Mme la présidente. Il va falloir conclure, mon cher collègue.
M. Gérard Lahellec. J’aurais voulu prendre comme dernier exemple tout ce qui se passe dans nos campagnes. Tout simplement, celles-ci souhaitent pouvoir accéder à tout : on ne peut donc pas se contenter de circonscrire un périmètre de mobilité qui interdirait à tous ces territoires d’accéder à l’Europe, au monde et au-delà !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Lahellec, vous indiquez en introduction de votre propos que vous allez devoir gérer les restes, mais des exemples sont nécessaires.
Comme je l’évoquais, pour ma part, j’ai créé une AOT de deuxième niveau, à une époque où c’était possible, mais tout de même très difficile. Je l’ai fait, tout simplement, parce qu’un certain nombre de sujets n’étaient pas pris en compte par l’autorité de niveau supérieur. Cette autorité, qui était départementale à l’époque et serait régionale maintenant, appliquait des critères selon lesquels un village où le nombre d’enfants d’âge scolaire était inférieur à cinq n’avait pas droit au transport scolaire. C’est pourquoi une intercommunalité a fait le choix d’assurer ce service, estimant qu’elle devait le faire si elle voulait conserver des enfants sur son territoire. Ajoutons qu’il s’agissait d’une zone qui connaissait un problème de gestion des flux de circulation – flux tout à fait considérables –, laquelle gestion aurait été impossible si nous n’avions pu « limiter la casse » en organisant la venue de véhicules de transport public sur ces zones, qui sont souvent écologiquement très sensibles, notamment dans les différents parcs.
Alors, il ne s’agit pas, selon moi, de gérer les restes, mais de faire en sorte que, quand une intercommunalité prend une initiative, on en tire les conséquences qui s’imposent sur ses rapports avec les autorités régionales qui géreront, dans les faits, tout ce qui ne sera pas proposé par les autres collectivités. Cela permettra d’ailleurs, peut-être, de modifier un certain nombre de critères appliqués au niveau régional d’une manière dont la mise en œuvre serait plus intéressante sur des territoires peu denses.
Sachez quand même une chose, monsieur le sénateur : nous suivons une logique de confiance aux territoires. Ceux-ci ont des besoins de transport, qui peuvent être effectivement exprimés par une volonté de mise en œuvre, au niveau local, de solutions spécifiques. Il s’agit par ailleurs souvent de solutions alternatives au transport public lourd ordinaire ; à mon avis, de telles initiatives enrichiront le dialogue entre l’autorité régionale et les autorités locales, dans le cadre de la décentralisation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Mme Sylvie Vermeillet. Je m’associe tout d’abord à l’ensemble de mes collègues pour saluer l’initiative et le travail toujours passionnant de la délégation à la prospective et particulièrement celui d’Olivier Jacquin, qui m’a beaucoup appris sur les initiatives prises par les territoires en matière de nouveaux modes de déplacement.
S’il reste nécessaire d’étudier la question des mobilités dans les espaces peu denses, c’est bien parce qu’elle est fondamentalement préoccupante, tant les écarts entre villes et campagnes se creusent. Le rapport de notre délégation à la prospective saisit avec justesse les domaines pour lesquels le monde rural peut légitimement s’inquiéter concernant ses possibilités de développement d’ici à 2040. Cependant, j’ose imaginer que nous n’en serons pas réduits à explorer des modes de déplacement alternatifs à la voiture par défaut ou par obligation ; je ne saurais croire que ce serait la seule chose qu’il nous reste à espérer !
Monsieur le secrétaire d’État, vous savez mieux que quiconque qu’il reste des fractures territoriales à réduire ; il reste même des frontières à franchir !
Je copréside depuis cinq ans le comité de massif du Jura, qui s’étend sur quatre départements : l’Ain, le Jura, le Doubs et le Territoire de Belfort. Unanimement, les 57 membres du comité réclament une voie rapide reliant le Jura à Lausanne. En effet, chaque jour, plus de 40 000 frontaliers empruntent des routes de misère pour aller travailler. Le covoiturage ou le bus ne peuvent résoudre notre manque flagrant d’infrastructures. Depuis plus de trente ans, élus français et suisses de l’arc jurassien demandent une voie rapide, mais puisqu’ils ne sont pas nombreux – autrement dit, ils sont eux aussi peu denses ! –, les gouvernements successifs les ont ignorés.
