Sommaire
Présidence de M. Georges Patient
Secrétaires :
M. Loïc Hervé, Mme Corinne Imbert.
2. Communication relative à une commission mixte paritaire
3. Mises au point au sujet de votes
4. Bioéthique. – Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale :
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Clôture de la discussion générale.
Article 1er A (suppression maintenue)
Amendement n° 141 de M. Stéphane Ravier. – Devenu sans objet.
Amendement n° 108 rectifié ter de Mme Sylviane Noël. – Devenu sans objet.
Amendement n° 106 rectifié ter de Mme Sylviane Noël. – Devenu sans objet.
Amendement n° 126 de M. Daniel Salmon. – Rejet par scrutin public n° 62.
Amendement n° 85 de Mme Laurence Cohen. – Rejet par scrutin public n° 63.
Amendement n° 35 rectifié bis de Mme Élisabeth Doineau. – Rejet.
Amendement n° 151 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 81 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 39 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Rejet.
Amendement n° 16 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – Rejet par scrutin public n° 65.
Amendement n° 150 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 14 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – Adoption.
Amendement n° 86 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 152 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 153 de Mme Victoire Jasmin. – Retrait.
Amendement n° 99 rectifié bis de Mme Esther Benbassa. – Rejet.
Amendement n° 45 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Adoption.
Amendement n° 127 rectifié bis de M. Daniel Salmon. – Devenu sans objet.
Amendement n° 37 rectifié ter de Mme Élisabeth Doineau. – Devenu sans objet.
5. Mise au point au sujet d’un vote
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
6. Bioéthique. – Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Demande de seconde délibération
Demande de seconde délibération sur l’article 1er. – M. Alain Milon, président de la commission spéciale ; M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles.
Amendement n° 41 rectifié de M. Stéphane Le Rudulier. – Retrait.
Amendement n° 50 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 78 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 155 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 82 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 36 rectifié bis de Mme Élisabeth Doineau. – Rejet par scrutin public n° 68.
Amendement n° 154 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet par scrutin public n° 69.
Amendement n° 46 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Suspension et reprise de la séance
Mme Marie-Pierre de La Gontrie
Rejet, par scrutin public n° 70, de l’article modifié.
Article 1er bis A (suppression maintenue)
Amendement n° 128 de M. Daniel Salmon. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 29 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 114 rectifié de Mme Véronique Guillotin, 129 rectifié de M. Daniel Salmon et 156 de Mme Laurence Rossignol. – Devenus sans objet.
Amendement n° 115 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Devenu sans objet.
Amendement n° 87 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 20 rectifié quater de M. Dominique de Legge et 110 rectifié quater de Mme Sylviane Noël. – Devenus sans objet.
Amendement n° 18 rectifié bis de M. Dominique de Legge. – Devenu sans objet.
Amendement n° 157 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 8 rectifié bis de M. Jean-Marie Mizzon, 54 rectifié ter de M. Guillaume Chevrollier et 109 rectifié quater de Mme Sylviane Noël. – Devenus sans objet.
Amendement n° 158 rectifié de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 19 rectifié ter de M. Dominique de Legge. – Devenu sans objet.
Amendement n° 96 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendement n° 159 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Devenu sans objet.
Amendement n° 66 rectifié de M. Henri Leroy. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale
Amendement n° 131 rectifié de M. Daniel Salmon. – Rejet.
Amendement n° 116 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Rejet.
Amendement n° 28 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 160 de M. Yannick Vaugrenard. – Rejet.
Amendement n° 70 rectifié de M. André Reichardt. – Rejet.
Amendement n° 47 rectifié de M. Daniel Chasseing. – Rejet.
Amendement n° 162 de Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Georges Patient
vice-président
Secrétaires :
M. Loïc Hervé,
Mme Corinne Imbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 28 janvier 2021 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet.
Mme Annick Jacquemet. Monsieur le président, lors du scrutin n° 60 de la séance du 28 janvier 2021, MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bonnecarrère, Vincent Delahaye, Loïc Hervé, Jean Hingray, Pierre-Antoine Levi et Jean-Marie Mizzon ont voté contre, Mme Jocelyne Guidez ainsi que MM. Philippe Folliot et Jacques Le Nay se sont abstenus, alors que tous souhaitaient voter pour.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
4
Bioéthique
Discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (projet n° 686 rectifié [2019-2020], texte de la commission spéciale n° 281 rectifié, rapport n° 280).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens en préambule à vous communiquer le regret sincère du ministre des solidarités et de la santé. Retenu à l’Assemblée nationale, il ne peut assister à ce nouvel examen du projet de loi relatif à la bioéthique.
M. André Reichardt. Ce n’est pas le moment !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je sais que, comme chacun d’entre nous, il ne peut se résoudre à ce que les circonstances actuelles, que nous connaissons et qui nous mobilisent tous, empêchent ou retardent cet examen.
Il y a l’urgence du quotidien, évidemment liée à l’épidémie de coronavirus, mais il y a aussi des sujets qui doivent continuer à avancer, des questions fondamentales qu’il ne faut pas esquiver, des projets qui, parce qu’ils redéfinissent notre rapport, non seulement au possible, mais aussi au faisable, au souhaitable, nécessitent toute notre attention. Le projet de loi de bioéthique est de ceux-là.
Bien avant le choc auquel nous faisons face, le Parlement s’était emparé des enjeux immenses qui jalonnent ce texte – un texte décidément bien à part. Je sais que, pour certains d’entre vous, comme pour d’autres qui, dans la société civile, suivent nos débats, la procédure parlementaire fait parfois paraître le temps long. Mais, s’agissant de ce projet de loi, c’est évidemment loin d’être du temps perdu ! Bien courageux celui qui dirait regretter les semaines, les mois consacrés à cet objet et à ces sujets hors normes.
Au-delà des clivages, des oppositions, bien sûr légitimes et utiles en démocratie, le projet de loi relatif à la bioéthique mobilise des convictions intimes sur des questions dépassant les appartenances militantes. Que cela soit d’ailleurs, pour moi, l’occasion de saluer la très grande qualité des échanges ayant eu lieu, jusqu’à présent, en commission et dans cet hémicycle. Nous avons tous constaté et partagé de l’intérêt, des interrogations sincères, des doutes légitimes… Au pays de Descartes, voilà bien des outils indispensables pour aboutir à un texte mesuré, capable de dessiner les équilibres dont notre société a besoin.
Comme secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, comme citoyen, peut-être aussi comme père de famille, j’accorde depuis sa genèse à ce texte une attention toute particulière, tant les enjeux autour de l’intérêt des enfants, de la reconnaissance de la diversité et de l’égalité des modèles familiaux y sont prégnants.
Certains des nombreux sujets que nous allons à nouveau évoquer ont récemment été abordés dans d’autres textes. Je citerai à cet égard le projet de loi de financement de la sécurité sociale, que vous avez débattu et adopté à l’automne dernier, ou encore la proposition de loi portée par la députée Monique Limon et visant à réformer l’adoption, que vous aurez l’occasion d’examiner prochainement.
Ces initiatives, ces approfondissements montrent bien à quel point ce texte sur la bioéthique est attendu. Le travail que vous avez vous-mêmes fourni au travers de vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, le rappelle également.
Les divergences de vues sont connues, mais elles n’empêcheront pas le débat d’avoir lieu. C’est ce que nous devons, bien évidemment, à nos concitoyens : leurs attentes – comment ne pas les mesurer ? – sont immenses et c’est notre responsabilité collective que de leur apporter des réponses fortes. À la fragilité des situations, nous devons répondre par la robustesse du droit. Aux difficultés de certaines expériences vécues, nous devons répondre par la compréhension, par la bienveillance, mais surtout par le cadre rassurant de la loi.
Obtenir l’unanimité sur un texte si fondamental est probablement un vœu pieux, et les divergences la règle. Il ne faut pas nous en inquiéter et croire que cela empêchera d’aboutir à un équilibre.
Bien au contraire, conservons l’état d’esprit qui nous a animés jusqu’à maintenant. Cet état d’esprit a conduit le Gouvernement à laisser systématiquement le temps, à chaque chambre, à chaque parlementaire, de débattre et modifier le texte. À chaque étape, il a pris en compte ces modifications : certaines posent des questions techniques, d’autres des questions plus politiques.
Dans le cadre de cette seconde lecture, le Gouvernement a souhaité déposer des amendements sur les éléments que nous considérons comme des marqueurs, des limites à ne pas franchir, à nos yeux, pour garantir l’équilibre de ce projet de loi. Nous aurons, avec le garde des sceaux, avec la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation l’occasion d’y revenir aussi longuement que nécessaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’équilibre, l’équilibre, et encore l’équilibre : c’est l’horizon que dessine ce texte ! Il n’y a pas, d’un côté, les partisans de principes intangibles et, de l’autre, les promoteurs d’avancées sociales incontrôlées. Chacun examine ce texte avec sa sensibilité, avec son histoire personnelle et, surtout, avec l’idée qu’il se fait de l’intérêt général. Il n’en faut pas plus pour que le projet de loi relatif à la bioéthique soit à la hauteur de ses promesses ; il n’en faut pas moins non plus !
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous présenter, aux côtés de mes collègues Adrien Taquet et Frédérique Vidal, et pour une seconde lecture, ce projet de loi relatif à la bioéthique.
Le Sénat avait déjà eu l’occasion d’en discuter, voilà tout juste un an, en première lecture. Je sais que les échanges avaient été d’une grande qualité et qu’ils sont, à ce titre, une voie à suivre pour les prochains jours.
Je voudrais tout d’abord rappeler que le texte dont nous allons débattre n’a pas pour objet de réformer le droit de la filiation…
M. André Reichardt. Tout de même !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Ce sont les conséquences des choix faits en matière de bioéthique qui nous amènent à traiter de la filiation.
L’article 4, en particulier, tire précisément les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de nouveaux droits reconnus aux femmes, qu’elles vivent ou non en couple : celui de recourir à l’assistance médicale à la procréation (AMP) et d’être reconnues mères de l’enfant dès sa naissance.
C’est là un progrès considérable dans le long cheminement vers l’égalité des droits que de permettre à des familles d’être reconnues pleinement par la loi. Elles l’attendaient depuis longtemps.
D’ailleurs, ce même article 4 consacre, par un nouvel article 6-2 du code civil, l’égalité complète de tous les enfants, indépendamment, bien sûr, de leur mode de conception.
Je sais que certains d’entre vous sont plus réservés sur la question car ils craignent que cette loi ne vienne affaiblir un modèle plus traditionnel de la famille, auquel ils sont attachés et qu’ils pensent menacé. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Je veux leur dire que je respecte leurs convictions, qu’elles soient morales, éthiques ou religieuses.
Mais je veux leur dire aussi, simplement, que la loi n’est pas à l’origine des évolutions de la société et de la famille.
Aussi, l’article 4 du projet de loi n’ouvre pas la porte à de nouvelles pratiques. Au contraire, il donne des droits et apporte de la sécurité juridique, tant aux mères qu’aux enfants, à des familles qui existent et grandissent déjà bel et bien.
En effet, il s’agit de protéger les mères, à commencer par celle qui n’a pas accouché de l’enfant, mais aussi celle qui a accouché de l’enfant et qui, demain, pourra compter sur sa compagne, en cas de séparation, pour assumer l’éducation et l’entretien de ce dernier ; il s’agit surtout de protéger l’enfant contre le risque qu’une séparation ne le prive définitivement de l’une des mères l’ayant élevé.
À cette fin, l’Assemblée nationale a voté un dispositif simple et efficace : au moment de consentir à la démarche de procréation médicalement assistée (PMA), les deux femmes feront devant notaire une reconnaissance conjointe qui consacrera leur projet parental commun.
Le lien de filiation restera établi du fait de l’accouchement, pour la mère qui porte l’enfant.
À l’égard de l’autre mère, il s’établira par la présentation à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe, lors de la déclaration de naissance de l’enfant. Ce dispositif est aussi proche que possible de celui qui s’applique aux couples formés d’un homme et d’une femme, sans être une discrimination : l’égalité des droits est assurée et les démarches à accomplir n’imposent pas plus de formalités que celles qui sont requises pour un couple formé d’un homme et d’une femme.
Je me réjouis donc que votre commission spéciale ait maintenu ce dispositif, et qu’elle n’ait pas retenu le mécanisme de l’adoption pour la seconde mère. Même si, à la lecture de certains amendements déposés et de l’avis de la commission, j’imagine que la discussion sur ce sujet n’est pas tout à fait close.
J’en viens maintenant à l’article 4 bis du projet de loi. Il existe, certes, un lien entre la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui (GPA), puisque l’une et l’autre supposent l’utilisation de techniques d’assistance médicale à la procréation. Néanmoins, comme vous le savez, la GPA est interdite en France depuis 1994.
On ne peut toutefois nier que, pour contourner cette interdiction, certains enfants sont conçus par GPA à l’étranger.
MM. Roger Karoutchi et Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Sido. Ils existent !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. … n’ont enfreint aucune règle. Pourquoi n’auraient-ils pas, eux aussi, le droit de bénéficier d’un cadre juridique sécurisant ?
M. Bruno Sido. Ce n’est pas faux !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. La Cour européenne des droits de l’homme nous impose d’ailleurs de permettre l’établissement du lien de filiation entre l’enfant et ses parents d’intention, dès lors que ce lien s’est concrétisé.
Depuis un revirement de jurisprudence de décembre 2019, la Cour de cassation admet toutefois que les actes de naissance des enfants conçus par GPA à l’étranger soient transcrits sans aucun contrôle, ni de l’intérêt de l’enfant ni des conditions dans lesquelles la mère porteuse a renoncé à ses droits. Certains avancent que, dans certains pays, cela se passe très bien, mais que, dans d’autres, les conditions de la GPA sont nettement plus discutables.
Je refuse d’entrer dans ce débat : l’interdit de la GPA reste une ligne rouge pour le Gouvernement, qui souhaite revenir à l’état de la jurisprudence antérieur à ce revirement de 2019. Ni plus ni moins.
M. André Reichardt. Je suis d’accord !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Votre commission a adopté une rédaction visant cet objectif, qui impose de passer par l’adoption pour établir le lien de filiation à l’égard du parent d’intention. Toutefois, la formulation retenue ne permet pas d’établir le lien de filiation quand l’adoption est impossible. Cette rédaction risque de mettre la France en difficulté au regard de ses engagements internationaux.
C’est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement afin de revenir à l’article 4 bis tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Cette rédaction permet, elle aussi, un retour à l’ancienne jurisprudence, équilibrée, de la Cour de cassation, tout en étant conforme à la jurisprudence européenne. Elle présente en outre l’avantage d’avoir une portée plus large que la gestation pour autrui : elle permet de s’opposer aux transcriptions d’actes d’état civil qui seraient contraires aux règles françaises pour d’autres raisons.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, ce dont nous allons discuter est la traduction d’un travail commun de longue haleine, qui doit pouvoir illustrer notre capacité à avancer ensemble sur ces sujets complexes et, ainsi, à offrir à tous les enfants des droits identiques, en donnant également à leurs parents les mêmes droits, mais aussi – j’insiste sur ce point –, les mêmes devoirs. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, nous sommes à nouveau réunis aujourd’hui pour débattre du projet de loi relatif à la bioéthique.
Ce rendez-vous périodique du droit, de la science et de la société, si propre à la France, est à mes yeux l’un des temps forts de notre vie démocratique. Dans un moment où tout s’accélère – le rythme des découvertes, la diffusion des innovations technologiques, les mutations de notre société –, il nous permet de reprendre notre souffle et de regarder si ce que nous pouvons est en accord avec ce que nous voulons.
Lorsque nous avons présenté pour la première fois ce texte à la Haute Assemblée, voilà un peu plus d’un an, nous étions à l’aube d’une crise sanitaire majeure.
Par-delà les épreuves et les pertes qu’elle nous inflige, cette épidémie a beaucoup à nous apprendre, en particulier sur les relations entre la science, la société et le politique. Au cours des dix derniers mois, les avis des scientifiques, les attentes des citoyens et les choix des décideurs n’ont pas toujours coïncidé ; de multiples conflits éthiques ont surgi à leurs frontières, entre libertés individuelles et santé publique, entre protection des plus vulnérables et émancipation de la jeunesse, entre péril sanitaire et risque économique, entre maux du corps et maux de l’esprit. Autant de dilemmes complexes, qu’il a fallu trancher dans l’urgence, et qui ont révélé en creux la nécessité d’un dialogue plus continu, plus éclairé, plus ouvert entre décideurs, citoyens et chercheurs.
Nous avons aujourd’hui l’occasion, au travers de la révision de la loi de bioéthique, de tirer les premières leçons de cette crise, preuve, s’il en est, de la nécessité de pouvoir faire avancer ce débat dans les prochains jours au Sénat.
Ce texte, j’insiste également sur ce point, est résolument tourné vers nos chercheurs, dont je veux saluer ici l’extraordinaire mobilisation au cours des derniers mois. Le titre IV, en particulier, dont nous aurons l’occasion de débattre dans les prochains jours, porte des engagements forts envers la communauté scientifique.
En votant, au mois de novembre, la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche, vous avez permis un réarmement financier sans précédent de notre recherche. Vous avez permis un renforcement des dispositions relatives à l’intégrité scientifique comme à la liberté académique dans les laboratoires et les universités.
Avec la loi de bioéthique, vous garantissez à nos chercheurs les meilleures conditions d’exercice de cette recherche. Une recherche libre, responsable et innovante, mais définie et encadrée par une loi exigeante. Une recherche libre de défricher des terrains vierges, de produire des connaissances et des solutions nouvelles. Une recherche dotée du cadre juridique lui permettant de repousser une fois encore la frontière des connaissances, au service du plus grand nombre. Une recherche responsable devant les citoyens des démarches qu’elle aura conduites, des routes qu’elle aura empruntées, dans le respect du cadre que la Nation lui aura fixé.
Nous savons combien ce chemin est étroit, combien la limite est ténue entre le risque de sacrifier nos valeurs les plus fondamentales à une quête effrénée de connaissances et celui de priver des malades de thérapies innovantes au profit de craintes infondées, de préjugés tenaces ou de connaissances périmées. Il s’agit non pas de signer un chèque en blanc, comme un saut dans l’inconnu, mais, en responsabilité, de faire confiance à nos chercheurs, à leur intégrité, à leur souci de l’intérêt général, et ce dans le cadre d’obligations et d’interdits clairement explicités.
C’est bien à cet équilibre délicat que nous sommes parvenus au sein de ce texte, à force de dialogue, d’écoute et de concertation avec nos chercheurs. Il est proposé de modifier la cartographie de quatre domaines de recherche majeurs, pour ajuster leurs frontières à l’état des connaissances, à l’avancée des techniques et à l’évolution de notre échelle de valeurs.
Commençons par celui de la recherche sur l’embryon.
Les lignes rouges qui fondent notre cadre national en la matière sont réaffirmées : la création d’embryons à des fins de recherche reste interdite, ce qui signifie que seuls les embryons issus de démarches d’AMP et ne faisant plus l’objet d’un projet parental peuvent être utilisés dans le cadre de travaux scientifiques.
Le clonage et la modification génétique d’embryons voués à être réimplantés demeurent prohibés, ce qui coupe court à toute tentative de thérapie génique de l’embryon et à toute transmission à la descendance d’un patrimoine génétiquement modifié.
Par ailleurs, au regard de l’avancée des techniques, il est devenu nécessaire de poser de nouvelles limites : le texte propose ainsi de fixer la durée d’observation des embryons faisant l’objet de recherche à quatorze jours, soit avant le début de l’organogénèse.
La recherche sur l’embryon est porteuse d’immenses espoirs : en nous donnant accès à la compréhension des mécanismes de développement et de différenciation cellulaire, elle ouvre la voie au traitement de pathologies responsables de grandes souffrances, physiques et psychiques, comme l’infertilité ou le cancer.
Pour aller plus loin dans l’analyse de ces processus, nos chercheurs ont besoin de mieux appréhender le rôle des gènes. C’est la raison pour laquelle le texte ménage de nouvelles ouvertures à ces travaux. Il est notamment proposé d’autoriser l’utilisation, sur ces embryons surnuméraires, des technologies d’édition du génome récemment mises en lumière par le prix Nobel décerné à Emmanuelle Charpentier.
J’espère vous convaincre durant nos échanges que les promesses en germe dans ces recherches ne peuvent être sacrifiées pour protéger l’intégrité d’embryons qui, je le rappelle, sont destinés à être détruits. Trop de cancers pédiatriques résistent aujourd’hui à toute tentative de traitement, faute d’une compréhension fine des dysfonctionnements de la différenciation cellulaire. Trop d’avancées scientifiques majeures pour les prochaines décennies, notamment dans le domaine de la santé, peuvent nous être rendues impossibles en France sans une adaptation de notre droit de la bioéthique.
Tout aussi prometteuse est la recherche sur les cellules souches pluripotentes.
Chacun se représente la révolution scientifique qui a conduit à la découverte de ces cellules voilà une dizaine d’années. Dans l’esprit d’équilibre qui le caractérise, le texte tend, là aussi, à créer de nouvelles ouvertures et poser de nouvelles limites.
D’une part, il est envisagé de distinguer le régime de la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines du régime de la recherche sur l’embryon, dans la mesure où les travaux conduits aujourd’hui dans les laboratoires français reposent majoritairement sur des lignées dérivées voilà plus de vingt ans et ne nécessitent donc pas d’intervention sur un embryon.
D’autre part, le texte prend acte de l’innovation que représente la création des cellules souches pluripotentes induites, cellules différenciées ramenées à un stade de pluripotence. Sans pouvoir prétendre remplacer les cellules souches, elles ont la capacité de se transformer en une grande diversité de cellules du corps humain, notamment en gamètes, ce qui nous amène à vous proposer d’encadrer davantage les travaux dont elles font l’objet.
Le troisième terrain d’expérimentation dont s’empare le texte est celui des chimères.
Nous ne pouvons ignorer combien le débat sur ce sujet est captif de représentations et de mythes, traversant toute notre culture et hantant nos imaginaires. Si ces mythes ont toute leur place dans la littérature et les beaux-arts, nous ne pouvons en revanche pas les laisser s’inviter dans une discussion sur la bioéthique.
Permettez-moi donc d’en revenir aux faits, rien qu’aux faits.
Dans le champ de la recherche, le mot « chimère » recouvre des réalités très différentes, qui ne soulèvent pas les mêmes questionnements éthiques. Le projet de loi propose donc de sortir de ce flou, en interdisant explicitement la création d’embryons chimériques résultant de l’adjonction de cellules animales dans l’embryon humain. Cette clarification permet de fermer sans ambiguïté une voie, tout en ménageant la possibilité d’une autre approche, consistant à ajouter, dans un embryon animal, des cellules souches humaines, embryonnaires ou induites.
Ces modèles animaux sont d’une grande pertinence pour améliorer le potentiel thérapeutique des cellules pluripotentes. Je regrette donc que la commission revienne sur cette ouverture si prometteuse pour les chercheurs et les patients, alors même, je le rappelle, que la création de ces chimères ne permet en aucun cas de franchir la barrière des espèces. Il s’agit, non pas de mélanger des matériels génétiques, mais bien d’injecter des cellules humaines dans un embryon animal. Il s’agit, non pas de créer des animaux dotés de facultés humaines ou des organes humains adaptés à la greffe, mais bien d’observer, in vivo, les mécanismes de différenciation cellulaire que l’on ne peut étudier dans l’embryon humain au-delà de quatorze jours, comme le prévoit ce projet de loi.
Ce qui sera en jeu dans les prochains jours au sein de cet hémicycle sera la recherche du meilleur équilibre possible entre le respect dû au caractère particulier de l’embryon humain et le besoin d’améliorer nos connaissances, au service des patients. Or les modèles animaux sont parfois les seuls à pouvoir apporter des réponses.
Pour terminer, je voudrais évoquer la contribution des citoyens à l’avancée des connaissances.
C’est un enjeu majeur, tant pour les sciences participatives que pour la médecine du futur. Je songe notamment à la réutilisation des échantillons issus du soin à des fins de recherche.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à bien des égards la révision des lois de bioéthique est un travail d’équilibriste, qui balance entre les libertés individuelles et le bien commun, le court et le long termes, le respect d’un corps jamais réductible à une chose et l’exercice d’une volonté de connaître qui participe, elle aussi, de notre dignité. C’est un travail d’arpenteur, traçant les lignes de démarcation entre ouverture et dérive, audace et témérité, progrès et emballement.
Je ne doute pas que le même esprit, qui a déjà animé nos débats passés, animera nos échanges à venir. C’est à cette condition que nous pourrons inscrire dans notre droit un texte à la hauteur des enjeux et des attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne dispose que de quelques minutes pour vous présenter l’état de ce projet de loi de bioéthique après la deuxième lecture à l’Assemblée nationale, s’agissant, évidemment, des articles que j’ai rapportés, c’est-à-dire les articles relatifs à l’assistance médicale à la procréation et à ses conséquences.
Ces quelques minutes sont trop brèves, comme vous vous en doutez… J’aborderai donc ces sujets au fil du débat, de l’examen des articles et des amendements, en vous indiquant la position de la commission et, parfois aussi, ma propre position.
Je dois dire néanmoins que, pour ce qui concerne ces articles, la deuxième lecture à l’Assemblée nationale est assez décevante. Le travail que nous avons réalisé au Sénat n’a effectivement pas été repris, ou alors dans des proportions infimes.
Je ne prétends pas que le travail que nous effectuons au Sénat soit meilleur que le travail produit à l’Assemblée nationale.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Il l’est !
M. Roger Karoutchi. Il n’y a pas de comparaison possible !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Mais une loi de bioéthique est une loi « de société », et je prétends que les opinions exprimées au Sénat ont autant de valeur que celles qui le sont à l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. André Reichardt. C’est vrai !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les États généraux de la bioéthique, qui ont précédé l’établissement de ce projet de loi, ont démontré que les fractures étaient grandes dans la société et les opinions diverses sur tous ces sujets. L’avis du Comité consultatif national d’éthique, présidé par le professeur Delfraissy, indique aussi expressément que les positions divergeaient au sein même de cet organe et qu’il n’y avait pas unanimité sur ces sujets.
Aussi me semble-t-il important que l’intégralité de ces opinions soient reprises dans ce texte « de société », sauf à vouloir conserver les fractures au sein de la société.
Je suis navrée que nos collègues députés n’en aient pas tenu compte en seconde lecture. Je dois le dire, madame, messieurs les ministres, malgré les propos que vous avez tenus, ce fut bien souvent avec l’aval du Gouvernement.
Cela étant, mes chers collègues, nous devrons prendre des décisions, même si, malheureusement, elles ne sont guère prises en compte, sur de nombreux sujets délicats : l’extension de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules ; la filiation qui en découlera – ce n’est pas un mince sujet ; la levée de l’anonymat du donneur de gamètes pour les enfants issus du don. D’autres thèmes se sont invités dans le débat à l’occasion du dépôt des amendements, comme le transfert d’embryons post mortem, dont nous avions déjà longuement débattu.
Ces sujets, je crois que nous pouvons les résumer en une seule proposition : quelle idée de l’homme nous faisons-nous ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Et de la femme ! (Murmures prononcés sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Si les progrès scientifiques – qui sont, je crois, la raison d’être de ces lois de bioéthique – font la grandeur de l’homme, ils ne doivent pas, selon moi, nous éblouir au point de nous faire oublier ce point : il nous faut conserver ce qui, dans l’homme, doit rester immuable. Bon débat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Madame, messieurs les ministres, si j’étais inspiré par la religion, je dirais que votre projet de loi souffre d’un péché originel.
Ce péché originel, c’est d’avoir mêlé la réforme de l’AMP à la révision générale de la loi de bioéthique. Au sujet de cette réforme sociétale, chacun a son analyse et son opinion ; mais cet engagement du Président de la République méritait un texte à part, dissocié de la révision de la loi de bioéthique.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Bernard Jomier, rapporteur. La décision prise a une conséquence politique directe, et vous le savez : c’est l’impossibilité d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Il s’agit non pas d’un jugement, mais d’un constat : politiquement, il n’y aura pas d’accord ; par ricochet, sur toutes les questions de bioéthique, dont Frédérique Vidal et Adrien Taquet nous ont parlé, ce choix encourage, non pas la recherche d’un consensus ou de solutions partagées, mais la radicalisation des positions et l’affirmation de postures identitaires.
Ainsi, face à la recherche, face aux nouvelles techniques, qui permettent d’envisager des progrès, les positions se sont figées. Bien sûr, un certain nombre de dispositions adoptées par le Sénat ont fait l’objet d’un vote conforme de l’Assemblée nationale, notamment plusieurs articles qui m’ont été confiés en tant que rapporteur. Mais il sera difficile d’aller beaucoup plus loin. Or nous aurions pu aller plus avant dans une élaboration commune si les analyses avaient été mieux partagées.
Les innovations technologiques doivent évidemment s’inscrire dans un cadre bioéthique bien défini par le législateur ; mais j’espère aussi que nous pourrons profiter des progrès qu’elles offrent.
Mes chers collègues, lors de ce débat en deuxième lecture, le Sénat ne saurait aborder ces questions sous le seul angle de la peur : la crainte perpétuelle des dérives traduit un manque de confiance en nos chercheurs et nous savons ce que ce sentiment produit.
Bien sûr, nous voulons garantir un encadrement éthique. Mais Mme la ministre a rappelé le cas de la Française Emmanuelle Charpentier, distinguée par le prix Nobel pour ses découvertes fondamentales en génétique – il s’agit, plus précisément, des ciseaux moléculaires ou CRISPR-Cas9. Cette chercheuse a quitté notre pays – elle s’en est expliquée – et je crains que, si nous ne changeons pas résolument d’approche, si nous refusons de tracer des perspectives, raisonnées et encadrées, nous ne finissions par affaiblir définitivement la recherche française dans ce domaine.
Le Sénat va adopter un texte en deuxième lecture et il n’y aura probablement pas d’accord avec l’Assemblée nationale. Je vous demande donc de garder ces enjeux en mémoire : nous devons aboutir au texte le plus satisfaisant possible pour nos concitoyens, pour la recherche et pour les enfants à naître ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDPI et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier. (Murmures.)
M. Stéphane Ravier. Quel enthousiasme : ça fait plaisir !
Madame, messieurs les ministres, malgré une crise économique, sociale, identitaire et démocratique, considérablement aggravée par une crise sanitaire que vous êtes incapables de maîtriser, la priorité de votre gouvernement reste la même : le déracinement, le combat contre tout ce qui est réel, naturel, inné.
Cette offensive s’illustre par un nouvel examen du projet de loi relatif à la bioéthique, qui ne comprend rien de moins que trente-quatre articles, dont la mesure phare est la légalisation de la PMA pour les couples de femmes et les femmes seules et dont les autres dispositions ne sont pas moins bouleversantes, non seulement pour notre pays, mais aussi – disons-le tout net – pour notre civilisation.
L’égalité homme-femme, que vous ne cessez de brandir, trouve ici une exception pour la filiation, preuve que votre égalité revendiquée n’est qu’un prétexte pour en finir avec la famille traditionnelle et la transmission naturelle.
Par ailleurs, le même argument revient, chaque fois, dans les débats sociétaux : « Si l’on ne légalise pas chez nous, elles iront le faire à l’étranger. » Je serais plutôt fier que mon pays, la France, ne perde pas son âme en refusant toute marchandisation de l’embryon et de l’enfant. Rien ne nous oblige à suivre le funeste destin de ces pays qui sombrent dans la marchandisation du corps.
Le temple de la vie, nous devons le préserver des marchands du temple en reprenant la maîtrise de notre État de droit et de devoirs !
Plus que jamais, politique doit rimer avec éthique : rappelons que la société de la vie ne disparaîtra pas au profit, aux très gros profits de la société de l’envie, que l’amour maternel et paternel ne laissera pas la place au désir matériel.
Mes chers collègues, il est encore temps de refuser la légalisation de la PMA sans père, mais également de protéger le domaine de la recherche génétique des dérives eugénistes, d’encadrer la recherche sur les cellules souches embryonnaires et les embryons humains, d’interdire la création de gamètes artificiels, de revoir la question des embryons surnuméraires, d’interdire formellement et définitivement la création d’embryons transgéniques et de chimères homme-animal et animal-homme, de rétablir le consentement préalable à tout programme de recherche.
Le Sénat peut s’honorer d’avoir supprimé du texte la mention immonde de l’avortement médical jusqu’à neuf mois en cas de détresse psychosociale : l’avortement à neuf mois, mes chers collègues, neuf mois !
Je mets en garde mes collègues de l’Assemblée nationale et certains ici même : si vous rétablissez cette ignominie, l’histoire vous condamnera à l’indignité.
Au moment d’aborder l’examen de ce texte, n’oublions pas l’essence même du terme « bioéthique » : ne tuons pas les droits de la vie, du vivant et des vivants.
Notre responsabilité est immense. La légalisation de l’enfant orphelin de père, les expériences folles sur l’embryon, l’ignominieuse marchandisation du corps constituent un basculement anthropologique majeur annonciateur d’un effondrement civilisationnel.
Ne cédez pas à la mode. N’écoutez pas les apprentis sorciers. Le progrès scientifique entre ici directement et violemment en conflit avec la conservation de l’éthique et, donc, de l’homme, de la femme, de l’enfant, en un mot de l’humain.
Mes chers collègues, face aux marchands de science, j’en appelle tout simplement à votre conscience ! (M. Alain Duffourg applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous devons sélectionner dans le champ des possibles ce que le droit accepte de la science.
L’exercice de révision de la loi de bioéthique engage la responsabilité et la conscience de chacun d’entre nous. Notre groupe respecte l’ensemble des sensibilités qu’il représente et je m’exprimerai à titre personnel.
Avant tout, je tiens à féliciter et à remercier le président et les rapporteurs de la commission spéciale pour leur travail de très grande qualité. Le texte adopté par la commission est le fruit d’une réflexion collective.
Je reste favorable à l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de femmes. L’Académie de médecine indique qu’il est préférable – bien sûr –, pour l’équilibre de l’enfant, de grandir avec un père et une mère, mais elle reconnaît la légitimité du désir de maternité de toute femme et ne s’oppose pas à la loi.
En effet, les familles fondées par des couples de femmes et les familles monoparentales sont une réalité. Au total, 4 000 Françaises ont recours chaque année à une AMP à l’étranger. À mon sens, nous devons sécuriser le parcours de ces femmes et leur permettre de réaliser un projet de maternité sur le sol national avec les équipes pluridisciplinaires des centres d’AMP.
Je pense que l’assurance maladie doit prendre en charge cet acte médical, même s’il n’est pas motivé par un critère médical, avec un ticket modérateur restant à charge dans ce cas. J’ai déposé un amendement en ce sens.
Pour ce qui concerne le projet parental, je voterai l’amendement de Mme Berthet : il faut garantir une procédure d’adoption accélérée pour la conjointe qui n’a pas accouché.
Par ailleurs, comme l’a dit M. le garde des sceaux, la GPA pour autrui représente une ligne rouge en matière de bioéthique : nous ne devons pas la franchir. Les avancées de la PMA pour les couples de femmes ne sauraient constituer un premier pas en direction de la GPA pour les couples d’hommes.
Je suis favorable au maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes lorsque ces derniers ne souhaitent pas être identifiés, comme à la communication systématique des données non identifiantes des donneurs aux personnes issues de dons de gamètes lorsqu’ils en font la demande à leur majorité. En effet, la situation familiale des donneurs, dix-huit ans après le don, a souvent changé. À mon avis, nous devons respecter l’anonymat des donneurs pour encourager les dons.
De plus, je pense qu’il est important de maintenir le consentement du conjoint du donneur, si ce dernier est en couple.
Je suis favorable à l’autorisation de l’autoconservation des gamètes à des fins de prévention de l’infertilité, prévue par l’article 2 du projet de loi. La commission a assoupli les conditions d’âge pour effectuer ces autoconservations. Il s’agit à mon sens d’une avancée louable pour les personnes exposées à un risque particulier d’infertilité dû à l’âge.
Je suis favorable à l’élargissement du diagnostic préimplantatoire (DPI) à la recherche d’anomalies chromosomiques. J’avais d’ailleurs déposé un amendement visant à autoriser le DPI avec recherche d’aneuploïdies chez les patientes ayant fait de nombreuses fausses couches et se trouvant contraintes de partir à l’étranger. Leur seul but est d’améliorer l’efficience de l’AMP réalisée : il ne s’agit en aucun cas de dérives eugénistes.
Je suis favorable à la transmission des informations génétiques à la parentèle, au renforcement du diagnostic prénatal pour améliorer l’information de la femme enceinte et du couple ainsi qu’au dépistage néonatal renforcé en rapport avec l’avancée de la thérapie génique.
Je voterai pour la création d’un statut honorifique de donneur d’organe, en faveur du don de cellules souches hématopoïétiques pour un enfant de 16 ans envers ses parents, en cas de nécessité bien sûr, et du don du sang dès 17 ans.
En revanche, je suis défavorable à la création d’embryons chimériques, que ce soit par insertion de cellules embryonnaires ou par insertion de cellules pluripotentes induites humaines dans un embryon animal.
Je suis également contre l’allongement des durées de recherche sur les embryons jusqu’au vingt et unième jour, bien que je puisse comprendre le développement nécessaire de la recherche et son importance à ce stade ; bien sûr, ces travaux doivent être poursuivis.
Ainsi amendé par la commission spéciale, ce projet de loi apporte des avancées que je considère comme positives pour notre pays. Il permet d’adapter dans un sens pragmatique et utile les progrès de la biomédecine à l’évolution sociétale. J’espère que les discussions en séance amélioreront encore ce texte ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDPI, SER, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la bioéthique est l’aboutissement de nombreux mois de travaux et de débats, entamés en janvier 2018.
Nous arrivons donc au bout d’un long chemin, mais les enjeux sont de taille. Il s’agit d’actualiser notre droit en l’adaptant aux progrès scientifiques et à l’évolution toujours très rapide des techniques, ainsi qu’aux attentes et aux transformations de notre société, dans le respect de nos principes éthiques.
Au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, dans ces débats parfois vifs et passionnés, qui soulèvent des enjeux complexes, empreints de vécu et de points de vue dépassant les clivages habituels, nous nous sommes donné comme boussole de toujours placer l’humain et l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de nos réflexions, en nous appuyant sur des principes de justice, d’équité et de solidarité.
C’est avec responsabilité et humilité que nous abordons la deuxième lecture de ce texte, à commencer par l’extension du droit à l’AMP.
Je salue le courage et la détermination dont ont fait preuve celles et ceux qui, par leurs luttes, ont permis d’aboutir à l’examen de cette mesure aujourd’hui.
Ne nous laissons pas entraîner dans de faux débats. L’AMP ouverte à toutes les femmes, c’est l’absence de hiérarchie entre les modèles familiaux et le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Comme l’a indiqué Bernard Jomier avant moi, cette mesure aurait même mérité un projet de loi à part entière, les enjeux et les attentes étant majeurs – vous en conviendrez.
Par souci d’une égalité effective entre toutes les femmes, nous proposerons évidemment de rétablir la prise en charge intégrale par l’assurance maladie, sans aucune différence de traitement au regard de leur projet parental, de leur statut matrimonial, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Toujours au titre de l’article 1er, nous souhaitons laisser la possibilité aux femmes qui déplorent la perte de leur conjoint lors d’un parcours d’AMP de ne pas subir l’extinction automatique de leur projet parental. Il serait bien préférable qu’elles puissent le poursuivre dans un délai limité : il s’agit de garantir la cohérence d’ensemble de la réforme – c’est d’ailleurs ce que recommande le Conseil d’État.
Concernant l’accès aux origines, l’intérêt supérieur de l’enfant est bien d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales.
Ainsi, je suis plutôt convaincu par le dispositif du Gouvernement ouvrant l’accès aux origines à tous les enfants conçus avec tiers donneur. De plus, c’est au moment du don que le donneur consentirait à l’accès à ses données non identifiantes et à son identité : cette disposition permet de placer tous les enfants issus de dons sur un pied d’égalité.
Pour ce qui est des modes de filiation, la reconnaissance conjointe anticipée (RCA), adoptée par l’Assemblée nationale, nous paraît encore inachevée et, donc, perfectible : elle maintient une discrimination en matière d’établissement de la filiation.
La solution la plus à même de garantir l’égalité entre les couples est d’étendre aux couples de femmes le régime de droit commun prévu pour les couples hétérosexuels. Qu’un enfant naisse de PMA au sein d’un couple lesbien ou d’un couple hétérosexuel, le ou la conjointe verra sa filiation établie par la présomption de parenté.
Fidèles à notre objectif de lutte contre les discriminations, nous ne pouvons bien sûr que nous opposer à l’article 4 bis, réintroduit par la commission, qui tend à stigmatiser, voire à punir les enfants conçus par GPA via des procédures judiciaires incertaines.
Nous défendrons là aussi l’intérêt supérieur des enfants : la transcription intégrale de la filiation doit être reconnue, et ce de façon effective, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, validée par la Cour européenne des droits de l’homme. À cet égard, le droit actuel n’a pas à être modifié.
Enfin, en matière de recherche, d’autres sujets d’importance, parfois peu consensuels, requièrent eux aussi un encadrement juridique.
Ce qui est techniquement possible est-il toujours humainement souhaitable ? Cette question nous a bien sûr accompagnés tout au long de nos travaux.
L’utilisation des outils de modification ciblée du génome en recherche fondamentale, ou dédiés aux cellules souches embryonnaires, ne doit pas être prise à la légère.
L’Assemblée nationale a introduit à l’article 17 des exceptions au principe extrêmement clair posé à l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, à savoir que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». Un tel article mériterait à lui seul un débat philosophique et politique d’ampleur. Sur ce point, la position adoptée en commission me paraît apporter les garde-fous nécessaires pour éviter toute dérive.
Mes chers collègues, les sujets que nous allons traiter sont nombreux. C’est notamment à l’aide de la boussole du droit commun que les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires essaieront d’aborder les sujets portant l’ouverture de droits nouveaux.
Lors du vote final, chacun se prononcera en conscience. Malgré tout, notre choix dépendra largement du maintien de l’AMP pour toutes les femmes et des principes d’équité et de justice, qui doivent prévaloir sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner un texte attendu par un grand nombre de Français.
Alors que la recherche scientifique a plus que jamais démontré son importance, sa rapidité et son impact cette année, les sujets de bioéthique demeurent centraux.
Nous ne connaissons que trop bien cette maxime apprise sur les bancs de l’école : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Rabelais nous préparait déjà aux lois de bioéthique, qui nous réunissent depuis 1994, et aux débats qui vont animer cet hémicycle.
C’est une exigence, non seulement de la science, mais aussi de la société : cette dernière mérite que notre assemblée examine ces sujets pour répondre aux besoins des citoyens.
Ces besoins, ce sont ceux de la famille sous toutes ses formes ; ceux du don, signe d’une solidarité qui a démontré sa force depuis un an ; ceux de la recherche, en vertu du progrès ; et ceux de la protection des citoyens.
Cette deuxième lecture est essentielle. Un texte si complexe et important exigeait que l’on prenne le temps de la discussion sans recourir à la procédure accélérée.
À cet égard, notre assemblée s’est parfois dérobée en adoptant des motions de procédure. Avant tout, je tiens donc à me féliciter du choix fait aujourd’hui de privilégier le débat constructif.
Ce projet de loi relatif à la bioéthique porte en lui des avancées pour tous et, encore davantage, pour toutes.
En effet, les familles de 2021 ne sauraient se réduire à un modèle unique et l’on ne peut pas se limiter aux dictons si souvent scandés. Un enfant a surtout besoin d’être bercé dans l’amour, de grandir dans le respect et de s’épanouir dans la bienveillance.
À ces besoins, la famille sous toutes ses formes répond. Bien sûr, ces changements ne sont pas accueillis à l’unisson : des sujets si riches font forcément naître des points de vue divergents. Ces visions différentes, nous les connaissons au sein même du groupe RDPI. Nous en discutons et nous laissons à chacun une totale liberté de vote. Le respect des individus et des valeurs de chacun devra seul, je l’espère, nourrir nos discussions.
Les évolutions permises par ce texte sont nombreuses. Certaines ont bénéficié d’un vote conforme à l’Assemblée nationale et nous nous en félicitons. C’est notamment le cas de l’élargissement du don croisé d’organes à plus de deux paires de donneurs-receveurs et de la clarification des conditions d’interruption de grossesse pour raison médicale pour les mineures.
D’autres sujets cristallisant des positions divergentes demeurent en discussion. C’est le cas de l’extension de l’AMP pour toutes les femmes, qu’elles soient en couple hétérosexuel, en couple homosexuel ou bien seules.
Bien que les travaux de la commission spéciale n’aient pas remis en question cet élargissement, l’article 1er a perdu de sa substance par l’exclusion de la prise en charge par l’assurance maladie pour les femmes seules et les femmes en couple homosexuel.
Cette mesure, à rebours d’un élargissement égalitaire, met en péril la solidarité de notre système de santé. Le droit à l’AMP ne serait que partiellement acquis si des barrières économiques empêchaient les femmes d’y accéder pleinement.
Il nous paraît également dommageable d’avoir rétabli le consentement du conjoint du donneur de gamètes, à l’article 2, et limité l’accès à l’identité du donneur pour les enfants nés du don, à l’article 3.
À l’article 4, le présent texte précise les conséquences, sur le plan de la filiation, de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes afin qu’elles puissent être reconnues mères de l’enfant dès sa naissance.
Afin que l’AMP pour toutes soit prise en compte dans la globalité du cadre légal existant, nous proposerons un amendement de cohérence à l’article 19.
Le projet de loi est également empreint de solidarité, qu’il s’agisse de prendre en charge l’AMP – je viens d’évoquer cette question –, de permettre, à l’article 6, le prélèvement de cellules souches hématopoïétiques au bénéfice des parents, ou bien d’ouvrir le don de sang à des citoyens qui en sont aujourd’hui exclus.
