Mme Pascale Gruny. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mais je vous demande de surveiller ce dossier comme le lait sur le feu, si vous me permettez cette expression.
En effet, les agriculteurs du secteur du sucre et la filière betteravière dans son ensemble se débattent aujourd’hui dans de grandes difficultés : fin des quotas, concurrence exacerbée, néonicotinoïdes, aléas climatiques, Brexit, etc. Ils n’en peuvent plus ! Je vous rappelle que deux usines françaises de l’allemand Südzucker, l’une près de chez moi, dans la Somme, l’autre en Normandie, ont fermé.
Ce secteur a vraiment besoin d’être défendu. Si vous ne le faites pas, c’est que vous n’en avez rien à faire de l’agriculture dans notre pays ! La filière betteravière était un fleuron français et il sera excessivement compliqué de la remplacer à ce titre, si vous estimez qu’elle n’est pas suffisamment importante pour être défendue.
Monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec le débat sur l’accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Mobilités dans les espaces peu denses à l’horizon 2040 : un défi à relever aujourd’hui
Débat sur les conclusions d’un rapport d’information de la délégation sénatoriale à la prospective
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective, sur les conclusions du rapport d’information Mobilités dans les espaces peu denses à l’horizon 2040 : un défi à relever dès aujourd’hui.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans le débat, la parole est à M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective, qui a demandé ce débat.
M. Olivier Jacquin, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier pour leur confiance l’ancien président de la délégation sénatoriale à la prospective, Roger Karoutchi, et l’actuel président, Mathieu Darnaud – je tiens à les saluer.
L’idée de ce rapport est venue à l’issue de l’adoption de la loi d’orientation des mobilités, qui a prévu, de manière intelligente, un droit à la mobilité pour tous et, conséquemment, que tous les territoires devaient être couverts par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM).
Néanmoins, certains territoires sont sans ressources ni modèle économique : l’égalité des territoires n’est pas assurée. Refusons des mobilités à deux vitesses et les fractures territoriales et sociales ainsi provoquées.
Nous avons voulu envisager à long terme, de manière prospective, ce qu’il pouvait advenir des espaces peu denses du point de vue des mobilités. Il va de soi que les conclusions de ce rapport auraient été très différentes sans cette incroyable expérience de « démobilité » qu’a été le confinement.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis ravi que ce soit vous qui soyez présent ce soir au banc du Gouvernement, vous qui portez haut et fort la question de la ruralité.
Les espaces dont nous traitons dans notre rapport représentent, selon l’Insee, 90 % du territoire national, un tiers de ses habitants tout de même.
Les mobilités s’organisent d’une manière très différente entre les espaces denses et peu denses. Dans un cas, la massification est possible – tramways, métros, TGV, transports en commun en site propre, etc. –, les flux peuvent être concentrés et la rentabilité parfois être au rendez-vous. Dans l’autre, les flux sont faibles ou disparates, les lignes régulières sont moins remplies et, depuis les trente glorieuses, ces territoires ont perdu des équipements en termes de petites lignes ferroviaires et de lignes régulières de cars interurbains.
D’ailleurs, certains des intervenants et experts que nous avons auditionnés définissent ces territoires peu denses comme étant ceux où il n’y a que la voiture pour se déplacer ou encore ceux dans lesquels le transport coûte cher dans le budget des ménages.
La situation est radicalement différente en fonction de la situation dans laquelle on se trouve : dans le rural polarisé autour d’un centre, l’organisation sera différente par rapport à celle qui prévaudra dans le rural isolé ou le périurbain. Quant à la problématique des espaces très peu denses, elle est également très complexe.
Monsieur le secrétaire d’État, vous connaissez les vallées de montagne : la situation de celles où existe une station de ski et où il faut traiter les problèmes de congestion n’est pas du tout la même que la situation de celles où le traitement des mobilités se contente d’organiser la « descente » habituelle des habitants du territoire.
Il est par conséquent nécessaire de mettre en place des politiques publiques sur mesure, ce qui nécessite un minimum d’ingénierie intégrée et des moyens financiers.
Quelles peuvent être les solutions de mobilité en fonction de ces différents territoires ?
Nous sommes partis de trois postulats essentiels.
