Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, les particularités des territoires ultramarins justifient l’engagement de politiques spécialisées dans chacun de ces territoires en matière de foncier et d’habitat.
Le plan logement outre-mer 2019-2022, signé le 2 décembre 2019, constitue la base de notre action. Ce plan est très opérationnel et comporte de nombreuses mesures – 177 précisément – organisées selon quatre axes : la connaissance des besoins ; l’adaptation de l’offre aux territoires ; la maîtrise des coûts de construction et de réhabilitation ; la mobilisation du foncier et l’aménagement.
Pour ce qui concerne la construction, les objectifs quantitatifs sont donnés territoire par territoire dans le cadre de plans territoriaux, donc au plus près des acteurs locaux. Je l’ai rappelé, les crédits de la LBU permettent de financer la construction d’environ 10 000 logements par an.
Afin de mieux prendre en compte les particularités des territoires, une enveloppe dédiée à l’ingénierie au sein de cette ligne budgétaire unique permet d’épauler les collectivités locales. Le ministère du logement apporte son appui dans le domaine de la législation du logement, de l’urbanisme et du foncier.
À cet égard, comme vous le savez, les ministères du logement et des outre-mer mènent actuellement un travail approfondi de simplification des normes. Celui-ci prévoit notamment l’adaptation locale des documents techniques, le développement de filières de produits de construction locaux, l’installation d’organismes certificateurs outre-mer et la réécriture de la réglementation thermique, acoustique et aération, qui doit être adaptée aux spécificités des territoires ultramarins.
L’application de ce plan et sa déclinaison opérationnelle, y compris par le comité de pilotage que vous citiez, couplées à une volonté de construire et aux moyens de l’État et du PIV, doivent permettre de tenir la trajectoire ambitieuse que nous nous sommes fixée au travers du plan logement outre-mer.
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour la réplique.
Mme Viviane Artigalas. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je ne doute pas de votre volonté de travailler particulièrement sur les problématiques du logement outre-mer.
J’y insiste, ces politiques doivent être menées par un chef de file, en l’occurrence le ministère du logement, en partenariat avec le ministère des outre-mer et les élus locaux, selon une stratégie définie pour chaque territoire.
Il est nécessaire de territorialiser la politique du logement via un renforcement de l’action des conseils départementaux de l’habitat et de l’hébergement (CDHH) et une meilleure prise en compte des spécificités démographiques et sociales. Enfin, la question du foncier est également très importante. Elle appelle une véritable politique volontariste de la part du chef de file.
Mme le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, après les très mauvais chiffres de 2020 en matière de financement de logements sociaux, et alors que la tendance était déjà baissière auparavant, vous affichez aujourd’hui un objectif très ambitieux – vous en avez conscience – : la construction de 250 000 logements entre 2021 et 2022. Or, en l’état actuel des choses, vous n’avez strictement aucune chance d’y parvenir !
La première raison, rappelée par Marie-Noëlle Lienemann, est que ce sont les maires qui délivrent les permis de construire.
Quel maire délivrera un permis de construire pour construire du logement social et accueillir des populations nouvelles avec zéro recette fiscale en face ? (Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains.)
Si le Gouvernement ne comprend pas cela, il ne comprendra pas plus ce qui va bloquer ! Nous avons pourtant tiré la sonnette d’alarme depuis l’annonce de la suppression de la taxe d’habitation. Cela fait presque quatre ans que nous le répétons : à défaut de remédier aux difficultés liées à la compensation des exonérations de foncier pour les bailleurs sociaux, nous allons au-devant d’un gros problème.
Du reste, le logement intermédiaire est également concerné, et pas seulement le logement social. Pour un maire, cela signifie l’accueil de populations nouvelles et zéro euro de recette.
Comment fait-on tourner les services publics, les écoles et les crèches avec zéro recette en une période où les dotations de l’État, même si elles sont stables au niveau global, continuent de baisser lentement mais sûrement pour les communes dont la péréquation n’augmente pas ? Dans ma commune, attributaire de la dotation de solidarité urbaine (DSU), la dotation globale de fonctionnement (DGF) par habitant a baissé de 10 %, inflation comprise, depuis 2017.