Monsieur le secrétaire d’État, est-ce donc une fatalité ? Les territoires mal desservis sont-ils condamnés à l’immobilisme, ou bien pouvons-nous compter sur le montagnard que vous êtes pour soutenir notre projet et franchir le massif du Jura ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, j’ai bien compris qu’il s’agissait d’une tentative de séduction de l’ancien président du comité de massif des Alpes par le comité de massif du Jura ! (Sourires.)
Je tiens, madame la sénatrice, à réaffirmer l’engagement de l’État pour améliorer les conditions de sécurité et de circulation sur les routes nationales dans le Jura. Vous savez que des travaux de sécurisation ont été notamment réalisés dans ce secteur entre Morez et Les Rousses, de 2014 à 2017. En outre, un programme d’amélioration de l’itinéraire de la nationale 5 a été approuvé ; il est intégralement financé par l’État, à hauteur de 20,6 millions d’euros et sa réalisation s’échelonne sur la période 2018-2022 afin de minimiser la gêne pour les usagers.
Quant au projet de liaison routière Dijon-Lausanne, la demande déjà étudiée portait sur un itinéraire via Poligny et Vallorbe. Ce projet présentait un coût extrêmement élevé et des impacts environnementaux significatifs, compte tenu de l’environnement montagneux particulièrement fragile du secteur. Ce projet n’apparaissait pas en adéquation avec les trafics qu’il serait susceptible de capter ; plus généralement, comme vous le savez, l’essentiel des déplacements le long de cet axe correspond à du trafic local, alors que le trafic de transit vers Lausanne passe par Genève, en empruntant l’autoroute A40.
Si le projet de liaison routière via Poligny et Vallorbe n’a pas été retenu à ce jour parmi les priorités de l’État, son opportunité pourra être à nouveau discutée dans le cadre de l’élaboration de la prochaine contractualisation avec la région Bourgogne-Franche-Comté.
L’État reste par ailleurs soucieux du niveau de service qui est offert aux usagers du réseau routier national ; il est donc naturellement prêt à poursuivre l’amélioration des itinéraires existants, notamment du point de vue de la sécurité routière. Nous nous montrerons ouverts aux sollicitations des collectivités territoriales dans la perspective des possibilités qu’offrira sans doute le projet de loi 4D, dont vous ne manquerez pas de vous emparer.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Monsieur le secrétaire d’État, la loi d’orientation des mobilités généralise à l’ensemble du territoire les AOM, afin d’éviter les zones blanches où nulle solution intégrée de mobilité n’est proposée aux habitants. Reste à savoir si tous les outils offerts par cette loi pourront effectivement être utilisés par les acteurs locaux.
En effet, leur mise en œuvre dépend beaucoup de l’importance des moyens financiers mis à disposition des collectivités et, notamment, de leur capacité à lever le versement mobilité auprès des entreprises. Certaines collectivités ne disposent pas de bases fiscales suffisantes sur leur territoire et risquent de se retrouver démunies, leurs ressources s’avérant trop faibles pour pouvoir mettre en place des solutions de mobilités.
Par ailleurs, l’émergence de pratiques innovantes est parfois contrariée par le manque de compétences et d’expertises disponibles pour les collectivités.
S’il existe en théorie une palette de solutions alternatives à la voiture individuelle dans les zones peu denses, les difficultés techniques et juridiques rencontrées dans leur mise en place et leur fonctionnement constituent de réels freins.
Monsieur le secrétaire d’État, quelles solutions envisagez-vous afin de pallier ces angles morts de la LOM et de combler ces trous dans la raquette ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice, vous posez la question plus générale, si je puis dire, de l’accompagnement en ingénierie des territoires.
L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a justement vocation, au nom du ministère de la cohésion des territoires, à accompagner les projets des collectivités, selon trois modalités d’intervention. La première consiste en programmes nationaux tels que « Action cœur de ville », « Petites villes de demain », ou encore « France Services » ; un programme pour la montagne va par ailleurs prochainement être élaboré. La deuxième modalité est la contractualisation, avec les pactes territoriaux et les contrats de relance et de transition écologique, que je vous autorise à appeler « contrats ruraux et de transition écologique » ! Enfin, troisième modalité, l’ANCT offre un accompagnement sur mesure des projets qui n’entrent pas dans les deux précédentes catégories.
