Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement de la délégation aux collectivités territoriales parce qu’il répond à l’exigence de contrôle par une évaluation à mi-parcours avec des modalités claires sur ce que l’on attend de ce contrôle.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme le président. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 298 rectifié quater, présenté par Mme Gatel, MM. Pointereau, Darnaud et Bas, Mme Deroche, MM. Longeot, Lafon et Bonnecarrère, Mmes Vérien, N. Goulet et Billon, MM. Canevet, Capo-Canellas, Chauvet, Delahaye, Delcros et Détraigne, Mmes Férat et Guidez, MM. Hingray, Kern, Laugier et Le Nay, Mme Loisier, MM. Louault, P. Martin et Mizzon, Mme Morin-Desailly, MM. Moga et Prince, Mme Saint-Pé, M. Belin, Mme Bellurot, MM. Bonhomme, Bouchet, Brisson et Burgoa, Mme Canayer, MM. Cardoux, Charon, Chatillon et Chevrollier, Mmes L. Darcos, Demas, Drexler, Dumont, Estrosi Sassone et Garriaud-Maylam, M. Genet, Mme Gosselin, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houpert, Hugonet et Laménie, Mme Lassarade, MM. D. Laurent, Lefèvre, Mandelli, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, M. Perrin, Mme Puissat, MM. Reichardt, Saury, Sautarel, Savary et Savin, Mme Schalck, MM. Vogel, Chasseing, Decool, Lagourgue, A. Marc et Wattebled, Mme Mélot, MM. Haye, Bonne, C. Vial, Guiol et Levi et Mme Guillotin, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Avant l’expiration de la durée fixée pour l’expérimentation et au vu de son évaluation, si le législateur décide du maintien et de la généralisation des mesures prises à titre expérimental, il subordonne cette extension des prérogatives judiciaires des agents de police municipale à la demande expresse des communes et établissements publics concernés.
La parole est à Mme Françoise Gatel.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, j’ai trouvé que vous manquiez quelque peu d’allant sur l’amendement précédent. Celui-ci me semblait pourtant excellent, puisque les expérimentations doivent, de manière générale, être conduites avec rigueur et exigence, a fortiori quand il s’agit d’une compétence régalienne. Mais peut-être aurez-vous plus d’enthousiasme pour celui-ci, qui traite de l’atterrissage de l’expérimentation.
Le Sénat vient d’adopter une loi sur la simplification de l’expérimentation, disposant qu’à l’issue d’expérimentations de transferts de champs de compétences autorisés par la loi, l’expérimentation peut-être être pérennisée dans les collectivités qui y ont eu recours. Sur l’initiative du Gouvernement, il est prévu qu’elle pourrait être aussi élargie à des collectivités n’ayant pas souhaité expérimenter cette compétence. Cela signifie que l’on va imposer à des collectivités qui n’ont pas exprimé cette volonté un transfert de compétence.
Il me semble que, dès lors que nous abordons le sujet de l’expérimentation, il faut en étudier l’atterrissage. C’est l’objectif de cet amendement œcuménique et transpartisan, qui atteste la vigilance du Sénat. Selon nous, s’il y a pérennisation et généralisation à l’issue de l’expérimentation, cela ne peut être proposé qu’aux communes volontaires pour accepter cet élargissement de compétence.
Mme le président. L’amendement n° 202, présenté par M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au terme de l’expérimentation, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre employant au moins quinze agents de police municipale ou gardes champêtres, dont au moins un directeur de police municipale ou un chef de service de police municipale, pourront décider de bénéficier des mesures du présent article sur la seule base du volontariat, avec possibilité de revenir sur cette décision.
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Cet amendement va dans le même sens que le précédent, que j’ai d’ailleurs cosigné. Ce qui nous inquiète n’est pas tant l’expérimentation que sa généralisation. En ce qui concerne les polices municipales, nous souhaitons que les maires restent décideurs de l’évolution de celle-ci. Quel que soit le résultat de l’expérimentation, nous souhaitons que la généralisation ne soit pas imposée à tout le monde, mais que la conservation de cette compétence par les maires soit fondée sur le volontariat. C’est sous la forme, par exemple, de conventions signées avec le ministère de l’intérieur et sur lesquelles elles pourraient revenir à tout moment que les communes continueraient de bénéficier de ces mesures.
