est de 15,6 pour 1 000 en France, 10 en Espagne, 11 au Danemark, 8 aux Pays-Bas, 5 en Italie et 4,4 en Allemagne. Pourtant, la loi de modernisation de notre système de santé de 2016 a fait évoluer l’offre de soins en matière d’IVG et tenté de réduire les inégalités d’accès.

Ne serait-il pas souhaitable, en fin de compte, de mieux informer les patientes sur les délais légaux, d’assurer davantage de prévention et, surtout, de donner vraiment aux femmes la liberté de choisir la méthode et les conditions ?

Il y a quelques mois, le Conseil national de l’ordre des sages-femmes, dans une contribution à l’accès à l’IVG en France, notait « L’accès à l’IVG dans les douze semaines doit être réellement effectif en devenant un véritable droit opposable. Cela permettra de réduire les IVG tardives et les dépassements du délai légal ». Ce serait une erreur de penser que toutes les questions éthiques ont été examinées par le passé. N’y a-t-il vraiment aucune différence entre une IVG réalisée à dix, douze ou quatorze semaines de grossesse ?

Oui, ces deux semaines sont fondamentales puisqu’il s’agit du passage de l’embryon au fœtus, comme l’a rappelé Florence Lassarade. L’IVG devient plus difficile d’un point de vue technique, mais aussi psychologique.

C’est pour cette raison que l’Académie de médecine s’est officiellement prononcée contre l’allongement des délais. L’IVG ne peut pas être considérée comme un soin comme un autre, et les praticiens doivent pouvoir conserver la double clause de conscience.

Le Conseil national de l’ordre des médecins lui-même est inquiet de voir cette évolution législative se traduire par un affaiblissement du principe même de clause de conscience. Ce dernier a contribué au juste équilibre établi par la loi Veil. Aucun gouvernement n’a souhaité revenir sur cet équilibre, même en 2016. Je souhaite que nous conservions cette double liberté aux professionnels de santé.

Avant de conclure, permettez-moi une digression. Un amendement a été adopté par l’Assemblée nationale en juillet dernier dans la loi bioéthique concernant l’interruption médicale de grossesse, l’IMG. À la différence de l’IVG, l’IMG est un avortement médical qui peut être effectué à tout moment, au-delà des douze semaines légales et dans des conditions strictes.

Cet amendement tend à introduire dans le texte la possibilité d’avorter lorsque la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, mais que ce péril résulte « d’une détresse psychosociale ».

Cet amendement a suscité, en juillet dernier, le trouble dans l’opinion. L’idée qu’un avortement puisse avoir lieu jusqu’à neuf mois sur ce fondement est insupportable, puisqu’il porte atteinte à la dignité et au respect de l’être humain, et je vous fais grâce des techniques qui devraient être employées pour procéder à cette IMG.

Cet amendement a d’ailleurs été adopté en dépit d’un avis défavorable du rapporteur qui s’interrogeait, en séance, comme le secrétaire d’État, M. Taquet, sur la difficulté de décrire la « détresse psychosociale » d’une femme. Je souhaite que nous puissions revenir sur cet amendement inutile, dangereux et, j’ose le dire, honteux.

Je crois que nous sommes en train d’assister, dans notre pays, à une dérive dans notre pratique des IVG. Il faut que nous trouvions, ensemble, les moyens de réduire le nombre d’IVG pratiquées en France, qui est l’un des plus élevés d’Europe.

Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Bernard Jomier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Bernard Jomier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de la discussion, qui est vouée à ne pas prospérer, je voudrais revenir sur certains arguments que j’ai entendus, dans notre hémicycle, à propos de cette proposition de loi.

Parmi les arguments qui s’opposent à cette proposition de loi que, pour ma part, je soutiens, il y a ceux qui sont relatifs à l’ontogénèse, c’est-à-dire au développement de l’organisme depuis l’œuf jusqu’à un corps mature.

Je le dis très fermement, ces arguments relatifs à l’ontogenèse ne sont pas recevables. D’ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique les a balayés, et même l’Académie de médecine ne les reprend pas à son compte dans son avis. Ces arguments sur l’ontogénèse ont toujours été brandis par les opposants à l’IVG, par ceux qui rejettent cet acte au fond, pour des raisons qui leur appartiennent et que l’on peut tout à fait respecter.

Néanmoins, nous ne sommes pas en train de mener un débat sur la légitimité de l’IVG. Nous sommes en train d’étudier une proposition de loi qui en modifie les conditions. Ces arguments-là ne sont donc pas recevables.

En ce qui concerne les arguments sur l’éthique, le CCNE a très clairement indiqué qu’aucune considération éthique ne s’opposait à l’allongement du délai. S’il y a des lectures différentes, c’est parce que les principes qui fondent notre éthique et notre bioéthique ont évolué avec le temps.

Certaines valeurs évoquées dans l’avis qui a été cité sont ancestrales, comme la non-malfaisance ou la bienfaisance. D’autres, comme le principe d’autonomie ou le principe d’égalité, sont plus récentes. Elles ont émergé plus récemment dans les travaux d’éthique et ont pris de l’importance, ce qui est, à mon sens, une bonne chose.

Quand on lit nos principes d’éthique en intégrant ces valeurs-là, comme le fait le CCNE, il n’y a pas, non plus, d’obstacle aux propositions que porte Laurence Rossignol.

Ensuite, l’allongement du délai résoudra-t-il le problème de ces femmes qui ne parviennent pas à accéder à l’IVG dans les délais actuels ? Probablement en partie seulement. Et je donne tout à fait acte de ce qui a été dit par Élisabeth Doineau, notamment, sur cette question. Ce n’est pas la solution, mais ce n’est pas ce que prétend être ce texte, puisqu’il comporte un ensemble de mesures.

Je regrette que, du fait de l’opposition à deux mesures particulières de cette proposition de loi, vous souhaitiez en arrêter le débat.

Je le dis très clairement, il y a ceux qui votent des droits formels et ceux qui s’attachent à travailler à l’application de droits réels. Et si l’on souhaite que le droit formel, que nous partageons très largement dans cet hémicycle, me semble-t-il, se transforme réellement en un droit pour toutes les femmes, il faut travailler sur les différentes pistes que présente cette proposition de loi.

Il faut travailler sur la question de l’institut de santé sexuelle et reproductive, car c’est l’ensemble de notre politique en la matière qu’il faut revoir. C’est sur tous ces points qu’il faut progresser.

C’est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à poursuivre le débat, dans cet hémicycle, sur l’ensemble de ces mesures. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
Question préalable (fin)

Mme le président. Je suis saisie, par Mme Imbert et les membres du groupe Les Républicains, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l’avortement (n° 23, 2020-2021).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 7, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme Corinne Imbert. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous venons d’entendre la discussion générale concernant la proposition de loi visant à renforcer le droit à l’avortement.

Comme l’ont rappelé mes collègues, cette proposition de loi issue de l’Assemblée nationale affiche plusieurs objectifs, parmi lesquels l’allongement du délai légal d’accès à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines, soit seize semaines d’aménorrhée, la suppression de la double clause de conscience spécifique à l’IVG, l’extension de la compétence des sages-femmes en matière d’IVG, en permettant à ces dernières de pratiquer les interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale jusqu’à la dixième semaine de grossesse, ou encore la suppression du délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable.

Cette proposition de loi souhaite répondre à des situations dont tout le monde reconnaît qu’elles sont limitées en nombre, puisque ce sont plus de 230 000 interruptions volontaires de grossesse qui ont été réalisées en France en 2019, représentant environ une grossesse sur quatre, alors que, selon le CCNE, 1 500 à 2 000 femmes auraient été contraintes de partir à l’étranger pour avorter.

Toutefois, ce sont donc aussi 95 % de femmes qui ont recours à I’IVG en France avant la dixième semaine de grossesse. Ne croyez pas, mes chers collègues, que l’adoption de cette proposition de loi lèverait les difficultés que peuvent rencontrer certaines femmes et que vous avez été nombreux à évoquer à cette tribune.

Parmi les points de vigilance, force est de constater que le nombre d’établissements de santé pratiquant l’IVG s’est réduit depuis vingt ans. La question des moyens reste entière, car elle conduirait, si ces derniers sont insuffisants, à des délais trop longs de prise en charge.

Le nombre important d’IVG dans notre pays est la preuve que c’est un droit fondamental pour beaucoup de femmes, mais il doit aussi nous interroger sur le déficit d’information – notamment en milieu scolaire, mais pas seulement – puisque la majorité des femmes qui ont recours à l’IVG ont entre 19 ans et 29 ans.

De manière à lever toute ambiguïté concernant les intentions de cette motion tendant à opposer la question préalable que je présente au nom du groupe Les Républicains, je tiens à rappeler et à réaffirmer que cette proposition de loi n’a pas vocation à opposer les pro et les antiavortement. Je salue, à cet égard, le débat apaisé que nous avons eu en commission.

La position que nous défendons sur ce texte, en proposant cette motion, ne doit en aucun cas être perçue ou interprétée comme une remise en cause de la loi Veil. Nous sommes très attachés à cette loi dont nous avons célébré, le 17 janvier dernier, le quarante-sixième anniversaire de la promulgation. Aussi, je m’attarderai uniquement sur ce texte, sur ce qu’il contient et sur ce qu’il modifie par rapport au droit existant.

L’article 1er de cette proposition de loi prévoit l’allongement des délais légaux d’accès à l’interruption volontaire de grossesse de douze à quatorze semaines, soit seize semaines d’aménorrhée. Cet allongement n’est pas sans poser de nombreuses questions du point de vue médical, ainsi que du point de vue éthique.

Tout avortement présente, par essence, des risques pour la femme. Allonger le délai d’interruption de grossesse augmente les risques de complications chez la femme, ainsi que pour les éventuelles futures grossesses.

Sur le plan médical, une proportion importante de gynécologues obstétriciens s’est prononcée défavorablement à l’allongement du délai de recours à l’avortement, craignant « des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes ».

L’Académie de médecine affirme également que cet allongement entraînera inéluctablement une augmentation significative de complications à court ou à long terme. L’allongement du délai à seize semaines d’aménorrhée ne répond à aucune demande d’une majorité des femmes, qui espèrent, au contraire, une prise en charge plus rapide.

L’argument régulièrement mis en avant pour justifier cet allongement du délai légal de l’IVG est que, face aux difficultés rencontrées par les femmes sur le territoire français, il s’agirait d’un début de réponse. Prétendre régler un problème d’accès aux soins en allongeant le délai légal de l’IVG me semble être une erreur d’appréciation !

Au contraire, il est fondamental de se concentrer sur l’essence même de ce problème et de proposer des solutions qui permettront de le régler sur le temps long, à savoir renforcer l’offre de soins sur nos territoires.

Je tiens aussi à rappeler que les femmes ayant recours à l’IVG après la douzième semaine de grossesse ne le font pas uniquement par manque d’accès aux soins. La prévention me paraît, plus que jamais, nécessaire en matière de contraception.

Aussi, il est fondamental que les différents acteurs de terrain renforcent la prévention en sensibilisant de manière accrue les jeunes dans le cadre scolaire, mais également avec les professionnels de santé ou dans le cadre d’associations dédiées, afin de toucher un public plus large de filles et de garçons.

Une meilleure prévention, une meilleure information et des moyens pour offrir une réponse de quelques jours à la femme qui souhaite avorter, parce que l’IVG est une urgence, tels sont les enjeux qui sont devant nous. Le droit à l’IVG est un acquis fondamental pour les femmes. À nous de répondre à ces enjeux, pour qu’il puisse s’exercer pour toutes les femmes, plutôt que d’allonger un délai.

La deuxième mesure importante de ce texte vise à supprimer la double clause de conscience spécifique à l’IVG. Comme cela a été rappelé dans les interventions précédentes, cette clause fait partie du texte originel défendu par Simone Veil, permet à tout médecin de refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse pour des raisons morales et vient s’ajouter à la clause de conscience générale dont dispose le corps médical.

D’une part, le Comité consultatif national d’éthique, dans son opinion du 11 décembre dernier en réponse à une saisine du ministre des solidarités et de la santé, rappelle que « la pratique d’une IVG ne peut être considérée comme un acte médical ordinaire » et que la clause de conscience spécifique prévue par l’article L. 2212-8 du code de la santé publique « en souligne la singularité ». Le CCNE est donc est donc « favorable au maintien de la clause de conscience spécifique ».

D’autre part, il est probable que le rallongement de deux semaines conduirait un certain nombre de praticiens à refuser de pratiquer une interruption volontaire de grossesse.

À ceux qui avanceront que cette clause était une clause de compromis permettant à Simone Veil de faire voter sa loi, acceptons que, en 2021, elle reste un compromis, car, une fois encore, l’IVG n’est pas un acte médical ordinaire, encore moins à seize semaines d’aménorrhée.

L’article 1er bis de la présente proposition de loi étend la compétence des sages-femmes en matière d’interruption volontaire de grossesse en leur permettant également de pratiquer des IVG par voie chirurgicale jusqu’à la dixième semaine grossesse.

Je tiens simplement à rappeler que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a acté la mise en place d’une expérimentation pour une durée de trois ans visant à permettre aux sages-femmes de pratiquer des IVG instrumentales en établissements de santé, sans limite de délais, moyennant une formation complémentaire obligatoire.

Même si je n’ignore pas que la proposition de loi a été votée avant l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale, en raison de l’importance d’une telle décision, cette phase d’expérimentation nous paraît plus sage et plus adaptée.

Enfin, ce texte entend supprimer le délai de réflexion de deux jours pour confirmer une demande d’IVG en cas d’entretien psychosocial préalable. Encore une fois, l’avortement n’est pas une décision facile. Cette décision marque les femmes qui y ont recours. S’il est un droit fondamental pour toutes les femmes de notre pays, il est nécessaire de conserver ce délai.

Dans son discours à l’Assemblée nationale, Simone Veil affirmait : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. Il suffit d’écouter les femmes. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. » Quelque quarante-six ans plus tard, ces propos font toujours écho. Écouter les femmes, leur faire confiance et mieux les accompagner est un défi qui nous concerne tous. C’est un défi plus ambitieux, me semble-t-il, que d’allonger de deux semaines le délai légal d’accès à l’IVG.

Par le vote de cette motion tendant à opposer la question préalable, le groupe Les Républicains entend ainsi rappeler son attachement au droit existant. Ce point d’équilibre, fruit de la concertation et du débat, doit être protégé afin de ne pas dénaturer ce qui fait l’essence même du droit à l’avortement : « l’exception, l’ultime recours pour des situations sans issue ».

Mes chers collègues, parce que des améliorations peuvent être apportées à la question de la prise en charge des femmes souhaitant une IVG dans notre pays par le simple respect de la loi en vigueur, le groupe Les Républicains vous propose donc d’adopter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Michelle Meunier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes toutes et tous attachés à la défense du droit à l’avortement – Mme Corinne Imbert vient de le redire, on ne peut en douter. Chacun ici l’a répété au cours de la discussion générale, d’une manière ou d’une autre. Il s’agit d’une avancée fondamentale de la société française de ces cinquante dernières années. Et dois-je redire que 75 % des Français sont favorables à l’IVG ?

Nous sommes, sur ces travées, très majoritairement attachés à ce que ce droit puisse être effectif pour chaque femme et chaque jeune fille. Pour leur permettre d’exercer ce choix, le plus intime, nous devons sans cesse porter un regard neuf et lucide sur la pratique de l’IVG, sur les conditions dans lesquelles les femmes sont reçues en consultation et sous quels délais ; nous devons savoir quelles réponses leur sont apportées et à quels obstacles elles se heurtent encore.

