Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Cuypers, Regnard et Cadec, Mmes Noël et Belrhiti, MM. Paccaud et Bascher, Mme Thomas, M. Laménie, Mmes Joseph et Deromedi et MM. Frassa, Le Rudulier et Meurant, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 16 et 25
1° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
2° Remplacer le montant :
30 000 euros
par le montant :
60 000 euros
II. - Alinéa 21
1° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
2° Remplacer le montant :
30 0000 euros
par le montant :
60 000 euros
La parole est à M. Pierre Cuypers.
M. Pierre Cuypers. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. L’amendement n° 58 rectifié, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Alinéa 16
1° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
2° Remplacer le montant :
30 000 euros
par le montant :
60 000 euros
L’amendement n° 59, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :
Alinéa 25
1° Remplacer le mot :
deux
par le mot :
quatre
2° Remplacer le montant :
30 000 euros
par le montant :
60 000 euros
Ces deux amendements ont été précédemment défendus.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Ces amendements ont le même objet que les précédents : doubler les peines encourues en cas d’infraction à la réglementation relative aux recherches sur les cellules souches embryonnaires et pluripotentes induites.
Ce doublement, je le répète, peut servir d’avertissement à l’égard de ceux qui voudraient s’aventurer dans des recherches illégales.
L’adoption de l’amendement n° 69 rectifié bis déclinerait le doublement des peines à tous les endroits nécessaires du code pénal. Elle rendrait sans objet les deux autres amendements.
La commission spéciale a émis un avis favorable sur les trois amendements, en marquant une préférence pour le premier, plus complet et dont l’adoption satisferait les autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je retire mes deux amendements au profit de l’amendement n° 69 rectifié bis.
Mme la présidente. Les amendements nos 58 rectifié et 59 sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 69 rectifié bis.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 15, modifié.
(L’article 15 est adopté.)
Article 16
(Non modifié)
I. – L’article L. 2141-4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-4. – I. – Les deux membres du couple ou la femme non mariée dont des embryons sont conservés sont consultés chaque année sur le point de savoir s’ils maintiennent leur projet parental. S’ils confirment par écrit le maintien de leur projet parental, la conservation de leurs embryons est poursuivie.
« II. – S’ils n’ont plus de projet parental, les deux membres du couple ou la femme non mariée consentent par écrit :
« 1° À ce que leurs embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme dans les conditions fixées aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6 ;
« 2° À ce que leurs embryons fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 ou, dans les conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie, à ce que les cellules dérivées à partir de ces embryons entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante à des fins exclusivement thérapeutiques ;
« 3° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de leurs embryons.
« Dans tous les cas, ce consentement par écrit est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement mentionné au premier alinéa du présent II. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Dans le cas mentionné au 2°, le consentement des deux membres du couple ou de la femme non mariée est révocable tant qu’il n’y a pas eu d’intervention sur l’embryon dans le cadre de la recherche.
« II bis. – À l’occasion de la consultation annuelle mentionnée au I, les deux membres du couple précisent si, en cas de décès de l’un d’eux, ils consentent à l’une des possibilités du devenir des embryons conservés prévues aux 1° ou 2° du II.
« En cas de décès de l’un des membres du couple, le membre survivant est consulté, le cas échéant, sur le point de savoir s’il maintient son consentement aux possibilités prévues aux mêmes 1° ou 2°, après l’expiration d’un délai d’un an à compter du décès, sauf initiative anticipée de sa part. Si le membre survivant révoque son consentement, il est mis fin à la conservation des embryons.
« III. – Dans le cas où l’un des deux membres du couple ou la femme non mariée, consultés annuellement à au moins deux reprises, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’État, ne répondent pas sur le point de savoir s’ils maintiennent ou non leur projet parental, il est mis fin à la conservation des embryons si la durée de celle-ci est au moins égale à cinq ans. Il en est de même en cas de désaccord des membres du couple sur le maintien du projet parental ou sur le devenir des embryons. Il en est de même en cas de révocation par écrit du consentement prévue en application de l’avant-dernier alinéa du II.