Il s’agit donc de laisser la possibilité de ce choix aux maires qui doivent rester les décideurs. Nous sommes pour le « qui paye, décide », en l’occurrence au profit des polices municipales qui font souvent le travail que fait, mal, l’État – c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles ont été créées. L’idée est donc, tout en menant cette expérimentation, que ce soit sur la base du volontariat que les communes puissent s’inscrire dans ce cadre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. L’amendement signé par Mme Gatel et ses collègues va dans le sens de ce que j’ai dit : on subordonne la pérennisation de l’expérimentation à la volonté des communes au moment de l’atterrissage.
Cela étant, nous savons tous que, dans cinq ans, le législateur aura toute latitude pour définir les modalités du moment. Pour autant, rien n’empêche le législateur d’aujourd’hui de signifier son état d’esprit pour la généralisation. La précision me semble donc tout à fait utile. L’amendement de M. Delahaye allant dans le même sens, je propose d’adopter plutôt celui de Mme Gatel, sur lequel j’émets un avis favorable.
Mme le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est un avis défavorable, mais, madame Gatel, on ne va pas se battre sur cet amendement. Il me paraît en effet bizarre d’indiquer ce qui pourrait éventuellement arriver dans la loi dans cinq ans.
Souvent, les commentateurs disent que la loi est bavarde ; or évoquer des dispositions sur ce que donnerait dans cinq ans une expérimentation – une partie d’entre nous ne sera, d’ailleurs, plus là, ce que je me souhaite pour ma santé personnelle – n’ira pas pour les contredire. Et ce, d’autant plus si l’on part du principe qu’il y a expérimentation sans en prévoir la généralisation. Nous n’avons rien prévu du tout et j’ai dit qu’il n’y aurait, à la suite de l’expérimentation, pas de bascule d’un modèle à un autre. Il me semble donc que vous pouvez être bien rassurés sur ce point.
Madame Gatel, je n’ai pas été très heureux de l’amendement de M. Pointereau parce que, si je peux comprendre son souci, je suis en désaccord avec l’idée de définir dans le détail la liste des critères devant être évalués dans le cadre de l’expérimentation – il ne me semble pas que ce soit du domaine de la loi.
Nous avons déjà eu, à l’Assemblée nationale, un débat sur la mi-évaluation, sans doute rendue plus efficace par l’amendement Daubresse qui, en la faisant passer à cinq ans, en allonge la durée. En revanche, fixer aussi précisément les critères sur lesquels doit porter cette évaluation, comme le propose M. Pointereau, ne relève pas forcément, je l’ai dit, du domaine de la loi. Néanmoins, comme l’idée m’a paru bonne, j’ai donné un avis de sagesse, lequel n’était pas l’indication de mon administration – comme quoi je peux ne pas suivre son avis.
S’agissant, en revanche, du deuxième point je ne suis pas sûr que ce soit une bonne façon de faire la loi que de dire ce qu’on va faire dans cinq ans, « si ». Chacun, évidemment, juge comme il le souhaite cet amendement.
Mme le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sans traîner sur le sujet, je trouve que ce n’est pas le rôle du Sénat, dont la mission est de compléter et d’améliorer la qualité de la loi, d’écrire aujourd’hui, dans un article de loi, quelque chose qui prétendrait contraindre le législateur dans cinq ans.
Madame Gatel, puis-je vous faire observer que le texte sur l’expérimentation auquel vous faisiez référence est un texte de loi organique qui, lui, peut légitimement encadrer la loi. Les dispositions prévues à cet amendement ont valeur de motion ou de résolution, mais n’ont aucun caractère législatif. Il me semble donc que ce n’est pas notre rôle.
Mme le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour explication de vote.