Notre collègue Corinne Imbert a rappelé les statistiques qui font état d’une situation globalement acceptable quant à l’efficacité de ce droit. Néanmoins, en tant que parlementaires, nous ne pouvons nous satisfaire des moyennes que vous nous présentez, ma chère collègue. En effet, ce ne sont que des moyennes, qui masquent des inégalités criantes dans l’accès à l’IVG.

Sur le terrain, les réalités sont bien différentes. Un praticien de mon département m’a fait part des difficultés rencontrées : le délai entre la prise de rendez-vous avec un ou une gynécologue et le rendez-vous proprement dit est de trois à cinq jours à Nantes, mais il atteint quatre semaines à Paris. C’est inacceptable !

Mme Imbert nous a présenté un deuxième argument sur lequel le groupe Les Républicains s’appuie pour justifier cette motion ; il porte sur les sages-femmes et leur exercice professionnel.

Vous avez rappelé à juste titre, ma chère collègue, que l’expérimentation en question a été adoptée au sein de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Eh bien, permettons justement à ces professionnelles formées et volontaires d’offrir aux femmes un véritable choix tout en réduisant les inégalités d’accès à l’IVG !

Mme Imbert a également déclaré ce matin, devant la commission des affaires sociales, et à l’instant encore, qu’elle ne voulait pas avoir de vision manichéenne sur ce sujet. Il est vrai que cette proposition de loi ne nous invite pas à prendre position pour ou contre l’avortement. Mais c’est bien pour cette raison que nous devons avoir pour objectif de donner consistance à ce droit existant, hérité des combats de nos mères et de nos sœurs, ainsi que des engagements politiques de nos aînés ; nous avons été plusieurs à citer Simone Veil et Gisèle Halimi.

Cette proposition de loi renforce les droits liés à l’IVG. Nous atteindrons cet objectif en acceptant le débat, et non en fuyant la réalité, comme vous voulez le faire en ce moment, mes chers collègues, courant en vain derrière la frange la plus conservatrice, pour ne pas dire réactionnaire, de votre électorat.

Le sens de cette proposition de loi est de débattre des conditions actuelles de l’exercice du droit à l’IVG et de convenir d’améliorations et d’aménagements. Aussi, mes chers collègues, débattons, discutons ! C’est bien l’un de nos droits fondamentaux ; c’est même notre devoir, notre rôle de parlementaire dans cet hémicycle.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera contre cette motion tendant à opposer la question préalable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis favorable sur cette motion.

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. Je veux tout d’abord faire une remarque. On cite souvent cette phrase de Simone Veil : « L’avortement est un drame. » Je voudrais rappeler que le premier drame, avant l’avortement, c’est pour une femme celui d’être enceinte quand elle ne veut pas ou ne peut pas élever un enfant.

C’est le drame séculaire de la condition des femmes : la peur de la grossesse, que les relations sexuelles soient consenties ou non. Or il nous faut mesurer combien il arrive qu’elles ne le soient pas. Avec le viol, avec les relations sexuelles imposées, la peur de la grossesse est toujours présente ; le premier drame est là.

Moi aussi, j’aurais préféré que le débat se tienne. Pour tout vous dire, je me suis replongé dans les débats que nous avons eus en 2001, quand le délai a été allongé de dix à douze semaines.

Or les mêmes arguments, mot pour mot, sont employés aujourd’hui, à vingt ans d’écart. On entend les mêmes menaces d’eugénisme, de difficultés médicales, d’avortements retardés par les femmes. Rien de tout cela n’est produit entre la dixième et la douzième semaine ; cela ne se produira pas davantage entre la douzième et la quatorzième !

Moi aussi, j’aurais bien aimé que l’on débatte de ce texte, mais je vous avouerai que le plus important, à mes yeux, c’est que la navette parlementaire se fasse, que ce texte reparte à l’Assemblée nationale et qu’il aboutisse.

J’ai entendu tout à l’heure avec intérêt M. le secrétaire d’État affirmer qu’il faut que la navette se poursuive. Je ne sais pas si c’est un avis du Gouvernement ; au moins, c’est une piste. J’imagine, monsieur le secrétaire d’État, que si vous voulez que la navette se poursuive, ce n’est pas pour que le texte s’enlise, mais bien pour qu’il aboutisse.

Nous allons donc attendre qu’un groupe de l’Assemblée nationale veuille bien demander l’inscription de cette proposition de loi à l’ordre du jour. J’espère que le Gouvernement convoquera ensuite une commission mixte paritaire, pour permettre que les propositions contenues dans ce texte constituent un droit nouveau, effectif et garanti pour les femmes.

Enfin, je me tiens, comme tout le Sénat manifestement, à la disposition du Gouvernement, pour discuter de la manière dont on peut, au mieux, mettre en place une réelle politique sanitaire de soutien à la santé sexuelle et reproductive. Contraception, avortement et fertilité : ces trois sujets, mes chers collègues, peuvent être abordés au sein de ce qui est, pour le moment, un angle mort de la politique sanitaire. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat. Plusieurs orateurs ayant évoqué la question de l’éducation à la sexualité, je me permets de leur faire savoir que Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, et moi-même avons missionné les inspections compétentes afin d’établir un état des lieux en la matière. Cela doit se faire dans le cadre d’une réflexion plus globale, qui est d’actualité, sur la sensibilisation des enfants aux violences, en particulier sexuelles.

Quant à cette motion, comme je l’ai annoncé dans la discussion générale, le Gouvernement regrette que, si elle est adoptée, le débat ne puisse se poursuivre. Je laisserai néanmoins aux parlementaires le choix de décider, dans leur sagesse, ce qu’il doit en être.

Mme le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.

Mme Nadège Havet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion générale a eu lieu. Si la motion tendant à opposer la question préalable est adoptée, ce sera la fin du débat.

Qu’est-ce que la question préalable ? Je suis une parlementaire nouvellement élue ; j’ai donc examiné avec attention notre règlement.

C’est la procédure par laquelle une assemblée décide qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion sur un texte soumis à son examen du fait d’un motif d’opposition qui rendrait inutile toute délibération au fond. C’est entendu. Je lis donc le texte qui nous est soumis, m’attendant à y trouver des sujets superfétatoires, qui empêcheraient une discussion utile. Or que ce soit l’allongement des délais d’accès à l’IVG, la clause de conscience spécifique, la sanction du pharmacien refusant de prescrire un contraceptif d’urgence, ou encore le tiers payant pour les actes en lien avec la pratique d’une IVG, tous ces sujets méritent bien discussion !

La pluralité des points de vue est certaine, mais, pour entendre ces arguments, encore faut-il laisser place au débat. À l’Assemblée nationale, celui-ci a été pour le moins animé ; il a dépassé les clivages traditionnels. L’initiative de cette proposition de loi est d’ailleurs, me semble-t-il, transpartisane.

J’entends sans cesse dire que le Gouvernement ne respecte pas le Parlement et légifère trop par ordonnances. Je ne reviendrai pas ici sur les mesures prises par d’autres gouvernements européens, de gauche comme de droite, par exemple pour proroger des états d’urgence, qui vont plus loin que la France ; ce n’est pas le sujet. Mais quand a lieu une navette parlementaire classique, si je puis dire, on ne discute pas des mesures proposées !

Il me faut donc poser la question suivante : le Parlement se respecte-t-il toujours lui-même ? Chaque année, entre 1 000 et 4 000 femmes qui sont hors délai partiraient avorter à l’étranger. Et nous n’en parlerions pas ! Ce n’est pas sérieux. De telles motions avaient été déposées lors de la nouvelle lecture du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021. Il est dommage de voir que notre assemblée se limite de plus en plus.

Aujourd’hui, dès la première lecture, on rejette de la sorte ! Cette motion est une attaque contre le bicamérisme. Elle a pour conséquence que seule l’Assemblée nationale pourra donner son avis sur un choix qui concerne la moitié des Français.

Notre groupe votera contre cette motion, parce que nous défendons le bicamérisme…

M. Philippe Mouiller. Ça, c’est nouveau ! Dites-le au Président de la République !

Mme Nadège Havet. … et croyons dans le rôle du débat.

Surtout, bien que des avis divers s’expriment au sein de notre groupe sur le fond de ce texte, nous sommes certains que ces sujets méritent toute notre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

Mme le président. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Mme Raymonde Poncet Monge. Le groupe Écologiste – Solidarités et Territoires regrette le dépôt de cette motion par la majorité sénatoriale.

Alors que la commission des affaires sociales a pu débattre de la pertinence, ou non, de cette proposition de loi quant à l’accès effectif au droit fondamental à l’IVG, article par article, le débat n’aura donc pas lieu en séance publique du Sénat.

La défense de cette question préalable serait que la présente proposition de loi ne répond pas aux questions, pourtant légitimes, qui ont déjà fait l’objet de débats. Je ne reviendrai pas sur divers exemples de questions qui cheminent tant dans la société que dans notre travail parlementaire et qui trouvent un jour une réponse législative différant des conclusions de débats antérieurs. Nous sommes nombreux à souhaiter aujourd’hui une telle évolution pour l’allocation aux adultes handicapés, par exemple.

Cela aurait pu être le cas de l’article supprimant la double clause de confiance. Peut-on en effet affirmer que cette spécificité, qui résulte d’un compromis vieux de quarante-six ans, ne méritait pas d’être réinterrogée en 2021 ?

Je constate d’ailleurs que, dans leur défense de cette motion, ceux-là mêmes qui l’ont déposée s’emploient à réfuter la présente proposition de loi article par article. Vous auriez pu le faire dans un débat normal, mes chers collègues ! Tout comme ma collègue Nadège Havet, je n’ai toujours pas compris – nous sommes certes toutes deux nouvelles ici –, ce qui justifiait le recours à cette procédure, qui me semble très abusif.

Vous développez vos arguments article par article, mes chers collègues, comme vous auriez pu le faire dans un débat à part entière. Vous avez eu dix minutes pour le faire, quand nous n’avons que deux minutes et demie pour faire la même chose !

Le débat n’aura donc pas lieu. Nous le regrettons. C’est d’ailleurs une position assez constante de notre groupe sur les questions préalables, sauf exceptions très rares et justifiées. Une telle motion est ici hors sujet.

Nous remercions Laurence Rossignol d’avoir fait inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour, ce qui permettra effectivement que la navette se poursuive à l’Assemblée nationale et, disons-le explicitement, qu’elle aboutisse à l’adoption définitive de ce texte. Le Sénat s’est lui-même privé de la possibilité d’y jouer son rôle.

Notre groupe votera donc évidemment contre cette motion.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. La législation relative à l’IVG a connu de nombreuses étapes depuis 1975, de manière à faciliter l’accès à cet acte : le remboursement de la procédure en 1982, l’allongement du délai à douze semaines en 2001, enfin l’extension du délit d’entrave à l’IVG en 2017.

Pour leur part, les auteurs de la présente proposition de loi entendent surtout remédier aux difficultés d’accès à l’IVG. Ils relèvent le délai de sept jours imposé après la demande et les difficultés que rencontrent les femmes pour trouver des informations et des interlocuteurs compétents, ou pour savoir quels praticiens acceptent de pratiquer cet acte. Nombre d’appels au planning familial visent à obtenir le respect de la loi. Vous énumérez, mes chers collègues, les carences qui existent dans la prise en charge de l’IVG.

Entre douze et quatorze semaines, le fœtus passe de 70 à 130 millimètres ; il commence à se former. L’IVG s’en trouve compliquée, par la dilatation du col et l’éventualité de complications hémorragiques, certes peu fréquentes, mais tout de même plus importantes que plus tôt dans la grossesse. Du fait de ces questions, nombre de praticiens refuseront de réaliser cet acte à quatorze semaines, pour des raisons éthiques ou médicales. Cela sera encore plus compliqué pour nous, pour les femmes.

Ce qu’il faut, c’est de la prévention et davantage d’informations dans la population, en particulier les collèges et les lycées, pour améliorer l’accès à la contraception. L’IVG est un échec de la contraception ! On a connu une augmentation du nombre d’IVG en 2019 ; cela a été rappelé.

Il faut aussi une prise en charge améliorée des femmes qui ont recours à l’IVG : meilleur accueil, renforcement de l’offre de soins, accompagnement et orientation plus efficaces, enfin possibilité pour les sages-femmes de pratiquer cet acte, comme la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 le permet à titre expérimental. Il faut également conserver la clause de conscience et améliorer la politique familiale, au vu de la chute de la natalité.

Comme Colette Mélot l’a expliqué, nous sommes favorables à l’IVG jusqu’à douze semaines, mais défavorables à l’extension de ce délai à quatorze semaines. Pour autant, nous voudrions pouvoir en débattre ; nous voterons donc contre cette motion.

Mme le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.

M. Alain Milon. Quand on débat de l’allongement du délai d’IVG de douze à quatorze semaines, il est de fait question de le faire passer de quatorze à seize semaines d’aménorrhée. Je voudrais à ce propos répondre à mon ami Bernard Jomier que la différence est assez sensible, à l’échographie, entre ces deux délais. Ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, mais nous pourrions en discuter dans un autre contexte si vous le souhaitez, mon cher collègue.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire à Mme Rossignol, cette proposition de loi n’est pas, selon moi, de nature à apporter une réponse satisfaisante aux problèmes réels que rencontrent les femmes dans leurs démarches.

En particulier, elle ne supprimerait pas les disparités importantes dans l’offre de soins selon les territoires. Elle n’améliorerait en rien l’accès au premier rendez-vous et sa rapidité – les délais d’attente resteraient importants dans les territoires où l’offre orthogénique est insuffisante. Elle ne corrigerait pas l’insuffisance d’informations des femmes, qui est à l’origine de délais et d’une errance inacceptable lorsque la clause de conscience est invoquée sans être associée à l’orientation et à l’accompagnement indispensables et requis. Elle n’offrirait pas une meilleure information aux femmes pour leur choix éclairé entre IVG médicamenteuse et IVG instrumentale. Elle n’apporterait pas les moyens nécessaires au développement et à la facilitation des IVG médicamenteuses ambulatoires précoces dans les centres de santé ou de planning familial, tout en veillant à leur proximité. Enfin, elle ne résoudrait pas les difficultés des femmes – plus de la moitié d’entre elles – qui se rendent à l’étranger pour effectuer une IVG.

Avant de changer la loi, il convient toujours de s’assurer que tout a été fait pour l’appliquer. Or ce n’est pas le cas en l’espèce.

Modifier la loi conduit à ignorer ou à masquer les carences en ressources humaines, ainsi que les défaillances organisationnelles et fonctionnelles dans de nombreux territoires. On ne peut, dans ces conditions, exclure que modifier la loi, comme il est proposé dans ce texte, sans s’attaquer aux racines du problème, qui sont responsables de sa non-application, puisse avoir un effet contre-productif – je rejoins sur ce point Daniel Chasseing –, en raison des réticences exprimées par certains praticiens impliqués en orthogénie.

C’est pourquoi je voterai en faveur de cette motion.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Je trouve paradoxal que nos collègues de la majorité sénatoriale énumèrent les raisons pour lesquelles cette proposition de loi ne réglerait pas tous les problèmes et les carences de la médecine et de notre système de santé.

Ce qu’Alain Milon vient d’énumérer est justement ce que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste dénonce : la casse, depuis des années, de notre système de santé publique, dans tous les secteurs et dans tous les domaines ! On le vit d’ailleurs cruellement pendant cette pandémie.

Aussi, chiche, mes chers collègues : cela veut dire qu’il y aura une majorité dans cet hémicycle pour adopter enfin un objectif national des dépenses d’assurance maladie à la hauteur des enjeux, pour satisfaire les revendications des professionnels et améliorer l’offre de soins sur tout le territoire !

