M. Bruno Retailleau. Nous sommes devant un problème d’interprétation du droit – Dieu sait que c’est souvent le cas !
Pour notre part, la seule chose que nous souhaitons, c’est garantir la sécurité et la tranquillité à nos concitoyens.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Nous aussi !
M. Bruno Retailleau. Je comprends parfaitement le rapporteur et le président de la commission des lois, lorsqu’ils nous font observer qu’un problème d’interprétation de la décision du Conseil constitutionnel peut se poser.
Je propose que, d’ici la réunion de la commission mixte paritaire, un travail entre le Gouvernement et la commission soit mené. Cependant, pour que les choses soient claires, nous devrions adopter l’amendement à titre conservatoire.
Je demande à M. le ministre et à M. le président de la commission des lois d’engager ce dialogue dans un esprit positif, afin de trouver une solution. Dans cette attente, notre groupe votera l’amendement du Gouvernement.
Mme Dominique Estrosi Sassone. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Pour répondre à Alain Richard et à Bruno Retailleau, comme l’article a été voté à l’Assemblée nationale, il restera ouvert à la discussion lors de la réunion de la commission mixte paritaire et il n’est pas nécessaire d’adopter maintenant cet amendement pour cette seule raison de procédure.
Si celui-ci était toutefois adopté, l’article ne serait pas conforme, dans la mesure où le Gouvernement a apporté des modifications, mineures, à sa rédaction – ainsi, il propose de modifier une phrase de l’article L. 126-1-1 du code de la construction et de l’habitation pour ajouter une référence aux balcons, terrasses et fenêtres. Là aussi, l’article resterait donc ouvert à la discussion.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que nous discutons de la surveillance non pas de la voie publique, mais d’espaces privés. Les garanties apportées au dispositif doivent être d’autant plus importantes ! J’imagine aisément que certains d’entre vous seraient hostiles à la mise en place d’un système de vidéoprotection dans l’entrée de leur immeuble, pour des raisons de sécurité publique…
C’est bien pour cela que le Conseil constitutionnel est vigilant : il a déjà censuré de telles dispositions et il pourrait le faire de nouveau ! Je ne cherche pas à faire peur, mais c’est une question qui touche directement au respect de la vie privée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est évidemment disposé à saisir la main que M. Retailleau lui tend et nous serons à la disposition de la commission des lois pour travailler avec elle en vue de la commission mixte paritaire.
J’ajoute quelques éléments de fond. L’amendement prévoit que la transmission des images de surveillance se fait à la demande du bailleur. (Marques d’approbation sur des travées du groupe Les Républicains.) Ce n’est donc pas la police qui d’un seul coup décide de les récupérer !
Par ailleurs, je note que la mise en place de caméras dans des lieux privés existe déjà chez les riches… Ici, il s’agit d’immeubles HLM : par définition, c’est à l’État ou à la collectivité locale d’y assurer la sécurité – c’est bien ce que nous disons depuis tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Le dispositif prévoit que le propriétaire, c’est-à-dire le bailleur, peut librement s’engager par convention à transmettre les images de surveillance ; jamais un maire ne pourra l’obliger à signer une telle convention.
Le locataire qui subit les nuisances, s’il habitait dans un logement de standing, ferait lui-même installer des caméras de vidéoprotection…
Il est toujours possible de revoir l’écriture du texte dans un sens conforme à la décision du Conseil du constitutionnel, si un doute juridique subsiste. Mais je précise, de nouveau, que jamais le Conseil constitutionnel n’a censuré ce que nous proposons.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Je note d’abord que nous discuterons de ce sujet en commission mixte paritaire, quel que soit le vote qui sera réservé ce soir à cet amendement.
Sur le fond, je veux dire que ce sont les cages d’escalier des immeubles HLM qui voient se dérouler des trafics, bien plus que celles des immeubles de rapport, comme on disait au XIXe siècle.
Ce sont souvent les présidents et les directeurs des offices HLM qui cherchent à démanteler ces trafics, dont les journaux télévisés font fréquemment état. Je le constate dans l’Oise à travers les sollicitations de l’office public d’aménagement et de construction (OPAC).
D’ailleurs, si des émeutes éclatent dans certains quartiers sensibles, c’est parce que les bailleurs et les services de police ou de gendarmerie tentent de démanteler les trafics qui s’y déroulent.
Je considère que la mesure prévue dans cet amendement est nécessaire pour tous ceux qui désirent vivre tranquillement dans les immeubles HLM. Les personnes qui ne bénéficient pas d’une habitation de grand luxe ont, elles aussi, le droit au calme et à la sécurité publique et il serait dommage de priver les bailleurs des moyens de parvenir à cet objectif.