« IV. – Lorsque les deux membres du couple ou la femme non mariée ont consenti, dans les conditions prévues aux articles L. 2141-5 et L. 2141-6, à l’accueil de leurs embryons et que ceux-ci n’ont pas été accueillis dans un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été confirmé, il est mis fin à la conservation de ces embryons à l’issue de ce délai.
« V. – Lorsque les deux membres du couple ou la femme non mariée ont consenti à ce que leurs embryons fassent l’objet d’une recherche autorisée dans les conditions prévues à l’article L. 2151-5 et que ceux-ci n’ont pas été inclus dans un protocole de recherche à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du jour où ce consentement a été confirmé, il est mis fin à la conservation de ces embryons à l’issue de ce délai.
« VI. – En cas de décès des deux membres du couple, de l’un de ses membres ou de la femme non mariée en l’absence des consentements prévus aux 1° et 2° du II du présent article, il est mis fin à la conservation de leurs embryons. »
II. – Il est mis fin à la conservation des embryons donnés à la recherche en application du 2° du II de l’article L. 2141-4 du code de la santé publique dans sa rédaction antérieure à la présente loi et conservés depuis plus de cinq ans à la date de publication de la présente loi, sauf à ce que ces embryons présentent un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un stade précoce de leur développement.
Avant de mettre en œuvre les dispositions du premier alinéa du présent II, les établissements autorisés au titre de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique qui conservent des embryons susceptibles de présenter un intérêt particulier pour la recherche en raison de leur conservation à un stade précoce de leur développement en font la déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine. L’agence se prononce sur la poursuite de la conservation en application du premier alinéa du présent II.
III. – (Non modifié)
Mme la présidente. L’amendement n° 146, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Cet amendement vise à supprimer l’article 16.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Cet amendement vise à revenir sur l’introduction dans le projet de loi d’un délai limite, fixé à cinq ans, pour la conservation des embryons cédés à la recherche qui n’auraient pas été inclus dans un protocole de recherche.
Le droit en vigueur prévoit une limite de conservation pour les seuls embryons congelés dans le cadre d’un projet parental, ainsi que pour les embryons cédés pour l’accueil par un autre couple que celui dont ils sont issus.
La commission spéciale est hostile à la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert et Mizzon, Mme Muller-Bronn et MM. Chatillon, Cuypers, Meurant, Laménie et Chevrollier, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer les mots :
, dans les conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie,
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. L’alinéa 5 de l’article 16 prévoit que, lorsqu’il n’y a plus de projet parental, les embryons peuvent être donnés à la recherche. Le couple consent alors à la destruction de son embryon à des fins de recherche, dans le cadre d’un protocole autorisé.
Cet alinéa visant le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, les embryons humains pourraient être utilisés dans le cadre de recherches biomédicales en AMP. Or ce régime de recherches en AMP est très clair : il prévoit la manipulation des gamètes ou de l’embryon humain, avant ou après son transfert, à des fins de gestation.
Il y a là, à mon sens, une contradiction majeure : si un embryon humain ne fait plus l’objet d’un projet parental, il ne saurait servir à des recherches biomédicales en AMP, puisqu’il n’est pas voué à être implanté. Je propose donc de supprimer la référence au titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Mon cher collègue, vos craintes ne sont pas fondées, l’article 16 ne prévoyant pas l’utilisation des embryons qui ne font plus l’objet d’un projet parental à des fins de recherche dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.
L’article se borne à maintenir une modalité autorisée par le droit en vigueur : la possibilité d’utiliser ces embryons cédés à la recherche, avec l’accord des membres du couple, pour que des cellules dérivées entrent dans une préparation de thérapie cellulaire ou un médicament de thérapie innovante, à des fins exclusivement thérapeutiques.
La référence aux conditions fixées par le titre II du livre Ier de la première partie du code de la santé publique vise uniquement à rappeler que cette démarche doit respecter les conditions applicables aux recherches biomédicales, soit l’avis favorable d’un comité de protection des personnes et l’autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.
Dans ces conditions, l’avis est défavorable sur votre amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Reichardt. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 73 rectifié est retiré.