Voilà ce qui est posé aujourd’hui. Pourquoi être si exigeant pour l’acte de l’avortement, à l’occasion de cette proposition de loi allongeant le délai de douze à quatorze semaines et montrer moins d’exigence sur les autres textes que vous votez ? Voilà le paradoxe que nous dénonçons !

Oui, il existe un problème à l’échelle de notre système de santé ; oui, il faut plus de moyens ; oui, il faut cesser de fermer des services et des centres d’interruption volontaire de grossesse ; oui, il faut respecter les professionnels de santé ! Cela implique de reconnaître leur savoir-faire, au travers de la rémunération, mais aussi de reconnaître les compétences des sages-femmes dans les faits. Toutefois, il ne faut pas se contenter de le dire, mais leur octroyer réellement le droit de pratiquer les interruptions volontaires de grossesse par voie instrumentale.

J’entends bien que l’allongement du délai de douze à quatorze semaines pose à certains un problème éthique, voire médical.

Cela dit, il y a une chose que je ne comprends pas : comment se fait-il que, dans d’autres pays, en Europe même, ce délai dépasse douze semaines et atteigne même, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, vingt-quatre semaines, sans que cela mette en danger les femmes ? Pour ma part, j’estime qu’il aurait été important que le Sénat adopte cette proposition de loi, qui constitue un pas en avant pour conforter un droit fondamental des femmes, celui de maîtriser leur fécondité. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 53 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l’adoption 201
Contre 142

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi est rejetée.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. C’est un scandale !

Mme le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures cinquante.)

Mme le président. La séance est reprise.

Question préalable (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement
 

5

 
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Discussion générale (suite)

Droits nouveaux dès dix-huit ans

Discussion d’une proposition de loi

Mme le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans, présentée par M. Rémi Cardon, Mme Monique Lubin, M. Rémi Féraud, Mme Sylvie Robert, M. Patrick Kanner et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 182, résultat des travaux de la commission n° 268, rapport n° 267).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise que nous affrontons depuis plusieurs mois affecte encore plus durement les jeunes de notre pays. La situation matérielle, financière, mais aussi psychologique et morale de notre jeunesse s’est fortement dégradée.

Aujourd’hui, 29 % des jeunes âgés de 18 à 25 ans sont en dépression. Le sujet est devenu d’autant plus préoccupant que plusieurs drames sont survenus ces derniers jours : un étudiant s’est défenestré depuis sa chambre à Villeurbanne ; les tentatives de suicide se multiplient. Si les jeunes sont plutôt épargnés par les formes graves de la covid-19, les effets des confinements successifs et de l’incertitude ambiante sur leur santé mentale sont très inquiétants.

Malheureusement, l’accompagnement reste très faible en France, où l’on compte seulement un psychologue pour 30 000 étudiants.

La situation matérielle et financière est souvent l’une des causes de la grave perte de repères des jeunes, qui sont en première ligne de la crise. Ils sont souvent la première variable d’ajustements des employeurs. Occupant les postes les plus précaires, ils sont les premiers à perdre leur emploi. Leur tranche d’âge est aujourd’hui la plus durement touchée par la hausse du chômage. Les jeunes arrivés en septembre dernier sur un marché de l’emploi saturé et dégradé sont venus grossir les rangs des jeunes chômeurs. Ils ne disposent d’aucun filet de sécurité et sont exclus des mécanismes de solidarité nationale.

J’ai récemment visité plusieurs épiceries sociales solidaires, qui se disent débordées par l’afflux de jeunes, tout comme les banques alimentaires, avec lesquelles je discute régulièrement et qui constatent un rajeunissement de leurs bénéficiaires. Louis Gallois a indiqué sur France Inter que 25 % des personnes prises en charge dans les centres d’hébergement avaient moins de 25 ans. Tous ces chiffres nous interpellent, mes chers collègues.

Des efforts ont été réalisés dernièrement à l’échelon national pour pallier les difficultés des jeunes : revalorisation des bourses, mise en place de repas à un euro. Ces aides constituent des réponses, tout comme peuvent l’être pour certains jeunes l’apprentissage, les aides d’urgence ou les modestes annonces du plan « 1 jeune, 1 solution », mais elles restent partielles ou très ponctuelles, monsieur le secrétaire d’État.

Or la précarité des jeunes est structurelle. Le mal est profond, plus ancien. Le taux de chômage des actifs de moins de 25 ans atteint 30 %. En France, un jeune de moins de 25 ans sur cinq, soit 1,5 million de jeunes, vit au-dessous du seuil de pauvreté.

Dans son dernier rapport sur la pauvreté, l’Observatoire des inégalités constate que plus de la moitié des 5 millions de pauvres que compte la France ont moins de 30 ans. Cette tranche d’âge est également celle dont le taux de pauvreté a le plus progressé ces dernières années, de près de 50 % depuis 2002.

C’est pourquoi nous pensons qu’il faut ouvrir le bénéfice du revenu de solidarité active, le RSA, à tous les jeunes de moins de 25 ans. Tel est l’objectif, simple et efficace, de la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans. Élaborée avec le concours des organisations de jeunesse, que je remercie du travail effectué ces derniers mois, cette première brique d’une démarche d’ensemble à destination de la jeunesse doit permettre d’apporter une réponse rapide dans un contexte urgent.

L’accès au RSA, comme autrefois celui au revenu minimum d’insertion, le RMI, est soumis à une condition d’âge, le bénéficiaire devant avoir plus de 25 ans. Il est toutefois possible de bénéficier de cette allocation avant cet âge dans deux situations : si le bénéficiaire est parent et, depuis le 1er septembre 2010, s’il a travaillé deux ans au cours des trois dernières années – c’est le RSA jeunes actifs –, ce qui paraît compliqué lorsque l’on a entre 18 et 25 ans. Au final, 1 500 jeunes bénéficient de ce dernier dispositif en France…

La garantie jeunes, qui semble être la réponse envisagée par le Gouvernement, est un bon dispositif, qui a été mis en œuvre par les socialistes au cours du précédent quinquennat,…

M. Patrick Kanner. Par un excellent ministre ! (Sourires.)

M. Rémi Cardon. Par un excellent ministre ici présent ! (Nouveaux sourires.)

Ce dispositif est toutefois parfois lourd et difficile à mettre en place rapidement. Or un travail qualitatif est nécessaire pour les jeunes.

D’abord expérimentée dans quelques territoires avant sa généralisation le 1er janvier 2017 à l’ensemble de la France, la garantie jeunes s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, et qui se trouvent en situation de précarité.

Octroyée pour une durée d’un an, la garantie jeunes associe un accompagnement vers l’emploi et la formation et le versement d’une allocation. À la fin de 2017, quelque 75 000 jeunes en bénéficiaient. L’objectif des 100 000 bénéficiaires n’a pas été atteint à la fin de 2020. Je ne pense pas que la garantie jeunes – qualifiée d’« universelle », alors que le Gouvernement veut juste doubler le nombre de bénéficiaires… – récemment évoquée par Mme Borne permette de répondre à l’urgence.

Les directeurs des missions locales se demandent comment ils vont recruter les chargés de mission, sachant qu’il faut un encadrant pour cinquante jeunes. Comment pourront-ils faire face rapidement à l’urgence sociale chez les 18-25 ans en n’ayant pas pour l’instant de feuille de route concernant le recrutement et la formation de ces chargés de mission ?

En outre, les missions locales ne sont malheureusement pas présentes sur tout le territoire. Il faudra donc de nombreux mois, voire plusieurs années, pour toucher les jeunes.

Priver la très grande majorité des jeunes de l’accès à notre dispositif universel de lutte contre la pauvreté ne me semble plus acceptable. La condition d’âge apparaît bien singulière au regard de la situation de nos voisins européens. Surtout, elle empêche de lutter efficacement contre la pauvreté des jeunes, dont la hausse est malheureusement frappante. L’accès des jeunes aux minima sociaux doit donc être assuré.

Les effets structurels d’une telle réforme doivent être bien anticipés – or l’anticipation n’est pas le fort du Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe SER.) –, notamment sur notre système sociofiscal et sur notre budget. Il conviendra également de proposer un accompagnement plus important à ceux qui démarrent dans la vie active.

Dans son rapport, le député Christophe Sirugue avait chiffré le coût de différentes mesures.

Le montant mensuel du RSA s’élève actuellement à 564,78 euros. S’il était généralisé, ce revenu concernerait environ 700 000 jeunes âgés de 18 à 25 ans. L’objectif est de leur garantir à tous, en prenant en compte le foyer fiscal à un maximum, un niveau de ressources équivalent au RSA, en mettant en œuvre un droit différentiel qui prenne en compte les ressources existantes. Le coût de cette mesure est estimé entre 4,5 milliards et 5 milliards d’euros par an.

De nombreuses sources de financement sont possibles : le plan de relance, en mettant l’accent sur la demande, qui est la grande oubliée de ce plan ; des taxes additionnelles, notamment sur le tabac ; le rétablissement de l’impôt sur la fortune, l’ISF ; le relèvement du prélèvement forfaitaire unique, autrement dit la flat tax. Toutes ces sources de financement sont facilement activables.

L’accompagnement des jeunes pourrait immédiatement s’appuyer sur les structures existantes pour le RSA – le département, les caisses d’allocations familiales – ou sur d’autres : les missions locales, comme pour la garantie jeunes, le réseau des points info jeunes (PIJ) et des centres régionaux information jeunesse (CRIJ), les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous), les centres communaux d’action sociale (CCAS), les centres sociaux et les associations d’éducation populaire.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans doit constituer la première brique d’une démarche d’ensemble pour la jeunesse. C’est une première réponse, forte et rapide, en lien avec les acteurs associatifs et les opérateurs de la solidarité.

Les expérimentations autour du revenu de base, réclamées et souhaitées par certains départements, peuvent construire un cadre plus structurant et offrir un accompagnement renforcé au plus près des territoires. C’est la compétence majeure et incontournable des conseils départementaux.

En outre, il faut s’inscrire dans une perspective universelle et plus structurelle. À cet égard, je suis d’accord avec les remarques de la commission des affaires sociales, qui demande des travaux et des études approfondies sur les dispositifs d’insertion des jeunes et leur financement.

On pourrait pour cela s’appuyer par exemple sur les travaux de la mission parlementaire sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse ou sur la grande consultation citoyenne pour définir les contours de la proposition de loi AILE(S), pour aide individuelle à l’émancipation (solidaire), portée par les députés Boris Vallaud et Hervé Saulignac. Les socialistes ont longuement travaillé sur ce sujet et réfléchissent à un projet structurel et global pour les jeunes, dont la présente proposition de loi constitue la première brique.

Cette stratégie et ce point de vue peuvent ne pas être partagés, mais cette question alimentera certainement les débats lors des prochaines campagnes électorales.

Nous devons dépasser l’approche idéologique classique sur ces dispositifs, face à l’urgence de la situation. Vous n’aimez pas les termes « RSA jeunes » ? Moi non plus ! Je préfère évoquer des droits nouveaux dès 18 ans, un « minimum jeunesse », un « minimum vital », afin d’aligner la majorité sociale sur la majorité légale. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Monique Lubin, rapporteure de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Rémi Cardon, qui propose d’étendre le bénéfice du RSA aux jeunes de 18 à 24 ans, est une réponse concrète et immédiate à l’urgence sociale qui s’annonce et qui risque d’affecter durement les jeunes majeurs, déjà largement frappés par la pauvreté et par la précarité de l’emploi.

La situation des jeunes s’est dégradée depuis le début des années 2000. Alors que, en 2018, quelque 14 % de la population vivaient au-dessous du seuil de pauvreté monétaire, fixé à 60 % du revenu médian, ce sont 19,7 % des personnes âgées de 18 à 29 ans qui se trouvaient dans cette situation, soit près d’un jeune sur cinq.

Ce niveau de pauvreté n’est pas acceptable, sachant en outre que ces statistiques n’englobent pas tous les jeunes adultes en situation de précarité. Je pense aux étudiants, ainsi qu’aux jeunes qui sont contraints de rester chez leurs parents, car ils ne peuvent accéder à un logement autonome, faute de revenus suffisants.

Il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences économiques et sociales de l’épidémie de covid-19 sur les jeunes majeurs. Toutefois, il ne fait aucun doute que la crise sanitaire aggrave la précarité des jeunes de moins de 25 ans et la pauvreté d’une partie d’entre eux, en particulier du fait de la dégradation attendue du niveau du chômage.

Le soutien des familles, qui n’est pas toujours possible, risque de se fragiliser du fait de la crise qui affecte l’ensemble de la population.

Dans ce contexte, les jeunes majeurs en difficulté doivent pouvoir compter sur la solidarité nationale, et plusieurs aides permettent de les soutenir.

La plupart des prestations sociales non contributives ne comportent pas de conditions d’âge ou sont ouvertes avant l’âge de 25 ans. C’est notamment le cas de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, qui est ouverte dès l’âge de 20 ans, et de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, qui ne repose que sur une durée minimale d’activité.

La prime d’activité, ouverte dès l’âge de 18 ans aux personnes qui perçoivent des revenus tirés d’une activité professionnelle ne dépassant pas un plafond, et les aides au logement, qui sont versées sans condition d’âge, constituent les principales prestations non contributives bénéficiant aux jeunes adultes. Dans le paysage des aides sociales, le RSA, qui n’est ouvert qu’à partir de 25 ans, fait donc figure d’exception.

Alors que l’on peut voter et payer des impôts dès 18 ans, cette exception apparaît comme une anomalie. Rien ne semble justifier que les jeunes majeurs de moins de 25 ans ne puissent bénéficier de cette prestation en cas de difficulté, alors qu’ils contribuent à la solidarité nationale.

Pour rappel, le RSA, qui a succédé le 1er juin 2009 au revenu minimum d’insertion, est le premier minimum social en nombre d’allocataires. Versé à 2 millions de bénéficiaires en 2020, il prend la forme d’une allocation différentielle destinée à compléter les ressources initiales du foyer, afin que celles-ci atteignent le seuil d’un revenu garanti, dont le montant est fixé à 564 euros pour une personne seule sans enfant et à 847 euros pour une personne avec un enfant ou pour un couple sans enfant.

Si le RSA n’est ouvert qu’à partir de 25 ans, quelques exceptions permettent toutefois d’en bénéficier avant cet âge. La condition d’âge ne s’applique pas aux personnes assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants nés ou à naître. Par ailleurs, une majoration du RSA est accordée sans condition d’âge au parent isolé assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ou à une femme enceinte isolée.

Le montant de ce RSA majoré s’élève, au 1er avril 2020, à 967 euros pour une personne isolée avec un enfant. Fin 2018, ses bénéficiaires étaient à 96 % des femmes. Environ un quart des 230 000 foyers bénéficiaires du RSA majoré au 31 décembre 2018 concernent des jeunes de moins de 25 ans, alors que seulement 2 % des bénéficiaires du RSA non majoré se trouvent dans cette tranche d’âge.

Enfin, depuis 2010, le RSA peut être versé aux personnes de moins de 25 ans justifiant de deux ans d’activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande.

À la différence du RSA de droit commun, qui est à la charge des départements, ce RSA jeune actif est entièrement financé par l’État. Toutefois, du fait de la condition d’activité très restrictive, le nombre de bénéficiaires s’est effondré de plus de 9 000 en 2011 à 734 en 2019, ce qui montre bien que ce dispositif a manqué sa cible.