M. Vincent Delahaye. Je pense, au contraire, que nous sommes tout à fait dans notre rôle. Nous sommes dans la défense des élus, notamment des élus locaux, en tant que représentants des territoires. Or nous sommes en train de mettre le doigt dans un engrenage d’expérimentation et de généralisation pouvant être très dangereux pour beaucoup de nos collègues maires qui n’auraient pas envie, dans cinq ans, d’entrer dans ce système.
J’étais et je reste réservé sur l’expérimentation qui ne me convainc guère – mais pourquoi pas, si un certain nombre de communes la demandent – ; toutefois, disons dès maintenant que nous ne sommes pas favorables à la généralisation. C’est le sens de ces amendements. Et nous sommes tout à fait en droit de le dire dès maintenant – qui, parmi nous, sera encore présent pour le dire dans cinq ans ? Nous voulons ainsi exprimer aujourd’hui notre défense des pouvoirs des élus locaux et des maires.
Mme le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse que, naturellement, je désapprouve totalement. (M. le ministre rit.) Je félicite très chaleureusement le rapporteur pour sa pertinence.
On me dit de ne pas légiférer aujourd’hui pour quelque chose qui arrivera dans cinq ans, date à laquelle nous ne serons plus là. Certes, mais nous traitons d’un sujet qui relève de la libre administration des maires, la création d’une police municipale relevant de la seule volonté d’un conseil municipal. On ne peut donc imposer à une collectivité ni la création ni le dimensionnement de sa police municipale.
Chat échaudé craint l’eau froide : je pense que le texte que nous avons voté il y a peu, dont M. Richard, à juste titre, rappelle que c’est un texte organique, peut inspirer. Aussi, dans cinq ans, si un gouvernement, à la suite de l’expérimentation, impose des compétences de libre administration au nom du principe d’égalité à toutes les collectivités ayant telle taille de police municipale ou de population, on nous reprochera de n’avoir pas évoqué cet aspect lors de la discussion de la loi.
Parlons-en donc, faisons davantage qu’ouvrir le débat et disons clairement aux collectivités, au moment où elles s’engageront dans l’expérimentation, qu’elles ne seront pas obligées de pérenniser les choses s’il y a une difficulté. Je trouve cela rassurant, monsieur le ministre, et suis étonnée que vous ne me suiviez pas avec plus d’enthousiasme sur cette affaire.
M. Christian Bilhac. Bravo !
Mme le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je voudrais appuyer ce que vient de dire Mme Gatel. Ce n’est pas un avis favorable de complaisance. J’ai l’honneur d’être à l’origine de l’amendement Méhaignerie-Barrot-Daubresse qui a introduit le droit à l’expérimentation dans la Constitution. Je me souviens des débats de l’époque et des questions très pertinentes que posaient les parlementaires ; elles sont toujours aussi pertinentes aujourd’hui.
Il paraît que le Gouvernement va nous présenter une loi 5D touchant au droit à la différenciation et aux questions d’expérimentation. Nous avons des inquiétudes légitimes sur la question de la généralisation de ces expérimentations et sur la manière dont on doit apprécier le terme de différenciation.
En introduisant, dans ce débat important, l’amendement que, je l’espère, nous allons voter dans un instant, nous émettons un signal d’alarme montrant que nous sommes très vigilants sur ce sujet,…
Mme Françoise Gatel. Très bien !
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. … que nous ne ferons pas des expérimentations dans n’importe quelles conditions et qu’on ne mettra pas en œuvre le droit à la différenciation dans n’importe quelles conditions. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je comprends bien les motivations de Mme Gatel, de M. Delahaye et d’autres collègues visant à faire respecter, à tout le moins, la demande expresse des communes concernées par l’expérimentation des polices municipales.
Je n’ai pas voulu signer cet amendement pour une évidente raison de forme : le législateur, s’il décide du maintien et de la généralisation des mesures prises à titre expérimental, doit subordonner cette extension des prérogatives judiciaires des agents de police municipale à la demande expresse des communes.
Le moment venu, le législateur décidera bien ce qu’il voudra, mes chers collègues. On peut se faire plaisir en votant cela, mais ce qu’une loi décide, une autre loi peut en décider l’inverse. Dans un, deux ou trois ans, lorsque l’expérimentation sera faite, le législateur en place décidera ce qu’il voudra.
