Mme Anne-Catherine Loisier. Au hasard ! (Sourires sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. … qui le déclinent localement.
Les préfets, avec lesquels j’étais encore ce matin en réunion, les sous-préfets à la relance et l’ensemble des services de l’État sont aux côtés des territoires et missionnés pour soutenir cette mobilisation collective, mettre du liant avec les acteurs locaux et favoriser, chaque fois que c’est possible, la mise en œuvre des projets.
Enfin, il faut projeter vers l’avenir une vision de la construction et du logement dans une logique d’aménagement du territoire.
Concernant le volet social tout d’abord, il faut continuer à travailler sur la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, et lui donner de la visibilité au-delà de 2025. La prolongation, qui permettra de porter cet objectif ambitieux tout en trouvant les souplesses nécessaires, est inscrite dans le projet de loi dit « 4D » qui vient d’être soumis au Conseil d’État.
Nous souhaitons maintenir l’exigence mais tenir compte des situations locales, en nous appuyant sur les propositions faites par la commission SRU présidée par Thierry Repentin : ces propositions ont recueilli l’avis favorable de l’ensemble des parties prenantes et feront l’objet d’une transcription législative.
Mais construire mieux, c’est aussi construire, dans une vision d’aménagement du territoire, des logements confortables et performants sur le plan environnemental.
Pour favoriser l’aménagement du territoire, il faut trouver la manière de proposer des projets de densité suffisante qui permettent de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols et d’inclure des services, tout en restant désirables.
C’est pourquoi, dans une démarche que j’appelle « Habiter la France de demain », j’ai proposé de mettre en valeur, partout sur le territoire, une centaine de démonstrateurs pour montrer qu’il est aujourd’hui possible de construire avec une certaine densité des projets qui répondent aux besoins des Français.
Je souhaite aussi mentionner les nouvelles normes de construction, en particulier la réglementation environnementale 2020, ou RE 2020, dont les derniers ajustements ont été proposés le 18 février dernier.
Mme le président. Il faut conclure, madame la ministre.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce débat englobe beaucoup de sujets ! Je me réjouis de ce moment d’échange avec vous et je suis prête à vous répondre dans un esprit d’écoute et de partenariat. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)
Débat interactif
Mme le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Je vous remercie de respecter votre temps de parole, mes chers collègues.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Daniel Salmon.
M. Daniel Salmon. Le secteur du bâtiment est au cœur des enjeux de notre nécessaire transition énergétique puisqu’il est responsable de 19 % des émissions nationales de dioxyde de carbone et de 60 % des tonnes de déchets produits en France. Des mesures fortes et ambitieuses sont aujourd’hui indispensables pour atteindre l’objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030.
Bien sûr, nous devons continuer à construire plus. Je souhaite concentrer mon propos sur l’écoconstruction, encore bien trop marginale alors que ses bénéfices sont multiples – écologiques, locaux… – et qu’elle présente une utilité sociale forte, car elle permet de lutter efficacement contre la précarité énergétique.
Ces habitations, madame la ministre, répondent à l’enjeu majeur de l’aspect écologique du logement, qui consiste à consommer moins pour habiter mieux.
Elles sont construites avec des matériaux biosourcés souvent issus du territoire. Ainsi, à titre d’exemple, les ossatures sont fabriquées avec du bois de nos forêts et les murs avec du béton de chanvre. Ces biomatériaux peu transformés sont sobres en énergie grise. Un mur porteur en briques de terre cuite consomme quatre fois moins d’énergie grise qu’un mur en béton armé.
Certains de ces biomatériaux permettent de stocker des quantités de carbone très importantes : un mètre cube de bois massif mis en œuvre sur chantier stocke 460 kilogrammes de CO2, alors qu’un mètre cube de béton en émet l’équivalent ; le gain carbone est donc de quasiment une tonne de CO2 par mètre cube.
Ces logements passifs procurent un confort thermique inégalable. Leur degré d’hygrométrie et leur inertie permettent de rafraîchir l’air ambiant, et donc de se passer de climatisation.
Par ailleurs, lorsque ces habitations doivent être déconstruites, elles retournent à la terre, d’où elles viennent, en produisant peu de déchets puisque la majeure partie de ces matériaux est biodégradable. Il s’agit donc d’un cercle vertueux.