Au total, on peut estimer que seuls 91 000 allocataires du RSA sont âgés de moins de 25 ans, sur un total de 1,9 million d’allocataires à la fin de l’année 2018. Du fait des conditions actuelles d’attribution de la prestation avant l’âge de 25 ans, il s’agit en grande majorité de jeunes femmes élevant seules leurs enfants, comme j’ai eu l’occasion de le constater dans mon département.

Il existe néanmoins d’autres aides ciblant les jeunes en situation de précarité. Ainsi, la garantie jeunes constitue selon moi l’un des meilleurs dispositifs d’accompagnement des jeunes vers l’emploi. Elle assure un accompagnement spécifique pour certains jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. On les appelle les « NEET ». On en dénombrait 960 000 en 2018, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la Dares.

La garantie jeunes est une modalité renforcée du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, le Pacea, qui accorde une aide financière à son bénéficiaire, couplée à un accompagnement intensif vers l’emploi assuré par les missions locales, en principe pendant un an, cette durée pouvant atteindre dix-huit mois. Elle a bénéficié à 91 124 jeunes en 2020, et le Gouvernement prévoit sa montée en charge en 2021, dans le cadre du plan de relance, pour atteindre 200 000 bénéficiaires.

Par ailleurs, il faut saluer le déploiement en urgence par l’État d’aides exceptionnelles de solidarité versées aux ménages modestes en juin, puis en novembre 2020, ainsi que la création pour 2021 de nouvelles aides exceptionnelles, destinées, d’une part, aux chômeurs de moins de 26 ans bénéficiant d’un accompagnement individuel intensif par Pôle emploi ou par l’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, et, d’autre part, aux jeunes diplômés de moins de 30 ans inscrits comme demandeurs d’emploi et anciennement boursiers de l’enseignement supérieur.

Toutefois, bien qu’elles soient positives en elles-mêmes, l’ensemble de ces mesures ne constituent nullement une garantie jeunes « universelle », contrairement à la présentation qui en est faite par Mme la ministre du travail. Il s’agit en fait d’un ensemble de réponses ponctuelles, qui ne permettront pas de soutenir tous les jeunes majeurs dont la situation sociale aura été aggravée par la crise.

En outre, j’estime qu’il ne faut pas tout attendre de la garantie jeunes, qui cible un public bien particulier. En effet, un jeune peut aujourd’hui se retrouver temporairement sans ressources sans être NEET. De plus, je rappelle que le bénéfice de ce dispositif a une durée limitée.

Au demeurant, une véritable garantie jeunes universelle nécessiterait des moyens considérables pour conserver ce qui fait sa spécificité, sous peine de décrédibiliser un dispositif qui fonctionne et a une bonne image.

Il apparaît dès lors nécessaire de revoir les conditions d’attribution du RSA aux jeunes adultes. Tel est l’objet de la proposition de loi que nous examinons : elle prévoit, à l’article 1er, d’ouvrir le bénéfice du RSA dès l’âge de 18 ans et, à l’article 2, de supprimer en conséquence le RSA jeune actif, qui deviendrait sans objet.

Cette proposition a été inspirée par plusieurs mouvements de jeunesse et elle reprend notamment une recommandation de l’ancien député Christophe Sirugue, auteur d’un rapport en 2016 sur les minima sociaux. Elle est en outre soutenue par de nombreuses associations, que j’ai pu rencontrer pour préparer l’examen de ce texte.

Selon une estimation réalisée par la Drees en 2016, le dispositif proposé pourrait bénéficier à 1,4 million de jeunes majeurs, pour un coût net estimé à 5,8 milliards d’euros.

Alors que les dépenses sociales des conseils départementaux progressent fortement, mettant certains d’entre eux en difficulté financière, je considère que le coût d’une telle mesure ne devrait pas être à la charge de ces collectivités. Dans le prolongement de l’expérimentation du projet de recentralisation des dépenses du RSA, des travaux sont donc à engager sur ce terrain avec l’État.

Cette proposition de loi, circonscrite au bénéfice du RSA, constitue un premier pas pour soutenir les jeunes. C’est une réponse urgente face à la crise qui va les toucher durement.

À moyen terme, les dispositifs d’aide et d’accompagnement des jeunes adultes devraient, selon moi, être revus en profondeur.

D’une part, de nombreuses situations de fragilité sociale nécessitent un traitement spécifique. Il faut mieux accompagner les familles monoparentales ou encore les jeunes sortis de l’aide sociale à l’enfance.

Je pense également aux problèmes de précarité de l’emploi qui frappent les jeunes en contrat court, qui font des extras ou, de façon plus récente, qui travaillent pour les plateformes numériques de travail. Quant aux étudiants défavorisés, qui ne sont pas concernés par le RSA, ils mériteraient que le système de bourses soit réformé.

D’autre part, je considère que la lutte contre la pauvreté dans notre pays devrait passer par la mise en place d’un revenu de base versé automatiquement et sans contrepartie. Cette idée, promue par l’association des départements solidaires dont j’ai entendu plusieurs représentants, me paraît être la bonne solution, à terme, pour soutenir les plus pauvres, notamment les jeunes majeurs. Par son automaticité, cette allocation aurait en outre le mérite d’apporter une réponse au problème du non-recours aux droits.

Avant que ces évolutions, que j’appelle de mes vœux, ne puissent être engagées, la proposition de loi a le mérite de répondre à la détresse sociale des jeunes. Elle me paraît nécessaire dans le contexte actuel, alors que la mise en place d’un revenu universel d’activité, comme l’envisage le Gouvernement, a peu de chances de se concrétiser avant la fin du quinquennat.

Offrir aux jeunes majeurs un filet de sécurité, dans un contexte de crise, ne signifie pas qu’ils seront désincités à trouver un emploi. Il convient aujourd’hui de dépasser l’idée que les minima sociaux piègent leurs bénéficiaires dans une trappe à inactivité.

Mme Laurence Cohen. Très bien !

Mme Monique Lubin, rapporteure. Plusieurs études, comme celles de l’économiste Esther Duflo, tendent à réfuter cette idée, qui reste pourtant fortement ancrée dans les esprits, comme l’ont montré nos débats en commission. Il faut donc renouveler notre regard, ou du moins nous appuyer sur ces travaux. Dans cette perspective, ce dispositif permettrait de préserver, en cas de difficulté, la capacité des jeunes adultes à s’émanciper et à s’insérer dans la société.

La commission des affaires sociales n’a pas adopté cette proposition de loi. À titre personnel, j’y suis toutefois favorable, car je considère que la solidarité nationale ne doit pas laisser nos jeunes de côté. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Adrien Taquet, secrétaire dÉtat auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de lenfance et des familles. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Rémi Cardon, je suis heureux de pouvoir m’exprimer devant vous sur un sujet sur lequel, contrairement à ce qui a été dit, le Gouvernement est pleinement engagé.

Malgré les épreuves, et au-delà de la gestion de la crise sanitaire, nous restons bien sûr concentrés sur l’ensemble des politiques publiques que nous menons, particulièrement en matière de lutte contre la pauvreté, ce combat nécessitant de la persévérance, des convictions et des ambitions, mais également de l’humilité.

Selon l’Insee, environ 20 % des 5,4 millions de jeunes adultes âgés de 18 à 29 ans étaient touchés par la pauvreté dans notre pays en 2018. Plus précisément, ce sont 1,3 million de jeunes qui sont en situation précaire. Ce nombre a par ailleurs augmenté du fait de la crise sanitaire et économique que nous traversons.

Le texte qui est soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat vise à apporter une réponse face à ce constat, en ouvrant le bénéfice du revenu de solidarité active dès la majorité.

Vous le savez, le Gouvernement n’est pas favorable à cette mesure.

Deux logiques, qui n’ont rien d’idéologique, je pense, s’opposent : celle qui privilégie l’ouverture d’une allocation à tous les jeunes, avant même de réfléchir à leur trouver une formation ou un emploi ; celle qui les encourage, dans tous les cas, à trouver une formation ou un emploi, en plus de leur ouvrir droit à une allocation s’ils en ont besoin.

Le Gouvernement a choisi la seconde option. Nous préférons en effet offrir une solution à tout jeune qui en fait la demande, mais nous voulons aussi aller chercher ceux qui ne la font pas afin de les accompagner. C’est non pas en permettant aux jeunes de 18 à 25 ans d’avoir accès au RSA que nous lutterons efficacement contre la pauvreté des jeunes, mais bien en créant, nous en sommes convaincus, les conditions d’une meilleure insertion sociale et professionnelle.

Tel est le sens du choix fait par le Gouvernement de contractualiser avec les départements en ce qui concerne l’accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Depuis le 1er janvier dernier, le nouveau service public de l’insertion et de l’emploi se déploie sous l’égide de la ministre Brigitte Klinkert. C’est une rupture fondamentale, dont on retrouve aussi l’esprit dans le plan de relance, d’une ampleur historique, qui doit nous permettre de retrouver le rythme des créations d’emplois qui était le nôtre avant la crise.

Ces dispositifs s’inscrivent pleinement, vous l’avez noté, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée en septembre 2018 par le Président de la République.

Depuis 2018, nous avons par exemple renforcé l’accompagnement des jeunes sortis de l’aide sociale à l’enfance, et ces mesures font leurs preuves. Plus de 50 % aujourd’hui des 20 000 jeunes de l’aide sociale à l’enfance devenus majeurs en 2019 ont bénéficié d’une prise en charge, dans le cadre du référentiel de la stratégie pauvreté.

Avec Brigitte Klinkert, j’ai signé le mois dernier un accord avec l’Union nationale des missions locales, l’UNML, et la Convention nationale des associations de protection de l’enfance, la Cnape, afin qu’un référent aide sociale à l’enfance soit désigné dans chaque mission locale.

Leur rôle sera d’aller vers les jeunes de l’aide sociale à l’enfance, pour leur présenter, sur leur lieu de vie, l’ensemble des dispositifs auxquels ils ont droit. La question de l’accès aux droits se pose en effet pour un certain nombre de ces jeunes, pour lesquels nous réfléchissons par ailleurs à des dispositifs complémentaires.

Les actions prévues ont par ailleurs été renforcées en 2020 par des mesures exceptionnelles en faveur des personnes les plus fragiles, particulièrement touchées par la crise, ainsi que par des dispositifs de plus long terme.

C’était évidemment indispensable : la crise économique touche de plein fouet les jeunes. Chacun d’entre nous a conscience des difficultés que notre jeunesse traverse, des sacrifices qu’elle a dû faire et du sentiment d’injustice que cela a pu entraîner. Certains n’ont pas pu achever leur formation, quand d’autres font leur entrée sur un marché du travail dégradé.

Protéger l’avenir des jeunes est l’une des priorités du Gouvernement, le Premier ministre a eu l’occasion de le répéter tout à l’heure. Pour cette raison, nous leur avons consacré le premier volet du plan de relance, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Oui, c’est le plan « 1 jeune, 1 solution » qui a permis l’adoption de diverses mesures renforçant l’accès à l’emploi des jeunes ayant des difficultés d’insertion.

Ce plan prévoit tout d’abord de faciliter leur entrée dans la vie professionnelle grâce, d’une part, à l’octroi d’une aide exceptionnelle de 5 000 euros pour recruter un alternant de moins de 18 ans en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, ou de 8 000 euros pour recruter un alternant de plus de 18 ans, et, d’autre part, à une compensation de charges de 4 000 euros instaurée pour tout jeune recruté entre août 2020 et janvier 2021.

Autre axe majeur, l’orientation et la formation de 200 000 jeunes, rendues possibles grâce à 100 000 nouvelles formations qualifiantes ou préqualifiantes qui seront proposées aux jeunes sans qualification ou en échec dans l’enseignement supérieur, mais aussi à des formations dans le secteur du soin, qui seront déployées pour doubler les capacités de formation des aides-soignants, des infirmiers et des auxiliaires de vie dans les cinq prochaines années.

Nous allons également accompagner les jeunes éloignés de l’emploi en construisant 300 000 parcours d’insertion sur mesure, via, d’une part, le renforcement des dispositifs d’inclusion durable dans l’emploi, à savoir le parcours emploi compétences et le contrat initiative emploi, et, d’autre part, l’augmentation des dispositifs d’accompagnement vers l’emploi, à savoir la garantie jeunes et le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.

Ce plan est le fruit d’un travail nourri avec les partenaires sociaux, les associations de jeunes, que je salue à cette occasion à mon tour, les associations représentant les élus locaux et les entreprises.

Par ailleurs, des aides exceptionnelles de solidarité ont été versées aux différentes étapes de la crise. Vous les connaissez ; je les rappelle brièvement.

En juin dernier, 800 000 jeunes ont reçu une aide de 200 euros ciblant les étudiants ultramarins isolés, les étudiants ayant perdu un stage ou un emploi, ainsi que les jeunes non-étudiants touchant des aides au logement. En novembre dernier, une nouvelle aide de 150 euros a été versée aux 740 000 étudiants boursiers, ainsi qu’à 570 000 jeunes de moins de 25 ans non étudiants bénéficiaires des APL.

En complément, le Premier ministre a annoncé plusieurs mesures essentielles à la fin du mois de novembre. Je pense notamment au doublement du plafond annuel du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, au renforcement de la garantie jeunes, mais aussi à la mise en place d’une aide financière pour les jeunes diplômés en recherche d’emploi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous demandons beaucoup de sacrifices à notre jeunesse pendant cette crise sanitaire. Il est aujourd’hui de notre devoir, nous partageons cette conviction, de leur tendre la main : aucun ne doit rester au bord du chemin, le Gouvernement s’y est engagé ; il a fixé comme objectif de permettre à chaque jeune de trouver une place.

Le défi est grand, mais nous sommes prêts à l’affronter. Nous le relevons à travers l’ensemble des actions que nous prenons depuis plusieurs mois déjà et que nous continuerons à prendre.

Mme le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.

M. Daniel Chasseing. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, rares sont les secteurs de l’économie et les pans de la société qui sortiront indemnes de la crise que nous traversons, mais tous ne sont pas également affectés. Les difficultés que rencontre notre jeunesse la placent dans une situation particulièrement préoccupante.

Nous avons été alertés, depuis plusieurs mois, sur la gravité de cette situation. C’est pourquoi je tiens à saluer l’initiative du groupe socialiste et de l’auteur de la proposition de loi. Elle a le mérite de placer au cœur de nos débats le sujet de l’avenir de notre jeunesse, donc l’avenir de la Nation, et de nous inciter toujours à améliorer notre modèle social.

Personne ne conteste la situation très préoccupante de notre jeunesse, mais les moyens à mobiliser peuvent diverger. En l’occurrence, nous sommes aujourd’hui amenés à nous prononcer sur l’ouverture de nouveaux droits pour les jeunes par l’extension du RSA aux 18-25 ans. Cette proposition n’est pas nouvelle, mais elle se présente sous un jour nouveau dans le contexte actuel.

Avec cette pandémie, les Français qui se sentent privés de leurs belles années ne réclament pas uniquement plus d’allocations, comme le RSA, mais plus de considération et d’accompagnement dans leurs études ou vers l’emploi et la formation.

La question que nous devons nous poser est la suivante : quelles sont les opportunités, les perspectives d’avenir qui se présentent aujourd’hui à nos jeunes ? Plutôt que de créer de nouveaux droits dès 18 ans, nous devons nous attacher à créer de nouvelles chances.

Il semble à cet égard plus pertinent de renforcer les dispositifs d’accompagnement qui ont fait leurs preuves. Les jeunes sont en mal d’insertion pendant leurs études ou en inclusion dans le travail. C’est pourquoi le déploiement par le Gouvernement du plan « 1 jeune, 1 solution », qui vise à faciliter l’accès des jeunes aux différents dispositifs dont ils peuvent bénéficier, nous paraît important.