L’intervention de cette agence repose un certain nombre de principes, mais surtout sur une méthode de déconcentration au niveau des préfets, qui en sont les délégués territoriaux, et sur une simplification et une coordination des actions menées par les diverses agences de l’État. Il s’agit, si je puis dire, du bouquet de services proposé, services qui peuvent vous aider considérablement.
Un bon exemple de cet accompagnement est le programme de diagnostic des ponts dans les petites collectivités. Ce programme, lancé en janvier dernier, vise à répertorier tous les ouvrages d’art et à pallier le manque de ressources en ingénierie nécessaires pour leur diagnostic ; il est assuré par le Cerema.
Pour vous répondre plus spécifiquement sur l’organisation des mobilités, je ne saurais oublier de rappeler une nouvelle fois quelle est la démarche de France Mobilités. Les nouvelles solutions, dont je sais combien les plus petites collectivités peuvent avoir besoin, peinent à se développer faute de l’accompagnement nécessaire pour faire face à ces défis.
C’est pourquoi France Mobilités propose un soutien à l’ingénierie des collectivités, par la mise en place dans chaque région de cellules d’appui avec le concours du Cerema, de la Banque des territoires, de l’Ademe et des services déconcentrés de l’État. Ces cellules aident les collectivités, dans les domaines technique, financier et administratif, à innover dans les territoires peu denses pour rendre la LOM opérationnelle. Elles peuvent ainsi les aider à se saisir de la compétence mobilités, ce dont nous parlions à l’instant, ou encore à réaliser des projets par un apport d’expertise.
Je rappellerai pour terminer que l’offre de service France Mobilités se combine avec toutes les actions de l’ANCT ; ensemble, elles constituent vraiment un accompagnement fort des collectivités, d’une nature qui n’avait jamais été prévue jusqu’à présent.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Filleul, pour la réplique.
Mme Martine Filleul. Merci de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État. Nous serons d’accord sur au moins un point : l’ANCT a bien été créée pour apporter un soutien aux collectivités en matière d’ingénierie de projets. Pour autant, il semble qu’elle ne se soit pas saisie du sujet des mobilités et qu’elle ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour le faire. En soi, cela pose vraiment question.
Mme la présidente. La parole est à Mme Else Joseph. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Else Joseph. Monsieur le secrétaire d’État, l’avenir des mobilités est un défi pour nos territoires. Les mobilités seront notamment la clé de la sortie de crise, que nous espérons proche. Sans une offre polyvalente en la matière, nous ne pourrons envisager de reprise économique et sociale.
Comme le souligne le rapporteur de notre délégation à la prospective, que je salue, la combinaison des modes constitue la solution. Il ne faut pas opposer les mobilités classiques aux mobilités nouvelles, mais les développer et les améliorer ensemble, car tout frein apporté à une mobilité rejaillit inévitablement sur une autre.
Le temps est à l’intermodalité. Le département des Ardennes, où je suis élue, offre justement un panorama de ces mobilités complémentaires, qui nous interroge. Je peux notamment citer la mise en place d’une voie verte de plus de 100 kilomètres le long de la Meuse, infrastructure de mobilité qui présente un intérêt touristique et sportif, mais aussi, maintenant, pour les déplacements professionnels. Le vélotourisme peut être une solution pour l’attractivité de nos territoires : c’est le cas avec cette véloroute EuroVelo 19.
L’automobile reste indispensable, car elle est souvent le seul moyen d’accéder à nos centres-bourgs et aux services. Je ne me résous pas au phénomène d’assignation territoriale dû au fait que 20 % des personnes adultes vivant en zone peu dense ne disposent pas de voiture ! Réfléchissons à ses usages collectifs, comme l’autopartage, que nous pratiquons depuis deux ans.