Madame la ministre, allez-vous lever les obstacles pour créer de véritables filières locales de l’écoconstruction, notamment des filières bois et chanvre ? Allez-vous faciliter la labellisation et la délivrance d’avis techniques pour les matériaux biosourcés ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, je partage votre avis sur l’importance de l’écoconstruction. C’est la raison pour laquelle j’ai très fortement soutenu, jusqu’à son aboutissement, le projet de nouvelle réglementation environnementale, la RE2020.
Cette nouvelle réglementation, dont les derniers ajustements ont été présentés il y a une petite dizaine de jours, porte une ambition extrêmement forte qui soutiendra le développement des matériaux biosourcés dans la construction. Elle a trois objectifs principaux : la sobriété énergétique, la diminution de l’impact carbone dans la construction des bâtiments, et enfin la fraîcheur en cas de fortes chaleurs l’été.
L’obligation de diminution de 30 % des besoins énergétiques des bâtiments s’appliquera dès le 1er janvier 2022. Elle contraindra à concevoir les bâtiments différemment, notamment pour qu’ils soient beaucoup mieux isolés. Rappelons qu’une baisse de la consommation énergétique entraîne non seulement une baisse des émissions de gaz à effet de serre mais aussi une baisse de la facture énergétique.
J’en viens au cycle de la construction lui-même. L’obligation de réduire progressivement jusqu’à 30 % les émissions de gaz à effet de serre lors du process de construction, tout en garantissant la possibilité de mixité des matériaux, favorisera le recours à des matériaux biosourcés tels que le bois ou le chanvre pour les isolants, et permettra des innovations dans les filières classiques comme celle du béton – je pense notamment au béton de chanvre, et plus généralement au béton bas-carbone.
Enfin, si nous nous focalisons sur les passoires thermiques en période hivernale, l’indicateur de confort, l’été, est également de plus en plus important du fait du changement climatique.
Cette réglementation entrera en vigueur progressivement, dès le 1er janvier 2022 pour la baisse de la consommation, et progressivement en ce qui concerne le cycle de vie des matériaux. Ce sera l’occasion pour le Gouvernement – j’y travaille avec mes collègues Agnès Pannier-Runacher et Julien Denormandie – de prendre des dispositions pour soutenir les filières agricoles et industrielles, et favoriser l’émergence d’une véritable filière bois de construction en France.
Mme le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.
M. Daniel Salmon. Madame la ministre, comme vous venez de l’exposer, la RE2020 apporte des réponses concrètes et ambitieuses. Il est toutefois indispensable de ne pas en rabattre sur ces ambitions. Sobriété énergétique, décarbonation de la construction, sortie des énergies fossiles : les exigences fixées doivent rester inchangées.
Malheureusement, cette RE2020 est à nouveau reportée à 2022 du fait des pressions exercées par les géants du BTP. Il est pourtant urgent de la mettre en application. Nous espérons que vous tiendrez bon pour ne pas en amoindrir la portée.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Construire plus et mieux : tel était l’un des objectifs de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ÉLAN, promulguée en 2018. Vous continuez d’avoir cet objectif dans le contexte actuel que nous connaissons, et particulièrement pour le logement social.
En effet, madame la ministre, vous avez fixé le 2 février dernier un nouvel objectif à l’ensemble des acteurs – les partenaires sociaux, Action Logement, la Caisse des dépôts et consignations, les organismes HLM et les collectivités territoriales. Ainsi, avec le soutien financier de l’État à hauteur de 1,5 milliard d’euros, 250 000 logements sociaux pourraient être construits dans les deux ans à venir.
Si nous pouvons nous satisfaire de cet objectif ambitieux, mon interrogation porte sur la part de logements sociaux prévus en outre-mer. Comme vous le savez, ces territoires font face à des besoins grandissants liés aux flux migratoires, aux mutations culturelles telles que la préférence pour l’habitat individuel, au phénomène de la décohabitation, à la prégnance de la précarité et surtout à une forte demande de logement social exacerbée par la crise sanitaire.