Madame la ministre, vous nous dites avoir demandé la constitution d’une mission. Mais on sait déjà tout ! Le ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, nous indiquait à l’automne dernier qu’il fallait trouver 1 milliard d’euros, dont 500 millions pour les communes. Soit vous les avez, soit vous ne les avez pas ! Nul n’est besoin de réunir une mission avec des spécialistes….
La question est : qu’allez-vous faire ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur Dallier, l’objectif fixé est en effet extrêmement ambitieux. Si tel n’était pas le cas, bon nombre d’entre vous auraient déploré que le Gouvernement n’ait aucune ambition en matière de construction de logement social !
Effectivement, cet objectif ne sera pas facile à atteindre, et je suis la première à le reconnaître. Il aurait probablement été plus sûr et plus prudent de le fixer plus bas. Cependant, les besoins sont importants, ce qui justifie de prévoir la construction de 250 000 logements sociaux en deux ans.
Pour financer ces projets, nous disposons des moyens d’investissement ouverts grâce au partenariat entre Action Logement et la Caisse des dépôts et consignations, initiative que je tiens à saluer.
Si nous n’avions pas trouvé ces moyens d’investissement, vous nous auriez dit : « Vous avez un objectif, mais pas de crédit pour investir dans le logement social : comment voulez-vous y arriver ? Il n’y aura pas d’investissement possible ! »
Quand vous nous opposez : « Encore faut-il que des maires accueillent des projets ! », vous soulevez à juste titre la question du modèle fiscal. Il conviendrait cependant que priment la volonté politique et le respect de la loi SRU, qui impose de créer des logements sociaux partout, notamment dans les communes carencées, où les dossiers des demandeurs de logements sociaux sont en file d’attente. C’est la raison pour laquelle cette loi est appliquée avec fermeté, mais aussi – je l’espère – avec discernement.
C’est aussi pour cela qu’au moment de sa prorogation, je serai prête à rediscuter des trajectoires, de la contractualisation et des exemptions qu’elle prévoit, pour trouver une manière plus contractuelle d’atteindre l’objectif visé tout en gardant la volonté politique initiale.
Quant à la question du modèle de financement, elle a été posée très précisément au sujet du logement intermédiaire, lors de l’examen du projet de loi de finances. Avec le ministre du budget, nous nous étions alors engagés à rendre un rapport au Parlement, aux mois de mars ou avril suivants, qui porterait sur le modèle de financement du logement intermédiaire, et qui prendrait en compte la compensation des exonérations fiscales.
Je suis désormais prête à élargir le champ de ce rapport en y intégrant la compensation des exonérations fiscales pour le logement social, car les montants ne sont pas tout à fait les mêmes que pour le logement intermédiaire. Les connaissances que nous tirerons des informations fournies par le ministère du logement et par Bercy nous permettront de progresser. Le débat aura lieu lors de l’examen du prochain projet de loi de finances.
M. Julien Bargeton. C’est parfaitement clair !
Mme le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, je prends vos annonces comme une bonne nouvelle, et vivement l’automne ! Cependant, vous aurez perdu une année parce que tant que les maires n’auront pas la certitude d’une corrélation entre l’augmentation « tendancielle » de leurs ressources pour financer les équipements publics et le nombre de logements construits, les projets resteront bloqués.
Ne jetez pas une pierre dans le jardin des maires ! Chacun sait que certains d’entre eux ne veulent pas construire, mais ils ne sont pas majoritaires. Ne nous parlez donc pas sans cesse de ceux-là, car vous avez les moyens de les contraindre à construire. De grâce, aidez les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à M. Franck Menonville.
M. Franck Menonville. En matière de construction, notre pays est confronté à un double défi, tant quantitatif que qualitatif. D’une part, il faut construire plus pour répondre à la demande croissante de logements ; d’autre part, il faut construire mieux pour composer avec les nécessaires exigences environnementales.