Le premier, c’est l’impérieuse nécessité d’opérer la transition écologique et de décarboner les motorisations.
Le deuxième, c’est l’accessibilité des services et des activités : comment effectuer moins de déplacements subis grâce à un bon positionnement des services par rapport à l’habitat ? Cela nécessite des politiques audacieuses d’aménagement du territoire et d’urbanisme, la prise en compte de la gestion des temps, et donc une bonne échelle de gouvernance, proche des bassins de mobilité qui dépassent souvent le périmètre administratif d’une intercommunalité.
Le troisième est une évidence : le déploiement de la couverture numérique sur l’ensemble du territoire.
Dès lors, nous avons dégagé trois séries de solutions qui constituent une sorte de bouquet.
La première : utiliser l’existant et le renforcer, qu’il s’agisse des petites lignes ferroviaires ou des services réguliers de cars interurbains, le cas échéant en organisant des rabattements, en les modernisant, en les cadençant et en utilisant des voies réservées à proximité des villes pour les cars interurbains.
La deuxième : socialiser l’usage des voitures, en tout cas d’une partie d’entre elles – cela suffira. Les moyens technologiques et numériques actuels permettent de penser le covoiturage sur courte distance d’une manière très efficace. Des expérimentations de lignes virtuelles avec des arrêts le montrent. Il en est de même pour la gestion de l’autopartage. Il est tout à fait possible aujourd’hui de développer des solutions extrêmement audacieuses. Socialiser la voiture, c’est aussi le transport à la demande, des transports solidaires, mais aussi le taxi – des experts nous disaient que, dans les espaces très peu denses, les politiques publiques ne devaient pas écarter le taxi, puisque les flux sont très limités.
La troisième : les mobilités actives. Pour beaucoup de personnes, les espaces peu denses ne seraient pas adaptés aux mobilités actives, mais une bonne partie des trajets du quotidien – près de 50 % d’entre eux – fait moins de trois kilomètres. Dès lors, la marche et le vélo, à assistance électrique ou non, doivent être stimulés et pris en compte pour certains types de déplacements.
Nos hypothèses d’évolution se déclinent dans huit scénarios.
Je n’en citerai qu’un seul, intitulé « rien de neuf ! », où la puissance politique n’interviendrait qu’a minima ; par conséquent, les évolutions proviendraient des ruptures technologiques et de la logique de marché. La décarbonation serait le fait des véhicules électriques. Le reproche fait à la voiture d’être coûteuse serait traité par le développement de petits véhicules électriques, peu coûteux. La situation des « assignés territoriaux », expression étonnante du sociologue Éric Le Breton – pour lui, 15 % à 20 % de nos concitoyens sont dans cette situation, parce qu’ils n’ont pas le permis de conduire, subissent un handicap ou n’ont pas suffisamment de revenus pour avoir un véhicule – serait réglée à la marge par un transport à la demande.
Ce scénario pose clairement la question du risque de perte d’attractivité de ces territoires. En effet, il n’y aurait pas d’alternative à la voiture, dans l’hypothèse où le désamour vis-à-vis de ce mode de transport se généraliserait, ce que l’on peut observer aujourd’hui parmi les jeunes générations.
Monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin d’un modèle économique pour financer cette politique publique maintenant imposée. C’est une question d’égalité !
Je conclurai mon intervention en citant l’un des meilleurs spécialistes des mobilités, Gilles Dansart : « Il ne s’agit pas non plus d’opposer la mobilité individuelle aux transports collectifs, ce qui empoisonne le débat et ralentit les mutations. »
En effet, une mobilité moderne et décarbonée est possible, y compris pour les espaces peu denses, en s’appuyant sur le triptyque proximité-intermodalité-accessibilité pour lutter contre les mobilités à deux vitesses entre territoires urbains bien pourvus et espaces peu denses déséquipés et sans autre solution que le recours à la voiture. Il s’agit donc bien de lutter contre les fractures territoriales et sociales actuelles. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’emblée de remercier la délégation sénatoriale à la prospective, en particulier son rapporteur, Olivier Jacquin, d’avoir demandé l’organisation de ce débat. Votre rapport sur les mobilités dans les espaces peu denses à l’horizon 2040 est riche et de grande qualité et je suis heureux de représenter le Gouvernement à ce débat en ma qualité de secrétaire d’État chargé de la ruralité.