Rappelons que 80 % des ménages d’outre-mer sont éligibles au logement social, contre 66 % en métropole, et que près de 70 % d’entre eux sont situés sous les plafonds de ressources ouvrant droit à des logements très sociaux, contre 29 % en métropole.
Madame la ministre, sur les 250 000 logements sociaux que vous prévoyez de construire, quelle sera la part accordée aux territoires ultramarins, qui font également face à une pénurie de logements sociaux ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, vous avez rappelé les particularités des territoires ultramarins, qui justifient l’engagement de politiques en matière de foncier et d’habitat adaptées aux enjeux propres de chacun de ces territoires.
À ce titre, permettez-moi de saluer le choix de la délégation sénatoriale à l’outre-mer de mettre le logement au cœur de son programme de travail pour 2021.
L’État s’engage et accompagne particulièrement les territoires d’outre-mer sur ces questions de logement et d’aménagement. Je souhaite souligner la création récente des établissements publics fonciers et d’aménagement de Guyane et de Mayotte, qui ont pour priorité de produire des terrains aménagés nécessaires au développement de l’offre de logements et d’équipements dont ces territoires ont besoin de façon urgente.
La production et la réhabilitation de logements sociaux sont financées par la ligne budgétaire unique sur le programme 123 du ministère des outre-mer à hauteur d’environ 10 000 logements par an – des logements sociaux, mais aussi des logements neufs relevant de l’accession sociale.
Malgré la crise, la consommation de cette ligne, qui a atteint 218 millions d’euros en 2020, est en augmentation de 30 millions d’euros par rapport à 2019, et pour 2021, les crédits, de nouveau en nette hausse, s’élèvent à plus de 240 millions d’euros. Une dynamique importante a donc pu être maintenue en 2020, alors même que le niveau d’agrément connaissait une chute en métropole. Il faut bien sûr veiller à maintenir cette dynamique en 2021 et 2022.
Les 5 000 à 6 000 logements sociaux qui sont financés chaque année dans les départements d’outre-mer s’inscriront dans le cadre de l’objectif de construction de 250 000 logements sociaux que nous avons fixé.
Comme vous le savez, ces objectifs quantitatifs précis sont donnés territoire par territoire dans le cadre des plans de logement outre-mer. Le plan d’investissement volontaire d’Action Logement, qui prévoit 1,5 milliard d’euros consacrés au logement en outre-mer, s’inscrit également dans cette territorialisation.
Au-delà de l’objectif global de production de logements sociaux en outre-mer, qui doit être aussi ambitieux qu’en métropole, il est nécessaire de poursuivre et de préciser ce travail de territorialisation. Mon collègue Sébastien Lecornu et moi-même y veillerons particulièrement.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Laure Phinera-Horth, pour la réplique.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Sachez que la population guyanaise attend beaucoup de ce projet de construction de logements car, bien souvent, on attribue les logements sociaux disponibles aux occupants illégaux des squats lorsque ceux-ci sont démolis.
Mme le président. La parole est à M. Éric Gold.
M. Éric Gold. Alors que la crise du covid pèse toujours sur notre quotidien, il semble intéressant d’évoquer la construction de logements à la lumière des effets de la crise sanitaire sur ce secteur. Cette crise et le confinement qui l’a accompagnée, qu’il soit total ou partiel, ont d’autant plus révélé les défauts des logements que ceux-ci ont dû accueillir des fonctions inhabituelles.
Il nous a fallu travailler à la maison, y faire l’école ou encore y pratiquer une activité sportive. La période actuelle a ainsi révélé la nécessité d’habiter des logements susceptibles de répondre à différents usages selon l’évolution des mesures adoptées pour limiter la propagation du virus.
Le logement est devenu plus que le logement. De ce fait, des questions se posent. Si cette tendance devait durer et se confirmer dans le temps, l’habitat devrait être réinventé en tenant compte de la luminosité, de la nécessité de disposer d’un espace intérieur plus grand, aménagé différemment, permettant la modularité des pièces, et surtout du besoin d’accès à un espace extérieur devenu vital pour beaucoup de nos concitoyens.
En ces temps où nos mobilités sont limitées à l’extrême et nombre de nos activités empêchées, l’espace privé a en effet pris une importance inédite. C’est potentiellement tout notre rapport au logement et à son environnement immédiat qui aura été modifié par cette crise. La société dans son ensemble va devoir penser à l’après-crise pour répondre à ces attentes légitimes.