Pour autant, on ne saurait faire du don un moyen d’opérer une distinction entre citoyens sans prendre le risque de le vider de son sens. N’oublions pas que donum en latin signifie « présent », « cadeau ».
C’est pourquoi, sans aller à l’encontre de la reconnaissance essentielle du donneur par la société, qui est aujourd’hui assurée, nous présenterons un amendement de suppression de l’article 5 A concernant l’établissement d’un « statut » de donneur d’organe. Le don doit rester un acte qui n’attend aucun retour, aucune distinction honorifique.
Enfin, par ce texte, les évolutions scientifiques pourront être favorisées tout en étant sécurisées. Nous pouvons noter les éléments de contrôle concernant les décisions prises grâce à l’intelligence artificielle, l’élargissement des compétences du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et les mesures en faveur du développement de la recherche.
Dignité, liberté et solidarité : tels sont les trois principes qui guident les grandes évolutions émanant de ce texte. Ces exigences doivent être protégées pour que les mesures aujourd’hui votées puissent devenir une réalité pour nos concitoyens.
Notre groupe, sans être une voix unanime, soutiendra pour l’essentiel les évolutions prévues par le projet de loi initial, ce qui nous conduira, sur certains points, à voter des amendements de suppression ou de réécriture du texte issu de la commission.
Toutes ces avancées sont nécessaires au sein d’une société qui ne cesse d’évoluer. Être à l’écoute des besoins des citoyens et y répondre avec exigence en assurant un cadre protecteur et respectueux de chacun : c’est tout le sens des débats qui s’ouvrent aujourd’hui. Nous devrons assumer notre mission avec responsabilité et bienveillance ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Daniel Chasseing applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, c’est à nouveau avec un sentiment particulier que nous entamons, un an après le début de nos travaux, l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
Ce texte à part dans le travail législatif aura connu un parcours mouvementé, depuis les manifestations et très nombreuses sollicitations de la première lecture jusqu’au report de son examen en raison de la crise sanitaire. Nous pouvons nous réjouir de voir aujourd’hui les débats reprendre et la perspective d’une adoption définitive se rapprocher enfin.
Certes, les discussions semblent avoir repris sur les mêmes bases, avec des clivages persistants. Toutefois, je salue la qualité de nos échanges en commission : ils ont permis à chacun d’exprimer ses positions et ses convictions dans le respect, l’écoute et l’échange.
De même que la crise qui nous secoue depuis de nombreux mois, ce projet de loi relatif à la bioéthique nous pose des questions simples aux réponses très complexes : aucune échelle de valeurs ne prévaut ici.
En tant que représentants du peuple, nous devons ériger des lignes rouges à ce que la science peut faire, non pas en choisissant entre le bien et le mal, mais en examinant les avancées scientifiques au regard de notre propre éthique, de notre histoire, de l’évolution de la société et de l’intérêt général.
Concernant l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, la majorité du groupe du RDSE défendra deux convictions. D’une part, la société est prête à reconnaître en son sein la diversité des configurations familiales qui la composent. D’autre part, les femmes sont tout à fait à même de décider ce qui est bon pour elles et pour leur enfant à naître.
Aussi, il me semble primordial d’ouvrir l’AMP à toutes les femmes dans les mêmes conditions, y compris pour ce qui concerne la prise en charge par l’assurance maladie.
S’agissant de l’article 4, qui a pour objet la filiation des enfants nés d’une PMA par un couple de femmes, je suis satisfaite de la rédaction actuelle, même si je comprends que la majorité sénatoriale soit décidée à ne pas en rester là.
Je ne suis pas favorable à une filiation de la mère d’intention par voie d’adoption, procédure qui créerait une trop grande distorsion avec les autres modèles familiaux.
Dans le même esprit, je regrette l’introduction de l’article 4 bis, qui interdit la transcription totale de l’acte de naissance étranger d’un enfant français né d’une GPA. Les enfants ne sont en aucun cas responsables de leur mode de procréation. Ils ne doivent pas en être pénalisés. Il nous appartient de les protéger.
Enfin, il me semble important de permettre aux femmes de bénéficier d’un transfert d’embryons en cas de décès de leur conjoint en cours de procédure de fécondation in vitro. Les débats de la première lecture, empreints de beaucoup de respect et de dignité sur ce sujet, avaient abouti à un vote extrêmement serré. J’espère que la discussion pourra reprendre sur les mêmes bases pour faire évoluer une réglementation que beaucoup jugent incompréhensible. J’aurai l’occasion de m’exprimer sur ce point lors de l’examen des amendements.
Concernant le don de gamètes, je ne suis pas favorable au recueil du consentement du conjoint et je proposerai un amendement visant à supprimer cette exigence. Le don est une démarche personnelle et la communication de cette information au sein du couple doit relever du libre choix du donneur, dans la sphère privée. Je ne vois pas pourquoi le législateur s’inviterait dans cette discussion.
Je défendrai également le recueil, au moment du don, du consentement du donneur à la divulgation de son identité en cas de demande de l’enfant à sa majorité, afin de mettre sur un pied d’égalité tous ceux qui naîtront de cette procédure. L’incertitude et le secret ont conduit à trop de souffrances : il est temps d’y mettre fin et de garantir à tous ces jeunes un accès équitable à leurs origines.
Enfin, l’article 21 bis n’a pas fait l’objet de modifications en commission, mais je proposerai deux amendements. J’ai, certes, été sensible aux arguments de notre rapporteur Bernard Jomier et les discussions que nous avons eues ce matin en commission ont retenu mon attention. Pour autant, le débat sur ce sujet particulièrement sensible me semble devoir être poursuivi dans l’hémicycle.
Je terminerai en évoquant un autre vote qui a eu lieu sur ces mêmes travées l’automne dernier, celui de l’extension du congé paternité. J’ai abordé cette réforme et celle de la PMA comme toutes les questions sociétales, en considérant que le droit devait suivre l’évolution de la société chaque fois que celle-ci coïncidait avec l’intérêt général et avec la protection de l’enfant, comme c’est le cas pour cette loi. J’ai l’intime conviction que nous sommes là pour cela. Dans les deux cas, il s’agit de défendre une approche affective de la parentalité, dans toute sa diversité.
Cet automne, le Sénat a eu la sagesse de voter la réforme du congé paternité ; je nourris donc l’espoir qu’un nouveau consensus soit trouvé pour le projet de loi relatif à la bioéthique, tout en vous assurant que le groupe RDSE, fidèle à ses valeurs, participera à ces débats avec humilité et respect pour la diversité et la complexité des opinions. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il est quelque peu difficile d’aborder ce projet de loi relatif à la bioéthique un an après son examen en première lecture, en faisant abstraction de la pandémie que nous vivons.
D’ordinaire, les lois de bioéthique appellent le législateur à fixer les limites juridiques de la recherche par rapport au progrès social, à l’acceptation de la société et aux risques sanitaires, en tenant compte du temps long.
L’année 2020 a changé complètement la donne, puisque notre société, comme le monde entier, a été soumise à une modification radicale de son mode de vie et d’organisation avec une restriction des libertés, un confinement dans les espaces privés et la quasi-disparition des relations sociales physiques.
Des scientifiques prévoient un avenir où notre société devra vivre avec ces virus et, par conséquent, trouver un nouvel équilibre entre les questions sanitaires, notre modèle économique, nos rapports sociaux et les principes éthiques.
Dans ce contexte, nous sommes plus que jamais amenés à nous interroger sur le projet de société que nous portons, sur l’avenir de l’humain et, plus largement, de l’humanité, c’est-à-dire des enjeux d’importance qui mêlent le collectif à l’intime.
Ainsi, avec les membres de mon groupe, nous fixons comme limite à la recherche le respect des droits humains et de la dignité de la personne humaine, l’autodétermination, la non-marchandisation du corps humain et de ses éléments, la gratuité du don et le principe de solidarité.
Je n’ai pas le temps de revenir sur l’ensemble des dispositions du texte ; aussi, je consacrerai mon propos aux principaux points qui font débat.
Tout d’abord, l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées constitue, selon nous, un outil d’égalité dans la continuité de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe. Notre groupe y a toujours été favorable, ainsi que 65 % des Françaises et des Français.
Comme en première lecture, la commission spéciale du Sénat a autorisé l’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation, une avancée positive. Nous regrettons cependant qu’elle ait limité la prise en charge par la sécurité sociale aux seuls cas d’infertilité, excluant ainsi les femmes en couple et les femmes non mariées.
Concernant la filiation des enfants nés d’AMP, nous regrettons que le Gouvernement continue de maintenir deux régimes juridiques distincts pour le mode d’établissement de la filiation, entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes, créant ainsi une discrimination.
Contrairement à ce qu’affirment ceux qui ne soutiennent pas l’ouverture de l’accès à l’AMP, cette avancée ne conduit pas à reconnaître la gestation pour autrui, laquelle, je le rappelle, est interdite en France. Notre groupe s’y est toujours opposé et continuera de le faire, car il s’agit de marchandisation du corps des femmes. Les déclarations du Gouvernement ont d’ailleurs toujours été claires sur ce sujet : ce projet de loi n’est pas une porte d’entrée vers la GPA.
Par ailleurs, il me semble essentiel de nous libérer, dans toutes les mesures législatives que nous prenons, du poids que fait peser encore aujourd’hui le patriarcat sur la vie des femmes. Pourquoi, mes chers collègues, avoir retiré, à l’article 20, la détresse psychosociale des motifs justifiant le recours à l’interruption médicale de grossesse (IMG) ? Nous soutiendrons sa réintroduction, qui est une exigence pour les droits des femmes.
Notre opposition farouche à la marchandisation des corps s’étend à la marchandisation des organes, comme de tout ce qui provient de la personne humaine. Ainsi, nous soutenons l’interdiction de l’importation des gamètes ; nous y reviendrons en défendant notre amendement visant à modifier la rédaction de la commission spéciale.
Concernant les évolutions techniques et technologiques ainsi que leurs implications sur la recherche scientifique et sur les usages médicaux, je souhaite indiquer de nouveau notre opposition à l’utilisation commerciale des données de santé collectées et à leur traitement par des algorithmes sans la garantie de l’expression du consentement de la patiente ou du patient. Nous demandons, par ailleurs, de préserver la sécurité et la souveraineté de nos données en maintenant les serveurs sous droit français ou européen.
Enfin, nous demeurons opposés à la levée de l’interdiction de la création d’embryons transgéniques ou chimériques. La modification d’embryons animaux par l’adjonction de cellules souches embryonnaires humaines, comme le propose le Gouvernement, nous semble faire courir un risque de franchissement d’espèces et de manipulation du vivant, malgré les explications apportées par la ministre Frédérique Vidal.
Ne jouons pas aux apprentis sorciers et soyons attentifs à l’humanité que nous voulons ; attention à ces vendeurs de rêves qui nous font miroiter une jeunesse éternelle, un être parfait, une vieillesse abolie, une intelligence sans limites. Beaucoup d’intérêts financiers sont en jeu, qui se moquent bien de la bioéthique. C’est pourquoi il importe de légiférer pour imposer un cadre.
Nous débattrons de l’ensemble de ces questions et je forme le vœu que nos échanges s’élèvent au-dessus des postures politiciennes et de la pression de certains groupes, notamment des tenants de la Manif pour tous, qui nous ont littéralement inondés de messages.
M. Julien Bargeton. C’est vrai !
Mme Laurence Cohen. Je conclurai mon propos sur une réflexion d’Axel Kahn : « Il ne faut pas s’illusionner sur ce qu’est l’âme humaine. Elle est capable du meilleur comme du pire. Et quand elle est capable du meilleur, c’est souvent parce que la réflexion amène des individus à se mobiliser pour atteindre ce meilleur-là. » Nos débats sur ce projet de loi doivent rester fidèles à cette exigence. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Jacquemet. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Annick Jacquemet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entamons en séance la deuxième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique.
J’ai commencé par rechercher la définition du mot : la bioéthique étudie les questions et les problèmes moraux qui peuvent apparaître à l’occasion de pratiques médicales nouvelles impliquant la manipulation d’êtres vivants, ou de recherches en biologie et en génétique ; elle veille au respect de la personne humaine. Le point central me semble être le respect de la personne humaine.
Comme un certain nombre d’entre nous, nouvellement élus, je n’ai pas pu participer à l’examen de ce texte en première lecture. J’aborde cette discussion avec des idées façonnées par mon éducation et par mon expérience de vie, avec, parfois, mes a priori, mais toujours dans le respect des avis divergents, désireuse de façonner une politique publique juste et efficiente.
Je ne vous cache pas que ce texte me pousse à me questionner, me fait douter de mes convictions, de mes croyances et de mes certitudes sur certains des thèmes qu’il aborde. Pour d’autres, les réponses me sont plus faciles.
Qui sommes-nous pour juger ? Qui sommes-nous pour croire que nous détenons la vérité ? Y a-t-il une seule vérité ?
Au moment d’entrer dans nos discussions, certains mots me viennent à l’esprit : respect, compréhension, humanité, générosité, don, mais aussi garde-fous et limites. Où faut-il les placer ?
Mes chers collègues, dans le cadre de l’examen de ce texte, il nous revient d’exprimer l’idée que nous nous faisons de la famille et de l’égalité ; la compétitivité que nous voulons pour notre recherche ; les avancées que nous souhaitons pour nous, humains ; les garde-fous que nous voulons opposer à certaines dérives potentielles ; les limites que nous nous refusons à franchir.
Notre réflexion doit s’inscrire dans un contexte global, en prenant en compte les pratiques actuelles et la réalité de terrain : pour nos chercheurs, la compétition internationale et le risque de fuite à l’étranger ; pour nos concitoyens, ce qui est rendu possible aux portes de notre pays, sur l’ensemble de la planète ou par le biais d’internet.
Toutefois, il ne s’agit ni de niveler nos exigences éthiques vers le bas ni de freiner la recherche française, mais bien de l’encadrer.
Concrètement, ce projet de loi pose deux questions. La première est sociétale, la seconde concerne les avancées scientifiques.
Sur le plan sociétal, il nous faut réfléchir à l’évolution d’un monde dont les pratiques changent avant les représentations symboliques. En la matière, les demandes sont nombreuses, notamment pour répondre au désir d’enfant en dehors de toute infécondité pathologique pour des couples de femmes, des couples hétérosexuels ou des femmes célibataires. Cette demande porte une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques d’aide médicale à la procréation.
Les questions issues de cette revendication sont nombreuses, notamment concernant la relation des enfants à leurs origines, la situation concrète des enfants qui grandissent sans père, l’établissement d’une filiation différente en fonction du mode de procréation ou la souffrance ressentie en raison d’une infécondité d’ordre sociétal.
Par ailleurs, la définition d’un projet parental interroge. Qui peut le porter ? Enfin, quel doit être le rôle de la médecine ? Continue-t-on de garantir l’anonymat au donneur sans porter préjudice à la demande légitime d’accès aux origines ? Quel encadrement souhaitons-nous donner à l’autoconservation des gamètes, en particulier des ovocytes ?
D’autres sujets concernent les finalités de la médecine et du soin. S’agit-il de répondre uniquement à une pathologie ou également à d’autres situations qui relèvent de la seule biologie ? Dès lors, l’ensemble de ces cas doivent-ils être pris en charge par la solidarité nationale ?
À ces questions, les États généraux de la bioéthique concluaient, malgré les dissensions exprimées, que la diversité des structures familiales est acceptée comme une réalité, que les éléments de l’histoire biologique sont nettement différenciés de l’histoire sociale, que le désir d’enfant est légitime et, enfin, que l’existence de devoirs parentaux et de comportements responsables, qui, à travers le regard de la société, permettent la construction de chacun, parents et enfants, est reconnue.
Sur le plan des avancées scientifiques, nous devrons aborder les problématiques liées à la recherche sur l’embryon conçu par fécondation in vitro ou sur les lignées de cellules souches embryonnaires, c’est-à-dire la destruction de l’embryon humain qui ne répond plus à un projet parental, le régime juridique de ces recherches, le temps de culture in vitro ou encore les cellules souches reprogrammées.
Par ailleurs, ce projet de loi nous impose une réflexion particulièrement approfondie concernant les questions soulevées par les embryons transgéniques et chimériques ou le diagnostic prénatal, en particulier le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies.
En matière de recherche sur l’embryon, les conclusions des États généraux de la bioéthique de 2018 sont restées assez floues, dans la mesure où les connaissances acquises au cours de ces dernières années et les enjeux à venir autour des recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires peuvent paraître difficiles à appréhender. Dès lors, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) précisait que la participation des citoyens sur le sujet avait pu être freinée.
Monsieur le garde des sceaux, cette remarque me paraît particulièrement importante et doit nous conduire à réfléchir à l’acculturation des Français à ces enjeux, afin que les débats que nous aurons à l’avenir conservent un haut niveau d’intelligibilité.
L’adoption d’un projet de loi de bioéthique permet de mettre en adéquation notre droit avec des demandes sociétales ou scientifiques légitimes, mais le fait même qu’il s’agisse d’un texte concernant la bioéthique impose que nos décisions soient entièrement compréhensibles par les Français. Pour cela, il est primordial que chacun, y compris à l’extérieur des cercles scientifiques ou du Parlement, qui a le privilège de mener de longues auditions pour lever l’ensemble des doutes, puisse se positionner en connaissance et en conscience.
En conclusion, nous devrons nous interroger sur chacun des thèmes abordés afin de savoir si ce qui est possible est également souhaitable. Il n’existe pas de positionnements de groupe, ou très peu, sur ces questions, tant celles-ci, même éclairées par nos auditions et nos débats, relèvent de nos convictions les plus profondes.
La pensée et les croyances intimes de chacun d’entre nous sont pourtant susceptibles d’évoluer d’ici au vote sur l’ensemble de ce texte ; ainsi, c’est à la lumière de nos débats et suivant l’évolution des dispositions du contenu de cette loi que les membres du groupe Union Centriste se positionneront. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Laurent Duplomb applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à cette tribune, nous disons souvent qu’il y a le texte et le contexte. Parfois, le second éclaire le premier d’une lumière nouvelle ; il me semble que c’est le cas pour cette deuxième lecture.
Je suis ainsi frappé par l’écart, le décalage, voire la contradiction, qui semble exister entre ce texte, qui nous arrive de l’Assemblée nationale, son inspiration, ce que nous y lisons, et le contexte que nous vivons actuellement.
Nous faisons aujourd’hui l’expérience de l’application du principe de précaution à grande échelle, de la logique de responsabilité, justifiée par la protection des plus vulnérables. Au nom d’un principe, la protection des plus faibles, nous acceptons des restrictions à nos libertés, un couvre-feu, un confinement. Au-dessus de la liberté, qui nous est si chère, nous acceptons donc de placer quelque chose d’encore plus important, au nom de ce principe de fragilité.
En faisant ce parallèle avec le décalage que nous vivons, je reproche un peu au Gouvernement cette inversion de logique : autant, dans le domaine sanitaire, vous acceptez le principe de responsabilité – et vous avez raison ! –, autant, en matière de bioéthique, vous le refusez, voire, à mon sens, vous allez jusqu’à l’inverser.
Ainsi, la PMA sans père revient bien à faire primer la liberté individuelle sur le principe de vulnérabilité, la volonté des adultes sur ce qui me semble être l’intérêt et le droit des enfants. Celui qui prend tous les risques, dans la PMA sans père, c’est bien l’enfant. Ceux qui estiment que, pour se développer, un enfant n’a pas du tout besoin de père doivent le démontrer, ce qui est difficile, je n’en disconviens pas. (M. David Assouline s’exclame.)
Remarquons toutefois ensemble que, alors que, dans de nombreux domaines, on invoque souvent à tout bout de champ le principe de précaution, la pensée préventive s’arrête dès lors qu’il s’agit de l’enfant.
Un autre exemple de cela est la congélation des ovocytes, sur laquelle je suis assez réticent. Je crains en effet, ainsi que je l’avais exprimé en première lecture, que, au nom d’une fausse liberté, on n’accentue une vulnérabilité. Dans de grandes entreprises pèsera sur certaines jeunes femmes une telle pression sociale que celles-ci pourraient être conduites à renoncer à leur grossesse, laquelle serait mal vue, perçue comme un désengagement par rapport à leur activité professionnelle.
J’ai été un peu spécialisé dans les questions relatives au numérique et je me souviens du tollé planétaire qu’avait engendré la proposition de Facebook et d’Apple de payer à leurs jeunes collaboratrices les plus brillantes la congélation de leurs ovocytes. Des mouvements féministes, et beaucoup d’autres, dans le monde entier, s’étaient levés pour dénoncer cette forme de marchandisation de la volonté humaine.
Avant Noël, le Président de la République a accordé une longue interview à L’Express, dans laquelle il se réjouissait que le principe de vulnérabilité soit revenu dans le quotidien, dans l’intime. Il avait raison.
Qu’y a-t-il, pourtant, de plus intime que le droit de la filiation ? Qu’y a-t-il de plus intime qu’une gestation, qu’il serait inhumain de rendre possible pour autrui ? Ce n’est pas de la science-fiction : dans les étapes à venir, il sera difficile, au nom de l’égalité, de dire non demain pour les couples d’hommes, puisque vous dites oui aujourd’hui pour les couples de femmes. En vertu de quel principe, en effet, refuseriez-vous aux hommes ce qu’aujourd’hui vous allez permettre aux femmes ?
Ce n’est pas de la science-fiction, puisque vous avez d’ores et déjà reconnu, monsieur le garde des sceaux – et vous avez bien fait ! – que les interdits en vigueur en France sont des interdits de papier. Le recours à une mère porteuse est-il devenu un moyen, légalisé par le juge, de devenir père, oui ou non ? Oui, tout simplement.
Il nous revient à nous, législateurs, de rappeler au juge quelle règle il doit appliquer ; c’est notre responsabilité et non la sienne, et je le revendique.
Qu’y a-t-il de plus vulnérable que le destin d’un enfant à naître, qui pourrait être brisé, même jusqu’au neuvième mois, au motif, tellement difficile à apprécier humainement, de la détresse psychosociale ? Heureusement, dans sa sagesse, la commission spéciale, je lui rends ici hommage, a supprimé cette disposition, laquelle reviendra pourtant dans un certain nombre d’amendements.
Nous vivons aussi le surgissement d’une formidable défiance, non seulement vis-à-vis des autorités politiques, mais aussi envers les autorités scientifiques. Ce qui n’a jamais été confiné, durant ces longs mois, c’est le conspirationnisme. Lutter contre ces dérives représentera un des grands défis de nos sociétés occidentales, parce que nos démocraties sont rongées par le relativisme, par le scepticisme, par le « tout se vaut », dans sa forme douce, ou le « rien ne vaut », dans sa forme plus dure.
Malheureusement, Frédérique Vidal n’est plus là, mais méfions-nous des apprentis sorciers (M. David Assouline s’exclame.), qui veulent toujours aller plus loin dans les expérimentations en matière de recherche. Il revient, encore une fois, au législateur de poser des limites.
Or, très franchement, s’agissant des embryons chimériques, celles-ci sont franchies. Ce n’est pas moi qui le dis, il suffit de se référer à l’avis du Conseil d’État sur ce point du texte. Reprenons les rênes ! Ajoutons de la politique et de l’éthique, précisément, dans ces domaines cruciaux pour la recherche.
Au-delà de nos divergences, mes chers collègues, il me semble que nous pouvons nous accorder sur le fait que la période que nous vivons fait surgir à nouveau l’exigence d’humilité, parce que nous savons que la puissance de la science, alliée aux forces du marché, peut produire le meilleur, comme des vaccins, mais aussi le pire ; parce que, souvent, le rêve prométhéen peut dégénérer en cauchemar faustien.
Exigence d’humilité aussi, parce que je crois fondamentalement que le propre de la condition humaine est précisément de ne pas être sans condition. Il nous revient de poser des limites politiques courageuses et de les assumer. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il était très intéressant d’entendre le président Retailleau parler du contexte. Le Parlement est souvent amené à prendre celui-ci en compte, sans se laisser envahir pour autant.
Nous devons souvent prendre en compte les évolutions de notre société pour adapter notre droit. Nous connaissons les divergences – elles se sont de nouveau exprimées à l’instant – au sein de la société quant à la fin du modèle traditionnel de la famille, quant au combat des femmes, à celui des associations LGBT et bien sûr quant au droit des femmes à disposer de leur corps.
Le sujet qui nous occupe aujourd’hui relève d’un processus long, qui vient heurter les derniers soubresauts d’une conception conservatrice de la famille française, qui, pour beaucoup, pourtant, n’existe plus. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le droit n’impose ni statu quo ni évolution ; nous ne sommes pas obligés d’autoriser les femmes, seules ou en couple, à avoir accès à la PMA, mais nous sommes aujourd’hui devant un choix politique collectif.
Certains évoquent le libéralisme qui sous-tendrait ce texte. Pourtant, il s’agit ici non pas de commerce, mais bien de liberté, au sens noble du terme : il s’agit de droits, de choix, d’égalité. Critiquer le libéralisme ici, c’est donc céder à un faux débat.
Si l’histoire est un processus de changement long et profond des organisations sociales et des consciences, chacun sait qu’elle est aussi faite de points de bascule, de changements de configuration sociale.
Certains, à droite, décrivent un choc entre deux modèles, mais ne devons-nous pas aujourd’hui mettre un terme à l’hypocrisie et au déni ? Je me permets de rappeler que l’adoption est possible depuis longtemps pour les couples homosexuels et, depuis 1966, pour les personnes seules ; que le recours au tiers d’honneur pour la procréation ne date pas d’hier, mais de 1973. Des dizaines de milliers d’enfants sont nés ainsi, au rythme d’environ 1 000 par an.
Ce progrès de la PMA a été encadré dans un corpus législatif dont le modèle est toujours calqué sur la procréation naturelle, qui doit rendre le don invisible au profit d’une fiction organisée par la loi. Il faut faire comme si le père était le géniteur, au prix d’un secret de famille délibéré.
Combien d’entre vous, dans cet hémicycle, ont eu recours à ce procédé ? Combien l’ont assumé devant leurs enfants ? Jamais la vérité ne doit leur être dévoilée ! Les enfants sont, bien évidemment, nés d’un papa et d’une maman, et le secret est ainsi instauré dans la famille, au détriment de la construction de l’enfant, qui vit dans la méconnaissance totale de son origine. Les avancées que nous proposons aujourd’hui ne constituent donc qu’une mise à jour de notre droit face à la réalité de notre société.
En 2013, la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a permis que deux femmes ou deux hommes puissent adopter et constituer une famille. Pourtant, les familles monoparentales, recomposées, homoparentales n’avaient pas attendu cette loi pour exister.
De même, les femmes, seules ou en couple, n’ont pas attendu que leur soit accordé le droit à la PMA pour enfanter. Elles y ont déjà recours, mais hors du cadre institutionnel et du territoire national. Il est temps d’être lucide, de l’autoriser et, ainsi, de reconnaître ces familles et d’encadrer ces pratiques, pour qu’elles aient lieu en toute sécurité, dans la légalité et, surtout, dans l’égalité.
Pourquoi reconnaître à l’homme la possibilité d’être père alors qu’il n’en a pas la capacité biologique et ne pas permettre à la femme d’avoir recours à la PMA avec un tiers donneur ? Pourquoi obliger les femmes à se rendre à l’étranger pour cela ? Pourquoi refuser la prise en charge par la sécurité sociale ? Pourquoi soutenir cette inégalité de fait entre deux parties du genre humain ? Pourquoi persister dans le secret ?
Pour ces raisons, le groupe socialiste défendra, dans sa grande majorité, la suppression de l’obligation d’infertilité, le maintien de la possibilité pour une femme de poursuivre le processus de PMA en cas de décès et, bien sûr, l’ouverture du remboursement par la sécurité sociale.
Le président Retailleau a cru devoir évoquer la fameuse « PMA sans père ». L’argument de l’intérêt supérieur de l’enfant conduit à prétendre que ces enfants seraient programmés pour le malheur, au seul motif de l’absence d’un père.
Or je vous le dis, monsieur le président Retailleau, vous devez faire le deuil des familles invariablement constituées de papa, maman et des enfants, car la filiation est un fait social (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), le rapport entre le parent et les enfants est un rapport social.
Rien ne permet de garantir le bonheur de l’enfant, et certainement pas la présence d’un père et d’une mère ; ce qui améliore les chances de bonheur, c’est le désir profond de faire famille, même si cela sous-tend un processus long et compliqué.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Enfin, s’agissant de l’article 4 bis, que nous voulons supprimer, nous entendons faire en sorte que l’enfant ait le droit de voir reconnue sa filiation, quand bien même le processus de naissance aurait été contraire à ce que nous autorisons en France. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) De la même manière, nous n’accepterons pas la proposition d’amendement du Gouvernement sur ce point.
Je l’entends, nous ne sommes pas d’accord. Ayant pris connaissance de la conception rétrograde que vous avez présentée, je m’en félicite ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST. – Mme Patricia Schillinger applaudit également. – Huées sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, un an déjà : le 4 février 2020, le Sénat adoptait en première lecture, à une courte majorité, le projet de loi relatif à la bioéthique, après deux semaines d’un débat plutôt serein, sincère et respectueux – quoiqu’il ait, évidemment, souligné nos divergences.
Mme Agnès Buzyn, alors ministre, en était d’ailleurs convenue. Elle n’en avait pas moins affirmé, à la fin de la discussion, sa volonté de tout reprendre en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, ce qui avait été moyennement apprécié…
Ce projet de loi comporte de nombreux volets, mais l’attention s’est concentrée sur une réforme relevant davantage d’une pure question de société que de bioéthique à proprement parler. Je parle bien évidemment de l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules.
Au sein de notre groupe, la liberté sur ce sujet est totale. Chacun se prononcera selon ses convictions, ses croyances, son histoire, ses interrogations sur le développement de l’enfant à naître, mais aussi ses doutes.
Chaque opinion doit être écoutée et respectée. Pour ma part, je ne prétendrai jamais détenir la vérité.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Catherine Deroche. Que le désir d’enfant soit indéniable et légitime, qu’il ne nous appartienne pas de juger la vie de chacun, voilà qui est clair.
Mais le principe de l’article 1er, écrit au nom d’une égalité en matière de droit à l’enfant et à la procréation, devrait intellectuellement, à mes yeux, inclure la gestation pour autrui. On nous jure, la main sur le cœur, qu’il n’en sera rien. Aujourd’hui, sans doute ; mais demain ?
On nous expliquera, avec la même assurance, qu’il s’agit d’une réforme de justice entre les couples de femmes et d’hommes, ce qui sera entendable ; on nous vendra alors une GPA dite éthique.
C’est parce qu’il crée les conditions d’un grand marché de la procréation que je suis opposée à cet article. Pour reprendre l’expression justement employée par notre collègue Collombat l’an passé, je préfère le rôle de « conservateur humaniste prudent »…
Mes chers collègues, je sais fort bien que le mercantilisme ne guide pas les choix de ceux d’entre vous qui soutiennent cet article. Mais il suffit de se référer aux exemples que nous offrent tous les continents.
À cet égard, je souligne, après le secrétaire d’État, qu’il convient de faciliter les procédures d’adoption, qui restent un parcours du combattant pour qui désire donner une famille à un enfant.
Si la commission spéciale a confirmé l’ouverture prévue à l’article 1er, elle a rappelé l’exigence des conditions médicales pour les couples hétérosexuels : seul un motif médical ouvrira droit à la prise en charge par l’assurance maladie.
Promouvoir une égalité totale entre les couples est illusoire. Un enfant aura toujours deux lignées parentales différentes : c’est ce qui l’inscrit dans le genre humain, universellement mixte. On ne peut dire à un enfant qu’il est né de deux pères ou de deux mères – même s’il peut, en effet, être élevé dans une famille mono ou homoparentale.
C’est d’ailleurs ce qui motive la rédaction de l’article 4, sur la filiation, adoptée par notre assemblée en première lecture et défendue aujourd’hui par Martine Berthet.
Chacun veut savoir qui il est et d’où il vient : la quête de leurs origines est pour les enfants nés sous X ou par AMP un véritable combat. C’est pourquoi je prends acte du texte adopté par la commission spéciale à l’article 3, tout en restant favorable à l’obligation de révéler l’identité du donneur. Certes, le donneur n’est pas le parent ; mais faire don de ses gamètes n’est pas un acte anodin et banalisé, car c’est transmettre une part de sa propre identité. Au reste, les pays ayant levé l’anonymat ont vu non pas une diminution du nombre de donneurs, mais un changement du profil de ceux-ci.
Nous aurons un débat sur l’AMP post mortem ; j’y suis opposée et je m’en expliquerai dans la discussion des amendements.
En ce qui concerne le don d’organes, de tissus et de cellules, je suis favorable au statut de donneur rétabli par le rapporteur Bernard Jomier, ainsi qu’à l’abaissement de l’âge du consentement pour le prélèvement de cellules hématopoïétiques et aux dispositions relatives aux majeurs protégés.
On le sait, les dons d’organes ne sont pas suffisants. Une campagne les favorisant doit être itérative, et chacun doit faire savoir son accord ou son refus d’un prélèvement post mortem : dire oui ou non, mais le dire.
Je considère que la commission spéciale a trouvé le bon équilibre pour une génétique éthique et responsable, même si la question des tests génétiques fera sûrement l’objet de débats. Je salue le travail du rapporteur sur ces sujets, Olivier Henno.
Les avancées scientifiques et technologiques s’enchaînent à une vitesse effrénée. C’est pourquoi il est nécessaire de réviser régulièrement les lois de bioéthique pour distinguer le possible et le souhaitable. En marchant sur ce fil, nous devons concilier ce que la science peut apporter en termes de connaissance, de diagnostic précoce, de dépistage et donc de traitement, suscitant des espoirs considérables, et le refus de pratiques parfois déjà en vigueur dans d’autres pays, moins-disants sur le plan éthique.
La médecine génomique doit être soutenue dans son essor, mais dans un cadre sécurisé.
La vigilance doit être forte sur les recherches ou diagnostics prénataux ou néonataux, qui soulèvent des questions éthiques majeures.
Je remercie Corinne Imbert d’avoir trouvé le juste équilibre et évité le risque eugénique.
L’interdiction de la création d’embryons chimériques par insertion de cellules souches embryonnaires ou pluripotentes induites humaines dans un embryon animal est bienvenue.
Enfin, l’interdiction de toute modification du génome d’un embryon humain doit être réaffirmée.
L’article 19 bis A maintient la technique du double diagnostic préimplantatoire, introduite en 2004 et pérennisée en 2011, en en assouplissant les conditions de mise en œuvre. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle pratique. J’y suis favorable.
À l’article relatif à l’interruption médicale de grossesse, je remercie la commission spéciale d’avoir adopté mon amendement tendant à supprimer l’ajout de la détresse psychosociale, qui en faisait un critère prédominant sur ceux qui sont retenus par les équipes pluridisciplinaires chargées d’examiner les demandes.
Mes chers collègues, nous allons débattre avec passion sûrement, mais aussi avec raison. Certains choix seront difficiles. S’il est possible d’entendre des demandes individuelles de personnes en souffrance, notre rôle de législateur est aussi de savoir dire non et de fixer un cadre rappelant nos valeurs et les principes de primauté de la personne humaine et de dignité de l’être humain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en première lecture, les socialistes ont formé le vœu que nous puissions « fixer des limites, tracer des frontières et ainsi contribuer à définir l’espace où se loge l’humanité dans la promesse infinie de la technologie ».
Pour permettre à la recherche scientifique de progresser, il est nécessaire de lui laisser la possibilité de savoir demain ce que l’on ignore aujourd’hui. C’est cette ambition du savoir qui caractérise l’espèce humaine, l’homo sapiens. Elle suppose, comme dans toute expérimentation, d’envisager l’erreur et le risque inhérent aux technologies utilisées.
En recherche biomédicale, les principes éthiques de bienfaisance – viser le mieux-être pour le plus grand nombre – et de non-malfaisance, intrinsèques à la médecine, fixent le cadre général.
Imposer à la bioéthique le respect d’un nouveau principe, de précaution, irait à rebours de toute intention de progrès. Ce serait sacrifier sur l’autel de l’état actuel des connaissances d’hypothétiques découvertes futures. Ce serait nous condamner à demeurer dans l’ignorance. Ce serait renoncer à soigner plus, plus tôt, mieux.
La liberté scientifique doit en conséquence s’exercer, mais elle doit être encadrée, et ce cadre doit évoluer avec l’avancée des connaissances et des techniques.
D’ores et déjà, nous pouvons compter sur quelques garde-fous contre les dérives que certains et certaines parmi vous craignent et que d’autres fantasment pour mieux rejeter en bloc les avancées permises au premier chapitre de ce texte.
Le premier de ces garde-fous est l’immense respect, par les scientifiques de notre pays, des principes éthiques qui jalonnent leur approche fondamentale : ces chercheurs et chercheuses, par exemple au sein du Genopole, ne sont pas les savants fous de la littérature fantastique !
Un autre garde-fou est l’Agence de la biomédecine, qui compte parmi ses missions le contrôle de la recherche sur les cellules souches. Nous souhaitons conforter ses missions et les étendre, notamment pour ce qui relève du régime déclaratif des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites.
Lors de cette deuxième lecture, outre les enjeux évoqués par notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie sur l’ouverture de l’AMP, les socialistes entendent défendre des principes essentiels, tels l’autonomie des patients, et l’exigence de réalité.
L’autonomie commande de permettre aux personnes engagées dans un projet parental d’AMP de bénéficier du diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies. À cet égard, un de nos amendements, hélas déclaré irrecevable, visait à permettre la détection, entre la fécondation et l’implantation dans l’utérus, d’une éventuelle anomalie chromosomique rendant inefficiente la PMA. Loin de la caricature eugéniste qui en est faite, nous voulons rendre ce diagnostic possible – sans l’imposer à quiconque – pour éviter des fausses couches assurées : c’est agir avec bienveillance pour les familles et les professionnels.
S’agissant de l’exigence de réalité, les socialistes souhaitent aligner le droit sur les pratiques en vigueur. Des Françaises et des Français réalisent des tests ADN à visée généalogique : c’est interdit, mais pratiqué, et des prestataires prospèrent sur cette activité, qui doit être encadrée. Établis hors de France, ils commercialisent des tests et défrichent la carte génétique de nos compatriotes. Nous estimons nécessaire de lever l’interdiction pour affiner le cadre réglementaire et affirmer la souveraineté de nos données généalogiques.
Tel est, mes chers collègues, l’état d’esprit dans lequel nous abordons cette discussion : permettre à l’excellence scientifique de conforter le progrès médical ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission spéciale.
projet de loi relatif à la bioéthique
TITRE Ier
ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre Ier
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé
Article 1er A
(Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié ter est présenté par MM. Mizzon et Duffourg, Mme Férat, M. Kern, Mme Herzog, MM. Masson et S. Demilly, Mme Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.
L’amendement n° 13 rectifié ter est présenté par MM. de Legge, Chevrollier, Retailleau, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, M. Sido, Mme Garnier, MM. Segouin et Cuypers, Mme Deseyne, M. Meurant, Mmes Eustache-Brinio et Deromedi, MM. Saury, Babary, Laménie et Rapin, Mme Joseph, M. Chaize, Mme Bourrat et MM. Bouloux et Le Rudulier.
L’amendement n° 67 rectifié ter est présenté par MM. H. Leroy, Regnard et Frassa.
L’amendement n° 107 rectifié quinquies est présenté par Mme Noël et MM. Chatillon et Charon.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 16-7 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il n’existe pas de droit à l’enfant. »
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié ter.
M. Jean-Marie Mizzon. À l’aube de l’examen des amendements sur ce projet de loi, il me paraît important, essentiel même, d’affirmer un principe, au regard de ce qu’on appelle communément le désir d’enfant.
En effet, chez les partisans de l’ouverture de la PMA, on a pris l’habitude de conférer aux personnes qui ne peuvent pas réaliser leur désir d’enfant et qui en souffrent un statut de victime : elles sont présentées comme victimes, non pas de leur situation objective qui les empêche de concevoir un enfant, mais de la société qui leur interdit de réaliser leur désir d’enfant, alors que la science leur en offre la possibilité.
On voudrait ainsi leur reconnaître des droits, comme si elles étaient – réellement – des victimes. C’est à partir de cette manière de voir que, ici même, en première lecture, un de nos collègues a soutenu que le désir d’enfant serait un droit fondamental…
Voilà pourquoi les auteurs de cet amendement proposent d’inscrire à l’article 16-7 du code civil qu’il n’existe pas de droit à l’enfant, principe adopté par notre assemblée en première lecture.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 13 rectifié ter.
M. Dominique de Legge. Dans la discussion générale, M. le secrétaire d’État a dit que nous pouvions avoir des avis divergents sur ce texte : je le remercie pour cette ouverture…
Si nous pouvons avoir des avis divergents, nous pouvons aussi essayer de nous retrouver, sur un texte sensible comme celui-ci, en affirmant d’entrée de jeu un principe : l’enfant est un sujet de droit, non un objet de droit.
Adoptée en première lecture par le Sénat, cette disposition a été supprimée par l’Assemblée nationale, au motif qu’elle ne serait peut-être pas suffisamment sécurisée. Eh bien, nous l’avons retravaillée pour vous soumettre cet après-midi le présent amendement.
En l’adoptant, nous montrerions, de façon symbolique et forte, que, si nous sommes, chacun et chacune d’entre nous, ouverts au débat, nous savons nous retrouver sur l’essentiel : l’enfant est un sujet de droit et, en aucun cas, un objet de droit. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Henri Leroy, pour présenter l’amendement n° 67 rectifié ter.
M. Henri Leroy. Cet amendement a pour objet de rétablir l’article 1er A dans la rédaction adoptée par notre assemblée en première lecture. C’est une question de bon sens et d’humanisme !
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 107 rectifié quinquies.
Mme Sylviane Noël. J’appuie les arguments qui viennent d’être présentés !
M. le président. L’amendement n° 141, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Avant l’article 310 du code civil, il est inséré un article 310… ainsi rédigé :
« Art. 310….- Nul n’a de droit à l’enfant. »
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. En préalable à notre débat, il est bon de rappeler dans le code civil ce principe fondamental : nul n’a de droit à l’enfant.
Avant d’évoquer des cas particuliers et subjectifs, mettons-nous d’accord sur les principes généraux de notre éthique. Un enfant n’est pas un droit ! Il est un être humain à part entière, qui mérite, en raison de sa vulnérabilité, une protection toute particulière : un enfant a des droits.
Le droit est fait pour régir la vie en société et édicter les règles du bien commun ; c’est cela qui empêche les dérives du droit et de la jurisprudence à mesure que l’on examine les cas particuliers qui existent dans notre société.
L’amour est totalement subjectif, tandis que l’éthique et la filiation sont liées par la réalité biologique.
C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, quel que soit votre bord, à soutenir cet amendement, pour rappeler ce principe de base et cette ligne rouge : oui aux droits de l’enfant, non au droit à l’enfant ! Si vous le rejetiez, vous ouvririez la porte à un glissement progressif de notre droit vers une déshumanité ni bio ni éthique…
M. le président. L’amendement n° 108 rectifié ter, présenté par Mme Noël, M. Chatillon, Mme Belrhiti, MM. Laménie et Cuypers, Mmes Deromedi et Joseph et MM. H. Leroy, Le Rudulier, Sido et E. Blanc, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
En matière de bioéthique, un principe de précaution s’applique.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Alors que le principe de précaution est consacré en matière de droit de l’environnement depuis la loi du 2 janvier 1995, dite Barnier, il n’y est nullement fait référence en matière de droit de la bioéthique. De fait, aucun texte de droit français n’affirme que la bioéthique y est soumise.
Pourtant, il est largement admis que l’intérêt des générations futures doit être pris en compte. Ainsi, la Convention d’Oviedo de 1997 énonce, à l’alinéa 12 de son préambule, que « les progrès de la biologie et de la médecine doivent être utilisés pour le bénéfice des générations présentes et futures ».
De même, consciente que les décisions portant sur les questions éthiques que posent la médecine, les sciences de la vie et les technologies qui leur sont associées peuvent avoir des conséquences sur les individus, les familles, les groupes ou communautés et l’humanité tout entière, l’Unesco a affirmé, dans la Déclaration universelle du 19 octobre 2005 sur la bioéthique et les droits de l’homme, que « l’incidence des sciences de la vie sur les générations futures devrait être dûment prise en considération ».
Le principe de précaution connaît aujourd’hui un développement hors du droit de l’environnement stricto sensu. Ainsi est-il pris en compte dans certaines recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, en même temps qu’il est réaffirmé à l’article 174 du Traité instituant la Communauté européenne.
En France, le principe de précaution a été érigé au rang constitutionnel par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Si cette disposition vise exclusivement un dommage affectant l’environnement, le Conseil constitutionnel pourrait tirer du texte constitutionnel la reconnaissance d’un principe général de précaution, susceptible de s’appliquer dans d’autres domaines, d’autant que l’article 1er de cette charte lie l’environnement à la santé.
Il me paraît donc tout à fait opportun d’inscrire dans la loi que la bioéthique est soumise au principe de précaution.
M. le président. L’amendement n° 106 rectifié ter, présenté par Mme Noël, M. Chatillon, Mme Belrhiti, MM. Laménie et Cuypers, Mme Deromedi et MM. H. Leroy, Le Rudulier, Sido et E. Blanc, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans le délai d’un an après l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport précisant la définition et les modalités d’application du principe de précaution en matière de bioéthique.