Dans cet éventail de mesures, le mécanisme de la garantie jeunes est sans doute l’un des plus prometteurs pour les publics précaires, notamment les décrocheurs. Il faut capitaliser sur les réussites et amplifier son déploiement.

La logique de contractualisation sur laquelle repose la garantie jeunes me paraît adaptée aux enjeux actuels. Il est important de proposer aux jeunes un accompagnement de proximité, avec en retour un engagement à retrouver un parcours de formation ou un emploi. Dans ce cas, l’allocation ne serait qu’un élément d’un accompagnement qui doit être plus global et plus personnalisé.

Cependant, je doute que le bornage dans le temps de ces contrats soit véritablement bénéfique. J’avais proposé un amendement visant à inscrire dans la loi le fait que la garantie jeunes se poursuive tant que le contrat n’a pas débouché sur une sortie positive, soit en formation, soit en emploi, donc de maintenir le contrat tant que les objectifs ne seraient pas atteints, avec un accompagnement.

À cette fin, le maillage territorial des missions locales se révélera déterminant, bien sûr s’il est renforcé, ainsi que la mobilisation des collectivités et des entreprises pour accueillir, former et proposer un avenir aux jeunes.

Je veux souligner les besoins très importants en aides-soignantes et en infirmières dans les Ehpad et en milieu hospitalier.

J’aborderai enfin l’apprentissage, qui est sans doute l’une des rares bonnes nouvelles de la crise, puisque le nombre d’apprentis a augmenté en 2020. Ce dispositif a fait ses preuves pour l’installation des jeunes ; nous devons l’encourager et le développer. À cet effet, le Gouvernement doit tenir ses promesses de financement auprès des entreprises qui ont embauché un apprenti ; il y a eu quelques difficultés.

En ce qui concerne les étudiants qui n’ont pas pu, pendant leurs vacances ou leurs études, exercer des CDD, il faut mieux les prendre en compte et les aider en amplifiant les actions menées ; je pense notamment aux bourses, à l’augmentation des tutorats ou aux repas à un euro.

En conclusion, notre groupe ne souhaite pas ouvrir le bénéfice du RSA aux 18-25 ans, mais considère que nous devons faire plus pour les étudiants et mieux en faveur de l’insertion de tous les jeunes par le travail.

Mme le président. La parole est à M. Thomas Dossus. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Thomas Dossus. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, face à la pauvreté, face à la précarité, face à l’exclusion d’une partie grandissante de la jeunesse, il y a urgence. Entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des jeunes est passé de 8 % à 13 %. Pour les personnes seules, qui ne vivent pas chez leurs parents et ne sont pas en couple, le chiffre augmente encore, avec 22 % de jeunes sous le seuil de pauvreté.

Ces chiffres de 2018 sont les derniers communiqués par l’observatoire des inégalités, mais la crise sanitaire a aggravé la situation des jeunes précaires. Toutes les organisations que nous avons auditionnées, au niveau national ou dans les territoires, nous disent la même chose : la jeunesse de ce pays a été percutée par la crise.

L’incertitude qui pèse sur son avenir et l’impossibilité de trouver rapidement du travail plongent toute une génération dans l’impasse, sans aucun filet de sécurité. Le recours à l’aide alimentaire d’urgence explose, et la détresse psychologique prend des proportions dramatiques. La voilà l’urgence, la voilà la conséquence de la crise : la jeunesse est au bord de la rupture, et il est temps d’agir.

La France, qui peut être fière de son modèle social, en a exclu en partie sa jeunesse. C’est une anomalie européenne : chez quasiment tous nos voisins, les droits sociaux s’ouvrent pleinement avec la majorité.

Face à cette situation, le Gouvernement a multiplié des dispositifs, dont la garantie jeunes, dont l’extension à 200 000 bénéficiaires est prévue en 2021. Elle consiste en une aide financière et un dispositif d’accompagnement temporaire d’un an et demi au maximum, pour permettre l’accès à l’emploi et à une formation. C’est un dispositif correct, mais finalement assez lourd, qui n’est pas à la hauteur de la crise actuelle.

Pourquoi ce choix, alors que l’on dispose déjà d’un dispositif simple, le RSA, qui n’est certes pas parfait, mais dont toute la mécanique administrative est en place ? On préfère multiplier d’autres dispositifs, avec un seul but : décourager les potentiels bénéficiaires.

Celles et ceux qui n’ont d’ordinaire que « la simplification de l’État » à la bouche lorsqu’il s’agit d’attaquer notre modèle social rechignent aujourd’hui à une simple mise à jour du RSA.

Les raisons, nous les connaissons : le dogmatisme libéral et le mépris pour la jeunesse. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, l’a affirmé sans détour sur BFM TV vendredi dernier : « À 18 ans, ce qu’on veut, c’est un travail. On veut une rémunération de son travail, on ne veut pas une allocation ».

M. le ministre de l’économie va sûrement expliquer aux jeunes comment trouver un travail, alors que le taux de chômage a littéralement explosé au troisième trimestre 2020, passant à 22 % chez les jeunes, et que les organismes de statistiques s’attendent à une vague sans précédent de défaillances d’entreprises pour 2021. Il est donc urgent d’agir, d’investir dans la jeunesse.

Le Gouvernement a fait preuve d’une impressionnante célérité pour soutenir nos industries parfois très polluantes. Il est aujourd’hui temps de mettre la même volonté et la même conviction pour sauver notre jeunesse.

La proposition de nos collègues socialistes est simple, elle tient en une phrase : étendre le RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Permettre aux jeunes qui ne suivent pas d’études ou de formation et qui n’ont pas de travail de disposer d’un minimum de ressources et d’autonomie.

La croyance selon laquelle une allocation encouragerait l’oisiveté et la paresse a été battue en brèche par toutes les dernières recherches académiques. Je pense notamment aux travaux d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie, qui a montré que plus on aide les gens, plus ils sont capables de repartir d’eux-mêmes et plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté dans laquelle ils sont enfermés.

Les jeunes ont donc besoin de tout, sauf du paternalisme d’une génération d’hommes d’État qui n’a jamais poussé les portes d’un Crous ou d’une agence Pôle emploi.

Monsieur le secrétaire d’État, entendez l’appel de toutes les associations de jeunesse, de toutes les associations de lutte contre la pauvreté, de tous les collectifs d’aide aux précaires qui demandent l’extension du RSA aux 18-25 ans. Entendez l’appel du Conseil économique, social et environnemental qui, le 2 décembre 2020, a demandé solennellement l’extension du RSA aux 18-25 ans.

Chers collègues de droite, pour ceux qui sont encore là (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), entendez l’appel d’Aurélien Pradié, secrétaire général Les Républicains, qui lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le 12 janvier dernier, déclarait que « les fous sont ceux qui n’osent plus se poser les vraies questions : la question des jeunes qui, de 18 à 25 ans, ne bénéficient d’aucun dispositif universel ».

Nous ne sommes pas ici dans un débat idéologique ou partisan. Nous sommes en train de statuer sur une question de dignité et de lutte contre la pauvreté.

La présente loi propose un dispositif simple, concret, qui s’appuie sur l’existant. Tout est déjà en place. Les départements sont en mesure d’effectuer ces versements dès demain, ou presque, à condition de les accompagner financièrement.

Alors que vos politiques économiques et sociales hypothèquent l’avenir de toute une génération, ayez la décence d’investir d’urgence sur leur présent, quoi qu’il en coûte.

Il est urgent de faire sortir les jeunes des mesures d’exception pour les faire entrer dans l’universel, comme tous les autres citoyens. Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Dominique Théophile.

M. Dominique Théophile. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Rémi Cardon propose d’ouvrir aux jeunes de moins de 25 ans un droit au revenu de solidarité active, le RSA.

Parce que la crise économique et sociale que nous traversons touche en premier les plus jeunes, vous souhaitez faire de cette réforme « la première pierre d’un dispositif universel » qui réponde à la fois à une urgence - la précarité grandissante de la jeunesse française - et à un souci « d’autonomie et d’émancipation ».

Votre proposition n’est pas nouvelle, puisqu’elle actualise, au regard de la crise sanitaire, un débat vieux de trente ans. En 1988, le gouvernement socialiste de Michel Rocard avait en effet porté la création d’un revenu minimum d’insertion, le RMI, pour faire face à l’émergence d’une « nouvelle pauvreté » de masse.

À l’époque déjà, les jeunes de moins de 25 ans avaient été écartés de ce dispositif, au motif qu’ils bénéficiaient d’actions spécifiques d’insertion professionnelle. En 2008, la création du RSA, et plus tard celle du RSA jeune, n’a pas remis en cause l’existence de cette limite d’âge, notamment au regard des risques de stigmatisation sur le marché du travail.

Si cette proposition n’est pas nouvelle, elle a le mérite de mettre un peu plus en lumière les difficultés que rencontre la jeunesse française, en plus de nous permettre d’en débattre aujourd’hui dans cet hémicycle et, si j’en crois certaines déclarations, de faire bouger quelques lignes.

En France, 1,5 million de jeunes vivent en situation de pauvreté. C’est trop ! Leur part a fortement crû ces quinze dernières années, passant de 8 % à 13 %. Et ce phénomène, qui existait avant la crise sanitaire, n’a fait que s’aggraver ces derniers mois : parce qu’ils étaient en CDD, en intérim ou entre deux contrats et qu’ils n’ont pu, en raison des confinements successifs, retrouver un emploi ; parce que, étudiants ou jeunes diplômés, on ne leur a pas donné, et on ne leur donne pas, leur chance.

Ce constat, nous le partageons avec le Gouvernement. Des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat des jeunes ont été présentées, ici même, ces derniers mois. Vous les connaissez. Il s’agit du versement exceptionnel de 150 euros pour les jeunes les plus précaires. Il s’agit de l’instauration du ticket de restaurant universitaire, ou ticket RU, à un euro pour les étudiants boursiers. Il s’agit du doublement des aides d’urgence du Crous.

Toutefois, ces mesures, nous en convenons, ne sauraient constituer une réponse satisfaisante, surtout pérenne à une crise qui s’annonce longue.

Si nous partageons avec les auteurs de cette proposition de loi une même ambition, à savoir sortir de la précarité une partie de la jeunesse française et l’accompagner vers son émancipation, nous n’en partageons pas les moyens, parce que nous pensons que la perspective d’un jeune ne saurait être celle des minima sociaux, parce que la question de l’insertion sociale et professionnelle, évidente dans l’esprit des promoteurs du RMI et du RSA, semble aujourd’hui secondaire, et parce qu’essayer ce dispositif, même le temps de la crise, ce serait inévitablement l’adopter.

Nous pensons ensuite que nous avons mieux à leur offrir, en facilitant leur entrée dans la vie professionnelle quand cela est possible, en les accompagnant lorsque cela est nécessaire. C’est toute l’ambition du plan de relance « 1 jeune, 1 solution », dont le montant de 6,7 milliards d’euros constitue un effort sans précédent envers les jeunes.

M. Patrick Kanner. C’est cinquante centimes par jour !

M. Dominique Théophile. Ce plan, qu’est-ce que c’est ? Des primes à l’embauche d’abord, dont les résultats sont d’ores et déjà mesurables, de 4 000 euros pour les jeunes de moins de 26 ans et jusqu’à 8 000 euros pour les apprentis. Ce sont aussi 100 000 services civiques supplémentaires, 20 000 nouveaux postes rémunérés d’étudiants tuteurs, 300 000 parcours d’insertion, etc.

Or cela fonctionne. Par exemple, entre août et novembre 2020, ce sont plus d’un million de jeunes de moins de 26 ans qui ont été recrutés en CDI ou en CDD de plus de trois mois.

Néanmoins, ce plan doit surtout permettre de renforcer la garantie jeunes. Ce dispositif, créé sous le quinquennat précédent, permet d’accompagner des jeunes de 16 à 25 ans, souvent en situation de grande précarité, vers l’emploi ou la formation.

Elle donne droit à la fois à une aide financière calquée sur le RSA et, surtout, à un accompagnement. Au 31 décembre 2019, le nombre d’entrées depuis le début du dispositif était de 366 000 jeunes, dans la grande majorité âgée de 18 à 21 ans.

Parce qu’il a tiré les leçons de la crise économique, le Gouvernement a souhaité augmenter considérablement les moyens financiers alloués aux missions locales, afin de permettre à 200 000 jeunes d’en bénéficier cette année. Nous saluons cet engagement.

Est-ce assez ? Non, certainement. Le rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse a récemment souligné que la garantie jeunes pouvait devenir une porte d’entrée pour les jeunes en situation de précarité. Aussi, investissons dans ce dispositif, qui allie accompagnement et garantie de ressources, et proposons son universalisation, pour qu’aucun jeune ne manque de solution.

La jeunesse française, bousculée par la crise, a besoin d’aide, mais elle mérite aussi des perspectives. C’est notre engagement.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, notre groupe a ainsi porté deux amendements, adoptés par notre assemblée, pour renforcer le soutien et la protection sociale des jeunes en apprentissage et dans les dispositifs d’insertion professionnelle. Il faut croire en cette génération, créative, solidaire, engagée. Il faut croire au développement de chacun et l’accompagner vers l’emploi, en utilisant et en élargissant s’il le faut les dispositifs existants qui ont prouvé leur utilité et leur efficacité.

Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, notre groupe, dans sa majorité, ne votera pas cette proposition de loi.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis la première vague de la pandémie de covid-19, nous sommes confrontés à une crise économique sans précédent. Les jeunes ne sont, hélas, pas épargnés et comptent parmi les premières victimes. Il est vrai que la fragilité de cette population n’est pas nouvelle, mais la crise a amplifié le phénomène de paupérisation de cette tranche d’âge.

Au dernier trimestre de 2020, près d’un jeune sur quatre se retrouve ainsi sans activité professionnelle. À celles et ceux qui ont perdu leur emploi s’ajoutent les nouveaux diplômés qui arrivent sur un marché de l’emploi offrant de moins en moins de chances. Ne disposant que très rarement d’une épargne ou de réserve financière et exclus la plupart du temps des mécanismes de solidarité nationale, ces jeunes sont particulièrement vulnérables et sont de plus en plus nombreux à tomber dans la grande précarité.

C’est pour tenter de freiner cette précarisation grandissante que plusieurs organisations de jeunesse et associations plaident depuis longtemps pour l’ouverture du RSA aux moins de 25 ans, plus particulièrement en cette période exceptionnelle de crise sanitaire. Elles estiment que le plan d’urgence « 1 jeune, 1 solution » fonctionne peu, puisque le nombre de jeunes en recherche d’emploi augmente drastiquement et que le nombre de jeunes de moins de 25 ans vivant sous le seuil de pauvreté ne cesse de croître. Dès lors, l’ouverture du RSA pour les moins de 25 ans représente un filet de sécurité nécessaire au vu du contexte.

C’est l’objet de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Il est vrai que cette mesure permettrait d’éviter qu’un trop grand nombre de jeunes ne tombe dans l’extrême précarité. Je pense tout particulièrement à celles et ceux qui n’ont aucun soutien familial.

Pour autant, si nous ne pouvons rester sourds à leur détresse, nous devons nous demander si étendre le RSA dès 18 ans constitue la meilleure réponse au défi de la pauvreté des jeunes. La question mérite d’être posée, et je dois reconnaître que les opinions divergent au sein du groupe RDSE.

Quoi qu’il en soit, je pense que les mesures exceptionnelles mises en place par le Gouvernement méritent d’être saluées. Je pense à la création de 20 000 jobs étudiants, au doublement des aides d’urgence du Crous, à l’aide mensuelle pour les jeunes en recherche d’emploi, mais surtout au doublement de la garantie jeunes en 2021.