Pour citer la présidente du conseil régional de l’Ordre des architectes d’Île-de-France, « nous ne pouvons plus imaginer des logements obsolètes avant d’être construits ».
Comment allons-nous construire après ? Aux impératifs écologiques s’ajoute aujourd’hui une évolution des modes de vie et des besoins de la population qui est susceptible de perdurer, mais cette évolution des logements aura un coût : comment créer des logements plus grands, plus confortables, dotés d’espaces extérieurs plus verts, tout cela à un coût supportable par les ménages et sans aggraver l’étalement urbain ?
Madame la ministre, pouvez-vous préciser les attentes du Gouvernement quant au référentiel sur la qualité du logement en cours d’étude ?
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Monsieur le sénateur, je partage absolument votre constat : la crise que nous traversons a remis au cœur de l’actualité la question de la qualité intrinsèque du logement, et donc des inégalités qui existent à cet égard.
Mon prédécesseur avait demandé à Pierre-René Lemas de rédiger un rapport sur ce sujet. Ce rapport, remis récemment à Roselyne Bachelot, en tant que ministre chargée de l’architecture, et à moi-même, établit des constats sans appel : en moyenne, nous avons perdu plus de dix mètres carrés par logement au cours des dernières décennies ; nous vivons donc dans des logements plus petits, qui ne sont pas systématiquement dotés d’espaces extérieurs.
De plus, les questions du volume, de la modularité, de la place de la cuisine, de la capacité à faire évoluer le logement en fonction de la taille de la famille et des besoins ont été complètement oubliées.
Face à cette situation, j’ai choisi de mandater de façon précise un architecte, François Leclercq, et un aménageur, Laurent Girometti, pour mener une mission visant à définir d’ici à l’été prochain un référentiel de qualité du logement sur ces différents points. Celui-ci tiendra compte de la qualité d’usage du logement, les usages évoluant pour le télétravail ou en fonction des besoins des familles, en ciblant spécifiquement le logement collectif.
La mission réunit des représentants de maîtres d’ouvrage, de maîtres d’œuvre, d’architectes et de certificateurs qui auditionneront des élus, des économistes et des représentants de tous les acteurs du logement.
L’objectif est de produire un référentiel simple qui permettra aux professionnels de se mettre d’accord sur le niveau de qualité du logement et sur la manière d’y parvenir. Ce référentiel n’a pas vocation à être une nouvelle norme, mais plutôt un point de repère commun pour inciter les aménageurs, les opérateurs et les promoteurs à tenir compte de ces critères de qualité.
Il s’inscrit dans une démarche plus large lancée début février, nommée « Habiter la France de demain ». Son objectif : montrer qu’il est possible de parvenir à cette qualité du logement partout en France, de façon différenciée.
Une fois que ce référentiel sera produit, nous pourrons débattre de l’opportunité de l’assortir d’incitations.
Mme le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quelle n’a pas été notre surprise de lire à la page 23 du projet de stratégie nationale bas-carbone (SNBC) : « Les hypothèses démographiques amènent à considérer que le volume de constructions neuves diminue continuellement jusqu’en 2050. »
Nous y sommes ! Nous y étions déjà avant la crise du covid-19, mais aujourd’hui nous assistons à une chute de la production. Or celle-ci se conjugue à une hausse considérable des coûts, les prix de l’immobilier, notamment des loyers, continuant à augmenter, de même que les prix de construction des logements. Or nous avons massivement besoin de logements sociaux et abordables.
Madame la ministre, mes chers collègues, c’est non par plaisir mais pour pouvoir boucler les opérations financièrement que les gens ont décidé de construire plus petit !
Si nous voulons des logements plus grands, des logements à prix abordables et des constructions bas-carbone, il faudra des aides à la pierre et une régulation des prix contre les flambées injustes et absurdes du foncier et de l’immobilier en France.
Mme Sophie Primas. Exactement !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Enfin, il ne faut surtout pas bloquer les maires qui ont envie de construire. Sur ce point, il est fondamental de revenir sur le sujet majeur qu’est l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Bravo !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Celle-ci n’est compensée qu’à hauteur de 3 %. Or il suffirait de la compenser à 50 %, ce qui représenterait un coût de seulement 200 euros par an et par logement.