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Cet amendement a le même objet que le précédent. Comme je viens de l’expliquer, le principe de précaution connaissant un développement hors de son terrain d’application initial, la bioéthique pourrait lui être entièrement soumise.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les amendements identiques nos 5 rectifié ter, 13 rectifié ter, 67 rectifié ter et 107 rectifié quinquies tendent à inscrire dans le code civil qu’il n’existe pas de droit à l’enfant. À titre personnel, je suis assez convaincue par ces amendements et leurs motivations : l’accès à une technique médicale en l’absence d’indication thérapeutique fait penser que, indirectement, on demande un droit à l’enfant. Toutefois, j’ai été presque seule à être convaincue… La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
L’amendement n° 141 vise le même objectif, avec une formulation déjà rejetée par la commission l’année dernière comme impropre. Avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 108 rectifié ter, je rappelle que le principe de précaution tel qu’il existe en droit de l’environnement est un principe non pas d’abstention, mais d’action. Je ne suis donc pas certaine qu’il convienne au but visé par les auteurs de l’amendement.
En réalité, ces derniers rejoignent l’objectif même des lois de bioéthique : assurer le respect de la dignité de la personne et prévenir d’éventuelles dérives dans le cadre des activités médicales et de recherche. La procédure qui entoure ces lois – avis du Comité consultatif national d’éthique, États généraux de la bioéthique, procédure législative longue – assure déjà les précautions souhaitables.
L’avis est donc défavorable sur l’amendement n° 108 rectifié ter.
Il l’est également sur l’amendement n° 106 rectifié ter, par cohérence avec l’avis précédent comme au regard de la jurisprudence sénatoriale sur les demandes de rapport.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Si les amendements identiques étaient adoptés, voici ce que serait l’article 16-7 du code civil : il n’existe pas de droit à l’enfant. Le moins que l’on puisse dire, c’est que, dans la formulation, c’est du brutal – pardon pour cette familiarité… (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) On a besoin de nuance !
D’abord, il existe une liberté de procréer pour les couples qui le peuvent.
Ensuite, notre droit organise déjà les conditions dans lesquelles des personnes ou des couples peuvent adopter ou recourir à la PMA. Notre droit reconnaît ces droits – et, bien sûr, les encadre.
Évidemment, l’enfant n’est pas un objet de droit – au singulier –, mais un sujet de droits – au pluriel.
Si la formulation proposée est brutale, c’est aussi qu’elle fait fi du projet parental, qu’elle dénie toute valeur à l’envie d’avoir un enfant.
Enfin, le code civil peut-il consacrer un non-droit ? Au fond, cette précision est-elle utile ? Le code civil fixe des règles, pas des non-règles.
Dans ces conditions, je suis évidemment défavorable aux quatre amendements identiques, ainsi qu’à l’amendement n° 141, dont le libellé est différent.
En ce qui concerne les amendements nos 108 rectifié ter et 106 rectifié ter, je rappelle que le principe de précaution, principe constitutionnel, n’a été introduit qu’en matière environnementale, par l’article 5 de la Charte de l’environnement. Dans son étude de juin 2018 sur le projet de loi bioéthique, le Conseil d’État a considéré que ce principe ne trouvait pas à s’appliquer en matière bioéthique. Au demeurant, vous savez que le Gouvernement est défavorable par principe aux demandes de rapport, le Parlement disposant des moyens d’exercer son contrôle. Avis défavorable, donc.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Le sénateur Mizzon et les autres défenseurs des amendements identiques entendent inscrire dans le code civil que nul n’a le droit à l’enfant. Mais qu’il n’y ait pas de droit à l’enfant, mes chers collègues, tout le monde l’admet !
Ainsi, comme l’a rappelé le garde des sceaux, le Conseil d’État a clairement réaffirmé, dans son avis sur ce projet de loi, que « l’invocation d’un “droit à l’enfant” est sans portée, une telle notion n’ayant pas de consistante juridique dès lors qu’un enfant est une personne, un sujet de droit, et qu’il ne saurait être envisagé comme l’objet du droit d’un tiers ».
Va-t-on construire notre droit en édictant des interdits sans fondement ? Pourquoi vouloir réintroduire une disposition sans portée juridique, reposant sur un concept inexistant ? Personne ici n’a déposé un amendement visant à affirmer un droit à l’enfant, ni développé une argumentation en ce sens. Nous voterons contre ces amendements ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Avec les membres du groupe socialiste, je voterai contre l’ensemble de ces amendements. Comme M. Salmon et avant lui le garde des sceaux l’ont expliqué, ils sont sans portée juridique – je n’y reviens pas. En réalité, ces amendements d’affichage politique sont essentiellement destinés aux quelques personnes qui manifestent actuellement devant le Sénat. (Mmes Marie-Pierre de La Gontrie et Patricia Schillinger ainsi que M. Xavier Iacovelli applaudissent. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Évitez ce genre de provocation !
Mme Laurence Rossignol. En quoi mentionner qu’il y a des manifestants devant le Sénat serait-il une provocation ? C’est un fait. Il est tout aussi factuel que certains d’entre vous relaient ce qui se dit à l’extérieur – plusieurs d’ailleurs le revendiquent. Je ne porte atteinte à personne en faisant état de ce qui se passe.
Si vous alliez au bout de votre logique, vous devriez proposer la disparition des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) et la fin de la PMA pour les couples hétérosexuels. Ce n’est pas la question du droit à l’enfant qui est en jeu, pour vous : c’est le droit des femmes à choisir leur sexualité et leur droit à fonder une famille. Écrivez-le, ce sera beaucoup mieux !
Quant à notre collègue Ravier, je serais prête à me réjouir de son adhésion subite aux droits de l’enfant, parce que, chaque fois qu’on en parle dans cet hémicycle, il est contre… C’est le cas pour le droit des enfants à vivre avec leurs parents – le regroupement familial. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) De même lorsque nous défendons les droits de l’enfant à une éducation sans violence : vous nous répondez que c’est contraire à l’autorité des parents.
Pour vous, les droits de l’enfant sont à géométrie variable : en réalité, l’argument est pur artifice pour combattre les droits des femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Patricia Schillinger et M. Xavier Iacovelli applaudissent également. – Nouvelles exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens la position de la commission spéciale, qui a émis un avis défavorable sur ces amendements. Je souscris aux arguments du garde des sceaux et de nos deux collègues qui ont parlé après lui.
Il est très important pour la sérénité de nos débats que nous réfléchissions à la portée des amendements que nous défendons. À quoi bon proposer une disposition sans portée juridique ? Comme il a été souligné, il n’y a pas de droit à l’enfant ! (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.) Mes chers collègues, essayons de nous écouter ; nous sommes ici pour débattre – débattre pour éviter de se battre, comme disait fort bien un journaliste.
Fondamentalement, cette série d’amendements, rejetés par la commission spéciale, qui reflète la diversité politique de notre assemblée, expriment une certaine peur à l’égard de l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes.
Cette peur, réelle, fait que nous sommes profondément en désaccord sur les différences de parentalité et la multiplicité des familles d’aujourd’hui. La famille traditionnelle – papa, maman, enfants – existe, mais il y en a d’autres, et toutes doivent avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Pour moi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ce projet de loi instaure une égalité entre ces familles. L’ouverture de l’AMP ne doit pas être amoindrie par des dispositions destinées à affaiblir la portée d’une mesure qui fera reculer les inégalités et effacera les discriminations qui existent aujourd’hui.
Mes chers collègues, ne faisons pas entrer par la fenêtre des mesures qui feraient se faner la future loi. Soyons fiers d’ouvrir l’AMP à toutes ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je ne pense pas être le relais de ceux qui manifestent devant le Sénat – cela se saurait ! Pour autant, je ne suis pas choqué par ces amendements.
Permettez-moi de revenir sur l’argumentation de Mme Cohen et d’évoquer le fond. Je suis d’accord avec le garde des sceaux : l’alinéa proposé est certes un peu brutal, un peu brut de décoffrage, mais dire d’emblée, au moment d’entamer un débat difficile – je dirai ce que je pense du comportement du Gouvernement en parole sur l’article 1er – qu’« il n’existe pas de droit à l’enfant » est sans rapport, selon moi, avec l’article 1er, madame Cohen. Cela traduit simplement la crainte de ceux qui manifestent à l’extérieur, mais aussi de beaucoup ici, que ce projet de loi n’ouvre la voie, à terme, à la GPA.
Ce que nous disons en réalité au Gouvernement, qui pourra proposer une autre rédaction en CMP, c’est qu’il doit dire les choses clairement, mettre des barrières, fixer un cadre et faire en sorte que nous puissions trouver des solutions consensuelles, afin qu’on ne puisse pas se dire qu’on a ouvert les vannes sans savoir où cela nous mènera.
Bien sûr, ces amendements sont plus politiques que juridiques, mais combien de fois le Sénat a-t-il voté de tels amendements ? Après tout, nous sommes le Parlement, et non le Conseil d’État ! (Sourires.) Que nous votions des amendements un peu politiques, franchement, cela ne me choque pas énormément !
Je voterai ces amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le garde des sceaux, cette rédaction, que vous jugez brutale, a le mérite d’être claire ! Dans un texte tel que celui-ci, c’est préférable.
Notre collègue du groupe communiste républicain citoyen et écologiste a rappelé que la commission a voté contre ces amendements. Si l’avis de la commission valait débat en séance publique, nous gagnerions certes beaucoup de temps, mais il est important que le débat ait aussi lieu en séance publique. Ce n’est donc pas parce que la commission a voté contre ces amendements, à une faible majorité du reste, qu’il faudrait dire : « Circulez, il n’y a rien à voir ».
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement est le fruit de ce que M. Jomier a appelé tout à l’heure le « péché originel » de ce projet de loi. En effet, sous couvert d’éthique ou de bioéthique, les articles 1er et 4 traitent de sujets de société, de problèmes anthropologiques. Si nous avions examiné un projet de loi sociétale, nous aurions porté un regard tout à fait différent sur cet article et sur ces amendements et nous aurions rappelé cette vérité fondamentale : la loi est là pour protéger le plus faible.
Telles sont les raisons pour lesquelles je maintiens mon amendement, que le Sénat avait d’ailleurs, je le rappelle, voté en première lecture. J’invite donc l’ensemble de mes collègues à ne pas se déjuger aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. M. Karoutchi, que j’écoute toujours, et ce depuis des années (Sourires.) a dit que nous n’étions pas le Conseil d’État et que nous pouvions voter des dispositions politiques. Bien sûr ! Pour autant, il n’est pas interdit de faire un peu de droit.
Je laisse de côté nos désaccords de fond, ils ont été évoqués, je n’y reviens pas, mais imaginons que cette phrase soit inscrite dans le code civil : quelle portée aurait-elle ? Je dois dire que je ne la cerne pas très bien. Plutôt, je pense qu’elle s’opposerait à toutes les dispositions du code civil permettant d’avoir des enfants selon des procédés qui ne sont pas totalement spontanés et naturels. Je pense notamment aux dispositifs, aujourd’hui autorisés, d’aide à la procréation – si je ne me trompe pas, vous ne souhaitez pas les abroger, monsieur Karoutchi –, ou encore à l’adoption.
Nous ne sommes certes pas le Conseil d’État, mais nous devons veiller à la cohérence de ce que nous votons. Or, personnellement, j’ai tendance à penser que le vote de ce dispositif conduira les juridictions à considérer que d’autres dispositions lui sont contraires. Il aura donc pour effet d’affaiblir, voire d’anéantir leur portée, notamment celles de ces dispositions qui concernent l’adoption ou l’aide à la procréation, telles qu’elles existent aujourd’hui.
Attention, cher collègue ! Nous pouvons faire de la politique, bien sûr – et chacun aura compris que nous sommes en désaccord de ce point de vue –, mais je ne suis pas convaincue qu’il faille traduire votre position politique en votant ce dispositif, car, ce faisant, vous prendriez le risque de déstabiliser un ensemble de dispositions relatives aux enfants. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Je déplore tous les jours le manichéisme, l’absence de nuances de notre époque. Il faut se positionner sur tous les sujets : il y aurait le bien d’un côté, le mal de l’autre, le noir, le blanc… La palette de couleurs a disparu au profit d’une forme de radicalisation, d’exacerbation permanente des choses.
Je me placerai pour ma part sur le terrain du raisonnable. J’ai indiqué que je respecterais toutes les convictions, et ce n’était pas là un vœu pieux. Ces sujets sont sensibles, ils relèvent de l’intime. Lorsque je dis que « c’est du brutal » – pour citer un auteur que nous aimons tous –, je pense notamment – pardon de vous le dire ainsi – à des gens qui se battent depuis des années pour adopter et pour qui le fait de ne pas y parvenir est devenu le grand malheur de leur vie. Ces gens vont entendre brutalement que la Haute Assemblée considère qu’il n’existe pas de droit à l’enfant.
Je l’ai dit, il y a des projets parentaux qui sont dignes de notre intérêt, du vôtre aussi, bien sûr. Il existe aussi un droit à procréer. M. Karoutchi nous rappelle, de façon amusante, en ayant l’œil qui frise, que le Sénat a parfois voté des dispositions politiques. Je l’entends, mais j’aimerais que l’on s’attarde une seconde sur la brutalité, sur la violence du propos.
Enfin, permettez-moi d’indiquer que le code civil ne consacre pas de droit à l’enfant. Il ne s’agit donc pas d’abroger un texte qui pourrait être gênant. D’ailleurs, dans sa grande sagesse, le législateur n’affirme pas qu’il existe un droit à l’enfant – nous savons tous qu’il n’en existe pas à proprement parler –, de même qu’il n’y a pas un droit de l’enfant : l’enfant est sujet de droits, au pluriel.
Je vous demande de penser à ceux qui désirent tant avoir un enfant – pas pour son malheur, monsieur le sénateur Retailleau – et à qui vous allez dire qu’il n’existe pas de droit à l’enfant. C’est un peu difficile, brutal et violent. Il me semble que l’on pourrait être un peu plus nuancé – j’emploie le conditionnel à dessein. Telle est en tout cas mon espérance. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voterai bien sûr ces amendements identiques, mais je souhaite répondre à M. le garde des sceaux, qui m’a interpellé. Chacun a compris que l’amendement de Dominique de Legge ne vise pas à décourager toutes les personnes qui veulent recourir à l’adoption.
Tous ceux qui, comme moi, ont eu des responsabilités au sein d’un exécutif départemental savent que les conseils départementaux, qui sont compétents en matière d’agrément, les refusent parfois à certains couples, pour qui c’est une vraie souffrance. Il n’y a donc pas de droit intrinsèque à l’enfant. On essaie d’abord de voir quel est l’intérêt de l’enfant. Tous les anciens présidents de conseils départementaux connaissent ce mécanisme et la souffrance de beaucoup de parents.
Je comprends le désir d’enfant, celui de couples de femmes ou d’autres, mais puisque vous nous invitez à faire preuve de nuance, ne caricaturez pas ces amendements, qui visent à rappeler un fait.
En matière d’adoption, la méthode déjà ancienne de l’agrément permet simplement de vérifier que les conditions d’adoption sont compatibles avec l’intérêt de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 rectifié ter, 13 rectifié ter, 67 rectifié ter et 107 rectifié quinquies.
(Les amendements sont adoptés.) – (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er A est rétabli dans cette rédaction, et les amendements nos 141, 108 rectifié ter et 106 rectifié ter n’ont plus objet.
Article 1er
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation a pour objet de remédier à l’infertilité d’un couple formé d’un homme et d’une femme dont le caractère pathologique est médicalement diagnostiqué ou d’éviter la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie d’une particulière gravité.
« II. – Les demandeurs doivent consentir préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination.
« Font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au premier alinéa du II par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.
« L’accès à l’assistance médicale à la procréation est possible selon des conditions d’âge encadrées par une recommandation de bonnes pratiques fixée par arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.
« Lorsqu’un recueil d’ovocytes a lieu dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire. » ;
1° bis Après le même article L. 2141-2, il est inséré un article L. 2141-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2-1. – Tout couple formé de deux femmes ou toute femme non mariée répondant aux conditions prévues au II de l’article L. 2141-2 a accès à l’assistance médicale à la procréation selon les modalités prévues au présent chapitre. » ;
1° ter L’article L. 2141-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3. – Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1.
« Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou en cas de décès de l’un des membres du couple.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
2° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6, y compris, s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accueil d’embryons, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. – Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues au II de l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l’accueil de l’embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 342-10 du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon, au bénéfice de l’enfant. Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa du présent article.
« Aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon.
« L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil. » ;
3° L’article L. 2141-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Elle est également mise en œuvre dans les cas prévus à l’article L. 2141-2-1.
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit. » ;
4° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. – Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s’applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. – La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est précédée d’entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d’un psychiatre ou psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent, le cas échéant extérieur au centre. L’équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l’équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° S’assurer de la volonté des deux membres du couple ou de la femme non mariée à poursuivre leur projet parental par la voie de l’assistance médicale à la procréation, après leur avoir dispensé l’information prévue au 3° et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d’adoption ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale, psychologique et, en tant que de besoin, sociale, des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 3° Informer complètement et au regard de l’état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;
« 3° bis En cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, informer les deux membres du couple ou la femme non mariée des modalités de l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ;
« 4° Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information à ce sujet ;
« d) Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet ;
« e) Des éléments d’information sur les taux de réussite des techniques d’assistance médicale à la procréation, leurs effets secondaires et leurs risques à court et à long termes ainsi que sur l’état des connaissances concernant la santé des enfants ainsi conçus.
« Le consentement du couple ou de la femme non mariée est confirmé par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5° du présent article.
« L’assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en œuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa lorsque la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« La composition de l’équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d’État. »
I bis. – L’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à l’assistance médicale à la procréation réalisée en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique. »
II. – L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité ; »
2° Après le 25°, il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l’assistance médicale à la procréation réalisée, en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
III. – (Supprimé)
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, sur l’article.
M. Pierre Cuypers. Dans ce dédale de transcriptions législatives qui va à l’encontre d’un amour filial qui existe depuis la nuit des temps, nous laissons contrarier la nature. Monsieur le garde des sceaux, où est le père ? Où est la mère ? Où est l’intérêt de l’enfant ?
En dépit de ce que vous dites, monsieur le garde des sceaux, la notion juridique de droit à l’enfant proposée bouleverse tous les équilibres de la filiation. Cette dernière est pourtant le lien entre l’homme ou la femme et l’enfant auquel ils ont donné naissance.
Il n’existe pas de droit à l’enfant ; au contraire, votre texte devrait respecter le droit de l’enfant. C’est pourquoi j’ai voté l’amendement de mon collègue Dominique de Legge visant à rétablir l’article 1er A et, ce faisant, à supprimer la référence juridique au « droit à ».
Ce texte, qui prévoit l’extension de la PMA sans motif médical et l’établissement d’une filiation sans père, ne peut en aucun cas être accepté. En tant que président du groupe parlementaire chrétien (Exclamations sur les travées du groupe SER – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains), j’ai cosigné l’amendement déposé par ma collègue Anne Chain-Larché visant à supprimer l’article 1er. Je soutiens pleinement cet amendement, car ouvrir la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules revient à accepter d’effacer délibérément l’un des parents de l’enfant. Cela revient également à dire que le géniteur n’aurait pas d’importance pour la construction de l’enfant.
Créer une double filiation maternelle et supprimer la notion de père est intolérable. Nous sommes en passe d’imposer à l’enfant et à la société une filiation sociale fondée sur le seul désir de l’adulte.
Dois-je vous rappeler, monsieur le garde des sceaux, qu’une grande majorité de Français estiment que l’État – je dis bien : l’État – doit garantir à l’enfant né par PMA le droit d’avoir un père et une mère ?
Cet état de fait tend à faciliter la reconnaissance de la GPA : admettez-le simplement, monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État.
Telles sont les raisons pour lesquelles je m’oppose fermement à l’adoption d’une telle loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.
M. André Reichardt. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui compte assurément de nombreux articles dont l’importance est considérable pour la sauvegarde des équilibres sociétaux de notre pays, mais l’article 1er, qui étend l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes seules, est essentiel à cet égard.
Cet article, associé à l’article 4, qui opère une réforme en profondeur du droit de la filiation, crée une véritable rupture avec le droit applicable à la PMA et avec le fragile équilibre établi depuis les premières lois de bioéthique de 1994.
Jusqu’à aujourd’hui, mes chers collègues, l’assistance médicale à la procréation était un ensemble de techniques médicales mises au point pour les couples souffrant d’une pathologie de la fertilité ou présentant, séparément ou conjointement, un risque de transmettre une maladie d’une particulière gravité à l’enfant.
Désormais, le recours à l’AMP pour des personnes a priori fécondes détournerait la médecine de sa finalité pour la mettre au service de revendications sociétales. Ainsi, la médecine qui vise à prévenir et à traiter les maladies deviendrait une sorte de prestation de services pour satisfaire des désirs individuels.
Contrairement à ce que l’on entend régulièrement, les problèmes que soulève l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes sont différents de ceux que posent les familles monoparentales ou homoparentales. La question qui se pose est de savoir si, comme le prévoit ce projet de loi, nous pouvons, en termes d’éthique et d’égalité, priver délibérément des enfants de père dès avant leur conception.
Ce texte, s’il était voté dans sa rédaction actuelle, conduirait ni plus ni moins à effacer la fonction paternelle. On n’arrivera pas à me convaincre que l’absence de père est indifférente pour l’enfant.
Par ailleurs, ouvrir la PMA aux couples de femmes, n’est-ce pas entrouvrir la porte à la GPA dans le futur ? Certes, l’article 4 bis du texte de la commission spéciale l’exclut désormais expressément, mais sous couvert d’égalité, ne demandera-t-on pas demain de rendre possible l’impossible, à savoir la reproduction par deux personnes d’un même sexe ? Un couple d’hommes, voire un homme seul pourront demander que la loi leur donne ce même moyen d’accès à la parentalité.
D’ailleurs, étendre l’accès à la PMA, c’est déjà ouvrir la porte à la marchandisation humaine. Les pays qui ont étendu la PMA ont dû rémunérer les hommes qui fournissent leurs cellules sexuelles, tout simplement parce que les dons actuels suffisent déjà à peine à couvrir les besoins des couples souffrant de pathologies de la fertilité.
Enfin, l’extension prévue de la PMA remet en question tout notre droit de la filiation. L’inscription sur l’acte de naissance de l’enfant de deux mères bouleverserait le sens de la filiation d’origine – j’y reviendrai lorsque nous examinerons l’article 4.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je me suis associé à l’amendement de Mme Anne Chain-Larché visant à supprimer cet article. Je vous invite d’ores et déjà à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. L’article que nous examinons constitue l’une des mesures phares de ce projet de loi. Il est la traduction de l’un des engagements du Président de la République : permettre à chacun de vivre sa vie de couple et de construire son projet familial.
Il s’agit donc, dans le prolongement de cet engagement, d’ouvrir aux couples de femmes et aux femmes seules l’assistance médicale à la procréation, principe que la commission spéciale a sauvegardé, ce dont je me réjouis.
Toutefois, nous n’avons pas la même vision de la manière dont l’accès à celle-ci doit être élargi. La commission spéciale persiste notamment à faire une distinction entre l’accès à l’AMP pour les couples infertiles d’une part, et pour les couples de femmes et les femmes non mariées d’autre part, ce qui revient à priver ces dernières d’une prise en charge par l’assurance maladie. À nos yeux, si une telle rédaction devait être conservée, elle serait contraire aux objectifs du texte, qui sont d’apporter des solutions à ces femmes rencontrant des difficultés dans la réalisation de leur projet parental et d’assurer la solidarité au sein de notre système de santé.
Aussi, parce que nous refusons de distinguer en fonction des critères d’orientation sexuelle ou de composition des ménages les projets parentaux qui mériteraient le soutien de la solidarité nationale de ceux qui ne le mériteraient pas, nous soutiendrons l’amendement du Gouvernement, ainsi que les amendements similaires portés par nos collègues visant à étendre l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, sans distinguer selon un critère pathologique, sans hiérarchiser les projets parentaux, sans les discriminer d’une quelconque façon.
Telle est notre vision de la famille en 2021 : plurielle, mais ayant toujours à cœur l’intérêt supérieur de l’enfant. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, sur l’article.
M. Patrick Kanner. Je me réjouis que le Sénat, en tout cas au moins pour partie, revendique aujourd’hui la liberté et l’égalité d’accès à la science pour répondre à un désir d’enfant.
Chaque année, 2 000 à 4 000 femmes ont recours à l’assistance médicale à la procréation à l’étranger. Nous n’actons donc pas un changement de civilisation, mes chers collègues : ces familles existent déjà. Comme souvent, la pratique a devancé le droit et les représentations symboliques. Nous avons connu le même phénomène pour le mariage pour tous, qui avait été tant décrié au motif qu’il allait entraîner un délitement de la société. Or, ces 4 000 ou 5 000 mariages homosexuels ne posent aujourd’hui aucun problème à notre société.
La filiation est un fait social et culturel, et non une vérité seulement biologique : voilà ce que nous voulons acter aujourd’hui. L’ouverture du droit à l’AMP met fin à une forme de discrimination. Toute femme pourra envisager de devenir parent, indépendamment de sa situation maritale et de son orientation sexuelle.
La majorité sénatoriale s’est toujours opposée au remboursement de l’AMP pour les femmes seules et les couples de femmes alors que les couples hétérosexuels infertiles, eux, bénéficient d’un tel remboursement.
Chers collègues, vous ne demandez pas à un couple hétérosexuel en âge de procréer, mais infertile, de choisir plutôt l’adoption, ou bien de renoncer à devenir parent ou de changer de partenaire. Non, dans leur cas, l’AMP avec un tiers donneur est remboursée par la sécurité sociale. En revanche, vous considérez qu’un couple de lesbiennes ou une femme seule, qui ne peuvent procréer sans homme, peuvent avoir recours à l’AMP avec tiers donneur, mais vous dites : pas de remboursement ! Cherchez l’erreur…
Que veut dire la droite sénatoriale avec cette discrimination ? Je crois qu’elle dit : cachez-moi ces familles que je ne saurais voir ; cachez-moi ces familles monoparentales ; cachez-moi ces parents homosexuels ; pas de remboursement par la sécurité sociale, pas de soutien de la Nation. (M. Xavier Iacovelli applaudit.)
À défaut de réussir à empêcher l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes, la majorité sénatoriale souhaite un traitement différencié. C’est dire que le recours à l’AMP est légitime pour les uns, mais injustifiable pour les autres. C’est dire que, pour les femmes seules et les femmes homosexuelles, c’est une affaire privée, que vous ne tolérez pas et que vous ne soutenez pas.
Dois-je rappeler les « caprices » et autres « PMA de convenance » entendus dans cet hémicycle ? Il n’y a pas de « vraies » familles, mes chers collègues, il y a « des » familles.
Ouvrir un nouveau droit sans le rendre effectif par une prise en charge de la sécurité sociale revient de fait à s’y opposer.
J’ai bien compris que vous vous étiez radicalisés entre les deux lectures, mes chers collègues, et que vous ne vouliez pas du tout de la PMA. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, sur l’article.
M. Daniel Salmon. Un certain nombre de dispositions m’ont conduit à m’interroger, à douter. L’article 1er n’en fait clairement pas partie, ou plutôt n’en fait plus partie, tant il est vrai que j’ai cheminé sur cette question.
L’élargissement de l’accès à l’AMP à toutes les femmes est indéniablement une mesure sociale de justice et d’égalité. Cette mesure est très attendue par de nombreuses femmes et de nombreuses familles. Aujourd’hui, des milliers de femmes ont recours à l’AMP à l’étranger et se mettent en danger, en effectuant une démarche coûteuse et éprouvante. En tant que législateurs, notre devoir est de sécuriser les parcours de toutes ces femmes et de leur apporter une sécurité financière, juridique, mais aussi médicale.
Aujourd’hui, en France, l’AMP est une technique légale réservée aux couples hétérosexuels. Est-il juste qu’elle leur soit réservée à eux seuls ? Peut-on continuer d’en exclure les couples de femmes et les femmes seules ?
Mes chers collègues, le besoin de stabilité et de sécurité affective des enfants n’est ni genré ni exclusivement biologique. Je ne pense pas que la vulnérabilité d’un enfant résulte de l’absence de père. Ce qui compte, c’est que l’enfant soit entouré de gens qui l’ont désiré, qui l’aiment et qui lui servent de repères. L’amour est la base du foyer familial, le socle d’une famille heureuse. C’est la notion la plus importante lorsque l’on veut transmettre, chérir et éduquer.
Nous connaissons tous des enfants élevés par des femmes seules ; nous connaissons aussi des enfants nés de couples de femmes. Je ne pense pas que nous ayons de leçon d’amour et d’éducation à donner à ces parents.
La société française a évolué vers un modèle familial qui ne se résume plus à une configuration unique, fruit d’un modèle conjugal unique. Ce modèle, dont on parle beaucoup, est une construction historique récente. D’autres modèles ont existé par le passé ; d’autres existent ailleurs dans le monde ; de nouveaux modèles sont apparus ces dernières décennies.
Les deux tiers des Français sont favorables à cette avancée sociale majeure.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai avec conviction l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Ce projet de loi est porteur de nombreuses avancées très attendues de toutes parts, particulièrement en son chapitre 1er ayant trait à la procréation. Néanmoins, le texte qui nous est proposé, tel qu’il résulte des travaux de la commission spéciale du Sénat, est quelque peu insatisfaisant.
L’Assemblée nationale n’a pas voté le principe de l’assistance médicale à la procréation post mortem ni l’ouverture de l’AMP aux personnes transgenres. Ces évolutions m’apparaissent pourtant importantes et nécessaires. Il appartient donc au Sénat de trancher. J’appelle de mes vœux l’adoption par cette assemblée des amendements tendant à introduire ces dispositions, qui correspondent à des mutations de la société.
En outre, dans sa rédaction actuelle, le texte autorise les couples de femmes à avoir recours à l’assistance médicale à la procréation, mais interdit son remboursement par l’assurance maladie en réintroduisant le critère d’infertilité comme condition d’accès à l’AMP.
Cette modification, introduite par la commission spéciale du Sénat, constitue une rupture d’égalité entre les couples hétérosexuels et les couples de femmes, laquelle risque d’entraîner la censure par le Conseil constitutionnel de la disposition tout entière. Elle constitue surtout pour les couples de femmes une discrimination que nous ne saurions tolérer.
Par ailleurs, rétablir l’évaluation psychologique et sociale des demandeurs au moment où nous inscrivons dans la loi l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes revient à stigmatiser de manière manifeste ces couples.
Mes chers collègues, comme je l’ai dit dans mon introduction, ce texte est porteur d’avancées majeures. N’adoptons donc pas de positions iniques et montrons que le Sénat peut être moderne et porteur de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, sur l’article.
M. Roger Karoutchi. Avant de débattre des quarante amendements déposés sur cet article, je souhaite poser deux questions au Gouvernement. En fonction des réponses, peut-être mon vote changera-t-il.
Ma première question est la suivante : pourquoi inscrire le texte relatif à bioéthique à l’ordre du jour de nos travaux, alors que le texte sur les retraites et celui sur la décentralisation, pas plus essentiels, mais pas moins non plus, sont passés à la trappe ? Et je ne parle même pas de la réforme constitutionnelle, à laquelle nous viendrons un jour, si Dieu le veut. Pourquoi ce texte plutôt que les autres ?
Ma seconde question est bien plus importante, à mon sens. En première lecture, le Gouvernement nous avait assuré qu’il entendait les positions que nous défendions au Sénat. Sans pouvoir nous garantir que le texte serait voté en des termes identiques à l’Assemblée nationale, il s’était engagé à le faire évoluer en favorisant des positions consensuelles. J’ai été très déçu de constater que cela n’avait évidemment pas du tout été le cas, puisque 90 % des avancées que nous avions proposées ont été balayées par les députés, avec l’accord du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez dit chercher un consensus, et M. le garde des sceaux a redit après vous qu’il souhaitait que nous nous exprimions sur toutes les travées, pour qu’un compromis se dégage à partir des idées qui auront été formulées.
Par conséquent, soyons clairs : que ferez-vous du texte issu des travaux du Sénat lorsqu’il sera examiné à l’Assemblée nationale ? Est-ce que vous partez du principe que, quoi que nous votions, vous en reviendrez au texte de l’Assemblée nationale, parce que c’est ce que vous avez décidé avant même que le débat ait lieu au Sénat ? Ou bien considérez-vous que les textes qui portent sur des sujets comme la bioéthique doivent être l’occasion de construire un consensus, car ils ne s’inscrivent pas dans un cadre strictement politique, mais engagent des évolutions de la société qui exigent que les chambres trouvent des solutions de compromis ?
Monsieur le secrétaire d’État, opposerez-vous l’Assemblée nationale et le Sénat ou bien chercherez-vous un compromis ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er ouvre l’accès à la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules. L’AMP est bien sûr aussi utilisée en cas d’infertilité des couples composés d’un homme et d’une femme.
Cet article est essentiel dans le projet de loi. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, les structures familiales actuelles ne sont plus celles d’hier. C’est un fait dont il faut tenir compte.
La commission spéciale a rétabli la rédaction du texte adoptée en première lecture et maintenu le critère médical pour bénéficier du remboursement de l’AMP à 100 % par la sécurité sociale, ce qui a pour conséquence d’écarter les couples de femmes et les femmes seules.
J’avais voté l’amendement visant à introduire ce critère en première lecture, mais ma position a évolué, car il est souvent difficile de déterminer si une raison médicale justifie ou pas le recours à la procréation médicalement assistée. Dans le cas d’une femme de 40 ans, dont le nombre d’ovocytes diminue, le critère est-il médical ou physiologique ?
J’avais donc déposé un amendement visant à limiter le bénéfice du remboursement à 100 % par la sécurité sociale aux seules interventions dont le caractère médical était avéré, le ticket modérateur restant à charge pour les autres.
Cependant, il ne suffit pas pour une femme de se présenter et de rencontrer l’équipe pluridisciplinaire pour bénéficier d’une PMA. Les femmes, qu’elles soient seules ou en couple, reçoivent une information très précise lors d’un entretien particulier au cours duquel une équipe médicale, renforcée par des biologistes cliniciens et des psychiatres, leur explique ce qu’il est possible de faire en fonction de leur cas et quels sont les effets secondaires.
Par conséquent, nous devons voter l’article 1er. La PMA est encadrée par des recommandations de bonnes pratiques et les couples sont informés de ce que vont devenir leurs embryons.
Même si l’Académie nationale de médecine indique que la présence du père dans une famille est préférable, de nombreuses études, que certains qualifient d’« études de militants » – mais elles sont nombreuses –, montrent que les enfants qui sont élevés par un couple de femmes ou par une femme seule se développent comme les autres.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous vivons en ce moment des crises inédites, qui posent des questions éthiques fondamentales, et nous devons préparer le monde d’après.
Pourtant, nous examinons ce projet de loi relatif à la bioéthique dont la portée anthropologique et les conséquences risquent de fragiliser encore plus la société française et même notre civilisation.
Adopter l’article 1er reviendrait pour le législateur à permettre la suppression délibérée du père et à priver certains enfants du droit d’en avoir un. Or peut-on considérer qu’un enfant n’a pas besoin de père ?
Le principe d’égalité doit aussi être appliqué aux enfants. Si certains d’entre nous estiment qu’il faut faire évoluer les lois en écoutant la demande des adultes, les droits des enfants ne peuvent pas pour autant être assujettis aux désirs des parents.
L’article 1er suscite une autre inquiétude : en assujettissant la loi naturelle au désir personnel, nous mettons le doigt dans un engrenage, car il y a autant de désirs que de femmes et d’hommes, qu’il s’agisse de faire un enfant avec une personne décédée, d’obtenir une présomption de maternité pour la femme de la mère, d’être « mères », au pluriel, d’un même enfant, ou bien encore d’être déclarée mère d’un enfant conçu et porté par d’autres femmes.
Comment satisfaire toutes ces revendications ? Quelles souffrances provoqueront-elles chez les enfants à naître ? Bien des questions restent sans réponse claire.
Soyons prudents sur le sujet de la procréation, car les conséquences sont trop importantes et incertaines pour les générations futures.
Lorsqu’on légifère sur le vivant et sur les êtres humains, il faut éviter tout projet aventureux et appliquer le principe de précaution, lequel est pleinement justifié sur cet article.
N’y a-t-il pas non plus une réelle contradiction entre l’exigence désormais bien partagée de respecter l’environnement et la volonté d’introduire la possibilité de manipuler notre humanité, dans un texte sur la bioéthique ?
J’en appelle à la conscience de chacun et au bon sens afin que cet article 1er soit supprimé. Je sais qu’il ne m’appartient pas d’emporter l’adhésion de tous, mais je tenais à exprimer ma conviction sur le sujet, tout en respectant les positions différentes.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, sur l’article.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est avec le plus profond respect de la conscience des uns et des autres que j’interviens afin d’apporter l’éclairage d’un historien de la très longue durée.
Vous dites que la famille existe depuis la nuit des temps. En êtes-vous bien sûrs ?
Quand j’interroge mes collègues préhistoriens, ils me répondent que, dans la nuit des temps, la horde primitive, dans la caverne, ressemblait plutôt à une société de bonobos avec lesquels nous partageons 98,7 % de notre génome ! (Rires sur certaines travées. – Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues ; je vous rassure, je n’ai déposé aucun amendement visant à introduire la sexualité des bonobos dans la loi ! (Nouveaux rires. – M. Xavier Iacovelli et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)
La famille n’est pas un fait naturel. C’est une construction idéologique, sociale et historique. Ce point est fondamental. N’allez pas chercher des lois naturelles en matière de société : elles n’existent pas. Nous fabriquons nous-mêmes, tous les jours, notre société.
J’ajouterai que, sur ces travées, chacun pense la loi en fonction de sa conscience. Si celle-ci est religieuse, elle a autant de valeur que ma conscience d’athée.
En revanche, il nous revient aussi d’essayer de trouver, par la délibération, un consensus qui fera loi, et dans cette perspective, seule compte notre volonté d’écrire ensemble une loi qui soit au-dessus de toutes les autres.
Nous examinerons prochainement le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Ne pourrions-nous pas anticiper cette discussion et prendre en compte dès à présent les principes républicains laïcs dans notre débat sur les questions de la famille ?
Je suis intimement persuadé que vous ne manquerez pas, lorsque nous examinerons ce texte, de citer la phrase d’Aristide Briand, chère au président Larcher : « La loi doit protéger la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi. » Nous devrions nous imposer cette règle essentielle. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, sur l’article.
M. Olivier Paccaud. En en faisant l’éloge, M. le garde des sceaux a rappelé le « courage de la nuance » si étroitement attaché à la pensée d’Albert Camus. Les passions s’animent et la caricature n’est jamais loin, sur un sujet de société pourtant, ô combien intime, puisque comme Muriel Jourda l’a très bien dit, il pose en réalité la question de savoir ce qu’est l’homme et ce que nous voulons le voir devenir.
Je fais partie de ceux qui ont cosigné l’amendement de Mme Chain-Larché. Je soutiens les arguments développés par André Reichardt, Guillaume Chevrollier et Pierre Cuypers, et j’espère que le souci de la nuance, dont le garde des sceaux a fait l’éloge, ne me vaudra pas d’être traité de « rétrograde » ou de « radicalisé », et je n’ajouterai pas de « bonobo », car nous apprécions tous l’humour et l’esprit de Pierre Ouzoulias. (Sourires.)
Chacun doit prendre conscience que l’extension de la PMA aux femmes seules ou aux couples de femmes aboutit à légaliser la conception d’orphelins de père. Est-ce une avancée sociale majeure, comme notre collègue Salmon l’a dit ? Est-ce un progrès humain ? La question mérite d’être posée, mais sincèrement je ne le pense pas. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, sur l’article.
M. Jean-Michel Houllegatte. Dans ce débat sur l’extension de la PMA, qui fait l’objet de l’article 1er, deux logiques s’opposent. L’une privilégie le droit des individus et prend sa source dans le désir tout à fait naturel d’avoir des enfants. Dans une société où chacun exerce son libre arbitre de manière de plus en plus autonome, ce désir d’enfant peut devenir un absolu.
À cela s’oppose le fait que pour faire communauté – qu’il s’agisse de la communauté nationale ou de la communauté de vie, comme elle existe, je n’en doute pas, chez les bonobos –, chacun doit dépasser son individualité, voire son égoïsme, et renoncer à certains de ses désirs pour cimenter le collectif. Albert Jacquard disait : « La liberté n’est pas la possibilité de réaliser tous ses désirs ; elle est la possibilité de participer à la définition des contraintes qui s’imposeront à tous. »
Je crains que l’extension de la PMA ne crée chez les enfants qui en seront issus des vulnérabilités et des fragilités inhérentes à toute quête des origines, parce que nous ne pouvons pas échapper à notre culture humaine qui nous impose de nous inscrire dans une lignée.
Ces fragilités seront peut-être dues aussi à l’absence de père. Dans son rapport sur les 1 000 premiers jours, Boris Cyrulnik indique que les pères et les mères ont des rôles et des relations différenciés et complémentaires ; que l’engagement du père auprès du bébé a des effets positifs sur son développement, ce qui justifie la décision de porter à vingt-huit jours la durée du congé de paternité.
Parce que le fait de contenir la vulnérabilité doit l’emporter sur l’autonomie, parce que la force et la fraternité du collectif, qui permet à chacun de se dépasser et d’être fécond en participant à la construction de la société, sont plus forts que l’individu et ses désirs, aussi compréhensibles soient-ils, je voterai ces amendements de suppression. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L’amendement n° 3 rectifié ter est présenté par Mme Chain-Larché, M. Retailleau, Mme Thomas, MM. Cuypers et Piednoir, Mme Chauvin, MM. Cardoux et E. Blanc, Mme Deseyne, M. B. Fournier, Mme Deromedi, M. de Legge, Mme Garriaud-Maylam, M. J.M. Boyer, Mmes Eustache-Brinio et Pluchet, MM. Chatillon, Bonne, H. Leroy, Sautarel, D. Laurent et Bascher, Mmes Puissat et Gruny, MM. Bouchet, Saury, Courtial, Somon, Vogel, Chevrollier, Meurant, Bouloux, Reichardt, Babary et Bas, Mmes de Cidrac, Malet et Lavarde, M. Klinger, Mmes Lopez et Deroche, MM. Gremillet, Laménie et Longuet, Mmes Di Folco, Micouleau et F. Gerbaud et MM. de Nicolaÿ, Dallier, Mandelli, Paccaud, Sido, Frassa, Pointereau, Sol et Segouin.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Mizzon, Duffourg et Kern, Mme Herzog, M. Masson, Mme Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.
L’amendement n° 38 rectifié bis est présenté par MM. Le Rudulier et Boré et Mmes V. Boyer et Garnier.
L’amendement n° 103 rectifié quater est présenté par Mmes Noël et Joseph et M. Charon.
L’amendement n° 142 est présenté par M. Ravier.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Anne Chain-Larché pour présenter l’amendement n° 3 rectifié ter.
Mme Anne Chain-Larché. Mes chers collègues, l’amendement que je vous propose de voter, cosigné par un grand nombre d’entre nous, vise à supprimer l’article 1er, qui prévoit l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation pour les femmes seules et les couples de femmes.
Cet amendement est guidé par la raison davantage que par l’émotion. En effet, il faut rappeler que l’assistance médicale à la procréation est un dispositif qui vise à compenser l’infertilité d’un couple. Or l’article 1er, en ouvrant l’accès de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes, a pour objet non pas de compenser une infertilité, mais une impossibilité d’avoir un enfant. Nous ne sommes donc plus sur le terrain du raisonnable.
Cet article n’est pas facteur d’égalité, car il ne compense pas une infertilité, comme c’est le cas pour les couples hétérosexuels. Il n’est pas non plus facteur d’égalité vis-à-vis des hommes seuls ou des couples d’hommes, qui ne bénéficieront pas du même droit et qui réclameront inévitablement, demain, l’accès à la GPA. Où sera la défense de la condition féminine ? Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Prenons le temps de nous pencher sur l’avenir que nous allons réserver à l’humain, aux enfants, aux enfants des enfants !
Nous débattons d’un sujet fondamental, qui oppose deux conceptions de la vie. Dans la première, les désirs individuels doivent être satisfaits à tout prix et sans aucune limite ni pare-feu, y compris en instituant un droit à l’enfant pour compenser l’impossibilité de procréer. Dans la seconde, les désirs individuels doivent être soumis à certaines limites, notamment éthiques, notre système de santé ayant vocation non pas à compenser des impossibilités biologiques, mais plutôt à soigner et à réparer les corps.
Chers collègues, il est de notre devoir de reconnaître l’utilité de certaines limites. Elles ne sont pas là pour empêcher ; elles sont là pour distinguer ce qui mérite d’être préservé. Je vous propose donc de supprimer l’article 1er en votant cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
M. Jean-Marie Mizzon. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être exposées par Mme Chain-Larché, je propose, moi aussi, la suppression de cet article.
Nous connaissons tous des familles sans père, mais de là à institutionnaliser la famille sans père en « zappant » complètement celui-ci, il y a un fossé que je ne suis pas prêt à franchir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Garnier, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié bis.
Mme Laurence Garnier. Cet amendement que je défends au nom de mon collègue Stéphane Le Rudulier, et dont je suis cosignataire, vise à supprimer l’article 1er, qui nous conduit sans détour vers le droit à l’enfant.
Certains accidents de la vie peuvent bien sûr priver un enfant de son père, mais s’il était adopté, cet article aurait pour conséquence d’institutionnaliser l’absence de père en l’inscrivant dans la loi. C’est un pas que nous ne souhaitons pas franchir.
En outre, la médecine a vocation à soigner et non pas à rendre possible ce qui ne l’est pas naturellement. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 103 rectifié quater.
Mme Sylviane Noël. L’article 1er oriente radicalement l’objet de l’AMP vers un droit à l’enfant, en supprimant les conditions actuelles d’accès qui visent les couples composés d’un homme et d’une femme, confrontés à une infertilité médicalement constatée ou au risque de transmission à l’enfant d’une maladie grave. L’AMP est détournée de son objet palliatif pour des cas médicaux. Il convient donc de rétablir les dispositions en vigueur.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 142 n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces amendements identiques ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avant de donner l’avis de la commission spéciale, j’insisterai sur un point. J’ai entendu les positions des uns et des autres, qui sont toutes parfaitement respectables. Certains, dont je fais partie, ne souhaitent pas l’extension de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules ; d’autres y sont favorables.