Il nous faut trouver, monsieur le rapporteur, un compromis équilibré entre les différentes exigences auxquelles nous sommes soumis, ainsi que la bonne écriture – c’est un véritable sujet. Mais je vous fais observer que nous parlons d’offices publics au financement desquels participent les impôts, même s’il s’agit – je le reconnais – d’un domaine privé.
M. Loïc Hervé, rapporteur. Exactement !
M. Jérôme Bascher. Les résidents des immeubles HLM ont bien le droit à la tranquillité. Et les trafics, ils n’en veulent plus !
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour explication de vote.
M. Philippe Folliot. J’entends bien ce qui est dit concernant l’enjeu de sécurité dans les quartiers populaires, notamment dans le secteur HLM, qu’il s’agisse d’un office, d’une coopérative ou d’un autre type de structure.
Mais il faut aussi entendre les arguments de notre rapporteur. Les textes votés par le législateur ont une portée générale, et non spécifique.
Or l’amendement du Gouvernement pose un certain nombre de problèmes en termes de libertés publiques. Ainsi, il ne concerne pas les voies publiques, mais les lieux privés à usage commun. Concrètement, des tiers auront demain la possibilité de voir à quelle heure les gens rentrent chez eux et avec qui. Il y a tout de même de quoi être inquiet.
Le rapporteur fait bien d’attirer notre attention sur cet aspect et sur la nécessité de rester prudent. C’est pourquoi je me rallie à sa position, ainsi qu’à celle du président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Je vous prie de m’excuser d’être un peu ferme, même si je parle avec calme. Pendant vingt ans, j’ai été maire d’une collectivité qui ne comptait pas un grand nombre d’immeubles de rapport, comme vous dites, et j’ai passé de nombreuses nuits sur le terrain à m’occuper de problèmes tels que ceux que nous évoquons ce soir. Je ne suis donc pas complètement hors sol, quand il est question de problématiques de ce genre.
Évidemment, je ne suis pas contre le fait que nous puissions collectivement avancer pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Toutefois, il est de ma responsabilité de donner un cadre juridique solide à cet article, pour qu’il soit efficient.
M. le président. En conséquence, l’article 20 bis demeure supprimé.
Article 20 ter
Après l’article L. 2251-4-1 du code des transports, il est inséré un article L. 2251-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2251-4-2. – I. – Dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens mentionnés à l’article L. 2251-1 peuvent, lorsqu’ils sont affectés au sein de salles d’information et de commandement relevant de l’État et sous l’autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence, aux seules fins de faciliter la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises.
« II. – Afin de visionner les images dans les conditions prévues au I, les agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la Régie autonome des transports parisiens doivent être individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l’État dans le département.
« III. – Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Ce dernier précise les conditions d’exercice des agents affectés au sein de la salle de commandement, ainsi que les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données personnelles auxquelles ils doivent satisfaire pour être habilités. Il précise également les mesures techniques mises en œuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 82 est présenté par Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 294 rectifié bis est présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy, Briquet et Conconne, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Tissot, Temal, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 82.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement s’inscrit dans la logique de nos amendements précédents. C’est pourquoi je le considère comme défendu.
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 294 rectifié bis.
Mme Angèle Préville. L’article 20 ter ouvre la faculté de visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmis au sein des salles de commandement de l’État aux agents des services internes de sécurité de la RATP et de la SNCF.
Cette mesure à visée uniquement opérationnelle serait justifiée par la volonté de renforcer la coordination des services de police et de gendarmerie et des services de sécurité internes précités dans la perspective de la création d’un futur centre de coordination opérationnelle de la sécurité dans les transports d’Île-de-France.
Cependant, une telle disposition conduirait à allonger une fois de plus la liste des personnels habilités à visionner des images et enregistrements de vidéoprotection. Voilà qui soulève une difficulté d’application de la mesure au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en raison de la nature privée du statut des agents de sécurité de la RATP et de la SNCF.
Malgré les garanties introduites par la commission des lois, la finalité principale de l’article 20 ter consistant à renforcer la coordination des interventions des forces de police nationale et des agents de sécurité des transports revient à déléguer à ces derniers une compétence de police administrative et d’intervention sur la voie publique. En effet, on n’imagine pas que, dans l’exercice de leurs missions, il leur soit possible de s’en tenir exclusivement à de la coordination. Or l’exercice des prérogatives de puissance publique est réservé aux seuls agents publics des forces de sécurité.