L’amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Frassa, Houpert et Mizzon, Mme Muller-Bronn et MM. Chatillon, Cuypers, S. Demilly, Meurant, Laménie, Chevrollier, Bouloux et Le Rudulier, est ainsi libellé :
Alinéas 9 et 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. J’ai expliqué hier, lors de l’examen de l’article 1er, les nombreuses raisons pour lesquelles je suis, à titre personnel, très hostile à la PMA post mortem. Je ne les développerai pas de nouveau, mais j’invite le Sénat à supprimer la déclaration anticipée des deux membres du couple en cas de décès, qui ouvre la voie à cette PMA post mortem.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Corinne Imbert, rapporteure. Il est proposé de supprimer la possibilité pour le couple, lorsqu’il est annuellement consulté sur le maintien de son projet parental, de formuler des directives anticipées sur le devenir des embryons en cas de décès d’un de ses membres.
La faculté de formuler de telles directives n’ouvre pas la voie à l’assistance médicale à la procréation post mortem, puisqu’elle ne concerne que deux modalités de devenir des embryons en cas d’abandon du projet parental : l’accueil des embryons pas un autre couple et leur don à la recherche.
La première de ces formules ne constitue pas une assistance médicale à la procréation post mortem à proprement parler, puisqu’elle concerne des embryons issus d’un couple qui, ayant abandonné son projet parental, ne s’investit plus dans une assistance médicale à la procréation.
Au reste, le couple qui abandonne son projet parental n’est consulté sur le devenir de ses embryons qu’une fois par an. Il peut donc déjà arriver que l’un des deux décède alors que la procédure d’AMP chez le couple d’accueil est engagée, sans que ce décès empêche le transfert in utero de l’embryon.
Les deux situations étant bien distinctes, l’avis est défavorable sur l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. André Reichardt. L’amendement est retiré.
Mme la présidente. L’amendement n° 74 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 16.
(L’article 16 est adopté.)
Chapitre II
Favoriser une recherche responsable en lien avec la médecine génomique
Article 17
I. – L’article L. 2151-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après la première occurrence du mot : « embryon », sont insérés les mots : « humain par fusion de gamètes » ;
2° Le second alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Toute intervention ayant pour objet de modifier le génome d’un embryon humain est interdite.
« La création d’embryons chimériques est interdite lorsqu’elle résulte :
« – de la modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces ;
« – de la modification d’un embryon animal par adjonction de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules souches pluripotentes induites humaines. »
II. – (Non modifié) Le dernier alinéa de l’article 16-4 du code civil est ainsi modifié :
1° Après le mot : « prévention », sont insérés les mots : « , au diagnostic » ;
2° La première occurrence du mot : « génétiques » est supprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Olivier Henno, rapporteur. La position de la commission spéciale sur cet article est cohérente – c’est heureux ! – avec les avis que vient d’exposer Corinne Imbert.
Nous restons en désaccord avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur les embryons chimériques et transgéniques. Notre volonté est de renforcer l’interdiction des manipulations sur le génome. Mais si le franchissement des espèces demeure une ligne rouge, nous entendons aussi répondre aux exigences de clarification du Conseil d’État.
Ce souci d’équilibre nous conduira à appeler au rejet d’amendements dont les auteurs pensent aller plus loin, mais dont l’adoption, en réalité, remettrait en cause les limites que nous fixons à cet article.
Puisque nous débattons d’éthique, permettez-moi d’invoquer Emmanuel Kant et l’universalité… De fait, la dimension internationale manque à ce projet de loi ! Comme, du reste, à la législation en matière de numérique.
Les chercheurs et les grands scientifiques que nous avons auditionnés l’ont tous souligné : les précautions que nous prenons – des précautions justes – ne sont pas partagées outre-Atlantique, où prévaut une conception plus individualiste et plus mercantile. Celle-ci pourrait conduire plus vite à la fin de l’orthopédie froide pour le traitement des cancers.
Pendant ce temps, en Asie, notamment en Chine, des recherches sont menées dans une logique d’influence.