Cette dernière position est respectable, parce que tout désir d’enfant chez une femme est respectable, quelle que soit la situation matrimoniale ou conjugale de celle-ci, ou encore son orientation sexuelle.
Elle est également respectable parce que les femmes et les hommes sont tout aussi capables les uns que les autres d’élever des enfants.
En revanche, il me semble que certains arguments ne peuvent pas être utilisés, parce qu’ils sont faux et qu’ils ne servent pas ceux qui y ont recours.
On entend beaucoup parler d’égalité et de discrimination. Il faut rappeler à la fois la jurisprudence du Conseil constitutionnel et celle du Conseil d’État, car l’égalité est une notion de droit. Elle consiste à traiter de la même façon des personnes qui sont dans une situation identique.
Or il a été rappelé, d’une façon assez claire et qui ne paraît pas contestable, que les couples homosexuels, les couples hétérosexuels et les personnes seules ne sont pas dans la même situation face à la procréation, car la procréation humaine est sexuée. En disant cela, il ne s’agit pas de dénier un droit, qui par ailleurs n’existe pas, mais de constater une réalité juridique.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement se montre parfois soucieux d’égalité. Je recommande à chacun de consulter l’étude d’impact de ce projet de loi qui analyse très bien cette notion.
Cependant, ce n’est pas sur elle que porte le débat, car nous sommes en train d’évaluer une décision politique que chacun votera en son âme et conscience. Ne la parons pas d’atours qui ne sont pas les siens.
J’en viens à la suppression de l’article 1er. Je vous ai indiqué les raisons, par ailleurs largement explosées ici, pour lesquelles j’y suis favorable à titre personnel. Néanmoins, la commission spéciale ne m’a pas suivie sur ce point et a préféré rétablir le texte que nous avions voté en première lecture. Elle a donc émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Si vous me le permettez, monsieur le président, je répondrai assez longuement, à la fois aux orateurs qui se sont exprimés en discussion générale, sur l’article et sur les amendements qui viennent de nous être présentés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu les craintes que vous avez exprimées sur les conséquences psychologiques de l’extension de la PMA sur les enfants à naître, sur les risques de dérive vers un droit à l’enfant, de détournement de la médecine, ou encore de glissement vers la gestation pour autrui.
Je tiens à vous dire, ou du moins à vous redire, car je l’ai déjà fait à deux reprises à l’Assemblée nationale, mais également au Sénat, tout comme l’avait déjà rappelé Agnès Buzyn, et comme le garde des sceaux vient de le confirmer : l’ouverture de l’assistance médicale à la procréation sera sans incidence sur l’interdiction de la gestation pour autrui, qui est antinomique des grands principes bioéthiques auxquels nous sommes tous attachés. C’est une ligne rouge pour le Gouvernement, qui ne sera pas remise en question, à l’avenir. (Mme Catherine Deroche et M André Reichardt se montrent dubitatifs.)
Madame la rapporteure, je reprends vos arguments pour rappeler que le projet de loi relatif à la bioéthique n’est pas une loi d’égalité ni de lutte contre les discriminations. Même si elle peut avoir pour conséquences de rétablir certaines formes d’égalité, elle scrute avant tout les techniques médicales au prisme des principes éthiques, ce qui est le principe même d’une loi de bioéthique.
La gestation pour autrui met immédiatement en tension des principes fondamentaux de notre droit, à commencer par celui qui exclut la marchandisation du corps humain. Il n’y aura donc pas de glissement, je le redis ici, vers la gestation pour autrui.
M. André Reichardt. Jusqu’à quand ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il n’y aura pas non plus de droit à l’enfant. Il n’y en avait pas hier, il n’y en a jamais eu, et il n’y en aura pas demain.
Aujourd’hui, les couples hétérosexuels qui s’engagent dans l’assistance médicale à la procréation ne disposent pas d’un droit à l’enfant, comme l’a rappelé le sénateur Chasseing. Il en ira de même, demain, pour les couples de femmes et pour les femmes non mariées.
La légitimité d’un projet monoparental ou homoparental a déjà été tranchée, comme l’a dit la sénatrice de La Gontrie. La loi de 1966 autorise l’adoption d’un enfant par une personne seule et celle de 2013 élargit la possibilité d’adopter à tous les couples mariés, y compris aux couples de même sexe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’essentiel pour un enfant, c’est l’affection et l’attention dont on l’entoure, car on lui donne ainsi un sentiment de sécurité matérielle et affective. Dans le rapport de la conférence de consensus commandé par la ministre Laurence Rossignol, le docteur Martin-Blachais avait identifié ce méta-besoin d’où découlent tous les autres. Un enfant se construit dans l’altérité, de sorte que la composition du foyer compte moins que la dynamique familiale. Tous les pédopsychiatres s’accordent sur ce point. (Marques d’agacement sur des travées du groupe Les Républicains.)
Chaque histoire personnelle montre que ces liens d’attachement, fondamentaux pour la construction de l’identité d’un enfant, sont multiples et divers. Ils vont bien au-delà des liens biologiques que nous pouvons entretenir avec notre père ou notre mère. Ils peuvent se nouer avec un grand-père, un frère, un cousin, un entraîneur, voire un copain. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est ainsi que chacun de nous s’est construit, et non pas exclusivement dans le lien biologique.
M. Pierre Cuypers. Le père n’existe plus !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous avez tous appelé, à raison, à faire preuve de respect envers ceux qui nous écoutent, et m’inscrivant dans cette lignée, je rappelle qu’en France une famille sur cinq est monoparentale. Certains enfants qui nous écoutent peut-être ont été élevés sans père. Soyons donc attentifs aux propos que nous tenons.
M. Chasseing a mentionné les études assez nombreuses qui prouvent que grandir dans une famille homoparentale ou monoparentale n’a aucun effet délétère sur la construction ou l’orientation sexuelle de l’enfant. Ces études ne sont pas que militantes, puisqu’on en recense sept cents sur les quarante dernières années.
Enfin, certains d’entre vous s’inquiètent du risque de détournement de la médecine. Je leur rappelle que les techniques d’assistance médicale à la procréation ne soignent pas et ne guérissent pas les couples de l’infertilité, mais agissent comme des techniques de parenté, en particulier en cas de recours à un tiers donneur. Il en est de même lorsque l’indication de l’assistance médicale à la procréation est liée à l’âge de la femme sans autre cause médicale.
Dans ces deux exemples, l’assistance apportée par le médecin est moins médicale que sociale. L’Académie nationale de médecine établit le même constat : « De la chirurgie plastique à la médecine sportive, nombreux sont les actes et les missions qui peuvent être confiés aux médecins sans que la finalité soit de corriger un état pathologique ou de se substituer à une fonction défaillante. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, voici les faits : les grossesses résultant de procréations initiées hors du territoire national par des femmes en couple ou célibataires sont suivies en France. Les enfants naissent en France et leur filiation est légalement établie en France.
En réalité, le passage des frontières est réservé aux femmes les plus aisées, ce qui aboutit à une situation d’inégalité. Certaines femmes, dans notre pays, se mettent en danger pour fonder une famille, trouvant des donneurs sur internet.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la société française a évolué vers un modèle familial qui ne se résume plus à une configuration unique, issue d’un modèle conjugal unique. Nos concitoyens sont prêts pour cette évolution. Nous avons le devoir d’accueillir ces nouvelles formes familiales et de ne pas les stigmatiser. Il nous revient de garantir la sécurité, y compris sur le plan médical, à ces familles et à ces femmes. Nous devons aussi assurer celle des enfants.
M. Bernard Jomier. Très bien !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Notre devoir est donc d’ouvrir l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées, en France.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, je suis un peu surprise, car si le débat en première lecture nous avait permis de faire évoluer nos positions, celui-ci s’illustre davantage par des postures que par des arguments susceptibles de convaincre les uns et les autres.
Je ne dis pas qu’il faut forcément se ranger à l’avis émis par la commission spéciale. Celles et ceux qui me connaissent savent que telle n’est pas ma ligne de conduite.
Cependant, même si j’apprécie beaucoup Mme la rapporteure Muriel Jourda, avec qui les échanges sont toujours passionnants, je m’étonne du temps qu’elle a pris pour expliquer sa position personnelle, en ne donnant qu’après le point de vue de la commission spéciale. J’aimerais qu’elle fasse plutôt l’inverse et qu’elle développe en premier lieu les arguments qui ont porté la commission à voter de telle ou telle façon. Tel est le rôle d’un rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe SER.)
Sur la PMA sans père, j’entends les divergences et chacun doit pouvoir les exposer sereinement. Cependant, que ferez-vous des familles monoparentales dont les pères sont partis, que les enfants ne voient plus ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.) Vous pouvez ne pas être d’accord avec moi, mais encore faut-il argumenter !
En fait, que signifie cette histoire de PMA sans père ? Aujourd’hui, la loi ne permet pas aux couples de femmes ou aux femmes seules de recourir à l’assistance médicale à la procréation. Alors, que font une partie de ces femmes, celles qui peuvent se le permettre ? Elles vont à l’étranger !
Cela veut dire que, par votre attitude, mes chers collègues, certainement de manière inconsciente, sûrement tout à fait en accord avec vos convictions, vous contribuez à la marchandisation des corps. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Xavier Iacovelli applaudit.) Si la loi était adoptée en l’état, si l’article 1er était adopté, on reviendrait sur les principes de solidarité et de gratuité du don en France.
Libre à vous de porter ces amendements…
Mme Vivette Lopez. Mais c’est ce qu’on fait !
Mme Laurence Cohen. Personnellement, je vous invite à réfléchir à cette question, tout comme je le fais moi-même. Avez-vous bien pris en compte la problématique de la marchandisation des corps ? Après tout, c’est une évolution que vous refusez dans le cadre de la GPA, et que je refuse tout comme vous, car je suis contre la GPA.
Il faut que vous ayez conscience que l’adoption de cet amendement aura des conséquences. Je vous invite à bien les mesurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je ne voterai pas l’article 1er, tout comme je ne l’ai pas voté en première lecture.
Je le fais pour des raisons qui ne résultent que de mon rationalisme. Je considère comme parfaitement légitime dans une construction sociale, comme l’a dit M. Ouzoulias, l’existence de représentations et de relations familiales variées. On peut aboutir à cette variété par le biais de l’adoption ou, d’ailleurs, via les situations d’adoption de fait, qui sont sans doute plus répandues.
En revanche, la bioéthique – si ce terme signifie quelque chose – est l’encadrement par la loi de ce qu’autorise la science. Je fais appel à ceux qui, comme c’est mon cas, souhaitent être guidés par la raison : le moment est-il venu, en tout cas dans notre législation nationale – il existe des législations différentes – de considérer que la procréation humaine peut être réalisée de façon artificielle ? À titre personnel, je pense que ce moment ne viendra pas.
D’un point de vue éthique, il est évident que l’intervention de l’assistance médicale à la procréation en cas d’infertilité, pour un couple par construction destiné à procréer, est substantiellement différente de l’acte par lequel, pour un couple n’étant pas apte à procréer, on artificialise une procréation distincte et nouvelle. S’engager dans cette voie, c’est, je pense, amorcer un processus de diversification des formes de création d’êtres humains sur lequel nous devrions être beaucoup plus prudents. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour explication de vote.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai été très surprise de vous entendre dire que nous ne voterions jamais telle ou telle disposition. Dans cet hémicycle, personne ne peut prononcer une telle phrase : qui peut savoir ce qui sera voté demain ? La société évolue, et ces évolutions sont l’objet de nos débats.
Permettez-moi un clin d’œil : je suis certaine que Victor Hugo, dont nous montrons le siège aux élèves qui viennent visiter le Sénat, n’aurait jamais pu imaginer que nous discuterions des sujets dont nous débattons aujourd’hui ! De même, ni vous ni moi ne savons ce dont nos successeurs débattront un jour dans cet hémicycle.
M. le président. La parole est à M. Laurent Burgoa, pour explication de vote.
M. Laurent Burgoa. En tant que nouveau sénateur – je n’étais pas encore été élu lors de l’examen du texte en première lecture –, je m’efforce toujours d’écouter, sans a priori, lorsque je siège dans cet hémicycle. Aujourd’hui, je voterai en réaction aux propos de mes collègues.
Je pense à vous, madame Rossignol : je trouve vos propos très provocateurs,…
Mme Laurence Rossignol. Bien sûr !
M. Laurent Burgoa. … très moralistes. Excusez-moi de vous le dire, mais je crois que nous n’avons aucune leçon de morale à recevoir dans cet hémicycle, de qui que ce soit.
Mme Laurence Rossignol. Quelles leçons de morale ?
M. Laurent Burgoa. Je pense aussi à vous, madame Cohen. J’ai pourtant beaucoup de respect pour vous, madame,…
Mme Laurence Rossignol. Pas pour moi ! (Rires.)
M. Laurent Burgoa. … car vos réflexions en commission des affaires sociales vont parfois dans le bon sens. Vous n’avez pas à nous haranguer et à nous dire ce que nous devons voter.
Enfin, monsieur le secrétaire d’État, vos réponses ne m’ont pas convaincu. Je rejoindrai donc ceux qui voteront l’amendement de Mme Chain-Larché. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Laurence Rossignol. Ce sera de ma faute s’il vote l’amendement : sans moi, il ne le voterait pas ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Permettez-moi de m’étonner que certains collègues donnent des leçons de morale en reprochant à d’autres d’en avoir donné. Excusez-moi, mon cher collègue, mais vous venez justement de nous en faire une, et je ne l’apprécie pas plus que les autres.
Je sais que l’article 1er cristallise beaucoup de tensions. Néanmoins, est-il indispensable d’opposer, dans une approche moralisatrice, les désirs individuels à l’amour d’une famille organisée ? Autrement dit, cette opposition entre droit à l’enfant et droits des enfants est-elle vraiment nécessaire ? Sommes-nous réellement obligés de passer par ces valeurs et ces jugements moraux pour défendre nos positions ? Personnellement, je ne le pense pas.
Nous sommes tous en mesure de raisonner et de réfléchir. M. Ouzoulias nous a rappelé un certain nombre d’acquis historiques sur la naissance des familles et sur les organisations sociales. M. le secrétaire d’État, lui, a rappelé un certain nombre d’acquis sociaux, les évolutions dans l’organisation des familles et dans la manière d’élever les enfants. Ces éléments me paraissent très importants pour déterminer nos choix.
L’article 1er est d’une importance majeure, parce qu’y figure la promesse de l’accès à la PMA pour toutes, sans critère matrimonial ni critère d’orientation sexuelle. Ne pensez-vous pas – c’est la réflexion que j’ai eue aujourd’hui, mes chers collègues – qu’il est effectivement possible d’autoriser l’ensemble des femmes à accéder à la PMA ?
Quand j’entends dire que l’on s’apprête à « zapper » le père, je suis un peu mal à l’aise. En votant cet article, je n’ai nullement l’intention de le faire. Lorsque vous évoquez le père, parlez-vous du rôle du père au sein de la famille ou plutôt des places comparées de l’homme et de la femme dans l’évolution de nos sociétés ? En réalité, personne ne veut zapper le père : certains veulent peut-être remettre en cause la position de l’homme par rapport à la femme et celle de la femme par rapport à l’homme. Ce point me paraît important.
Cet article est selon moi la réaffirmation de l’égalité entre les femmes engagées dans des parcours souvent très compliqués, lourds, douloureux, pas toujours fructueux ni toujours issus d’une démarche volontaire. Je pense que notre rôle est de permettre d’accompagner ces femmes dans ces parcours. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. À vous écouter, mes chers collègues, je m’interroge : que s’est-il passé depuis un an ? Quelle nouvelle menace est apparue ? Certains d’entre vous étaient certes favorables au rejet de l’article 1er il y a un an, mais j’entends aujourd’hui un discours beaucoup plus radical. Il est d’ailleurs possible que l’amendement de suppression de l’article soit adopté cet après-midi.
Le débat ne peut pas porter sur l’acceptation des différentes formes de couples : elles existent déjà. Je ne crois pas qu’une quelconque menace pèse sur la famille que vous qualifiez de « traditionnelle », celle qui est composée d’un homme, d’une femme, d’un ou plusieurs enfants. Ce modèle restera le plus courant pour des raisons que les uns et les autres ont rappelées, liées à la biologie et à la reproduction sexuée.
La question est de savoir si, oui ou non, nous devons apporter aux nouvelles formes de familles qui apparaissent – celles qui unissent deux hommes ou deux femmes – l’aide technique dont ils ont besoin pour avoir un enfant, non pas en termes de droit, mais si elles le désirent.
Comment notre société accueille-t-elle ce désir d’enfant ? Comment aide-t-elle ou n’aide-t-elle pas ces familles à avoir un enfant, alors que la technique le permet ?
Je maintiens que cette partie du texte n’a rien à faire dans un projet de loi relatif à la bioéthique, car aucune valeur bioéthique fondamentale n’est entachée par l’ouverture de ce nouveau droit. La situation serait probablement différente si le droit à la GPA était inscrit dans le texte. Je conviens que, dans ce cas, l’interrogation serait absolument légitime et que l’on pourrait en débattre.
Dès lors, quel message souhaitez-vous adresser en refusant a priori l’ouverture d’un tel droit aux nouvelles formes de famille ? Le message est nécessairement politique : il s’est passé ou il se passe actuellement quelque chose qui a à voir non pas avec les évolutions de la société dont nous débattons ici, mais peut-être – je ne sais pas – avec certaines échéances.
Vous devez bien sentir – en tout cas, pour ceux qui étaient présents l’année dernière – que la tonalité du débat n’est plus la même. Nous sommes en droit de nous interroger sur la position que vous défendez avec une vigueur particulièrement troublante. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Deroche. Mais non !
Mme Frédérique Puissat. On n’est pas obligé de penser comme vous !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Je ne comptais pas intervenir, mais je suis finalement obligé de le faire compte tenu de tout ce qui vient d’être dit.
Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, je regrette que cet article sur la PMA figure dans un texte relatif à la bioéthique, tout simplement parce que je considère qu’il s’agit plutôt d’un sujet sociétal, alors que l’objet d’un texte sur la bioéthique est de réglementer la recherche et l’éthique médicales – je ne suis à cet égard pas d’accord avec la définition de la bioéthique qui a été donnée tout à l’heure.
La technique médicale étant appliquée depuis très longtemps, il n’y a aucune raison que l’on discute de la PMA destinée aux couples non hétérosexuels dans le cadre du présent projet de loi. Je le regrette profondément.
Ensuite, je ne voterai évidemment pas cet amendement – mes collègues du groupe Les Républicains le savent –, parce que je suis favorable à la PMA.
Permettez-moi de revenir sur l’un des propos de Mme la rapporteure, sur un sujet qui m’intéresse beaucoup : comme certains l’ont dit, on peut voter contre le droit à l’enfant, mais j’estime que l’on n’a pas le droit de voter contre le désir d’enfant d’une femme, quelle que soit cette femme et quelle que soit son orientation sexuelle. Ce point me semble important.
Enfin, je reviendrai sur la notion de famille. Certains de nos collègues ont expliqué qu’un enfant ne pouvait pas vivre sans père ; moi, je dirai plutôt qu’un enfant a besoin d’éducation, d’amour et d’autorité. Or l’amour, l’autorité et l’éducation peuvent être donnés par des couples non hétérosexuels. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, GEST et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez dit tout à l’heure que cet article n’avait rien à voir avec la GPA. Mais enfin, nous ne sommes pas des débutants ! Il ne faut nous prendre pour des lapins de six semaines, comme on dit chez nous ! (Rires.) Chacun sait que les choses se préparent et que l’opinion se travaille.
L’adoption de l’article 1er aujourd’hui pénaliserait les hommes seuls et les couples d’hommes, qui souffriront de ne pas obtenir les mêmes droits que les femmes seules et les couples de femmes.
Personne ne peut sérieusement imaginer que l’on puisse demain résister à la souffrance de ces hommes, qui crieront à l’injustice. (Mme Laurence Cohen proteste.) La société aura tôt fait de faire remonter leurs attentes et le Parlement sera appelé à se prononcer de nouveau – pas ce soir, pas cette semaine, mais dans cinq ans – pour faire aboutir la GPA.
Aussi, on ne peut pas voter l’article 1er sans pour autant préparer la GPA. Les choses ne sont pas dissociables : que l’on ne nous raconte pas d’histoires ! Si cet article est adopté, la GPA passera dans cinq ans. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.) C’est pourquoi je voterai cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voterai évidemment l’amendement d’Anne Chain-Larché.
J’avancerai deux arguments que je n’ai pas encore entendus et je ferai une remarque générale qui me semble importante.
Tout d’abord, on voit bien que, pour certains, le souhait d’avoir un enfant est un désir, qui peut confiner à la souffrance. Jusqu’où doit-on aller pour soulager une souffrance ou satisfaire un désir ? C’est une question de liberté : la liberté individuelle peut-elle tout emporter ? La liberté des adultes ne doit-elle pas céder là où débute le droit des enfants ? Telle est la question que nous nous posons.
C’est également une question d’égalité. D’ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique, comme d’autres, avait reconnu que l’on risquait de créer une inégalité entre les enfants qui seraient privés de père et ceux qui en auraient un. Je vous livre ce second argument, car je ne l’ai pas encore entendu.
Ma remarque générale s’inscrit un peu dans la suite des propos d’Alain Richard. Plusieurs d’entre vous ont insinué que les positions des uns et des autres seraient dictées par leur foi, au mépris de la laïcité. Je comprends cette argumentation, parce que j’en vois bien la finalité : déclasser les uns et les autres en fonction de leurs convictions et de leur philosophie.
Mais si le critère de la foi ou de l’absence de foi était suffisant, comment expliquez-vous que Sylviane Agacinski, Gérard Biard, l’éditorialiste de Charlie Hebdo, José Bové, Marie-Jo Bonnet, l’auteur de Adieu les rebelles ! et tant d’autres – je pourrais encore citer une dizaine de personnalités venant plutôt de la gauche –, qui n’adhèrent pourtant à aucune église, et qui sont au contraire bien souvent athées, partagent un certain nombre de nos positions ?
C’est tout simplement parce que la critique qu’ils formulent sur les sujets dont nous débattons ici vise un modèle techno-marchand et techno-libéral. Ils voient bien, à l’instar de Jean-Claude Michéa, que le libéralisme économique s’accorde à merveille avec le libéralisme culturel. Ils en arrivent à la même conception et aux mêmes positions que nous. Je le souligne parce que les choses sont beaucoup plus complexes que ce qui a été dit sur un certain nombre de travées.
J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, que je pourrais citer une dizaine de pédopsychiatres pour qui la filiation juridique doit être adossée à une vraisemblance biologique.
Si l’on parvient à des positions identiques, alors que l’on est issu de familles philosophiques ou partisanes différentes, c’est parce que ce texte pose des questions fondamentales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais répondre en toute bienveillance au sénateur Richard, parce que j’ai trouvé que son argumentation était rationnelle et méritait d’être entendue et disputée, dans le bon sens du terme.
Vous nous dites, mon cher collègue, qu’il existe une différence de fond entre un couple composé d’un homme et d’une femme et un couple de femmes qui recouraient à une procréation médicalement assistée pour avoir un enfant. Vous estimez qu’il y a une différence sur le fond entre cette artificialisation et une conception dite « naturelle ».
Mais je vous assure, mon cher collègue – je pourrais citer des cas –, que deux femmes peuvent parfaitement se débrouiller pour avoir un enfant sans recourir à la médecine. Ces choses-là sont connues ! (Brouhaha sur des travées du groupe Les Républicains.) Il n’y a donc pas nécessairement d’artificialisation du processus dans ce cas.
Quand deux femmes qui ont un désir d’enfant l’obtiennent par les procédés que vous imaginez, et qui sont naturels – même en restant en France –, qui suis-je, moi, parlementaire, pour juger de cet acte, qui est fondamentalement et essentiellement un acte d’amour ? Je me refuse, en conscience, à juger ces femmes ! Ce point est essentiel.
Nous délibérons aujourd’hui du projet amoureux, du projet de vie, du projet de couple de ces femmes : pouvons-nous en conscience, grâce à la médecine, leur éviter d’avoir recours à des procédés qui ne correspondent justement pas à leur projet éthique ? Avec la médecine, nous parvenons à homogénéiser le désir de couple et le désir d’enfant. C’est la question fondamentale qui se pose et c’est ainsi que, personnellement, je l’aborderai. (Applaudissements sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Bien évidemment, cette question nous interpelle tous. Nous pouvons avoir des avis différents et même parfois être intimement partagés.
Toutefois, que dire à ces couples de femmes ou à ces femmes seules qui ont un projet familial, alors que nous sommes en mesure d’inscrire dans la loi le droit de recourir à une technique leur permettant de le mettre en œuvre dans la sécurité et de leur garantir une égalité financière ?
Il existe beaucoup d’autres techniques que la PMA ; ces femmes ont aussi la possibilité de se rendre à l’étranger, mais cela coûte cher. Nous pouvons leur proposer une méthode leur assurant une forme d’égalité et de sécurité : cela me semble être une bonne manière de faire.
Je m’interroge aussi sur notre rôle : si le Sénat ne votait pas ces dispositions en seconde lecture, alors qu’il les a adoptées en première lecture, à quoi servirions-nous ? Si vous dites non à l’extension de la PMA, mes chers collègues, vous qui vous interrogez sur ce sujet, vous ne pourrez même plus par la suite l’encadrer comme vous le souhaitez.
Vous savez bien comment tout cela va se terminer si vous votez la suppression de l’article. Si vous avez des doutes, mieux vaut contribuer à la construction de la loi que d’adopter une posture.
M. Hugues Saury. Non, c’est une conviction !
M. Jean-Yves Leconte. Je suis convaincu que vous avez, comme nous tous, des doutes. Nous construisons tous nos opinions.
Restons-en donc au vote qui a été le nôtre en première lecture. Ne privez pas le Sénat de la possibilité d’élaborer cette loi essentielle ! Supprimer l’article 1er ne vous permettra même pas d’avoir des garanties sur ce que sera la loi dans quelques mois. (Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Laurence Cohen applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je ne donnerai pas non plus de leçon de morale, j’apporterai simplement un témoignage.
M. Retailleau l’a rappelé, nous sommes un certain nombre à avoir participé, en tant que conseillers départementaux, à des commissions chargées de délivrer les agréments en vue d’une adoption. En notre âme et conscience, nous avons de nombreuses fois confié un enfant à des femmes seules, et même à des couples de femmes.
Nous ne l’avons pas fait pour satisfaire un désir incommensurable, mais bien parce que l’intérêt de l’enfant était de rejoindre un couple ou d’être élevé par une femme qui le désirait, qui lui apportait la stabilité et l’affection propices à son épanouissement. Je connais de nombreux exemples de ce type.
Je suis moi aussi très rationaliste : pourquoi, alors que la science et la médecine font autant de progrès – je suis aussi médecin –, priver certaines femmes de la possibilité d’avoir un enfant, pour rester fidèle à une manière ancestrale de procréer ?
Il y a plein d’esprits brillants ici, et je ne doute pas que d’autres viendront après nous et que d’autres questions viendront à se poser. Nous n’inscrivons donc pas aujourd’hui dans la loi des dispositions pour les siècles des siècles.
M. Loïc Hervé. Eh oui !
M. Bernard Fialaire. Au contraire, la société évoluera et la GPA sera sûrement réinterrogée. Aujourd’hui, la gestation pour autrui existe déjà d’une certaine façon : lorsqu’une femme enceinte qui ne souhaite pas garder l’enfant mène sa grossesse à terme et accouche sous X, elle fait une GPA. Beaucoup de collègues ici souhaitent d’ailleurs qu’elle n’avorte pas ! De fait, ils les incitent à faire une GPA.
Avant de s’occuper de problèmes que d’autres esprits tout aussi éclairés que les nôtres ne manqueront pas d’aborder, concentrons-nous sur les possibilités techniques dont on dispose actuellement, dans le contexte social évolutif qui est celui d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. Comme tout le monde, je vais donner mon avis.
Depuis tout à l’heure, on entend parler de la famille idéale : le père, la mère et l’enfant. C’est vrai qu’il existe des familles idéales, mais il y a aussi beaucoup d’enfants naturels ou reconnus par des pères qui n’étaient pas les leurs. On est loin de la généalogie officielle. Vous pouvez vérifier auprès de vos services d’état civil : vous verrez que ce que je raconte est vrai.
Quelle femme refuserait de porter un enfant, si la nature ne lui en donne pas le droit, mais si la médecine le lui permet, sous prétexte que ce ne serait pas naturel ?
Cela étant, je comprends ceux qui ont peur de l’avenir (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains), mais la peur n’évite pas le danger ! Il faut aussi savoir évoluer avec son temps… (Nouvelles protestations.)
Enfin, j’aurais aimé que cette loi s’accompagne de mesures sur l’adoption : c’est un sujet important dont il faudra aussi parler un jour.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Je répondrai tout d’abord à Bernard Jomier : je n’ai pas gardé le même souvenir que lui de nos débats en première lecture. Chacun ici a défendu ses convictions avec la même force et la même fougue qu’aujourd’hui, aussi bien sur vos travées que sur les nôtres. On voit bien du reste qu’il existe des différences d’un groupe à l’autre : chacun réagit selon sa propre histoire.
Ensuite, je répondrai à M. Leconte, qui craint que le texte voté en deuxième lecture ne soit différent de celui qui a été adopté en première lecture, qu’un renouvellement démocratique a eu lieu en septembre dernier. Pour ma part, je ne connais pas les convictions et les votes de chaque nouveau sénateur. C’est la loi de la démocratie : on vote un texte à un moment donné et il revient en deuxième lecture à un autre moment.
Je ne comprends donc pas l’agressivité de vos propos à l’idée que le vote du Sénat serait différent cette fois-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. La bioéthique, c’est le bien contre le bien.
J’ai une petite-fille âgée d’un an, dont l’une des contemporaines a aussi un an. Ma fille a un mari, et sa petite contemporaine a deux mamans. Ces deux petites filles sont élevées toutes les deux dans un milieu empli d’affection et d’amour, dans lequel on s’occupe beaucoup d’elles.
Moi, j’ai élevé mes filles avec mon mari. J’ai été élevée par un père, tout comme ma petite-fille. Je pense que les valeurs que ces hommes auront transmises à leurs enfants sont extraordinaires : elles m’ont permis de me construire, ont permis à mes filles de se construire et permettront à ma petite-fille de se construire.
Cela étant, je pense que la petite fille dont je vous parle, qui est élevée par deux mamans, se construira aussi.
Alors, je ne suis pas courageuse, je n’ai aucune certitude. Je vous envie d’ailleurs d’en avoir, de savoir ce que vous voterez, pour ou contre, parce que, moi, je ne le sais pas. Ce que je sais, en revanche, c’est que l’éducation est primordiale pour construire demain une société équilibrée. C’est pourquoi je m’abstiendrai. (Applaudissements sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. Xavier Iacovelli, pour explication de vote.
M. Xavier Iacovelli. Je ne vous cache pas que je suis assez surpris du ton et de la teneur de certains propos entendus sur les travées à droite de cet hémicycle. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Ne vous énervez pas : on peut ne pas être d’accord et je ne vous ai d’ailleurs pas encore attaqués. Laissez-moi donc poursuivre mon propos.
Par la teneur de vos propos, vous insultez les 10 % de couples hétérosexuels qui n’arrivent pas à avoir d’enfants. Chaque année, 24 000 naissances ont lieu grâce à la procréation médicalement assistée. C’est ainsi que j’ai eu mes enfants. Si le législateur avait à l’époque suivi vos arguments, mon épouse et moi n’aurions pu avoir d’enfants. Nous avons été aidés médicalement. Vos propos, qui visent les femmes seules ou les couples de femmes, sont antinomiques avec la position que vous teniez sur les couples hétérosexuels.
Vous parlez de « détournement de la médecine ». Mais l’AMP ne soigne pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, elle aide les couples qui ont des difficultés à réaliser leur désir d’enfant.
Les familles, que vous le vouliez ou non, que vous fermiez les yeux ou pas, sont diverses : il y a des hommes avec des femmes, des hommes avec des hommes, des femmes avec des femmes, des femmes seules, des hommes seuls… Ainsi va la vie aujourd’hui et la famille du XXIe siècle. Si vous ne l’acceptez pas, je pense que la Haute Assemblée va rater le coche : les Français, eux, ont bien compris que la société avait évolué. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je voudrais tout d’abord faire remarquer à notre collègue qui m’a soupçonnée de vouloir le radicaliser en donnant des leçons de morale que nous parlons de bioéthique. Et même si je n’ai pas eu l’impression de donner une leçon de morale, il n’y a pas si loin entre la définition de l’éthique et celle de la morale et il n’est donc pas très surprenant que nous évoquions aujourd’hui ces questions. Ne nous reprochons pas nos morales différentes – ce n’est pas Leur morale et la nôtre, pour citer un ouvrage que certains auront peut-être reconnu…
De quoi parlons-nous ? Si l’on part du postulat que l’AMP pour les couples hétérosexuels est parfaitement acceptée, voire qu’il s’agit d’un bonheur que le progrès scientifique a apporté aux êtres humains, il ne s’agit plus que de savoir si l’AMP doit être réservée aux couples hétérosexuels et donc de déterminer si le désir d’enfant de couples hétérosexuels est plus légitime que celui de femmes seules ou de couples homosexuels. Or qui sommes-nous pour juger de la légitimité du désir ? (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Des législateurs !
Mme Laurence Rossignol. Qui sommes-nous pour décider de la légitimité d’un désir d’enfant et de sa légalité dans notre société ? Et au nom de quoi le faisons-nous, sinon des représentations morales que nous nous faisons de la famille ? Cette dernière étant une construction sociale, j’appelle l’attention de tout le monde sur le fait que sa conception et sa nature, comme l’a bien expliqué Pierre Ouzoulias voilà quelques instants, varient dans le temps et dans l’espace.
Enfin, comment ne pas rappeler que nous discutions ici même, voilà huit jours, du fait que des femmes ayant dépassé le délai légal pour avorter devaient se rendre aux Pays-Bas, en Espagne ou en Grande-Bretagne pour bénéficier d’une IVG ? Les mêmes qui leur ont refusé d’exercer ce droit en France refusent aujourd’hui aux femmes qui le souhaitent de bénéficier légalement d’une AMP. D’une certaine façon, que les femmes soient obligées de passer les frontières soit pour avorter soit pour avoir un enfant, tout le monde s’en arrange. Il y a beaucoup d’hypocrisie dans tout cela : heureusement que certains pays autour de nous font ce que nous ne voulons pas faire ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je remercie Mme Rossignol pour sa brillante démonstration sur la nécessité de ne pas voter l’article 1er.
Madame, vous avez dit : qui sommes-nous pour porter un jugement sur la légitimité du désir d’enfant de couples hétérosexuels ou homosexuels ? Cela veut bien dire que si nous votons cet article, demain, c’est la GPA. Vous venez d’en faire la démonstration, ce dont je vous remercie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains – Exclamations sur les travées des groupes SER et GEST.)
Mme Laurence Rossignol. J’ai toujours été autrement plus active que vous pour militer contre la GPA !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je n’avais pas l’intention de prendre la parole à ce stade de l’examen des articles. J’avoue avoir eu beaucoup de difficultés à entrer de nouveau dans le débat, un an après la première lecture. Nous sommes torturés intérieurement. Nous l’avons tous souligné, ce texte nous renvoie à nous-mêmes.
Pour autant, je précise que je suis favorable à l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules. Je le dis en toute humilité. Je n’ai absolument aucune leçon à donner à qui que ce soit. C’est ma conviction intime et je ne veux persuader personne. Quelles que soient les questions abordées en commission spéciale ou dans l’hémicycle, mon état d’esprit est toujours de douter.
Dans son dernier roman, l’Anomalie, pour lequel il a reçu le prix Goncourt, Hervé Le Tellier écrit que « toute certitude poignarde l’intelligence ». Je ne veux pas être dans cette certitude. D’ailleurs, je n’en ai pas : selon moi, voter la PMA pour les femmes, ce n’est pas voter la GPA, à laquelle je suis opposée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, GEST et RDPI.)
Ma conviction vient simplement de ce que le monde évolue et la famille aussi. Je suis encore la présidente de la commission enfance, famille et insertion de mon département. J’ai également présidé un conseil de famille pendant longtemps. Nous n’avons jamais eu besoin du non-droit à l’enfant que nous venons de voter. Dans une procédure d’adoption, nous n’accordons pas un droit à l’enfant, nous acceptons une parentalité profondément voulue par des parents. Les quelques fois où nous avons refusé d’accorder un agrément, nous n’avons pas eu besoin de cette notion de non-droit à l’enfant.
Il est très compliqué de répondre au besoin, à l’envie de parentalité, quelle que soit la famille, quel que soit l’individu. Quand on voit l’amour dans les yeux de ces gens, leur quête incessante pour pouvoir donner une éducation à un enfant, c’est toujours compliqué en conscience.
J’essaie de ne persuader personne. Je suis favorable à l’ouverture de la PMA aux femmes. Je n’ai pas aujourd’hui de certitude, mais pas de doute non plus sur mon vote. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE, GEST et RDPI.)
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Permettez-moi de vous donner lecture du programme de la télévision de mardi dernier, sur TF1 : à treize heures cinquante-cinq, Mère porteuse pour star dangereuse ; à quinze heures quarante-cinq, Un terrible secret.
Le premier téléfilm se résume ainsi : « Au cours d’une même journée, Olivia perd son travail, son logement et son petit ami. Aussi, lorsque son amie Cassidy lui propose de travailler au service de stars à Los Angeles, elle accepte sans hésiter. Sa mission : devenir mère porteuse pour la célèbre Ava Von Richter et son mari, Hayden. Mais les Von Richter sont très à cheval sur leur vie privée et Olivia se retrouve pratiquement prisonnière du couple. »
Une heure cinquante plus tard, autre téléfilm : « Angela quitte New York pour assister aux obsèques de sa mère, brutalement décédée, et soutenir sa sœur Shelley, qui vivait chez elle avec son mari David. À la tristesse de la disparition s’ajoute pour cette dernière la déception de ne pas pouvoir mener une grossesse à terme. Angela propose d’aider leur couple en portant leur bébé. »
Mes chers collègues, je doute que les Français qui suivent nos débats sur Public Sénat ou sur internet soient les mêmes qui regardent ces téléfilms.
Je voterai l’amendement de suppression de l’article 1er, car j’estime que ce texte, dans sa rédaction actuelle, n’offre pas de garantie suffisante pour interdire à tout jamais la GPA dans notre pays ni pour porter ce message à l’échelon international. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur le fond, je souhaite simplement répondre à Mme Cohen, qui estime que je défends trop mes positions et pas assez celles de la commission.
Je crois ne pas être le seul rapporteur à émettre un avis personnel dans cet hémicycle, quel que soit le texte que nous examinons. Dans un projet de loi relatif à la bioéthique, sur lequel la conscience de chacun est en jeu, il m’apparaît normal de faire également état de ma conception particulière.
Par ailleurs, madame Cohen, je livrerais volontiers la teneur des échanges qui ont permis à la commission d’aboutir à sa position, mais il se trouve que nous n’avons eu aucun débat en commission, chacun s’étant réservé pour la séance, ce qui me semble tout à fait normal. Le débat a lieu en séance : je donne la position de la commission et ensuite chacun exprime ce qu’il a envie d’exprimer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Les arguments sont clairs de chaque côté. Je vous ai exposé la position du Gouvernement et fait part de mes arguments, peut-être un peu plus personnels…
En première lecture, voilà un an, je m’étais présenté devant vous comme modeste secrétaire d’État à la protection de l’enfance. Aujourd’hui, je me présente comme modeste secrétaire d’État à l’enfance et aux familles. J’ai tenu à ce que mon titre soit dans cet ordre, car nous aurions tout intérêt à examiner certaines de nos politiques publiques à travers la question de l’enfant et de son intérêt supérieur.
Au-delà de cet article 1er, il me semble que ce texte est justement guidé par l’intérêt supérieur de l’enfant. Je pense notamment à la question de la sécurisation de la filiation d’un certain nombre d’enfants et à celle de l’accès aux origines.
J’ai ensuite tenu au pluriel dans mon titre, car les familles sont multiples : homoparentales, nombreuses, monoparentales – c’est le cas de 20 % des familles de notre pays ! –, biologiques, d’intention, adoptives… Je salue cette richesse et la diversité des familles de France.
Gardons-nous de trop idéaliser un modèle de famille.
M. Xavier Iacovelli. Tout à fait !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Et je dis cela sans volonté aucune de polémiquer. Revaloriser la famille, c’est aussi la regarder sans fard. L’actualité nous rappelle que la famille traditionnelle – je n’aime pas beaucoup ce terme, qui comporte un jugement de valeur auquel je n’adhère pas – peut aussi être le lieu de la brutalité, de la violence, de l’exil pour les enfants. Nos concitoyens nous le disent.
Ce qui compte, comme beaucoup d’entre nous l’ont souligné, c’est l’attention, l’amour, l’éducation, l’autorité que l’on donne aux enfants et pas le lien biologique. Il faut tenir compte de tout cela. Tel est le sens de l’article 1er.
Monsieur le sénateur, selon Boris Cyrulnik, c’est probablement autant l’enfant qui choisit le parent que l’inverse, c’est probablement autant l’enfant qui construit le parent que l’inverse. Ne pas admettre cela, c’est ne pas comprendre non plus comment se construit un enfant et comment se construit une famille au sein de laquelle cet enfant pourra pleinement s’épanouir.
Je suis persuadé que la famille, quel que soit son modèle, quand il y a de l’amour, de l’attention, de la sécurité, est le lieu de l’épanouissement et du développement de l’enfant. Encore une fois, ce sont davantage les dynamiques familiales que la composition de la famille qui importent. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, SER et GEST.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Nous souffrons souvent d’amnésie et nous oublions combien la société peut évoluer vite.
Il y a moins de soixante ans, en Irlande, les filles-mères étaient enfermées dans des orphelinats avec leurs enfants, dans des conditions détestables, et y mouraient. Qui aurait aujourd’hui l’idée d’enfermer les filles-mères ? (« Quel rapport ? » sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je ne dis pas cela par hasard : les modèles familiaux, comme l’a souligné mon collègue Ouzoulias, ont toujours été pluriels. On a tendance aujourd’hui à les figer dans un carcan, dans un cadre, qui n’a pourtant pas duré des siècles.
En outre, la science nous offre un nouveau champ des possibles : ce qui n’était pas possible hier l’est aujourd’hui. Il faut prendre ces possibles en compte, les encadrer. Certes, un gros problème de conscience se pose à nous, mais je suis persuadé que c’est non pas la PMA qui met notre société en danger, mais la rupture des liens sociaux. La PMA ne va pas transformer la société du jour au lendemain, elle sera un facteur de justice, sans moralisme ni puritanisme.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 rectifié ter, 6 rectifié, 38 rectifié bis et 103 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 61 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 296 |
Pour l’adoption | 122 |
Contre | 174 |
Le Sénat n’a pas adopté. (Applaudissements sur des travées du groupe SER.)
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 126, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial, de l’identité de genre, ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation
« Une étude de suivi est proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.
« Lorsqu’un recueil d’ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire. » ;
2° L’article L. 2141-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3. – Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1.
« Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou en cas de décès de l’un des membres du couple.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
3° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6, y compris, s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accueil d’embryons, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. – Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l’accueil de l’embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 342-10 du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon, au bénéfice de l’enfant. Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa du présent article.
« Aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon.
« L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil. » ;
4° L’article L. 2141-7 est abrogé ;
5° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. – Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s’applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. – La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est précédée d’entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie, le cas échéant extérieur au centre. L’équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l’équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° Vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 3° Informer complètement et au regard de l’état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;
« 3° bis En cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, informer les deux membres du couple ou la femme non mariée des modalités de l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ;
« 4° Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet ;
« d) Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet. Les membres du couple ou la femme non mariée sont incités à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité, de ce qu’il est issu d’un don ;
« e) Un recueil des conclusions des dernières études diligentées sur les désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée chez les enfants ainsi conçus et chez les femmes soumises à un parcours de procréation médicalement assistée.
« Le consentement du couple ou de la femme non mariée est confirmé par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5° du présent article.
« L’assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en œuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa lorsque la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« Les motifs de report ou de refus d’une assistance médicale à la procréation sont communiqués par écrit aux demandeurs dès lors qu’ils en font la demande auprès du centre d’assistance médicale à la procréation.
« La composition de l’équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité ; »
2° Après le 25° , il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l’assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
III. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur les dispositions du présent article.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement tend à rétablir l’esprit initial de cet article, qui donne à toutes les femmes le même droit d’accéder à l’AMP, sans discrimination à raison de leur orientation sexuelle, de leur statut matrimonial ou de leur identité de genre.
Si le Sénat a maintenu l’article 1er, et je m’en réjouis, je veux exprimer mon désaccord sur la limitation considérable apportée en commission, puisque la rapporteure Muriel Jourda a conditionné le remboursement de l’AMP à un critère médical.
Ce droit doit être accessible à toutes, car un droit auquel seules quelques-unes auraient accès du fait de leurs revenus ne serait pas un droit effectif. L’absence de prise en charge créerait une injustice évidente, qui toucherait non seulement les femmes seules ou les couples de femmes qui souhaitent recourir à l’AMP, mais aussi certains couples hétérosexuels, car on n’est pas toujours en mesure de définir l’infertilité. Ces couples-là n’auraient donc pas de remboursement.
La santé reproductive des femmes est un vaste sujet. Elle doit bien évidemment être prise en charge par la sécurité sociale, au même titre que la contraception, l’avortement, les problèmes de fertilité et l’ensemble des activités sexuelles et reproductives.