Monsieur le secrétaire d’État, mon département est partie prenante des nouvelles mobilités. Il a fait des choix et s’y est engagé financièrement ; cela pèse encore sur les budgets. Ainsi, 14 kilomètres de cheminements doux, alternatifs et sécurisés ont été créés le long de la Meuse, en plein cœur de la ville de Charleville-Mézières ; 120 kilomètres de voies vertes ont été aménagés par le conseil départemental ; plus de 81 millions d’euros ont été engagés par le département pour l’autoroute A304, ouverte depuis deux ans, qui permet un itinéraire de délestage autoroutier entre le nord et le sud de l’Europe ; le département s’est enfin engagé dans la LGV Est pour plus de 12 millions d’euros, car c’est un gage d’attractivité pour notre territoire.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : que compte faire l’État, dans la mise en place des mobilités, pour accompagner les collectivités qui paient toujours ces équipements ? Les menaces sur le TGV et la dégradation du service qui s’annonce en sont un exemple. Les discours encouragent l’intermodalité, mais nous voulons des actes !
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Madame la sénatrice Joseph, permettez-moi tout d’abord de saluer l’engagement dynamique des collectivités ardennaises pour le développement des mobilités modernes. Pour leur démarche exemplaire, elles profitent d’un réseau de voies navigables qui leur permet d’aménager de nouveaux espaces de circulation douce, comme ceux que vous avez cités. Votre département compte aussi deux lauréats de l’appel à projets du Fonds mobilités actives sur les continuités cyclables. Je tenais à souligner ce dynamisme local.
Concernant les véloroutes européennes, il n’y a pas de dispositif spécifique de soutien, mais tous les financements sont ouverts, en particulier la DSIL, la DSID, le plan de relance, ou encore la dotation régionale d’investissement. Le Fonds européen de développement régional (Feder) peut également intervenir, suivant les régions, mais le fléchage des projets est en ce cas une compétence régionale.
Ces aides sont répertoriées sur le site de France Mobilités, qui se tient à la disposition des élus locaux pour leur faciliter la tâche. Parmi les conseillers qui m’accompagnent ce soir dans cet hémicycle, certains représentent France Mobilités ! Cette ingénierie existe donc ; je l’ai même rencontrée. (Sourires.)
Les territoires peuvent également s’appuyer sur l’ANCT et sur France Mobilités, qui disposent de cellules d’appui local alimentées par l’Ademe, le Cerema et la Banque des territoires.
Vous le voyez, l’État prend sa part tout en donnant cette responsabilité aux collectivités, qui sont les mieux à même d’adapter efficacement les politiques publiques à leur territoire, comme vous le faites d’ailleurs dans votre département. Toutes les bonnes volontés convergent pour développer de vraies offres de mobilité sur le territoire, les choses se concrétisent.
C’est bien ce qu’exprime le projet « Vers un Rézo Pouce Sud Ardennes » – j’ai cru à une faute d’orthographe sur ma fiche, mais c’est bien ainsi qu’est écrit « réseau » dans ce projet ! –, autre exemple de lauréat d’un appel à projets de France Mobilités dans votre département, qui a permis de créer un réseau d’autostop et de court voiturage sécurisé particulièrement performant.
Je comprends donc votre inquiétude, madame la sénatrice, mais je tiens à vous assurer de ma vigilance et de celle du Gouvernement pour le rétablissement complet des dessertes TGV. Comme je l’ai dit, nous surveillerons cela de très près.
Mme Else Joseph. Nous aussi !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le secrétaire d’État, le rapport d’information de notre délégation à la prospective montre que la logistique demeure un angle mort des politiques de mobilité dans les zones peu denses.
Il est ainsi noté, à la page 54 de ce rapport : « Avec le développement des livraisons, la logistique du dernier kilomètre est plus compliquée et coûteuse à développer lorsque les distances entre plusieurs clients sont particulièrement longues à parcourir. Aucun marché de la livraison ne pourra se développer sans organisation, sans coordination entre acteurs. Des acteurs déjà présents sur le territoire, comme La Poste, pourraient être incités encore plus à se saisir de cette question pour développer un panel de services de livraison aux habitants. »
Le rapport souligne également que l’absence de service de livraison dans les espaces peu denses pourrait pénaliser l’attractivité de ces territoires.
Aussi, les plans de mobilité rurale, bien qu’orientés principalement aujourd’hui vers la mobilité des personnes, devraient s’intéresser aussi à la dimension logistique et aux flux qui en résultent, comme cela est proposé dans la LOM.
Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes à l’heure du développement du click and collect, des achats sur internet et des points de retrait associés, et des circuits courts et de proximité ; en outre, il faut reconnaître que La Poste est en grande difficulté dans nos espaces ruraux, avec la fermeture de ses bureaux, la réduction des amplitudes d’ouverture et le nouveau concept de facteur guichetier. Alors, sur quels leviers doit-on agir pour que La Poste, qui est déjà présente sur ce segment de service, en amont, avec « Ma ville mon shopping », comme en aval, avec GeoPost, puisse mieux se déployer dans le domaine de la logistique si vital pour nos territoires ruraux ?
Il faudrait que cela se fasse, bien évidemment, en garantissant une égalité de traitement territorial dans le niveau de la qualité du service apporté.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur, dans le cadre de sa mission de service public, La Poste assure des livraisons de colis dans les zones peu denses. Ainsi, les véhicules de livraison ne sont pas toujours remplis à leur maximum et les tournées sont trop nombreuses, compte tenu des délais de livraison promis par les sites de vente en ligne. Cette situation engendre une pollution atmosphérique accrue ; de surcroît, ce type de livraison n’est pas rentable pour La Poste, ce qui met d’ailleurs en péril son modèle économique de livraison de colis en zone peu dense.
Il convient donc de mutualiser les livraisons afin de maximiser le taux de chargement des véhicules qui assurent ces rotations.
Une première solution, que nous mettons déjà en œuvre, consiste à inciter La Poste et les sites de vente en ligne à se coordonner pour regrouper les colis. Quitte à allonger les délais d’attente, cette solution permettrait d’assurer un meilleur remplissage et de rendre l’activité plus soutenable financièrement.
Une solution complémentaire serait la mise en place de plateformes de mutualisation des livraisons qui rassembleraient des acteurs locaux qui réalisent des livraisons – La Poste, par exemple – et un certain nombre d’artisans qui les font également. L’opérateur de la plateforme numérique pourrait être la collectivité territoriale, La Poste, ou un acteur privé.
La logistique du dernier kilomètre, qui est aussi importante pour les personnes que pour les marchandises, fait d’ailleurs partie des thèmes qui sont mis en avant dans la démarche « Action cœur de ville » que le ministère de la cohésion des territoires met en œuvre pour soutenir l’attractivité des villes moyennes. Le Cerema a également lancé un programme d’études pour élaborer de nouvelles solutions permettant aux collectivités de mieux gérer ces nouveaux flux logistiques.
Le numérique, vous le savez, engendre davantage de livraisons de colis, ce qui devient problématique, mais nul doute que le numérique apportera également une réponse rapide à ce problème, parce que tel est l’intérêt économique tant pour le secteur de la livraison, globalement, que pour la vente en ligne, dont la Poste fait bien sûr partie.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Tabarot. Monsieur le secrétaire d’État, les territoires ruraux vont-ils sortir de la malédiction qui les frappe en matière de mobilité ? Telle était l’ambition de la LOM : rayer de la carte de France les zones blanches.
Dans ce cadre, les transports ferrés connectés aux services de rabattement font figure de solution idéale. Pourtant, la question des dessertes fines ferrées rurales reste toujours soumise à un paradoxe et à une équation difficile.
Un paradoxe, d’abord, car la Cour des comptes s’interroge régulièrement sur la pertinence d’y consacrer des financements publics importants. Une équation difficile, ensuite, car le maintien d’une offre de transports publics en zone peu dense est compliqué par la concurrence de la route : ces transports apparaissent peu fréquentés en comparaison.
Des efforts sont faits pour sauver ces petites lignes ferroviaires. Je peux en témoigner dans la région Sud, notamment autour de l’étoile de Veynes, qui vous est chère, monsieur le secrétaire d’État, de la ligne de la côte bleue, ou encore de la ligne Breil-Tende.
Néanmoins, à l’échelle hexagonale, la question reste entière. En 2021, les crédits consacrés aux lignes de desserte fine du territoire s’élèvent à 620 millions d’euros. Si cet effort peut être salué, il reste bien inférieur aux besoins identifiés dans le rapport Philizot.
C’est pourquoi j’ai déposé, avec certains de mes collègues et au nom de la commission de l’aménagement du territoire, un amendement visant à augmenter de 300 millions d’euros le soutien prévu aux petites lignes, amendement qui n’a pas été retenu.
Monsieur le secrétaire d’État, comment répondre dès lors à cette attente de maintien de ces dessertes ferroviaires ?