La loi ÉLAN a été porteuse – pour ne pas dire prometteuse – de simplifications plutôt bien accueillies par la profession. Néanmoins, elle tarde à porter ses fruits et nous ne devons pas nier ce constat. Aussi convient-il de nous interroger, à la lumière de textes de plus en plus complexes, sur la lenteur des autorisations d’urbanisme.
En outre, le Gouvernement a rehaussé depuis lors son niveau d’exigence en matière environnementale, ce qui est heureux.
Il ne faudrait cependant pas que cette ambition nouvelle se traduise par des normes supplémentaires. Il s’agit, au contraire, de simplifier celles qui existent et de les rendre compatibles entre elles pour construire davantage et plus vite, tout en répondant mieux aux enjeux climatiques.
Par exemple, la RE2020, dont les arbitrages viennent tout juste d’être rendus publics, constitue un pari sur l’avenir. En effet, certaines exigences fixées essentiellement à l’horizon de 2028 à 2031 ne sont pas atteignables avec les technologies actuelles. Non seulement elles nécessitent de nouveaux process, de nouveaux matériaux et de nouvelles façons de faire, mais elles demandent également des adaptations très fortes de tous les métiers du bâtiment qu’il faut accompagner.
Madame la ministre, que compte faire le Gouvernement pour simplifier les normes de la construction et pour accélérer les procédures d’urbanisme ? Comment garantir que les ambitions environnementales ne se traduiront pas nécessairement par davantage de contraintes, ce qui freinerait inévitablement la dynamique de construction ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que la loi ÉLAN a apporté un certain nombre de simplifications en matière d’urbanisme, qui sont en cours de déploiement.
Je citais précédemment la dématérialisation des autorisations d’urbanisme qui représente un progrès considérable, à la fois, pour les porteurs de projets, pour tous les services instructeurs et pour la liaison entre les services instructeurs des collectivités et les services de l’État qui sont saisis. Cette dématérialisation sera opérationnelle au 1er janvier prochain. Elle nécessite que l’État conduise un chantier d’envergure pour que les outils soient disponibles et puissent être choisis sous différents modèles par les collectivités. Je crois que ce sera un progrès.
Dans le même ordre d’idées, un décret en Conseil d’État relatif aux mesures de simplification en matière d’urbanisme est en cours d’élaboration, qui vise notamment à étendre le régime de la déclaration préalable en sortant un certain nombre d’opérations du champ de l’autorisation d’urbanisme et du permis de construire, stricto sensu.
Enfin, dans le projet de loi Climat et Résilience, nous proposerons la simplification, dans le champ de l’urbanisme, de l’utilisation des bonus de constructibilité pour les projets vertueux, qu’il s’agisse de ceux à proximité des gares, des transformations de bureaux en logements, ou des surélévations.
Nous travaillons à rendre le droit de l’urbanisme le plus rapide, le plus opposable et le plus facile à utiliser possible.
En matière de réglementation environnementale, nous avons pris, en signant l’Accord de Paris, un engagement important sur la décarbonation des bâtiments et de la filière de construction. J’ai piloté avec beaucoup d’attention les derniers ajustements nécessaires pour trouver le bon équilibre entre l’ambition fixée et une entrée en vigueur progressive permettant aux filières de s’adapter. Les différents jalons ont été placés en 2022, 2025, 2028 et 2031.
L’ambition sur la construction elle-même est très progressive. Les filières industrielles sont respectées puisque nous avons veillé à préserver la capacité d’utiliser une mixité de matériaux, sous réserve que ceux-ci soient conformes à l’engagement de décarbonation. Avec le ministère de l’industrie, nous travaillons à accompagner ces filières.
Dans ces conditions, je ne crois pas que nous augmenterons beaucoup le prix de la construction. Cela n’a pas été le cas lors de l’instauration de la nouvelle réglementation thermique RT2012 et nous avons trouvé le bon point d’équilibre.
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur l’objectif fixé de construire mieux, en commençant par saluer la démarche engagée pour valoriser les matériaux biosourcés, selon une méthode innovante, déclinée dans une approche en analyse de cycle de vie (ACV) dynamique qui prend en compte le bilan carbone du matériau pendant tout son cycle de vie.