La mobilité est l’un des grands enjeux de l’attractivité des territoires ruraux ; elle constitue à ce titre un volet important de l’agenda rural que je suis chargé de mettre en œuvre et de suivre.
Je suis un ancien élu de ces espaces peu denses évoqués dans votre rapport : j’ai été maire durant près de trente ans d’une petite commune de montagne. J’ai donc une connaissance concrète des problématiques que vous décrivez. D’ailleurs, j’ai moi-même participé à la création, dans les années 1990, et non sans difficulté je l’avoue, d’une autorité organisatrice de transport de deuxième niveau pour compléter l’offre de transport scolaire vers des villages qui n’étaient pas inclus dans le schéma départemental, mais aussi pour desservir des zones touristiques ou écologiquement sensibles.
Vous ne serez donc pas étonné, monsieur le rapporteur, que je partage beaucoup de vos constats. Je mesure parfaitement le poids de la voiture individuelle en ruralité : comme vous l’avez souligné, elle représente à elle seule 80 % des déplacements. L’un des urbanistes que vous avez auditionnés définit d’ailleurs l’espace peu dense comme celui où l’on se déplace en voiture et pas à pied, car son échelle n’est pas à la mesure du piéton.
Les espaces peu denses, dans lesquels vivent un tiers des habitants du pays, nécessitent une politique de transport adaptée à cette réalité qui est bien différente de celle que connaissent les citadins.
Il serait vain et contreproductif de désigner la voiture individuelle comme une ennemie à éradiquer. Pour autant, tout l’enjeu de nos politiques, c’est de ne pas se résigner à ce que certains ont nommé « l’autosolisme », un néologisme pas très élégant. Il s’agit non pas d’éliminer la voiture, mais d’en favoriser un usage plus collectif, ainsi que les alternatives.
L’enjeu est de réduire la dépendance à la voiture, car elle est source de fragilités et d’inégalités. Elle est d’abord source de fragilités pour les territoires qui perdent en attractivité faute d’une offre de mobilité suffisante et adaptée. Elle est ensuite source d’inégalités pour les habitants, en particulier les publics fragiles qui sont privés d’automobile ou pour lesquels l’utilisation de celle-ci pèse lourdement sur les finances du ménage.
Nous partageons donc l’objectif de diversification de l’offre de transport – il correspond parfaitement au scénario n° 5 envisagé à la fin du rapport, celui d’une transition organisée.
C’est d’ailleurs tout l’objet de la loi d’orientation des mobilités (LOM) qui prévoit des investissements sans précédent et fixe comme priorité les transports du quotidien. Il s’agit de la loi la plus importante sur ce sujet depuis la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), adoptée en 1982, et la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) de 2000.
La LOM prévoit de couvrir l’ensemble du territoire par une autorité organisatrice de la mobilité, une AOM. Désormais, et c’est un acquis important de ce quinquennat, il n’y aura plus de zone blanche en ce qui concerne la mobilité. Les communautés de communes sont ainsi encouragées à délibérer pour se saisir de cette compétence avant le 31 de ce mois ; à défaut, la région assurera ce rôle d’AOM locale pour déployer une offre de proximité au niveau des bassins de mobilité.
Sur ce sujet, je veux rappeler la responsabilité des collectivités locales dans l’exercice de cette compétence. En voyage officiel la semaine dernière, j’ai pu constater les tensions entre EPCI et régions sur la définition et le financement des transports de proximité. L’esprit de la LOM est bien de construire un maillage territorial et une complémentarité entre les services de mobilité offerts à tous les échelons – local, régional et national. Il ne s’agit pas, par exemple, comme il nous a été rapporté à l’occasion de ce déplacement, d’appeler les intercommunalités rurales à cofinancer les services ferroviaires régionaux au motif qu’elles en bénéficient.