J’entends que la France ne pourrait pas prendre une telle mesure. Je veux bien… Je crois surtout qu’il ne faut pas cacher certaines réalités. Il faut faire appliquer la loi SRU, et bien sûr être exigeant pour que chacun prenne sa part. Mais au-delà, le logement procède de la solidarité et de l’investissement nationaux. On ne peut pas demander aux collectivités de payer ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Madame la sénatrice, nous observons effectivement une chute de la production de logements ; je partage ce constat qui a été dressé sur toutes vos travées. Ce phénomène est pour l’instant conjoncturel, mais il deviendra structurel si nous ne mettons pas en place ensemble – car la responsabilité est partagée – les outils pour lutter contre cette chute de la production de logements.
C’est la raison pour laquelle j’ai lancé, de façon extrêmement volontariste, le défi de construire 250 000 logements sociaux en deux ans grâce aux moyens financiers provenant des opérateurs de l’État et à un partenariat avec Action Logement. Ces logements sociaux devront être construits quelque part. C’est aussi la raison pour laquelle, comme Marie-Noëlle Lienemann, je soutiens l’application et la prolongation de la loi SRU.
Je soutiens également le logement intermédiaire. C’est un segment utile qui se développe, raison pour laquelle nous avons supprimé l’agrément. Toutefois, la question du modèle économique des exonérations non compensées de TFPB se pose pour le logement intermédiaire comme pour le logement social.
Je reconnais tout à fait que nous devons être cohérents en termes de modèle économique et de soutien aux élus s’agissant de la construction de logements. J’ai ainsi souhaité la constitution d’une mission pour étudier la possibilité de compenser l’exonération de TFPB ou trouver des solutions alternatives pour le logement intermédiaire.
Cette question se pose aussi – plus globalement et avec autant, voire davantage, d’acuité – pour le logement social. Nous allons donc étendre les travaux de cette mission à tout ce secteur afin qu’elle puisse formuler des propositions sur l’évolution de cette exonération, sa compensation ou son financement.
Pour autant, j’estime que les paramètres fiscaux ne sont pas les seuls déterminants dans la décision des maires de construire ou de ne pas construire. Cette décision relève plus globalement d’une politique territoriale et locale, et si la fiscalité est assurément un des éléments pris en compte, il n’est pas le seul.
Pendant longtemps, notre pays a connu des maires bâtisseurs. Il existe encore des maires qui souhaitent accueillir les habitants de leur territoire, et les enfants de ceux-ci, dans les meilleures conditions possible. À charge pour nous de trouver le modèle, non seulement fiscal mais aussi politique et environnemental, qui le permette !
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Pierre Louault. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la problématique des territoires ruraux. Beaucoup de personnes veulent vivre à la campagne et ne le peuvent pas. En effet, il est impossible de construire sur un territoire rural qui n’est pas soumis à un PLU, les préfets refusant systématiquement les permis de construire.
La loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, visait à juste titre à réglementer l’urbanisme périurbain galopant qui détruisait les territoires ruraux de proximité. Mais elle a, en même temps, totalement bloqué l’urbanisation des territoires ruraux.
À titre d’exemple, le schéma de cohérence territoriale (SCoT) prescrit très clairement que les permis de construire sur les communes sont délivrés en fonction du nombre de permis obtenus les années précédentes. Ainsi, le SCoT ne leur ouvrant pas de nouveaux droits à construire, les communes rurales délivrent de fait de moins en moins de permis.
Par ailleurs, aucune aide publique n’est prévue pour la réhabilitation dans les territoires ruraux. Les personnes qui, aujourd’hui, souhaitent transformer les vieilles maisons de ces territoires en habitat locatif n’ont droit à aucune aide !
La loi ALUR a condamné à une mort lente mais certaine les territoires ruraux. Madame la ministre, envisagez-vous de modifier le code de l’urbanisme, qui a été établi pour les villes et les territoires périurbains ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Les règles d’urbanisme ne doivent pas conduire à rendre impossible l’installation d’habitants dans les territoires ruraux.