Cette méthode est un levier déterminant pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone et pour lutter efficacement contre les changements climatiques. La transition vers une construction plus sobre bouleverse toutefois les méthodes des entreprises de la filière du bâtiment et de la construction, et risque de se traduire par une explosion des coûts.
Il convient donc de prendre en compte les réalités auxquelles sont confrontées les entreprises – je sais que vous y êtes attentive, madame la ministre – et de procéder à une mise en œuvre progressive de cette mutation, afin que chaque corps de métier puisse l’opérer dans de bonnes conditions économiques et humaines.
Comme vous l’avez dit, madame la ministre, cette transition de matériaux et de méthodes a pour atouts de favoriser une mixité constructive qui sera gage de résilience, ainsi qu’une mixité des compétences qui sera gage d’employabilité pour nos concitoyens. Elle favorisera aussi la création d’emplois dans les territoires.
Cependant, pour tenir ces engagements, il faut un saut technologique et il est urgent d’investir dans l’outil de transformation industrielle, notamment du secteur bois qui ne bénéficie à ce jour ni du plan de relance ni du plan décarbonation.
L’appel à manifestation d’intérêt sur les « produits bois d’ingénierie dans la construction » ne fait l’objet d’aucune ligne de financement spécifique, ni dans le quatrième programme d’investissements d’avenir (PIA4) ni dans le plan de relance.
Madame la ministre, comment le Gouvernement compte-t-il relever ce défi industriel pour construire non seulement mieux, mais aussi à un coût accessible, pour l’ensemble de nos concitoyens ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, la construction bois offre effectivement une formidable transformation en perspective pour le secteur. Elle représente une opportunité nationale, à la fois forestière, industrielle et territoriale. Elle constitue aussi un des leviers importants pour atteindre notre trajectoire climatique.
C’est pourquoi, en application de la loi ÉLAN, qui commande explicitement la prise en compte du stockage du carbone, la construction bois a pris une place particulière dans la RE2020. En effet, l’objectif fixé pour les filières, à partir d’une analyse en cycle de vie dynamique, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 % donne toute sa place à la construction bois et aux matériaux biosourcés.
Je vous rejoins sur le fait qu’il faut maintenant accompagner nos filières industrielles ; c’est une préoccupation que nous partageons avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher.
Nous sommes pour l’instant en retard, non seulement dans le segment du CLT (cross laminated timber), matériau principal qui permet de construire des structures, mais aussi plus globalement en matière d’innovation sur les différents matériaux. En effet, les immeubles de grande hauteur devront, à l’avenir, allier dans leur structure le béton ou le métal, et le biosourcé, y compris dans le gros œuvre.
J’ai lancé, le 18 février dernier, un premier appel à manifestation d’intérêt, doté de 20 millions d’euros, pour soutenir des projets innovants favorisant la mixité des matériaux, dans le cadre du PIA4.
Nous ouvrirons prochainement, avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher, un deuxième appel à manifestation d’intérêt centré sur la filière bois, pour faciliter son industrialisation et un développement purement national qui permettra que le bois, produit puis traité en France, soit ensuite utilisé dans les chantiers de construction français.
En parallèle, l’adaptation des règles d’urbanisme est en cours, notamment celles qui concernent la hauteur des bâtiments, ou bien encore la réglementation en matière d’incendie.
Grâce à l’expérience acquise dans la construction pour les jeux Olympiques, le travail sur la caractérisation et l’optimisation des matériaux se poursuit. Au moment où la RE2020 donne toute sa place à la construction bois, nous allons accompagner la filière.
Mme le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Si la France dispose de la ressource bois nécessaire pour relever ce défi, il lui manque encore l’outil de transformation. Dans la mesure où la RE2020 fixe l’objectif à une dizaine d’années, il est urgent d’accompagner les industriels.
Cela vaut également pour la maîtrise des coûts, comme je le disais dans mon intervention initiale. En effet, il ne faudrait pas que ce type de construction se traduise par leur explosion.