C’est pourquoi le dispositif ne semble pas suffisamment proportionné. Ainsi que le souligne la CNIL, la transmission en temps réel de ces images, en dehors de toute réquisition judiciaire, ne devrait être justifiée que dans des cas précisément définis et présentant un degré de gravité suffisant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet article permet aux agents des services internes de sécurité de la SNCF et de la RATP de visionner, au sein des salles de commandement de l’État, des images de systèmes de vidéoprotection captées depuis les véhicules et emprises relevant de leur compétence.
La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques de suppression. En effet, elle a là aussi apporté plusieurs garanties complémentaires à ce dispositif. Les agents privés auront vocation à n’être destinataires que des seules images captées sur leurs emprises respectives. La consultation des images aura lieu uniquement sous l’autorité et en présence d’agents des forces de police ou de gendarmerie, avec pour finalité exclusive la coordination des interventions avec lesdites forces.
Enfin, l’article rappelle la nécessité de garanties techniques – formation des personnels habilités, exigences de sécurité entourant la conservation des enregistrements, obligation de pouvoir retracer l’historique des consultations effectuées par les agents autorisés –, dont il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser le détail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 et 294 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 360, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
sous l’autorité et en présence
par les mots :
sous le contrôle
2° Supprimer les mots :
depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs relevant respectivement de leur compétence
3° Remplacer les mots :
la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises
par les mots :
les interventions de leurs services au sein des véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs concernés
II. – Alinéa 4, deuxième et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer tous les apports de la commission à l’article 20 ter. Il s’agit pourtant de garanties encadrant la possibilité de visionnage des images de vidéoprotection dans les centres de l’État par des agents privés des services de la RATP et de la SNCF – j’ai mentionné ces garanties lors de la discussion des amendements précédents, je ne les rappelle donc pas.
La rédaction de cet article issue des travaux de l’Assemblée nationale autorisait le placement d’agents privés dans le centre de commandement de l’État, en leur permettant d’accéder aux images de vidéosurveillance. Concrètement, il s’agissait d’une délégation à des personnes privées d’une mission de surveillance de la voie publique, ce qui est bien entendu contraire à la Constitution.
Au regard des enjeux financiers et de sécurité, la commission a fait son possible pour rendre cette construction juridique moins baroque et plus conforme aux principes constitutionnels qui ont été rappelés.
Par conséquent, elle émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 20 ter.
(L’article 20 ter est adopté.)
Article 21
Le titre IV du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique devient le chapitre Ier et son intitulé est ainsi rédigé : « Caméras individuelles » ;
2° L’article L. 241-1 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le quatrième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente par les agents et les militaires. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur.
« Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention. » ;
c et d) (Supprimés)
3° L’article L. 241-2 est ainsi modifié :
a) (Supprimé)
b) Le quatrième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les caméras sont fournies par le service et portées de façon apparente par les agents. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le maire de chaque commune sur le territoire de laquelle ces agents sont affectés.
« Lorsque la sécurité des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ou la sécurité des biens et des personnes est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.
« Lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la recherche d’auteurs d’infractions, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans le cadre d’une procédure judiciaire ou d’une intervention. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention. » ;
c et d) (Supprimés)
e) Au dernier alinéa, après le mot : « article », sont insérés les mots : « , notamment les informations transmises au ministère de l’intérieur par les communes mettant en œuvre des caméras individuelles, ».
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, sur l’article.
Mme Esther Benbassa. Si nous comprenons que, depuis les attentats de 2015, la stratégie du maintien de l’ordre en France a évolué, je le dis d’emblée, le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’oppose fermement à la généralisation de la vidéosurveillance que prévoient les articles 21, 22 et 22 bis.
Nous y sommes opposés d’abord par principe, car ces dispositions portent atteinte, à de nombreux égards, à l’exercice des droits et libertés fondamentales comme le respect de la vie privée, mais également la liberté de manifester – ce dernier point concerne spécifiquement les drones.
Nous y sommes opposés ensuite du fait de l’utilisation prévue de ces technologies hautement intrusives. En effet, nous estimons que la vocation première des caméras-piétons est d’être un outil de contrôle du comportement de l’agent. Nous regrettons que cette précision n’ait pas été introduite dans le texte. Nous regrettons également qu’aucune disposition ne vienne expliciter leur utilité, notamment lors de procédures à l’encontre de l’agent. Par ailleurs, l’accès qui serait donné à ce dernier aux images limiterait cette capacité de contrôle, en permettant d’adapter les discours aux faits, ainsi que le relève la CNCDH.