Certes, ces aides sont ponctuelles et sans doute amenées à disparaître après la crise sanitaire, alors que nous savons pertinemment que la situation des jeunes s’aggrave depuis une vingtaine d’années.

En décembre dernier, le Président de la République préférait « qu’on fasse de la lutte contre la pauvreté par l’insertion par l’activité économique, par le travail avec les associations de terrain, par de l’accompagnement […], par des initiatives comme “territoires zéro chômeur” auxquelles je crois à fond et qu’on est en train de généraliser ».

Nous avons eu à ce sujet un débat dans cet hémicycle il n’y a pas très longtemps. La première phase expérimentale de ce dispositif particulièrement novateur a montré comment des femmes et des hommes qui allaient très mal ont retrouvé un sens à leur vie et une utilité sociale en retrouvant un emploi.

Par ailleurs, lors d’un débat à l’Assemblée nationale, le 12 janvier dernier, la ministre du travail déclarait qu’il fallait apporter aux jeunes une réponse immédiate pour leur permettre de surmonter des difficultés financières, mais que l’objectif premier du Gouvernement était de leur permettre d’accéder à un emploi, ce qui les rendra autonomes.

Je souscris pleinement à ces propos. Je suis convaincu en effet que les jeunes ont besoin avant tout de mesures d’accompagnement, d’insertion et d’aide à l’embauche. Nous devons leur donner les moyens de s’en sortir dans l’immédiat, certes, mais surtout de leur permettre d’accéder à un emploi.

Au début du mois, Mme la ministre du travail a reçu un rapport du Conseil d’orientation des politiques de jeunesse qui propose notamment de faire de la garantie jeunes un droit pour tous les jeunes en difficulté d’insertion sociale et professionnelle, et je crois savoir que le Gouvernement réfléchit à la mise en place d’une garantie jeunes universelle. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le secrétaire d’État, les contours de ce dispositif ?

Au-delà de l’aspect philosophique que soulève la question qui nous est présentée, se pose également celle, délicate, de son financement. Le dispositif proposé s’élève à près de 6 milliards d’euros. Or, nous savons pertinemment que l’État, qui ne compense pas aujourd’hui les dépenses des départements sur le RSA, ne le fera pas plus demain.

Aussi, pour toutes ces raisons, la majorité des membres du groupe RDSE s’abstiendra.

Mme le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Mme Cathy Apourceau-Poly. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les jeunes sont les premières victimes des conséquences de la crise de la pandémie de covid-19.

Ils sont de plus en plus nombreux à tomber dans l’extrême précarité et n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers des organismes de distribution alimentaire pour subvenir à leurs besoins. Le Secours populaire, les Restos du cœur nous alertent : la fréquentation des étudiants a explosé ; les bourses n’y changent rien, quand ils en ont.

Pour les jeunes qui ne sont ni en étude, ni en emploi, ni en formation, les perspectives s’éloignent de plus en plus. Selon l’Observatoire des inégalités, un pauvre sur deux a moins de 30 ans. Cette situation est d’autant plus complexe dans des départements « jeunes » comme le mien, où la majorité des précaires passent sous les radars.

Selon le rapport de notre collègue députée Marie-George Buffet de décembre 2020 concernant les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et la jeunesse, le mal-être des jeunes progresse, ainsi que le nombre de suicides.

Face à cette situation, le 1er décembre dernier, seize responsables d’organisations de jeunesse signaient dans le quotidien Le Monde une tribune appelant à pouvoir bénéficier du RSA dès 18 ans. La proposition de loi de nos collègues socialistes reprend donc la revendication des organisations de jeunesse d’étendre le bénéfice du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans.

Le Gouvernement s’est dit opposé à l’extension du RSA aux moins de 25 ans, alors que les voix montent pour accorder ce filet de sécurité aux jeunes. Le Gouvernement refuse, car il a peur que les jeunes, s’ils bénéficiaient de 500 euros par mois, renoncent à chercher un emploi.

Contrairement à vous, monsieur le secrétaire d’État, nous pensons qu’apporter une aide qui permette à notre jeunesse de vivre un peu plus dignement n’invite pas du tout à la paresse. Au contraire, elle permet de s’investir dans des projets créateurs à forte dimension sociale et écologiste.

Contrairement à vous, nous pensons que le filet de sécurité sociale que sont les allocations permet de stabiliser une situation de crise pour rebondir. Ce filet n’est pas un hamac !

Contrairement à vous, nous pensons que les études sont un droit, pour se projeter demain. L’extension à tous de la garantie jeunes induit une mécanique qui nuira aux études, puisqu’elle est conditionnée au fait de chercher un travail. C’est donc un recul des droits de notre jeunesse et la fin de ses ambitions. En prétendant répondre à l’urgence de cette manière, vous sacrifiez son avenir.

L’augmentation des bénéficiaires de la garantie jeunes nécessitera de revoir les moyens alloués aux missions locales et de recruter plusieurs milliers de conseillers. Mais au-delà des mesures d’urgence temporaires, c’est à une réforme structurelle et à un véritable statut social auxquels aspire notre jeunesse.

Écoutez les jeunes, qui appellent à ce qu’aucun d’entre eux ne soit laissé sans solution, afin qu’ils puissent être formés, recrutés et embauchés dans les services publics qui pâtissent du manque de personnel.

L’extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans, objet de cette proposition de loi, est une mesure d’urgence sociale indispensable, mais insuffisante si elle ne s’accompagne pas d’un engagement de l’État auprès des départements pour garantir son financement à l’euro près. En effet, nous le savons, les départements n’auront pas les moyens d’assumer une telle charge financière, eux qui prévoient d’ores et déjà d’augmenter leurs dépenses liées au RSA et à la lutte contre la pauvreté de bien plus de 10 %.

Notre groupe votera en faveur de cette extension, une première étape vers un statut social garantissant l’autonomie et l’émancipation des jeunes. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)

Mme le président. La parole est à M. Olivier Henno. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme la présidente de la commission applaudit également.)

M. Olivier Henno. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue l’auteur de cette proposition de loi, M. Rémi Cardon – c’est le charme des premières fois, qu’il en profite ! (Sourires.) –, ainsi que notre rapporteure.

Il est certain que la jeunesse française est lourdement touchée par la crise sanitaire et la question que les signataires de ce texte soulèvent est parfaitement légitime. Au demeurant, les historiens qui se pencheront sur notre époque dans dix ou vingt ans s’interrogeront peut-être sur une certaine forme d’aveuglement à l’égard de ce qu’il faut bien appeler la « fracture générationnelle ».

« Il n’existe pas d’autre voie vers la solidarité humaine que la reconnaissance de l’autre en tant que personne et le respect de sa dignité », déclarait l’abbé Pierre. Voilà pourquoi, bien que je partage le constat de nos collègues sur la situation difficile des plus jeunes, je ne pense pas qu’une proposition de loi de trois articles suffise à régler le problème.

Peut-être nous faudrait-il d’ailleurs nous interroger sur notre système redistributif. Notre pays est celui qui consacre la plus grande part de sa richesse à la santé et à la solidarité. Est-il pour autant le plus juste et le plus solidaire ? Ce n’est pas sûr du tout ! À la fracture territoriale s’ajoutent la fracture culturelle, la fracture éducative et, à présent, la fracture générationnelle.

Oui, notre système de redistribution est critiquable ! Il existe près de dix minima sociaux, dont la principale caractéristique pourrait être la complexité. Il est aussi difficile de comprendre l’ensemble du système que l’articulation entre les différents dispositifs existants !

Une telle situation n’est pas sans conséquence. Elle entraîne de la rancœur et accroît le sentiment d’injustice. Elle alimente les phénomènes de non-recours, qui privent certains de nos concitoyens d’un accès aux prestations.

Face à ce constat, il est indispensable de passer à l’étape suivante et, sans doute, de modifier en profondeur les règles en vigueur. Cela demandera du temps et une réflexion globale. Ce sera l’objet de la mission d’information à venir sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d’une partie des Français. Nous devons avoir pour objectif de clarifier l’architecture des minima sociaux, afin de renforcer leur acceptabilité et de conforter le consentement de tous à l’effort de solidarité.

Ne vous méprenez pas, mes chers collègues. Je comprends l’engouement que suscite l’idée de permettre l’accès de jeunes de 18 à 25 ans au RSA. Le fait de priver la très grande majorité des jeunes de l’accès à notre dispositif universel de lutte contre la pauvreté interroge et une telle condition d’âge peut être vue comme une singularité au regard de ce qui se pratique chez nos voisins européens.

Cependant, les effets structurels d’une telle réforme doivent aussi être anticipés. Compte tenu de notre système fiscal, elle aurait mécaniquement des conséquences budgétaires.

M. Jérôme Bascher. Tout à fait !

M. Olivier Henno. En outre, comme l’a souligné Daniel Chasseing, il est nécessaire de proposer un accompagnement plus fort à ceux qui démarrent dans la vie active.

Bien que Christophe Sirugue soit favorable à une ouverture du RSA dès l’âge de 18 ans, il pose certaines conditions. Dans son rapport, il indique qu’une telle mesure doit s’articuler avec d’autres points importants, qui rendent de fait difficile une généralisation de la démarche.

Tout d’abord, comme je l’ai déjà souligné, une généralisation du RSA pour les jeunes ne s’apparente pas à une mesure uniquement paramétrique, c’est bien une évolution structurante. Je rappelle tout de même – certes, cela paraîtra une évidence à nombre de parlementaires présents dans cet hémicycle – que le dispositif doit s’articuler avec notre système fiscal et avec les règles relatives au versement des prestations familiales auxquelles les jeunes âgés de 18 à 21 ans sont éligibles.

Ensuite, il convient d’étudier les conséquences budgétaires d’une telle proposition. Ce n’est pas neutre. Nous venons de voter une hausse exponentielle de près de 30 % de notre dette publique cette année. Les robinets de l’argent public ne pourront éternellement couler à flots ! Il est de notre devoir de parlementaires de mesurer la portée de nos décisions.

La mesure envisagée est aujourd’hui évaluée à 5,8 milliards d’euros. C’est un montant très important. Il n’est pas illégitime de s’interroger sur la capacité financière de la France. D’ailleurs, certains pays commencent à s’interroger sur leur propre capacité financière. L’argent magique n’existe pas, même si la période que nous vivons pourrait le laisser croire…

À ce sujet et cela a été souligné, je crois qu’il faut maintenir les départements et les collectivités territoriales hors de ce débat. Au regard de leur situation financière, il est tout simplement inenvisageable de leur demander un nouvel effort sur le reste à charge.

Enfin et ce point a été évoqué en commission, je rappelle que le nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes a doublé, pour un montant de 1 milliard d’euros. L’adoption de cette proposition de loi poserait à l’évidence un problème de cohérence des dispositifs publics.

Notre groupe considère que la valeur travail est essentielle pour la dignité humaine. Il y a quelque chose de triste pour une société de n’avoir que le RSA à proposer à une partie de sa jeunesse.

Permettez-moi de vous faire partager ma modeste expérience passée de vice-président du département du Nord chargé de la lutte contre les exclusions et du RSA. Dans notre pays, la dignité de la personne est étroitement liée à l’existence d’une activité, d’une formation, d’un apprentissage, donc d’un travail. Par conséquent, la question du retour à l’emploi des allocataires du RSA n’est pas marginale ; elle est essentielle, à plus forte raison peut-être pour les personnes les plus fragiles et les plus modestes.

Le groupe UC ne votera donc pas cette proposition de loi. Pour autant, le débat sur la précarisation de la jeunesse doit se poursuivre. Nous aurons sans doute de multiples occasions de le reprendre ici même et j’en profite pour saluer le président de la commission de la culture. Il faudra aborder le parcours d’un jeune dans sa globalité, en parlant non seulement revenus, mais également santé, logement, formation, apprentissage, donc travail. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme le président. La parole est à M. Cédric Vial. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Cédric Vial. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, accorder une allocation sociale à chaque jeune dès l’âge de 18 ans, quelle que soit sa situation personnelle, sociale ou familiale : telle est la réponse suggérée par cette proposition de loi. Pour autant, quelle est véritablement la question ? (Mme la rapporteure sexclame.) Comment notre société doit-elle répondre aux attentes de la jeunesse et comment la jeunesse peut-elle prendre toute sa place dans notre société ? C’est en ces termes que je formulerai la problématique à laquelle nous sommes confrontés.

« La jeunesse montre l’homme comme le matin montre le jour », nous dit le poète John Milton. (Exclamations sur les travées du groupe SER.) La considération que nous accordons à notre jeunesse porte donc en elle le modèle de société auquel nous aspirons.

La majorité à 18 ans confère des droits et également un certain nombre de devoirs. Elle succède à une phase d’apprentissage de la citoyenneté et d’autonomie, que le législateur a décidé de fixer à l’âge correspondant, pour nombre de jeunes, à celui du baccalauréat. Pour autant, l’obtention de la majorité n’est pas une ligne d’arrivée ! C’est une étape, une nouvelle ligne de départ.

Il existe non pas un jeune, mais des jeunes ! Ils sont lycéens, étudiants, apprentis, jeunes travailleurs… Ils sont urbains ou ruraux. Ils ont des liens familiaux forts, limités ou inexistants. Ils sont différents. Leurs aspirations sont différentes. Leurs besoins sont différents. Les réponses qu’ils attendent sont donc différentes.

Pourtant, il existe bien une jeunesse. Dans sa diversité, elle porte en elle les germes de la société de demain. Après-demain, une autre, encore différente, lui succédera, comme un matin succède à un autre.

« La jeunesse montre l’homme comme le matin montre le jour. » (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe SER.) Ce matin, un brouillard épais vient troubler la clarté du lever du jour.

Notre jeunesse subit de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire et elle en paye un lourd tribut.

À l’âge où l’on se construit, les jeunes connaissent une détresse sociale, affective, économique sans précédent et probablement sans rattrapage possible de toutes les occasions manquées. Nous leur devons une attention renforcée. Nous devons les sortir du brouillard pour leur redonner des perspectives et leur dégager la ligne d’horizon.

Le RSA pour tous est une réponse sociale, mais c’est aussi un message politique. Est-ce véritablement celui que nous voulons transmettre à cette jeunesse ?

À l’âge où l’on devient autonome, où l’on s’ouvre sur le monde, où l’on devient citoyen et où l’on se forge ses premières expériences, on a besoin de repères et de valeurs.

Quels sont justement les messages que nous voulons transmettre à notre jeunesse ? Qu’elle est diverse. Qu’elle a des perspectives. Qu’elle a des solutions. Qu’elle détient son destin entre ses mains. Que son avenir dépend d’elle-même avant de dépendre des autres. Qu’elle doit avant tout se prendre en main et qu’elle trouvera sa voie et les clés de sa réussite dans l’effort et le travail, ainsi qu’une reconnaissance qui sera fonction de son comportement et de son mérite.

Ce que l’État et, plus largement, la société doivent à la jeunesse, c’est un accompagnement adapté garantissant l’égalité des chances et la méritocratie.

Nous leur devons aussi plus de liberté, en contrepartie de plus de responsabilité.

Les défis sont de taille. Ils concernent avant tout la formation, l’insertion, l’engagement. Ils appellent des dispositifs spécifiques pour chaque situation, pour chaque jeune. L’universalité n’est pas synonyme d’égalité. C’est même souvent l’inverse !

Être égaux signifie disposer des mêmes chances de réussir quelle que soit la voie choisie. Plus que d’une allocation, les jeunes ont besoin de solutions individualisées. Aucun jeune ne grandit avec les minima sociaux comme horizon !