Mes collègues ont été nombreux à mentionner la nécessité de construire plus. Dans un contexte d’explosion des coûts, cette évolution aura peu de chances d’aboutir.
Mme le président. La parole est à M. Denis Bouad. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
M. Denis Bouad. Madame la ministre, avec 5 millions d’habitations, le logement social a toute sa place dans le débat qui nous intéresse aujourd’hui. Réciproquement, la question qui est posée correspond parfaitement aux défis et enjeux auxquels se confrontent les acteurs du secteur.
En effet, alors que 2 millions de Français sont en attente d’un logement HLM, nous devons réfléchir à la possibilité d’en produire plus.
Cette ambition ne doit pourtant pas se cantonner à une politique du chiffre. Il nous faut aussi penser la répartition sur le territoire et la mixité sociale, en envisageant la quantité en même temps que la qualité des logements sociaux.
Comme je le dis souvent, l’idée du logement social c’est le logement pour tous ! Aussi, madame la ministre, je vous remercie d’avoir récemment rappelé que 70 % des Français sont éligibles à un logement social.
Les bailleurs sociaux ont un rôle à jouer dans les défis qui attendent la société, y compris dans la relance économique à venir et pour permettre à la France de respecter ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce contexte, le principe de compensation de la baisse des APL par la RLS n’est pas sans conséquence. En effet, cette disposition gouvernementale de 2018 entraîne une diminution considérable de la capacité d’autofinancement des bailleurs sociaux, ce qui se répercute logiquement sur les travaux d’entretien et de réhabilitation, ainsi que sur les constructions nouvelles.
Si le Gouvernement a reconnu, en 2019, l’impact négatif de cette disposition, les « mesures compensatrices » mises en place se révèlent insuffisantes.
Prenons l’exemple, madame la ministre, d’un office HLM gardois que je connais bien pour l’avoir présidé pendant dix-sept ans. Alors que ses recettes locatives s’élèvent à 60 millions d’euros par an, l’impact de la RLS est de 6 millions d’euros. Malgré les efforts de gestion qui ont été accomplis et qui se poursuivent, cette perte de ressources financières entraîne une baisse des investissements de plus de 20 % au niveau des constructions neuves.
Moins de capacités d’investissement et plus de fonds propres à consacrer à chaque opération nouvelle, voilà le cercle vicieux dont les répercussions pour l’habitat social perdureront sur le long terme si rien n’est fait.
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Denis Bouad. Y aura-t-il une clause de revoyure ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, je partage votre point de vue sur l’ambition que nous avons au sujet du logement social. Je ne reviendrai pas sur la question du volume, soit 250 000 logements sociaux. Il convient aussi de prendre en compte celle de l’équité territoriale, car nous devons développer le logement social partout où nous en avons besoin, en particulier dans les zones tendues, ce qui fait l’objet de la loi SRU.
Enfin, la question de l’attribution des logements sociaux se pose également, car chacun doit pouvoir y trouver sa place. C’est la raison pour laquelle nous prévoyons des dispositions pour renforcer le rôle des commissions intercommunales d’attribution dans le projet de loi 4D qui sera prochainement présenté en conseil des ministres, puis examiné par votre assemblée.
Pour répondre précisément à votre question sur la RLS, son rendement était de 800 millions d’euros en 2018, de 890 millions en 2019 et de 1,3 milliard d’euros dans la période allant de 2020 à 2022.
Cette RLS a été finalement accompagnée de mesures importantes : la Caisse des dépôts et consignations a lancé des offres de financement, Action Logement a dégagé 1,5 milliard d’euros d’aides, et le taux de TVA a été ramené à 5,5 % pour les prêts locatifs aidés d’insertion (PLAI) et certaines autres catégories de logements.
Deux études, menées l’une par la Banque des territoires, l’autre par l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols), concluent, à partir de l’analyse des impacts, que la RLS a été absorbée par le secteur, et que les bailleurs ont de nouveau les capacités financières pour atteindre des objectifs de production et de rénovation.