Notre amendement vise donc à lever la condition d’infertilité pour tous les publics et à rétablir le principe de non-discrimination dans l’accès à l’AMP.
Par ailleurs, il vise à assurer une totale égalité de traitement entre toutes les identités de genre : l’AMP doit être ouverte à toute personne en capacité de porter un enfant, conformément à l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme.
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.
« Une étude de suivi est proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.
« Lorsqu’un recueil d’ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire. » ;
2° L’article L. 2141-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3. – Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1.
« Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou en cas de décès de l’un des membres du couple.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
3° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6, y compris, s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accueil d’embryons, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. – Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l’accueil de l’embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 342-10 du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon, au bénéfice de l’enfant. Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa du présent article.
« Aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon.
« L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil. » ;
4° L’article L. 2141-7 est abrogé ;
5° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. – Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s’applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. – La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est précédée d’entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie, le cas échéant extérieur au centre. L’équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l’équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° Vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 3° Informer complètement et au regard de l’état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;
« 3° bis En cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, informer les deux membres du couple ou la femme non mariée des modalités de l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ;
« 4° Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet ;
« d) Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet. Les membres du couple ou la femme non mariée sont incités à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité, de ce qu’il est issu d’un don ;
« e) Un recueil des conclusions des dernières études diligentées sur les désordres médicaux engendrés par les techniques de procréation médicalement assistée chez les enfants ainsi conçus et chez les femmes soumises à un parcours de procréation médicalement assistée.
« Le consentement du couple ou de la femme non mariée est confirmé par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5° du présent article.
« L’assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en œuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa lorsque la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« Les motifs de report ou de refus d’une assistance médicale à la procréation sont communiqués par écrit aux demandeurs dès lors qu’ils en font la demande auprès du centre d’assistance médicale à la procréation.
« La composition de l’équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité ; »
2° Après le 25°, il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l’assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
III. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur les dispositions du présent article.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Je me réjouis du maintien de l’article 1er. Nos débats ont été fructueux ; il me semble important de le souligner.
Poursuivons dans ce sens et avançons sur la question du remboursement par la sécurité sociale. Aujourd’hui, l’AMP est remboursée, même quand elle ne relève pas d’une pathologie diagnostiquée. En refusant le remboursement aux couples de femmes ou aux femmes seules, on crée de facto une discrimination par l’argent : 15 % à 20 % des couples hétérosexuels ayant recours à une AMP n’ont pas de problème d’infertilité ou de maladie infectieuse transmissible.
Il me semble important d’aller jusqu’au bout de ce que nous portons. Nous avons ouvert l’AMP aux couples de femmes et aux femmes non mariées. Il faut maintenant que toutes puissent disposer des mêmes droits et bénéficier du remboursement par la sécurité sociale. À défaut, nous créerions une inégalité, une barrière de l’argent.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 30 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 113 rectifié bis est présenté par Mme Guillotin, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.
« Une étude de suivi est proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.
« Lorsqu’un recueil d’ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire. » ;
2° L’article L. 2141-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-3. – Un embryon ne peut être conçu in vitro que dans le cadre et selon les objectifs d’une assistance médicale à la procréation telle que définie à l’article L. 2141-1.
« Compte tenu de l’état des techniques médicales, les membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que soit tentée la fécondation d’un nombre d’ovocytes pouvant rendre nécessaire la conservation d’embryons, dans l’intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Dans ce cas, ce nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation compte tenu du procédé mis en œuvre. Une information détaillée est remise aux membres du couple ou à la femme non mariée sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés qui ne feraient plus l’objet d’un projet parental ou en cas de décès de l’un des membres du couple.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5.
« Un couple ou une femme non mariée dont des embryons ont été conservés ne peut bénéficier d’une nouvelle tentative de fécondation in vitro avant le transfert de ceux-ci, sauf si un problème de qualité affecte ces embryons. » ;
3° Les articles L. 2141-5 et L. 2141-6 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-5. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée peuvent consentir par écrit à ce que les embryons conservés soient accueillis par un autre couple ou une autre femme non mariée dans les conditions prévues à l’article L. 2141-6, y compris, s’agissant des deux membres d’un couple, en cas de décès de l’un d’eux.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée sont informés des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’accueil d’embryons, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Art. L. 2141-6. – Un couple ou une femme non mariée répondant aux conditions prévues à l’article L. 2141-2 peut accueillir un embryon.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent préalablement donner leur consentement devant notaire à l’accueil de l’embryon. Les conditions et les effets de ce consentement sont régis par l’article 342-10 du code civil.
« Le couple ou la femme non mariée accueillant l’embryon et le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon ne peuvent connaître leurs identités respectives.
« En cas de nécessité médicale, un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon, au bénéfice de l’enfant. Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa du présent article.
« Aucune contrepartie, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée au couple ou à la femme non mariée ayant consenti à l’accueil de leur embryon.
« L’accueil de l’embryon est subordonné à des règles de sécurité sanitaire. Ces règles comprennent notamment des tests de dépistage des maladies infectieuses.
« Seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif autorisés à cet effet peuvent conserver les embryons destinés à être accueillis et mettre en œuvre la procédure d’accueil. » ;
4° L’article L. 2141-7 est abrogé ;
5° Les articles L. 2141-9 et L. 2141-10 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-9. – Seuls les embryons conçus dans le respect des principes fondamentaux énoncés aux articles 16 à 16-8 du code civil et des dispositions du présent titre peuvent entrer sur le territoire où s’applique le présent code ou en sortir. Ces déplacements d’embryons sont exclusivement destinés à permettre la poursuite du projet parental du couple ou de la femme non mariée concernés. Ils sont soumis à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine.
« Art. L. 2141-10. – La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation est précédée d’entretiens particuliers de la femme ou du couple demandeur avec un ou plusieurs médecins et autres professionnels de santé de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire du centre, composée notamment d’un psychiatre, d’un psychologue ou d’un infirmier ayant une compétence en psychiatrie, le cas échéant extérieur au centre. L’équipe fait appel, en tant que de besoin, à un professionnel inscrit sur la liste mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 411-2 du code de l’action sociale et des familles.
« Le ou les médecins de l’équipe mentionnée au premier alinéa du présent article doivent :
« 1° Vérifier la motivation des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 2° Procéder à une évaluation médicale des deux membres du couple ou de la femme non mariée ;
« 3° Informer complètement et au regard de l’état des connaissances scientifiques les deux membres du couple ou la femme non mariée des possibilités de réussite ou d’échec des techniques d’assistance médicale à la procréation, de leurs effets secondaires et de leurs risques à court et à long termes ainsi que de leur pénibilité et des contraintes qu’elles peuvent entraîner ;
« 3° bis En cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, informer les deux membres du couple ou la femme non mariée des modalités de l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ;
« 4° Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci de l’impossibilité de réaliser un transfert des embryons conservés en cas de rupture du couple ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple ;
« 5° Remettre aux deux membres du couple ou à la femme non mariée un dossier-guide comportant notamment :
« a) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’assistance médicale à la procréation ;
« b) Un descriptif de ces techniques ;
« c) Le rappel des dispositions législatives et réglementaires relatives à l’adoption ainsi que l’adresse des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet ;
« d) Des éléments d’information sur l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur par la personne majeure issue du don ainsi que la liste des associations et organismes susceptibles de compléter leur information sur ce sujet. Les membres du couple ou la femme non mariée sont incités à anticiper et à créer les conditions qui leur permettront d’informer l’enfant, avant sa majorité, de ce qu’il est issu d’un don ;
« e) Des éléments d’information sur les taux de réussite des techniques d’assistance médicale à la procréation, leurs effets secondaires et leurs risques à court et à long termes ainsi que sur l’état des connaissances concernant la santé des enfants ainsi conçus.
« Le consentement du couple ou de la femme non mariée est confirmé par écrit à l’expiration d’un délai de réflexion d’un mois à compter de la réalisation des étapes mentionnées aux 1° à 5° du présent article.
« L’assistance médicale à la procréation est subordonnée à des règles de sécurité sanitaire.
« Elle ne peut être mise en œuvre par le médecin ayant par ailleurs participé aux entretiens prévus au premier alinéa lorsque la femme non mariée ou le couple demandeur ne remplissent pas les conditions prévues au présent titre ou lorsque ce médecin, après concertation au sein de l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, estime qu’un délai de réflexion supplémentaire est nécessaire à la femme non mariée ou au couple demandeur dans l’intérêt de l’enfant à naître.
« Le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner, dans les conditions prévues par le code civil, leur consentement à un notaire.
« La composition de l’équipe clinicobiologique mentionnée au premier alinéa est fixée par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article L. 160-14 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le 12° est ainsi rédigé :
« 12° Pour les investigations nécessaires au diagnostic et au traitement de l’infertilité ; »
2° Après le 25°, il est inséré un 26° ainsi rédigé :
« 26° Pour l’assistance médicale à la procréation réalisée dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
III. – Avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation sur les dispositions du présent article.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale afin de préserver l’équilibre trouvé.
Le Gouvernement propose le retour à un régime unique d’assistance médicale à la procréation, sans distinction liée au statut conjugal ou à l’orientation sexuelle. Cette disposition permet de réaffirmer le principe de non-discrimination et d’ancrer dans la loi le fait que toutes les personnes s’engageant dans un parcours d’AMP, en particulier les couples de femmes et les femmes non mariées, bénéficient de la même bienveillance et des mêmes conditions de prise en charge.
S’il s’inscrit dans la lignée des deux amendements qui viennent d’être défendus, l’amendement du Gouvernement est plus précis et permet d’aller un peu plus loin, à la marge.
En outre, cet amendement tend à supprimer l’obligation de recours à une compétence en psychiatrie ou psychologie de l’enfant et de l’adolescent dans l’équipe clinicobiologique et à fixer les conditions d’âge pour bénéficier d’une AMP par décret en Conseil d’État.
Toutefois, le Gouvernement reconnaît et salue la pertinence des apports de la commission spéciale du Sénat. Il souhaite notamment intégrer, si vous en êtes d’accord, la suppression du caractère écrit des motifs de report et de refus d’une AMP au demandeur. En effet, les textes réglementaires, notamment l’arrêté des bonnes pratiques en AMP, prévoient déjà l’explication des motifs de report ou de refus au demandeur – ils sont généralement communiqués lors du colloque singulier entre le médecin et son patient.
Le Gouvernement souhaite enfin reprendre à son compte un second apport de la commission spéciale du Sénat, à savoir la suppression de la référence aux désordres médicaux lors des entretiens préalables à l’AMP, introduite par les députés en deuxième lecture, pour lui préférer la remise d’éléments d’information sur les taux de réussite des techniques d’AMP, leurs effets secondaires et leurs risques à court et long termes dans le dossier-guide.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement participe pleinement aux débats et endosse un certain nombre des apports de la commission spéciale du Sénat.
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 113 rectifié bis.
Mme Véronique Guillotin. Je me réjouis également du maintien de l’article 1er.
Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale en tenant compte des quelques modifications apportées par la commission spéciale du Sénat.
Cette dernière a souhaité de nouveau distinguer les couples hétérosexuels des couples de femmes et des femmes seules en maintenant le critère médical pour les couples hétérosexuels et en supprimant la prise en charge par la sécurité sociale pour les couples de femmes et les femmes seules.
Cette rédaction est contraire à l’esprit de la réforme, qui propose d’ouvrir – et c’est une belle avancée – un droit unique aux couples hétérosexuels, aux couples de femmes et aux femmes seules.
La rédaction adoptée par la commission spéciale entraîne une rupture d’égalité du fait de la seule orientation sexuelle, ce qui serait contraire à l’un des principes fondateurs de notre République. Je l’ai indiqué, en privant de remboursement les femmes seules ou en couple avec une autre femme, on complique l’accès de celles-ci à la PMA. Ces femmes pourraient alors être incitées à se tourner vers des pratiques présentant un risque pour leur santé, comme la recherche de donneurs sur internet, des rapports non protégés au hasard de rencontres avec des géniteurs potentiels, des techniques non sécurisées d’insémination ou encore des techniques artisanales.
Telles sont les raisons qui motivent cet amendement, que je vous demande de bien vouloir voter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Rappelons ce qu’a décidé la commission spéciale et non pas son rapporteur, cher monsieur Salmon ; je n’ai malheureusement pas le pouvoir de décider toute seule… Si seulement !
La commission spéciale a, en l’occurrence, suivi ce que je lui proposais, car il s’agissait tout simplement de respecter le choix exprimé par le Sénat en première lecture.
Nous avons donc distingué entre les situations des personnes pouvant avoir recours à l’assistance médicale à la procréation. Je le répète – je ne m’en lasserai pas –, la notion d’égalité ne peut aucunement être utilisée à l’encontre de cette disposition, selon la jurisprudence même du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel.
Ainsi, nous avons distingué ceux qui bénéficient déjà de l’AMP – les couples hétérosexuels y ayant recours pour des raisons d’ordre médical – des couples de femmes et des femmes seules, qui en bénéficieront pour des raisons qui ne sont pas d’ordre médical.
Nous avons également réservé le remboursement de l’AMP aux couples hétérosexuels. Pourquoi ? Tout simplement par référence au code de la sécurité sociale. Là encore, il ne s’agit pas de discriminer de quelque façon que ce soit, mais ce code réserve expressément la solidarité nationale aux actes médicaux qui interviennent soit en prévention soit en soin de la maladie. Voilà les différences qui existent.
Ces amendements tendent à revenir à la rédaction du Gouvernement ; je vous demande au contraire, mes chers collègues, de conserver la rédaction du Sénat issue de la première lecture. La commission a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 126, de M. Salmon, même s’il partage évidemment l’intention de ses auteurs ; c’est d’ailleurs le sens de l’amendement n° 30 rectifié qu’il a déposé.
Il convient en effet de rétablir le régime unique, car ne pas le faire reviendrait, en réalité, après avoir rejeté l’amendement de suppression de l’article 1er du texte, à consacrer un droit formel et non pas un droit réel. En effet, en n’autorisant pas le remboursement de l’acte par la sécurité sociale, on empêchera de facto un certain nombre de femmes de bénéficier effectivement de ce droit. On parlait d’inégalités ; eh bien, il y aura effectivement une inégalité sociale face à ce droit que vous consacrez, je le répète, à l’article 1er.
Toutefois, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 126, en raison d’une mention particulière qui y figure. En effet, votre amendement, monsieur le sénateur, vise à compléter l’alinéa relatif au principe de non-discrimination afin d’y faire figurer l’identité de genre ; cela ne nous semble pas indispensable, dès lors que le fait d’avoir changé de sexe à l’état civil ne représente pas, en soi, un obstacle à l’accès à l’AMP. Cela détermine simplement les techniques auxquelles la personne peut ou non avoir accès. D’où cet avis défavorable.
Le Gouvernement a en revanche émis un avis favorable sur l’amendement n° 85, de Mme Cohen, même si son amendement va un peu plus loin et permet d’améliorer les choses à la marge. Le Gouvernement aurait donc tendance à demander le retrait de cet amendement, mais, à défaut, il émettra un avis favorable. Je vous invite néanmoins à adopter les amendements identiques du Gouvernement et de Mme la sénatrice Guillotin, qui sont dans le même esprit que le vôtre, madame Cohen, mais vont un peu plus loin.
M. le président. La parole est à Mme Nadège Havet, pour explication de vote.
Mme Nadège Havet. L’amendement du Gouvernement tend à rétablir la version adoptée par l’Assemblée nationale, à l’issue de la deuxième lecture du projet de loi, tout en tenant compte des propositions du Sénat, puisqu’il vise à intégrer certaines modifications apportées par notre commission spéciale. Je voterai pour cette rédaction, avec les précisions apportées quant aux éléments d’information fournis.
Je reviens sur l’article L. 2141-2 du code de la santé publique, ainsi rédigé.
« L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. » Oui !
« Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation. » Oui !
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs. » Oui !
La prise en charge par l’assurance maladie se fait dans tous les cas. Là encore, oui ! Sur ce point, les stratégies de contournement mises en œuvre aujourd’hui par les femmes qui ne peuvent avoir recours à une PMA en France exposent celles-ci à des risques sanitaires et à de fortes inégalités sociales, eu égard au coût qu’elles représentent. Aussi, la prise en charge de l’ensemble des actes d’AMP par l’assurance maladie, pour toutes les personnes qui y ont accès, me paraît essentielle.
Sortons des clivages traditionnels ; il y a sur nos travées autant de sensibilités que de parlementaires. C’est pourquoi je tenais à prendre la parole pour soutenir ce texte avec conviction.
Je souhaite conclure mon propos en ayant une pensée pour tous les parents, toutes les familles, toutes les femmes engagés dans ces parcours difficiles et parfois douloureux ; je salue leur courage et leur détermination. (Mme Michelle Meunier et M. Xavier Iacovelli applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je ne voterai pas ces amendements.
Je considère que, si l’AMP doit être mise en place pour les femmes seules et pour les femmes non hétérosexuelles, il n’est pas question que l’assurance maladie, qui a été créée dans un but préventif et curatif, prenne en charge quelque chose qui ne relève ni de la prévention ni du soin. En effet, il s’agit de satisfaire un désir, selon l’expression consacrée. Par conséquent, que l’assurance maladie ne le prenne pas en charge me semble tout à fait normal.
En revanche, que les mutuelles – nous en avons tous une – le fassent, pourquoi pas ? Ce serait intéressant ; vous le savez, j’ai en permanence les mutuelles dans le collimateur et j’aimerais bien que celles-ci interviennent un peu sur ce sujet, qui me semble très important, à l’exclusion de la sécurité sociale, qui n’a pas été créée pour cela.
Voici donc ce qui me paraît important : pas de prise en charge par la sécurité sociale, mais une prise en charge possible par les mutuelles, la sécurité sociale ayant avant tout été créée dans un but curatif et préventif.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je ne voterai pas ces amendements.
Je l’ai expliqué précédemment, j’avais considéré en première lecture que ce n’était pas à la sécurité sociale de rembourser cet acte. J’ai un peu évolué et je considère maintenant que la sécurité sociale pourrait prendre l’acte en charge à 75 % ou à 80 %, le reste, c’est-à-dire le ticket modérateur, restant à la charge des personnes qui demandent la PMA ou de leur mutuelle.
Il faut faire une différence entre les couples hétérosexuels qui recourent à la PMA parce qu’ils ont une pathologie et les autres, qui recourent à la PMA sans avoir de pathologie. Ces situations sont différentes et la sécurité sociale ne doit pas tout rembourser. Je propose donc de laisser à la charge des mutuelles ou de la couverture maladie universelle (CMU) les 20 % restants.
J’y insiste, il est très important de prendre l’acte en charge, sans quoi il n’y aura pas d’égalité, mais la proposition nuancée que je vous fais me paraît aller dans le bon sens. C’est l’objet d’un amendement que je présenterai tout à l’heure.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je voterai les amendements identiques de Véronique Guillotin et du Gouvernement, pour deux raisons.
D’abord, nombre de professeurs de médecine, surtout parmi les spécialistes de l’infertilité, nous indiquent que fonder le remboursement sur un critère médical serait nier le fait que, parfois, il n’y a pas de pathologie facile à détecter. Nous avons tous connaissance de couples ayant eu des enfants après en avoir adopté un, parce que, justement, on n’avait pas pu définir où était le problème de stérilité lorsque ces parents cherchaient à concevoir. On risquerait donc de retirer à ces couples – ils ne sont certes peut-être pas nombreux – la possibilité d’être remboursés.
Ensuite, je trouve injuste de créer deux catégories de bénéficiaires, a fortiori lorsque l’une d’elles est exclue de toute prise en charge par la sécurité sociale. C’est pour cette raison que je voterai ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je souhaite répondre aux arguments avancés.
D’abord, les quatre amendements ont la même philosophie ; le nôtre tend à reprendre la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, l’argument selon lequel le non-remboursement de la PMA serait justifié par « la vocation de la sécurité sociale d’assurer la “protection contre le risque et les conséquences de la maladie” » ne tient pas vraiment, car – je rejoins ce que ma collègue vient de dire –, la santé est définie, par l’Organisation mondiale de la santé, comme « un état de complet bien-être physique, mental et social », qui « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ».
Selon Gilles Hutteau, professeur à l’École des hautes études en santé publique, la PMA « permet la création d’une vie familiale. En cela, elle ne peut être assimilée à un simple acte de confort. » C’est pourquoi nous demandons qu’elle soit prise en charge par la sécurité sociale, ce qui permet, en outre, de ne pas faire de différence entre, d’une part, les couples hétérosexuels et, d’autre part, les couples homosexuels et les femmes seules.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 126.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 62 :
Nombre de votants | 335 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Pour l’adoption | 100 |
Contre | 233 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 85.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 121 |
Contre | 216 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 rectifié et 113 rectifié bis.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 64 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l’adoption | 137 |
Contre | 200 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, M. Capo-Canellas, Mme Dindar et MM. Détraigne, Delcros et Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
II. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
Les demandeurs
par les mots :
Les deux membres du couple ou la femme non mariée
III. – Alinéa 5
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle…
IV. – Alinéas 14, 15 et 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Je serai rapide, car il s’agit d’un amendement de repli, fondé sur les motifs que j’ai exposés précédemment ; je le considère donc comme défendu, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 81, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le changement de sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’accès à l’assistance médicale à la procréation.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Nous proposons, par cet amendement, que la PMA soit également élargie aux personnes transgenres, car nous considérons que le changement de sexe à l’état civil ne doit pas constituer, comme c’est actuellement le cas, un obstacle.
Au cours de nos auditions, en première lecture, de nombreuses associations de personnes lesbiennes, gay, bisexuelles et transgenres (LGBT) nous ont montré qu’une catégorie de femmes a été oubliée dans ce projet de loi, qui met en avant l’accès à la PMA pour toutes. La réalité est donc plus restrictive, plus excluante.
Je reprends la démonstration que j’avais faite en première lecture, en espérant que, un an plus tard, les arguments échangés et les lectures personnelles de chacun auront permis de faire bouger les choses ; en outre, nous avons de nouveaux collègues, donc on ne sait jamais…
Très souvent, les personnes transgenres effectuent un changement de sexe à l’état civil pour être en conformité avec leur genre. Or, si une personne née femme change son état civil, parce que son identité de genre est celle d’un homme, alors même que ses organes génitaux et reproductifs seraient toujours ceux d’une femme, elle ne pourra pas avoir accès à la PMA, car seul compte l’état civil. C’est discriminant et quelque peu déséquilibré, puisque, à l’inverse, si un homme est devenu une femme à l’état civil, il pourrait très bien faire une PMA avec une autre femme, car il entrera dans le cadre juridique.
C’est un peu compliqué, je l’avoue, mais je sens que vous me suivez, mes chers collègues, je sens que plusieurs d’entre vous sont très intéressés ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ces questions ne sont pas simples, je vous le concède, et elles suscitent des interrogations au plus profond de nous-mêmes. Les réponses que nous pouvons apporter dépassent les groupes politiques auxquels nous appartenons ; nous en avons l’habitude depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
Il me semble important de réfléchir, sans préjugé, à la situation de ces hommes et de ces femmes qui, eux aussi, ont des projets parentaux, voire qui ont déjà, dans certains cas, des enfants. Nier cette réalité, qui peut, je le conçois, être difficile à envisager, ne fera pas avancer la cause de ces femmes et de ces hommes et ne fera donc pas progresser l’égalité. En outre, cela ne fera pas reculer les violences « transphobes ».
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à soutenir notre amendement.
M. le président. L’amendement n° 151, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mmes Meunier et Rossignol, M. Leconte, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2141-2. – I. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
II. – Alinéa 5, au début
Insérer les mots :
Lorsqu’il s’agit d’un couple,
III. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une étude de suivi peut être proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à réinsérer dans le texte l’ouverture de l’AMP aux couples hétérosexuels fertiles, pour trois raisons, déjà évoquées précédemment.
Tout d’abord, instituer une différence d’accès à l’AMP entre, d’une part, les couples hétérosexuels et, d’autre part, les couples de femmes crée une rupture d’égalité, qui exposerait ce texte au risque d’une censure par le Conseil constitutionnel.
Ensuite, sur le fond, la distinction entre couples fertiles et couples infertiles est bien plus complexe qu’on ne le pense. L’infertilité d’un couple se caractérise par « l’absence de grossesse après douze à vingt-quatre mois de rapports sexuels complets, réguliers […] et sans contraception ». Par conséquent, le régime est déclaratif. Opérer, dans la loi, une distinction entre couples fertiles et couples infertiles est donc sans effet réel. Pour ces raisons, l’amendement ayant conduit à cette exclusion, adopté en commission, manque son objectif.
En effet, un tiers des couples ayant recours à l’AMP aujourd’hui n’ont en réalité pas d’infertilité pathologique diagnostiquée – notre collègue Élisabeth Doineau l’a évoqué – ; il s’agit d’une infertilité déclarée, constatée par des couples, sur le fondement de l’absence de grossesse malgré des tentatives.
Enfin, ce constat s’explique parce qu’il existe, en réalité, des raisons, légitimes en elles-mêmes, à l’infertilité, sans pathologie.
D’où cet amendement ayant pour objet de reprendre le texte issu de la première lecture.
M. le président. L’amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. H. Leroy, Frassa, Boré, Saury et Bouloux et Mme V. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Aucun médecin, aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est jamais tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation selon les modalités prévues au présent article. Le médecin oriente alors la patiente vers un médecin ou un établissement compétent.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. M. Le Rudulier siégeant aujourd’hui à la Cour de justice de la République, je défends cet amendement en son nom.
Il est essentiel d’instaurer une clause de conscience spécifique pour les médecins et le personnel de santé qui ne souhaitent pas participer à l’assistance médicale à la procréation, quelles que soient les raisons d’y recourir.
Cette instauration garantirait une liberté essentielle, qui s’appliquerait à l’ensemble du personnel soignant, l’assistance médicale à la procréation ayant une portée qui implique hautement la responsabilité de ce personnel, dans la mesure où elle concerne la survenue d’un enfant.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Chevrollier, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet et Reichardt, Mme Pluchet, MM. Sido et H. Leroy, Mme Noël, MM. Cuypers, Meurant et Saury, Mme Deromedi et MM. Chaize, Laménie, Babary, Rapin, Bouloux et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Un médecin n’est jamais tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation prévue au présent article mais il doit informer l’intéressée de son refus et l’orienter vers un médecin compétent.
« Aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de participer à l’assistance médicale à la procréation.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Il est quasiment identique à celui qui vient d’être présenté par M. Leroy, je n’en dirai donc pas beaucoup plus. Certains d’entre nous indiquaient précédemment n’avoir pas de certitudes ; nous devons donc laisser à chaque praticien la possibilité d’exercer ce type d’acte en conscience…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il l’a déjà !
M. Dominique de Legge. Puis-je terminer, madame Rossignol ?
Mme Laurence Rossignol. Ce n’est pas moi qui ai parlé !
M. Dominique de Legge. Nous allons écouter le rapporteur émettre son avis et tout se passera pour le mieux !
M. le président. L’amendement n° 150 rectifié, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mmes Rossignol et Meunier, M. Leconte, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, M. Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Toute personne en capacité de mener une grossesse, même lors d’un changement de sexe à l’état civil, a accès à l’assistance médicale à la procréation.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Veuillez m’excuser, monsieur le président, je suis tout émue que l’on reproche à ma collègue Laurence Rossignol des propos que j’ai tenus.
M. Loïc Hervé. C’est nouveau !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais oui, nous sommes solidaires !
Puisque vous me sollicitez, cher Loïc Hervé, sachez que l’affaire de la clause de conscience est un coup classique. Je rappelle toutefois que cette clause existe déjà ; il n’est donc pas nécessaire de l’instituer de nouveau.
J’en viens à l’amendement n° 150 rectifié ; il s’agit de la capacité de mener une grossesse, même en cas de changement de sexe.
Dès lors qu’il est possible, depuis la loi de 2016, de procéder à la modification de la mention du sexe à l’état civil, il est normal que l’on aligne les droits en ce sens. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 14 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Chevrollier, de Nicolaÿ, Hugonet et Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt, Piednoir, Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne et MM. Meurant, Saury, Babary, Laménie, Chaize, Bouloux et Le Rudulier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 15
Supprimer les mots :
ou toute femme non mariée
II. – Alinéas 18, première phrase, 19, 22, 23, 25, première phrase, 26 (deux fois), 27, première phrase, 40, 41 et 52
Supprimer les mots :
ou la femme non mariée
III. – Alinéas 18, dernière phrase, 28 et 43
Supprimer les mots :
ou à la femme non mariée
IV. – Alinéas 20 et 24
Supprimer les mots :
ou une femme non mariée
V. – Alinéa 22
Supprimer les mots :
ou une autre femme non mariée
VI. – Alinéa 33
Supprimer les mots :
ou à la femme receveuse
VII. – Alinéas 35, deuxième phrase, 38, 39 et 49
Supprimer les mots :
ou de la femme non mariée
VIII. – Alinéa 35, deuxième phrase
Remplacer le mot :
concernés
par le mot :
concerné
IX. – Alinéa 36, première phrase
Supprimer les mots :
de la femme ou
X. – Alinéa 42
Remplacer les mots :
Lorsqu’il s’agit d’un couple, informer celui-ci
par les mots :
Informer le couple
XI. – Alinéa 51
1° Supprimer les mots :
la femme non mariée ou
2° Remplacer le mot :
remplissent
par le mot :
remplit
3° Supprimer les mots :
à la femme non mariée ou
XII. – Alinéa 52
1° Remplacer le mot :
recourent
par le mot :
recourt
2° Remplacer le mot :
doivent
par le mot :
doit
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Nous avons précédemment eu un débat, qui n’était pas forcément clair, sur la notion de famille monoparentale.
Il existe des familles monoparentales liées à une rupture ou à des difficultés dans la vie du couple ; il n’en demeure pas moins que l’enfant précède généralement cette rupture.
Nous souhaitons donc, par cet amendement, que ne soient pas créées de toutes pièces des familles monoparentales, en limitant le recours à la PMA aux femmes en couples.
M. le président. Les trois amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 7 rectifié bis est présenté par MM. Mizzon, Duffourg, Kern et Masson, Mmes Herzog et Belrhiti, M. Moga, Mme Morin-Desailly et M. L. Hervé.
L’amendement n° 23 rectifié quinquies est présenté par MM. de Legge, Chevrollier, de Nicolaÿ, Hugonet et Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne et MM. Meurant, Babary, Laménie et Chaize.
L’amendement n° 42 rectifié ter est présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. Frassa et Boré et Mme V. Boyer.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d’un couple de femmes, le don d’ovocyte de la compagne est interdit. » ;
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié bis.
M. Jean-Marie Mizzon. L’article 16-8 du code civil dispose que le don des éléments du corps doit être anonyme : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur.
« En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci. »
La pratique qui consisterait, pour une femme, à accueillir un ovocyte de sa compagne reviendrait à contourner cette interdiction. D’où cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 23 rectifié quinquies.
M. Dominique de Legge. Cet amendement est identique au précédent. Il s’agit de rappeler que la législation actuelle permet le recours à un don de gamètes, mais qu’elle interdit le double don, afin que l’enfant soit toujours biologiquement issu d’au moins un des deux membres du couple.
Cet amendement vise à maintenir l’interdiction du double don, afin de conserver ce lien biologique avec au moins l’un des deux parents.
J’ajoute que, si nous acceptons le double don, nous nous rapprochons de fait de la gestation pour autrui (GPA). Il y aurait donc une certaine contradiction à nous affirmer, d’une part, monsieur le secrétaire d’État, que nous n’aurons jamais à débattre de la GPA dans cet hémicycle, tout en acceptant, d’autre part, le double don.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié ter n’est pas soutenu.
L’amendement n° 86, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 39
Supprimer les mots :
, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,
II. – Après l’alinéa 39
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à supprimer un ajout de la commission portant sur l’évaluation psychologique et sociale du couple ou de la femme qui souhaite avoir recours à une AMP. Nous avions dénoncé cet ajout lors de la première lecture, considérant que l’introduction de cette mention pouvait paraître ambiguë dans ses intentions.
Nous savons, bien entendu, que cette évaluation psychologique et sociale concernerait à l’avenir tous les couples hétérosexuels ou lesbiens sans distinction, ainsi que les femmes seules. Nous savons aussi qu’elle existe déjà pour les couples en procédure d’adoption. Néanmoins, nous pensons qu’elle ne doit pas guider l’élaboration du dispositif d’AMP.
En effet, un couple ou une femme non mariée souhaitant recourir à l’AMP n’ont pas à être différenciés d’un couple hétérosexuel décidant de faire un enfant sans avoir recours à cette technique, car il s’agit dans les trois cas d’un même projet parental. Les traiter différemment sous-entendrait que l’on préjuge de l’aptitude des personnes concernées à être ou non de bons parents.
Mes chers collègues, nous savons tous ici que les choses sont beaucoup plus complexes, on l’a démontré depuis le début de nos débats.
Même si le Sénat a voté l’élargissement de la PMA, ce qui est une avancée, nous ne pouvons nous empêcher de penser que l’introduction de ce type d’évaluation a un lien, même indirect, avec le projet parental d’un couple de femmes ou d’une femme seule. Cela témoigne, à nos yeux d’une certaine suspicion, comme si l’on voulait absolument poser des garde-fous. D’ailleurs, vous avez également supprimé la phrase suivante : « Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre. » Or celle-ci permettait, au minimum, de s’assurer d’une non-discrimination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les amendements nos 35 rectifié bis, 151 et 81 visent à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale concernant les conditions d’accès à l’AMP. Ils tendent, en ne posant pas de conditions, à ne pas introduire de différence entre les couples hétérosexuels, les couples de femmes et les femmes seules. Ces amendements sont contraires à la position de la commission, qui a souhaité conserver des critères pour les couples hétérosexuels souffrant d’une infertilité pathologique.
Certains ont avancé que de tels critères n’existent pas dans un certain nombre de situations. Je rappelle néanmoins que les auditions de médecins auxquelles nous avons procédé en première lecture ont effectivement permis de déterminer que, si l’infertilité n’était pas nécessairement diagnostiquée, elle était pour autant réelle. Les médecins en ont jugé ainsi – il me semble qu’ils en sont seuls juges –, de sorte que l’argument utilisé selon lequel l’infertilité ne serait pas toujours au rendez-vous pour les couples hétérosexuels est faux.
Par ailleurs, je le répéterai à l’envi : bien que l’égalité soit encore une fois mise en avant, aucune notion d’égalité ne préside à l’établissement de ce texte. Comme cela a été affirmé et réaffirmé, il ne s’agit pas de mettre à égalité des couples qui, dans les faits, ne le sont pas face à la procréation. Il n’y a donc aucune inégalité et je doute fort, contrairement à ce qui est indiqué, que le Conseil constitutionnel nous censure sur ce point, puisqu’il a déjà tranché cette question il y a de nombreuses années.
Pour ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur les amendements nos 35 rectifié bis, 151 et 81.
Les auteurs de l’amendement n° 150 rectifié, comme ceux de l’amendement n° 81, souhaitent aller au-delà du texte initial en autorisant l’accès à l’AMP en cas de changement de sexe à l’état civil. La commission a émis un avis défavorable dans la mesure où l’AMP est réservée aux couples hétérosexuels, aux couples de femmes et aux femmes seules, et non pas aux hommes qui ont été précédemment des femmes.
Les amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter tendent à instaurer une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé ne souhaitant pas participer à l’AMP.
Certes, le législateur a prévu, lors de l’autorisation de l’IVG, une clause de conscience spécifique, mais cela a été décidé en raison de circonstances particulières. Néanmoins, une clause de conscience extrêmement large et très claire figure d’ores et déjà dans le code de déontologie médicale. Cette clause, à mon sens, peut être utilisée par tous les médecins, y compris dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. La commission spéciale est donc défavorable aux amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter.
L’amendement n° 14 rectifié ter vise à ne pas ouvrir l’accès à l’AMP aux femmes seules, et donc à le réduire aux seuls couples hétérosexuels et aux couples de femmes. J’y suis favorable à titre personnel, puisque j’ai présenté un amendement en ce sens en commission. Toutefois, la commission spéciale a souhaité maintenir, comme l’avait voté le Sénat en première lecture, la possibilité pour les femmes seules d’accéder à l’AMP. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter.
En revanche, la commission spéciale est favorable aux amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies, qui visent à interdire le don d’ovocytes dans un couple de femmes, pratique qui consisterait pour une femme à donner ses ovocytes à sa partenaire. Il s’avère qu’un tel don contrevient à un principe qui jusqu’à présent n’a jamais été remis en cause, celui de l’anonymat du don. On ne peut recevoir de gamètes de personnes identifiées, de sorte que cette précision me paraît tout à fait conforme à la législation actuelle.
Quant à l’amendement n° 86, il vise à supprimer l’évaluation psychologique et en tant que de besoin sociale des demandeurs. Il ne faut pas faire dire à cet ajout plus qu’il ne veut bien dire : notre collègue Laurence Cohen, contrairement à ce qu’elle pense, n’a pas dévoilé la pensée de la commission spéciale.
D’abord, la pensée de la commission avait été en première lecture celle de Roger Karoutchi, qui avait souhaité introduire cet élément. Je ne sonde pas les reins et les cœurs, mais j’ai dans l’idée que Roger Karoutchi ne voulait pas discriminer qui que ce soit par son amendement, mais qu’il désirait simplement prendre en compte le fait que l’équipe pluridisciplinaire participant à l’AMP compte effectivement un travailleur social et un psychologue, comme cela avait été indiqué expressément.
Ensuite, Mme Cohen pense pouvoir déduire nos intentions du fait que nous avons décidé de retirer également du texte la précision selon laquelle l’AMP ne peut être refusée en raison de l’orientation sexuelle du demandeur ou de son identité de genre. Nous avons retiré cette précision pour des motifs qui ont toujours été explicites : il s’agit d’une disposition qui existe déjà dans la loi de manière générale, j’en veux pour preuve qu’elle peut conduire à une condamnation pour discrimination. Il nous a donc paru tout à fait déplacé vis-à-vis des médecins d’ajouter à cette disposition générale, qui leur interdit d’agir ainsi, une disposition particulière visant à les suspecter par avance d’une possible intention de discrimination à l’égard des demandeurs d’AMP.
Les médecins sont tenus à cette obligation, comme tout citoyen. Notre intention n’était donc pas de les en dispenser, et nous n’avions sur ce point aucune volonté voilée. Voilà pourquoi la commission spéciale est défavorable à l’amendement n° 86.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’amendement n° 35 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, vise à rétablir le texte adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. J’émets un avis favorable, pour des raisons que j’ai d’ores et déjà exposées.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 151, de Mme de La Gontrie, tendant à supprimer la condition d’infertilité pour les couples hétérosexuels. Il s’agit ici aussi d’en revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à lever la condition d’infertilité pour tous les publics et à reprendre le principe de non-discrimination dans l’accès à l’AMP.
Juridiquement, le maintien de ce critère d’accès pour les couples hétérosexuels, alors qu’il n’existera pas pour les femmes en couple ou non mariées, aboutirait à créer une nouvelle inégalité. Par ailleurs, une telle disposition sera source potentielle de contentieux, mesdames, messieurs les sénateurs.
Sachez par ailleurs, comme un sénateur l’a évoqué dans son intervention, que dans environ 15 % des cas les couples hétérosexuels qui ne peuvent concevoir sont pris en charge en AMP alors qu’aucune cause médicale n’a été identifiée. La réintroduction du concept d’infertilité diagnostiquée met ainsi en danger les réponses qui peuvent aujourd’hui être apportées à de tels couples. En outre, ce critère aurait pour conséquence de ne pas rendre effectif le droit ouvert aux couples de femmes et aux femmes non mariées – c’est l’argument portant sur les droits formels que j’évoquais précédemment.
L’amendement n° 81 concerne l’AMP pour les personnes transsexuelles. Madame la sénatrice Cohen, vous souhaitez préciser que le changement de sexe à l’état civil ne fait pas obstacle à l’accès à l’AMP. Je me permets de souligner tout d’abord que l’accès à l’AMP est ouvert aux personnes cisgenres comme aux personnes transgenres : la loi n’opère pas de distinction entre elles, sans quoi cela entraînerait un traitement discriminant fondé sur le genre.
Vous le rappelez dans votre exposé, depuis la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, la preuve d’une intervention médicale ou chirurgicale n’est plus exigée pour faire modifier la mention de son sexe et de son prénom à l’état civil.
Dans la vie civile, seule l’identité indiquée à l’état civil d’une personne est prise en compte, car il s’agit d’un critère aussi clair qu’objectif. Le changement de sexe à l’état civil est un acte volontaire, indépendant de l’évolution médicale réelle de la personne, qu’elle subisse des traitements ou non. Désormais, des personnes nées avec un appareil reproducteur féminin peuvent, sans avoir été opérées, faire reconnaître à l’état civil une autre identité de genre.
Ainsi, une femme devenue un homme à l’état civil, même en ayant gardé son appareil reproducteur féminin, est un homme. Par conséquent, il est également un homme au regard de l’assistance médicale à la procréation.
Dans le projet de loi, un homme à l’état civil ne peut avoir accès à l’AMP seul ni en couple avec un autre homme. Il pourrait y avoir accès s’il est en couple avec une femme, cette dernière portera alors l’enfant. Ainsi, l’accès à telle ou telle technique d’AMP dépend du sexe de la personne inscrit à l’état civil au moment de la demande.
Le droit actuel prévoyant d’ores et déjà que le changement de sexe ne fait pas obstacle à l’AMP, il ne nous semble pas utile de le préciser de nouveau. J’émets donc un avis défavorable.
Dans la même logique et pour les mêmes raisons, je suis également défavorable à l’amendement n° 150 rectifié de Mme de La Gontrie, qui concerne l’accès à l’AMP des personnes transgenres.
Les amendements nos 39 rectifié et 16 rectifié ter portent sur la question de la clause de conscience pour les médecins, évoquée par Mme de La Gontrie. Cette clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé qui participent à la réalisation d’une AMP leur donnerait la possibilité de choisir entre les demandes d’AMP, et donc de refuser de facto de prendre en charge certains couples ou des femmes qui se présentent seules.
Cette clause de conscience existe pour certains actes que le médecin peut refuser de réaliser lui-même en orientant la personne concernée vers un confrère. Elle ne peut être invoquée pour justifier une prise en charge différenciée des personnes selon leur statut conjugal ou selon leur orientation sexuelle. Il serait même choquant, je me permets de le dire, que des médecins acceptent d’inséminer une femme en couple hétérosexuel et refusent d’inséminer une femme en couple avec une autre femme !
Le Conseil d’État, que cite souvent Mme la rapporteure, a été on ne peut plus clair sur ce point : il paraît juridiquement impossible de créer une clause de conscience spécifique à l’AMP qui ciblerait certains publics, étant rappelé que l’article 7 du code de déontologie médicale, qu’un certain nombre d’entre vous qui sont médecins connaissent bien, prohibe toute discrimination.
S’agissant des autres professionnels de santé et auxiliaires médicaux, leur situation les place dans la position d’exécuter une prescription et d’apporter leur concours à sa mise en œuvre, activité à laquelle ils ne peuvent se soustraire, ce qui justifie qu’ils ne puissent disposer d’une clause de conscience spécifique en tant que telle, au regard de leurs fonctions respectives.
Enfin, dans le cadre de l’AMP, les professionnels qui exercent au sein des services spécialisés le font en toute connaissance de cause, autour d’une activité orientée vers l’aide à la procréation. Par conséquent, une telle clause ne viserait pas à offrir la possibilité de refuser de pratiquer cette activité, mais serait incontestablement tournée vers des personnes ou des publics en particulier.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est très défavorable à ces deux amendements.
L’amendement n° 14 rectifié ter de M. de Legge vise à ne pas étendre l’accès à l’AMP aux femmes non mariées, au motif qu’elles constituent une catégorie socialement fragilisée et que cela placerait également les enfants en situation de vulnérabilité. Tels sont les arguments qui ont été exposés…
Il est vrai que les familles monoparentales ont globalement des revenus médians inférieurs à ceux des familles en couple, et qu’il faut dans ce cas les accompagner. Pour autant, ne faisons pas d’amalgame entre les familles devenues monoparentales, où les difficultés rencontrées sont moins liées à la monoparentalité qu’à des facteurs socio-économiques – manque de soutien social, parfois conflits entre parents – et les familles monoparentales par choix, quand la femme a pris la décision active d’avoir un enfant et a mûrement réfléchi son projet parental. Je rappelle, d’ailleurs, que celui-ci est évalué par les professionnels de santé qui accompagnent la femme dans ce cheminement qui n’est pas simple, et qui ne répond à aucun caprice.
L’accompagnement auquel vous faites référence, qui permet de mûrir le projet que j’évoque et d’accueillir l’enfant dans les meilleures conditions, est essentiel : il est organisé également pour les couples hétérosexuels aujourd’hui.
En revanche, il n’est pas envisageable de prévoir un accompagnement spécifique pour les demandes de femmes seules. Comme je l’ai évoqué, une telle décision ferait affront aux millions de familles monoparentales qui, je vous le rappelle, représentent entre 20 % et 25 % des familles dans notre pays. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter.
Les amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies visent à interdire explicitement la méthode de la réception d’ovocytes de la partenaire (ROPA). Mme la rapporteure a raison, cela figure déjà dans les textes, puisque le don fléché est d’ores et déjà interdit par la loi. Le Gouvernement est certes défavorable à la technique de la ROPA. Pour autant, elle est déjà interdite dans les textes. Ces amendements me paraissant satisfaits, j’y suis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 86 de Mme Cohen vise à supprimer la mention relative à l’évaluation psychologique et sociale pour l’accès à l’AMP.
Tout d’abord, l’évaluation psychologique est une composante d’une approche médicale globale. Par ailleurs, l’accompagnement psychologique des demandeurs, ce qui est une autre chose, est possible si ces derniers en éprouvent le besoin. Ce sont donc deux situations à distinguer. Il me semble que, au moment même où nous élargissons l’accès à la PMA à toutes les femmes, il serait particulièrement stigmatisant d’inscrire dans la loi, même s’il n’y a aucune intention voilée, madame la rapporteure, la notion d’évaluation psychologique pour ces seules situations.