C’est une pétition bien sympathique, mais qui, à mon avis, ne tiendra pas le moment venu. Il appartiendra au législateur de décider ce qu’il voudra.
Mme le président. Je vous signale, mon cher collègue, que vous avez cosigné cet amendement n° 298 rectifié quater. (Rires.)
Je mets aux voix l’amendement n° 298 rectifié quater.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. En conséquence, l’amendement n° 202 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 332, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. – Les agents de police municipale et les gardes champêtres peuvent également, pour les infractions commises sur la voie publique et qu’ils sont habilités à constater, procéder à la saisie des objets ayant servi à la commission des infractions ou qui en sont le produit et pour lesquelles la peine de confiscation de l’objet ou du produit est prévue. Les objets saisis sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés, en présence de la personne, qu’elle en soit la propriétaire ou qu’elle en ait la libre disposition. La saisie est constatée par procès-verbal.
La parole est à M. le ministre.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir la possibilité de procéder à des saisies dans le cadre de l’expérimentation ; l’amendement n° 331, qui suit, vise à rétablir la possibilité de constater la consommation de stupéfiants.
Après débat avec nos collègues ainsi qu’avec les présidents d’associations d’élus de grandes villes et de villes moyennes, la commission a donné, ce matin, un avis favorable au rétablissement de la possibilité de constater la consommation de stupéfiants. Néanmoins, elle a émis un avis défavorable à la possibilité, qui l’inquiète, de procéder à des saisies.
Nous considérons que les saisies ne sont pas un acte anodin, car, si l’on peut saisir des stupéfiants ou des cigarettes de contrebande, on peut également saisir des véhicules. Je demande à ceux qui ont exercé des fonctions municipales de voir dans quelles conditions un policier municipal constatant qu’un conducteur roule sans permis procède ou non à une saisie. Où met-on le véhicule ? A-t-on des scellés pour les saisies de stupéfiants ? En cas de problèmes, qui est responsable, et de quoi ?
Nous devons être prudents sur ces questions. Monsieur le ministre, alors que nous avons eu des réponses tout à fait satisfaisantes – même si elles ne sont pas celles que nous souhaitions – de vos services sur de nombreux sujets, nous n’en avons pas reçu sur la question de la conservation des scellés et de ces saisies.
Nous nous sommes donc inquiétés à ce sujet. Cela m’amène à émettre un avis favorable sur le constat de consommation de stupéfiants, mais défavorable sur la possibilité de procéder à des saisies.
M. Gérald Darmanin, ministre. Madame la présidente, si vous me le permettez, j’aimerais présenter dans la foulée l’amendement n° 331.
Mme le président. Je vous en prie, monsieur le ministre.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 331, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Alinéa 19
Rétablir le 5° dans la rédaction suivante :
5° À l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. S’agissant, tout d’abord, de l’amendement précédent, je remercie le rapporteur qui s’est dit favorable à ce que, dans le cadre de l’article 1er, les policiers municipaux puissent donner des amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Je soutiens évidemment le rétablissement de la disposition prévue à l’Assemblée nationale.
Concernant le second point, lié avec le premier, mais pouvant être différent, permettez-moi de préciser que la Cour de cassation, par un arrêt de 2019, a déjà autorisé les polices municipales à procéder à des saisies.
Prenons trois exemples qui peuvent être ceux des polices municipales.
Un exemple de verbalisation AFD : si le Sénat et l’Assemblée nationale valident le fait que les policiers municipaux peuvent mettre des AFD pour consommation de stupéfiants, la verbalisation sera possible pour quelqu’un qui, n’ayant pas fini de consommer son stupéfiant, se retrouve donc en possession d’une telle matière lors de la verbalisation.
Deuxième exemple, celui d’une vente à la sauvette : imaginons des tours Eiffel vendues, près d’un lieu touristique, par quelqu’un qui les étale sur un drap. C’est illégal et, demain, grâce à la disposition de l’article 1er, il pourra être verbalisé par les policiers municipaux. L’objet de la verbalisation sera évoqué pour la saisie.