Lorsque l’on a moins de 25 ans, on construit son avenir. Cela implique de mener un projet de formation ou professionnel. Le véritable défi pour notre société est donc celui de l’accompagnement et de l’insertion.

En matière sociale, il existe déjà un certain nombre de dispositifs fléchés en direction de la jeunesse, comme les bourses pour les étudiants ou la garantie jeunes pour ceux qui sont sans ressource et déscolarisés. À l’échelon le plus élevé, la bourse est une aide financière d’un montant proche du RSA. Idem pour la garantie jeunes, qui est délivrée par les missions locales et qui permet de toucher jusqu’à 500 euros par mois. Je pourrai également mentionner le service civique, les parcours emploi compétences, c’est-à-dire des dispositifs prévoyant d’emblée un contrat de responsabilité.

Des aides exceptionnelles de 200 euros pour les jeunes de moins de 25 ans et de 150 euros aux 400 000 jeunes qui touchent les aides personnalisées au logement (APL) et aux étudiants boursiers ont aussi été annoncées récemment par le Gouvernement.

Le RSA peut d’ores et déjà être attribué aux moins de 25 ans dans certaines situations particulières : les femmes enceintes, les jeunes parents ou certains actifs sous conditions. Le RSA jeune actif est alloué sous conditions aux jeunes de moins de 25 ans ayant déjà travaillé deux ans au cours des trois dernières années.

L’élargissement du RSA est donc une mauvaise réponse à une mauvaise question !

Offrons-leur de l’espoir ! Offrons-leur une chance de faire leurs preuves ! Offrons-leur des occasions de se révéler et de s’épanouir ! Offrons-leur des assurances et de la liberté !

Donnons-leur notre confiance, notre soutien ! Donnons-leur un accompagnement adapté ! Donnons-leur une chance, pas une allocation. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Discussion générale (suite)

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Modification de l’ordre du jour

Mme le président. Par courrier en date de ce jour, M. Hervé Marseille, président du groupe Union Centriste, demande que, dans le cadre de l’espace réservé à son groupe de demain, jeudi 21 janvier, la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels soit examinée avant la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. (Très bien ! sur les travées du groupe SER.)

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

7

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Discussion générale (suite)

Droits nouveaux dès dix-huit ans

Suite de la discussion et rejet d’une proposition de loi

Mme le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Annie Le Houerou. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Article 1er

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, près d’un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Ce sont plus souvent des jeunes femmes.

Un étudiant sur quatre a un travail à côté de ses études, qui lui est indispensable pour vivre. Or, depuis la crise sanitaire, il ne l’a souvent plus. Le suicide demeure la deuxième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, tandis qu’environ 15 % des étudiants présentent des signes d’épisodes dépressifs majeurs accentués en cette période.

En outre, 48 % des jeunes peu ou pas diplômés sont sans emploi. L’augmentation de 10 % du nombre d’allocataires du RSA et l’explosion du chômage à la fin de l’année 2020 aggravent la situation.

Ces données, mises en avant par le Conseil économique, social et environnemental, sont alarmantes. Les constats sont partagés par les grandes associations caritatives et par l’Observatoire des inégalités, comme cela a déjà été rappelé. Précarité, pauvreté, dépression, suicide… : l’effet de la crise sanitaire sur les jeunes est impitoyable.

« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », a déclaré le Président de la République lors de son allocution du 15 octobre dernier. Je crains qu’il ne soit encore plus dur d’avoir 20 ans en 2021.

Si cette réalité est partagée par tous, il nous revient d’apporter des réponses dans l’urgence.

Parce qu’ils occupent des jobs précaires, les jeunes sont en première ligne de la crise économique et sociale, qui est accentuée par la crise sanitaire actuelle.

Le confinement a ainsi mis au chômage ou dans l’inactivité sans ressources de nombreuses personnes de moins de 25 ans qui exerçaient des petits boulots d’appoint dans les bars, restaurants et commerces. La crise a coupé court à toute une « économie de la débrouille » : plus de baby-sitting, d’aide aux devoirs ou de livraisons de repas, activités qui permettaient à de jeunes adultes de survivre.

Par ailleurs, l’insertion sur le marché du travail des jeunes diplômés est compromise : le marché du travail est plombé et les entreprises sont fragilisées, malgré les aides apportées par l’État.

La précarité touche aussi plus sévèrement les jeunes femmes. Ainsi, 40 % de femmes parmi les étudiantes ont arrêté leur activité rémunérée pendant le confinement, contre 31 % chez les hommes. Elles sont moins bien rémunérées. Leurs contrats sont plus précaires et débouchent plus rarement pour elles sur des emplois stables. Elles basculent aussi plus souvent vers l’inactivité sans indemnisation, et la maternité est souvent un refuge qui les conduit parfois à un enfermement.

Nous ne nions pas les initiatives du Gouvernement en faveur des jeunes. Ce sont des dispositifs de courte durée, peu lisibles, qui ne garantissent pas un socle de sécurité. Ils ne sont pas suffisants face à l’ampleur de la crise qui est cinglante et qui le sera vraisemblablement dans la durée.

La proposition du groupe SER, sur l’initiative de Rémi Cardon, est une réponse à l’urgence sociale actuelle. L’extension du RSA pour les jeunes dès 18 ans peut être mise en place dans des délais très courts. Avec ses trois articles, le texte est simple, réactif et il apporte une réponse immédiatement opérationnelle.

Les jeunes sont les parents pauvres de la solidarité nationale. La solidarité familiale ne peut pas être la réponse à cette crise. Combien de jeunes ont quitté leur famille alors qu’elle est le lieu de violences intrafamiliales ? Un enfant sur dix vivrait dans une famille où les violences sont le quotidien.

Quand bien même la famille serait ce havre de paix, combien de familles vivent elles-mêmes dans la précarité ? Comment, dans ces conditions, assurer la prise en charge des enfants en études, en recherche d’emploi ou d’une solution d’insertion ?

La France, sixième puissance économique mondiale, compte plus de 2 millions de personnes vivant dans l’extrême pauvreté : des vies de misère, où l’on ne peut pas se loger dignement, où l’on doit aller chercher à manger dans les banques alimentaires… Ces vies de misère que nous croisons sont souvent celles de jeunes de moins de 25 ans en galère.

« Le diagnostic est établi. Les pouvoirs publics sauront-ils apporter des réponses à la hauteur ? » s’interroge l’Observatoire des inégalités, dont nous rejoignons la proposition de mise en place d’un revenu minimum unique n’excluant personne.

Ce texte s’inscrit dans la continuité des propositions que nous avions formulées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. L’instauration de ce minimum jeunesse permettra de lutter contre les inégalités sociales persistantes. Il permettra à nos jeunes d’envisager leur avenir avec plus de sérénité, forts de la confiance que nous leur accordons pour qu’ils étudient, entreprennent et trouvent leur chemin vers l’émancipation et l’autonomie.

Je le rappelle, le RSA est un parcours accompagné. Nous faisons confiance aux missions locales, ainsi qu’aux services de l’insertion et de l’emploi – vous les avez évoqués, monsieur le secrétaire d’État –, dont nous saluons le travail.

Apporter une réponse d’urgence à une situation d’urgence : tel est l’objectif de cette proposition de loi. Elle n’exclut pas les réflexions et propositions d’une réforme plus structurelle notamment émises par nos collègues du groupe socialiste de l’Assemblée nationale.

La proposition de loi prévoit un financement par la solidarité nationale, ainsi que des compensations pour les collectivités, notamment les départements. Nous la soutiendrons et la voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.)

Mme le président. La parole est à M. Rémi Féraud.

M. Rémi Féraud. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la pandémie a entraîné un choc économique terrible et inédit depuis 1945. L’explosion de la pauvreté qui en découle touche particulièrement les jeunes, nous l’avons tous dit. Derrière les chiffres alarmants qui ont été rappelés, il y a une réalité humaine que nous ne pouvons pas ignorer.

Or, aujourd’hui, dans cette crise d’une violence inouïe, les jeunes âgés de 18 ans à 24 ans constituent la principale faille de notre système de protection sociale. Et ce ne sont pas les 150 euros reçus au mois de décembre dernier qui sauraient y répondre.

Face à des inégalités dramatiquement accrues par la crise, nous aurions pu et, à mon sens, nous aurions dû créer dès 2020 de nouvelles solidarités en soutenant la jeunesse. C’est ce que nous avons proposé sans succès lors de l’examen du projet de loi de finances, mais, chaque fois, nous nous sommes heurtés à la barrière idéologique du Gouvernement comme de la majorité sénatoriale.

L’interview récente de Bruno Le Maire chez Jean-Jacques Bourdin est très éclairante à cet égard. Interrogé sur l’extension du RSA aux jeunes de 18 à 24 ans, le ministre répond que ceux-ci préfèrent travailler. Lorsque le journaliste lui demande si ce n’est pas aussi le cas des bénéficiaires du RSA de plus de 25 ans, le silence désemparé du ministre de l’économie, des finances et de la relance est éloquent, comme une forme de démonstration…

Sortons du conservatisme. Mettons enfin en œuvre les concepts que l’on affectionne d’ordinaire au sein du Gouvernement : le « bon sens », le « pragmatisme » ! Face à une situation exceptionnelle, il faut une réponse nouvelle. Sortons des discours habituels, qui ne correspondent plus à la réalité.

On ne peut pas faire le constat qu’il est dur d’avoir 20 ans en 2020 et « en même temps » ne rien faire, ou si peu… De même, on ne peut pas demander aux jeunes de s’intégrer dans la société et ne pas leur en donner les moyens. Ce serait du cynisme, et personne ici n’est cynique !

En ouvrant les droits du revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans, la proposition de loi de Rémi Cardon et du groupe SER répond à une demande répétée des organisations de jeunesse, des syndicats, des associations de solidarité et de nombreux élus locaux. Je vois même que les discours commencent timidement à changer à droite.

Je le rappelle, aujourd’hui, si vous êtes étudiant, avez moins de 25 ans, ne travaillez pas et n’avez pas de bourse, vous n’avez droit à aucune aide sociale !

Ce que nous proposons, ce n’est pas un « horizon pour la jeunesse », c’est un socle pour lui permettre de construire ses perspectives.

Vous nous parlez d’« assistanat », de « risque d’encourager la paresse ». Pourtant, les travaux de la prix Nobel d’économie Esther Duflo démontrent exactement le contraire de tels poncifs : « Jusqu’à présent, aucune recherche n’a mis en évidence d’effet désincitatif des aides sociales sur le travail. Mais on continue de l’affirmer. Cette vision du danger de l’assistanat est tellement forte, elle conditionne tellement le discours et les pratiques politiques, qu’il est urgent de rétablir la vérité scientifique et humaine. » (M. Jérôme Bascher sexclame.) Écoutons-la ! Cessons d’opposer de manière idéologique aide sociale et recherche d’un emploi ! Inscrivons-nous plutôt dans le réel !

Avec l’ensemble des parlementaires de gauche, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, nous ne manquons pas d’idées pour lutter contre la précarité des jeunes : minimum jeunesse d’au moins 500 euros par mois, revenu de base ouvert dès 18 ans, revenu d’existence dès la naissance dont l’épargne formerait à 18 ans une dotation en capital…

Est-ce que cela coûte cher ? En tout cas, moins que la baisse des impôts de production des entreprises !

M. Patrick Kanner. Le coût de cette baisse, c’est 10 milliards d’euros !

M. Rémi Féraud. Et ce ne sont pas les pistes de contribution justes qui manquent, à commencer par le rétablissement d’un impôt sur la fortune !

Avec cette proposition de loi, notre volonté est d’avancer sans délai, car nous sommes clairement dans un état d’urgence sociale. C’est la première pierre d’une politique d’aide à la jeunesse.

J’en ai la conviction : si nous ne saisissons pas l’occasion d’avancer aujourd’hui, la nécessité s’imposera demain. Pourquoi attendre ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je salue Rémi Cardon, auteur de cette proposition de loi, ainsi que l’ensemble du groupe SER, à commencer par son président, Patrick Kanner. Cette initiative a le mérite de lancer le débat.

Ainsi que plusieurs orateurs l’ont souligné, de nombreux jeunes sont dans une situation très difficile. Nous sommes souvent interpellés sur le terrain. « Qu’allez-vous faire pour les jeunes ? » est une question que nous entendons régulièrement.

Dans mon département, les Ardennes, les difficultés sociales sont – hélas ! – importantes. Les problématiques d’emploi et d’avenir des jeunes y sont particulièrement prégnantes.

Cela a été rappelé, de nombreux jeunes étudiants « galèrent ». Toutefois, il n’y a pas qu’eux : le problème se pose aussi, par exemple, pour de nombreux retraités ; ne les oublions pas. Beaucoup de personnes seules aussi sont malheureusement en difficulté.

Je salue le travail de fond qui est mené sur ces questions au sein de la commission des affaires sociales, dont j’ai été membre entre 2007 et 2014.

Permettre aux jeunes d’avoir accès au RSA dès l’âge de 18 ans peut sembler une idée intéressante. Cependant, comme souvent, nous sommes confrontés à un dilemme. En effet, et je parle sous le contrôle de Claude Raynal, le président de la commission des finances, l’examen du projet de loi de finances pour 2021 et les quatre collectifs budgétaires depuis le début de la crise sanitaire auxquels il faisait suite ont mis en lumière l’importance des enjeux financiers.

En l’occurrence, nous parlons de réalités humaines. Priorité au volet humain. Je partage pleinement cette exigence, dont nous sommes tous conscients. Les situations humaines qui découlent de la crise sanitaire sont particulièrement difficiles, toutes catégories sociales confondues.

L’État reste le premier partenaire des collectivités territoriales, notamment dans le cadre des missions « Travail et emploi » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Nous connaissons tous la situation financière très délicate des départements et la question de leur autonomie, du fait notamment du RSA. Je peux comprendre que le volet social demeure une priorité, mais il faut faire le lien entre l’État et les départements.

Différents ministères doivent être mobilisés. Je pense notamment au ministère de l’éducation nationale. Nous avons beaucoup insisté sur la formation professionnelle, l’apprentissage, l’insertion et l’orientation des jeunes. Il me semble important de susciter chez ces derniers l’envie d’exercer certains métiers.

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas cette proposition de loi.

Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer.

Mme Agnès Canayer. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus qu’un filet, il nous faut un tremplin.

Le réseau transpartisan des missions locales, que je remercie de son implication permanente, mobilise des élus de tous bords engagés pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ensemble, elles convergent vers l’idée qu’un système fondé uniquement sur le principe d’une allocation ne saurait répondre aux besoins de notre jeunesse. Les attentes des jeunes sont simples : ils veulent être accompagnés dans leur dynamique d’insertion pour accéder à une situation stable et durable dans l’emploi et, plus largement, dans la société.

Cette proposition de loi prévoit, quant à elle, d’abaisser le critère d’âge d’éligibilité au revenu de solidarité active. Force est de constater que ses auteurs s’inscrivent dans la perspective de l’instauration d’un revenu universel, ce qui n’est pas une solution.

S’il faut prendre à bras-le-corps la thématique de la précarité de la jeunesse française, il n’est pas possible de se contenter du simple « filet de sécurité sociale minimal » que vous nous proposez aujourd’hui.

Dans un contexte de relance économique instable et particulièrement perturbée par la crise sanitaire que nous traversons, cette proposition de loi ne vise qu’à élargir le champ d’éligibilité de l’allocation du RSA. Or seul un accompagnement permettra aux jeunes de définir leur projet, de regagner en estime de soi et, in fine, de trouver leur place dans la société.

La garantie jeunes, que le plan « 1 jeune, 1 solution » prévoit d’élargir pour une meilleure insertion, permet déjà d’accompagner financièrement, mais aussi matériellement, les jeunes en situation de précarité.