Toutefois, cette question me paraît relever d’une discussion entre élus locaux, relative aux documents d’urbanisme communaux – PLU, plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), SCoT. Les services de l’État apportent leur appui pour négocier, discuter et faire aboutir ces documents lorsqu’ils sont en cours de préparation.
Lorsque la discussion n’aboutit pas, ce sont les règles de base qui s’appliquent, c’est-à-dire le règlement national d’urbanisme (RNU) ou la carte communale. Mais cette discussion doit être menée au niveau local, et non pas seulement au niveau national.
Le projet de loi Climat et Résilience prévoit l’élaboration d’une stratégie de réduction de l’artificialisation nette au travers de débats menés d’abord à l’échelon régional, puis à l’échelon des SCoT, des PLUi ou des PLU, afin d’assurer sa définition différenciée en fonction des besoins des communes.
S’agissant de la rénovation, j’estime que nous pouvons probablement faire mieux, et je suis prête à y travailler. Les programmes « Action cœur de ville » puis « Action cœur de bourg » et « Petites villes de demain » ont été l’occasion de réfléchir au financement de la rénovation des commerces et des logements des centres-villes et des centres-bourgs. S’il s’avérait que nous manquons d’outils pour financer la rénovation, par exemple en remise dans le parc social, le ministère pourrait travailler à l’élaboration d’aides adaptées avec les bailleurs.
Enfin, les aides à la rénovation telles que MaPrimeRénov’ sont un outil budgétaire puissant pour permettre à ceux qui s’installent de faire des travaux de rénovation énergétique, mais pas seulement, et pour rendre les projets abordables.
Mme le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour la réplique.
M. Pierre Louault. La part des territoires ruraux concernés par l’artificialisation des sols n’est que de 10 %, contre 80 % pour les territoires urbains et périurbains.
L’artificialisation des sols, ce sont avant tout les autoroutes, les lignes de TGV et les aéroports qui sont construits pour les gens de la ville. Il n’y a pas d’artificialisation pour construire à la campagne !
Par ailleurs, le code de l’urbanisme ne permet pas, au travers du SCoT, de construire sur les territoires ruraux ; il faut donc faire sauter le verrou. Je compte donc sur vous pour soutenir la proposition de loi que je proposerai en vue d’assouplir la loi ALUR, laquelle verrouille le système pour les communes qui n’ont pas eu de permis de construire. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains.)
Mme le président. La parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)
Mme Viviane Artigalas. Les défis de la construction sont immenses dans les territoires ultramarins ; cela est ressorti des auditions menées par la délégation sénatoriale à l’outre-mer dans le cadre de son étude sur le logement.
Construire plus et mieux est donc une urgente nécessité, mais cela doit se faire en tenant compte des spécificités de chaque territoire. Alors que 80 % de la population en outre-mer pourrait bénéficier d’un logement social, seulement 15 % y accèdent. Par ailleurs, 100 000 logements relèvent de l’habitat indigne et insalubre.
En outre, l’implantation très disparate des bailleurs sociaux, qui interviennent encore trop souvent en ordre dispersé, ne permet pas d’établir une stratégie coordonnée. Ce point a été souligné par la Cour des comptes, qui a suggéré une restructuration.
Ces défis complexes doivent nous conduire à repenser l’intervention de la puissance publique en la matière sur ces territoires.
Ainsi, compte tenu des spécificités des outre-mer, il faut territorialiser davantage la politique du logement, qui a besoin d’un pilotage clair, efficace et inscrit dans la durée. L’intervention de tous les acteurs du logement doit être coordonnée, en y associant davantage les collectivités locales.
Au-delà d’une meilleure lisibilité des critères de répartition et des réaffectations des crédits de la ligne budgétaire unique (LBU), la généralisation des plateformes d’ingénierie publique au niveau local doit être poursuivie et amplifiée.
Étant donné le faible niveau de revenus des ménages ultramarins, le logement locatif très social doit être davantage priorisé.
Face à ces constats, madame la ministre, et compte tenu du fait que le plan logement outre-mer 2015-2019 a été un semi-échec, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer le succès du nouveau plan logement outre-mer ? Quelles réponses le comité de pilotage de ce plan, qui doit se tenir en mars, pourra-t-il apporter ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)