Mes chers collègues, nous devons fixer des barrières, mais en ayant parfaitement conscience de cet environnement international.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, Retailleau et de Legge, Mme Di Folco, MM. Meurant, Segouin et Babary, Mme Thomas, M. Mandelli, Mme Lopez, MM. Reichardt et Paccaud, Mme Pluchet, MM. de Nicolaÿ, Gremillet et Pointereau, Mme Joseph, MM. Laménie et Charon, Mme Berthet, M. H. Leroy, Mme de Cidrac et MM. Bascher, Piednoir, Le Rudulier, B. Fournier, E. Blanc, Saury, Regnard et Cardoux, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Il convient ici d’affirmer une ligne rouge très forte du projet de loi.
Embryons transgéniques, gamètes artificiels : une fois expérimentées, ces techniques aboutiront à la tentation de faire naître des bébés génétiquement modifiés. Permettre la modification du génome humain en laboratoire entraînera inévitablement, à moyen terme, l’implantation des embryons et la naissance d’enfants génétiquement modifiés.
Si le législateur français autorise la création d’embryons transgéniques en laboratoire, les chercheurs solliciteront l’autorisation de les transférer une fois leur technique éprouvée. De toute évidence, les manipulations génétiques en éprouvette n’ont pas d’intérêt si le transfert des embryons modifiés reste interdit.
Avec la possibilité d’expérimenter la création d’embryons animaux dans lesquels seraient intégrées des cellules humaines, embryonnaires, adultes reprogrammées ou iPS, on brise symboliquement la frontière homme-animal. Ce serait la première fois que la loi ne serait pas claire sur l’interdiction stricte de la création de chimères animal-homme.
Je rappelle que le Conseil d’État a identifié trois risques liés à la création de telles chimères : celui de susciter une infection ou infestation qui se transmette naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice-versa ; le risque de représentation humaine chez l’animal ; le risque de conscience humaine chez l’animal. Il y a une vraie menace pour l’identité et l’intégrité de notre humanité, comme l’a indiqué l’Inserm.
Mes chers collègues, posons à l’égard de la création d’embryons chimériques et transgéniques un interdit fondamental et sans ambiguïté !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Olivier Henno, rapporteur. Comme j’ai commencé à l’expliquer il y a quelques instants, la suppression de l’article 17 réduirait le niveau de protection. En effet, ce dispositif renforce l’interdiction de la création d’embryons transgéniques ou chimériques.
La commission spéciale a étendu cette interdiction à toute manipulation génomique d’un embryon, alors que, aujourd’hui, la création d’embryons transgéniques permet de modifier le génome de l’embryon par activation ou suppression d’un de ses gènes.
En outre, nous avons précisé le contenu de l’interdiction de la création d’embryons chimériques pour y inclure l’impossibilité d’insérer des cellules pluripotentes induites humaines dans un embryon animal.
Le texte de la commission spéciale répond ainsi aux craintes des auteurs de l’amendement. Nous leur demandons de bien vouloir le retirer ; s’il est maintenu, notre avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. En effet, cet amendement va à l’encontre des motivations de ses auteurs : ils entendent interdire la création d’embryons transgéniques ou chimériques, mais la suppression de l’article 17 lèverait toutes les interdictions…
S’agissant de l’interdiction de la création d’embryons chimériques, je tiens à dissiper toute ambiguïté : notre projet de loi réaffirme l’interdiction actuelle et en explicite la portée, sans rien modifier au droit applicable. Le Conseil d’État l’a souligné : l’interdiction de créer un embryon chimérique s’applique et continuera de s’appliquer à l’embryon humain, tout comme les autres dispositions du titre du code de la santé publique dans lequel elle s’insère.
Cette interdiction s’oppose à ce que du matériel animal soit introduit dans un embryon humain, mais pas à ce que du matériel humain soit introduit dans un embryon animal. Tel est l’état actuel du droit.
Le projet de loi opère ainsi une clarification, d’autant plus nécessaire qu’il traite par ailleurs la question, légitime, de l’encadrement de l’insertion de matériel humain dans un embryon animal.
En ce qui concerne les embryons transgéniques, nous avons assisté ces dernières années à des évolutions scientifiques majeures, notamment à des progrès considérables dans l’édition du génome. Ces progrès sont source d’espoir, mais justifient une vigilance au regard des enjeux éthiques.
Comme l’ont relevé les avis préalables à nos travaux, une clarification s’imposait, les termes de la loi étant devenus inadaptés.