Troisième exemple, vous évoquez, monsieur Daubresse, des objets d’un plus gros volume comme des motos, des quads ou voitures, dont on peut se demander ce qu’ils deviendraient en cas de saisie. Ils pourraient effectivement encombrer et poser des questions de frais puis d’admission en non-valeur, comme on les connaît dans les collectivités.
Sur le premier point, le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur sont clairs, y compris à l’égard des services de police : les petites quantités de stupéfiants doivent être détruites immédiatement ; il n’est pas nécessaire de les garder sous scellés. Il suffit de constater la consommation du stupéfiant qui relève de l’AFD. Il n’est donc, par définition, pas question de saisie.
Lorsque les quantités sont plus importantes, on sort du champ de l’AFD pour entrer dans celui du trafic de stupéfiants. C’est alors la police nationale et la gendarmerie qui interviennent, et non la police municipale.
Je rappelle que c’est le procureur de la République de chaque ressort qui encadre les quantités et la nature des drogues relevant de l’AFD.
Pour ce qui concerne le deuxième point, à savoir les tours Eiffel et autres objets du même acabit, avouez qu’il serait un peu absurde de ne pas permettre aux policiers municipaux de constater les ventes à la sauvette, dont nous constatons tous les désagréments ! Il serait un peu dommage de pouvoir verbaliser un marchand à la sauvette, installé à côté d’un marchand ambulant qui, lui, est officiellement déclaré auprès de la délégation de service public ou de la régie directe, sans pouvoir saisir ses produits, qui, au reste, ne sont pas très volumineux. On pourrait d’ailleurs imaginer que la commune, sous l’autorité du procureur de la République – cette possibilité existe sur d’autres sujets –, les concède, par exemple, aux centres communaux d’action sociale (CCAS), aux caisses des écoles ou aux associations, auprès desquels elle intervient au quotidien.
Troisièmement, je conviens avec vous, monsieur le rapporteur, que la police nationale et la gendarmerie doivent régler, notamment avec la justice, la question des objets plus volumineux concernant le constat des saisies, puis la destruction des produits, leur revente par les services du domaine ou leur réutilisation par les services de police. De manière générale, l’État doit fortement progresser sur ce sujet des saisies.
Si vous le souhaitez, je suis prêt à rectifier l’amendement du Gouvernement ou à prendre ici des engagements concernant les objets volumineux devant être apportés directement aux services de police nationaux et à la gendarmerie. Nous pourrions les définir : il ne s’agirait ni de stupéfiants ni de tours Eiffel. Ce n’est évidemment pas à la commune de s’occuper de leur entreposage ou de réaliser le travail d’enquête.
Cependant, ce cas paraît assez exceptionnel, puisque je constate que, si nous ouvrons aux polices municipales, par l’article 1er, le pouvoir de constater des infractions en accédant directement à des fichiers, nous ne leur donnons pas la possibilité de saisir, par exemple, un véhicule qui roulerait à très grande vitesse sur une portion de route municipale. Il est évident que l’officier de police judiciaire (OPJ) serait alors appelé.
Par conséquent, je suis disposé à prévoir que la police municipale puisse restituer à la police nationale ou à la gendarmerie les saisies qu’elle vient d’effectuer, mais, en lien avec l’amendement relatif aux AFD que le Sénat va peut-être adopter et puisque nous parlions des stupéfiants, il me paraîtrait anormal de verbaliser un consommateur de cannabis et de lui laisser sa marchandise, dont on peut être certain qu’il ne la détruira pas lui-même. Il serait absurde que la personne verbalisée doive se présenter au commissariat ou que l’OPJ doive se déplacer pour que cette marchandise de faible quantité soit détruite.
Pour terminer, je veux dire que, pour avoir souvent accompagné des policiers sur le terrain – comme vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs –, y compris lorsque j’étais maire, j’ai déjà vu des policiers nationaux, en dehors du strict cadre légal, détruire eux-mêmes les produits objets du délit, sans même procéder à la verbalisation. Nous savons tous ici qu’une partie des policiers municipaux font sans doute de même lorsqu’ils outrepassent leurs pouvoirs.