Le législateur a voulu que les territoires soient en première ligne pour définir leurs offres de mobilité au plus près des besoins. Pour autant, l’État ne livre pas les territoires à eux-mêmes. Ainsi, le Gouvernement a développé la démarche France Mobilités, bras opérationnel de la LOM : elle a pour mission d’identifier les solutions de mobilité, d’en faciliter l’expérimentation, de contribuer à leur montée en puissance et de les déployer largement, lorsque c’est possible.
Je me réjouis d’ailleurs de l’engouement que j’observe sur les appels à manifestation d’intérêt de France Mobilités : via les appels à projets Territoires de nouvelles mobilités durables (Tenmod), nous avons déjà financé 92 projets pour un total de 6,7 millions d’euros, tous en zone peu dense.
Nous croyons aussi à toutes les formes de socialisation de la voiture, comme le covoiturage ou l’autopartage. Les différents appels à projets permettent de soutenir, en lien avec les collectivités, l’expérimentation de nouvelles solutions de plateforme de mobilité permettant, grâce à l’intelligence artificielle, de renouveler les offres de covoiturage ou de transport à la demande développées par un tissu de start-up innovantes.
Afin d’inciter les gens à s’approprier ces nouvelles formes de mobilité, le forfait mobilités durables, introduit dans la LOM, permet aux employeurs de verser, sans charges ni impôts, jusqu’à 500 euros par an à leurs salariés qui viennent au travail à vélo ou en covoiturage, par exemple.
Au-delà de cette incitation financière bienvenue, le Gouvernement a mis en œuvre plusieurs outils budgétaires pour redynamiser le vélo, un mode de transport pratique, écologique, économique et, accessoirement, bon pour la santé… Le vélo a aussi sa place en zone peu dense, dès lors bien évidemment que la géomorphologie le permet.
Nous avons par exemple doté de 215 millions d’euros le fonds national Mobilités actives pour soutenir les projets structurants des collectivités qui prévoient de créer des axes cyclables sécurisés. Ce sont ainsi 119 millions qui ont été alloués à 259 projets en milieu rural. De plus, le coup de pouce « vélo », doté de 200 millions d’euros, a permis d’aider tous ceux qui ont souhaité réparer leur vélo pour en faire leur moyen de déplacement quotidien.
Parallèlement, nous investissons sur le ferroviaire. Conformément à la priorité affichée dès le début du quinquennat en faveur des transports du quotidien et du réseau existant, le Gouvernement a décidé d’investir massivement dans le réseau ferroviaire. Les besoins d’investissements pour la régénération de ces lignes se chiffrent à 7,5 milliards d’euros pour la décennie qui s’ouvre. Près de 1,5 milliard d’euros sont financés dès la période 2020-2022, l’État apportant plus de 500 millions, dont 300 millions dans le cadre du plan de relance.
Cet investissement conjoint avec les régions devra se poursuivre tout au long de la décennie pour atteindre nos objectifs. La remise à niveau de nos infrastructures ferroviaires est une politique de long terme.
Je soutiens par ailleurs le redéploiement d’une offre attractive de trains Intercités de jour et de nuit qui permettra des relations entre territoires en dehors du réseau à grande vitesse. Il nous faut aussi proposer une offre de transport attractive et alternative à la voiture pour ceux qui, à la suite du confinement, ont choisi de s’éloigner des grandes villes pour s’installer dans la ruralité et y télétravailler.
Il nous faudra également faire en sorte d’améliorer l’information des voyageurs au niveau national pour garantir à tous l’accès à l’information sur l’ensemble des offres disponibles, et ce jusqu’au dernier kilomètre. Cette information est trop morcelée entre différents sites.
Ces politiques, si elles ne montrent pas encore tous leurs effets, vont permettre d’offrir dans la durée de véritables alternatives à l’emprise de la voiture individuelle.
Pour conclure, soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous avons en commun la conviction que l’enjeu de la mobilité dans les espaces peu denses est majeur pour notre politique d’aménagement du territoire. Il s’agit de répondre à un impératif : le devoir républicain de garantir l’équité et la cohésion des territoires.
Voilà ce que je tenais à vous dire en prélude à ce débat. Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Débat interactif
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, avec une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à M. François Bonneau.
M. François Bonneau. Monsieur le secrétaire d’État, effectivement, les déplacements en zone peu dense constituent un enjeu majeur.