Plus largement, cette question pose également la pérennité du dispositif de soutien à toutes les infrastructures de transport. Ce soutien n’est pas assuré au-delà du plan de relance. Du fait de l’absence des mandats transports dans les prochains contrats de plan État-région (CPER), un vrai sujet se pose quant aux opérations non financées par l’État au-delà de 2022. Comment dès lors, sur le long terme, assurer les investissements de transport nécessaires en milieu rural ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité. Monsieur le sénateur Tabarot, comme vous le savez, l’État a engagé un effort significatif de financement des petites lignes sur la période 2020-2022, puisqu’il apporte plus de 500 millions d’euros sur ces trois années, dont 300 millions au titre du plan de relance. Ces financements se font dans le cadre d’investissements de régénération qui approchent 1,5 milliard d’euros, en incluant les financements des régions et de SNCF Réseau.
Aucun projet n’est aujourd’hui bloqué faute de financement. Je crois que cet engagement constitue un signal collectif fort, dont il faut bien dire qu’il correspond à une forme de rattrapage après une longue période de sous-investissement.
Concernant la période suivante, à partir de 2023, sur laquelle vous m’interrogez, les protocoles d’accord avec les régions, qui sont dans leur majorité signés ou en passe de l’être, sont précisément le cadre de notre engagement commun à pérenniser ces lignes. La première garantie est le recensement exhaustif des besoins et des modalités de financement, ligne par ligne, financeur par financeur. Nul acteur ne pourra donc s’exonérer, qu’il s’agisse de l’État, des régions, dans le cadre des CPER, ou encore de SNCF Réseau.
L’entreprise s’est d’ailleurs engagée à reprendre à sa charge les investissements sur dix lignes considérées comme essentielles, lignes qui nécessitent souvent les investissements les plus importants, ce qui représente un effort très considérable de la part du gestionnaire d’infrastructures.
Par ailleurs, en bonne intelligence avec les instances régionales spécialisées, une structure nationale ad hoc de gouvernance va être mise en place cette année pour assurer la cohérence des volets investissements, offre de services et innovation technique.
Vous pouvez donc constater, monsieur le sénateur, que les conditions sont bien réunies pour que l’État, les régions et SNCF Réseau s’engagent sur le long terme pour la pérennité des petites lignes, à commencer par le prochain volet mobilité des CPER 2023-2027, dont l’élaboration est devant nous.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Tabarot, pour la réplique.
M. Philippe Tabarot. Je veux dire deux choses pour clore notre échange, monsieur le secrétaire d’État. D’abord, il faut vraiment éviter que l’État et la SNCF ne se défaussent sur les régions à l’avenir. Alors, s’il vous plaît, utilisez votre présence au Gouvernement afin de sanctuariser ces financements pour les lignes de desserte fine du territoire dans les années à venir ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Guené. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Charles Guené. Monsieur le secrétaire d’État, la LOM répond à un besoin prégnant et contemporain des territoires. Malheureusement, elle ne comporte pas le volet financier escompté pour les zones peu denses, pour lesquelles le versement transport reste insuffisant et devrait faire l’objet d’une péréquation nationale.
Cette grave lacune a jeté la ruralité dans un dilemme cornélien : laisser la compétence aux régions et s’en remettre à leur bon vouloir, ou bien prendre une autonomie illusoire, faute de moyens, avant le 31 mars ; qui plus est, ce choix est irrévocable !
Vous n’avez pas souhaité accorder de report des échéances, malgré la pandémie qui a empêché les discussions préalables entre les parties. Mais grâce à un texte non daté, que je qualifierais d’apocryphe s’il ne figurait pas sur le site Mobilités du ministère des transports, une faculté dérogatoire est accordée sine die, qui tord le cou à la loi et autorise tous les reports par un transfert de la compétence accompagné d’un maintien du statu quo.
Confirmez-vous la validité de ce texte ministériel d’un genre nouveau, que j’ai d’ailleurs transmis à vos services ? Doit-il être colporté d’élu à élu ou allez-vous le communiquer par circulaire à tous les préfets, afin de mettre fin à cette situation d’ici au 31 mars ? Enfin, le délai ainsi obtenu sera-t-il mis à profit pour préparer le volet financier, tant attendu ?