L’AFD sera d’autant plus efficace qu’elle sera inscrite au casier de la personne verbalisée et qu’il y aura une destruction encadrée par la loi, comme la Cour de cassation l’a déjà prévu.
Je trouverais donc un peu ubuesque que vous adoptiez l’amendement n° 331 et pas l’amendement n° 332.
Mme le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. Je veux remercier M. le ministre de ses précisions. Nous travaillons sur le sujet depuis le mois de novembre. Nous n’avions encore jamais entendu de parole aussi claire, notamment sur la question des stupéfiants.
Monsieur le ministre, vous avez répondu partiellement à ma préoccupation et à celle de tous les élus ici présents, notamment s’agissant des stupéfiants, qui est de ne pas mettre en danger les maires ni bien évidemment les policiers municipaux dans l’exercice de leurs responsabilités.
En revanche, vous n’avez pas répondu à la question de l’opportunité de la saisie d’un véhicule. Qui décide de cette opportunité en cas de défaut de présentation de telle ou telle pièce ?
J’ai bien entendu vos propos. Pour notre part, nous voulons aussi essayer d’avancer de manière à répondre à la préoccupation de plusieurs collègues maires. Dès lors – je m’adresse à M. le président de la commission des lois –, ne pourrait-on pas différer le vote de cet amendement, de manière qu’il soit rectifié pour parvenir à une rédaction qui puisse convenir à tous ?
Demande de réserve
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Eu égard à la fois à l’interprétation que vient de faire M. le rapporteur, mais également à l’explication importante donnée par M. le ministre de l’intérieur, je demande la réserve du vote de l’amendement jusqu’à la fin de l’examen de l’article 1er, afin de nous laisser le temps de le rectifier.
Mme le président. En application de l’article 44, alinéa 6, de notre règlement, la commission demande la réserve jusqu’à la fin de l’examen de l’article 1er du vote sur l’amendement n° 332.
Lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Favorable.
Les services doivent avoir le temps de travailler ensemble afin que nous puissions proposer une bonne rédaction.
Peut-être faudrait-il procéder au vote de l’amendement après la suspension de nos travaux.
Mme le président. Il n’y a pas d’opposition ?…
La réserve est ordonnée.
Je mets aux voix l’amendement n° 331.
(L’amendement est adopté.)
Mme le président. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 211, présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 20 et 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Ces trois amendements en discussion commune ne vont pas tout à fait dans le même sens.
En effet, pour notre part, nous refusons l’extension des pouvoirs de la police municipale. Je répète que notre objectif n’est pas de nous opposer aux polices municipales telles qu’elles existent ; faisons cependant attention.
Tout d’abord, les polices municipales n’existent pas dans toutes les communes, pour des raisons diverses, qui tiennent parfois à des questions de moyens.
Au demeurant, quand elles existent, elles n’ont pas toutes les mêmes prérogatives, ainsi que nombre de nos collègues l’ont déjà largement évoqué.
Par conséquent, même si le renforcement des prérogatives accordées aux policiers municipaux peut être séduisant et donner le sentiment d’une meilleure efficacité potentielle, il conduirait inévitablement à fragiliser les missions globales de la police nationale, à laquelle il semble que nous soyons toutes et tous attachés ici, et à accroître les inégalités territoriales dans la mise en œuvre de la sécurité au service de chacune et de chacun.
Mme le président. L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mme V. Boyer, MM. B. Fournier, Le Rudulier, Bonnus, Brisson, Boré, Somon et Charon, Mme Bellurot, M. Saury, Mme Canayer, M. Klinger, Mmes Delmont-Koropoulis, Schalck et Deroche, MM. H. Leroy, Tabarot et Cuypers, Mmes Dumas et Dumont, MM. Pellevat et Mandelli, Mmes Drexler et Thomas, MM. Bonhomme, Cadec, Panunzi, Regnard et Courtial, Mme Garriaud-Maylam, M. Longuet, Mme Joseph, M. Bonne, Mme Deromedi, M. Houpert, Mmes Bonfanti-Dossat et de Cidrac et M. Guené, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après le mot :
pénal
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à Mme Valérie Boyer.