Concernant l’évaluation sociale, l’équipe clinicobiologique peut – c’est son rôle – faire appel, si elle l’estime nécessaire, à un assistant social. Cela figure très clairement dans le projet de loi.
C’est la raison pour laquelle je partage votre souhait, madame la sénatrice Cohen, de voir cette disposition supprimée et que je suis favorable à votre amendement n° 86.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je voterai l’amendement de Mme Doineau et les suivants sur la question de l’infertilité, car prioriser à partir de ce critère reviendrait – on le voit bien – à poser un verrou de plus à l’accès à l’AMP des couples de femmes ou des femmes seules.
Ne pas autoriser le remboursement, prévoir des critères relatifs à l’infertilité – plus tard nous aurons le débat sur les gamètes – revient in fine à instaurer tant de contraintes qu’il faudra au bas mot entre cinq et dix ans à un couple de femmes ou à une femme seule pour accéder à l’AMP. Telle est la réalité. Si vous voulez que le droit soit ouvert, mais qu’il ne s’applique pas, c’est effectivement cette position qu’il convient de retenir, mais comprenez tout de même que ce ne soit pas la nôtre !
Nous souhaitons, pour notre part, engager un échange au fond sur les conditions d’ouverture de l’AMP en tenant compte des valeurs qui sous-tendent l’accès à cette technique, mais certainement pas pour aboutir à un résultat conduisant à ne pas ouvrir ce droit !
En ce qui concerne les personnes transgenres, est-ce le sexe ou la capacité de gestation qui doit ouvrir l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation ? M. le secrétaire d’État, prenant l’exemple d’une femme qui serait devenue homme et qui aurait conservé son utérus et ses capacités de gestation, répond que c’est le sexe qui ouvre l’accès. Or de telles situations existent : Muriel Jourda se souvient d’échanges que nous avons eus, y compris avec Nicole Belloubet, au sujet d’une naissance intervenue dans ces conditions. La question se posait également de savoir si, à l’état civil – mais M. le garde des sceaux n’est pas là pour aborder avec nous cet aspect du sujet –, l’enfant avait deux pères ou s’il avait un père et une mère.
Certes, de tels cas sont rares, mais ils nous interpellent sur ce qui fonde notre approche de la question. Il me semble qu’une personne, quel que soit son sexe à l’état civil, qui est en mesure de mener une gestation doit pouvoir être aidée dans son projet parental, car il existe aussi des familles avec un des parents transgenre. Je ne vois pas de motif de nous opposer à ce droit-là.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Une chose est de décider, comme l’a fait notre assemblée, d’ouvrir l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes ou aux femmes seules, une autre serait de modifier le régime d’accès à l’assistance médicale à la procréation pour les couples formés d’une femme et d’un homme.
Je rappelle à M. Jomier, mais il le sait, bien entendu, que depuis 1993 la condition d’infertilité a été posée : il ne s’agit donc pas de l’introduire aujourd’hui. La fertilité, d’ailleurs, se constate alors même que l’on n’a pas pu en diagnostiquer la cause, comme cela a été rappelé par l’une de nos collègues lors de la présentation de son amendement. Il s’agit ainsi d’une infertilité de fait, constatée néanmoins. Or il n’y a pas de raison, parce qu’on ouvre l’assistance médicale à la procréation à d’autres cas, de remettre en cause un régime qui donne pleinement satisfaction.
Quel pourrait être le motif pour un couple formé d’un homme et d’une femme, s’il n’était pas infertile, de demander l’assistance médicale à la procréation ? On comprend qu’une femme seule ou qu’un couple de femmes ait besoin de l’assistance médicale à la procréation si elles veulent un enfant, mais un couple formé d’une femme et d’un homme n’a pas besoin d’accéder à l’assistance médicale à la procréation pour d’autres raisons que l’infertilité. Pourquoi vouloir remettre en question ces règles qui donnent parfaite satisfaction ?
Je veux défendre, sur ce point, la position de la commission spéciale, qui me paraît sage. Il faut savoir, quand nous légiférons, circonscrire exactement à l’objet de notre législation la rédaction des textes que nous adoptons.
Demain, si vous ouvrez à des couples fertiles formés d’un homme et d’une femme l’assistance médicale à la procréation, ils voudront un enfant, mais avec une naissance programmée en mai afin de pouvoir enchaîner le congé de maternité avec les vacances scolaires, ce qui est beaucoup plus pratique pour les enseignantes ! (Protestations sur les travées des groupes SER et RDPI.)
Je n’invente rien, mes chers collègues ! Interrogez les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos), comme je l’ai fait moi-même à plusieurs reprises : c’est un cas qui se rencontre, il n’y a aucune raison de faire des inséminations pour convenance personnelle et pour pouvoir choisir la date de la naissance de l’enfant. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.) Voilà pourquoi seule l’infertilité doit permettre l’accès à l’assistance médicale à la procréation à un couple formé d’un homme et d’une femme.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. En écoutant les propos de M. Bas, je me suis dit que nous n’avions pas tous bien en tête ce qu’est pour une femme et pour un couple un parcours de PMA. Ce serait merveilleux si un couple ou une femme venait dans un Cecos en disant : je veux une insémination artificielle à telle date parce que je souhaite pouvoir accoucher à telle date !
M. Philippe Bas. Ça existe !
Mme Laurence Rossignol. Car un parcours de PMA est un parcours extrêmement difficile…
M. Philippe Bas. Quand on est infertile !
Mme Laurence Rossignol. Ce sont de constantes piqûres d’hormones, des rendez-vous réguliers chez les médecins, des tentatives successives – une, deux, puis trois ! – d’insémination. Tout cela est extrêmement lourd d’un point de vue physiologique pour la femme.
J’ai l’impression, depuis le début de nos débats, que nous discutons de la PMA comme s’il s’agissait d’une anecdote sanitaire, comme si dans la vie d’un être humain on allait faire une PMA comme irait faire une piqûre d’acide hyaluronique ! (Sourires.)
Je vous entends souvent dire ici qu’aucune femme ne fait une IVG – il s’agit toujours du sujet de la santé sexuelle et reproductive – de gaieté de cœur. Eh bien, croyez-moi, aucune femme non plus ne fait une PMA de gaieté de cœur ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 16 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 65 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 94 |
Contre | 212 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 150 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 14 rectifié ter.
(L’amendement est adopté.) – (Non ! sur les travées des groupes SER et RDPI.)
M. Bernard Jomier. On supprime l’AMP pour les femmes seules !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 rectifié bis et 23 rectifié quinquies.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 66 :
Nombre de votants | 300 |
Nombre de suffrages exprimés | 298 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 128 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 86.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 152, présenté par Mmes Jasmin et de La Gontrie, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le couple peut préciser son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité du décès de l’un d’entre eux, pour que la personne survivante, et en capacité de porter un enfant, puisse poursuivre le projet parental avec les gamètes ou les embryons issus du défunt.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement vise à permettre au membre survivant du couple, s’il s’agit d’une personne ayant la capacité de porter un enfant, de poursuivre le projet parental, comme l’ont successivement recommandé l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État et le rapport d’information de la mission parlementaire.
Peut-on ouvrir la PMA aux femmes seules et refuser à une femme veuve de poursuivre son projet parental ? Ne serait-il pas traumatisant de demander à une femme endeuillée de donner ou de détruire les embryons conçus avec son compagnon, tout en lui proposant de poursuivre son parcours avec un tiers donneur ?
M. le président. L’amendement n° 153, présenté par Mmes Jasmin et de La Gontrie, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’éventualité du décès d’un des membres du couple, la personne survivante et en capacité de porter un enfant, peut avoir accès à l’assistance médicale à la procréation avec l’embryon issu du défunt. Il ne peut être procédé à l’implantation post mortem qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours au décès de l’auteur du projet parental et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent le décès dudit auteur.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Victoire Jasmin.
Mme Victoire Jasmin. Cet amendement, qui a le même objet que le précédent, concerne la question des délais.
Plusieurs délais sont en effet possibles. La loi espagnole limite le transfert des embryons à une période de six mois suivant le décès. La législation belge n’autorise le transfert qu’au terme d’un délai de six mois prenant cours le jour du décès et expirant, au plus tard, deux ans après le décès. C’est possible en Europe ; pourquoi pas chez nous ?
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié bis, présenté par Mme Benbassa, M. Benarroche, Mme Taillé-Polian et M. Salmon, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès d’un des membres du couple, l’assistance médicale à la procréation peut se poursuivre dans un délai compris entre six mois et soixante mois, dès lors que le membre décédé y a consenti explicitement de son vivant. Le consentement de la personne à poursuivre cette démarche est assuré lors des entretiens prévus à l’article L. 2141-10 du code de la santé publique.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 1er est une avancée incontestable pour les personnes LGBTQIA+ de notre pays. En ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes, il répond à l’une de leurs revendications de longue date, et je m’en réjouis. Je regrette cependant l’adoption de l’amendement visant à limiter l’accès à l’AMP aux femmes en couple et à en exclure les femmes seules.
Il s’agit d’une cause que j’ai défendue dans cet hémicycle lors de la discussion de trois propositions de loi, en 2012, 2014 et 2016. Si le recours à l’AMP avait été ouvert aux femmes seules, j’aurais également salué le progrès accompli au travers de cet article, mais tel n’est plus le cas.
Toutefois, la question de la poursuite du projet parental par l’un des membres du couple en cas de décès de l’autre, actuellement interdite en France, n’est pas posée par ce texte. Or la mort de l’un des parents ne signifie en rien la fin du projet parental.
Plusieurs amendements déposés par mes collègues visent à autoriser l’ouverture de l’AMP dite post mortem. Celui que je présente prévoit un délai maximal plus long, allant jusqu’à soixante mois.
En effet, le deuil obéit à un rythme que personne ne peut prédire. Par ailleurs, le fait d’enfermer le recours à l’AMP post mortem dans un délai trop court pourrait exposer le parent survivant aux pressions familiales. Pour ces deux raisons, un délai plus long permet de mieux garantir que la personne souhaitant poursuivre ce projet parental ne soit pas contrainte d’en prendre la décision dans un état de vulnérabilité.
En outre, ce long délai maximal permettrait, dans la mesure du possible, le recours à plusieurs AMP pour constituer une fratrie.
Cet amendement vise donc à ouvrir l’accès à l’AMP post mortem et à garantir la sérénité du recours à ce dispositif.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Médevielle, A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, Klinger, Houpert et Détraigne, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert. Le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à autoriser, après le décès de l’un des membres du couple et en cas d’accord préalable des membres de ce couple, le transfert des embryons – et non des gamètes – obtenus lors de la procédure d’assistance médicale à la procréation.
Il s’agit de rétablir une cohérence. En effet, la femme survivante, désormais seule, pourra accéder à l’AMP avec un autre tiers donneur, alors que les embryons conçus avec son conjoint ne pourront pas lui être donnés. En revanche, ces embryons pourraient être remis à un autre couple ou servir à la recherche.
Il semble préférable d’autoriser la poursuite des projets parentaux plutôt que d’éviter la reprise d’une AMP, processus dont la durée est très longue. Nous proposons que les démarches liées à l’AMP puissent être poursuivies au maximum dix-huit mois après le décès du conjoint.
M. le président. L’amendement n° 118 rectifié, présenté par Mme Guillotin, M. Fialaire, Mme M. Carrère et MM. Artano, Bilhac, Cabanel, Corbisez, Gold, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, dès lors qu’il a consenti par écrit à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation en cas de décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation. Son consentement peut être recueilli ou révoqué à tout moment. Le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser un autre transfert.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement, qui rejoint celui présenté par Daniel Chasseing, vise à résoudre un paradoxe. Aujourd’hui, alors que le projet de loi donne à toutes les femmes seules la possibilité d’accéder à l’AMP,…
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ça a été rejeté !
Mme Véronique Guillotin. … on voudrait interdire à une femme dont l’époux est décédé au cours d’un projet parental de poursuivre ce projet.
Cette femme pourrait bénéficier d’un don de gamètes d’un homme anonyme, mais on lui interdirait le recours à l’implantation d’embryons conçus avec les gamètes de son époux décédé !
Dans un avis sur le projet de loi, le Conseil d’État, soucieux de garantir la cohérence d’ensemble de la réforme, recommande au Gouvernement d’autoriser ce transfert d’embryons ainsi que l’insémination dite « post mortem » – ce n’est pas une expression très jolie –, dès lors que sont remplies deux conditions que je vous soumets : tout d’abord, le consentement anticipé du conjoint ; ensuite, l’encadrement de cette possibilité dans le temps, le transfert des embryons ne pouvant être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum dix-huit mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine.
M. le président. L’amendement n° 127 rectifié bis, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dossus, Fernique, Gontard et Labbé et Mmes de Marco, Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors qu’il ou elle a donné par écrit son consentement à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation dans l’éventualité de son décès. Cette faculté lui est présentée lorsqu’il ou elle s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation ; son consentement peut être recueilli ou retiré à tout moment. L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum vingt-quatre mois après le décès, après autorisation de l’Agence de la biomédecine. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert met fin à la possibilité de réaliser une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre survivant.
III. – Alinéa 42
Supprimer les mots :
ainsi que des dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du couple
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Le dispositif que nous proposons s’appuie sur la législation belge. Nous proposons d’ouvrir l’AMP post mortem en prévoyant un délai d’au minimum six mois et d’au maximum deux ans après le décès pour le transfert des embryons.
Un délai de deux ans accordé à la femme veuve pour décider si elle souhaite aller au terme du processus de PMA entamé avec son compagnon décédé – le consentement du père est, bien sûr, indispensable –, ou si elle préfère détruire les embryons ou donner ceux-ci à un couple ayant besoin d’un double don, lui permettrait de faire son deuil.
Il convient également de veiller à ce que la femme ne soit pas soumise à la pression de la belle-famille, qui pourrait lui demander de poursuivre la PMA au nom de la continuité de la personne décédée. C’est pourquoi l’accompagnement psychologique est important.
Enfin, le délai de deux ans laisse le temps à la veuve engagée dans cette démarche de procéder éventuellement à une deuxième tentative. Rappelons que seule une fécondation in vitro (FIV) sur cinq aboutit. C’est aussi parfois la dernière chance pour une femme d’avoir un enfant.
M. le président. L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par Mme Doineau, M. Capo-Canellas, Mme Dindar, M. Delcros, Mme Saint-Pé et M. Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
, sous réserve des dispositions du III
II. – Après l’alinéa 13
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« …. – Par exception au 1° du II, l’insémination ou le transfert des embryons peut être réalisé à la suite du décès de l’homme, lorsque le couple est formé d’un homme et d’une femme, ou de la femme, lorsque le couple est formé de deux femmes, dès lors que la personne décédée a consenti par écrit à la poursuite de l’assistance médicale à la procréation en cas de décès.
« Cette faculté est présentée aux membres du couple lorsqu’il s’engage dans le processus d’assistance médicale à la procréation. Le consentement de chaque membre du couple peut être recueilli ou révoqué à tout moment.
« L’insémination ou le transfert des embryons ne peut être réalisé qu’au minimum six mois et au maximum trois ans après le décès. La naissance d’un ou de plusieurs enfants à la suite d’une insémination ou d’un même transfert empêche la réalisation d’une autre insémination ou un autre transfert. L’insémination ou le transfert peut être refusé à tout moment par le membre du couple survivant. » ;
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Cet amendement a été en partie défendu par mes collègues.
Il ressort des quelques échanges que nous avons eus avec des professeurs de médecine et des directeurs de Cecos que, chaque année, ces demandes sont rares et qu’il s’agit de cas très particuliers. Notre collègue Jocelyne Guidez avait, par ailleurs, insisté sur l’importance de cette possibilité pour les femmes de militaires se retrouvant veuves alors qu’elles avaient un projet d’AMP avec leur conjoint.
Pour ma part, je trouve très cruel de dire, du jour au lendemain, à une femme qui était engagée avec son mari dans un processus d’AMP qu’elle ne pourra plus disposer des embryons conçus avec son époux et qu’elle doit les donner à un autre couple, faute de quoi ils seront détruits. Si demain l’AMP était autorisée pour les femmes seules, cela constituerait un paradoxe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons eu ce débat longuement en première lecture, car le sujet est très délicat.
Mme Doineau vient d’évoquer la cruauté qu’il y a à refuser à une mère voulant un enfant et ayant prévu d’en avoir un avec un homme l’accès aux embryons qui sont les siens, alors même qu’elle peut avoir accès à des embryons qui ne sont pas les siens. C’est en effet extrêmement cruel pour cette mère.
Mais n’est-il pas cruel, aussi, de faire naître un enfant d’un père qui est mort bien avant sa naissance, plus de neuf mois auparavant ?
C’est entre ces deux éléments qu’il faut arbitrer. Je ne dis pas que cet arbitrage est simple !
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 118 rectifié présenté Mme Guillotin, estimant qu’il était celui qui garantissait le mieux le respect des procédures, et un avis défavorable sur les autres amendements faisant l’objet de cette discussion commune. Pour ma part, j’avais donné un avis défavorable également sur cet amendement, mais il n’a pas été suivi par la commission.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous devons faire montre d’une grande humilité et d’une grande humanité sur ce sujet parce qu’il renvoie à des situations dramatiques.
Je suis conscient que les choix aujourd’hui laissés à la femme après le décès de son conjoint peuvent paraître cruels, comme vous l’avez dit, madame Doineau. Une femme peut en effet proposer que les embryons en cours de conservation au moment du décès de son conjoint soient accueillis par un autre couple, mais elle ne peut pas en demander le transfert in utero.
Toute souffrance mérite évidemment d’être entendue, accompagnée et soulagée dans la mesure du possible. Cependant, le fait d’autoriser la procréation après le décès de l’autre membre du couple me semble être source de difficultés éthiques majeures.
La position que je défends depuis la préparation de ce projet de loi consiste à se mettre à hauteur d’enfant.
Pour ma part, je ne sais pas ce qu’implique pour le développement d’un enfant le fait de naître dans le deuil. Je le dis en ayant conscience de mes propres limites et en prenant en compte les études qui ont pu être menées sur ce sujet, lesquelles ne nous donnent pas d’informations à cet égard.
En me mettant à hauteur d’enfant, je mets son intérêt en balance avec la souffrance que peut ressentir une femme se trouvant dans cette situation. Je pense intimement que le récit identitaire d’un enfant né dans le deuil sera marqué de façon indélébile par ce contexte, et qu’il faut en tenir compte.
Pour cette raison, je suis défavorable à titre personnel, au même titre que le Gouvernement, à l’AMP post mortem.
Par ailleurs – et je veux répondre ici à certains arguments qui ont été développés en faveur de cette AMP –, le deuil provoque des situations de grandes vulnérabilité et fragilité pouvant être de nature à porter atteinte au libre arbitre de la femme, et ce non parce qu’elle est femme, mais parce que le deuil entraîne la vulnérabilité. Dans ces conditions, le projet parental, qui selon un certain nombre d’entre vous devrait se poursuivre, n’est alors plus le même.
De facto, du fait du deuil, le projet parental n’est plus celui qui a été élaboré et consenti par les deux parents.
Pour ces raisons, et tout ayant conscience de la perception de sentiments d’injustice et de cruauté, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements au regard, d’une part, de l’intérêt de l’enfant et, d’autre part, des situations de vulnérabilité et de fragilité de nature à porter atteinte au libre arbitre de la femme.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je comprends la difficulté posée par ce type d’amendements relatifs à la PMA post mortem. Pour y avoir longtemps réfléchi, je pense qu’ils ne sont pas acceptables en l’état, et ce en dépit des différentes versions auxquelles j’ai accordé toute mon attention.
Je souhaite revenir sur l’observation formulée précédemment par M. le secrétaire d’État à propos du projet parental.
Assurément, le projet parental qui a été imaginé et pensé par le couple au moment de la conservation des gamètes, dans la perspective de la PMA, est détruit par le décès. Par définition, il n’existe plus, puisque l’un des deux membres du couple n’est plus là pour assumer les responsabilités liées à ce projet.
Je veux, à mon tour, me mettre – un peu – dans la situation de l’enfant. Clairement, cette PMA post mortem organise juridiquement, qu’on le veuille ou non, la naissance d’un enfant orphelin de père, d’un enfant – excusez-moi de le dire ainsi – né d’un mort. À ce titre, elle est attentatoire, par définition, aux droits de l’enfant.
On passerait une ligne rouge en acceptant l’engendrement par un mort. J’ajoute, pour y avoir réfléchi, qu’il existe un risque de pressions familiales à l’égard du conjoint survivant, notamment pour assurer la descendance de l’être perdu.
Enfin, cette PMA post mortem ne manquerait-elle pas de déboucher sur d’inextricables difficultés ? En tant que juriste, je m’interroge sur le délai – certains amendements l’ont évoqué – durant lequel cette procréation serait permise. Surtout, faudrait-il, pour aller au terme de ce délai, suspendre et différer l’ouverture d’une succession, dans le cas où il y aurait d’autres prétendants à ladite succession ? J’y insiste, ces difficultés sont d’inextricables.
Pour les raisons que je viens d’indiquer, je pense qu’il faut s’opposer à ces amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. On l’a dit précédemment, c’était une chose de voter la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules. C’en est une autre, me semble-t-il que d’accepter la PMA post mortem.
Nous avons réfléchi à cette question assez lourde, qui concerne la procréation et une certaine conception de l’humanité, après avoir écouté un certain nombre de professeurs de médecine.
Évidemment, lorsque l’on est face à la personne, devant la peine et le deuil d’une veuve de militaire, par exemple, je comprends parfaitement que l’on soit tenté de lui accorder cette possibilité ; c’est d’ailleurs ce que nous avait dit le professeur Israël Nisand.
Mais un point est très important : la notion du désir d’enfant.
Une femme seule qui désire un enfant a la possibilité de recourir à la PMA, comme cela a été voté. Un couple de femmes qui désire un enfant le peut également. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas de cela.
Nous parlons ici du désir d’enfant partagé par une femme et une personne qui n’est plus de ce monde. Cette simple question vient bousculer très profondément le principe de la procréation, même si l’on comprend les motivations individuelles de la personne.
J’ajoute que, même en considérant ces motivations individuelles, le deuil et la nature humaine étant ce qu’ils sont, on peut penser que trois ou quatre ans plus tard les choses seront différentes.
Au-delà de ces questions d’ordre individuel, nous sommes ici, en ce qui nous concerne, pour voter selon des principes et une certaine philosophie. Il me semble que, en adoptant la PMA post mortem, nous toucherions à quelque chose de sacré dans le domaine de la procréation.
Je voterai donc contre ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. M. le secrétaire d’État a exprimé presque tout ce que je voulais dire sur ce sujet, il est vrai, difficile. Lorsque l’on prend connaissance des cas individuels et que l’on est face à ces femmes touchées par la perte de l’homme avec qui elles vivaient et avec lequel elles avaient un projet parental, on a bien évidemment envie de leur dire « oui ». Je pense néanmoins qu’il ne faut pas le faire.
Il me semble que la femme, après ce deuil, a besoin de se poser et de continuer sa vie, dans des circonstances certes douloureuses et très différentes de ce qu’elles auraient dû être. Il faut lui laisser cette liberté.
Même si le mari avait donné son autorisation dans le cadre du projet parental, on sait très bien que de tels accords conclus lorsque l’on est en pleine santé et que tout va bien, ont une valeur tout à fait relative. On le voit s’agissant de l’euthanasie, entre autres : face à la situation, les choses sont différentes.
On a évoqué la pression que peut subir la femme de la part de sa belle-famille. Pour pallier ce risque, on accorde un délai encore plus long… Mais plus on avance dans le temps, plus l’enfant à naître sera véritablement issu d’une personne décédée depuis longtemps.
Lorsque je siégeais au conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, la question s’était posée ; la PMA post mortem étant interdite par la loi, nous avions en effet des cas à traiter. Le professeur spécialiste de ces sujets nous avait dit – c’est un témoignage ; d’autres peuvent aller dans un sens différent – que, aux femmes lui ayant demandé de bénéficier de cette possibilité, il avait répondu que la loi ne le permettait pas. Or plusieurs de ces femmes sont revenues le voir plusieurs mois plus tard en lui disant qu’il avait bien fait de refuser.
Étant contre la PMA post mortem, je ne voterai pas ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je partage de nombreux arguments de fond exposés par les uns et les autres. Cette situation, qui est extrêmement difficile, est heureusement rare : il y a très peu de cas chaque année. Rappelez-vous les propos d’Israël Nisand : il évoquait l’obscénité de la situation dans laquelle il faut dire « non » à une femme. Mais dire « oui » pose les questions qui ont été soulevées.
La question de fond que je me pose est la suivante : la mort interrompt-elle un projet parental ? Nous y avions répondu en commission en première lecture en adoptant l’amendement de notre collègue Catherine Procaccia : si le projet parental est déjà évolué – pour elle, cela se traduisait par le fait que des embryons étaient déjà constitués à ce moment-là –, on peut alors considérer qu’il faut laisser ce projet se poursuivre.
D’ailleurs, dans la vie, la mort n’interrompt pas les projets parentaux. Une femme peut décéder alors qu’elle en était au dernier trimestre de grossesse et son enfant sera sauvé ; un homme peut décéder à la naissance de l’enfant ou très peu de temps après…
En tant que législateur, je ne m’estime pas en mesure de donner une réponse unique à cette question, de dire systématiquement « non » à une femme qui se trouve dans la situation de disposer d’embryons constitués, avec un projet parental avancé, peut-être même avec déjà une tentative d’AMP – Laurence Rossignol rappelait que c’est un long parcours. Si son époux décède alors qu’une tentative avait déjà eu lieu, il faudrait lui interdire d’en faire une deuxième, une troisième : bon courage pour dire « non »…
Je ne dis pas cela dans un esprit de démission de responsabilité du législateur, mais il est des cas rares, complexes, pour lesquels, et sous certaines conditions – l’ensemble des amendements fixent des conditions d’accord préalable, et je ne suis pas d’accord avec tous, car un délai de cinq ans me paraît par exemple trop long –, remettre la décision entre les mains d’une équipe, après autorisation de l’Agence de la biomédecine, me paraît être une solution assez souple pour répondre à cette très douloureuse question.
M. le président. Mes chers collègues, il est vingt heures. Je suis saisi, à cet instant, de huit demandes d’explication de vote et d’une demande de scrutin public. Je vous propose de poursuivre nos travaux pour terminer l’examen de ces sept amendements en discussion commune avant la suspension du dîner.
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Entre l’avis favorable de la commission spéciale et l’avis défavorable du Gouvernement, je choisis le second. Nous avions aussi cette discussion, dans des termes quelque peu différents, mais qui se rejoignent, avec Agnès Buzyn, il y a un an.
En réalité, on le voit bien, l’approche bioéthique fait appel à énormément de questionnements. En cas de doutes, peut-être vaut-il mieux s’abstenir et, très certainement, avoir comme boussole l’intérêt de l’enfant. La question a été tranchée à l’article 1er sur la PMA sans père, mais l’intérêt de l’enfant est quand même d’avoir deux parents : c’est une situation qui est préférable, toutes choses égales par ailleurs.
Par ailleurs, il existe un autre risque : que l’enfant soit conçu non pas pour lui-même, mais comme une sorte de remède, d’instrument contre le chagrin, comme une consolation. Cette question est difficile, mais nous devons nous interroger : lors des débats sur la bioéthique, ce point avait été souligné par des pédopsychiatres, qui avaient attiré l’attention sur le fait que l’on ne connaît pas les conséquences de cette situation.
Enfin, le troisième risque – il a été constaté dans d’autres pays, preuve que ce qui se fait ailleurs ne doit pas nécessairement être imité –, c’est que la famille du défunt revendique, y compris à la barre des tribunaux, les embryons afin de les récupérer. La famille du défunt peut faire pression sur la femme pour que celle-ci achève un projet parental.
Nous devons tenir compte de ces risques. Lorsqu’on a des doutes sur un sujet aussi sensible, je pense qu’il vaut mieux s’abstenir, en l’occurrence en rejetant ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. C’est un sujet difficile et, quelles que soient les positions défendues, tout le monde a raison.
M. le secrétaire d’État a évoqué le deuil. Le deuil, c’est déjà l’épouse qui le porte. On a beaucoup parlé du droit à l’enfant : c’est le désir profond de faire famille qui compte et les embryons ont été créés à cette fin.
La famille s’arrête-t-elle à la mort ? De nombreux orphelins ont perdu leur père quand ils étaient jeunes ou quand ils étaient encore in utero, mais la famille existe toujours, elle n’a pas cédé et le lien n’est pas rompu.
Pour ma part, je suivrai la commission qui a émis un avis favorable sur l’amendement n° 118 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fialaire, pour explication de vote.
M. Bernard Fialaire. Je voudrais répondre à M. le secrétaire d’État qui s’interroge sur l’état psychologique d’un enfant orphelin de naissance. Des cas sont presque similaires : j’ai dans ma proche famille une personne née pendant la guerre, dont le père est mort alors que sa mère en était au tout début de sa grossesse. C’est un exemple parmi tant d’autres, mais, on l’a dit, sans vouloir faire de la psychanalyse à la Lacan, ce n’est pas si traumatisant.
Ce qui est embêtant, c’est la « forclusion » du père dans l’esprit de la mère, plus inquiétante que l’absence ou la présence du père. Un enfant peut être élevé par une mère qui en prend la responsabilité et à qui on laisserait cette liberté. Parce que, lorsqu’on est dans le doute, on n’a pas non plus le droit d’interdire les choses : il faut laisser la responsabilité aux personnes, faire confiance à la nature humaine et à la capacité des femmes de prendre une décision juste, d’élever un enfant. La présence psychologique du père dans ces réflexions est importante et elle est d’ailleurs structurante pour l’enfant.
On peut prendre, comme le prévoit l’amendement de Véronique Guillotin, quelques dispositions pour que l’implantation ne se fasse pas dans la précipitation et dans l’émotion d’un décès récent. Si l’on prend du recul, on voit bien que nos concitoyens sont suffisamment matures et réfléchis pour prendre une décision qui soit sage tant pour eux que pour l’avenir d’un enfant qui a été voulu et conçu.
Je n’évoque pas les situations où le père aurait disparu, où il serait pris en otage, sans qu’on sache s’il est encore vivant ou non au moment de l’implantation. On ne s’arrêtera jamais si l’on est toujours dans ces supputations…
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Je ferai trois remarques.
D’abord, il est normal que l’on ait sur ce sujet un débat sérieux et grave : d’ailleurs, il n’y a pas de brouhaha dans l’hémicycle, personne n’invective personne. Nous avons tous en tête la gravité du sujet dont nous sommes en train de discuter.
Ensuite, je voudrais soulever deux points.
Premièrement, on a évoqué le projet parental, qui serait interrompu par la mort du père. Mais parfois le projet parental a intégré une éventuelle mort du père. Vous voyez les situations auxquelles je fais allusion, mes chers collègues : les parents savaient, au moment où ils ont entamé un parcours de PMA, au moment où ils ont congelé les paillettes, que cette hypothèse était plus probable que ne le voudraient les aléas habituels de la vie. Dès lors que l’on exige un consentement et une volonté explicite des deux parents, on peut leur faire le crédit de penser qu’ils ont intégré cette donnée et que le projet parental n’est pas contradictoire avec la mort du père.
Deuxièmement, on a évoqué les pédopsychiatres et leurs avis sur ces enfants. Franchement, si on les interroge, ils vont nous dire que, dans leur cabinet, ils voient des enfants qui ont deux parents et qui vont très mal, des enfants qui ont deux parents et qui vont très bien, des enfants qui ont un parent et qui vont très bien et des enfants qui ont un parent et qui vont très mal. Ce qui fait qu’un enfant va bien ou mal, c’est sa compréhension de ce qu’il vit et l’histoire vraie qu’on lui raconte sur sa conception.
On parle ici de peu de cas par an de PMA post mortem ; si l’on prend un moment pour regarder les choses avec recul, on voit combien ces termes mis côte à côte, la conception et la mort, sont totalement antinomiques.
Décider ici que la PMA post mortem est interdite, c’est ne pas laisser aux équipes médicales, aux femmes, aux deux parents qui ont explicitement donné leur consentement et indiqué leur volonté, la possibilité de faire au mieux.
M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. J’ai exactement les mêmes interrogations, les mêmes doutes, les mêmes questionnements que vous tous, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État. Je fais partie d’une famille très large dans laquelle, pendant des dizaines d’années, le deuil a été parfaitement imbriqué dans la vie de tous les jours.
Le deuil fait partie de la vie, il en a toujours fait partie. Je me suis demandé quelle aurait été la réaction de femmes de ma famille si, à un moment donné, elles avaient souhaité poursuivre un « projet parental », comme on dit, c’est-à-dire devenir mères, et si on leur avait répondu que c’était interdit par la loi. Cette situation aurait été très compliquée et difficile à vivre : elle aurait causé peut-être dans certains cas plus de tourments que le deuil lui-même.
Pour être un peu moins grave, je vous rappellerai des chiffres, même si je sais que, comme le chantait Daniel Balavoine, « la vie ne m’apprend rien ». Nous savons tous combien l’expérience de la Première Guerre mondiale a été particulièrement dramatique pour notre pays, avec, si je me souviens bien, environ 1,3 million de morts, et donc, à la fin de la guerre, près de 700 000 orphelins, particulièrement jeunes. Lorsqu’on évoque l’expérience de l’absence du père ou du deuil pour un enfant très jeune, souvenons-nous que toute une génération d’enfants dans notre pays l’a vécue, est née dans ces conditions.
N’en tirons pas des conclusions qui nous amèneraient à repousser la PMA post mortem.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. J’aimerais dire à notre collègue que mon grand-père est né d’un père mort en 1915. Ses parents se sont connus lors d’un de ces derniers moments de 1914 où cela était encore possible – à cette époque, c’était déjà la guerre de tranchées, et la situation était très dure. Ils savaient très bien que, en essayant d’avoir un enfant, il se pourrait malheureusement que le père ne le connaisse jamais. Ils ont pris ce risque, parce que c’était un geste de vie.
Dans leur village de Haute-Corrèze, d’autres hommes étaient malheureusement dans la même situation et d’autres femmes ont fait le même choix. Toutes ces femmes qui ont élevé seules leur enfant orphelin n’ayant jamais connu de père « faisaient famille », dans le sens très juste rappelé par Alain Houpert.
Ces enfants orphelins, pupilles de la Nation, se sont tous engagés dans la Résistance ensuite, en 1940 et 1941, parce que, encore une fois, ils faisaient famille et se souvenaient que leurs pères qu’ils n’avaient pas connus étaient morts. Il y avait là aussi une volonté, au-delà de la mort, d’engager un combat pour la vie, contre la guerre.
La difficulté que nous rencontrons aujourd’hui par rapport à ce type de questions, c’est que nous ne savons plus faire famille. Nous avons réduit la famille à ce qu’elle est d’un point de vue génétique, à la transmission de chromosomes.
Heureusement que, dans notre histoire, la famille, c’est beaucoup plus que cela ! Il faut laisser aujourd’hui la possibilité à des femmes de continuer à faire famille avec ce même état d’esprit, en envoyant cet incroyable message à la mort : elle ne nous atteindra pas, parce qu’il y a un espoir, une lueur de vie plus forte et qui continuera au-delà de la mort du père.
Mon groupe est divisé sur ces amendements. Personnellement, je voterai l’amendement n° 45 rectifié défendu par mon compatriote, le bon docteur Daniel Chasseing. Corrézien comme moi, il connaît ces pupilles de la Nation qui ont vécu seuls avec leurs mères dans des conditions matérielles très difficiles, et qui ont continué à faire vivre l’espoir semé par leurs pères dans le ventre de leur femme, avant de partir pour le front avec un destin qu’ils savaient sans doute tragique.
M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Cela a été très bien dit, les enfants nés d’un père décédé ont existé – il y en a même eu beaucoup – avant la PMA. On a tendance à l’oublier, mais cela faisait partie des aléas de la vie.
Dans un processus de PMA, il existe déjà un projet qui est parfois interrompu à cause d’un décès. À quelques mois près, à quelques semaines près, cette PMA serait allée jusqu’au bout. Ce petit facteur temps, qui fait que tout bascule, doit vraiment être pris en compte.
On l’a rappelé précédemment, la mort a parfois été anticipée : de nombreux facteurs peuvent conduire à faire une PMA, mais celle-ci peut aussi s’expliquer par un problème de santé important chez l’homme, qui a envisagé son décès. Le projet qui était en cours s’interrompt quelques semaines avant son terme. J’y insiste, il faut prendre cela en compte : il est vrai que cette question très troublante nous interroge tous, mais nous ne devons pas nous refermer sur une vision qui est quelque peu réductrice, comme l’a bien dit Pierre Ouzoulias.
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Mon collègue Pierre Ouzoulias a bien voulu rappeler que la Corrèze a payé un lourd tribut durant la guerre de 1914-1918 : ce fut une véritable boucherie, comme pour beaucoup de territoires ruraux.
Dans mon intervention, j’ai parlé non pas de gamètes, mais d’un embryon conçu par le couple. L’embryon, c’est le début de la vie. La décision est douloureuse, mais la femme va être obligée de choisir : soit le donner à un autre couple ; soit, si nous l’y autorisons, le recevoir ; soit le détruire.
Peut-être estimera-t-elle préférable de rencontrer un autre homme et d’avoir une nouvelle vie, mais il serait judicieux d’au moins lui proposer le choix. Je le rappelle, nous parlons d’un embryon.
M. le président. Mes chers collègues, je reçois de nouvelles demandes d’explication de vote. Je vous informe que je suspendrai la séance au plus tard à vingt heures trente.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Tout ce que nous avons pu entendre jusqu’à présent traduit parfaitement ce que chacun d’entre nous ressent, que l’on soit favorable ou défavorable à ces amendements. Personnellement, je voterai celui de Mme Guillotin, mais je voudrais revenir sur certains points évoqués par les uns et les autres qui me semblent importants.
D’abord, un projet parental avec un parent mort n’est pas obligatoirement lié à une mort par accident, une mort brutale. La mort peut être, comme cela a été dit, anticipée : le père qui a une maladie grave, dont on sait qu’elle se termine par la mort, met malgré tout en place avec la mère le projet parental, qui va jusqu’à son terme. Si le père décède, on demande alors à la mère, après un délai, comme le prévoit Mme Guillotin dans son amendement, si elle veut continuer ou non ce projet et mettre un enfant au monde.
Je voudrais également dire qu’il ne s’agit pas obligatoirement d’un enfant né d’un mort : cet enfant a été conçu par un vivant, qui a eu la malchance de mourir par la suite.
Je veux aussi revenir sur la vulnérabilité, qui est un point important. Je suis d’accord avec vous, monsieur le secrétaire d’État, la vulnérabilité peut entraîner des décisions qui pourraient être regrettées par la suite. D’où l’amendement de Mme Guillotin qui fixe des délais de réflexion obligatoires à respecter – six mois, etc. – pour que la décision soit prise avec toute la sérénité nécessaire.
Enfin, je reviendrai sur un sujet que nous avons peu évoqué jusqu’à présent : le devenir des embryons. Si on refuse à la femme le droit d’avoir son enfant, que fait-on des embryons ? Comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État, cet embryon qui n’a pas le droit d’avoir sa vraie mère aurait le droit d’avoir un père et une mère différents. Que devient alors la mère qui a donné son ovule et qui sait que son embryon va être donné à une autre femme ? Que va-t-il se passer dans sa tête ?
Si nous n’acceptons pas le principe selon lequel les embryons doivent être transférés à une autre femme, il faut détruire ceux-ci. On dit alors à la femme qu’elle n’a pas le droit de disposer de ses embryons, qu’elle n’a pas le droit de donner la vie à un enfant conçu avec son mari décédé et que, par conséquent, ses embryons vont être détruits. J’avoue que je n’aimerais pas être à sa place dans les deux cas.
C’est la raison pour laquelle je voterai l’amendement de Mme Guillotin.
M. le président. La parole est à M. Olivier Rietmann, pour explication de vote.
M. Olivier Rietmann. Je ne pourrai pas voter les amendements en l’état, car je considère que nous ne sommes pas allés assez loin dans le débat.
Nous nous sommes « limités » aux couples qui seraient touchés par un problème d’infertilité et auraient recours à la procréation assistée. Mais sortons du contexte et examinons le cas d’un couple qui se serait uni sans connaître de problèmes d’infertilité : ses membres développent au fur et à mesure des années un désir de fonder une famille. La vie les conduit à repousser cette volonté pour réaliser leurs carrières professionnelles ; arrivés à un certain âge, ils s’apprêtent à créer leur famille. Leur désir est aussi fort que celui d’un couple rencontrant un problème d’infertilité et s’engageant dans une procréation assistée. Mais voilà que l’homme décède, et le projet de créer une famille s’arrête là. Aucune possibilité pour la femme d’imaginer avoir un enfant avec son conjoint décédé ! On crée là en quelque sorte un véritable sentiment d’injustice et d’iniquité si l’on compare la situation des couples frappés par une infertilité avec celle des couples qui ne rencontrent pas ce problème.
Je le redis, en l’état actuel des choses, nous ne pouvons pas voter ce genre d’amendements. Cela ne doit pas nous empêcher de nous reposer la question en l’élargissant à tous les couples.
M. le président. Mes chers collègues, il reste encore trois orateurs inscrits. Il ne me sera pas possible d’en accepter d’autres.
La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je suis très sensible, notamment, aux propos de nos collègues qui invoquent avec émotion la mémoire de leurs aïeux. Mais il me semble que les situations qu’ils décrivent n’ont rien à voir avec celle qu’il s’agit de régir dans notre débat.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Exactement !
M. Philippe Bas. Car, dans tous les cas évoqués, c’est bien un homme vivant qui voulait être père et espérait pouvoir élever l’enfant. Là, il s’agit d’un homme mort. Je crois que la différence est énorme, il ne faut tout de même pas confondre tous les types de situations.
Il est évidemment malheureux d’être orphelin, même si cela n’empêche pas de s’épanouir dans la vie. Je suis sûr que plusieurs de nos collègues le sont et qu’ils ont réussi leur vie. Mais quand on est orphelin, on a une faille au fond de soi-même.
Créer des orphelins, par la volonté d’une femme, mais aussi par celle du législateur, car au fond nous sommes là en situation de responsabilité, je me refuse à le faire !
Je vous le dis avec simplicité, mon argument n’est peut-être pas très élaboré, mais il s’agit bien de créer un orphelin né d’un mort…
M. Emmanuel Capus. Les embryons existent déjà !
M. Philippe Bas. Il me semble que nous ne devons pas transgresser cette frontière, quelles que soient nos convictions profondes sur le sens de la vie. C’est simplement une forme d’humanisme qui doit nous inspirer ici en pensant d’abord à l’enfant plutôt qu’au mort et à la femme qui souffre. Il doit y avoir moyen de montrer notre attention et notre sollicitude à celle-ci autrement qu’en lui faisant prendre un tel risque, qu’elle devra assumer toute sa vie ensuite.
Je ne voterai aucun de ces amendements ; je m’y refuse car je les crois tous risqués. J’invoque tout simplement la prudence. Pardon de cette humilité, mais aucun d’entre nous n’a la vérité révélée. Faisons preuve de prudence, n’oublions pas le risque pour l’enfant et le fait que c’est ce dernier qui est pour nous la cause la plus noble à défendre. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Ce sujet est très délicat. Je comprends, monsieur le secrétaire d’État, que vous ne soyez pas prêt. Vous l’avez dit, ces cas sont extrêmement rares, mais quand ils se produisent, il faut tout de même que la loi donne un cadre juridique.
Aujourd’hui, un projet parental est fait à deux ; il n’est pas décidé d’une minute à l’autre, puisque l’on parle d’un parcours long, complexe, rempli d’angoisse, jalonné d’examens et d’espoir, comme le sont d’autres projets tout au long d’une vie.
Aujourd’hui, à titre personnel, je voterai certains des amendements. Mon groupe a la liberté de vote.
Je sais que l’implantation d’un embryon n’aboutit pas forcément à la naissance d’un enfant, car ce processus est extrêmement difficile. On parle ici de cas très rares – trois peut-être dans l’année, voire un seul – pour lesquels on n’a pas de solution. Nous avons aujourd’hui la chance de définir un cadre, et de donner le choix à une femme de poursuivre un projet fait à deux. Voilà mon avis, je sais que la question n’est pas facile, mais j’espère que nous voterons en faveur de cette possibilité.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. Compte tenu des explications qui viennent d’être apportées, nous avons décidé de retirer les amendements nos 152 et 153 au profit des amendements nos 45 rectifié et 118 rectifié.
M. le président. Les amendements nos 152 et 153 sont retirés.
La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. La commission demande la priorité de vote sur l’amendement n° 118 rectifié.
M. le président. Je suis donc saisi par la commission spéciale d’une demande de priorité sur l’amendement n° 118 rectifié, afin qu’il soit mis aux voix avant l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune.
Selon l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
Je mets aux voix l’amendement n° 118 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 67 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 324 |
Pour l’adoption | 132 |
Contre | 192 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 99 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 45 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Manifestations d’étonnement et protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 127 rectifié bis et 37 rectifié ter n’ont plus d’objet.
M. Jérôme Bascher. C’est un scandale ! Il faut faire un vote par « assis debout » ! (Brouhaha. – Des membres du groupe Les Républicains frappent sur leur pupitre.)
5
Mise au point au sujet d’un vote
M. le président. La parole est à M. Hussein Bourgi.
M. Hussein Bourgi. Monsieur le président, lors du scrutin public n° 61 sur les amendements de suppression de l’article 1er du présent projet de loi, j’ai été considéré comme abstentionniste, alors que je souhaitais voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin. (Brouhaha persistant sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux (Non ! sur des travées du groupe Les Républicains.) ;…
M. Henri Leroy. Le vote est faux ! C’est honteux pour un président de séance !
M. le président. … nous les reprendrons à vingt-deux heures cinq. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq, sous la présidence de Mme Valérie Létard.)