Comme je vous le disais, nous avons pris de nouvelles mesures de soutien, en consacrant 500 millions d’euros de crédits du plan de relance à la rénovation des logements sociaux et 1,1 milliard d’euros au FNAP pour 2021 et 2022. Action Logement a également mobilisé 920 millions d’euros supplémentaires dans le cadre de l’avenant signé récemment. La Caisse des dépôts et consignations a souscrit 300 millions d’euros de titres participatifs pour les années 2021 et 2022.
Enfin, le PIV prévoit une clause de revoyure en 2022 pour faire un point d’étape et se projeter dans la période suivante. Je reste extrêmement attachée à l’équilibre économique qui permet aux bailleurs sociaux de construire et de rénover, car la France en a besoin.
Mme le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Marc-Philippe Daubresse. Je vais enfoncer le clou planté par Philippe Dallier… (Sourires.)
Les maires ont bon dos ! S’ils sont de plus en plus prudents sur l’octroi des permis de construire, c’est que depuis 2017, en particulier du fait de la loi ÉLAN, l’acte de construire est devenu un véritable parcours du combattant. Les organismes HLM subissent un racket financier et doivent faire face aux lourdeurs administratives en matière d’urbanisme. Quant aux contraintes de plus en plus drastiques, voire malthusiennes, en matière d’environnement, elles ne font qu’ajouter de la rigidité à une planification ultradirigiste.
Ces maires que vous incriminez, il faut créer pour eux des incitations financières et réduire leurs contraintes administratives afin qu’ils octroient de nouveaux permis de construire. Bien évidemment, si l’on veut développer le logement social, il faut compenser largement l’exonération de TFPB, comme l’a dit très justement Marie-Noëlle Lienemann.
Voilà deux ans que nous alertons le ministère du logement ! Dans deux ans, nous reviendrons vous le dire… Certes, on ne reste ministre du logement que deux ans en moyenne, de sorte que nous ne pouvons pas savoir à qui nous nous adresserons. Je le sais d’expérience…
La publication des chiffres de la construction pour 2021 nous rappelle cette situation critique : une diminution des permis de construire de 16,3 % en douze mois et une baisse des mises en chantier de 11,3 %, ramenées à un total de 344 900. Vous rendez-vous compte que lorsque j’étais secrétaire d’État au logement, sous la houlette de Jean-Louis Borloo, nous avions haussé le niveau à 486 000 constructions neuves en 2007, contre 330 000 aujourd’hui ? Il est donc possible de le faire, mais avec un plan de relance musclé et des moyens à la hauteur de l’enjeu.
Je le redis, vous n’atteindrez pas les 250 000 logements sociaux en 2022. La mission est impossible car les moyens ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, quel que soit le prélèvement que vous effectuerez sur Action Logement, acteur dont la situation est rendue difficile par les fortes ponctions qu’il a déjà subies.
À présent, vous prévoyez d’inscrire l’artificialisation des sols dans la loi Climat. Comment pourrez-vous demander à toutes ces communes qui ne produisent pas de logement de revoir leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet), leur SCoT et leur PLU ?
Mme le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la ministre, ferez-vous un plan de relance à la hauteur de l’enjeu ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, je voudrais d’abord vous dire que je respecte les maires.
Je les respecte d’autant plus que nous débattons au sein de l’assemblée qui représente les territoires. Je respecte aussi la libre administration des collectivités locales, selon laquelle les maires ont le choix de la stratégie d’aménagement urbain qu’ils développeront dans leur territoire. Ce n’est donc pas leur faire injure que de leur dire qu’une partie de la responsabilité en matière de construction repose sur eux.
Je ne souhaite toutefois pas dédouaner l’État de sa responsabilité, car il a ces politiques en partage avec les collectivités. L’État fixe le cadre réglementaire, les normes d’urbanisme et les incitations fiscales. Les collectivités locales définissent ensuite les ambitions, les zones d’aménagement, les projets urbains, la construction et la capacité à façonner la ville. De nombreux maires l’ont fait au fil des années.
Nous avions un bon tendanciel de construction de logements lors des années passées : cette activité se chiffrait à 493 000 logements autorisés en 2017, à 460 000 en 2018 et à 450 000 en 2019.