En outre, nous contestons que, dans la pratique, notamment du fait du manque d’autonomie des batteries utilisées par ces caméras, ce soit l’agent lui-même qui déclenche cet outil. On doute qu’il la déclenche en pleine commission d’une infraction…
Enfin, en ce qui concerne les caméras embarquées, quid des lieux d’habitation ? Quelle protection ce texte prévoit-il ?
De manière générale, les garanties sont lacunaires. C’est pourquoi, parce que nous nous opposons à toute forme de surveillance abusive des Français, nous tenterons d’amender le texte.
M. le président. L’amendement n° 295 rectifié bis, présenté par M. Durain, Mme Harribey, MM. Marie et Kanner, Mme de La Gontrie, MM. Antiste et Assouline, Mmes Bonnefoy et Briquet, M. Cardon, Mme Carlotti, MM. Fichet, Gillé et P. Joly, Mmes Lubin et S. Robert, MM. Temal, Tissot, Bourgi, Kerrouche, Leconte et Sueur, Mmes G. Jourda, Monier, Préville et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Je salue le travail des rapporteurs sur cet article et les améliorations qui ont été imaginées pour corriger la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, notamment sur le sujet un peu épineux de la « guerre » des images – c’est la question de l’utilisation des images filmées par les caméras-piétons pour en faire un outil de contribution au débat public.
Les caméras-piétons ont une autre vocation : elles servent à apaiser la relation entre la police et la population, à documenter les incidents et les altercations et, finalement, à les éviter. Elles peuvent aussi servir à nourrir les réflexions et à corriger les procédures à la suite de difficultés opérationnelles.
Pour autant, des garanties nous semblent encore faire défaut, ainsi que l’ont souligné un certain nombre d’observateurs, comme la CNCDH. Les magistrats font par exemple remarquer qu’il faut bien prendre garde à ce que les images ne soient ni altérées ni modifiées.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé cet amendement de suppression. Il s’agit d’un amendement de principe, qui ne nous empêche pas de relever les progrès accomplis dans la rédaction de l’article à l’initiative des rapporteurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Loïc Hervé, rapporteur. Inutile de dire combien j’apprécie le satisfecit de notre collègue ! (Sourires.) Reste que, quand bien même il souligne les améliorations apportées par la commission des lois, il propose la suppression de l’article dans la rédaction à laquelle elle est parvenue…
Cela montre en tout cas que nous avons essayé, autant que faire se peut, en travaillant avec l’ensemble des membres de la commission des lois, de trouver des voies de passage, parfois un peu étroites. Les montagnards que nous sommes tous deux savent de quoi je parle : il n’est pas toujours simple de se faufiler et de trouver des solutions. (Nouveaux sourires.)
Il me semble que l’équilibre trouvé par la commission, qui a ajouté plusieurs précisions au texte, est désormais satisfaisant.
Concernant la possibilité de consultation des images lors des interventions, la commission a précisé les conditions opérationnelles justifiant cette consultation immédiate – par exemple, faciliter la recherche d’auteurs d’infraction, la prévention d’atteintes imminentes à l’ordre public, le secours aux personnes ou l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions – et ajouté une exigence de traçabilité des consultations ainsi réalisées, pour avoir la garantie que les images ne puissent pas être supprimées sur l’appareil lui-même.
Quant à la transmission en temps réel, elle semble pleinement justifiée, dès lors qu’elle est limitée aux cas de danger.
Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur une visite que vous avez faite voilà quelques semaines dans mon département, plus précisément à Annemasse. Elle a donné lieu à un temps d’échange nourri avec les forces de sécurité du commissariat de police de cette commune, au cours duquel nous avons discuté des nouveaux matériels en cours d’acquisition et de l’utilité opérationnelle que pourrait avoir la faculté de revisionner immédiatement les images, sans avoir à retourner au poste de police pour les décharger et les visionner sur un ordinateur. Il s’agit là d’une dimension pratique manifeste.
Je pense que, sur ces questions, le Sénat a trouvé une voie médiane, qui permettra de répondre aux souhaits de nos policiers et gendarmes.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 295 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 110, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« L’utilisation de caméras individuelles portées par les agents de la police nationale et les militaires a pour objectif premier la diminution des cas de recours illégal à la force, la prévention des violences policières et, en ce sens, le contrôle a posteriori de l’action de ces agents.
« Les images captées et enregistrées au moyen de caméras individuelles peuvent être transmises aux autorités compétentes, lorsque cette consultation est nécessaire pour faciliter la preuve d’infractions commises par un agent lors de l’exercice de ses fonctions, dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire l’impliquant.
« Dans le cadre d’une procédure judiciaire à l’encontre d’un agent, ces images seront transmises au parquet sous scellé, dès l’ouverture de la procédure. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.