PRÉSIDENCE DE Mme Valérie Létard
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Bioéthique
Suite de la discussion en deuxième lecture d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique.
Rappels au règlement
M. Bruno Retailleau. Madame la présidente, je remets en cause les conditions qui ont présidé au vote du dernier amendement mis aux voix avant la suspension, présenté par M. Chasseing. Le président de séance avait indiqué qu’il suspendrait la séance à vingt heures trente ; un certain nombre de nos collègues avaient donc commencé à quitter les travées, pensant que le temps de la suspension était venu.
M. Julien Bargeton et Mme Patricia Schillinger. C’est faux !
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Le président a de surcroît oublié de rappeler, au moment où il a soumis cet amendement au vote du Sénat, les avis, tous deux défavorables, émis respectivement par la commission spéciale et par le Gouvernement ; la délibération n’était donc pas éclairée par le rappel de ces deux avis, qui est fondamental. (Protestations sur les travées des groupes SER et RDPI.)
Par ailleurs, un certain nombre d’entre nous contestent le comptage des voix tel qu’il a été effectué.
M. Julien Bargeton. Non ! C’était clair !
M. Bruno Retailleau. Sur ces questions difficiles, nos conditions de délibération doivent être les plus sereines, les plus éclairées et les plus précises qui soient. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour un rappel au règlement.
M. Jérôme Bascher. Merci de me donner la parole, madame la présidente, sur le fondement de l’article 36 de notre règlement. J’ai demandé en vain la parole, avant la suspension, pour un rappel au règlement fondé sur l’article 54, alinéa 3, de notre règlement, dont je demandais la bonne application.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas vrai !
M. Loïc Hervé. Si, c’est vrai !
M. Jérôme Bascher. Je comprends l’erreur ; une certaine confusion régnait. Mais j’accepterais tout aussi bien des excuses. (Oh ! sur les travées des groupes SER et RDPI. – Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mon intervention est un rappel au règlement sur les rappels au règlement. (Sourires.)
M. Jérôme Bascher. Il faut citer un article du règlement !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Lorsqu’on est battu sur un vote, mes chers collègues, on ne fait pas un rappel au règlement pour en contester le résultat.
Je vous ai vu vous exciter, monsieur Bascher (Protestations sur des travées des groupes Les Républicains et UC.), vociférer à l’encontre de la présidence. On m’a très vite appris une chose, ici : lorsque la présidence, assistée, d’ailleurs, des services de la séance, procède à un décompte, il n’est pas possible de remettre en cause le résultat du vote.
Je comprends votre désarroi, votre groupe ayant été insuffisamment attentif. Je ne suis pas tout à fait sûre, néanmoins, que le président Retailleau ait raison de prétendre que son groupe n’était pas « éclairé ». Bref, certains n’ont pas été assez attentifs ; c’est comme ça !
M. Jérôme Bascher. C’est scandaleux !
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais essayer de faire passer pour une erreur de la présidence un vote qui ne relève que de la responsabilité de votre groupe, cela ne me semble pas correct à l’égard de la présidence.
Vous savez, mon cher collègue, nous sommes plus souvent battus que vous dans cette assemblée ! Être digne dans l’échec, cela s’apprend ; je vous encourage à vous y entraîner. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, RDPI et GEST. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. Jérôme Bascher. Lamentable !
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour un rappel au règlement.
M. Loïc Hervé. Nous avons tous ici vécu ce qui s’est passé avant la suspension ; force est de constater que l’ambiance n’était pas propice à ce que nous délibérions dans des conditions appropriées à un tel débat. Il ne s’agit absolument pas, madame de La Gontrie, de remettre en cause un vote ; visiblement, il est acquis.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Bascher.
M. Loïc Hervé. Néanmoins, chacun, y compris vous, peut demander la parole pour un rappel au règlement, comme le règlement le permet. En l’espèce, j’interviens pour noter que la présidence, avant la suspension de la séance, aurait dû constater que les conditions ne permettaient pas de délibérer de manière totalement sereine et éclairée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Ah bon ? Pour quelle raison ?
M. Loïc Hervé. Notre collègue Bascher n’a pas eu le droit de faire le rappel au règlement qu’il a pourtant demandé à plusieurs reprises. (Protestations sur des travées des groupes SER et RDPI.) Mon propos n’est pas polémique ! Je dis simplement que, à quelques secondes de la suspension de la séance, les conditions n’étaient pas réunies pour que l’on puisse compter les votes de manière sereine. Je l’ai vécu ; à ce titre, je souhaite que mon témoignage soit consigné au procès-verbal de la séance.
Mme la présidente. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
Demande de seconde délibération
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Nous avons en effet suspendu nos travaux, tout à l’heure, dans la confusion. Je ne souhaite pas que nous reprenions la séance dans la même confusion. Aussi, madame la présidente, je souhaite vous annoncer que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, la commission demandera que l’article 1er lui soit renvoyé pour une seconde délibération. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l’enfance et des familles. Avec tout le respect que je dois évidemment à la présidence et aux services de l’assemblée sénatoriale, que je salue et remercie à cette occasion, je m’associe, au nom du Gouvernement, à la demande du président de la commission d’une seconde délibération sur cet article. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Martin Lévrier applaudit également.)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion des articles.
Au sein du chapitre Ier du titre Ier, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. Frassa, H. Leroy et Boré et Mmes Thomas et V. Boyer, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’âge limite de la femme pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation est fixé à quarante-trois ans.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. À partir de 38 ans, les taux de grossesse en assistance médicale à la procréation chutent : supérieurs à 25 % avant 37 ans, ils passent à 12 % à 38 ans, à 9 % à 40 ans et à 5 % à 42 ans.
C’est pourquoi la sécurité sociale a fixé la limite de prise en charge à 43 ans pour une fécondation in vitro. Il convient donc, me semble-t-il, de poser clairement cette limite d’âge dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Effectivement, l’âge de 43 ans constitue en quelque sorte une limite de fait, compte tenu du non-remboursement par la sécurité sociale au-delà de cette limite.
Cependant, la commission a indiqué qu’elle préférait que ce soient les recommandations de bonnes pratiques qui permettent d’apprécier les conditions d’âge, afin de laisser, tout simplement, un peu de souplesse aux médecins ; au cours des auditions, ceux-ci nous ont affirmé que la fertilité n’était pas exactement la même chez toutes les femmes, et qu’il fallait laisser, parfois, une petite latitude.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, étant rappelé de surcroît que celui-ci tend à supprimer toute condition d’âge pour les hommes, ce qui n’est pas non plus acceptable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Henri Leroy. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 15 rectifié quater est présenté par MM. de Legge, Retailleau, Chevrollier, de Nicolaÿ et Hugonet, Mme Thomas, M. Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, Panunzi, H. Leroy, Segouin et Cuypers, Mme Deseyne, M. Meurant, Mme Deromedi, MM. Saury, Babary, Laménie et Rapin, Mme Joseph et MM. Chaize et Bouloux.
L’amendement n° 40 rectifié bis est présenté par M. Le Rudulier, Mme Gruny, MM. Frassa et Boré et Mme V. Boyer.
L’amendement n° 102 rectifié quater est présenté par Mme Noël, M. Chatillon, Mme Belrhiti et M. Charon.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Remplacer la première occurrence du mot :
que
par les mots :
qu’avec les gamètes de l’un au moins des membres d’un couple et
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié quater.
M. Dominique de Legge. Cet amendement tire tout simplement les conséquences du vote intervenu tout à l’heure, à l’alinéa 15, sur le double don. En toute cohérence et en toute logique, nous devrions donc l’adopter ; je n’en dis pas plus.
Mme la présidente. L’amendement n° 40 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Sylviane Noël, pour présenter l’amendement n° 102 rectifié quater.
Mme Sylviane Noël. Le double don de gamètes a toujours été interdit en droit français. La loi de bioéthique de 1994 exige que l’un des membres du couple fournisse ses gamètes pour concevoir l’embryon qui sera implanté dans l’utérus ; il est donc primordial, dans le cadre d’une PMA, quelle qu’elle soit, que l’embryon reste conçu avec les gamètes de l’un ou l’autre des membres du couple, ainsi que l’avait proposé le Sénat en première lecture.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces amendements visant à maintenir l’interdiction du double don de gamètes.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements qui visent à rétablir l’interdiction du double don de gamètes dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.
Les motifs qui avaient conduit le législateur à l’interdiction du double don de gamètes tiennent principalement à l’existence d’un grand nombre d’embryons surnuméraires, qui ne font plus l’objet d’un projet parental et peuvent donc être accueillis par d’autres couples, ceux-là mêmes qui relèveraient d’un double don de gamètes.
Mais en aucun cas cette interdiction ne découle d’un de nos principes bioéthiques. Or nous ne pouvons plus imposer aux couples qui ont besoin d’un double apport de gamètes pour procréer d’accueillir un embryon issu de l’interruption d’un autre projet parental. Les études le montrent : les couples sont très réticents à accueillir des embryons issus d’une autre histoire, d’un autre projet parental.
De fait, l’accueil d’embryon ne concerne qu’un nombre limité de cas : ce sont moins de vingt enfants qui naissent ainsi chaque année, pour un total de plus de 10 000 embryons congelés confiés à l’accueil.
Dans le cadre des travaux préparatoires à cette révision de la loi de bioéthique que nous examinons, les différentes instances mobilisées et consultées se sont d’ailleurs en majorité prononcées en faveur de la levée de l’interdiction du double don de gamètes, faisant justement valoir que l’embryon donné par un couple qui n’a plus de projet parental hérite d’une histoire, alors que l’embryon issu d’un double don de gamètes commence son histoire avec le parent ou les parents qui le souhaitent.
La volonté du Gouvernement est que tous les couples concernés aient le choix entre l’accueil d’embryon et le double don de gamètes, raison pour laquelle nous sommes défavorables à ces amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 rectifié quater et 102 rectifié quater.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de recours à un tiers donneur, ce dernier peut consentir par écrit à ce que les embryons issus de son don et non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues au même article L. 2151-5.
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à prévoir, avant tout don d’embryon à des fins de recherche, que soit recueilli le consentement écrit du tiers donneur à ce que les embryons issus de son don et non susceptibles d’être transférés ou conservés fassent l’objet d’une recherche.
En effet, le tiers donneur effectue sa démarche dans le cadre d’une procréation médicalement assistée et non dans le cadre d’un don à la recherche. Aussi son consentement nous semble-t-il nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le tiers donneur donne des gamètes dont, éventuellement, un embryon sera issu ; mais c’est surtout au couple destinataire d’indiquer ce qu’il souhaite faire. On peut concevoir, néanmoins, que le tiers donneur soit, quant à lui, informé que cet embryon pourra être ultérieurement destiné à la recherche.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Voilà un nouvel amendement non encore examiné dans le cadre de la navette parlementaire, monsieur le sénateur Chasseing. Il s’agit de prévoir que le consentement du tiers donneur dont les gamètes ont servi à concevoir un embryon soit recueilli avant que cet embryon ne soit donné à la recherche.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour plusieurs raisons.
Le consentement du donneur n’est recueilli qu’une fois, au moment du don. Vous savez qu’il peut être retiré jusqu’à l’utilisation des gamètes ; mais ce consentement donné initialement vaut pour l’ensemble des finalités possibles de ce don, parmi lesquelles la recherche sur un embryon issu de ces gamètes. Il va évidemment de soi que le donneur doit être au préalable clairement informé de l’ensemble des devenirs possibles de ce don.
Le donneur renonce de surcroît, lors de son don, à connaître l’utilisation qui en sera faite. Il n’a donc pas vocation à être sollicité de nouveau par la suite sur cette utilisation.
En outre, comme l’indiquait Mme la rapporteure, la décision de procéder au don d’un ou plusieurs embryons à la recherche nous paraît relever exclusivement du couple ou de la femme engagés dans le parcours d’AMP.
M. Daniel Chasseing. Je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.
L’amendement n° 78, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 25, première phrase
Remplacer le mot :
notaire
par les mots :
un juge
II. – Alinéa 52
Remplacer le mot :
notaire
par le mot :
juge
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Depuis la loi du 23 mars 2019, c’est le notaire qui est chargé de la procédure de recueil du consentement pour les procréations médicalement assistées. Le notaire exerce une profession libérale qui, en tant que telle, est parfaitement louable ; mais il n’occupe pas une dignité, place ou emploi public au sens de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Or, s’agissant d’une telle matière, il nous semble qu’il serait préférable de confier cette charge au juge et à l’officier d’état civil, qui défendent les intérêts de la Nation, plutôt qu’à un notaire qui défend des intérêts privés.
Tel est le sens de notre amendement : revenir sur la loi de 2019 pour confier au juge le soin de recueillir ce consentement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les notaires exercent une profession réglementée, ce qui est sensiblement différent de ce que vous avancez, mon cher collègue. Ils ont déjà mission de dresser des actes authentiques.
Il s’avère que la réforme qui leur a confié le recueil du consentement est assez récente ; elle a été mise en œuvre voilà peu de temps. Avant de s’offusquer de son application, peut-être faut-il la laisser s’appliquer, tout simplement ; et nous verrons par la suite.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 155, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Supprimer les mots :
à but non lucratif
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Cet amendement vise à ouvrir la conservation des embryons aux centres agréés, publics ou privés.
Réserver les activités de conservation et de mise en œuvre de la procédure d’accueil des embryons aux centres publics et privés à but non lucratif soulève plusieurs difficultés.
Cela pose un problème de cohérence en ce qui concerne le remboursement du traitement pour les patientes qui l’effectuent dans des cliniques privées à l’étranger.
D’un point de vue pratique, en outre, la demande est telle que le service public n’est actuellement pas en mesure de répondre à chaque patiente, ce qui provoque d’importants délais.
Autoriser le secteur privé à proposer une assistance médicale à la procréation permettrait de diminuer ces délais, de mettre fin à la désinscription des listes d’attente chez les femmes de plus de 40 ans et d’éviter que, sur la base de critères monétaires et de critères d’âge, des patientes ne se tournent vers des centres privés à l’étranger.
Il faut souligner, par ailleurs, que les professionnels de santé du secteur privé sont soumis aux mêmes exigences et aux mêmes conditions d’éthique médicale, d’autorisation et de contrôle que les centres publics ou privés à but non lucratif.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je rappelle le cadre actuel de la loi de bioéthique, qui est celui de la loi de 1994 : s’il ne permet pas aux centres privés à but lucratif de procéder à l’accueil d’embryon, c’est en vertu du principe de non-patrimonialité du corps humain.
Il avait été considéré, de manière générale, que le don de gamètes ne pouvait pas entrer dans le champ d’activité de ces centres, la procédure d’appariement devant rester réservée aux centres publics et aux centres privés à but non lucratif.
Non sans ajouter que l’accueil d’embryon reste une activité assez confidentielle, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 82, présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 48
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’aide médicale à la procréation s’adapte à toutes les situations. Lorsqu’elle n’est pas nécessaire aucune stimulation hormonale n’est proposée.
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à rappeler que les progrès de la médecine ne doivent pas entraîner une banalisation de la procédure subie par les couples.
S’ajoutant aux nombreux contrôles nécessaires, les stimulations hormonales effectuées lors de la procédure de procréation médicalement assistée peuvent entraîner des effets indésirables, selon les traitements utilisés.
Lorsqu’une personne a recours à une procréation médicalement assistée, elle peut difficilement poursuivre son activité professionnelle de façon normale. Nous pensons, pour cette raison, qu’il devrait exister des jours de congé spécifiques pour la PMA, comme il en existe pour la grossesse ou pour l’adoption.
En attendant, nous demandons, vu le caractère non mineur des effets secondaires qu’elles engendrent, la suppression de l’automaticité des stimulations hormonales administrées aux femmes dans le cas où l’infertilité est exclusivement liée à l’homme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission a estimé qu’il fallait laisser les traitements médicaux au choix des équipes médicales, et non du Parlement.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Aucun acte médical inutile ne doit être pratiqué ; c’est d’ailleurs l’un des principes fondamentaux de la médecine que de ne pas pratiquer d’acte médical non nécessaire ou non justifié médicalement.
L’article 16-3 du code civil dispose en outre : « Il ne peut être porté atteinte à l’intégrité du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l’intérêt thérapeutique d’autrui. »
Il nous semble donc que différents textes vous donnent satisfaction. Je demande donc à Mme la sénatrice de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Mme Michelle Gréaume. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 82 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par Mme Doineau, M. Capo-Canellas, Mme Dindar et MM. Détraigne, Delcros et Longeot, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 54 et 55
Supprimer ces alinéas.
II. – Alinéa 60
Supprimer les mots :
, en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique,
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Est-il utile de revenir sur un débat que nous avons eu précédemment ? Je suis d’ailleurs assez surprise que ce sujet réapparaisse dans la discussion à cet instant… Voici néanmoins un amendement de repli, traduisant le sentiment d’injustice qui est le mien face à la création de deux catégories de bénéficiaires dans l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation, dont l’une en vient à être exclue de toute prise en charge par la sécurité sociale.
Sans revenir sur la référence aux critères médicaux, cet amendement vise donc à étendre de nouveau la prise en charge de l’AMP par la sécurité sociale aux couples de femmes et aux femmes seules.
Mme la présidente. L’amendement n° 154, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Jacquin, Jeansannetas, P. Joly, Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 55
Supprimer les mots :
en application du I de l’article L. 2141-2 du code de la santé publique
La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 55
Après la référence :
L. 2141-2
insérer les mots :
et de l’article L. 2141-2-1
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Le présent amendement vise à modifier le dispositif de prise en charge par l’assurance maladie de l’assistance médicale à la procréation, en prévoyant une prise en charge à 100 % pour les couples hétérosexuels confrontés à un problème d’infertilité, souvent lié à une pathologie, et une prise en charge hors ticket modérateur pour les femmes célibataires ou les couples de femmes, en l’absence de caractère médical de la démarche engagée. Pour cette dernière catégorie, le ticket modérateur serait donc laissé à la charge des personnes, sachant que les mutuelles ou la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU, pourront prendre le relais. En conséquence, ces personnes ne seront pas pénalisées.
Il s’agit donc, par cet amendement, de différencier les couples atteints d’une pathologie et les couples qui ne le sont pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sans surprise, l’avis de la commission est défavorable sur ces trois amendements, y compris sur l’amendement n° 46 rectifié tout juste présenté par M. Chasseing, qui introduit une nuance.
Je rappelle – sans m’y attarder très longuement, puisque nous avons déjà eu ce débat avant la suspension de séance – qu’au titre de l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale, la solidarité nationale assure la « protection contre le risque et les conséquences de la maladie ». Tel n’est pas le cas ici : nous parlons d’actes qui ne sont pas motivés par des raisons médicales ; il n’y a donc pas de prise en charge par l’assurance maladie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Certes, nous n’allons pas refaire le débat que nous avons eu précédemment, madame Doineau. Mais, au moment où nous parvenons au terme de l’examen de cet article 1er, à l’occasion de la présentation de ces ultimes amendements, et alors que, avant la suspension, il y a eu un léger flottement autour du vote d’une quinzaine d’amendements portant sur des sujets très différents et ayant chacun des conséquences importantes sur ledit article, je tiens tout de même à souligner que, ce soir, le Sénat a supprimé la PMA pour toutes ! Il en a interdit l’accès aux femmes seules et a restreint cet accès pour les couples de femmes, en supprimant la prise en charge par l’assurance maladie.
Voilà ce qui s’est passé ce soir, et je regrette ce que le Gouvernement considère comme un recul, alors que, au-delà de cette enceinte, la société semble se rejoindre sur cette évolution importante.
C’est pourquoi, sans grande surprise non plus, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements nos 36 rectifié bis et 154, et un avis défavorable sur l’amendement n° 46 rectifié.
Nous avons bien pour projet d’instaurer un traitement égalitaire entre tous les assurés ayant recours à une AMP, qui est un acte médical, en conformité avec le principe d’égalité devant la protection sociale, mais aussi avec le principe de solidarité qui, avec ceux de dignité et de liberté, forme le triptyque fondateur du modèle bioéthique français, dont nous discutons dans le cadre de cette révision de la loi de bioéthique.
De nouveau, alors que nous allons passer au vote sur cet article 1er, je tiens à exprimer mon regret d’avoir assisté ce soir à un recul, notamment au regard de ce qui avait été voté, par cette même assemblée, l’année dernière.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je reviens juste un instant sur les propos de Mme Élisabeth Doineau, en demandant à mes collègues de ne pas voter cet amendement n° 36 rectifié bis. La raison en est simple : l’assurance maladie a été créée dans un but curatif et dans un but préventif, pas pour ce genre de choses, qui n’est pas une maladie en soi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quel genre de choses ?
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Par ailleurs, et ce point me semble plus important, il y a des mutuelles. Celles-ci interagissent dans différents domaines où la sécurité sociale n’intervient pas, en particulier pour les soins oculaires ou dentaires.
Par une loi, on a réussi à instaurer le reste à charge zéro, c’est-à-dire à obliger les mutuelles à s’intéresser à la question du remboursement des lunettes et des soins dentaires. Pourquoi ne pas faire de même ? Plutôt que de contraindre la sécurité sociale à rembourser un acte ne correspondant pas au traitement d’une maladie, pourquoi ne pas obliger les mutuelles à le faire dans le cadre d’une loi similaire à celle qui a imposé le reste à charge zéro ?
Enfin, si la PMA réussit, ce qui arrive de temps en temps – les taux de réussite tournent autour de 17 % ou 20 % pour les couples stériles –, les grossesses sont évidemment prises en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pour ma part, je me réjouis que ce débat revienne en fin d’examen de l’article 1er, alors que nous avons déjà évoqué le sujet avant la suspension. La question de la prise en charge de la PMA pour tous et toutes est effectivement une question centrale, une question de justice sociale.
Vous rendez-vous bien compte, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, qu’en refusant le remboursement par la sécurité sociale aux femmes seules et aux couples de femmes, vous mettez en place une mesure discriminatoire ? (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Ce caractère discriminatoire se fonde non pas sur la technique médicale qu’il faudrait mettre en place dans un cas ou dans l’autre, mais simplement sur votre point de vue quant à savoir qui peut légitimement, ou non, à accéder à la PMA.
J’ai écouté vos arguments avec beaucoup d’intérêt, monsieur le président Milon. Je les avais déjà lus, en reprenant les comptes rendus des débats de 1982 au cours desquels Yvette Roudy avait proposé au Parlement le remboursement de l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Ce que j’ai entendu cet après-midi, c’est mot pour mot ce qui avait été dit par les mêmes en 1982 : la sécurité sociale n’a pas vocation à apporter du confort et de la convenance, s’agissant de choix personnels n’ayant rien à voir avec la santé.
Dans les deux cas – pour l’IVG en 1982, comme pour la PMA pour toutes en 2021 –, c’est bien une question de santé et une question d’égalité des droits ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je voudrais rebondir brièvement sur l’argument du périmètre de prise en charge par l’assurance maladie. Voilà bien longtemps que ce périmètre a débordé du cadre évoqué par Alain Milon, et précédemment par Muriel Jourda. D’ailleurs, j’ai parfois exprimé mon désaccord sur certaines évolutions : l’adoption récente d’un projet de loi de finances – Alain Milon s’en souvient très bien – a transféré à l’assurance maladie la charge du budget de l’Agence nationale de santé publique ; on se trouve totalement en dehors de la définition donnée par l’article du code de la sécurité sociale que Muriel Jourda a rappelé !
La réalité, c’est que le périmètre de l’assurance maladie ne se limite pas à la prise en charge d’actes liés à la maladie stricto sensu.
Comme cela a déjà été rappelé, nous parlons ici d’actes de nature médicale, s’inscrivant dans un processus lourd, avec intervention d’équipes médicales. Cela ne heurte pas les principes fondateurs de l’assurance maladie.
En revanche, ce qui est proposé aura une conséquence directe, également déjà rappelée : l’instauration de fait, tout le monde le sait, d’une différence entre les femmes qui pourront payer ces actes et celles qui ne le pourront pas. Une démarche de PMA, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, cela ne représente pas 50 ou 100 euros ! C’est extrêmement coûteux ! Comment la représentation nationale peut-elle graver dans le marbre une telle inégalité d’accès, si ce n’est pour restreindre cet accès ? Une telle mesure rejoindrait les multiples autres mesures visant à faire en sorte que ce droit reste un droit formel et ne devienne pas un droit réel.
Les faits l’emportent sur les principes, des principes qui, d’ailleurs, ne seraient en aucun cas violés si l’on adoptait une mesure de remboursement… C’est un choix politique ! Vous ne voulez pas permettre à toutes les femmes d’accéder à la PMA dans les mêmes conditions. Dites-le clairement !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Comment l’assurance maladie prend-elle actuellement en charge la procréation médicalement assistée ? Celle-ci est remboursée à 100 % sous certaines conditions : il faut être une femme hétérosexuelle, en couple, et avoir moins de 43 ans.
En n’accordant pas la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, c’est bien une inégalité que l’on crée entre les familles, et nous en revenons à la discussion que nous avons depuis le début !
À ce titre – je l’ai déjà signalé, mais c’est peut-être bien de le rappeler –, ce remboursement par la sécurité sociale intervient aujourd’hui, même dans les cas où la PMA ne relève pas d’une pathologie diagnostiquée. Donc l’argument selon lequel la sécurité sociale ne rembourse que les actes liés aux pathologies n’est pas juste.
Nous avons voté à la majorité, indépendamment des travées sur lesquelles nous siégeons, l’ouverture de la PMA aux femmes en couple. Je partage complètement les propos de M. le secrétaire d’État et regrette, moi aussi, l’affaiblissement qui a été porté au texte par l’exclusion des femmes seules – ce choix, extrêmement dommageable, ne correspond pas à la richesse de notre discussion, avec nos désaccords, nos confrontations, mais aussi nos points de partage.
Mais vous franchissez là, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, un pas supplémentaire dans la discrimination et, fondamentalement, remettez en cause l’équilibre que nous avions pu trouver, ensemble, au niveau de la Haute Assemblée.
Il me paraît donc très important que nous puissions au moins éviter ce pas supplémentaire. Il s’agit, je le répète, d’une discrimination par l’argent – certaines femmes auront les moyens d’accéder à la PMA, d’autres non –, qui vient s’ajouter à une discrimination selon l’orientation sexuelle. Cela fait beaucoup d’inégalités et de discriminations ! (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je vais revenir très brièvement sur les propos de Bernard Jomier s’agissant des tarifs. Lorsque celui-ci évoque des tarifs bien supérieurs aux montants qu’il a mentionnés, il se réfère aux tarifs de la fécondation in vitro, la FIV. Or, a priori, si l’on parle de couples homosexuels de femmes, on parle de femmes étant en âge de procréer et qui ne se tournent pas vers la PMA pour des questions de stérilité. Si elles ne sont pas stériles, elles subiront simplement une insémination artificielle. Une insémination artificielle, c’est 150 euros !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Vous avez évoqué, monsieur le président Milon, l’intervention possible des mutuelles, car la sécurité sociale n’est pas faite – vous avez eu ce que j’imagine être une formule un peu rapide – pour « ce genre de choses ». Mais, il faut bien avoir conscience, là aussi, que tout le monde ne peut pas se payer une mutuelle solide. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Tout le monde ne bénéficie pas de la mutuelle du Sénat ! C’est certain ! (Mêmes mouvements.) Ah, vous réagissez !
On est donc clairement dans une volonté de discrimination par l’argent, entre les femmes qui pourront se payer ce soin et celles qui ne le pourront pas. Comme cela a été dit précédemment, c’est un choix politique. Assumez-le !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 36 rectifié bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 68 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 190 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 154.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Pour l’adoption | 139 |
Contre | 190 |
Le Sénat n’a pas adopté.
La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote sur l’amendement n° 46 rectifié.
M. Daniel Chasseing. Je regrette que mon amendement n° 46 rectifié ait recueilli deux avis défavorables. Il est effectivement tout à fait dans la logique : s’agissant d’un acte médical qui n’entre pas dans la catégorie des affections longue durée (ALD), remboursées à 100 %, il y a prise en charge par la sécurité sociale, mais avec ticket modérateur, et ce ticket modérateur pourra être remboursé au niveau des mutuelles ou de la CMU-C.
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’article 1er. Y a-t-il auparavant des explications de vote ?
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pour que mon groupe puisse déterminer son vote de manière éclairée, nous aimerions comprendre un peu mieux comment la suite de la discussion va se dérouler. Nous nous apprêtons à voter un article qui sera ensuite soumis, en totalité, à une seconde délibération. Est-ce bien cela ? L’article, tel que nous le votons à cet instant, comprend l’ouverture de la PMA dite post mortem, mais sans le remboursement par la sécurité sociale et sans l’ouverture aux femmes seules. Nous sommes bien d’accord ? Celui que nous revoterons dans le cadre de la seconde délibération sera le même, amputé de la PMA post mortem. Ai-je bien compris ?
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Telle que je comprends la situation, si notre assemblée ne vote pas l’article 1er, celui-ci n’existe plus et ne peut donc pas être retravaillé par la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Compte tenu de nos débats, je n’avais pas pensé intervenir à nouveau sur cet article 1er. Mais, pour le dire de manière un peu familière, j’ai l’impression que nous marchons sur la tête ! Après une discussion tout de même très longue, nous sommes dans ce qui m’apparaît être un simulacre : comme vient de le dire ma collègue Laurence Rossignol, nous votons un certain nombre de dispositions, qui vont être mises à mal ultérieurement par la commission spéciale, avec un nouveau vote à la clé.
Pendant ce temps, ce qui constitue l’essentiel de ce projet de loi, c’est-à-dire l’ouverture de l’AMP à toutes les femmes – c’est déjà acquis pour les femmes en couple hétérosexuel, et ce le sera pour toutes les femmes en couple – est amputé par l’exclusion des femmes seules. En outre, le combat pour l’égalité d’accès de toutes à ce droit est mis à mal par une décision de non-remboursement par la sécurité sociale.
En définitive, on dénature beaucoup ce projet de loi, tel qu’il était voulu par le Gouvernement et tel que plusieurs groupes de notre Haute Assemblée le soutenaient.
Et nous serions en plus, monsieur le président Milon, face à un choix cornélien. En l’état, cet article 1er ne convient pas au groupe communiste républicain citoyen et écologiste – ce n’est pas la première fois, c’est même fréquent quand on est un groupe minoritaire, et là n’est pas la question. Mais, si nous ne le votons pas, nous risquons de ne pas pouvoir en délibérer de nouveau au sein de la commission spéciale… C’est tout de même assez tortueux, pour ne pas dire autre chose !
Nous ne sommes pas là dans le débat politique et juridique que nous avons tenté de mener depuis le début. Comme tous les membres de mon groupe, je le déplore, d’autant que nous traitons du cœur même de ce projet de loi. (Mme Michelle Gréaume applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne reviens pas sur le fond de l’article 1er, mais, comme cela vient d’être exposé, je regrette qu’un certain nombre de choix constituant, de mon point de vue et de celui du Gouvernement, des reculs aient pu être actés au cours de nos débats. Je pense, évidemment, à la fermeture de l’accès à la PMA pour les femmes seules et à la problématique de la prise en charge. Mais il reste la question de la PMA post mortem.
Je ne sais pas si le Gouvernement peut émettre une telle demande, madame la présidente, mais j’aimerais que nous puissions être éclairés sur la seconde délibération demandée par le président Alain Milon et endossée par le Gouvernement. Celle-ci est-elle subordonnée à l’adoption de l’article 1er par le vote qui va intervenir maintenant ? À défaut de réponse, je solliciterai une suspension de séance afin de pouvoir éclaircir ce point, au bénéfice du Gouvernement, mais aussi, je crois, de l’ensemble des sénateurs présents.
Mme la présidente. Nous venons de vérifier, monsieur le secrétaire d’État : une seconde délibération est possible sur un article supprimé.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Est-il possible, madame la présidente, de nous accorder une suspension de séance de quelques minutes ?
Mme la présidente. Je vous l’accorde.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, je vous confirme qu’un article supprimé peut faire l’objet d’une seconde délibération dès lors qu’un amendement de rétablissement est déposé.
Un tel amendement ne peut être présenté que par la commission ou par le Gouvernement. Les sénateurs ont, quant à eux, la possibilité de le sous-amender. Je tenais à vous apporter ces précisions afin d’éclairer le champ des possibles pour ce qui concerne l’article 1er.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.
M. Thani Mohamed Soilihi. Bien entendu, les membres de notre groupe étaient prêts à voter l’article 1er, car l’extension de la PMA est l’un des apports majeurs de ce texte.
Force est de constater que ces dispositions ont été largement vidées de leur substance, avec la suppression de la prise en charge par la sécurité sociale et l’exclusion des femmes seules. Dans ces conditions, nous ne pouvons plus voter cet article : les élus de notre groupe vont donc s’abstenir.
En somme, on retire petit à petit d’une main ce que, de l’autre, on a feint d’offrir : un tel procédé laisse une impression vraiment désagréable.
Lors de la discussion générale, je me félicitais de l’absence de motion tendant à opposer la question préalable, permettant un véritable débat. Mais j’ai l’impression que nos discussions tournent au vinaigre, et je le regrette sincèrement ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et SER.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Jusqu’à présent, ce débat s’est déroulé de manière inégale, avec tout de même des moments de grande qualité.
Ceux qui ont pris part aux discussions en première lecture, il y a un an, avaient eux aussi salué cette grande qualité. Le Sénat s’était honoré en approuvant le principe de l’ouverture de la PMA pour toutes les femmes, y compris les femmes seules, même si nous n’avions pas alors réussi à convaincre de la nécessité d’une prise en charge par la sécurité sociale.
Notre collègue Thani Mohamed Soilihi l’a dit à l’instant : aujourd’hui, le Sénat revient sur ces nouveaux droits. Dans sa majorité, il se prononce pour une régression, en refusant l’accès des femmes seules à la PMA.
Au-delà, concernant la prise en charge par la sécurité sociale, et quels qu’aient été les arguments développés par certains, on a choisi une politique de discrimination à l’égard des femmes. Les couples de femmes n’y auront plus accès pour cette procédure à la fois douloureuse, longue et coûteuse.
S’en est suivi un imbroglio : certains ont contesté le vote de l’ouverture, dans des conditions très encadrées, de la PMA après le décès du père. Sur ce point, nous serons donc appelés à délibérer une seconde fois. La situation n’en est que plus confuse.
Toujours est-il que le progrès que nous avons salué, en relevant l’ouverture d’esprit de certains membres de cette assemblée, n’est plus là…
M. Philippe Pemezec. Pour qui vous prenez-vous ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous ne pouvons pas approuver l’article 1er tel qu’il est désormais libellé. C’est pourquoi les membres de mon groupe s’abstiendront.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Mes chers collègues, le fait de répéter les arguments déjà énoncés semble avoir une vertu pédagogique : je vais donc donner, de nouveau, un certain nombre d’éléments. Il me semble important de rappeler la position des membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ; plus largement, chacun doit pouvoir exposer les raisons de son vote.
J’approuve pleinement les deux interventions que nous venons d’entendre et je regrette sincèrement ce qui est en train de se passer. Je ne parle pas de nos désaccords : ils existent et l’on ne peut pas les gommer. Ce que je regrette, c’est la manière dont vont se poursuivre nos débats.
L’article que nous nous apprêtons à mettre aux voix va faire l’objet d’une seconde délibération. En d’autres termes, nous allons recommencer la discussion. À mon sens, de tels procédés ne grandissent pas la Haute Assemblée. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
Chers collègues de la majorité sénatoriale, vous pouvez bien sûr ne pas être d’accord avec moi, mais je tenais à vous livrer mon opinion.
Certes, nous avons avancé sur un point, non sans difficulté : les femmes en couple pourront bénéficier de l’AMP. Mais vous excluez les femmes seules. Qu’est-ce que cela veut dire ? Demain, si le présent texte est voté en ces termes, sans être enrichi par l’Assemblée nationale – je ne le dis pas souvent, mais en l’occurrence c’est réellement le cas –, on verra perdurer une inégalité. D’un côté, les femmes seules qui en ont les moyens continueront d’aller à l’étranger : en ce sens, vous encouragez la marchandisation. De l’autre, les femmes seules qui ne pourront pas s’y rendre ne bénéficieront pas de l’AMP.
C’est la même logique qui vous conduit à refuser le remboursement par la sécurité sociale. En somme, votre obsession d’encadrer ce dispositif est telle que vous donnez un droit en le restreignant à l’extrême. Pour nous, ce n’est pas possible.
Nous n’allons pas voter contre cet article, car nous tenons aux avancées qu’il contient, à ce que nous avons réussi à obtenir. Nous allons donc nous abstenir. Mais il s’agit d’une abstention extrêmement critique, qui appelle chacune et chacun à réfléchir !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Salmon, pour explication de vote.
M. Daniel Salmon. Je pourrais reprendre presque mot pour mot les propos de mes collègues !
Nous vivons effectivement un moment délicat, et cet imbroglio ne grandit pas notre assemblée : nous allons devoir nous prononcer deux fois sur cet article, si bien que l’on perd un peu le fil de la discussion.
Ce débat, qui commençait sous de bons auspices, semble tourner à la farce de mauvais goût.
Nous pourrions ne pas prendre part au vote : c’est ce qui serait le plus logique dans une telle situation. Cela étant, nous choisirons l’abstention.
L’ouverture de la PMA aux couples de femmes est bien sûr une avancée ; mais elle est réduite à peau de chagrin par les reculs, et même les reculades, que constituent l’exclusion des femmes seules et le non-remboursement par la sécurité sociale – d’ailleurs, dans la suite du débat, le Sénat reviendra sans doute sur la PMA post mortem.
En définitive, le compte n’y est pas : nous optons donc pour l’abstention !
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Mes chers collègues, j’ai assisté à l’intégralité des discussions de cette après-midi, jusqu’à la suspension. Nous avons effectivement connu un débat animé : de tels événements relèvent de la nature même de la séance !
Il faut respecter le règlement à la lettre, y compris à propos des demandes de rappel au règlement, pour que nos débats soient aussi sereins et aussi éclairés que possible.
Vous ne partagez pas tous mes opinions, et heureusement : c’est bien là le bonheur de la démocratie. Mais, j’y insiste, il faut toujours garder en tête et respecter la procédure. C’est le seul moyen de garantir la clarté et d’éviter cette confusion qu’en l’occurrence je regrette !
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 70 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 180 |
Pour l’adoption | 48 |
Contre | 132 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 1er bis A
(Suppression maintenue)
Mme la présidente. L’amendement n° 105 rectifié ter, présenté par Mme Noël et MM. Chatillon, Reichardt, Laménie, Cuypers, H. Leroy, Le Rudulier, Sido et E. Blanc, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le troisième alinéa de l’article L. 1418-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :
« 1° A La liste des causes et des pathologies qui ont motivé le recours aux techniques de l’assistance médicale à la procréation et leur pondération quantitative ; ».
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, conforme à la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, en vertu de laquelle l’accès aux techniques de l’AMP est réservé aux couples homme-femme, vivants, en âge de procréer et présentant un caractère d’infertilité médicalement diagnostiqué.
Il est nécessaire d’identifier clairement les causes pathologiques justifiant le recours à l’AMP, car elles permettront d’emprunter de nouvelles pistes dans la recherche sur l’infertilité.
De plus, l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes, promue par ce projet de loi, risque fortement de se traduire par un accès beaucoup plus difficile pour les couples hétérosexuels, d’autant que la levée de l’anonymat risque d’entraîner une pénurie de dons de sperme – on a pu le vérifier au Danemark. Il importe donc de s’assurer que les couples hétérosexuels ne seront pas victimes d’une discrimination inacceptable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avis favorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, vous souhaitez rétablir l’article 1er bis A, qui confie une nouvelle mission à l’Agence de la biomédecine : celle d’établir la liste des causes et des pathologies qui ont justifié le recours aux techniques de l’AMP et leur pondération quantitative.
Un tel travail dépasse largement le champ de compétences de cette agence. Évidemment, le Gouvernement est attaché à ce que nous disposions en permanence de connaissances approfondies au sujet des personnes qui ont bénéficié d’une AMP. C’est d’ailleurs une des missions confiées à l’Agence de la biomédecine : elle s’en acquitte depuis 2013, grâce aux informations collectées par le système national des données de santé.
Cette approche méthodologique présente de nombreux avantages par rapport à tout autre type d’études – suivi anonyme des personnes tout au long du parcours de soins, exhaustivité et représentativité de la population étudiée, effectifs suivis suffisamment importants, constitution d’un groupe témoin sans FIV, etc.
Pour ces raisons, nous sommes défavorables à votre amendement, qui vise à élargir encore les missions de l’Agence de la biomédecine à cet égard.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis A est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 128, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rétablir cet article par la rédaction suivante :
Dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la structuration des centres d’assistance médicale à la procréation, à leurs taux de réussite respectifs et à l’opportunité d’une évolution structurelle.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er bis dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, prévoyant une demande de rapport sur les centres d’assistance médicale à la procréation, relatif, notamment, à leurs taux de réussite respectifs. Il nous paraît essentiel que le Parlement soit éclairé sur ces structures.
La France compte aujourd’hui plus d’une centaine de centres habilités à procéder à des actes de procréation médicalement assistée, qui se caractérisent par une grande disparité, notamment au regard de leur taille, de leur niveau d’activité et, surtout, du taux de succès des AMP qu’ils pratiquent.
Pour rappel, en France, quatre FIV sur cinq se soldent par un échec, selon un rapport de la Cour des comptes d’octobre 2019. Cela doit mobiliser notre attention et nous inciter à améliorer l’accès à l’AMP dans tous les territoires.
L’objectif de cet amendement est d’engager une réflexion approfondie sur la structuration actuelle des établissements spécialisés dans l’AMP afin d’assurer une plus grande égalité des chances aux couples et aux femmes qui y ont recours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme vous le savez, le Sénat rejette presque systématiquement les demandes de rapport, dans la mesure où ce type d’article n’a pas de portée normative. En outre, le surcroît de travail qui serait demandé au Gouvernement dans le cadre de ce rapport est déjà assumé par l’Agence de la biomédecine.
Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l’article 1er bis demeure supprimé.
Article 2
I. – L’article L. 1244-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-2. – Le donneur est majeur. Le mineur émancipé ne peut être donneur.
« Préalablement au don, le donneur et, s’il fait partie d’un couple, l’autre membre du couple, sont dûment informés des dispositions législatives et réglementaires relatives au don de gamètes, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Le consentement du donneur et, s’il fait partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple, sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes.
« Une étude de suivi est proposée au donneur, qui y consent par écrit. »
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-12 devient l’article L. 2141-13 ;
2° L’article L. 2141-12 est ainsi rétabli :
« Art. L. 2141-12. – I. – Une personne majeure peut bénéficier, après une évaluation et une prise en charge médicales par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre. L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire apprécie si la personne remplit les critères d’âge pour en bénéficier, sur la base de recommandations de bonnes pratiques définies par un arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine.
« Le recueil, le prélèvement et la conservation sont subordonnés au consentement écrit de l’intéressé, recueilli par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire après information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire peut simultanément recueillir le consentement prévu au deuxième alinéa du II.
« Lorsque les gamètes conservés sont des spermatozoïdes, l’intéressé est informé qu’il peut, à tout moment, consentir par écrit à ce qu’une partie de ses gamètes fasse l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code.
« Les frais relatifs à la conservation des gamètes réalisée en application du présent I ne peuvent être pris en charge ou compensés, de manière directe ou indirecte, par l’employeur ou par toute personne physique ou toute personne morale de droit public ou privé avec laquelle la personne concernée serait dans une situation de dépendance économique.
« Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au présent I. Ces activités ne peuvent être exercées dans le cadre de l’activité libérale prévue à l’article L. 6154-1. Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n’assure cette activité dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à la pratiquer, sous réserve de la garantie par celui-ci de l’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
« II. – La personne dont les gamètes sont conservés en application du I du présent article est consultée chaque année civile. Elle consent par écrit à la poursuite de cette conservation.
« Si elle ne souhaite plus poursuivre cette conservation, ou si elle souhaite préciser les conditions de conservation en cas de décès, elle consent par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie ;
« 2° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 3° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes.
« Dans tous les cas, ce consentement est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« En l’absence de réponse durant dix années civiles consécutives de la personne dont les gamètes sont conservés et en l’absence du consentement prévu aux 1° ou 2° du présent II, il est mis fin à la conservation.
« En cas de décès de la personne et en l’absence du consentement prévu aux mêmes 1° ou 2°, il est mis fin à la conservation des gamètes. »
III. – L’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par des 7° et 8° ainsi rédigés :
« 7° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à la préservation de la fertilité, à l’exception de ceux afférents à la conservation des gamètes réalisée en application de l’article L. 2141-12 du code de la santé publique pour des assurés non atteints d’une pathologie altérant leur fertilité et ne relevant pas de l’article L. 2141-11 du même code ;
« 8° (Supprimé) ».
IV. – L’article L. 2141-11-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite d’un projet parental par la voie d’une assistance médicale à la procréation ou la restauration de la fertilité ou d’une fonction hormonale du demandeur, à l’exclusion de toute finalité commerciale. » ;
1° bis Au troisième alinéa, la référence : « et L. 2141-11 » est remplacée par les références : « , L. 2141-11 et L. 2141-12 » ;
2° (Supprimé)
V. – (Supprimé)
VI. – (Non modifié) À compter de la date de publication de la présente loi, les gamètes conservés en application du dernier alinéa de l’article L. 1244-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, sont soumis aux dispositions du II de l’article L. 2141-12 du même code.