Depuis plusieurs années, le covoiturage est en plein essor. Ce moyen de transport, qui réunit en moyenne 3,5 personnes, contre seulement 1,3 personne par véhicule individuel, permet de multiplier les offres de mobilité grâce à une certaine flexibilité et à une convivialité reconnue.
Dans les zones moins denses, où les solutions de mobilité sont réduites, le partage du quotidien nécessite de la réactivité et une technologie développée pour effectuer une réservation et une mise en relation des populations intéressées.
Ces initiatives s’articulent autour de deux principes : le covoiturage et le copartage. Pour le premier mode de transport, il s’agit de mettre en relation des citoyens effectuant des trajets courts. Le second se caractérise par le partage d’un véhicule entre plusieurs personnes.
Une solution innovante de copartage a d’ailleurs vu le jour dans une communauté de communes de mon département, plus précisément dans le sud de la Charente. Une expérimentation a été mise en place pour accompagner le prêt de véhicules de personnes qui ne les utilisent plus, souvent du fait de leur âge, au profit de personnes qui n’en ont pas. Cette coordination solidaire permet à chacun de se rendre chez le médecin, dans un service public ou, encore, dans les commerces de proximité.
Ces services doivent être qualifiés de services publics. Aussi, il convient d’engager l’État dans une réflexion afin de proposer une coordination de différents services de transport. Cette application pourrait être accessible à tous, y compris au sein des maisons France Services.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement envisage-t-il d’harmoniser l’ensemble de ces initiatives ? Comptez-vous mettre en place rapidement un budget pour travailler sur ces moyens d’avenir ? Accompagnerez-vous les zones rurales dans leur transition pour laquelle les particuliers sont l’indispensable maillon ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Bonneau, face aux difficultés de mobilité d’un nombre croissant de nos concitoyens, de nombreuses collectivités, souvent des intercommunalités, parfois des régions, ont été amenées à développer des solutions de mobilité dite solidaires. Celles-ci s’appuient souvent sur le bénévolat, comme vous le soulignez, ou sur la mise à disposition de véhicules. De nombreux montages peuvent exister sur les territoires.
Aujourd’hui, il y a un cadre juridique qui le permet et l’encourage. La loi d’orientation des mobilités a créé très clairement une compétence mobilités solidaires, qui impose la mise en place systématique, à l’échelle de chaque bassin de mobilité, d’un plan d’action commun en faveur des mobilités solidaires pour rendre nos services plus inclusifs par la tarification, l’information et l’accompagnement des personnes qui en ont besoin. Il s’agit de mettre en place de nouvelles solutions de transport d’utilité sociale, des garages solidaires, du covoiturage solidaire ou encore le prêt de véhicule.
Alors qu’elles sont seulement en train de se déployer, je crois très sincèrement qu’il n’est pas nécessaire de les harmoniser, leur diversité faisant aujourd’hui leur richesse. Vous nous en donnez justement une belle illustration avec l’exemple d’une solution innovante de copartage qui est développée par l’association CAR 47 dans une communauté de communes du sud Charente que j’ai visitée. J’ai pu en voir l’intérêt et me rendre compte du cœur qu’avait mis l’ancien président de l’intercommunalité à mettre en place ce service.
À mon sens, véritablement, l’enjeu est non pas de créer un service public clé en main, imposé nationalement, mais de favoriser l’émergence de services qui sont adaptés aux réalités de chaque territoire. Dans cette mise en œuvre d’une politique décentralisée, l’État entend être un facilitateur. C’est le sens, d’ailleurs, de la création de France Mobilités, de très nombreux appels à projets que nous avons lancés, ou, encore, du site « Tous Mobiles », qui est une véritable boîte à outils des mobilités solidaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville.
Mme Angèle Préville. Monsieur le secrétaire d’État, nous le savons tous, le changement climatique nous oblige à des actions urgentes.
Nous devons impérativement travailler à une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre, et le secteur des transports en produit une part importante. La stratégie nationale bas-carbone vise une réduction de 28 % des émissions de ce secteur d’ici à 2030, c’est-à-dire dans seulement neuf ans.
Les zones peu denses sont révélatrices non seulement de notre retard en la matière, mais également, et je le regrette, du désintérêt porté à nos territoires ruraux : abandon des petites lignes, faiblesse des investissements, report multimodal en berne.