Plusieurs équipes de recherche travaillant sur le développement de l’embryon souhaitent pouvoir, comme toutes les autres équipes internationales, utiliser en toute sécurité juridique et éthique les techniques de modification ciblée du génome, les techniques CRISPR-Cas9 que le prix Nobel a récemment rendues célèbres – ce que les chercheurs appellent les ciseaux moléculaires. Ils souhaitent pouvoir en apprécier l’efficacité, l’innocuité, l’utilité et bénéficier de l’intérêt que ces nouvelles technologies présentent pour la recherche sur le développement embryonnaire et la compréhension des mécanismes de genèse des tumeurs, notamment pédiatriques.
Permettez-moi d’insister sur un point : cette possibilité que le projet de loi explicite est ouverte pour les besoins exclusifs de la recherche scientifique in vitro, et avec toutes les garanties issues de l’encadrement juridique de la recherche sur l’embryon en France. Les modifications susceptibles d’être transmises à la descendance demeurent, bien entendu, absolument interdites.
Cet équilibre satisfaisant apporte les garanties nécessaires. Il ne me paraît pas justifié de le remettre en cause. Avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Chevrollier, l’amendement n° 60 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Guillaume Chevrollier. Je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 60 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 147, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au second alinéa de l’article L. 2151-2 du code de la santé publique, après le mot : « chimériques », sont insérés les mots : « animal/homme ou homme/animal ».
La parole est à M. Stéphane Ravier.
M. Stéphane Ravier. Défendu.
M. Olivier Henno, rapporteur. Il en va pour cet amendement – parfaitement défendu… – comme pour le précédent : son adoption irait à rebours de l’objectif visé, puisque la réécriture proposée conduirait au maintien du droit en vigueur. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Ravier, l’amendement n° 147 est-il maintenu ?
M. Stéphane Ravier. Il est maintenu, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. M. Chevrollier a abordé une notion tout à fait fondamentale, la barrière d’espèces, mais je pense qu’il l’utilise mal.
La notion complète est : barrière d’espèces à la diffusion des pathogènes. Elle est employée pour affirmer qu’il y aurait une barrière empêchant des virus humains de coloniser des animaux et réciproquement. Je parle sous le contrôle de Mme la ministre, qui est biologiste, mais il me semble que la notion de barrière d’espèces est employée uniquement dans ce sens.
Mon cher collègue, l’incorporation d’un matériel génétique étranger dans le corps humain est déjà une réalité : vous comme moi portons des mitochondries, dont le matériel génétique n’est pas celui du noyau cellulaire – il est d’ailleurs transmis par la femme, fait intéressant, car il permettrait de définir une filiation mitochondriale, qui serait celle de la mère… Preuve que les choses doivent certainement être relativisées.
Les xénogreffes aussi conduisent à porter dans son corps des éléments animaux. Ainsi, les valves cardiaques de porc fonctionnent très bien chez l’humain. Demain, on élèvera même sans doute des animaux pour réaliser de telles greffes !
La frontière entre l’homme et l’animal, voire le végétal, n’est pas aussi définie que vous le dites. Vous parlez de conscience et d’intelligence : vous avez des certitudes que je n’ai pas. Parfois, je me surprends à trouver au fond du regard d’un orang-outan une lueur d’intelligence que je ne vois pas chez certains humains… (Exclamations amusées.)
Personnellement, quand on me demande de définir l’humanité, je ne le fais pas de façon organique, mais spirituelle – c’est un athée qui parle : l’humanité, c’est le rassemblement des hommes et des femmes qui ont conscience de former une humanité. Et cela, c’est déjà énorme ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes SER et UC. – M. Éric Gold applaudit également.)
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Segouin, Meurant, de Nicolaÿ, Pointereau, Gremillet, Paccaud et Mandelli, Mme Thomas, M. Laménie, Mme Berthet et MM. H. Leroy, Bascher, Piednoir, Le Rudulier, Regnard, E. Blanc, B. Fournier, Saury et Cardoux, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Je le retire, pour les mêmes raisons que le précédent.
Mme la présidente. L’amendement n° 61 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite. »
La parole est à Mme la ministre.