Mme la présidente. L’amendement n° 17 rectifié ter, présenté par MM. de Legge, Retailleau, Chevrollier, de Nicolaÿ, Hugonet et Cardoux, Mme Micouleau, MM. B. Fournier, E. Blanc, Gremillet, Paccaud, Courtial, Bascher, Bonne, Bouchet, Reichardt et Piednoir, Mme Pluchet, MM. Sido, H. Leroy et Segouin, Mme Noël, M. Cuypers, Mme Deseyne, M. Meurant, Mme Deromedi, MM. Saury, Babary et Laménie, Mme Joseph et MM. Chaize, Rapin, Bouloux et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Cet amendement vise, en toute logique, à supprimer l’article 2, lequel ouvre aux femmes la possibilité d’autoconservation de gamètes sans raison médicale. Cela nous renvoie au débat que nous avons déjà eu sur l’article 1er et sur l’ouverture de la PMA pour des raisons autres que médicales.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le sujet est sensible et délicat. On a constaté que, si les femmes menaient des grossesses de plus en plus tardivement et donc avec de plus en plus de difficultés, leur période de fertilité n’avait pas pour autant évolué physiologiquement, ce qui peut les conduire à souhaiter conserver leurs gamètes pour prévenir une infertilité future.
Le sujet est délicat parce qu’une pression de l’employeur ou de la société peut s’exercer, mais aussi parce que la grossesse espérée peut finalement ne pas être plus aisée et le processus, nourrir ainsi de faux espoirs.
Pour autant, la commission spéciale a autorisé l’autoconservation de gamètes, elle est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
À l’occasion de la discussion de cet amendement, permettez-moi de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit cet article, ainsi que les objectifs du Gouvernement en la matière.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à un recul de l’âge à la naissance du premier enfant résultant d’un mouvement d’ampleur qui ne devrait pas s’inverser, dans la mesure où il est le fruit de changements considérables survenus dans les comportements au cours des dernières décennies.
Parmi les moyens à notre disposition pour maintenir notre taux de natalité se trouve la possibilité offerte aux femmes et aux hommes qui ne peuvent concrétiser leur projet d’enfant à un moment donné de conserver leurs gamètes, permettant ainsi de le différer avec de plus grandes chances de succès.
Une telle avancée présente, par ailleurs, d’autres avantages de moyen et de long terme : elle réduira, d’une part, la demande de don d’ovocytes, puisque les propres ovocytes de la femme, conservés antérieurement, seront utilisés et elle permettra, d’autre part, d’augmenter les gamètes disponibles pour le don, dans l’hypothèse où, n’en ayant pas eu besoin, les femmes et les hommes concernés les donneraient finalement à d’autres femmes et à d’autres hommes.
Il ne s’agit pas pour autant d’inciter les jeunes filles et les jeunes gens à conserver leurs gamètes, le projet de loi prévoit des conditions strictes d’accès et de mise en œuvre, notamment des bornes d’âge.
Cette mesure participera cependant au renforcement de l’égalité entre les femmes et les hommes en réduisant l’impact de l’écart biologique entre eux ; cette « horloge biologique », comme l’on dit, qui est subie par les femmes.
Enfin, l’autoconservation de gamètes n’apparaît contraire à aucun principe bioéthique.
S’agissant, pour conclure, de la prise en charge par la solidarité nationale des actes de prélèvement et de recueil de gamètes en vue d’une autoconservation, seuls seront pris en charge les actes afférents au recueil et au prélèvement de gamètes, mais pas ceux découlant de leur conservation, lesquels resteront à la charge des bénéficiaires, sauf si ceux-ci sont atteints d’une pathologie altérant la fertilité ou dont la prise en charge médicale soit susceptible d’altérer la fertilité. Nous avons déjà eu ces débats et nous les aurons encore, au vu des amendements à venir.
Cette prise en charge est essentielle pour favoriser l’égalité devant ce droit que nous créons au bénéfice de toutes les femmes, conformément aux valeurs de la République française.
Pour ces raisons, cet article 2 a toute sa place dans ce projet de loi et nous sommes donc défavorables à cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Nous allons soutenir cet amendement. Cette mesure me semble être un marché de dupes. J’ai rappelé à la tribune le tollé qu’avait suscité, il y a quelques années seulement, la proposition de deux grandes sociétés internationales du numérique aux plus jeunes de leurs collaboratrices de payer la congélation de leurs ovocytes afin que celles-ci puissent se consacrer intégralement à leur carrière professionnelle. Le tollé avait été planétaire et ces entreprises avaient reculé.
Une fois de plus, à mon sens, c’est la société de marché qui avance masquée derrière les bonnes intentions sociétales. Cette disposition vise ainsi tout autant, pour des centres privés, à créer un marché nouveau, puisque les femmes concernées seront totalement dépendantes pour leur procréation de ces techniques. Celles-ci sont lourdes et, lorsqu’elles sont utilisées au-delà de 30 ans ou 35 ans, ont un taux de succès souvent inférieur à 20 %.
Avant de voter cet article, il faut donc peser le pour et le contre. Selon moi, nous sommes en train de mettre en place un cadre de pressions sur des jeunes femmes travaillant dans de grandes entreprises, pour lesquelles le refus de l’autoconservation des gamètes apparaîtra comme un refus de se consacrer intégralement à leur vie professionnelle. C’est cela que je crains, derrière cette disposition.
Vous le voyez, mes chers collègues, il s’agira d’une pression sociale, d’une pression professionnelle qui ne laissera pas libres ces jeunes femmes.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. Certes, il faut faire très attention : nous avons tendance à fabriquer, ou plutôt à amplifier, une société de la marchandisation qui déjà en place, vous le savez bien. Beaucoup de lois que nous avons votées, ou que des gouvernements passés, de droite, ont promues, ont contribué à ce mouvement, nous ne vous dirons pas le contraire. Nous y sommes très attentifs, car nous ne voulons pas d’une société marchande où tout s’achèterait et se vendrait, vous le savez bien.
Pour autant, aujourd’hui, l’autoconservation n’est permise que dans les cas où une maladie ou un traitement à venir pourraient impacter la fertilité. Cet article permet d’y avoir recours, mais sous un certain nombre de conditions, qu’a rappelées M. le secrétaire d’État, et auxquelles il faudra être d’autant plus attentifs que, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur Retailleau, la qualité des ovocytes chute après un certain âge. Une autoconservation qui serait appliquée tardivement ne garantirait pas une réussite du processus de PMA.
Il est donc important d’informer les candidates à cette autoconservation et d’essayer de leur éviter la pression que vous évoquez, laquelle est toutefois globale et ne s’exerce pas seulement s’agissant de la conservation des ovocytes.
La pression sur leur carrière professionnelle, les femmes la connaissent depuis très longtemps ; elle se manifeste sur de nombreux facteurs, pas seulement sur la grossesse, sur lesquels je forme le vœu que nous pesions tous ensemble lors de l’examen de prochains textes. Nous proposerons alors de lutter effectivement contre cette marchandisation des corps et pour les carrières professionnelles des femmes.
Nous ne voterons pas cet amendement, nous souhaitons que ce système puisse être mis en place, mais avec toute la vigilance nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis cosignataire de cet amendement, avec d’autres collègues, je saisis donc cette occasion d’intervenir. Le sujet de cet article est hautement sensible, on l’a vu. Beaucoup d’amendements ont été déposés, beaucoup de personnes nous ont sollicités avec des arguments tout à fait légitimes et respectables, d’un côté comme de l’autre.
Cet amendement vise à supprimer l’article 2 au nom du principe de non-marchandisation de l’humain, qui est, pour nous, un principe d’éthique fondamental.
On peut ainsi comparer ce texte aux dispositions relatives à l’enjeu de la gratuité du don du sang pour les amicales et les associations du secteur, un sujet également très important, on le constate aussi localement, quand il s’agit de sauver des vies et qui relève également de la bioéthique.
C’est la raison pour laquelle je soutiendrai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Monsieur le président Retailleau, permettez-moi de vous dire en toute bienveillance que vous avez fait une démonstration d’analyse marxiste éblouissante ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous considérez que l’infrastructure économique est motrice, fondamentale, et influence les mœurs et le droit, lesquels ne constituent que la superstructure. C’est le cadre marxiste de la pensée historique, vous le savez mieux que moi (Nouveaux rires.), parce que vous la connaissez aussi.
Je ne partage pas cet aspect de la philosophie marxiste,…
M. Philippe Pemezec. Vous êtes un dissident !
M. Pierre Ouzoulias. … ce qui fait peut-être de moi un marxiste hétérodoxe, dans la mesure où, selon moi, il peut y avoir des évolutions de la morale et du droit indépendamment des forces économiques.
C’est ce que nous vivons. Il se produit une transformation majeure de la famille, de la sexualité des femmes et de la façon dont, aujourd’hui, celles-ci conçoivent leur rapport à la maternité, sans que cela relève des contraintes économiques imposées par le libéralisme. Il importe donc de disjoindre ces deux dimensions.
Aujourd’hui, nous devons reconnaître que la société dans laquelle nous vivons a changé.
M. Philippe Pemezec. Non !
M. Pierre Ouzoulias. Il faut que le droit que nous allons voter prenne en compte cette évolution ; à défaut, nous serions terriblement au retard et complètement dépassés par des évolutions que nous ne comprendrions plus.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 2 est supprimé, et les amendements nos 29, 114 rectifié, 129 rectifié, 156, 115 rectifié, 87, 20 rectifié quater, 110 rectifié quater, 18 rectifié bis, 157, 8 rectifié bis, 54 rectifié ter, 109 rectifié quater, 158 rectifié, 19 rectifié ter, 96 et 159 n’ont plus d’objet.
Article 2 bis
(Supprimé)
Mme la présidente. L’amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. H. Leroy et Cuypers, Mme Borchio Fontimp, MM. Regnard et Bouloux, Mme Lopez, M. Cadec, Mmes Noël et Belrhiti, MM. Paccaud et Bascher, Mme Thomas, M. Laménie, Mmes Joseph et Deromedi et MM. Le Rudulier et Meurant, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Dans un délai d’un an après l’entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens nécessaires pour développer une véritable recherche sur les causes de l’infertilité, organiser la prévention et mettre au point de réelles thérapies de restauration de la fertilité.
La parole est à M. Henri Leroy.
M. Henri Leroy. Le projet de loi se consacre principalement à la procréation au détriment de la lutte contre l’infertilité. Ses dispositions font totalement l’impasse sur les recherches visant à prévenir l’infertilité ou à restaurer la fertilité, qui devraient pourtant être prioritaires dans notre pays, où un couple sur dix est confronté à l’infertilité.
Il me paraît donc nécessaire de mettre en œuvre une recherche active sur la restauration de la fertilité proprement dite, afin que l’AMP ne soit pas la seule et unique solution offerte aux couples.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale a parfaitement compris quelles étaient les intentions, tout à fait louables, des auteurs de cet amendement ; pour autant, il s’agit d’une demande de rapport, son avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Sur cet amendement n° 66 rectifié, l’avis est défavorable.
Permettez-moi de saisir l’occasion pour vous dire à quel point je suis abasourdi par ce qui vient de se passer : la suppression de l’article 2 après celle de l’article 1er. C’est un peu le grand chelem, jusqu’à présent !
Je ne sais pas ce qui avance masqué ici ; est-ce la marchandisation ou est-ce une ambition électorale présidentielle ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Henri Leroy. Pas de politique !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne fais pas de politique, je constate seulement que, par rapport au débat que nous avons eu il y a un an, durant lequel nous nous étions mis d’accord, ici,…
M. Philippe Pemezec. Avec qui ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … sur un certain nombre d’avancées sociétales, nous régressons : l’ouverture à la PMA pour toutes les femmes a été rejetée par votre assemblée, dans un silence inversement proportionnel au retentissement que ce vote aura à l’extérieur de ces murs, tant les discussions que nous avons eues aujourd’hui apparaissent comme étant en décalage par rapport à ce que nos concitoyens attendent. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Pas vraiment !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Permettez-moi de m’exprimer ! Je constate que les progrès qui avaient été effectués jusqu’à présent dans le cadre des débats et de la navette parlementaire sont aujourd’hui anéantis, l’avancée que constitue la PMA pour toutes les femmes est aujourd’hui réduite à néant, vous venez de supprimer la possibilité offerte aux personnes, femmes et hommes, de conserver leurs gamètes ; il me semble qu’il est de mon devoir de le souligner, parce que tout cela se fait dans une espèce d’indifférence qui me stupéfie un peu. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI, GEST, SER et CRCE. – Protestations sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Laurent Duplomb. Ce n’est pas un avis !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Benarroche, pour explication de vote.
M. Guy Benarroche. On a bien compris que le Sénat ne veut pas de la PMA pour les femmes seules, non plus que de la PMA post mortem ni, bien entendu, de la prise en charge de la PMA par la sécurité sociale. Pas de PMA, donc.
Dès lors, il serait peut-être intéressant de prendre en compte les causes de l’infertilité, que nous commençons à connaître sérieusement. Considérant l’importance grandissante des influences environnementales sur la fertilité, et au vu de la position du Sénat sur la PMA, que proposez-vous pour combattre l’infertilité ?
Autrement dit, comment combattre la toxicité de certains produits, comme les perturbateurs endocriniens ? Quels textes allons-nous voter à ce sujet ? Allons-nous de nouveau restaurer l’autorisation d’utilisation de produits comme les néonicotinoïdes, en faveur de laquelle vous avez voté ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Pardonnez-moi, mais on connaît très bien les malformations induites par certains produits pharmacologiques, on connaît l’impact de la dégradation de notre environnement sur notre santé et sur la fertilité ! Si vous ne voulez pas de la PMA, au moins, donnons-nous les moyens de lutter à ce niveau. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. J’ai l’impression de pédaler à l’envers. Je lis dans un article du 25 septembre 2018 que le Comité consultatif national d’éthique a rendu un avis favorable à la possibilité de proposer la congélation d’ovocytes à toutes les femmes en vue d’une insémination ultérieure – tout comme les hommes, d’ailleurs, peuvent conserver leur sperme –, car la fertilité féminine chute progressivement à partir de 35 ans. Il s’agit donc d’une des manières de réduire l’infertilité des femmes. Je vous invite à le lire, c’est écrit noir sur blanc !
M. Henri Leroy. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 66 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 2 bis demeure supprimé.
Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation
Article 3
I A. – À la fin du second alinéa de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique, le mot : « thérapeutique » est remplacé par le mot : « médicale ».
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes.
« Ces informations médicales peuvent être actualisées par le donneur de gamètes ou la personne conçue de gamètes issus d’un don auprès des organismes et établissements mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2142-1. »
II. – (Non modifié)
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Elle peut également, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité du tiers donneur, sous réserve du consentement exprès de celui-ci exprimé au moment de la demande qu’elle formule en application de l’article L. 2143-5.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de leurs données non identifiantes dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, elles ne peuvent procéder à ce don.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins en concertation avec le médecin.
« En cas d’opposition à la collecte de ces données, les personnes ne peuvent procéder au don.
« Les tiers donneurs peuvent procéder à la rectification de ces données en cas d’inexactitude ou à l’actualisation des données mentionnées au 4° du présent I.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse au conseil mentionné à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-6. – I. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est chargé :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De traiter les demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du même 3°, en interrogeant les tiers donneurs pour recueillir leur consentement en application de l’article L. 2143-2 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 3° bis (Supprimé)
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 5° bis De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’il est saisi de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité, ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« II et III. – (Supprimés)
« Art. L. 2143-7. – Les manquements des membres du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, à la demande de ce dernier, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités de recueil de l’identité des enfants mentionné au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5. »
« 4° (Supprimé)
III bis. – Le chapitre VII du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article L. 147-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 147-1 A. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est placé auprès des ministres chargés des affaires sociales et de la santé.
« Il comprend deux formations, l’une compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines et l’autre compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
« La formation compétente à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, d’un représentant des conseils départementaux, de trois représentants d’associations de défense des droits des femmes, d’un représentant d’associations de familles adoptives, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.
« La formation compétente à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, de trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la formation.
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article L. 147-1 A, tel qu’il résulte du 1° du présent III bis, est insérée une section 1 intitulée : « Missions à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines » qui comprend les articles L. 147-1 à L. 147-11 ;
3° L’article L. 147-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, au début, les mots : « Un Conseil national » sont remplacés par les mots : « Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles », les mots : « , placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, » sont supprimés et, à la fin, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à la présente section » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° À l’article L. 147-11, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
5° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Missions à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur » qui comprend un article L. 147-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 147-12. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles exerce les missions qui lui sont confiées dans le cadre du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
IV. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Au second alinéa de l’article 16-8, le mot : « thérapeutique » est remplacé par le mot : « médicale » ;
2° Après le même article 16-8, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. – (Non modifié)
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour toute tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité par ces mêmes personnes. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 dudit code, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard l’avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à la communication de leurs données non identifiantes aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 du code de la santé publique, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date mentionnée au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – Le conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer au conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celui-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VIII. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je souhaite expliciter le travail qui a été fait par la commission sur cet article concernant la levée de l’anonymat du donneur de gamètes.
Dans le projet de loi a été intégrée une levée automatique de l’anonymat du donneur de gamètes aux 18 ans de l’enfant issu du don. La commission spéciale a modifié ce dispositif, ainsi que nous l’avions adopté en première lecture, pour prendre en compte divers intérêts.
Il s’agit tout d’abord de l’intérêt du donneur de gamètes, dont je rappelle qu’il aura réalisé un geste altruiste et non rémunéré, comme chacun sait, mais aussi de l’intérêt de l’enfant qui va naître de ce don.
Environ 70 000 personnes sont nées en France d’un don de gamètes ; elles ne se manifestent pas toutes, mais un certain nombre d’associations militent pour lever l’anonymat du donneur afin que ces personnes puissent avoir accès à leurs origines. D’autres militent également en sens inverse, mais, en tout état de cause, la demande existe et il faut éventuellement pouvoir y accéder.
Enfin, le troisième intérêt en jeu est l’intérêt général, puisque le texte qui nous est proposé ici, dont nous verrons dans quel état il sortira de la navette parlementaire, contient concomitamment une extension de la possibilité de l’AMP, donc une demande supplémentaire de gamètes, et une levée de l’anonymat, laquelle, dans d’autres pays, a entraîné, au moins momentanément, une chute des dons. Nous connaîtrons donc vraisemblablement une telle situation au moment où la demande sera accrue.
Il importe de concilier l’ensemble de ces intérêts. À cette fin, nous avons mis en place un système de levée de l’anonymat articulé de la façon suivante : l’enfant né du don peut, à ses 18 ans, demander à connaître l’identité du donneur ; celui-ci est alors contacté par un organisme qui existe déjà, le Conseil national d’accès aux origines personnelles (Cnaop), et qui est actuellement chargé de la recherche des mères ayant accouché sous X ; le Cnaop demande l’accord du donneur, une discussion s’instaure, dont l’issue déterminera si l’enfant pourra ou non – il faut le dire – connaître l’identité du donneur.
En procédant ainsi, on respecte, me semble-t-il, les intérêts que j’ai énoncés en préambule. Je précise que, ainsi que vous vous en souviendrez sans doute, nous avons souhaité que ce processus puisse bénéficier à l’ensemble des enfants nés du don, y compris à ceux qui sont nés antérieurement à la promulgation de cette loi.
Tels sont les points que je souhaitais rappeler avant que la discussion s’engage sur d’éventuelles modifications.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 131 rectifié, présenté par MM. Salmon et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dossus, Fernique et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi et Mmes Poncet Monge et Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes. »
« Ces informations médicales peuvent être actualisées par le donneur de gamètes ou la personne conçue de gamètes issus d’un don auprès des organismes et établissements mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2142-1. »
II. - (Non modifié)
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don. Le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ces données et de son identité.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° Leur état général tel qu’elles le décrivent au moment du don ;
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur ainsi que l’identité de la personne ou du couple receveur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons ainsi que l’identité des personnes ou des couples receveurs sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Ces données permettent également à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives aux dons de gamètes prévues à l’article L. 1244-4.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-5-1 A. – Tous les bénéficiaires d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peuvent obtenir des données non identifiantes concernant le donneur après la naissance de l’enfant issu du don, s’ils en effectuent la demande auprès de la commission prévue à l’article L. 2143-6. Ces données non identifiantes sont définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2143-6. – I. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 3° bis De communiquer aux parents les informations mentionnées à l’article L. 2143-5-1 A ;
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes et à leur identité ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine, qui les conserve conformément au même article L. 2143-4 ;
« 5° bis De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’elle est saisie de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« Art. L. 2143-7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 à la commission, à la demande de cette dernière, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités du recueil de l’identité des enfants prévu au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6. »
III bis. – L’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
IV. – Après l’article 16-8 du code civil, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. - (Non modifié)
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces mêmes personnes.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des dispositions du présent article. Ce rapport porte notamment sur les conséquences de la reconnaissance de nouveaux droits aux enfants nés d’une assistance médicale à la procréation sur le nombre de dons de gamètes et d’embryons, sur l’évolution des profils des donneurs ainsi que sur l’efficacité des modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs.
La parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Les auteurs de cet amendement, en désaccord avec les arguments que vient de présenter Mme la rapporteure, souhaitent revenir à la philosophie initiale de l’article 3, en rétablissant l’accès à l’identité du donneur pour les personnes majeures nées d’un don.
Les travaux menés dans le cadre de l’examen de ce texte l’ont démontré, connaître l’identité de leur donneur est bénéfique à la construction, au développement et à l’épanouissement de certains des enfants concernés. Nous souhaitons respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales.
Cet amendement tend également à prévoir que le donneur doit consentir avant le don à l’accès à ces données non identifiantes et à son identité.
Comme vous le savez, la commission spéciale a adopté un amendement tendant à prévoir le recueil du consentement du donneur lors de la demande d’accès à son identité par une personne majeure issue de son don.
Une telle option n’exclut pas un éventuel refus du donneur et apparaît donc d’emblée comme inégalitaire, car elle tend à créer deux catégories différentes : les enfants qui auraient le droit de connaître leurs origines et ceux qui ne l’auraient pas en raison du refus du donneur. Ce dispositif serait délétère pour une grande partie des enfants qui se verraient refuser l’accès à ces données.
Les anciens donneurs, qui ne seraient pas sollicités, pourraient se manifester de leur propre initiative auprès de la commission d’accès aux données s’ils étaient favorables à la communication de leur identité aux personnes nées de leur don qui en feraient la demande.
Enfin, cet amendement vise à supprimer le consentement du conjoint lors d’un don de gamètes et, par extension, lors d’une demande d’accès à l’identité du donneur. Donner ses gamètes est une décision purement individuelle qui est du ressort de la sphère privée.
Mme la présidente. L’amendement n° 116 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Fialaire, Artano, Bilhac et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Gold, Guérini, Guiol, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes. »
II. - (Non modifié)
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don. Le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ces données et de son identité.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° Leur état général tel qu’elles le décrivent au moment du don ;
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur ainsi que l’identité de la personne ou du couple receveur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons ainsi que l’identité des personnes ou des couples receveurs sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Ces données permettent également à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives aux dons de gamètes prévues à l’article L. 1244-4.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-5-1 A. – Tous les bénéficiaires d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peuvent obtenir des données non identifiantes concernant le donneur après la naissance de l’enfant issu du don, s’ils en effectuent la demande auprès de la commission prévue à l’article L. 2143-6. Ces données non identifiantes sont définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 2143-6. – I. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 3° bis De communiquer aux parents les informations mentionnées à l’article L. 2143-5-1 A ;
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes et à leur identité ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine, qui les conserve conformément au même article L. 2143-4 ;
« 5° bis De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’elle est saisie de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« Art. L. 2143-7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 à la commission, à la demande de cette dernière, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités du recueil de l’identité des enfants prévu au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6. »
III bis. – L’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
IV. – Après l’article 16-8 du code civil, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. - (Non modifié)
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces mêmes personnes.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VIII. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des dispositions du présent article. Ce rapport porte notamment sur les conséquences de la reconnaissance de nouveaux droits aux enfants nés d’une assistance médicale à la procréation sur le nombre de dons de gamètes et d’embryons, sur l’évolution des profils des donneurs ainsi que sur l’efficacité des modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement vise à rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, toujours dans l’intérêt de l’enfant.
Le dispositif adopté par la commission spéciale nous semble en effet créer une rupture d’égalité entre les enfants qui vont naître d’un don : le donneur serait consulté au moment de la demande de communication de son identité et il pourrait s’y opposer. La commission spéciale estime ainsi que l’arrivée dans son univers d’un enfant issu d’un don dix-huit, vingt ou vingt-cinq ans après son geste altruiste pourrait, dans certains cas, troubler sa vie privée.
Pourtant, si nous nous plaçons du point de vue de l’enfant, cette solution n’apparaît pas comme étant de nature à lui apporter les réponses nécessaires à un bon développement.
Le fait que le donneur puisse refuser l’accès à ces données, dix-huit ans plus tard, met les enfants dans l’incertitude la plus totale et crée une inégalité de fait : certains auront accès à leurs origines, d’autres non.
L’amendement tend donc à ouvrir la possibilité aux bénéficiaires d’une PMA avec tiers donneur d’accéder aux données non identifiantes du donneur.
Mme la présidente. L’amendement n° 28 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes. »
II. - (Non modifié)
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité et aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, ces personnes ne peuvent procéder à ce don. Le décès du tiers donneur est sans incidence sur la communication de ces données et de son identité.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° Leur état général tel qu’elles le décrivent au moment du don ;
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur ainsi que l’identité de la personne ou du couple receveur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons ainsi que l’identité des personnes ou des couples receveurs sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Ces données permettent également à l’Agence de la biomédecine de s’assurer du respect des dispositions relatives aux dons de gamètes prévues à l’article L. 1244-4.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-6. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes et à leur identité ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine, qui les conserve conformément au même article L. 2143-4 ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« Les données relatives aux demandes mentionnées à l’article L. 2143-5 sont conservées par la commission dans un traitement de données dont elle est responsable, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Art. L. 2143-7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 à la commission, à la demande de cette dernière, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités du recueil de l’identité des enfants prévu au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6. »
III bis. – L’article L. 147-2 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
IV. – Après l’article 16-8 du code civil, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. - (Non modifié)
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour une tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes et à la communication de leur identité en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande par ces mêmes personnes.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard l’avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer à la commission mentionnée à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2025, un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre des dispositions du présent article. Ce rapport porte notamment sur les conséquences de la reconnaissance de nouveaux droits aux enfants nés d’une assistance médicale à la procréation sur le nombre de dons de gamètes et d’embryons, sur l’évolution des profils des donneurs ainsi que sur l’efficacité des modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité des tiers donneurs.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir la rédaction issue de la deuxième lecture du projet de loi à l’Assemblée nationale, tout en procédant à quelques aménagements tendant à respecter l’esprit du projet initial à trois égards. Je reviendrai sur certains éléments apportés par Mme la rapporteure, avec lesquels nous sommes en désaccord.
Tout d’abord, cet amendement vise à supprimer l’accès des bénéficiaires d’AMP aux données non identifiantes du tiers donneur. En effet, certains bénéficiaires d’AMP devenus parents souhaitent accéder à ces données, notamment pour informer l’enfant qu’il est issu d’un don. Tout échange d’informations entre donneurs et bénéficiaires du don créerait, selon nous, une brèche dans le respect du principe de l’anonymat du don, dont vous savez qu’il est fondamental en bioéthique.
En outre, nous devons tenir compte de certains cas de figure : il peut exister des familles dont la situation est complexe et conflictuelle.
Certains enfants peuvent se trouver dans une position de vulnérabilité : il est nécessaire de garantir leur protection, en ne confiant pas aux parents un droit propre à l’enfant et qui doit lui rester attaché.
Ensuite, notre amendement vise à supprimer la possibilité de recontacter d’anciens donneurs par la commission ad hoc. En effet, les personnes ayant procédé à un don jusqu’à ce jour l’ont fait avec l’assurance, donnée à l’époque, que leur anonymat serait préservé.
Le projet de loi permet aux enfants conçus par AMP avec tiers donneur d’accéder, à leur majorité, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du tiers donneur. Cependant, cette mesure ne saurait être rétroactive : c’est une question de confiance et de stabilité de la règle juridique. Toutefois, le texte modifié permettra aux anciens donneurs de se manifester spontanément, s’ils le souhaitent, auprès de la commission ad hoc, afin de consentir à la communication de leurs données et de leur identité aux enfants issus de leur don. C’est la solution qui nous paraît la moins intrusive et la plus respectueuse de la vie privée de chacun, ainsi que de la parole donnée au moment du vote de la loi. Cet équilibre permet de ne pas porter atteinte au lien de confiance établi entre les donneurs et les médecins à l’époque.
À propos de cette commission ad hoc, il y a désaccord entre le Gouvernement et, peut-être le Sénat, en tout cas la commission spéciale.
Le projet de loi initial prévoit une commission attachée à l’Agence de la biomédecine. Nous n’entendons pas confier cette responsabilité au Cnaop : d’abord, parce que l’identité des enfants nés sous le secret et les origines des enfants nés d’un don sont deux questions bien différentes, correspondant à deux histoires différentes ; ensuite, parce que je ne suis pas certain que cette instance souhaite endosser cette responsabilité nouvelle, au moment où elle est confrontée aux premiers enfants nés sous le secret sous le régime de la loi de 2002, qui, arrivés à la majorité, demandent accès à leur dossier. Avez-vous interrogé le Cnaop à cet égard ? Pour avoir des contacts avec ses responsables, je ne suis pas convaincu qu’ils considèrent cette solution comme la meilleure.
En outre, il est nécessaire de compléter le dispositif pour nous assurer de l’efficacité du travail de la commission créée par ces dispositions. C’est pourquoi nous proposons la création d’un traitement de données en ce qui concerne les demandes d’accès formulées par les enfants issus de dons et les réponses apportées à ces demandes, ainsi que la manifestation des anciens donneurs.
Enfin, l’amendement vise à remédier à une incohérence de dates dans les dispositions d’entrée en vigueur, pour les rendre applicables.
Si cet amendement n’était pas adopté, nous serions favorables à celui de Mme Guillotin. En effet, il peut être délétère de laisser penser à un enfant pendant dix-huit ans qu’il pourra avoir accès à ses origines, pour qu’il voie finalement la porte se refermer, parce qu’on a redemandé l’avis du donneur.
L’autorisation de communiquer son identité doit être donnée au moment du don, une fois pour toutes. À défaut, vous risqueriez de créer, comme il a été fort bien expliqué, une inégalité entre les enfants, certains pouvant accéder à leurs origines, d’autres non. Par ailleurs, vous risqueriez de susciter chez certains enfants un espoir finalement déçu à l’âge de 18 ans, ce qui peut être extrêmement dommageable sur le plan de la construction de l’identité.
Voilà pourquoi nous nous opposons au principe de double consentement du donneur pour l’accès aux origines. Je le répète, le consentement doit être donné une fois pour toutes, au moment du don. C’est la promesse, simple, que nous devons faire aux enfants.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit passé de quatre minutes. Je vous propose de prolonger nos travaux jusqu’à zéro heure trente au plus tard, afin d’aller plus avant dans l’examen de l’article 3.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces amendements en discussion commune ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Comme vous l’aurez certainement subodoré, la commission spéciale est défavorable à l’ensemble de ces amendements, contraires à sa position.
Y a-t-il un système parfait en la matière ? Je n’en suis pas sûre.
Nous envisageons d’introduire une inégalité entre les enfants qui pourront accéder à leurs origines et ceux qui ne le pourront pas, parce que le donneur y sera hostile. Certes, mais il serait tout aussi inégalitaire, avec le système défendu par le Gouvernement, que des enfants puissent y accéder après l’entrée en vigueur de la loi, quand d’autres, nés avant, ne le pourraient pas. L’inégalité, de toute façon, sera inhérente au système mis en place. Celui que la commission spéciale propose permettrait à tous les enfants nés du don de bénéficier, de la même façon, d’un système de recherche, confié, en effet, au Cnaop.
Le Cnaop fait-il exactement la même chose ? En tout cas, il fait quelque chose qui est assez proche : il recherche des femmes ayant accouché sous X. Le Cnaop est-il d’accord pour que cette nouvelle mission lui soit confiée ? La réponse est non. Nous l’avons entendue, mais je ne suis pas sûre que le Cnaop ait droit à l’autodétermination sur les tâches qui doivent lui être confiées. Il me semble que c’est au législateur d’en décider ! De surcroît, cette instance me paraît parfaitement armée pour faire face à ce travail – car cela restera un travail de mettre en contact les enfants nés du don et les donneurs.
Il ne me paraît pas plus raisonnable pour la construction de l’enfant de lui confier un nom, sur lequel il pourra assez rapidement, grâce à internet, mettre un visage, peut-être une adresse, avant de venir tout simplement sonner à une porte. Ce ne sera pas plus facile pour l’enfant, ni pour le donneur qui, après dix-huit ans au moins, mais peut-être vingt, vingt-cinq ou trente, verra quelqu’un sonner à sa porte et l’entendra lui dire : bonjour, je suis ton enfant…
Il est assez raisonnable de prévoir un système dans lequel une mise en relation est organisée, permettant à l’un comme à l’autre d’entrer en contact dans les meilleures conditions psychologiques possible – car, de fait, ce contact ne sera pas anodin.
La commission spéciale propose donc au Sénat de maintenir le système qu’il a adopté en première lecture.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai compris que vous étiez favorable à l’amendement n° 116 rectifié. Mais qu’en est-il de l’amendement n° 131 rectifié ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. J’invite le Sénat à adopter l’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement ou, à défaut, les deux autres, auxquels nous sommes favorables.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Sur ce sujet grave, chacun cherche la meilleure solution.
Nous savons qu’un grand nombre d’enfants naissent chaque année sans connaître leurs origines. Nous avons mesuré, lors des auditions organisées en prévision de l’examen de ce texte, la souffrance de ceux qui n’arrivent pas à identifier leur chemin, leur parcours, leurs origines. Nous avons compris comment s’est construite peu à peu cette attente de connaître l’identité du donneur.
Nous parlons beaucoup, depuis le début de cette discussion, de l’intérêt de l’enfant. Sur ce sujet, je pense que nous devons l’avoir vraiment à l’esprit. C’est en ce sens que des amendements ont été déposés par différents groupes et le Gouvernement, pour permettre à l’enfant d’accéder à l’identité du donneur.
La question de l’âge se pose : faut-il attendre la majorité de l’enfant pour demander au donneur s’il consent à révéler son identité ? La réponse pouvant ne pas être favorable, le risque a été soulevé d’une disparité entre les enfants. On peut parler aussi de la difficulté de retrouver le donneur : Mme la rapporteure ne s’est pas étendue sur les motifs pour lesquels le Cnaop refuse a priori cette mission, mais, de manière assez intuitive, on peut imaginer qu’il sera difficile de retrouver, après dix-huit ou vingt ans, la trace du donneur initial.
Prévoir que le donneur donne son autorisation au moment du don est évidemment la solution la plus simple. Certains ont craint qu’elle puisse réduire le nombre de donneurs. Il se trouve que, dans les pays qui ont déjà mis en place ce mécanisme, après un fléchissement, il n’y a pas eu d’effet négatif sur le nombre de donneurs.
Dans ces conditions, mon groupe votera l’amendement n° 116 rectifié, ainsi que l’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement. Nous avons déposé d’autres amendements sur le même thème, dont Yannick Vaugrenard est le premier signataire. Il est très important, du point de vue de l’intérêt de l’enfant, de lui permettre enfin de lever ce voile d’obscurité sur ses origines : dans le cadre d’un parcours déjà particulier, cette mesure lui évitera des difficultés de construction à l’âge adulte.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 160, présenté par M. Vaugrenard, Mmes de La Gontrie et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, MM. Cozic et Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou, Michau, Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après le mot :
identifiantes
insérer les mots :
et à l’identité
2° Supprimer les mots :
définies à l’article L. 2143-3
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
III. Alinéa 13, première phrase
1° Remplacer les mots :
de leurs données non identifiantes
par les mots :
de ces données et de leur identité
2° Supprimer les mots :
du présent article
IV. – Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Beaucoup a déjà été dit sur le besoin des enfants issus d’un don de gamètes de connaître d’où ils viennent, qui est le donneur. Comme il vient d’être expliqué, nous nous sommes rendu compte, à la faveur des différentes auditions, que la demande est extrêmement forte et que, psychologiquement, il est nécessaire pour les enfants d’avoir ces informations, de savoir d’où ils viennent.
Le fait que le donneur ait pleinement conscience dès l’origine, avant même le don, que l’enfant qui naîtra de son don aura la possibilité de connaître son identité n’entraîne pas, madame la rapporteure, de baisse du nombre de donneurs. Les pays où cela se pratique montrent que cette baisse, si elle existe, n’est que momentanée ; les dons augmentent ensuite notablement.
L’intérêt de l’enfant doit primer, et, pour être efficace, il faut essayer de faire simple. Dans cet esprit, le présent amendement vise à permettre à l’enfant né d’un don de connaître ses origines, sans distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et les modalités d’accès à l’identité même du donneur. Il s’agit ainsi de revenir à la philosophie initiale de l’article 3 adopté par l’Assemblée nationale en première lecture : considérer l’accès aux origines comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées d’un don. Sur cette question comme sur d’autres abordées ce soir, nous devons être très attentifs aux droits de l’enfant.
Mme la présidente. L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert, Mizzon, Chatillon, Cuypers, S. Demilly, Meurant, Laménie et Bouloux, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Je propose de supprimer l’alinéa 12 de l’article 3, qui permet la communication de l’identité du tiers donneur à la majorité de l’enfant conçu par assistance médicale à la procréation. En effet, cette communication bouleverserait complètement l’édifice normatif construit en 1994. La conception qui sous-tend celui-ci, constitutive du modèle français en matière de bioéthique, permet à ce jour d’offrir à l’enfant conçu par le recours à la PMA une filiation crédible : il peut se représenter comme étant effectivement issu de ceux que la loi désigne comme son père et sa mère.
De plus, cette novation me paraît soulever toute une série de difficultés.
D’abord, elle risque de dissuader les donneurs potentiels, puisque les informations relatives à leur identité seront conservées, a minima, jusqu’à la demande d’accès de l’enfant, à partir de sa majorité. Je ne suis pas sûr que les donneurs soient d’accord avec cela : leur situation peut évoluer – par exemple, ils peuvent se marier –, et je ne suis pas du tout persuadé qu’ils souhaitent voir conservée leur identité pendant dix-huit ans – au moins.
À moyen terme, nous risquons aussi d’assister à une remise en cause du principe énoncé à l’article 311-19 du code civil : « En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation. Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur. » Je ne suis pas sûr que, demain, la responsabilité d’un donneur ne soit pas recherchée…
Ensuite, la communication de l’identité du donneur comporte un risque d’intrusion dans la vie privée et personnelle du donneur plusieurs années après le don, avec le risque évident de perturber l’éventuelle nouvelle vie familiale du donneur, voire la vie de ses enfants, s’il en a.
Ajoutons à cela le risque de marchandisation des gamètes : celui qui accepte la communication de son identité pourrait demander une rémunération plus élevée que celui qui la refuse.
Avec la rupture d’égalité entre enfants nés de la PMA, cela fait beaucoup de raisons de maintenir le principe de la communication de données non identifiantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ces deux amendements vont à l’opposé l’un de l’autre : le premier vise à instaurer une communication automatique des données identifiantes et de l’identité du donneur à l’enfant qui en fait la demande, tandis que le second tend à interdire toute communication.
La position de la commission spéciale est intermédiaire : elle partage un certain nombre de craintes exprimées par M. le sénateur Reichardt et a tenté d’y répondre en ne prévoyant pas, précisément, l’automaticité de la communication, mais une mise en relation potentielle de l’enfant, qui peut demander la levée de l’anonymat, et du donneur, qui peut s’opposer à celle-ci ou y être préparé par cette mise en relation.
Je suggère que nous conservions l’équilibre trouvé par la commission spéciale sur la communication de l’identité du donneur : avis défavorable sur les deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable sur l’amendement n° 70 rectifié.
L’amendement n° 28 rectifié du Gouvernement n’ayant pas été adopté, nous sommes favorables à l’amendement n° 160, qui tend, comme il a été dit, à rétablir l’esprit de notre texte initial.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 83 est présenté par Mme Cohen, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 161 est présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :
« 2° Leur état général et leurs antécédents médicaux ainsi que ceux de leurs proches parents, tels qu’elles les décrivent ;
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour présenter l’amendement n° 83.
Mme Laurence Cohen. L’article 3, qui garantit un accès aux origines personnelles dès la majorité, marque un progrès, que nous souhaitons compléter en précisant que, lors du recueil, les antécédents médicaux du donneur ou de ses proches parents sont également renseignés. Cette information ne remet pas en cause l’équilibre de l’article, mais vise à mieux prévenir les risques de maladies.
Selon l’Institut national du cancer, près de 20 % à 30 % des cancers du sein se manifestent chez des femmes ayant des antécédents familiaux de cancers, dont des cancers du sein. De manière générale, les études montrent que, lorsqu’une parente au premier degré a déjà eu un cancer du sein, le risque d’être atteinte de ce type de cancer est environ deux fois plus élevé. De même, les antécédents familiaux de maladies cardiaques précoces sont des facteurs de risque pour les patientes et les patients.
Il paraît donc indispensable que les enfants nés par tiers donneur puissent connaître les antécédents familiaux de facteurs de risque.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour présenter l’amendement n° 161.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les candidats au don doivent présenter un bon état de santé général et font l’objet d’examens conduisant au rejet d’environ un candidat sur deux. L’examen est si drastique que les enfants nés du don ont un risque moindre que les autres de souffrir de pathologies héréditaires.
De surcroît, la mesure proposée me paraît introduire une confusion avec des informations médicales, dont je rappelle qu’elles sont accessibles non pas aux enfants et aux parents, mais aux médecins, pendant la minorité de l’enfant, pour permettre une prise en charge médicale correcte de celui-ci.
L’avis est donc défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Comme l’a expliqué Mme Cohen, les antécédents médicaux sont très importants. Je voterai ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.
Mme Victoire Jasmin. La recherche en oncogénétique progresse et permet de plus en plus d’apporter des solutions préventives – en fonction du type de cancer, de l’âge et d’autres critères. Il en va de même pour les pathologies cardiaques. Voilà tout juste une semaine, à La Martinique, un jeune homme est mort lors d’un cours d’éducation physique…
Mme la rapporteure a insisté sur un certain nombre de généralités, mais il faut aussi tenir compte de ces particularités.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83 et 161.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Guerriau et Médevielle, Mme Paoli-Gagin, MM. A. Marc et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Menonville, Klinger, Houpert et Détraigne, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer les mots :
et professionnelle
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement vise à exclure de la communication à l’enfant la situation professionnelle du donneur dans le cadre d’une demande de transmission des données non identifiantes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je reconnais que c’est un point dont on peut discuter. Néanmoins, la commission spéciale a émis un avis défavorable, estimant qu’il faut donner une certaine substance aux informations non identifiantes communiquées.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La situation professionnelle du donneur participe, parmi d’autres éléments, à la connaissance de son contexte de vie. La connaître peut s’avérer utile pour certaines personnes nées de don dans la construction de leur récit identitaire : avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 162, présenté par Mmes de La Gontrie et Jasmin, MM. Jomier et Vaugrenard, Mme Meunier, M. Leconte, Mme Rossignol, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline et J. Bigot, Mmes Blatrix Contat et Bonnefoy, MM. Bouad et Bourgi, Mme Briquet, M. Cardon, Mmes Carlotti, Conconne et Conway-Mouret, MM. Cozic, Dagbert, Devinaz, Durain et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mme Féret, M. Fichet, Mme M. Filleul, M. Gillé, Mme Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin, Jeansannetas et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Kanner et Kerrouche, Mmes Le Houerou et Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Marie, Mérillou et Michau, Mme Monier, MM. Montaugé et Pla, Mmes Poumirol et Préville, MM. Raynal et Redon-Sarrazy, Mme S. Robert, MM. Roger, Stanzione, Sueur, Temal, Tissot, Todeschini, M. Vallet et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 7° Tout autre élément ou information qu’il souhaiterait laisser.
La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Nous proposons de ne pas restreindre la liste des informations que les intéressés pourraient estimer utile de laisser, en prévoyant un alinéa qui ouvre la possibilité de communiquer tout autre élément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est proposé de rapprocher quelque peu la situation du donneur de gamètes de celle de la femme qui accouche sous X. Celle-ci peut, en effet, laisser des objets ou toute information dans un dossier à destination de son enfant.
En réalité, je ne suis pas sûre qu’on puisse comparer les deux situations : la femme qui accouche a évidemment une relation tout à fait différente avec l’enfant que le donneur de gamètes, qui, dans le cadre d’un don, n’a pas de lien avec l’enfant. Pour le docteur Jousselme, pédopsychiatre, « le donneur doit rester un simple facilitateur ».
Je pense qu’il ne serait pas tout à fait raisonnable de rapprocher à ce point les deux situations : avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
Par ailleurs, je ne désespère pas que, in fine, l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur soit un droit pour tous les enfants, que l’égalité soit assurée en la matière et que chacun puisse mener à bien sa construction identitaire. La disposition proposée perdra alors de sa portée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de La Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Puisqu’on permet au donneur de laisser des éléments sur sa situation familiale et professionnelle, les motivations de son don et son pays de naissance, entre autres informations, en quoi serait-il excessif de lui laisser une marge d’appréciation ? Je trouve l’argumentation de la rapporteure quelque peu spécieuse…
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons examiné 75 amendements au cours de la journée ; il en reste 92.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
7
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 3 février 2021 :
À quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures trente et le soir :
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur la politique en faveur de l’égalité des chances et de l’émancipation de la jeunesse ;
Désignation des vingt-trois membres de la mission d’information sur l’enseignement agricole, outil indispensable au cœur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires ;
Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 281 rectifié, 2020-2021).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 3 février 2021, à zéro heure trente.)
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
le Chef de publication
ÉTIENNE BOULENGER