Ce manque d’action se fait non seulement au détriment de notre avenir climatique, mais aussi au mépris de la moitié de la population française, qui vit et habite dans des territoires à faible densité et n’a souvent pas d’autre solution que la voiture.
Ce rapport le montre, nous sommes face à un véritable défi de diversification des mobilités. Il pointe aussi les dérives qui s’installent : ainsi, pendant les trente dernières années, la proportion des déplacements effectués à pied pour se rendre à l’école ou au collège est passée de 52 % à 32 % ; dans le même temps, la proportion des déplacements à vélo a diminué de plus de moitié, passant de 7,5 % à 3,3 %. Il y a là un vrai sujet !
Le plan Vélo, lancé en 2020, n’est malheureusement pas à la hauteur des enjeux. L’aménagement des infrastructures doit être un levier de cette politique, car un des freins est bien lié à la sécurité, notamment pour les parents. Or les aménagements de voirie restent coûteux et les départements, les communes n’ont souvent pas les finances nécessaires pour envisager un plan ambitieux de construction de cheminements doux, en particulier des pistes cyclables. Cette question du financement est cruciale et déterminera l’atteinte ou non de nos objectifs environnementaux.
Monsieur le secrétaire d’État, quand et comment allez-vous réellement permettre l’essor d’une solution alternative au « tout-voiture » dans nos territoires peu denses ? Quelles solutions envisagez-vous pour sécuriser, notamment, les trajets pour se rendre à l’école et généraliser la marche à pied ou la circulation à vélo, ce qui est excellent pour la santé, vertueux pour l’environnement et bon pour le porte-monnaie des parents ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous prenez des exemples d’actions qui sont souvent mises en place par des collectivités territoriales. Je le sais, pour avoir été maire près de trente ans.
Les opérations « marcher vers l’école » étaient particulièrement intéressantes, avec des coûts extrêmement limités, y compris dans des territoires comme le mien, où il y a quand même beaucoup de neige. Les enfants apprenaient ainsi à marcher sur la neige, ce qui était une très bonne chose… (Sourires.)
Il y a également le vélo, que vous avez cité à l’instant, et qui a un fort potentiel, dans les zones peu denses comme dans les zones urbaines. Quel que soit le type de territoire, entre 30 % et 50 % des déplacements font entre 1 kilomètre et 5 kilomètres. Les collectivités locales se sont vraiment emparées de ce mode de transport pour déployer des politiques publiques de soutien local. Je tiens à saluer cet engagement, qui est nécessaire.
Vous avez raison, un premier enjeu consiste à multiplier les itinéraires cyclables sécurisés. C’est ce que finance précisément le Fonds mobilités actives, qui a été mis en place dès 2019. Nous venons d’annoncer la liste des lauréats de la troisième édition. Au total, ce sont 533 projets qui ont été soutenus, pour 215 millions d’euros de subventions. La moitié est en zone peu dense et en outre-mer, avec des taux de subvention bonifiés qui vont de 40 % à 70 %.
D’autres financements sont accessibles aux collectivités, avec la dotation régionale d’investissement, qui est déployée à l’occasion du plan de relance, et des aides qui sont recensées sur la plateforme aides.francemobilités.fr.
Il y a également le programme AVELO, qui est piloté par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et qui aide les petits territoires à développer des pistes cyclables. Après 220 territoires aidés à hauteur de 15 millions d’euros en 2019-2020, ce sont 400 territoires qui vont être aidés dans les trois prochaines années, à hauteur de 25 millions d’euros.
D’autres outils doivent être développés par les territoires : le stationnement, l’aide à l’achat, la location. Là encore, l’État prévoit des mesures d’accompagnement.
Enfin, chaque territoire est invité à faire la promotion du vélo auprès des habitants et des employeurs. Je les invite tous à se joindre à l’opération « Mai à vélo » pour donner envie de vélo. Il s’agit d’encourager nos concitoyens à adopter ce mode de transport qui, je le rappelle, est à la fois écologique, pratique, mais également, vous l’avez dit, madame la sénatrice, économique et, surtout, bon pour la santé. (Sourires.)