Pour chaque jeune âgé de 16 à 25 ans, une procédure alliant expériences professionnelles, conseils, ateliers collectifs et versement d’une allocation permet d’apporter une véritable réponse à leur situation.

Avec un montant équivalent à celui du RSA pour une personne seule, soit 497,01 euros par mois, la garantie jeunes permet de se construire un avenir moins précaire. L’extension de ce dispositif gagnant-gagnant et des moyens alloués au réseau des missions locales dans la loi de finances pour 2021 doit permettre de répondre à l’augmentation des jeunes en situation de précarité, les « NEET » – Neither in Employment nor in Education or Training.

De plus, face aux nouvelles attentes sociétales et à une crise sanitaire qui a révélé le manque de cohérence entre les échelons nationaux et locaux, la garantie jeunes témoigne d’une volonté d’impliquer les acteurs locaux dans les thématiques de l’emploi. La proximité des acteurs et l’idée de partenariat sont des atouts pour les jeunes. Donner pour donner n’apportera ni réponse ni solution aux maux de la jeunesse.

Aujourd’hui, il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un travail ; il faut accompagner les jeunes à travers des politiques d’insertion.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, qui se contente d’un accompagnement financier, ne suffit pas et ne s’attaque pas de la bonne manière aux problèmes d’aujourd’hui. Elle n’offre qu’une compensation, mais ne propose pas une solution.

En tant que présidente d’une mission locale, je crois profondément à ces structures qui portent les valeurs du travail, du mérite et de la nécessité d’aider chaque jeune qui veut s’en sortir. Nous devons aujourd’hui envisager d’étendre les critères d’éligibilité de la garantie jeunes. Quel intérêt aurions-nous à créer un doublon, si ce n’est pour enterrer ce dispositif, procédé le plus adapté pour répondre à l’inactivité des jeunes précaires et qui permet d’offrir une réponse à long terme ?

Souhaitant réellement un accompagnement, et non une simple allocation, le groupe Les Républicains votera contre cette proposition de loi.

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme le président. La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans

Chapitre Ier

Des droits nouveaux à partir de 18 ans

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Article 2 (début)

Article 1er

Le 1° de l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« 1° Être âgé de plus de dix-huit ans ou être émancipé tel que prévu aux articles 413-1 à 413-4 du code civil ; ».

Mme le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.

Mme Esther Benbassa. Cette proposition de loi sur laquelle nous allons nous prononcer est sans aucun doute une mesure créatrice de droits sociaux, mais elle est aussi, pour nombre de jeunes Français, une bouée de sauvetage.

Ces jeunes, pourtant plus diplômés et plus qualifiés que les générations précédentes, sont souvent paradoxalement plus précaires, selon certaines études. Selon le rapport de l’Observatoire des inégalités paru le 26 novembre dernier, entre 2002 et 2018, le taux de pauvreté des jeunes a presque doublé, passant de 8 % à 13 %.

De surcroît, la crise sanitaire que nous traversons est venue aggraver les choses. Précarité, pauvreté, isolement et dépression : son impact sur les jeunes est impitoyable.

Ainsi, en 2020, selon les chiffres de l’Insee, le taux de chômage des moins de 25 ans s’élève à 21,8 %, et plus de 20 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Ces jeunes, qui n’ont pas travaillé assez pour toucher l’allocation chômage, recherchent actuellement un emploi. De surcroît, avec le couvre-feu, ils ne peuvent plus travailler le soir, notamment dans la restauration rapide ou en faisant du baby-sitting.

C’est pourquoi l’ouverture du revenu de solidarité active dès 18 ans est une mesure indispensable en direction de cette jeunesse, qui souffre énormément de cette crise et qui ne cesse chaque année de plonger dans la précarité. Dans ce domaine, la France est actuellement l’un des pays à la législation la plus restrictive en Europe.

Cette proposition de loi est donc une innovation utile, que mon groupe soutient avec enthousiasme.

Mme le président. La parole est à M. Thierry Cozic, sur l’article.

M. Thierry Cozic. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer l’initiative de Rémi Cardon : cette proposition de loi intervient au moment où elle est la plus nécessaire.

Elle est nécessaire, car, pour les jeunes actifs recherchant un emploi, la crise qui s’annonce, avec la contraction de l’emploi, notamment de l’intérim et des petits boulots, accroîtra fortement les situations de pauvreté et creusera inévitablement les inégalités.

Elle est nécessaire, car les jeunes âgés de 18 à 29 ans présentent un taux de pauvreté monétaire quatre fois supérieur à celui des personnes âgées de plus de 60 ans : 13 % pour les premiers, contre 3 % pour les seconds en 2017, selon l’Insee.

Elle est nécessaire, car les 18-29 ans représentent la tranche d’âge dont le taux de pauvreté a le plus progressé ces dernières années, avec une hausse de près de 50 % depuis 2002.

Face à ce constat, comment ne pas voir le drame qui se profile ? Veut-on une jeunesse désorientée et sacrifiée pour notre pays ? Selon une étude menée par la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE) et l’Ipsos, 64 % des jeunes âgés de 18 à 24 ans présentent une détresse psychologique et 23 % ont des pensées suicidaires. En ce sens, les récentes tentatives de suicide de plusieurs étudiants ne peuvent malheureusement que nous alerter : ce sont les prémices d’une crise profonde frappant notre jeunesse.

Personne ne pense que notre proposition est la solution, mais, face à l’urgence, c’est une solution. Vous le savez, mes chers collègues, la relance n’interviendra pas avant 2022. Penser que ces jeunes trouveront leur salut par le travail est donc illusoire au regard des prévisions des organes économiques français.

Parlant des jeunes, Pierre Mendès-France déclarait : « Leur soutien est ce que j’ai de plus précieux. » C’est aujourd’hui à nous de soutenir cette jeunesse, car elle est notre bien le plus précieux, l’avenir de ce pays.

Voter cette proposition de loi, c’est donner les moyens à notre jeunesse de ne pas sombrer dans la grande pauvreté. C’est aussi lui donner les moyens de pouvoir se former ou envisager l’avenir sans se soucier de ses moyens de subsistance les plus primaires. C’est enfin lui permettre d’envisager un futur moins nuageux que celui que l’on veut bien dépeindre. C’est tout simplement lui permettre de croire en des lendemains plus sereins. Cela n’a pas de prix, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.

M. Patrick Kanner. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic. Il s’impose à nous.

Plus de vie sociale, plus de vie affective, plus d’argent : tel est aujourd’hui le sort qui frappe plus d’un million de nos concitoyens âgés de moins de 25 ans. Nous considérons qu’il faut trouver une solution d’urgence, comme plusieurs de mes collègues l’ont expliqué.

Je mets fin tout de suite à la petite musique qui laisserait entendre qu’il y aurait d’un côté les vertueux, ceux qui croient au travail des jeunes, et de l’autre ceux qui sombrent dans le laxisme et l’appât du gain en proposant une allocation sociale de moins de 500 euros par mois…

La garantie jeunes, évoquée à plusieurs reprises, n’est malheureusement pas la solution. Ce dispositif, dont j’ai eu l’honneur d’être à l’initiative et que j’ai défendu comme ministre, s’adresse à un public très particulier, les NEET, c’est-à-dire des personnes sans emploi et sans formation. Ces dernières bénéficient d’un accompagnement très serré de la part des missions locales, dont je salue à mon tour le travail. Cela nécessite toutefois beaucoup de moyens et il me semble impossible de transformer la garantie jeunes en système universel : ce dispositif n’est pas fait pour cela.

Ce que nous proposons plus simplement, sur l’initiative de M. Cardon et de ceux qui ont accompagné le mouvement, notamment les associations de jeunesse, c’est une solution d’urgence facile à mettre en œuvre et finançable : 4 milliards d’euros à 5 milliards d’euros, dans le cadre du ruissellement de la dette que nous connaissons aujourd’hui, cela ne posera pas de difficultés.

Mes chers collègues, j’en appelle donc à votre responsabilité sur cet article 1er, qui détermine bien sûr le sort de l’ensemble de la proposition de loi.

Donnons aujourd’hui un espoir à notre jeunesse, en témoignant d’une volonté politique partagée. Chacun s’honorerait à ouvrir cette perspective. C’est dans cet esprit que le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain défend ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme le président. La parole est à M. Guy Benarroche, sur l’article.

M. Guy Benarroche. Sans grande surprise, le groupe GEST soutient cette proposition de loi.

En dehors des argumentaires économiques sur les aides sociales non contributives et leurs conditions d’attribution, c’est le principe même de l’absence de solidarité pour les jeunes de moins de 25 ans qui m’interpelle. Que ces jeunes étudient ou non, comment justifier leur exclusion du RSA ? Comment accepter, au pays de Bourdieu, le maintien d’inégalités entre ceux qui peuvent être soutenus financièrement par leurs familles et ceux dont les études pâtissent de l’obligation qu’ils ont de travailler pour se nourrir ?

On le sait, les jeunes sont toujours les premiers atteints par les crises économiques, la crise de 2008 comme celle qui découle aujourd’hui de la crise sanitaire. Elles freinent en particulier leur entrée sur le marché du travail. Dans ces conditions, comment oserons-nous leur demander d’attendre un peu pour bénéficier de la solidarité nationale ?

Je ne vous parlerai même pas des parcours chaotiques de certains jeunes et des dangers des effets de seuil, qui conduisent parfois à la sortie sèche du système de protection de l’enfance par exemple. La lutte contre la précarisation des jeunes ne devrait pas être un objet de discussions politiques entre partis ou de prises de position dans l’hémicycle. Ce devrait être un objectif commun et prioritaire !

À défaut d’une réflexion plus poussée sur le revenu universel – j’espère que nous serons amenés à en reparler –, il est nécessaire et urgent de voter cet article et cette proposition de loi. Le « quoi qu’il en coûte » ne doit pas laisser sur le bas-côté toute une génération ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.)

Mme le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, sur l’article.

Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai entendu beaucoup de choses dans cette discussion générale : cette proposition de loi reviendrait à « donner pour donner » ? Cette conception me semble franchement éloignée de toute réalité.

Quand nous aidons les entreprises à traverser la crise avec l’intention de les sauver, nous sommes dans la même situation ! Le « quoi qu’il en coûte » devrait-il valoir pour les uns, mais pas pour les autres ?

Que donne à voir le plan du Gouvernement « 1 jeune, 1 solution » ? Certes, il étend la garantie jeunes, mais, comme l’a fort bien expliqué Patrick Kanner, il s’agit d’un dispositif très particulier, destiné à un public en très grande précarité. Il faut conforter les missions locales. En demandant l’extension du RSA aux jeunes âgés de 18 à 25 ans, on ne s’oppose nullement au travail extraordinaire des missions locales : on ajoute simplement au dispositif existant un droit à se loger, à manger et à être considéré avec dignité ! On voit bien que la garantie jeunes n’est pas à la hauteur de la situation.

Le Gouvernement nous parle aussi du service civique. Sur ce point précis, monsieur le secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur un risque de dévoiement de cet outil, qui ne répondrait plus à un désir d’engagement de la jeunesse, mais qui prendrait la forme de petits boulots mal payés. Certains services publics recourent aujourd’hui à des jeunes en service civique au lieu d’embaucher des agents et des agentes. Attention, la volonté d’engagement et d’émancipation de la jeunesse ne doit pas se transformer en travail à moindre coût !

Le plan du Gouvernement comprend également des jobs étudiants. N’oublions pas que ceux-ci nuisent à la réussite des études de ceux qui ont le plus de difficultés.

L’extension du RSA aux jeunes de 18-25 ans, ce n’est pas la panacée, mais c’est une aide d’urgence. Bien entendu, d’autres solutions existent pour proposer un avenir d’émancipation à notre jeunesse ! (Applaudissements sur les travées des groupes GEST, SER et CRCE.)

Mme le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli, sur l’article.

M. Pascal Savoldelli. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention vaudra également explication de vote.

Cathy Apourceau-Poly l’a exprimé lors de la discussion générale : le vote de notre groupe sur ce texte est connu. Il sera entier, sincère et direct !

Un million de jeunes vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Je souhaite relever un autre chiffre : une personne sans domicile sur quatre est âgée de moins de 30 ans !

Le plan « 1 jeune, 1 solution », c’est très bien, monsieur le secrétaire d’État, mais, dans le département du Val-de-Marne, 5 000 jeunes viennent de tomber dans la pauvreté. Imaginez combien, parmi eux, n’ont pas de domicile !

Au cours du débat, on a parlé du travail des étudiants. Pourtant, 90 000 d’entre eux arrêtent leurs études pour des questions financières ! On nous reproche de vouloir offrir aux jeunes les minima sociaux comme horizon. Jamais personne n’a formulé une telle proposition ! Mes chers collègues, en particulier ceux de la majorité sénatoriale, avant la crise du covid, il y avait 5,6 millions de personnes au chômage, mais seulement 524 000 emplois à pourvoir, voulions-nous pour autant condamner 5 millions de personnes à des minima sociaux ?

Il faut analyser cette proposition non pas comme un dispositif, mais comme une réponse à l’urgence ! Après quatre PLFR, une loi de finances et un plan de relance, on peut s’autoriser cette dépense !

Il faudrait développer le travail des étudiants… Peut-être pour les élèves des grandes écoles, eux qui sont rémunérés ! Un étudiant de l’ENA touche ainsi durant ses études un salaire compris entre 1 400 euros et 2 144 euros nets par mois. C’est onze fois moins que ce que touche en moyenne un étudiant à l’université ! (Mme Cathy Apourceau-Poly marque son approbation.) Si les uns n’ont pas besoin de travailler, on retrouve en revanche parfois les autres aux Restos du cœur !

Le débat sur l’inconditionnalité des aides par rapport à la valeur travail traverse certes toutes les sensibilités politiques, y compris la gauche. Ce texte le fait resurgir. Nous devons poursuivre le débat et examiner toutes les propositions sur la table. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)

Mme le président. Je mets aux voix l’article 1er.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. (Exclamations sur les travées du groupe SER.)

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 54 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l’adoption 93
Contre 232

Le Sénat n’a pas adopté. (Marques de déception sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
Article 2 (fin)

Article 2

L’article L. 262-7-1 du code de l’action sociale et des familles est abrogé.

Mme le président. Je vais mettre aux voix l’article 2.

Si cet article n’était pas adopté, l’article 3, qui constitue le gage de la proposition de loi, deviendrait sans objet.

Je considérerais, si l’article 2 n’était pas adopté, qu’il n’y aurait plus lieu de mettre aux voix l’article 3 et l’ensemble de la proposition de loi.

Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur cet article et sur l’ensemble.

Personne ne demande la parole pour explication de vote ?…

Je mets aux voix l’article 2.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)

Mme le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 55 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 325
Pour l’adoption 93
Contre 232

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, l’article 3 n’a plus d’objet.

Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Article 2 (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans
 

8

Communication d’un avis sur un projet de nomination

Mme le président. En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010 838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis, lors de sa réunion de ce jour, un avis favorable – treize voix pour, une voix contre – à la nomination de Mme Laure de La Raudière à la présidence de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

9

Ordre du jour

Mme le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, jeudi 21 janvier 2021 :

De dix heures trente à treize heures et de quatorze heures trente à seize heures :

(Ordre du jour réservé au groupe Union Centriste)

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (texte de la commission n° 270, 2020-2021) ;

Proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, présentée par Mme Annick Billon et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 272, 2020-2021).

En outre, de dix heures trente à onze heures :

Scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République. Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des conférences.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,

le Chef de publication

ÉTIENNE BOULENGER